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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Un combat parlementaire analogue à la mobilisation contre le CPE

L'ensemble de l'argumentation d'opposition se construit à partir des axiomes simples présentés par le ministre de l'Intérieur. Ainsi, sa politique de quotas se justifie par la nécessaire liberté de l'État dans ses choix d'accueil. L'extrait ci-dessous nous permet de voir comment son propos fut justifié lors de l'ouverture du débat à l'Assemblée nationale le 2 mai 2006 :

« Ma conviction est que, comme toutes les grandes démocraties du monde, la France doit pouvoir choisir non seulement le nombre des migrants qu'elle accueille, mais aussi les objectifs et les conditions dans lesquels elle le fait.

L'immigration choisie est le contraire de l'absence d'immigration. C'est aussi le contraire de l'immigration subie - subie par les Français et par des migrants qui ne trouvent en France que l'échec. Elle crée d'abord la possibilité pour l'État de fixer des objectifs quantifiés d'immigration afin de déterminer la composition des flux migratoires, dans l'intérêt de la France comme dans celui des pays d'origine. »

La reprise de l'argumentation autour du travail et de l'évènement CPE se produit en trois temps au sein de l'hémicycle. Dans un premier temps, le recours au CPE permet à l'opposition d'insister sur la situation délétère de la conjoncture politique, elle brandit le retrait du CPE comme un trophée qui rappellerait son récent succès. Ainsi Bernard Roman (PS) entame le débat sur ce mode :

« - M. Bernard Roman. Monsieur le ministre d'État, six mois presque jour pour jour après les graves événements qui ont secoué nos banlieues, et au lendemain des manifestations étudiantes qui vous ont conduit à retirer le CPE,...

- M. Claude Goasguen. Cela commence bien !

- M. Bernard Roman. ...voici que vous soumettez à la représentation nationale un nouveau texte qui, sous couvert d'intégration, tend à durcir encore les conditions de vie des immigrés dans notre pays. Il s'agit du second texte en trois ans sur le même sujet, d'un deuxième tour de vis, comme si vous souhaitiez rythmer ainsi votre parcours ministériel ».

Il est aussitôt suivi par la députée communiste Muguette Jacquaint (PCF) qui dresse alors un lien étroit entre les différentes lois :

« Cette mesure va d'ailleurs de pair avec une autre disposition selon laquelle la rupture du contrat de travail entraîne ipso facto le retrait du titre de séjour qui lui était lié. C'est à proprement parler l'invention de l'immigré « kleenex » !

Le gouvernement demeure donc dans la même logique qu'avec le CNE et le CPE, à savoir la précarité généralisée pour les salariés. L'esprit est en effet le même : au « jeune jetable » du projet de loi sur l'égalité des chances fait suite l'« immigré jetable », qui peut être un jeune, du projet de loi sur l'immigration.

Les députés communistes et républicains espèrent de tout leur coeur que ce texte subira le même sort que le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) »

Lors d'un second temps, la mobilisation contre le CPE, reconstituée au sein du collectif Uni(e)s contre une immigration jetable, permet à l'opposition de conforter ses positions en s'appuyant sur un mouvement populaire. Le nombre important des acteurs du collectif et leur hétérogénéité permettent aux socialistes de se positionner dans une stratégie de rassemblement. Bernard Roman (PS) use notamment de cette mobilisation pour renforcer son argumentation :

« Plus de 500 organisations se sont regroupées, au sein d'un « Collectif contre l'immigration jetable », pour défendre les droits fondamentaux menacés par votre texte, combattre votre volonté de réduire l'étranger à sa force de travail et insister sur la nécessité de sécuriser les populations fragilisées. La plupart des syndicats dénoncent votre approche utilitaire et sécuritaire de l'immigration. Le Conseil des Églises Chrétiennes, ému par l'inhumanité de ce texte, regrette « la perspective utilitariste de cette réforme ». »

On constate ici que dans une brève intervention, le député du Nord combine les réactions du collectif incontournable, celui qui fait l'évènement, mais aussi les paroles des syndicats, et des Églises chrétiennes. La formule « plus de 500 organisations se sont regroupées » donne au discours politique une puissance d'opposition réelle et les députés tendent alors à se construire une identité de porte-parole pour tous ceux qui, pour des raisons parfois diverses, s'opposent au projet en débat.

Dans un troisième temps, la communication parlementaire devient plus polémique par la production d'une dénonciation politique. On assiste à un procédé de reformulation des thématiques associatives conjoint à une dynamique traditionnelle d'opposition frontale qui conduit à des dénonciations fortes et la mise en avant des oppositions idéologiques classiques à l'aide de signifiants connotés dans le champ politique. C'est ainsi que le député de Saône-et-Loire Arnaud Montebourg (PS) reprend une argumentation qui se développe dans l'espace public pour la faire aboutir sur une confrontation de représentations politiques, en partie individualisée afin de ramener le fait politique sur le plan de personnalités dont la simple évocation du nom permet une forte identification symbolique.

« C'est une approche strictement économique de l'immigration, qui réduit l'être humain, « l'immigré choisi », comme vous dites, à sa seule force de travail. Elle accepte le tri entre les travailleurs et organise au profit des entreprises soucieuses d'économiser le prix du travail une compétition déloyale permettant à celles-ci d'éviter de mieux payer les métiers ingrats et précaires qu'elles proposent [...]

Vous êtes, à cet égard, dans un projet ultralibéral inspiré par les idées les plus dérégulatrices. Vous faites alliance avec Jean-Marie Le Pen en violant les principes régissant l'immigration familiale. Vous faites alliance avec Laurence Parisot, en ouvrant les vannes de l'immigration du travail et en ouvrant la compétition entre les travailleurs. »

On assistera dans la suite du débat à un élargissement du réemploi de l'évènement CPE dans le discours parlementaire par le biais d'une généralisation et d'une application à toutes les composantes de l'immigration. Ainsi le slogan « jetable » sera décliné sur l'ensemble des catégories de l'immigration : mariage, travail, séjour, enfants, asile... afin de dénoncer le haut degré de précarité des immigrés.

Nous avons montré dans cette partie l'importance d'une analyse en terme d'inter-évènementialité. Les deux évènements se sont mutuellement « contaminés » en permettant la poursuite dans le temps d'un cycle de discours. Le débat sur l'immigration s'est ainsi déplacé sur celui du travail qui, touchant chacun dans son quotidien, a finalement transféré le débat du thème du contrôle de l'immigration à celui de la place de l'immigration dans l'ensemble de la société.

Afin de poursuivre, il convient de rappeler que l'échec du CPE a également entraîné de fortes résonances dans le monde politique. En plus des suspicions soulevées par l'affaire Clearstream, la contestation sociale a mis en difficulté sur le plan stratégique le Premier ministre et le Président de la République. Nicolas Sarkozy s'impose dès lors comme l'unique « présidentiable » pour le parti qu'il préside. Cet évènement doit être directement relié au récit en cours d'élaboration de la « course » à la Présidence de la République.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway