E. - EVOLUTION ET PRONOSTIC :
L'évolution de la maladie est marquée par :
- des périodes de rémission où les tics
diminuent d'intensité permettant ainsi à l'enfant de
réaliser de bons résultats scolaires et de s'occuper de ses
activités sportives.
- des périodes de poussée où les
activités scolaires de l'enfant sont perturbées par
l'hyperactivité gestuelle et les comportements à la fois bizarres
et agressifs à l'égard de ses camarades de classe et de ses
enseignants.
Ces périodes de haut et de bas correspondent bien avec
l'évolution naturelle de la maladie qui laisse persister quelques tics
résiduels et des possibilités de poussées malgré un
traitement bien mené. Nous sommes toutefois inquiets de l'allure
globalement régressive de l'enfant dans son rendement scolaire ( moyenne
annuelle de 6 /20 contre 12/20 l'année précédente) son
renvoi de l'école pour comportement insupportable , et surtout ses
attitudes psychopathiques avec passage à l'acte clastique ( casser la
télévision, déranger la maison ...). Tous ces facteurs
nous laissent réservés devant l'évolution
ultérieure de cette maladie sachant que des cas d'évolution
déficitaire avec passage à la démence sont décrits
dans la littérature.
NOS SUGGESTIONS
L'intérêt que nous portons à une affection
aussi rare que la maladie de Gilles de la Tourette tient à des raisons
multiples :
- D'abord pour une maladie qui a été
découverte il y a cent dix ans, il apparaît anormal qu'on en parle
presque jamais dans les pays en voie de développement au point que
beaucoup de praticiens n'en ont au pire jamais entendu parler au mieux jamais
vu un cas , c'est donc dans l'optique de rompre avec ce silence et d'apporter
notre humble contribution à l'abondante littérature qui lui est
consacrée en occident, que nous avons choisi ce sujet.
- Ensuite ayant constaté qu'il y a trente ans, en
1972, cette maladie a été considérée en Europe
comme étant d'une extrême rareté à tel point que la
littérature ne rapportait que quelques 420 cas mondiaux depuis sa
découverte jusqu'en 1972; il nous a semblé curieux qu'il y a deux
décennies sa prévalence se soit inversée dans le sens
d'une recrudescence avec pour les seuls Etats-Unis une prévalence
évaluée entre 0,1 à 0,5 pour 1000 habitants . Ainsi nous
inscrivons notre étude dans une vaste tentative consistant à
savoir s'il s'agit d'une réelle recrudescence de la maladie ou s'il
s'agit d'un phénomène lié à sa meilleure
connaissance? Dans un cas comme dans l'autre, il semble important de
connaître la situation réelle de la maladie dans les pays en
développement et à Madagascar en particulier.
- Par ailleurs, le cas de notre malade nous a permis de
constater de quelle façon cette maladie de nature purement neurologique
peut être considérée à tort comme une entité
psychiatrique débilitante à l'origine d'un mépris voire
d'un rejet social du malade. Alors qu'en réalité il s'agit d'un
état morbide qu'on peut bien stabiliser et rendre compatible avec des
activités intellectuelles et sociales.
- cette étude nous a permis également
d'apprécier comment une maladie aussi méconnue des praticiens
peut retentir sur toute une famille surtout quand il s'agit de famille à
tendance nevrotique ou des parents hyperprotecteurs . Nous avons ainsi pris
conscience qu'il ne s'agit pas seulement de traiter un malade mais qu'il faut
aussi un soutien psychologique aux parents et au reste de la famille.
- Et enfin , nous considérons que dans les pays en
développement l'organisation des systèmes de santé
nationale ne tiennent pas compte du malade en tant qu'individu mais ils se
préoccupent d'actions plus collectives visant un rendement statistique
large. Ceci n'est pas une mauvaise chose en soi, mais au nom de
l'égalité de chance à l'accession aux soins de
santé, il est choquant d'assister impuissant à un enfant, des
parents, toute une famille abandonnée face à une maladie qui
exige une prise en charge à vie.
Devant toutes ces constatations, nous suggérons :
- qu'il est grand temps pour rompre le silence sur une
maladie vieille de cent dix ans, par son introduction dans les programmes
universitaires de neurologie, par sa vulgarisation dans le cadre des formations
continues de praticiens et surtout par une sensibilisation particulière
des pédiatres qui voient en premier les malades.
- que les services de neurologie ne soient pas le
privilège des CHU et des grands centres hospitaliers, nous
considérons qu'un seul service de neurologie pour toute la province de
Majunga est un grand handicap pour le diagnostic des cas de maladie de Gilles
de la Tourette en vue d'une estimation de la prévalence provinciale ou
nationale.
- que le dépistage d'autres cas de maladie de Gilles
de la Tourette, si si minimes soient-ils, permettrait aux familles de se
regrouper pour se porter assistance, pour partager de l'expérience et le
cas échéant pour défendre leurs droits.
- qu'on ne continue plus à considérer la
maladie de Gilles de la Tourette comme une infirmité psychiatrique
honteuse, en expliquant au malade, à sa famille et à son
entourage scolaire et social qu'il s'agit d'une maladie neurologique qu'on peut
stabiliser par un traitement sérieux et la rendre compatible avec des
activités scolaires, sociales et professionnelles.
- que les services de neuro-psychiatrie ne soient pas des
centres d'internement et de gavage de drogues mais qu'ils soient au contraire
des centres de réinsertion, de resocialisation et d'accompagnement
psychologique du malade et surtout de sa famille dans le désespoir.
- que les résultats de notre étude
bénéficient d'une large publication car les données de la
littérature à notre disposition ne font pas état de la
situation de la maladie des tics en Afrique, ceci montre le rôle
contributif de ce travail.
- qu'à défaut de références
bibliographiques, d'autres travaux plus méthodiques et plus
scientifiques soient envisagés pour confirmer ou pour infirmer les
manifestations allergiques sous forme d'éruptions urticariennes que nous
imputons à l'halopéridol.
- que d'autres études testent et évaluent
l'efficacité du neuleptil en association avec le tiapridal sur la
maladie des tics; schémas que nous avons proposé et dont les
résultats se sont révélés efficaces dans la
stabilisation de notre malade.
La maladie de Gilles de la Tourette est une affection
autosomale dominante débutant dans l'enfance par des tics moteurs
multiples associés à des tics vocaux sous forme de vocalisation
ou verbalisation à type de coprolalie ou écholalie , avec des
comportements compulsifs se traduisant par une copropraxie ou une
échopraxie. Autrefois considérée comme d'une extrême
rareté, depuis deux décennies sa prévalence aux Etats-Unis
et en Europe semble avoir connu une recrudescence. Nous espérons ainsi
que la découverte d'un cas de maladie de Gilles de la Tourette à
Madagascar, soit le point de départ d'une nouvelle approche de cette
maladie dans les pays en voie de développement en général
et à Madagascar en particulier . Dans cette perspective, la part des
choses serait ainsi faite sur une éventuelle prédisposition des
races européennes, ou sur le rôle probable d'un facteur
exogène expliquant la prévalence occidentale de l'affection, et
enfin nous saurions l'état de lieu exact de la maladie des tics dans
nos pays. La prise en charge des malades exigeant un suivi au long cours, les
données épidémiologiques revues dans leur
réalité exacte faciliteraient le soutien du malade et de sa
famille dans une maladie considérée comme une
malédiction.
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