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Le corps mis en scène dans une médiation théâtrale

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par Farida Amiou
Université Paris Denis Diderot, Paris VII - Master 1 de psychologie 2007
  

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-1.2.4) Le soin dans l'avant et l'après coup :

-L'avant coup

La notion de soin est à envisager, selon moi, dans l'avant et l'après coup quant à ses effets.

En effet, le soin peut avoir un effet immédiat, instantané tel un pansement, une injection d'antalgique, par exemple, mais l'effet du soin peut surgir et ou se prolonger dans le temps.

Il est intéressant d'aborder la notion de soin en deux temps : avant et après l'atelier ; le pendant étant un espace de création, d'expression qui vient se nicher entre deux temps « thérapeutiques ».

Le premier temps, celui de l'avant l'atelier est une démarche d'évaluation sur l'aptitude psychique du patient à participer ou pas à l'atelier. Peut-il supporter cette situation de groupe et d'improvisation ? D'une manière générale, la phase maniaque, les états délirants ou une condition physique précaire (tel un amaigrissement trop important) représentent les principales contre indication sur lesquelles les équipes s'accordent. Ce temps là se déroule sans le patient, et la décision lui est restituée ensuite.

Martine s'est vue refuser l'accès à l'atelier quand elle traversait des phases d'excitation psychique désorganisantes et/ou quand son poids était trop faible s'accompagnant de signes physiques tels qu'une bradycardie.

La discussion autour de la contre-indication se reprenait ensuite avec elle, même si cette dernière le vivait extrêmement mal.

Ce temps de discussion était une occasion de se replacer par rapport aux symptômes de Martine avec l'idée de lui en faire saisir leur existence et leur gravité. Effectivement, comme mise en orbite, elle était dans un déni massif des risques de pareils signes, notamment son amaigrissement.

La difficulté était de saisir cette contre-indication pour tenter de raccrocher Martine à sa réalité, certes douloureuse, sans que cette démarche ne soit vécue comme punitive.

Par soucis d'honnêteté il faut bien admettre que Martine pouvait susciter de telles contre attitudes qu'il était tentant d'agir sous le versant d'une sanction ! Le travail et la réflexion institutionnels permettaient de ne pas tomber dans cet écueil...(pas trop souvent) !

Bien sûr, la discussion ne se faisait pas qu'à partir des contre-indications. Elle suscitait débat sur les indications. Effectivement, quand nous évoquions Martine pour cet atelier, nous pensions à ce qu'elle pouvait y trouver, y créer, prendre et construire.

Cet avant est vraiment un temps qui amorce le « pendant » de l'atelier. Il l'amorce d'autant que la venue ou non d'un adolescent est surtout prise dans l'investissement et le transfert qui existe entre l'adolescent et le soignant référent de l'atelier : ici c'était moi.

En effet, selon ce qui se passait dans le service et par conséquent les sentiments projetés sur l'équipe soignante qui allaient de pair, les adolescents adhéraient ou pas à l'atelier. La dynamique groupale du moment influait beaucoup sur la fréquentation et le déroulement de l'atelier. Par exemple, un événement difficile à vivre pour le groupe qui survient dans l'unité de soins, peut générer un mouvement d'hostilité envers l'équipe. Ce mouvement d'hostilité peut se traduire par un « boycott » de l'atelier ou tout simplement y aller avec l'intention d'y décharger, à titre de règlement de compte, de l'agressivité.

Pour illustrer ce que je viens de décrire, j'évoquerai brièvement une anecdote d'une patiente, que j'appellerai Lucie. Lucie est une patiente dite « Etat limite » avec de multiples conduites à risque. En permanence, elle mettait à mal le cadre de soin. Motivée ou inconsciente, il m'a pris l'envie d'insister auprès de Lucie pour qu'elle participe à l'atelier. Sa réponse, sonne comme le glas : Non ! Sidérée par la fermeté de sa réponse, il me faut un court instant pour me reprendre et relancer mon invitation, avec l'appui solidaire de mes collègues.

Lucie, se sentant prise au piège finit par abdiquer en signifiant qu'elle ne participera à rien et que si je la sollicitais, elle « pourrirait » (je cite) l'atelier. Acceptant ce compromis je l'emmène à l'atelier où elle m'aidera à porter le sac de déguisements !

Dans l'atelier, Lucie s'est très vite prise au jeu en participant aux différents exercices. Au moment de l'improvisation, je la sollicite (à mes risques et périls) pour en faire une, ce qu'elle accepte tout en indiquant n'avoir aucune idée. N'étant pas plus inspirée qu'elle, je lui propose de jouer ce manque d'idée, d'en faire une improvisation. En prenant d'autres prénoms, nous avons pris un certain plaisir à déplier notre petit scénario. Ni elle, ni moi ne manquions de décharger une certaine agressivité tout en étant complices. Les tensions qui ont précédé la séance ont pu, dans ce cas précis, être désamorcées pendant l'atelier.

Cette petite vignette clinique pose, évidemment, la question du désir du soignant, de la demande et comment l'adolescent négocie sa part. En effet, Lucie est-elle venue pour répondre à mon désir, se mouler à mon attente, ou parce qu'elle a cédé à son désir prise au piège de l'ambivalence ?

Cette anecdote, montre que le soin d'avant impacte dans le présent de l'atelier.

Cet avant là, permet de mettre en partage, entre le patient et le soignant, un moment d'échange teinté d'une demande, celle du soignant, et de la place du jeune face à  celle-ci. Ce partage se colore de sentiments et d'affects circulant au gré des échanges.

Parfois, c'est le seul échange possible. En effet, pour certains adolescents parler de soi est impossible, impensable pour plusieurs raisons (l'adolescence, les troubles psychiatriques qui les conduisent à être hospitalisés), parler de l'envie ou pas d'aller à l'atelier n'est pas vécu comme dangereux, menaçant, même si ce positionnement requiert l'expression d'un sentiment : envie, ou pas envie ? C'est probablement à cet instant là que l'atelier prend tout son sens en tant que médiation thérapeutique, à mon avis. La question de participer ou pas à l'atelier place l'adolescent du côté de son propre désir, de ses envies, dont l'expression lui donne la possibilité d'une amorce d'un « parler de soi ».

Ce n'est pas tant la réponse qui importe mais l'expression de quelque chose qui vient de soi qui importe à ce moment précis.

En rédigeant cette partie, je me dis que cet « avant » atelier pourrait à lui seul remplir un travail de mémoire en ce qu'il renseigne sur la question de la demande, du désir formulé du soignant et comment l'adolescent va pouvoir y articuler son propre désir.

L'atelier peut être un prétexte (pré texte, d'un pré à dire, d'une narration en devenir) d'une rencontre entre l'adolescent et le soignant. Ce peut être le premier temps d'expression d'un soi autre que ce que l'adolescent montre. Il expérimente que l'expression de sentiment, d'envie n'est pas aussi dangereuse et terrible que ça. La pudeur qui caractérise cette période de l'adolescence est respectée ; il n'y a pas effraction, intrusion de l'adulte dans l'espace intime psychique du jeune.

Cet avant peut constituer le préambule d'une scène où va se jouer un autre soi. Une image me vient, celle de trois espaces : le côté cour (coulisse) - la scène - et le côté jardin (coulisse), c'est-à-dire que de part et d'autre de la scène se jouerait d'un côté l'avant et de l'autre l'après scène.

-L'Après coup:

L'attention se porte sur ce qui fait retour dans les propos tenus par les adolescents participants une fois l'atelier terminé.

En effet, il est intéressant d'observer le peu de parole qui succède à l'atelier ; atelier qui la suscite tant.

Ce peu de parole m'a longtemps interpellée en ce sens qu'elle contrastait avec l'atelier où elle était au service d'une narration d'une scène subjective des joueurs.

Deux raisons, semblent expliquer ce « phénomène ». La première est l'intimité de l'atelier qui doit être préservée et respectée. La consigne, tant pour les soignants chargés de faire un retour à l'équipe, que pour les patients est de ne pas raconter dans le détail le contenu des improvisations.

Puis la seconde raison, est que c'est un atelier qui expose, sollicite beaucoup. Le retour dans le service est sans doute un moment de retour vers soi, une mise en veilleuse de ce qui s'est allumé durant la séance.

Une troisième raison m'apparaît : c'est l'absence de quelque chose à montrer. L'atelier théâtre est à dire, contrairement aux ateliers plastiques où il y a la possibilité de montrer sa création après l'atelier.

Ceci questionne sur la capacité de faire persister un moment vécu au-delà de la séance, ce qui est une opération difficile chez certain adolescents pris dans des mécanismes archaïques, les rendant incapables d'élaborer l'après coup de l'atelier.

Dans l'après atelier, il ne reste que du « dire », que de la narration pour faire exister et restituer ce qui a existé.

Cet atelier a quelque chose d'éphémère, pouvant être atténué par le sac de costume qui fait trace de l'existence de celui-ci. Ce sac, prend une importance dans ce qui peut offrir comme figurabilité de cet atelier : il a un rôle, son propre rôle qui joue à chaque fois qu'il est vu par les soignants et les adolescents. Ce sac interroge, non pas pour ce qu'il contient, mais par ce qu'il représente.

Un atelier visible seulement par ce sac qui le représente et tout le reste de cet atelier est détenu par la narration.

Ces trois temps, ces trois espaces différents évoquent la question des limites entre le dedans et le dehors. Limites difficiles à cerner pour certains adolescents qui distinguent mal ce qui se passe en eux et ce qui se passe en dehors d'eux.

Ceci permet d'observer pour les soignants comment l'adolescent négocie ces différents espaces temps ?

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille