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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Conclusion

Il suffit d'écouter pour entendre.

Tout au long de ce travail, nous avons essayé d'entendre ce qui s'échangeait lors du discours autour de la loi CESEDA. A travers un très grand corpus, il s'est avéré que les échanges dans le cadre parlementaire présentaient des caractéristiques fondamentales pour comprendre le traitement d'un fait social autour duquel règne toujours un net malaise et une certaine confusion.

Dans notre premier chapitre, nous avons démontré en procédant à une analyse précise de l'ensemble des discours dans l'espace public l'importance du temps et des évènements dans le débat. Avec le concept d'inter-évènementialité, nous avons souligné qu'il est essentiel de procéder à une analyse des évènements conjoints à l'objet d'étude pour mieux l'envisager. Ainsi, le débat sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration a été « percuté » par la crise du CPE qui a alors entraîné son traitement à partir de la question de l'immigration de travail. Cela a permis d'assister à un débat sur les deux composantes essentielles de l'identité : l'appartenance professionnelle et l'appartenance nationale. Nous avons aussi expliqué que l'existence même de ce débat était liée à l'échéance présidentielle de 2007, ce qui transparaît particulièrement dans les prises de position de la part du ministre de l'Intérieur.

L'entourage de l'ensemble des discours dans l'espace public nous a conduit à constater l'existence d'une onde discursive qui s'est propagée à partir du texte de loi, mais qui a traversé l'ensemble des champs de l'espace public. Ainsi, le discours des acteurs de l'économie solidaire a trouvé un écho dans le champ des acteurs du pouvoir et dans celui des médias. Dès lors, il est intéressant d'assister à l'organisation et aux parcours des argumentations dans l'espace public du débat.

Au cours de notre second chapitre, nous avons centré notre analyse sur les représentations de l'immigration et de l'immigré. Dans la mesure où il est difficile de capter dans l'échange symbolique la formulation de représentations complètes, nous avons sollicité un certain nombre de travaux sur ce thème. Tous aboutissent à un constat similaire : les représentations d'aujourd'hui sont marquées par les stigmates de la colonisation et des décolonisations. En outre, la médiation des évènements liés à l'immigration en France a produit une structure stéréotypée de l'arabo-musulman comme icône de l'étranger. Les mécanismes de l'altérité ont aussi entraîné le renvoi d'un ensemble d'attributs négatifs sur l'Autre. On peut conclure que les représentations portées par le Front national tendent à se diffuser dans l'espace public. Ainsi, nous avons constaté que le fait migratoire est toujours appréhendé sous la forme d'un « problème » comme l'expliquait déjà Simone Bonnafous dans les années 1980. Les discours soulignant le rôle positif de l'immigration et son rôle important dans l'évolution de l'identité collective sont marginaux, et principalement issus des institutions religieuses.

Il faut également revenir sur notre analyse des interruptions en séance à l'Assemblée nationale. Nous avons entamé une analyse qui mériterait d'être approfondie et menée avec une rigueur extrême sur un corpus plus étendu. En effet, cette forme de communication non autorisée nous semble être un des seuls outils, voire l'unique, qui permet de mesurer l'irruption de l'inconscient au coeur du langage. Ces fragments discursifs dépassent le cadre d'une simple interruption institutionnalisée comme l'avance Cabasino ; ils sont les expressions d'un surgissement des racines profondes d'un imaginaire. Dès lors, ces quelques mots parsemés à travers le flot de discours pourraient nous offrir une information précieuse pour restituer dans le détail les composants d'une idéologie.

Enfin, lors d'un ultime chapitre, nous avons initié une démarche pour montrer qu'une analyse des représentations offre la possibilité d'étudier une construction idéologique.

Le thème de l'intégration permet la formulation de l'identité de soi. En effet, en assignant à l'Autre un « devoir » d'intégration, nous avons constaté que les acteurs du pouvoir structurent les cadres de ce processus social. Se faisant, ils tracent des frontières entre l'étranger et le national, entre l'Autre et le Soi. C'est à travers ce travail de division de l'espace des valeurs que les législateurs définissent leurs représentations de l'identité nationale. On passe alors par l'Autre pour parler de Soi.

A partir de là, nous avons souligné le réinvestissement d'un imaginaire d'incompatibilité entre les cultures ne partageant pas les mêmes valeurs universelles en évoquant le début d'une évacuation de la division marxiste de la société. Le pays qui se bat pour la reconnaissance de l'exception culturelle s'entoure aujourd'hui d'un cordon sanitaire pour éviter de contaminer une « culture française ». Au terme de notre travail, nous avons soulevé la possibilité de l'apparition d'un nouveau nationalisme. Celui-ci tend à oublier la notion de volonté dans la construction de la nation pour prendre en compte des éléments culturels associés à l'hérédité.

Pour terminer nous voudrions proposer des perspectives d'approfondissement de notre travail. Nous les formulerons à partir des composantes essentielles de l'identité :

Le temps

Les liens au temps se sont avérés essentiels. Il s'agit de la question de l'histoire, de la mémoire et de l'inter-évènementialité. Ce dernier concept, que nous avons largement illustré, mériterait une théorisation précise sur le champ des médias. Les contaminations réciproques entre les évènements doivent mériter toute notre attention car elles permettent une approche complète et se révèlent être un outil précieux pour comprendre les prises de position des trois types d'acteurs de l'espace public.

La question du temps nous mène à réinvestir les concepts de « temps long » et de « temps court » formulés par l'École des Annales. Leur articulation semble fondamentale dans la construction des identités et des représentations. Il serait particulièrement intéressant d'analyser ainsi le renouveau d'une idéologie nationaliste. Le retour d'imaginaires politiques plus que centenaires dans le temps de ce débat, puis dans celui de la campagne présidentielle de 2007, nous laisse à penser que les discours actuels s'inscriraient dans un « temps long » de l'idéologie politique. Il existerait une filiation entre les théorisations du nationalisme au XIXe siècle et leur reformulation actuelle : les logiques de l'identité sont toujours les mêmes et s'articulent de manière semblable à travers les époques. Ainsi, le nationalisme de Barrès partage avec l'idéologie actuelle le culte de la terre et des « grands hommes ». Cela s'explique par une imprégnation des acteurs politiques contemporains par des références historiques liées à cette période et probablement par l'intégration inconsciente d'un certain nombre de ces représentations imaginaires.

La langue

Elle est un outil incontournable pour l'analyse. Sa place est d'autant plus importante dans un travail centré sur les idéologies. Comme le soulignait Freud, c'est le « lieu où se dit, littéralement, l'organisation inconsciente qui sous-tend les actes concrets94(*) ». En allant au-delà de la matérialité de ce système sémiotique premier, nous entrons au coeur d'une institution collective c'est-à-dire du politique. Chaque énonciation exprime une appartenance, une sociabilité auxquelles est par exemple lié le « contrat d'intégration » décrit au cours de ce travail.

Dans le cadre du débat sur la loi CESEDA, les discours des acteurs politiques ont placé la question de l'apprentissage de la langue comme l'élément indispensable pour acquérir la nationalité française ou pour devenir un étranger intégré. Par conséquent, il serait intéressant d'approfondir ce travail pour connaître précisément les représentations de la culture française débattues à l'Assemblée nationale et la place accordée à la langue. De nombreux débats agitent l'espace public sur la nécessité de préserver la langue française pour pouvoir protéger l'identité qui lui est associée. Ainsi, l'analyse des discussions au Parlement sur l'enseignement du français à l'école, sur la francophonie et sur la culture pourraient permettre de voir les représentations de la langue et ses liens avec une « culture française » que lui attachent les députés.

La loi

Enfin, nous voulons terminer sur la question de la loi. Elle est essentielle dans les mécanismes de l'identité. Sans cesse, nous revenons vers elle : la loi c'est le langage, c'est un discours, c'est ce qui structure l'inconscient... La loi, qui est une parole, structure l'inconscient et elle conduit à faire entrer dans le réel ce qu'elle énonce dans le symbolique. Dès lors, celui qui ne respecte par la loi brise l'indistinction et la prévisibilité. C'est par la parole d'un jugement sur sa personne par un représentant du collectif qu'il sera rappelé à respecter les lois communes qui fondent l'espace de la sociabilité.

A ce propos, il serait fort intéressant d'étudier la place de la langue dans l'application de la loi. Dans ce travail, il est apparu que la langue joue un rôle fondamental dans le débat sur la loi. Mais c'est davantage du côté de la communication judiciaire qu'il serait intéressant de se placer. La place du langage dans la justice revêt un rôle essentiel. La loi présente deux phases entre une perception collective et une individualisation de son application. Elle représente la médiation entre l'espace de la singularité et l'espace public, alors qu'elle intervient aussi dans la construction de la langue. L'articulation entre la loi et la langue renvoie dans le champ du politique un élément stable pour construire une identité, communiquer, et produire des représentations sur le monde.

* 94 GUILLAUMIN, Colette, L'idéologie raciste, 2002.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein