4. Conclusion
Le présent travail a porté essentiellement sur
les questions sociales et de santé des populations en situation de
précarité. La question sociale surgit pour prendre conscience des
inégalités de santé en République
Démocratique du Congo.
La question principale qui a conduit cette étude
s'attachait à vouloir comprendre, dans un schème
herméneutique, les facteurs qui expliquent le faible recours aux soins
de santé par les populations congolaises, en grande partie
précaires.
La théorie des croyances relatives à la
santé (Health Belief Model) à laquelle s'attache la figure
maîtresse de G.M HOCHBAUM a été retenue comme cadre
théorique de cette étude, principalement pour l'avantage qu'il a
à considérer que - c'est même ce qu'il pose comme
prémisse - l'individu est susceptible de poser des gestes pour
prévenir une maladie ou une condition désagréable s'il
considère la santé comme une dimension d'importance dans sa
vie. Ce modèle lie simultanément le comportement positif de
l'individu à trois paramètres : se sentir
concerné par sa santé et considérer celle-ci comme une
composante importante de sa vie, la perception d'une menace pour sa
propre santé et l'efficacité du comportement pour réduire
la menace. Bien sûr, dans le cadre de ce travail, une attention
particulière a été seulement accordée au premier
paramètre, celui qui renvoie à la valeur que l'individu accorde
à sa propre santé.
Aussi, le modèle des comportements
interpersonnels, emprunté de la psychologie sociale a
été retenu comme cadre théorique. Ce dernier
modèle, auquel on attache la figure maîtresse de Triandis soutient
que le comportement résulte de trois facteurs suivants - ce qui le
diffère profondément du modèle de Fishbein et Ajzen qui
découle de la théorie de l'action raisonnée- : la
force de l'habitude devant un comportement donné, l'intention
d'emprunter le comportement et la présence des conditions qui facilitent
ou nuisent à d'adoption du comportement. Il a l'avantage de
permettre à dénicher certaines barrières au comportement
de recours aux soins de santé.
Ce travail s'est présenté comme une
préparation à une analyse beaucoup plus approfondie des
problèmes liés aux questions sociales et de recours aux soins de
santé des populations en situation de précarité. Il se
limite, sous contraintes des frêles possibilités de notre niveau
de licence, à une revue de littérature sur la question de la
précarité et de santé des populations congolaises.
Le travail exploratoire réalisé a permis de
montrer que de nombreuses études se sont arrêtées à
décrire l'état de santé des personnes, en particulier les
enfants de moins de cinq ans et les femmes. Ces études ne sont pas
étendues à toute la population, en grande partie
considérée comme précaire. Même en parlant de la
santé des enfants et des mères, ces études n'expliquent
pas pourquoi en 2001, la proportion d'enfants de 12 à 23 moins qui
avaient reçu leur vaccin n'était que de 29%, encore moins
pourquoi les 41% d'enfants qui avaient reçu la première dose du
DTC n'ont pas reçu la troisième et pourquoi seulement 46,1% des
femmes enceintes ont bénéficié des soins prénatals
réalisés par le personnel médical. C'est donc là
une brèche ouverte pour l'approfondissement prochain de notre
étude, visant l'ensemble des populations en situation de
précarité.
Il n'a pas seulement été question d'esquisser
substantiellement l'état de connaissances sur la
précarité ( Revenu moyen inférieur à 20 cents, par
personne et par jour) et la santé (vaccination, prévalence et
traitement de la diarrhée, de la fièvre et de la toux,
paludisme, visites prénatales, assistance à l'accouchement et
allaitement maternelle, état nutritionnel des enfants moins de cinq ans
et des mères, estimations de la prévalence de l'anémie et
du Sida, et au test des connaissances sur le VIH/Sida), problématisant
sur les facteurs qui expliquent le faible recours aux soins de santé.
Mais le présent travail a également permis de définir les
concepts fondamentaux et de circonscrire un modèle d'analyse
susceptibles de faciliter une recherche ultérieure très
approfondie, peut-être dans le cadre de la validation du niveau de
Master.
Les quatre concepts fondamentaux qui ont été
développés sont la précarité, la
pauvreté, l'exclusion et la représentation sociale de la
santé. Et le modèle d'analyse esquissée montre que
le recours aux services de santé n'est pas seulement
déterminé par les contraintes budgétaires
-précarité monétaire, comme la modicité de
revenus-, quand bien même le facteur financier peut être important
en apparence. Il lui associe, outre les explications
sociodémographiques des populations (âge, sexe, occupation,
éducation, situation socioéconomique), les variables
psychosociales, telles la représentation qu'ils se font de la
santé, l'attention qu'ils portent à leur santé et la
hiérarchisation des besoins de santé par rapport aux autres
besoins fondamentaux, mais aussi la présence de quelques
barrières de l'ordre de l'automédication, la
tradi-thérapie, la distance à parcourir pour recevoir
les soins et la vétusté même des infrastructures
sanitaires.
Cette hypothèse est-elle plausible ? Peut-elle
être validée ? Seule une enquête sur un
échantillon représentatif des populations en situation de
précarité peut permettre d'affirmer ou d'infirmer notre
hypothèse de travail. Et cette enquête devrait être
menée au moyen d'un questionnaire largement inspiré du
Baromètre Santé du Conseil Général du territoire de
Belfort et adapté à la situation de la République
Démocratique du Congo. Ce questionnaire présente beaucoup
d'avantages : il permet d'abord de récolter les informations sur
les caractéristiques personnelles,
sociodémographiques, voire socio-économiques
des populations précaires (sexe, âge, occupation, logement,
formation, stabilité de revenus, etc.). Il permet également de
recenser les besoins en soins de santé des populations au cours
d'une certaine période, notamment en rapport avec les prothèses
ou appareils dentaires, les lunettes, lentilles, les consultations et visites
pour soins de généralistes, les visites pour soins de
spécialistes, les examens d'imagerie médicale, les analyses de
laboratoire, les médicaments etc. Bien plus qu'un simple recensement
des besoins en soins de santé que peut permettre un tel questionnaire,
il y a aussi l'avantage de mettre en évidence les besoins de soins
de santé qui n'ont pas été satisfaits pour une raison ou
une autre. Serait-ce là la meilleure compréhension des
rapports difficiles que les populations précaires ont avec les soins de
santé. Aussi, les questions relatives aux représentations
sociales de la santé pourraient être adaptées au contexte
du Congo.
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