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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Un nouveau nationalisme ?

Le débat sur l'immigration et l'intégration montre la voie d'un idéal à poursuivre qui ouvre la porte aux premiers pas d'une construction idéologique. Celle-ci se structure à partir d'une « doxa politique » au sens bourdieusien, un ensemble d'idées reçues relevées dans notre second chapitre. Ainsi, le modèle qui voit le jour fonctionne principalement à partir d'idées-forces, allant de fait au-delà de la croyance et s'inscrivant dans un imaginaire politique.

L'enjeu du politique consiste à déplacer les frontières du champ politique, et c'est ce qui est en oeuvre dans cette situation. On est dans un changement de paradigme au sens de Kuhn, avec une remise en question des frontières du champ. Le cas de l'immigration nous offre le meilleur exemple de cette construction en cours. Auparavant, le thème de l'immigration était traité à l'aide d'un vocabulaire social (classes, discrimination, justice, égalité). Aujourd'hui, celui-ci a laissé la place à des thématiques « essentialistes » telles que l'identité, la nation, la communauté... Nous percevons ainsi ce phénomène social à travers des cadres de représentation nationalistes. On rejoint ici Abdelmalek Sayad pour qui ces « structures structurées en ce sens qu'elles sont des produits socialement et historiquement déterminés, mais aussi structures structurantes en ce sens qu'elles prédéterminent et qu'elles organisent toute notre représentation du monde et, par suite, ce monde lui-même90(*) ». Cela nous permet donc d'articuler les récentes évolutions des représentations de l'immigré avec l'apparition d'une nouvelle conscience exacerbée de la dimension nationale de l'identité.

Ce modèle de catégorisation nationaliste s'explique par la dimension identitaire qu'a fini par prendre le concept de nation. Elle permet de distinguer ou d'exclure des individus de la communauté nationale alors même que la conception traditionnelle française de la nation est liée à la volonté. Comme l'a fort bien expliqué Benedict Anderson91(*), la nation est une « communauté politique imaginée », et se situe donc dans le champ des représentations collectives. Cette identité politique affecte l'identité singulière des individus concernés par son intégration dans la structure de l'inconscient. Dans le cas présent, elle permet de construire une frontière imaginaire entre des cultures, mais surtout entre des individus.

Sur quelles bases se construit ce renouveau de la nation ? Si l'on s'attache à une définition stricte et historique, le terme « nationalité » désigne « un caractère national. Esprit, amour, union, confraternité nationale, patriotisme commun à tous92(*) ». La nation semble en conséquence fondée sur de l'imaginaire, des passions et des fantasmes mais elle se caractérise aussi par le réel de l'exclusion de l'étranger et par le symbolique de la différence culturelle et des représentations de l'Autre.

Au regard des théories de la nation93(*), on se rend compte que prévalait historiquement le principe de Renan selon lequel le critère qui fonde l'appartenance nationale est un principe spirituel qui articule d'une part des souvenirs communs, liés à une continuité généalogique, et d'autre part la volonté et le désir du « vivre ensemble ». Non que cette vision soit rejetée, il nous semble que la volonté soit de plus en plus mise en avant dans les discours au travers du concept d'intégration, alors qu'on lui oppose parallèlement l'importance de l'hérédité comme porteur de l'identité française.

L'idéologie nationaliste n'est-elle pas un obstacle à un imaginaire positif de l'intégration ? Pourquoi la nation ne serait-elle pas cette volonté d'apparaître comme le plus petit dénominateur commun de milliers d'individus singuliers revendiquant la même identité politique ? La nation est un imaginaire, une utopie à géométrie variable qui offre selon son emploi une vision différente.

Dès lors, l'existence d'un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement relève du simple transfert d'un imaginaire néo-nationaliste dans le réel du pouvoir. De plus, la proposition de suppression de la double nationalité par Nicolas Sarkozy sera un élément de plus pour désambiguïser la question identitaire et la recentrer sur une vision d'une dualité impossible dans la communauté nationale. La nation n'est plus alors une question de volonté mais de choix entre des identités : l'immigration choisie.

Au-delà du symbolique, les représentations nous permettent d'envisager une analyse en termes d'idéologie. En partant de l'intégration, nous avons donc montré que le traitement de l'extranéité permet avant tout la définition d'une identité du soi-national. D'ailleurs, on trouve dans ce processus d'intégration une volonté d'attribuer, selon l'expression de Jean-Marie Le Pen, une « identité totale » permettant une harmonisation culturelle et une extinction de l'altérité. Finalement, l'idéologie en présence réinvestie les cadres de la nation, ce qui lui permet de dépasser les institutions politiques et religieuses et de retrouver un élément de stabilité en reconduisant les représentations politiques de son passé.

* 90 SAYAD, Abdelmalek, La double absence, Des illusions de l'immigré aux souffrances de l'immigré, 1999, p. 396.

* 91 ANDERSON, Benedict, L'imaginaire national : réflexions sur l'origine de l'essor du nationalisme, 1996.

* 92 Première apparition du terme « nationalité » dans le dictionnaire de Pierre Boiste en 1823.

* 93 NOIRIEL, Gérard, État, nation et immigration, 2001.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius