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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Les élections présidentielles de 2002 et de 2007 : deux évènements déplaçant l'enjeu du débat.

L'élection présidentielle de 2002 et celle de 2007 apparaissent comme des évènements étroitement liés. En 2002, l'absence de la confrontation traditionnelle entre la droite et la gauche a donné au traitement médiatique de la vie politique la forme d'une campagne électorale continue. Les élections présidentielles de 2002 et 2007 ont donc marqué l'instauration de ce débat sur l'immigration et l'identité. La surprise déclenchée par la présence du leader du Front national au second tour a mis à jour un inconscient jusqu'alors refoulé. L'imaginaire porté par le leader populiste s'est transféré dans le réel de millions de bulletins de vote. Dès lors, un débat s'est organisé dans l'espace public, menant à la mise à l'agenda politique des axes développés par Jean-Marie Le Pen : refus de l'immigration et des institutions supranationales, recherche d'une identité nationale, protectionnisme sur le capital et le travail... Une conscience démocratique s'est réveillée pour interpréter la « vérité » qui recouvre le succès de tels arguments politiques.

Un projet de loi électoraliste

Ces évènements nous permettent de comprendre l'enjeu électoral que sous-tend le projet de loi CESEDA de 2006. Cette nouvelle loi sur le thème de l'immigration est apparue comme électoraliste. Dans le traitement de la vie politique comme une campagne électorale, le processus d'ouverture explicite à l'électorat du Front national de Nicolas Sarkozy n'est pas passé inaperçu. En effet, le président de l'UMP propose dans son texte des mesures de fermeté en s'engageant sur des thématiques jusqu'à présent défendues par l'extrême droite. L'enjeu est ici celui d'une crédibilisation de l'UMP sur le débat autour de la nationalité.

Quelques mois avant l'ouverture du débat parlementaire, le ministre de l'Intérieur entreprit une campagne de communication politique structurée autour de formules percutantes destinées à provoquer un débat d'opinion sur l'immigration. Ainsi, la phrase « si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter » n'est pas sans rappeler le slogan du FN « La France, aimez-la ou quittez-la ». Le 29 mars 2006, le ministre annonce qu'il cherche « à séduire les électeurs du FN, j'irais même les chercher un par un, ça ne me gêne pas ». La construction du discours réside ici sur une opposition binaire, d'apparence simpliste, mais dont l'effet rhétorique est puissant. Il permet d'opérer une division tout en suscitant l'adhésion grâce à la logique de la formulation.

L'étude des discours du ministre offre un panel assez complet des méthodes offertes par la rhétorique34(*). L'ensemble de sa démarche est structuré sous l'égide du bon-sens et du pragmatisme, ce qui lui permet de marquer une rupture avec l'idéologie des échecs passés des politiques socialistes. Voici de quelle manière il introduisit son projet de loi lors de son discours d'ouverture à l'Assemblée nationale :

« Ma conviction est que, dans une démocratie moderne, l'immigration n'est pas un sujet tabou. Dans tous les pays d'Europe, l'immigration est considérée pour ce qu'elle est : un sujet de société, une question politique majeure, engageant l'avenir d'une nation. Dans toutes les démocraties, il est permis d'en débattre, sans avoir à s'excuser d'un débat extrêmement nécessaire.

Je rejette de la manière la plus nette le poncif habituel des mouvements d'extrême droite selon lesquels il existerait des cultures "impossibles à intégrer".

La meilleure preuve de l'équilibre du projet de loi, me semble-t-il, est qu'il fait l'objet d'attaques virulentes aussi bien de la part de l'extrême droite, qui m'accuse de laxisme, que de certaines franges de la gauche, qui m'accusent de xénophobie.

Sur un sujet aussi important, puisqu'il est celui de l'identité de la France dans trente ans, il était absolument anormal que cela soit le leader de l'extrême droite qui fixe le cap, même si nous le refusions, car le refuser, c'était se positionner par rapport à Le Pen. Or, qu'est-ce que Le Pen peut faire pour incarner l'avenir ? Rien ! Qu'est-ce que Le Pen peut faire pour incarner l'espérance ? Rien ! »

Nicolas Sarkozy se positionne ici dans un discours « centriste » face auquel il oppose à droite une idéologie de l'immigration zéro et à gauche une idéologie laxiste. En vidant la thématique de l'immigration de l'ensemble des composantes de sa récente histoire politique, il en vient à affirmer qu'il est le seul à présenter une alternative crédible au Front national.

De telles interventions ne seront pas sans répercussions dans l'espace public. On peut constater ici que la parole a valeur d'évènement. Les quotidiens que nous avons sélectionnés ont vivement réagi aux interventions du ministre. En effet, cela vient renforcer le thème de l'immigration jetable en démontrant que les fondements du projet de loi visent à capter un électorat ciblé. Les lecteurs vont à nouveau être institué comme acteurs d'un refus de l'extrémisme. A partir des quelques éléments dont nous disposons, nous pensons que la couverture médiatique de ce débat a fortement contribué à construire une image négative de Nicolas Sarkozy. En effet, le lien entre l'UMP et le FN a été présenté sous la forme d'un mimétisme, d'une pâle copie construite visant à toucher l'inconscient de la « majorité silencieuse ». Dès le mois de décembre, Le Monde évoque « Le Pen dans le texte... des autres » avant de titrer « Sarkozy drague les électeurs du Front national » après son intervention sur la nécessité d'aimer la France. Le premier quotidien français se constituera comme une véritable opposition politique jusqu'à la fin du débat où, en le plaçant « sur les traces de Pasqua », les journalistes estiment qu'il « renoue avec la conviction qui, dans les années 1984-1997, a nourri à la fois la frénésie législative, les venimeuses surenchères sur l'immigration et la renaissance de l'extrême droite ». Selon Libération, on ressent « À droite, le bruit et l'odeur de la xénophobie », le journaliste Antoine Guiral souligne que « Nicolas Sarkozy, comme Philippe de Villiers, braconne sans complexe sur les terres du Front national ».

Il nous faut également aborder l'existence même du projet de loi discuté en avril 2006 qui doit être relié à l'élection de 2007. La question des migrations peut faire l'objet d'un traitement par la voie réglementaire, comme ce fut le cas en 2000, ou comme c'est ici le cas par une loi35(*). Mais nous pouvons nous étonner que cette « nouvelle politique de l'immigration » annoncée par Nicolas Sarkozy ne se fonde pas sur une loi-cadre mais autour de quelques formules seulement. Cette loi est électoraliste, et elle offre au gouvernement un espace de communication et de structuration des identités très important.

Le discours parlementaire est le moment symbolique de la représentation au cours duquel une communication est mise en scène dans le cadre des discussions préalables au vote. Comme nous l'avons montré précédemment avec l'exemple du député Montebourg, cette communication repose souvent sur une rhétorique d'oppositions binaires pour marquer dans l'espace discursif les clivages symboliques. Comme le souligne Bernard Lamizet, l'élaboration de la loi est une activité de communication, c'est pourquoi la parole fonde la sémiotique du fait politique. C'est le temps de l'échange de signifiants permettant aux destinataires d'y adjoindre des « formes symboliques de l'actions politique ». La majorité a ainsi bénéficié à la veille d'une élection importante d'un espace de visibilité conséquent nécessaire à la diffusion de représentations destinées à une partie ciblée de l'électorat.

* 34 BERTRAND, Denis, et al., Parler pour gagner. Sémiotique des discours de la campagne présidentielle de 2007, 2007.

* 35 BAROU, Jacques et LE, Huu Khoa (dir.), L'immigration entre loi et vie quotidienne, 1993.

BRUSCHI, Christian, « L'immigré saisi par le droit », L'interculturel en question, n°49-50, 1986, p 43-54.

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