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La penalisation de la transmission du VIH/SIDA en droit congolais

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par Dieudonne MULEPU KABANGULA
Avocat au Barreau de Kinshasa/ Matete -  2008
  

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LA PENALISATION DE LA TRANSMISSION DU VIH/ SIDA EN DROIT CONGOLAIS

Par Maître Dieudonné MULEPU KABANGULA

Avocat au Barreau de Kinshasa/ Matete

INTRODUCTION

L'épidémie du VIH/SIDA continue à s'accroître à un rythme alarmant dans le monde et en RDC, car elle s'enracine dans les milieux ruraux où vit la majorité de la population de notre pays.

Ce phénomène doit amener tout un chacun à avoir une perception réaliste de sa vulnérabilité et des risques qu'il court, à connaître le degré d'efficacité de différentes méthodes de prévention qui s'offrent à lui et les apprécier en fonction de ses valeurs personnelles et à adopter un comportement préventif responsable.

Parce que les questions touchant au VIH/SIDA sont extrêmement complexes et loin d'être d'ordre purement médical ou clinique étant donné qu'elles touchent aux normes, aux lois et aux pratiques culturelles, aux conditions socio-économiques, aux problèmes de développement et aux rôles sociaux des hommes et des femmes, à la sexualité et à bien d'autres facteurs qui se répercutent sur elles à leur tour(1), il y a lieu de se poser la question de la responsabilité pénale d'une personne vivant avec le VIH/SIDA qui transmet délibérément le virus à son partenaire sexuel.

L'intérêt de cette question est d'arriver à déterminer rationnellement comment un comportement engage la responsabilité pénale de son auteur et dans quelles circonstances il faut se fonder sur les meilleures preuves scientifiques disponibles concernant les modes de transmission du VIH.

Cela étant, il nous revient dans le cadre de cette étude d'analyser la riposte du droit pénal congolais au phénomène de transmission du sida. Pour y arriver, trois questions méritent d'orienter notre démarche. Y a-t-il lieu d'adopter en droit pénal congolais une législation spécifiquement axée sur le VIH ou alors utiliser le système des infractions à caractère général ? Quels sont les actes qui doivent faire l'objet d'une interdiction pénale ? A partir de quel degré de culpabilité morale y a-t-il responsabilité pénale ?

A ces questions s'ajoute une autre d'ordre éthique, celle de savoir si le droit pénal congolais apporte des réponses adéquates aux problèmes du VIH/SIDA et plus concrètement, réfléchir non seulement au rôle que doit jouer le droit pénal mais aussi et surtout déterminer dans quelle mesure la pénalisation permet de contribuer à la prévention du VIH/SIDA.

L'étendue et la complexité de cette interrogation nous contraignent à subdiviser notre étude en deux chapitres portant respectivement sur la transmission du VIH/SIDA comme infraction et sur le droit pénal et la protection des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

CHAPITRE 1 : LA TRANSMISSION DU VIH/SIDA COMME INFRACTION EN

DROIT PENAL CONGOLAIS

Avant d'analyser les éléments constitutifs de l'infraction de transmission délibérée du VIH/SIDA tels que prescrits par le droit pénal congolais, il s'avère important de définir les concepts VIH et sida et d'en dégager les modes de transmission.

Section 1 : Sémantique des concepts

§ 1. Le VIH/SIDA

Le sida est l'acronyme de syndrome de l'immunodéficience acquise (2). Le syndrome signifie une maladie qui se présente sous diverses formes. Immunodéficience signifie sévère appauvrissement des cellules du système immunitaire, des cellules qui défendent l'organisme contre les infections mêmes banales. Acquise veut dire non transmise par hérédité.

Il s'agit d'une maladie chronique, grave, pénible et de longue durée qui détruit l'organisme humain et conduit généralement à la mort. Il est provoqué par un microbe appelé Virus d'Immunodéficience Humaine, VIH en sigle. Ce virus pénètre dans les cellules de défense du corps.

Au regard de ces précisions, nous pouvons dire que le VIH est un virus et le sida la conséquence médicale de l'infection virale.

§ 2. Les modes de transmission du VIH/SIDA

Le virus du sida étant un micro-organisme qui vit dans la cellule humaine, ne se transmet que d'une certaine façon d'un individu à un autre. Il est aujourd'hui connu que le virus du sida se retrouve dans les liquides biologiques d'un individu infecté (le sperme, les secrétions vaginales, le sang et le lait maternel) et c'est à travers eux que se fait la transmission du VIH d'un individu à un autre (3).

Trois voies de transmission du VIH sont connues. Il s'agit des voies sexuelle, sanguine et de la mère à l'enfant (4).

La voie sexuelle est le principal mode de transmission du VIH qui survient au cours des rapports sexuels à risque non protégés soit par la voie vaginale, anale ou bucco-génitale avec une personne déjà infectée par le VIH.

La voie sanguine se fait à travers la transfusion sanguine et l'utilisation des objets tranchants souillés. En cas de sang contaminé, une grande quantité de virus est directement introduite dans le sang de la personne qui reçoit le sang. De même, l'utilisation commune des aiguilles et seringues lors des injections, le partage de lames de rasoir, etc.... comportent le risque de transmission du VIH si l'une de personne était contaminée.

Le VIH/SIDA peut se transmettre aussi de la mère à son bébé pendant la grossesse, la naissance et l'allaitement maternel au sein.

§ 3. Base légale de l'infraction

L'infraction est définie comme « tout fait quelconque de l'homme auquel la loi a attaché une sanction » (5).

De cette définition il ressort le principe de la légalité des incriminations et des peines (6) qui veut que seuls peuvent faire l'objet d'une condamnation pénale les faits déjà définis et sanctionnés par le législateur au moment où l'accusé a commis son acte, et seules peuvent leur être appliquées les peines édictées à ce moment déjà par le législateur.

Devant l'inquiétude grandissante de la transmission du VIH/SIDA, l'Etat congolais s'est demandé s'il y a lieu d'adopter une législation spécifiquement axée sur le VIH/SIDA ou alors, utiliser le système des infractions à caractère général.

Alors que les Directives internationales sur le VIH/SIDA et les droits de l'homme des Nations Unies ne recommandent pas l'adoption d'infractions spécifiques au VIH, l'Etat congolais les a adoptées à travers deux textes légaux, à savoir :

- Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais ;

- Loi du 22 juillet 2008 portant protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et des personnes affectées.

Ces deux textes feront l'objet d'analyse dans le point suivant.

Section 2 : Eléments constitutifs de l'infraction de transmission

du VIH/SIDA

Trois points constitueront l'essentiel de cette section à savoir, les éléments matériels, l'élément moral et les peines. Ces éléments ressortent des définitions données par le législateur à travers les deux textes précités.

En effet, l'article 174 i tel que modifié à ce jour par la Loi du 20 juillet 2006 stipule : « sera puni d'une peine de servitude pénale à perpétuité et d'une amende de deux cent mille francs congolais constants, quiconque aura délibérément contaminé une personne d'une infection sexuellement transmissible incurable ».

En outre, l'article 45 de la Loi portant protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et des personnes affectées stipule :  « Est puni de cinq à dix ans de servitude pénale principale et de cinq cent mille francs congolais d'amende, quiconque transmet délibérément le VIH/SIDA ».

§1. Les éléments matériels

L'élément matériel de l'infraction constitue l'acte par lequel l'auteur extériorise ou fait extérioriser sa pensée criminelle.

Dans le cadre de la transmission du VIH/SIDA, les éléments matériels sont les suivants :

1.1. L'auteur est une personne vivant avec le VIH/SIDA :

Il s'agit d'une personne déjà atteinte de la maladie ou personne asymptomatique atteinte du VIH. L'infraction n'existe que s'il est prouvé que l'auteur était atteint du sida avant le contact avec la victime.

1.2. La victime est une personne saine, séronégative :

La victime doit avoir été en bonne santé avant le contact sexuel avec l'auteur. Cela doit être prouvé médicalement et scientifiquement.

Ainsi, la transmission du VIH à une personne déjà séropositive ne constitue pas une infraction. Cette surinfection peut certes aggraver l'état de santé d'une personne séropositive (car les virus du VIH sont différents) mais reste une infraction impossible vu que la victime est déjà contaminante au moment de la nouvelle transmission.

1.3. La transmission par voie sexuelle :

La transmission par voie sexuelle suppose la conjonction sexuelle normale consommée entre les deux partenaires. L'infraction est consommée s'il y a transmission effective de la maladie. Dans cette logique, la personne qui a été infectée doit elle-même être contaminée pour qu'il y ait propagation de la maladie. A contrario, s'agissant d'une infraction de résultat, une simple mise en danger n'est pas constitutive d'infraction. Dans ce cas, il pourrait y avoir infraction manquée.

La loi n'incrimine que la transmission par voie sexuelle et non les autres modes de transmission du sida.

1.4. L'infection doit être incurable :

Pour que l'infraction existe, il faut que l'infection transmise sexuellement soit incurable. Aujourd'hui, malgré d'intenses recherches biomédicales, on n'a pas trouvé de traitement capable de guérir de l'immunodéficience provoqué par l'infection du VIH.

§ 2. Elément moral :

Pour que l'infraction existe juridiquement et que son auteur en réponde pénalement, il ne suffit pas que celui-ci ait accompli un acte matériel préalablement défini et sanctionné par le législateur (ici la transmission sexuelle du VIH/SIDA), encore faut-il que cet acte matériel ait été l'oeuvre de la volonté de son auteur. Ceci constitue l'élément moral de l'infraction.

Dans le cadre de cette incrimination, l'élément moral est la connaissance qu'a l'agent de son statut sérologique positif et sa ferme volonté d'agir. Il s'agit donc de savoir au préalable que son agir produira le résultat délictueux.

L'auteur agit dans le but d'infecter son partenaire sexuel ou en sachant parfaitement que son comportement entraînera une transmission du virus.

C'est autrement dire que la volonté délictueuse présuppose la connaissance de son statut sérologique. Une personne qui ne connaît pas son statut sérologique, ne pourra être accusée de transmission intentionnelle.

En cette matière, il est difficile de savoir si l'accusé connaissait sa séropositivité et les mécanismes de transmission du VIH au moment du prétendu délit, si c'est bien l'accusé qui a infecté le plaignant, ou si la personne séropositive a caché sa séropositivité au plaignant.

Cette difficulté pose le problème de la preuve. Pour qu'une personne soit reconnue coupable, le lien de causalité doit être prouvé entre son VIH et la contamination de la victime, faute de quoi, on doit appliquer le principe in dubio pro reo.

Mais à la lumière des textes légaux constituant la base légale de cette incrimination, nous pouvons retenir que toute personne poursuivie pour avoir transmis sexuellement le VIH/SIDA doit au minimum être consciente de son statut VIH pour que sa responsabilité soit engagée. En outre, elle doit comprendre que le VIH est une maladie transmissible ainsi que ses différents modes de transmission.

C'est une illusion de penser que les campagnes de prévention organisées dans la lutte contre le VIH/SIDA, « nul ne peut prétendre ignorer les règles et modes de transmission », cette approche nous parait pêcher par naïveté : la pratique nous montre qu'il ne suffit pas de dire « protégez- vous » pour que l'ensemble de la population comprenne et surtout intègre ces règles et modes de prévention, sinon il n'y aurait pas beaucoup de nouvelles infections.

Par ailleurs, on semble oublier que les relations sexuelles, amoureuses ou non, puisque c'est principalement de transmission par voie sexuelle dont il est question en RDC, lorsqu'on parle de pénalisation, ne se gèrent pas aussi facilement que l'achat d'un ticket de bus. Il y a de la passion, de l'aveuglement, de la peur, de l'émotion, du sentiment. Garder à l'esprit les préceptes de prévention dans ces moments et les appliquer est difficile. Il ne suffit pas d'énoncer des messages préventifs pour entraîner automatiquement des comportements adéquats.

STRATENWERTH se demande d'ailleurs s'il est admissible de considérer que la simple conscience du risque de transmission suffit déjà à admettre l'intention alors que le risque de contamination se chiffre en (...) pour mille (7).

Il faudra alors se montrer prudent avec cette prétendue connaissance généralisée des vertus de prévention, même s'il est vrai que le lien sexe-risque de sida existe largement dans la population.

Mais y a-t-il possibilité d'appliquer le droit pénal aux activités librement consenties susceptibles d'entraîner une transmission du VIH/SIDA par la voie sexuelle ? Peut-on pénaliser une activité à laquelle les protagonistes ont consenti ?

Le fond de la question est le sens que l'on donne au mot consentement. Indubitablement, une personne qui a des relations sexuelles avec un partenaire , tout en étant informée de son état sérologique et donc du risque de transmission du virus, consent à courir ce risque , aussi significatif soit-il. Pour nous, rien ne justifie que l'on poursuive la personne séropositive dont le partenaire consent à courir un risque connu ou encore une personne qui ignore son état sérologique et, par conséquent, ignore que sa conduite peut causer des dommages à d'autres.

C'est aussi l'avis de KUNZ et compagnie qui estiment que lorsque la victime accepte le risque d'une transmission, c'est-à-dire une mise en danger acceptée par la victime elle-même et sous sa propre responsabilité, il est de bon droit de ne pas poursuivre l'auteur de transmission . Mais si la victime consentante finalement contamine une tierce personne, il en irait de sa responsabilité et non plus celle de l'auteur initial (8).

Si le consentement fait référence à la notion de culpabilité, il en va autrement de la coresponsabilité. En terme de sexualité, il y a une responsabilité partagée entre les partenaires et l'antinomie contaminateur- victime n'y a plus sa place. Il s'agit de deux individus responsables, conscients de leurs actes et des conséquences éventuelles et il est erroné de faire reposer sur un seul partenaire du couple la responsabilité d'une relation sexuelle.

Le tribunal de police de Genève l'a bien dit dans son jugement du 29 août 1994 en ces termes : «  Il est irresponsable de ne pas se protéger, du moins dans le cadre d'une relation sexuelle à caractère instable ou occasionnel. Dans tout rapport sexuel non protégé entre adultes consentants, il y a coresponsabilité en cas de contamination » (9).

§ 3. Les peines

Les deux textes qui incriminent la transmission sexuelle de l'infection du VIH/SIDA énoncent des peines contradictoires.

En effet, l'article 174 i de la Loi du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles prévoit la peine de servitude pénale à perpétuité et d'une amende de 200.000 francs congolais constants alors que l'article 45 de la loi sur la protection des droits des PVV fixe la peine de 5 à 10 ans de SPP et une amende de 500.000 francs congolais.

La contradiction qui existe entre les deux textes se justifie dans une certaine mesure par les contextes qui ont motivé leur légifération.

La loi du 20 juillet 2006 s'inscrit dans un contexte de violence sexuelle post-conflit armé en RDC où des millions de victimes ont été cruellement frappées par les crimes de toutes catégories foulant aux pieds leur dignité , leur intégrité physique et morale et leur vie ( 10).

Pour cela, cette loi a prévu des sanctions sévères à l'encontre de toute personne qui se livrerait à des violences sexuelles.

Par contre, la loi portant protection des droits des PVV s'inscrit dans un contexte où la RDC décide de focaliser ses efforts sur la recherche des voies et moyens tendant à améliorer la jouissance du droit à la santé pour tous (11).

Le contexte ici n'est pas forcement lié aux violences sexuelles.

A la question de savoir quelle peine appliquée, le juge pourra apprécier la situation en présence et opter pour une peine y relative.

CHAPITRE 2 : LE DROIT PENAL ET LA PROTECTION DES DROITS

DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH/SIDA

Nous avons eu à préciser le sens des concepts de VIH et du SIDA tout en démontrant ses modes de transmission, lesquels nous ont permis de ressortir les éléments constitutifs de l'infraction de transmission sexuelle du VIH/SIDA tel que prévus et punis par le droit pénal congolais. Venons-en maintenant aux considérations éthiques appliquées aux questions soulevées par le VIH/SIDA. Celles-là auront pour objectif d'aider à scruter l'impact du droit pénal sur la prévention du VIH/SIDA.

Section 1 : Les considérations éthiques appliquées au VIH/SIDA

La réflexion éthique a pour objet de s'interroger sur le caractère bon ou mauvais d'actes donnés. Cette réflexion procède de deux points de départ possibles : soit des normes qui régissent le comportement humain, soit des conséquences de ce comportement (12).

Ainsi, la qualité morale d'un acte ne dépend pas de l'acte lui-même mais de son utilité pour les autres.

La question qui convient de se poser à ce niveau est de savoir si les normes pénales en matière de sida concourent à la protection des droits des PVV ? Si le droit pénal est une riposte adéquate à la prévention du VIH/SIDA. Avant d'y répondre, il sied de passer en revue les droits des PVV et les principes directeurs qui régissent la lutte.

§ 1. Les droits des PVV :

La pandémie du VIH/SIDA soulève des questions importantes dans le domaine des droits de la personne humaine. Les PVV se heurtent généralement à des réactions de peur, de rejet et de discrimination et se voient souvent refuser les droits fondamentaux dont jouit le reste de la population, tels que le droit à la sécurité, à la liberté d'association, de mouvement, le droit aux soins médicaux appropriés, droit au travail.

C'est ainsi que le législateur congolais, dans le souci de protéger les droits des PVV, a reconnu que les PVV ont pleine capacité juridique et jouissent de tous les droits reconnus par la Constitution, les lois et règlements de la République (13).

Ces lois reconnaissent aux PVV l'accès aux possibilités et avantages offerts par les institutions publiques et privées, le droit à l'autonomie et à la liberté de mouvement, le droit à la protection de sa vie privée et à la confidentialité, l'accès aux soins de santé et au traitement approprié.

A chaque droit correspond un devoir. Les droits impliquent aussi des responsabilités. Ainsi, les PVV n'ont pas que des droits, ils ont aussi des devoirs de respecter les droits des autres.

§ 2. Les devoirs des PVV :

La loi sur la protection des droits des PVV fait obligation aux PVV d'accepter que l'information sur leur santé et leur statut VIH/SIDA soit divulguée au personnel médical qui les soigne, pour mieux les protéger et maximiser les soins.

En outre, les PVV ont le devoir d'informer leurs partenaires sexuels sur leur statut sérologique et de se conformer aux prescriptions médicales.

§ 3. Les principes éthiques applicables au VIH/SIDA :

La lutte contre le VIH/SIDA, pour être efficace, doit obéir à certains principes éthiques, notamment :

- le respect des droits de la personne humaine ;

- le respect des sensibilités culturelles, religieuses et sociales sauf celles qui rendent difficile la prévention ;

- la non discrimination, la non stigmatisation ;

- le respect de la confidentialité.

Section 2 : Impact du droit pénal dans la lutte contre le VIH/SIDA

Dans le contexte de la lutte contre le sida, l'outil pénal a-t-il sa place ? Il est avancé que le droit pénal n'a pas qu'une fonction répressive mais également préventive (14).

Il n'est certes pas possible ni probablement souhaitable de renoncer d'emblée à l'utilisation du droit pénal qui fait partie intégrante du système juridique congolais. Demander une sorte d'impunité pénale totale pour les PVV ne semble pas judicieux alors que justement une des revendications est que les PVV aient les mêmes droits et devoirs que n'importe quel individu.

Toute fois, l'objectif principal étant la prévention du VIH, on devra toujours évaluer l'impact d'une loi pénale sur les droits des PVV et déterminer dans quelle mesure la pénalisation permet de contribuer à cette prévention. Faute d'atteindre cet objectif, il faudra penser aux mécanismes de substitution à la pénalisation.

Pour y arriver, nous envisageons d'étudier cet impact d'un triple point de vue ; à savoir, sanction, prévention et principes éthiques.

§ 1. Du point de vue sanction :

D'aucuns n'ignorent que les sanctions pénales ont quatre fonctions essentielles : neutraliser le contrevenant en l'empêchant de nuire à autrui pendant la durée de son incarcération, rééduquer le contrevenant en lui permettant de modifier son comportement futur pour ne pas nuire à autrui, punir l'individu pour ses méfaits et dissuader le contrevenant et d'autres individus de commettre la même infraction à l'avenir (15).

La question fondamentale à se poser à ce niveau est de savoir si ces fonctions constituent une véritable riposte à l'épidémie.

Nous estimons que loin d'être une chance en facilitant l'objectif de la prévention recherché, les sanctions pénales sont dans une certaine mesure une menace et pour causes :

- une PVV peut transmettre le sida en milieu carcéral soit dans le cadre des visites de son /sa partenaire, soit en adoptant un comportement à haut risque avec d'autres prisonniers, étant entendu que le milieu carcéral est un cible à haut risque en raison du manque d'accès aux moyens de prévention ;

- les sanctions pénales infligées aux individus ayant transmis le sida dans le passé aux autres ne contribuent pas de manière significative à la réalisation de l'objectif de prévention de la transmission du sida. Ces sanctions ne peuvent pas favoriser la rééducation du contrevenant en le dissuadant d'adopter de tels comportements à l'avenir ;

- la justice punitive ne se préoccupe pas de lutter contre la transmission du VIH, et ce faisant, de protéger la santé publique. Elle vise uniquement à punir des comportements passés jugés condamnables. En invoquant le désir de punir, le droit pénal risque d'attiser les préjugés et de renforcer la discrimination , d'autant plus que le sida et les individus identifiés à la maladie sont déjà lourdement stigmatisés dans bien des cas ;

- le caractère dissuasif du droit pénal amène les PVV à adopter des comportements clandestins, ce qui empêche d'ailleurs la prévention du VIH et l'accès aux soins et services d'aides. En outre, pour les personnes qui n'ont aucun souci moral du bien-être d'autrui, on peut douter que l'interdiction légale des comportements préjudiciables ou potentiellement préjudiciables à autrui exerce un quelconque effet dissuasif supplémentaire.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons affirmer que la solution pénale n'est pas satisfaisante, qu'elle n'apporte pas de réponse crédible à la lutte contre le sida et qu'elle contribue à stigmatiser encore davantage les PVV.

§ 2. Du point de vue de la prévention de la transmission :

A défaut d'un traitement curatif de la pandémie du sida considérée aujourd'hui comme maladie incurable, tous les efforts sont convergés vers la prévention de la transmission du sida. Le droit pénal est loin d'être une riposte adéquate de la prévention du sida.

§ 3. Du point de vue principes éthiques :

Les principes éthiques ont pour objet, avons-nous dit de s'interroger sur le caractère bon ou mauvais d'actes donnés en tenant compte soit des normes qui régissent le comportement humain, soit des conséquences de ce comportement.

De ce point de vue, le droit pénal contribue t-il à faire respecter les principes directeurs de la prévention de la transmission du sida ?

Face aux exigences des principes éthiques, le droit pénal ne semble pas respecter les droits des PVV et par conséquent, aggrave la stigmatisation, diffuse une information erronée sur le VIH, crée une incidence négative sur le dépistage, réduit l'accès aux services de conseil et d'appui, crée un sentiment de sécurité erroné, entraîne des poursuites discriminatoires et viole la vie privée (16).

En effet, le respect des droits de la personne suppose qu'une PVV ne peut faire l'objet d'une mesure pénale ou de toute autre mesure coercitive au seul motif de son état sérologique au regard du VIH.

Par ailleurs, le plus douloureux pour les PVV n'est pas tant la souffrance de la maladie parce que d'autres maladies font souffrir et sont mortelles, que d'avoir à supporter la stigmatisation, les risques de rejet et de discrimination, le manque de compréhension et de confiance. L'introduction d'une législation pénale spécifique sur le VIH/SIDA et/ou de poursuites pénales à l'encontre des PVV s'accompagne souvent d'une couverture médiatique outrancière. Cela peut contribuer à alimenter la stigmatisation des PVV perçus comme des criminels en puissance ou potentiels et une menace pour la société. Aussi, une utilisation inappropriée et trop étendue du droit pénal risque également d'encourager la propagation d'idées fausses sur les modes de transmission du VIH.

Il en est de même pour le test de dépistage qui est basé sur la confidentialité. La fonction dissuasive de la sanction pénale peut amener les personnes à éviter le dépistage, les PVV à fuir les traitements, le consuling. Si une personne qui se sait séropositive sait également qu'elle encourt des poursuites pénales, elle ne souhaitera sans doute pas se soumettre au dépistage. Le droit pénal pose aussi le problème de violation de la vie privée. Le secret couvrant les données censément confidentielles conservées par les conseillers et professionnels de santé pourrait bien être remis en question dans le cadre de toute enquête pénale. En outre, les poursuites pénales sont menées dans un cadre public, si bien que l'état sérologique des personnes poursuivies est largement diffusé. Il s'opère une intrusion inadmissible dans la vie sphère privée de l'individu avec l'instruction qui consiste à poser des questions sur sa vie intime, ses choix sexuels, ses partenaires.

Faut-il conclure ?

La lutte contre le sida a obligé l'Etat congolais à intervenir, à réagir voire à réglementer. La protection de la santé collective a nécessité différentes mesures préventives, curatives ou parfois répressives.

L'Etat porte la responsabilité de veiller à la santé et à la sécurité des individus formant la collectivité : éviter toute atteinte à la santé (prévention), diminuer les effets d'une éventuelle atteinte (prise en charge médico-sociale) et protéger l'individu (réprimer les atteintes volontaires à la santé). Mais cette approche est-elle pertinente dans le contexte du VIH/SIDA ?

Nous pensons que la question de la responsabilité pénale de la transmission du VIH a un intérêt avant tout académique voire médiatique. Pourtant, parler des incidences pénales de transmission du VIH reste toutefois nécessaire. Ce qui donne à notre réflexion un caractère critique, voire provocateur.

Le cadre légal congolais permet de condamner une telle transmission. Partant de ce constat, un article faisant simplement une exégèse des dispositions pénales existantes serait sans intérêt. Le point de vue exprimé ici est que la solution pénale congolaise n'est pas satisfaisante, qu'elle n'apporte aucune réponse crédible à la lutte contre le sida et qu'elle contribue à stigmatiser encore davantage les PVV. Le pénal tue certainement la prévention. La question de la pénalisation de la transmission est complexe. Il faut toutefois se garder de solutions techniquement correctes qui ne se soucient pas des questions éthiques et de politique juridique soulevées par cette question.

Nous n'avons pas tout dit. Mais les interrogations que nous avons soulevées nous ont ouvert les yeux sur l'intérêt du sujet et l'ampleur des questions à étudier si l'on veut comprendre et expliquer l'impact du droit pénal sur la prévention du VIH/SIDA. Notre réflexion se termine ainsi sur une ouverture, une enquête à poursuivre et à approfondir par des études ultérieures.

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

(1) Document d'étude du COE, Face au sida : l'action des églises, WCC publications, Genève, 2003, p. 4

(2) Ibidem, p.12

(3) ONUSIDA, Guide pratique à l'intention du législateur sur le VIH/SIDA, la législation et les droits de l'homme, Genève, 1999, p.32

(4) LOB JEAN, « sida et droit pénal », Revue suisse de jurisprudence, 1987, p.163ss

(5) Article 1382 du code civil Belge

(6) Article 1er du code pénal congolais livre 1

(7) Stratenwerth cité par Elliott Rchard, Le droit criminel et le VIH/Sida. Document de travail du réseau juridique canadien VIH/Sida, Montréal, 1996, p.98

(8) KUNZ et Cie, Trois expertises sur des questions juridiques en relation avec le sida, suisse, 1991, p. 51

(9) Jugement du tribunal de police de Genève du 29 août 1994 paru dans plaidoyer, 5/ 1994, p. 51ss

(10) Exposé des motifs de la Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant

et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais

(11) Exposé des motifs de la loi du 22 juillet 2008 portant protection

des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA

(12) Document d'étude du CEO, op.cit., p.57

(13) Article 7 de la loi sur la protection des droits des PVV citée

(14) NYABIRUNGU MUENE SONGA, Droit pénal général Zaïrois, 2e éd.

DES, Kinshasa, s.d.

(15) NYABIRUNGU MUENE SONGA, Traité de droit pénal général congolais,

Éd. DES, Kinshasa, 2001.

(16) ONUSIDA, Droit pénal, santé publique et transmission du VIH.

Etudes des politiques possibles, Genève, Suisse, 2002, p. 26.

Maître Dieudonné MULEPU KABANGULA

Avocat






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