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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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De « Jeunes et Jetables30(*) » aux travailleurs immigrés jetables

L'évènement CPE s'est trouvé reproduit dans celui du débat de l'immigration. La recette semble la même et les effets dans l'espace politique seront rapidement reformulés tant par les médias que dans les interventions des parlementaires. Le vocabulaire militant et les slogans sont largement réemployés par les quotidiens : ainsi le 10 février 2006, l'Humanité évoque les « bons et les mauvais immigrés » alors que Libération consacre une double page : « Etrangers bienvenus si souhaités ». En plein coeur du débat, Le Monde parlera de « la lente course d'obstacle des immigrés », Libération ironisera sur « l'étranger passé au tri sélectif » alors que l'Humanité attaquera durement « Cette loi qui crée des sous-citoyens ». Le vocabulaire volontairement imagé fonctionne comme le rappel des argumentations simples des associations pour lesquelles l'emploi d'un vocabulaire hautement symbolique et imagé permet de diffuser simplement un message clair et fédérateur.

Dans son premier communiqué31(*), le collectif « Uni(e)s contre une immigration jetable » dénonce rapidement une perspective utilitariste :

« Le document de travail du gouvernement daté du 18 décembre 2005 qui prépare une nouvelle réforme du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) peut être qualifié d'inhumain. Il conduit à une négation radicale des droits fondamentaux de la personne.

Le projet s'inscrit délibérément dans une perspective utilitariste. Ne sera acceptable en France que l'étranger perçu comme rentable pour son économie. Ni sa personne ni sa situation personnelle ne lui confèreront désormais de droits, au point que les régularisations deviendront quasi impossibles. Quant à l'acquis de plus de vingt ans de la carte de résident, le projet poursuit l'entreprise de son démantèlement. »

Ce message est très largement amplifié par les organisations syndicales. Celles-ci sortent revivifiées et légitimées après plusieurs âpres combats et se lancent entièrement sur la thématique du travail. Force ouvrière rappelle que  « les travailleurs ne sont pas une marchandise32(*) » :

« Ne considérer les travailleurs que du point de vue de leur utilité économique éventuelle, en faisant peser sur eux la crainte permanente de la perte de l'autorisation de séjour ou de résidence et en durcissant la possibilité de vivre en famille relève, pour FO, d'une logique de stigmatisation contraire à l'esprit républicain et rend plus difficile, pour les travailleurs migrants résidant régulièrement en France, la possibilité de s'intégrer. »

Pour l'Union nationale des étudiants de France il n'est pas « acceptable » que l'étranger soit perçu comme rentable pour l'économie française. La CGT dénonce pour sa part la main d'oeuvre corvéable que représentent les sans-papiers pour le patronat :

« Ne nous trompons pas : ces étrangers non régularisables resteront pour la plupart en France, parce que les expulser tous n'est la volonté ni du gouvernement, ni du patronat. En effet, ce dernier disposera d'une main-d'oeuvre exploitable sans aucun contrôle, sans aucune limite, sans aucune possibilité de se défendre.

Ceci permettra au patronat d'accroître la mise en concurrence de tous les salariés, favorisant les divisions, pour son plus grand profit. De fait, l'ensemble des salariés verront leurs conditions de travail et de rémunérations « tirées vers le bas » 33(*). »

Si le mouvement luttant contre la représentation de l'immigré comme une marchandise a été instauré comme un acteur important, il existe une nouvelle contamination sémiotique, un nouveau débordement qui se déroule cette fois dans le cadre parlementaire. A partir du modèle du CPE, les députés du Parti socialiste et du Parti communiste ont porté la voix de la rue dans l'hémicycle. Le traitement de ce débat par les élus s'est construit, dans le temps long d'une opposition, comme le second moment du CPE. Ainsi, le 25 avril 2006, Laurent Fabius (PS) écrit dans une tribune du Monde :

« En réalité, la proposition du CPE et celle de l'« immigration choisie » suivent un même fil rouge : la précarité. Ce que le gouvernement a voulu faire avec les jeunes, il cherche désormais à l'imposer aux étrangers : moins de droits et plus d'insécurité, avec, au total, le même risque de désordre. »

Pour renforcer leur soutien au mouvement, trois secrétaires nationaux du PS signent avec Kader Arif une tribune dans Libération reprenant pour titre le slogan associatif : « Non à l'immigration jetable ». Dès lors, c'est la voix des opposants qui entre à l'Assemblée nationale. La communication politique socialiste est à ce moment là très développée. Ce parti qui doit reconstituer sa base électorale procède à une re-présentation élective au sens strict.

* 30 Slogan de l'Union nationale des étudiants de France lors du mouvement contre le CPE.

* 31 Voir des extraits de communiqués en annexe n°9 et n°10.

* 32 Titre du communiqué de Force Ouvrière du 13 avril 2006.

* 33 Communiqué de la CGT du 11 février 2006.

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