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Le corps mis en scène dans une médiation théâtrale

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par Farida Amiou
Université Paris Denis Diderot, Paris VII - Master 1 de psychologie 2007
  

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-1.2.3) Processus de création dans ce temps d'expression :

Parler de soi et de ses émotions revient à montrer sa fragilité, sa vulnérabilité et à se mettre en danger : chose insupportable. Parler est aussi un moyen de se séparer, d'introduire un tiers, entrée dans le langage comme prémisses de la subjectivation, en ce qu'il permet de se séparer de l'autre maternel.

En même temps, le théâtre est une façon intéressante et distanciée de travailler sur soi en ce que le personnage offre comme proximité avec la personne qui joue. Cette situation d'improvisation permet de livrer quelque chose de soi sans prendre trop de risque. Cette activité n'est pas menaçante tant elle invite de parler d'un autre subjectif, celui du personnage. Cette convocation de soi-même, via le personnage suscite une vive mobilisation psychique, permettant ainsi un décentrage de soi pour se tourner vers l'autre, vers l'extérieur. En effet, les participants sont assujettis à de nombreux symptômes ayant un effet d'attraction vers leur être, se coupant ainsi des autres. L'atelier théâtre peut devenir une sorte de liguant entre le soi et l'autre, ce qui est habituellement coupé par les ciseaux du symptôme. Il y a là un processus de très subjectivant, faisant défaut chez ces adolescents hospitalisés. Processus subjectivant et une dialectique où peuvent se réaménager quelque chose de la relation à l'autre.

Martine a beaucoup de difficultés à investir une médiation, mais dès lors qu'elle bénéficie d'un étayage suffisant, elle peut poser son « manteau symptôme » pour prendre celui d'un autre, celui d'un personnage de scène. Ceci serait un « double » permettant l'expression fantasmatique en prémisse d'une véritable subjectivation.

L'atelier théâtre peut être un sas, un relais d'une pensée amorcée dans le service venant se rejouer. Il offre une mise en forme par le créer s'opérant comme une surface de liaison de l'angoisse et du détournement des pulsions auto et hétéro agressives.9(*)

Son implication serait-elle permise par la fonction de tampon que peut joue ce moment de création ? Tampon qui permet d'emmagasiner de l'énergie pulsionnelle en dehors du dedans et de parer d'un retournement de pulsions agressives contre elle-même10(*) (retournement que Martine connait trop bien).

La situation de représentation permet aux participants d'éprouver du plaisir à être autre, souvent différent de celui qu'il revendique être.

Martine, lors des improvisations arrive à représenter cet autre là si lointain de ce qu'elle est : cet être envahi par une marée de symptômes. Comprend elle qu'investir un autre n'est pas une source de perte de soi ? La situation de représentation relance inéluctablement le processus identitaire.

Dans l'atelier théâtre pratiqué dans cet établissement où est prise en charge Martine, l'improvisation est de rigueur, ainsi elle permet de ne pas tomber dans du « prêt à penser ». Elle autorise une certaine évasion, une rêverie poétique formant une promenade dans l'espace imaginaire.

Ce va et vient rendu possible par le théâtre permet d'aller et venir entre le soi et le personnage, offrant la possibilité d'intégrer, pour les participants, leur propres limites. Limites qui font défaut chez Martine et dont elle recherche les contours à travers l'autre, allant parfois jusqu'au corps à corps.

Le jeu théâtral confronte les participants à la règle du jeu (énoncée en début de séance et déroulé tout au long de celle-ci) leur permettant ainsi de renégocier leur rapport à la loi symbolique en partant de soi pour aller vers les autres, vers l'autre. Le « faire semblant » est une règle dictée pour protéger et respecter le joueur et son partenaire de scène. En même temps, dans ce « faire-semblant » il y a une authenticité du jeu des participants qui est permise par le cadre énoncé, par la règle qui unit et protège. Le Moi se trouve du côté de l'imaginaire (très sollicité dans le jeu théâtral) alors que le Je se range du côté du symbolique, de l'éthique. Le Moi serait la clef de voute entre ce qui existe du participant et du personnage.

Il n'y a pas de scène sans acteur et pas de théâtre sans publique. Le publique implique la notion de regard. Comme l'explique Céline Masson11(*) le regard permet de se sentir exister. Ce regard, peut donner une consistance, un plein nourricier en ce sens qu'être regardé signifie : exister.

Le regard peut faire tiers dans le processus de création en se sens que le spectateur tient une place dans le processus de création qu'il regarde. Ce même regard peut être générateur d'un vécu persécutif ou dépressif : être jugé par le spectateur12(*). Chez Martine, ce regard « jugeur » elle y est très attentive au moment de la fin de l'improvisation qui est un moment où le public fait un retour sur ce qui vient d'être jouer. Martine semble très friande ce moment qui semble lui restituer un bout d'elle-même qu'elle vient d'exposer. Le regard de l'autre comme un miroir de ce qu'elle vient de montrer. Quand elle écoute, elle semble écouter avec ses yeux se mettant en chasse de tout ce qui pourrait être dit autrement que par les mots : ne pas en rater une « miette », elle semble dévorer ce retour, s'en remplir.

Le jeu et l'humour issus de la confrontation entre soi et le personnage offrent un espace libre de penser et une appropriation des processus psychiques. Le jeu crée une sphère potentielle d'expérience en continuité avec le jeu chez l'enfant13(*). Les participants étant dans l'univers du jeu, du « faire sans risque », du côté de l'intersubjectivité d'appartenance à un groupe peuvent se lancer dans ce jeu.

L'art n'est pas une thérapie mais un moyen d'expression14(*), moyen que Martine manie avec talent et plaisir. Ceci invite à réfléchir sur la notion de soin dans l'avant et l'après coup, pour ensuite s'interroger sur la place du transfert dans un tel dispositif.

* 9 .MASSON.C : L'angoisse et la création, essai sur la matière. L'Harmattan, 2005

* 10 Ibid

* 11C. MASSON. L'angoisse et la création. Paris, L'Harmattan, 2005 P83

* 12ibid

* 13 0. COUDER. La création artistique facteur d'épanouissement des personnes handicapées, in La revue Sésame N° 152, 2004)

* 14 C.MASSON : « séminaire de Master I » du 22/10/2007

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams