DEDICACE
Aux femmes et enfants victimes de violations massives des
droits de l'homme, au Soudan et dans la région des Grands Lacs,
véritables musées d'horreurs ; vienne le jour où, les
épées seront brisées pour en faire des socs, et les lances
pour en faire des serpes ...
REMERCIEMENTS
Sur le plan académique ;
Nous tenons à exprimer notre déférente
gratitude à tous nos professeurs de L'ULB, qui ont
complété notre formation intellectuelle, tout spécialement
à Mme Emmanuelle Bribosia, notre tutrice academique, qui nous a
materné par ses conseils judicieux dans la réalisation de ce
travail. Egalement nous remercions Mr Laurent Scheeck pour les
intéressants articles qu'il nous a fournis sur la collaboration
informelle des juges européens ; Alain Kwankenda, pour les
corrections judicieuses qu'il a apportées à notre
manuscrit ; enfin, nos promotionnaires (tout spécialement à
Landrette Koka, Barry Ahmadou, Gaëtan Djeumene, William Donkeng), nous
leurs disons merci.
Sur le plan extra-académique ;
Nous remercions nos frères. Franck Alex Meyou pour
la constance du soutien, Patrice Tabougnia et Violette sa tendre
moitié, qui ensoleille ses jours, la famille Laminou.
A nos fidèles compères, par les temps chauds que
pendant la brise, Kepdem Christian et Romual Sitchueng, nous leurs exprimons
notre gratitude.
« Last but not least », merci
à Laurence et Patricia Kana, Caroline Kamdoum, Joséphine Omokolo,
Micheline Kiendrebeogo, pour la chaleur de leur amitié.
INTRODUCTION
Assez rarement, une notion aurait été aussi
évoquée et débattue ces dernières années que
celle de droits de l'Homme1(*) , la question irradie finalement tous les
domaines du savoir, (politique, économique, juridique). Ce qui confirme
du reste le constat de Frédéric Sudre, pour qui, les droits de
l'Homme sont devenus la référence obligée de tout discours
moderne2(*) .Pourtant
la notion se laisse très mal enfermer dans une définition, eu
égard aux intérêts politiques et idéologiques en
jeu .Toute définition est en effet susceptible d'entraîner
une levée de boucliers selon les différentes sensibilités.
L'une des définitions les plus avancées est celle de J Mourgeon
qui les appréhende comme « ...des prérogatives
gouvernées par des règles que la personne détient en
propre dans ses relations avec les particuliers et avec le pouvoir3(*) ».Même si elle
n'échappe pas à la critique ,cette définition
présente quand même le mérite de la simplicité.
Les droits de l'Homme sont en effet aujourd'hui l'objet d'une
consécration, tant par des instruments juridiques nationaux que
régionaux4(*) ,
communautaires et internationaux. Mais au- delà des belles formules
juridiques proclamatoires, et parfois même incantatoires, se pose le
problème des mécanismes de protection de ces droits. Comme l'a
souligné fort opportunément, voici plusieurs années
déjà, Riccardo Guastini, rien ne sert en effet, à
s'activer d'égrener un chapelet de droits et de libertés si on ne
parvient pas à en organiser efficacement la protection 5(*) . C'est toute la question
de la garantie de droits de l'Homme qui se trouve ainsi posée. Ce qui
nous intéresse particulièrement, ce sont les mécanismes
juridictionnels (à l'exclusion des mécanismes non
juridictionnels) de protection de ces droits dans le cadre
européen : il s'agit du tandem Cour Européenne des droits de
L'Homme autrement appelée Cour de Strasbourg6(*) -Cour de Justice des
Communautés Européennes, encore appelée Cour du
Luxembourg7(*) .
La Cour de Strasbourg a été instituée
dans le cadre du Conseil de l'Europe, le 18 septembre 1959 en vue de faire
respecter la Convention européenne des droits de l'homme8(*). Elle est le principal juge
européen du respect des droits fondamentaux, elle veille par sa
jurisprudence au respect des standards minimums communs aux Etats-membres du
Conseil de l'Europe.
La Cour de justice des Communautés européennes
a, quant-à elle été instituée dans le cadre de la
CE/UE, par le traité CECA du 18 avril 1951, avec pour mission (art 31
traité CECA) d'assurer le respect du droit dans l'interprétation
et l'application du traité et des règlements d'exécution.
Elle constitue l'institution juridictionnelle communautaire, composée en
réalité de trois juridictions : La Cour de justice, le
tribunal de première instance et le tribunal de la fonction publique.
Cette dernière par une laborieuse construction jurisprudentielle,
formalisée au fil des modifications successives des traités
CE et plus tard UE (et surtout avec la Charte de Nice, véritable
« Bill of Rights européen »9(*), qui viendra codifier toute
cette oeuvre prétorienne), s'est reconnue compétente en
matière de droits de L'Homme, considérés comme Principes
généraux du droit communautaire dont elle assure la
protection10(*).
La question se pose avec acuité aujourd'hui : La
Cour de Strasbourg et la Cour du Luxembourg dans la protection juridictionnelle
des droits de l'Homme : duo ou duel ?
La problématique n'est pas nouvelle11(*), car les problèmes
posés par la coexistence de deux juridictions européennes ayant
des compétences en matière de droits de l'Homme ont
déjà été abordés, avouons le, sous divers
aspects par de nombreux auteurs12(*) . Ce qui enlève évidemment
à l'interrogation toute son originalité, mais
l'intérêt de cette étude n'en est pour autant pas
entamée : d'une part, il est rare en effet qu'une étude en
droit, fût-elle un « Traité », épuise
tous les aspects d'une question donnée 13(*);d'autre part, le droit
européen et les droits de L'Homme sont en effet en ébullition
permanente ; ce caractère dynamique impose inévitablement
des remises en question, des interrogations toujours croissantes, des remises
à jour, des revirements doctrinaux, des analyses juridiques
prospectives. On ne saurait donc faire l'économie d'une analyse
juridique en la matière, au motif que la question aurait
déjà été abordée. D'ailleurs la question
présente un intérêt renouvelé .Le traité
de Lisbonne14(*) apportera
de grands changements dans la construction de l'espace constitutionnel
européen 15(*) ,il accordera la personnalité juridique
à L'Union Européenne. Ce qui remet sur la sellette la question de
l'adhésion à la CEDH16(*) (ce traité prévoit d'ailleurs une telle
adhésion ,art 6 II ) ; ensuite , même s'il ne reprend
pas le texte intégral de la Charte des droits fondamentaux, l'art 6 par
I du traité UE modifié fait référence à la
Charte, en lui accordant sans équivoque la même valeur juridique
que les traités 17(*) ; enfin le traité de Lisbonne fera
disparaître le fameux « temple grec » ( structuration
en piliers) de l'Union européenne, en communautarisant tous les piliers
de coopération , ceci va inévitablement entrainer un
accroissement des compétences de la CJCE , une telle évolution
est une source potentielle d'interférences avec la CEDH ,en ceci que,
des difficultés en matière de droits de l'Homme pourraient
éventuellement naître de ces nouveaux domaines de
compétences18(*) .Au plan jurisprudentiel, l'arrêt
Bosphorus de la Cour EDH, qui vient donner une autre configuration des
rapports entre Strasbourg et Luxembourg, ravive inévitablement la
problématique. De fait l'intérêt de cette réflexion
se résume à l'effort d'actualisation de la problématique
qu'elle réalise, son mérite est de céder à la
tentation d'élever le débat au plus haut degré de la
théorie du droit19(*).Précisons qu'à côté de
toute la littérature juridique en la matière, ce mémoire
se veut, une simple pièce versée au costaud dossier de la
recherche sur le système européen de protection des droits de
l'homme .Le sujet présente également un intérêt
théorique indéniable : beaucoup d'auteurs soulignent le
grand désordre juridique qui caractérise le monde
aujourd'hui20(*) et
relèvent que dans cet embrouillamini21(*) , l'Europe à travers son dualisme
juridictionnel serait « un laboratoire de la mondialisation du
droit »22(*).
Autrement dit, les autres ordres juridiques pluralistes en quête de
coordination et de cohérence, n'auraient qu'à expérimenter
les belles formules de « chimie juridique » mises au
point dans le laboratoire européen .Dans le même sens,
Renucci parle du système européen de protection des droits de
l'homme comme l'un des meilleurs au monde23(*) . Ces affirmations élogieuses ne sont
pas sans susciter l'intérêt du chercheur .Comment expliquer
cette efficacité qui contraste, à première vue, avec
l'articulation pas toujours glorieuse de ce système ?
Sur un autre plan( toujours théorique ), l'analyse du
système européen de protection des droits de l'homme est un fort
argument permettant de constater solennellement ,non sans consternation et
nostalgie , l'éboulement, dans une mesure bien pesée toutefois,
de la pyramide Kelsenienne de la hiérarchie des Lois24(*) et son remplacement, par
d'autres modèles théoriques existant déjà ,ou
à construire 25(*), ( certains auteurs constatent sa substitution par un
modèle réticulaire 26(*)) .
Nous nous intéresserons donc à la nature des
rapports entre ces deux juridictions, en matière de protection des
droits de l'Homme .S'agit-il, pour reprendre le questionnement de Denis
Simon d'une relation à la « je t'aime moi non
plus... ?27(*) » ou plutôt, pour continuer
dans ces expressions imagées, d'une relation à la « on
s'est aimé comme on se quitte... ? ». Plus
prosaïquement, la relation entre les deux juridictions européennes
dans la protection des droits de l'Homme, est-elle une relation de
coexistence, de coopération ou de conflit, de subordination ou de
coordination28(*) ?
Notre hypothèse se résume en une affirmation
simple : sous les allures d'un duel, la relation entre les Cours
européennes est à titre principal un duo, si harmonieux, que l'on
présage même qu'elle évolue vers un solo pur et simple.
Nous proposons de vérifier cette hypothèse à partir d'une
summa divisio binaire qui nous permettra d'examiner :
(Première partie) , la relation entre les Cours
européennes : les allures d'un duel , on va analyser ici
l'articulation même des juridictions européennes d'un point de vue
juridique , pour arriver à la conclusion qu'une telle architecture est
un nid de divergences potentielles ou avérées . Ce que confirmera
d'ailleurs la jurisprudence bien connue en la matière, sur laquelle on
s'appuiera. Ensuite nous relèverons que cette relation est, après
une analyse minutieuse principalement un duo, en nous plaçant aussi bien
sous l'angle de la relation même que sous celui de l'appréciation
eu égard à une meilleure protection du justiciable
(Deuxième partie).
Enfin nous ne manquerons pas, en conclusion, de faire
état de toutes les analyses prospectives, relatives à l'avenir
du système européen de protection des droits de L'Homme en
rapport avec la problématique de l'adhésion de la CE/UE au
système de la CEDH.
La méthode qui présidera à nos
développements est le positivisme juridique. Du coup, la question
de François Chevrette et Hugo Cyr nous interpelle : de quel
positivisme parlez-vous29(*) ? Le positivisme juridique constitue en effet
une notion dans laquelle on peut découvrir mille et une significations.
Ces deux auteurs nous demandent de bien distinguer chaque fois que l'on emploie
le terme, parmi les trois sens suivants : le positivisme perçu
comme idéologie, le positivisme vu comme approche théorique et le
positivisme comme méthodologie. C'est donc à ce troisième
sens que nous nous référons ici.
Une autre difficulté de la notion de positivisme
juridique tient en ce qu'elle se présente comme « une
église à plusieurs chapelles » : il y'a à
l'intérieur du positivisme juridique , le positivisme normativiste
autrement appelé le formalisme juridique ; le positivisme logique
de l'école de Vienne ; le positivisme factualiste, etc.- Nous
jetons notre dévolu sur cette dernière approche qui consiste
à analyser les normes et la jurisprudence en tenant compte de leur
contexte de maturation et de leur contexte d'application30(*). Le choix de cette approche
n'est ni fortuit, ni gratuit ; il est justifié d'une part par le
milieu d'étude -l'ordre juridique européen (ou les ordres
juridiques européens), marqué par une absence de
hiérarchie, où le droit entretient une relation indiscutable avec
les faits, et d'autre part, par la déchéance du positivisme
normativiste, et aussi du fait du caractère inachevé des
théories de substitution proposées, qui ne peuvent recevoir leurs
premières applications expérimentales ici.
PREMIERE PARTIE
LES COURS EUROPEENNES DANS LA PROTECION
DES DROITS FONDAMENTAUX : LES
ALLURES
D'UN
DUEL
Commençons par lever toute équivoque
sur la portée du terme « allures » utilisé
ici. Dans le langage courant, il désigne les apparences
générales d'une chose31(*). En l'utilisant, nous n'entendons nullement dire que
le duel entre les deux Cours n'est qu'apparent ; il existe en
réalité, comme le relève pertinemment Olivier
Lord32(*), une
rivalité entre les Cours européennes. L'examen de la
jurisprudence récente des deux Cours est assez
révélateur33(*)à ce propos. Nous avons choisi à dessein
le terme « allures » pour signifier que les situations de
duel sont de faible amplitude .Il est question ici de démontrer
que la question du duel n'est pas un faux problème, elle est une
question fondée. A Strasbourg comme à Luxembourg, on rejette avec
véhémence toute idée de duel entre les Cours .A ce propos,
on peut citer un bref extrait du discours de JP COSTA (président de la
CEDH ) , à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire
de la Cour EDH : « ...Cette adhésion [de L'UE au
système de la Convention ] renforcera l'indispensable convergence entre
les jurisprudences des deux grandes juridictions européennes , la Cour
de justice des Communautés européennes et la nôtre qui ne
sont d'ailleurs nullement concurrentes ,mais fortement complémentaires
,et qui coopèrent déjà dans le meilleur
esprit »34(*) :
Du côté de Luxembourg, c'est le même hymne
à la paix, Les Pères Fondateurs de la Charte de Nice ont pris
soin d'exorciser tout soupçon de concurrence avec le système de
la Convention, en faisant des références explicites à la
CEDH dans le texte de la Charte (voir art 52§ 3), ainsi que
dans son préambule : « Il y a moins de la coupe aux
lèvres !». Ces belles déclarations d'amour
réciproques, ne doivent en rien abuser le juriste. Ce qui compte en
définitive, c'est l'analyse patiente des rapports, de l'articulation
entre les deux Cours et l'exploitation de leurs jurisprudences respectives. Si
l'on confond le duel avec la confrontation, on conclurait trop vite à
son inexistence entre les deux Cours européennes. Or ces notions ne sont
pas tout à fait synonymes : le duel peut être discret, comme
dans notre cas. Les droits de l'Homme, dans le cadre de l'UE ne sont qu'un
instrument stratégique au service de l'intégration
communautaire35(*) , ils
ne sont pas une fin en soi36(*). Le contexte de leur émergence (éviter
que les Cours constitutionnelles nationales en s'arc-boutant sur la
défense des libertés n'entravent la primauté du droit
communautaire) en dit long à ce sujet. Dans le même sens,
plusieurs décisions de la CJCE ont rappelé avec force que les
droits de l'Homme ne sont pas une fin en soi, et que l'intérêt
communautaire (structure et objectifs de l'Union) pouvait en justifier des
restrictions37(*) .
Pour emprunter une phraséologie propre au droit commercial, on dirait
que les droits de l'Homme ne sont pas la « raison sociale »
de L'Union Européenne, alors que de l'autre côté, ils sont
« la cause première » de la Cour européenne
des droits de l'homme 38(*) . Au regard de cette divergence d'objectifs
stratégiques, il serait très imprudent de conclure aussi
hâtivement à une convergence ? Car celle-ci signifierait
qu'un des deux systèmes ait renoncé au moins partiellement
à sa raison d'être .Cette analyse semble se situer aux
confins de la science politique.
Il est possible d'aborder le problème sous un angle
pragmatique en repérant minutieusement, dans les jurisprudences
respectives de ces deux Cours ,les solutions divergentes et en les
présentant selon une systématisation catégorielle ,
ou encore selon une approche évolutive .Une autre manière
d'aborder la question nous semble plus opératoire, en ce sens qu'elle
nous permet ,pour parler comme Hubert Legal de nous intéresser à
la ruche plutôt qu'au miel 39(*) . Elle a le mérite de considérer
le système dans son ensemble, en posant le problème de
manière beaucoup plus théorique qu'il ne l'a été
jusqu'ici, et aussi de s'appuyer sur des solutions jurisprudentielles à
titre illustratif. Elle consiste à dire que la question du duel entre
les Cours européennes est fondée, car ce sont deux juridictions
(CHAP I) ; ce sont deux juridictions
européennes (CHAP II) ; deux juridictions européennes
compétentes en matière de droits fondamentaux (CHAP III) .Du
fait qu'elles ont ces trois attributs communs, il va se poser un
problème d'articulation et de coordination, qui théoriquement
fait le lit des solutions inévitablement divergentes.
CHAP I : LA COUR DU LUXEMBOURG ET
LA COUR DE
STRASBOURG SONT
DEUX « JURIDICTIONS ».
Ces deux Institutions ont un caractère
« juridictionnel ». Pour un non juriste, c'est un simple
constat sans consistance, mais pour le juriste, le premier réflexe est
de se poser la question de « l'autorité de chose
jugée » ou plutôt de « l'autorité
de chose interprétée ou déclarée» (la
terminologie dépend en effet des spécificités du
système considéré), ou plus largement de l'effet des
décisions de ces deux Cours. La question du duel ne se serait pas
posée ou se serait posée avec moins de vigueur si l'une d'elles
n'avait pas le caractère « juridictionnel »,
ou si toutes les deux n'étaient que de simples organes politiques ou
« non juridictionnels ». Dans le premier cas, l'autre
aurait pu, en cas de conflit, se prévaloir du fameux res judicata
pro veritate habetur. On relèvera à ce propos un passage
intéressant dans l'arrêt Grant contre South -West trains
Ltd du 17 février 1998 ; la Cour de justice des
Communautés européennes affirme ne pas être tenue de
s'aligner sur la signification que le Comité des Droits de l'Homme
semblait avoir reconnu à la notion de « discrimination
fondée sur le sexe » telle qu'elle figure aux articles 2 et 26 du
PIDCP .Selon la Cour de justice , « cet organe [le
Comité des Droits de L'Homme ] qui n'est d'ailleurs pas une instance
juridictionnelle , et dont les constatations sont dépourvues de valeur
juridique contraignante s'est borné à faire une observation en ce
sens sans motivation particulière »40(*) . Dans le second cas, le
différend se serait résorbé alors sur le terrain de la
négociation politique. On voit bien que l'effet attaché aux
décisions des Cours européennes, et de manière
générale, leur caractère
« juridictionnel » commun est source de conflits .Il
importe de constater que, de ce caractère commun, il peut sourdre dans
l'articulation des Cours européennes, d'abord une difficulté,
mieux un conflit horizontal. Très concrètement, quel serait
l'effet des décisions de la CJCE sur la Cour EDH et vice-versa, vu qu'il
n'y a pas de hiérarchie a priori? (SECT I). Ensuite, cette situation est
de nature à placer le juge national en porte en faux, il est en effet
dans une situation très inconfortable, en cas de divergences de
solutions entre la CJCE et la Cour EDH, en raison de ses doubles obligations
conventionnelle et communautaire (SECT II). Cette équation de
trilatéralité complexe a été énoncée
et analysée avec lucidité par Emmanuelle Bribosia41(*) . Nous aborderons le
problème sous un autre angle, pour éviter toute redondance.
SECT I DILEMME HORIZONTAL : LES COURS
EUROPENNES
FACE A LA PORTEE42(*) DE LEURS DECISIONS.
Du caractère « juridictionnel » des deux
Cours européennes, il se pose un premier dilemme horizontal, celui de
l'autorité des décisions en matière de droits fondamentaux
de l'une sur l'autre, et vice-versa. On se posera d'abord la question de
l'autorité de la jurisprudence de la Cour EDH sur la CJCE (A) ;
ensuite l'autorité de la jurisprudence de la CJCE sur la Cour EDH (B).
La question peut sembler aberrante, vu que formellement la réponse en
est évidente. En l'absence de dispositions juridiques explicites
justifiant une telle autorité, la conclusion ne peut être qu'elle
est inexistante .Seulement, comme nous l'avons relevé plus- haut,
le positivisme- normativiste ne suffit pas à rendre compte de la
complexité de la matière. Il importe de tenir compte aussi des
considérations tenant par exemple à l'articulation des deux
systèmes. Le constat de l'absence d'une autorité juridique ou
même factuelle de l'une sur l'autre conduit inévitablement
à des divergences d'interprétations que l'on examinera
également (C).
PAR I - LA JURISPRUDENCE DE LA Cour EDH EN MATIERE DE
DROITS
DE L'HOMME A-T-ELLE AUTORITE SUR LA
CJCE ?
Quelle est l'autorité des décisions de la Cour
EDH sur la CJCE ? Juridiquement, on répondrait aucune ! Car,
ni la CE, ni l'UE n'ont formellement adhéré au système de
la Convention. Qu'en est-il alors des différents arguments
avancés par la doctrine pour justifier une autorité de la CEDH et
de la jurisprudence de la Cour EDH dans l'ordre juridique communautaire ?
On examinera ici la pertinence de la question d'une éventuelle
autorité formelle, ou tout simplement d'un fondement juridique pouvant
justifier l'idée d'une autorité de la jurisprudence de Strasbourg
sur celle de Luxembourg. Le positivisme formaliste étant lui seul
insuffisant, on prendra également en compte la pertinence de la question
au regard de quelques théories qui s'appuient plus sur l'agencement et
le fonctionnement des systèmes, plutôt que sur une source
normative expresse. De fait, on se limitera à quelques
éléments : l'art 6§2 du traité sur l'Union
européenne, après la consolidation réalisée par le
traité d'Amsterdam 43(*) ; la théorie de la succession d'Etat
avancée par le juge Pescatore (infra P 13) ; la
théorie des traités successifs ; et enfin on
procédera à la vérification de « la
théorie des contraintes juridiques » de Michel Troper
(infra p 14) dans le cadre de la relation entre Strasbourg et
Luxembourg.
Sur la question de l'existence d'une autorité
formelle , il convient de souligner que, les droits fondamentaux au sein
de l'ordre juridique communautaire ont d'abord été
consacrés par la jurisprudence de la CJCE qui les considère comme
les Principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure
la protection en s'inspirant de la CEDH et des autres instruments
internationaux des droits fondamentaux auxquels les Etats membres ont
coopéré ou adhéré44(*) . On a ainsi pu soutenir que la CEDH, au sein de
l'ordre juridique communautaire, avait le statut « de source
d'inspiration ». Autrement dit, de source factuelle permettant à la
CJCE de protéger les droits fondamentaux.
L'art 6§2 introduit par le traité de
Maastricht : « L'union respecte les droits fondamentaux tels
qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950 et tels
qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats
membres en tant que Principes généraux de droit communautaire
», vient codifier cette affirmation de la jurisprudence, en abandonnant la
référence aux autres instruments internationaux cités au
titre de « source d'inspiration » . La question de la
portée de cette disposition ne se serait pas posée avant la
modification introduite par le traité d'Amsterdam. Pour rappel, ce
traité a étendu la compétence de la Cour de justice
à cet article. L'art 6§2 cite nommément la Convention
européenne des droits de l'homme. Sans doute, comme le font remarquer F
Tulkens et J Callewaert45(*) , cette disposition se réfère
« aux droits fondamentaux « tels qu'ils sont garantis par
la CEDH » et non à la CEDH elle-même. Une telle nuance ne
change pas fondamentalement les choses, car les droits « tels
qu'ils sont garantis par la Cour EDH » sont ceux qui
résultent de la Convention et non d'autres instruments juridiques. Ainsi
l'art 19 de la CEDH dispose très clairement que la Cour est
instituée pour assurer le respect des engagements résultant pour
les Parties contractantes de la Convention et de ses protocoles .Certains
auteurs soulignent que cet article 6§2 a fait glissé au moins
théoriquement la CEDH du statut de « source d'inspiration
» à celui de « source formelle »46(*) , en pratique, la
jurisprudence de la CJCE le confirme ,car de plus en plus « tout se
passe comme si la CJCE appliquait directement la CEDH47(*) ». La question que
l'on se pose est celle de le portée de cet engagement de l'art 6§2.
Peut-on y voir une source d'obligations au titre de la notion de droit
international « d'engagement par déclaration unilaterale de
volonté » ? Notion si bien admise par une partie de la
doctrine en droit international public qui la classe au rang des sources du
droit international à côté des sources expresses
mentionnées à l'art 38 du statut de la CIJ .Cet argument
semble difficilement défendable, au regard du flou qui entoure cette
notion ( beaucoup refusent d'y voir une source spécifique du droit
international48(*)), mais
plus encore du fait que les conditions de validité d'un tel engagement
ne sont pas réunies dans ce cas précis .
De même, en se situant non plus sous l'angle du droit
international , mais de la légalité communautaire , la question
peut se poser de savoir si la CJCE pourrait dans son intervention au titre de
la protection des droits fondamentaux, s'écarter de la CEDH, sans qu'on
puisse y voir une illégalité49(*) , une violation des traités, en se fondant
,non pas sur une adhésion tacite50(*), mais sur le principe de légalité
communautaire ,du moment où le respect de la CEDH inscrite dans les
traités constitue une condition de la légalité
communautaire .C'est l'expression simple de l'adage patere legem quam ipse
fecisti (respecte la loi que tu t'es toi même donnée) .En
d'autres termes, quelle est la valeur juridique de la CEDH et de
l'interprétation qui en est faite par la Cour EDH, devant le juge
luxembourgeois, au regard de cet article ? Certainement, il fait
référence à la CEDH et non à son
interprétation donnée par la Cour EDH. Ce qui laisserait a priori
ouverte la possibilité d'une interprétation autonome dans le
cadre de la CJCE. Mais on pourrait se demander si la Convention peut être
séparée de son interprétation, lorsqu'on songe un tant
soit peu à la jurisprudence de la Cour EDH 51(*)qui a toujours affirmé
que la Convention est un instrument vivant et doit être
interprétée à la lumière du progrès du monde
moderne. Au regard de cette précision, on en déduit que
l'interprétation donnée par la Cour EDH est en
fait « l'âme de la Convention » et ne saurait
s'en séparer. La fameuse « théorie réaliste
française »52(*) , autrement appelée
« théorie réaliste de
l'interprétation », serait radicale sur ce point, dans la
mesure où elle considère que les textes juridiques ne deviennent
des normes qu'à travers l'activité d'interprétation qui
appartient principalement aux différentes juridictions, en particulier
celles dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours. Cette
théorie conduit à admettre que l'interprète est le
véritable auteur de la norme.
Sans doute, cet article 6§2 fait aussi
référence aux traditions constitutionnelles communes aux Etats.
Mais il convient de souligner que depuis 1974 ,et même bien avant (date
où le dernier Etat-la France a adhéré à la
Convention), la CEDH s'est ancrée dans les traditions constitutionnelles
des différents Etats de L'Union, au point où on ne puisse
véritablement pas faire une séparation étanche entre les
sources d'inspiration mentionnées à l'art 6§2 .
En pratique toutefois, il est étonnant que la CJCE ait
continué à se fonder sur l'art 220 TCE (ancien art 164),
plutôt que sur cet art 6§2, malgré l'entrée en vigueur
du traité de Maastricht53(*).Quoiqu'il en soit, cette disposition n'est pas tout
à fait convaincante et ne pourrait conduire qu'à conférer
un statut équivoque à la CEDH dans l'ordre communautaire54(*) .Olivier Le Bot55(*) va dans le même sens,
lorsqu'il souligne la fragilité du fondement juridique sur lequel la
CJCE applique la CEDH, car lors même que l'on aurait déduit de
l'art 6§2 une force contraignante de la CEDH et de son
interprétation devant le juge communautaire56(*), cela ne garantirait rien.
Comme le rappelle en effet J P Jaqué, ni l'Union, ni la
Communauté ne sont actuellement parties à la Convention
européenne des droits de l'homme, celle-ci ne joue un rôle dans le
cadre communautaire qu'en raison de la manifestation unilatérale de
volonté de L'Union de respecter les normes matérielles par le
truchement des Principes généraux du droit applicable de l'art
6§2 du traité UE57(*).
La Charte des droits fondamentaux au cas où le
traité de Lisbonne entrerait en vigueur viendra ravigoter la question,
eu égard à l'art 52§3 qui dispose que « dans la
mesure où la présente Charte contient des droits correspondant
à des obligations garanties par la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales , leur sens et leur
portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite
Convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de
l'Union accorde une protection plus étendue » .Les
critiques de cet article, (absence de valeur contraignante, absence de
référence à la jurisprudence en tant que telle de la Cour
EDH, indétermination du garant de cette clause)58(*), ne permettent pas de lever
toutes les incertitudes qui planent autour de cette éventuelle
autorité interprétative de Strasbourg sur Luxembourg.
D'un autre côté, la théorie de
« la succession d'Etat », invoquée par le juge
Pescatore 59(*) , n'a pas été retenue par la
CJCE .On ne s'y attardera donc pas outre mesure. Simplement, relevons
qu'elle a été l'objet de nombreuses critiques60(*) : entre autres, les
règles de contrôle mises en place par le système
conventionnel ne permettent pas à une Organisation internationale ou
à ses organes d'être partie à la procédure devant la
Commission [ancienne Commission européenne des droits de l'homme] ou la
Cour EDH ;de plus, les Etats-membres de la CE étant liés
à des degrés différents par la Convention (jeu des
réserves) et aux différents protocoles à la Convention,
il était difficile de déterminer l'exacte étendue de
l'engagement qui eût alors, si la théorie était retenue,
été transféré à la Communauté.
Moins intéressante sur ce point, est la théorie
des « traités successifs » selon laquelle les
Parties à un traité ne sauraient déroger dans leurs
rapports aux obligations contractées dans un traité
antérieur. La critique de J P Jacqué sur ce point est on ne peut
plus pertinente ; le traité communautaire à l'époque
de sa conclusion regroupait des Etats qui n'étaient pas tous parties
à la Convention, pour la France, le traité communautaire est le
traité antérieur ; de même on ne saurait faire fi du
caractère spécifique du traité communautaire, qui est un
traité d'intégration61(*).
Une autre théorie qui mérite d'être
analysée est la fameuse théorie « des contraintes
juridiques » de Michel Troper62(*), qui postule que dans la vie juridique comme
dans d'autres domaines , l'usage de la liberté ou du pouvoir est
déterminée par certains facteurs qui contraignent les acteurs
à agir comme ils le font qu'autrement , l'hypothèse de la
théorie des contraintes juridiques est qu'à côté
des facteurs extra- juridiques, il existe d'autres internes qui
résultent uniquement de la configuration des systèmes juridiques
qui peuvent expliquer la décision des acteurs . La configuration des
Cours européennes impliquerait donc des contraintes juridiques de la
part de chacune des deux Cours. L'agencement des Cours européennes
permet à la Cour EDH d'exercer son contrôle sur la CE/UE, par la
médiation de la responsabilité internationale des Etats-membres.
De cette configuration, il découlerait une autorité, du moins
de facto, des arrêts de la Cour EDH sur la CJCE. Un tel
contrôle commanderait, en effet, en vertu « des contraintes
juridiques », à la CJCE de ne pas rester indifférente
à la jurisprudence de Strasbourg. Il serait difficile, toutefois
d'exciper d'un tel contrôle une certaine autorité de la
jurisprudence de la Cour EDH sur celle de la CJCE, car ce contrôle, comme
on va le voir est sérieusement limité. Et la CJCE peut toujours
choisir l'option d'une déviance pure et simple par rapport à la
jurisprudence de la Cour EDH, en assumant les conséquences. Cette
théorie, pour pertinente qu'elle puisse paraître, n'est pas
suffisante pour servir de fondement à une autorité de la
jurisprudence de Strasbourg sur Luxembourg. On pourrait également lui
ajouter d'autres reproches, elle n'a en effet jamais été
consacrée explicitement par la jurisprudence des Cours
européennes d'une part ; d'autre part, il ne s'agit pas pour les
juges européens de « véritables
contraintes », mais plutôt d'un souci réciproque de
cohérence, « de scrupules jurisprudentiels
réciproques ».
Au total, seule une adhésion formelle de l'UE au
système de la Convention pourrait tirer les choses au clair. En
attendant et sous réserve des observations précédentes, on
ne peut pas juridiridiquement soutenir l'idée d'une autorité
formelle des décisions ou de l'interprétation donnée par
la Cour EDH sur la CJCE. Qu'en est-il de l'autorité de celle-ci sur
celle-là ?
PAR II - LA JURISPRUDENCE DE LA CJCE EN MATIERE
DE DROITS
DE L'HOMME A-T-ELLE AUTORITE SUR LA
Cour EDH ?
De la même manière, a priori, les
décisions de la CJCE, en matière de droits de l'Homme, n'ont pas
autorité sur la Cour EDH. Il semble qu'une telle autorité serait
même inenvisageable de facto. Il y'a au moins deux raisons pour
lesquelles la Cour EDH ne pourrait pas se référer à la
jurisprudence de la CJCE, du moins en tant que source d'inspiration :
-la première est que, comme l'a relevé Olivier
De schutter la CEDH occupe une place particulière dans les sources
d'inspiration de la CJCE 63(*) . Plusieurs arrêts de la CJCE rappellent
d'ailleurs cette « signification particulière » de
la CEDH64(*) .Il
y'aurait, pour l'auteur et sous réserves que nous allons examiner plus
loin ,une certaine convergence interprétative .De ce point de vue ,
on ne voit pas pourquoi la Cour EDH se référerait à
la jurisprudence de la CJCE en matière de droits de l'homme si une telle
jurisprudence n'est que le reflet de l'interprétation qu' elle[ Cour
EDH] donne à la CEDH ,et ne saurait de ce fait apporter une plus -value.
L'intérêt d'une telle référence se
justifierait uniquement dans l'hypothèse où la CJCE se
serait inspirée d'autres instruments tels que le PIDCP, ce qui
n'était pas impossible65(*), ou aux traditions constitutionnelles communes aux
différents Etats-membres. Seulement l'art 6§2 ne cite plus les
autres instruments juridiques internationaux au titre de sources d'inspiration
auxquelles se réfère la CJCE.
Sans doute, avec la Charte des droits fondamentaux, la
situation pourrait changer, vu que cet instrument, comme on va le souligner,
est d'un standard plus élevé que la CEDH en ce qui concerne, la
reconnaissance des droits de l'homme66(*) . Mais cela n'entraine pas ipso facto ,
une obligation pour la Cour EDH de se référer à la
jurisprudence de la CJCE quant à ces droits nouveaux ,ce en vertu du
caractère subsidiaire de la Convention, ( art 53 CEDH ) qui fait d'elle
« le minimum vital européen » ; sauf si
celle-ci considère au regard de la mission qui lui est reconnue
d'adapter la CEDH à l'évolution de la société , que
ce minimum a évolué et doit de ce fait s'enrichir de nouveaux
droits consacrés par la Charte. On relèvera dans ce sens
que, dans l'affaire Christina Godwin c.R.U en 200267(*) , la Cour EDH invoque
très clairement la Charte des droits fondamentaux de l'UE ; mais
ici encore, rien ne l'oblige à s'aligner sur la jurisprudence de
Luxembourg.
- Le second obstacle, du moins théorique à une
référence à la jurisprudence de la CJCE par la Cour EDH
est l'art 32 de la CEDH qui confie à la seule Cour EDH
« toutes les questions concernant l'interprétation et
l'application de la Convention et ses Protocoles qui lui seront soumises dans
les conditions prévues par les articles
33,34 ,47... » . Donc, au cas où la CJCE aurait sa
propre interprétation de la CEDH, en vertu de cet article, on pourrait
légitimement penser qu'elle soit sans effet, du moins formellement sur
la Cour EDH.
De même, il est possible de vérifier ici
également la pertinence de la « théorie des contraintes
juridiques », lesquelles résulteraient, dans ce cas, de
l'interférence personnelle entre les deux systèmes, tous les
Etats-membres de l'Union européenne ont adhéré à la
Convention. Beaucoup d'auteurs ont évoqué la possibilité
d'un moyen d'action de Luxembourg sur Strasbourg. Très
concrètement, les Etats-membres peuvent
« boycotter » le système de Strasbourg au cas
où il ne tiendrait pas en compte les impératifs communautaires et
de manière plus spécifique la jurisprudence de la CJCE en
matière de droits fondamentaux, ou au cas où il s'en tiendrait
à un standard rigoureux. De cette capacité de nuisance, peut-on
déduire une autorité de Luxembourg sur Strasbourg ? Loin
s'en faut ! Les critiques relevées plus haut sont transposables
mutatis mutandis ici.
De ces deux constats d'absence, du moins d'incertitudes quant
au fondement d'une autorité formelle et même factuelle des
arrêts de Luxembourg sur Strasbourg et réciproquement, on est
inévitablement confronté à des risques graves de
divergences68(*)ou
même à des divergences réelles, que l'on s'emploiera
maintenant à mettre en évidence. Il convient de souligner que,
si les exemples ne sont pas légion sur ce point, cela est dû plus
à l'impressionnante « diplomatie judiciaire » qui
s'est mise en place entre les Cours69(*), plutôt qu'à une certaine
cohérence juridique du système. Le paragraphe qui suit est
consacrée pour l'essentiel à l'examen de ces divergences.
PAR III - LES DIVERGENCES
JURISPRUDENTIELLES
Contrairement à plusieurs auteurs, Raisz Aniko70(*) souligne qu'il n'existe aucune
interdépendance, du moins formelle, entre les deux Cours, même si
l'interprétation des juges de Luxembourg est susceptible de se
rapprocher de celle de Strasbourg. C'est d'ailleurs la conclusion à
laquelle nous sommes parvenu plus-haut. On ne se livrera pas ici à une
recension complète de divergences jurisprudentielles entre les deux
Cours, elles sont, à notre avis bien connues. On se limitera à
présenter quelques cas parmi tant d'autres :Dans l'affaire des
pêcheurs espagnols, il existait des divergences entre les juges
de Luxembourg et de Strasbourg, concernant l'art 7 de la CEDH (principe
nulla poena sine lege) .En décidant dans l'affaire
Musique diffusion française et Autres c. Commission des
Communautés européennes, que la Commission des
Communautés européennes n'est pas susceptible d'être
soumise au respect de l'art 6 de la CEDH, (droit à un procès
équitable) lorsqu'elle agit dans le domaine de la concurrence, la CJCE
n'a pas suivi la jurisprudence de la Cour EDH.71(*)Dans l'arrêt Orkem72(*) , la CJCE a rejeté
l'idée que cet article (art 6) puisse contenir le droit de ne pas
témoigner contre soi-même, la Cour de Strasbourg ayant quant
-à elle admis le contraire73(*).
Dans les fameux arrêts Grogan74(*), la Cour Suprême
Irlandaise (Irish High Court) a posé une question préliminaire en
demandant si la prohibition de la dissémination d'informations sur
l'avortement légal à l'étranger était conforme au
droit communautaire (rapport à l'art 10 CEDH -liberté
d'expression), il s'agit là pour reprendre le raisonnement de Rick
Lawson75(*), d'un cas
potentiel de divergences vu que la CJCE était appelée à
statuer sur un cas où la Cour EDH n'avait pas encore statué. De
même, on citera des domaines où les divergences sont bien connues
entre les deux Cours, en ce qui concerne le droit au respect de la vie
privée garanti par l'art 8 de la CEDH, la Cour EDH a
considéré que ce droit s'étendait aux Entreprises76(*) ,telle n'était pas
l'opinion de Luxembourg. Dans le même sens, on peut comparer77(*) les arrêts de la CJCE
dans les affaires Dufay c. PE78(*), et Marguerite Johnson c.Chief constable of Royal
ulster constabulary79(*) , avec la jurisprudence de Strasbourg, en
particulier l'arrêt Neigel c France80(*) ; Lombardo c / Italie81(*), et Massa c/
Italie82(*) .La
liste des divergences entre les deux Cours européennes est loin
d'être complète, on se limitera à ces quelques exemples
dans le cadre de notre exposé. Il convient à présent
d'examiner le dilemme vertical résultant du caractère
juridictionnel et des divergences jurisprudentielles entre Strasbourg et
Luxembourg.
SECTI II. DILEMME VERTICAL : LE CONFLIT
D'ALLEGEANCE83(*)
DU JUGE NATIONAL
De ce commun « caractère juridictionnel
», et de ces divergences jurisprudentielles des Cours
européennes, il résulte à l'évidence un second
dilemme qui lui est vertical et pèse lourdement sur le juge national en
raison des ses doubles obligations communautaire et conventionnelle. Le juge
national se retrouve alors dans la situation d'un serviteur qui doit servir
deux maîtres à la fois, ayant apparemment le même grade et
de qui il reçoit des ordres purement contradictoires84(*) . Notons au passage que
le « juge national » dans la lancinante question de la
coordination entre les deux systèmes européens présente
une importance capitale. Autant dans le système communautaire que dans
celui de la Convention, il est le juge de droit commun de la Constitution et
des traités85(*) . C'est donc devant lui que les deux ordres
juridiques européens vont s'affronter. Il lui appartient alors de
démêler les ficelles en ménageant chacun de ses deux
maîtres .La situation évidemment comme le relève
Emmanuelle Bribosia 86(*)ne peut se poser que si on se situe dans le champ
d'application du droit de l'Union ; elle ne se poserait également
que si elle est en rapport avec les droits fondamentaux.
Pour Olivier de Schutter87(*), la résolution de l'équation est
simple : le juge national doit, en pareille hypothèse , faire
primer le droit communautaire en raison , du lien direct noué par les
mécanismes de renvoi préjudiciel entre le juge national et le
juge communautaire , et de ce que l'intervention de celui -ci se situe en cours
d'instance ( la situation étant encore sub judice devant le
juge national ), plutôt qu'après épuisement des voies de
recours au sein de l'Etat . Un autre élément qui appuierait
cette option du juge national serait la mise en balance des sanctions
auxquelles il (en réalité l'Etat dont il est l'organe) s'expose
dans chaque système, suite à une éventuelle violation de
ses obligations88(*). De
ce point de vue, les sanctions du système communautaire sont plus
redoutables surtout avec la reforme de la voie de recours en manquement qui
désormais peut déboucher sur une amende89(*) .Ces sanctions peuvent
aller d'une suspension, voire d'une exclusion de l'Union européenne, de
l'Etat qui ne respecte pas les droits fondamentaux ; alors que dans le
système conventionnel, le mécanisme d'exécution des
arrêts, tout à la responsabilité du Comité des
ministres souffre de quelques défaillances. 90(*)
Les travers d'une telle solution de politique
jurisprudentielle toutefois, est qu'elle conduit forcement le juge national
à violer l'ordre d'un de ses deux maîtres, notamment l'ordre du
système Conventionnel. La situation la plus intéressante serait
celle qui essaie de concilier les deux ordres apparemment contradictoires.
C'est ici que prend de l'intérêt ce que nous avons appelé
plus loin « les éléments autorégulateurs de
pacification juridiques internes à chaque système »
(voir Titre II, Chap I), car ils vont être très utiles au
juge national pour résoudre le dilemme sus évoqué. De
fait, le juge national doit être très au fait de la jurisprudence
de la Cour EDH relative à ses rapports avec le droit communautaire,
(jurisprudence qui peut certes évoluer), il peut anticiper le
contrôle que la Cour EDH fera, en se servant du critère
dégagé dans l'arrêt Bosphorus et ses suites. Ce
faisant, il ôte le risque d'être désavoué
ultérieurement par Strasbourg. Il devra aussi utilement tenir compte
de la jurisprudence de la Cour de justice sur le respect de la CEDH,
résumée par Olivier de Schutter, comme suit : la CJCE
veille à ce que la CEDH soit respectée dans au moins trois
hypothèses, même si formellement la CE et l'UE n'ont pas
adhéré à la CEDH : d'abord, elle contrôle le
respect de la CEDH par les Institutions des Communautés et de l'UE
(parmi lesquels la CJCE qui aux termes de l'art 7 du traité CE fait
partie des Institutions de l'UE)91(*) . Ensuite, elle impose aux Etats- membres de
respecter la Convention lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit communautaire ou
contribuent à l'application de la CEDH, ou encore lorsque les mesures
qu'ils adoptent s'inscrivent dans une exception que ménage à leur
bénéfice une disposition du droit communautaire. Enfin, la Cour
admet de la part des Etats- membres qu'ils tirent argument des obligations que
leurs impose la CEDH, pour limiter l'étendue des obligations que leurs
impose le droit communautaire. Connaissant donc la jurisprudence de la CJCE, le
juge national peut anticiper la solution qu'elle prendra .Sans doute la
CJCE n'est pas liée par la règle du précédent et
pourrait toujours revenir sur cette jurisprudence. Mais en procédant
ainsi, le juge national diminue le risque de condamnation
ultérieure .Le mérite d'une telle solution serait d'assurer
la cohérence du système européen en évitant des
oppositions frontales. Toutes ces explications, relèvent de la politique
jurisprudentielle et rien ne nous autorise à conclure que le juge
national ne prendrait pas une autre option. Sous le bénéfice de
ces observations, on peut approfondir la question du dilemme du juge national
en faisant, pour notre part, un double distinguo de portée
inégale, car le premier tire sa source des textes communautaires, le
second quant à lui, découle de l'observation des rapports entre
le droit national et le droit communautaire :
-d'abord entre la situation du juge national suprême
(dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours), et celle du
juge dont les décisions sont susceptibles de recours
(Par I) ;
- ensuite, l'observation des rapports entre le droit
communautaire et les droits nationaux des Etats-membres , nous permettra
d'examiner la situation du juge national ainsi décrite, selon qu'il est
un juge qui admet facilement la primauté du droit communautaire, et
selon qu'il est un juge qui l'admet avec réticence ou réserve
(Par II)
PAR I DISTINGUO JUGE NATIONAL SUPREME /JUGE
NATIONAL
NON
SUPREME.
Dans le premier cas, les traités communautaires (art
234 CE) font obligation au juge, dont les décisions ne sont pas
susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, d'adresser une
question préjudicielle à la Cour de justice des
Communautés européennes en cas de doute sérieux dans
l'interprétation du droit communautaire. en pareille hypothèse,
la résolution de la question est alors très simple, en cas de
divergences entre les Cours européennes. Car le juge devra tout
simplement renvoyer « la patate chaude » à la CJCE, par
le moyen de la question préjudicielle. On sait que
l'interprétation qui en sera donnée par la CJ lie le juge
national .Il ne pourrait donc craindre, en cas d'application de cette
interprétation, la condamnation ultérieure de la Cour EDH, car en
vertu de la jurisprudence de cette dernière (Aff.
M&CO92(*)),
elle ne se reconnait pas compétente pour assurer le contrôle des
actes de mise en oeuvre du droit communautaire lorsque l'Etat- membre
(entendons ici, le juge national) n'avait manifestement pas un pouvoir
d'appréciation. (dans l'arrêt Bosphorus également,
le juge strasbourgeois prend en compte l'exercice par l'Etat-membre du pouvoir
d'appréciation, comme critère d'exercice de son
contrôle)93(*) .Pour être en totale harmonie avec la
jurisprudence de Strasbourg ,il devra en plus vérifier par
lui-même si le niveau de protection des droits de l'homme qu'offre le
droit communautaire par rapport au cas qui lui est soumis, n'est pas
« manifestement insuffisant » . Ce qui est une
quadrature de cercle, car c'est un critère flou et le contrôle
qu'en fait la Cour EDH est à la fois un contrôle concret au cas
par cas et abstrait, qui mérite de précisions ultérieures.
Donc ce ne serait qu'en cas de doute sérieux, quant à violation
de la présomption de conformité du droit communautaire aux
droits de l'homme, que le juge national devra alors poser une question
préjudicielle (la formulation de la question doit tenir compte du statut
des droits de l'homme dans l'ordre juridique communautaire).
Devant le juge dont les décisions sont susceptibles de
recours, il a la faculté soit de poser la question préjudicielle
comme dans le premier cas, (seulement on se demande bien si le fait de poser
une question préjudicielle qui est une simple faculté ne peut pas
être considéré par la Cour EDH comme l'exercice d'un
pouvoir d'appréciation, avec les conséquences qui en
découlent); soit de ne pas poser une question préjudicielle. Il
lui appartient alors de trancher entre les ordres contradictoires de ses deux
maîtres pour décider celui qu'il devra mettre en oeuvre .Le
problème est alors délicat, il ne faut non plus exagérer
la situation du juge national dans ce cas, car il dispose de deux soupapes
d'échappement qui sont prévues dans chacun des deux
systèmes .Dans le système de la CEDH d'abord, il faut
rappeler que la Convention à un caractère subsidiaire (art 53 de
la CEDH). Ce qui autorise un dépassement par le haut de la protection
que le juge national ( à ce propos ,Vera Morales a si bien montré
que la protection que le juge administratif français fait des droits de
l'homme dépasse largement celle prévue par la CEDH94(*) ) peut accorder en
matière de droits fondamentaux . Il doit donc visiblement, en raison de
cela, donner la primeur à la norme du droit communautaire ; mais
encore faut-il qu'elle soit d'un niveau de protection plus élevé
par rapport à la Convention qui est le « minimum vital
européen de protection de droits de l'homme », pour parler
comme Fabienne kauff Gazin. 95(*)La deuxième soupape d'échappement est
fournie au juge national par l'art 53 de la Charte (sous réserve de son
entrée en vigueur) qui règle la question de l'articulation de la
Charte avec les Constitutions nationales : « aucune disposition
de la Charte ne doit être interprétée comme limitant ou
portant atteinte aux droits reconnus par les Constitutions
nationales ». Cet article permet au juge national d'écarter
l'application de la Charte, si celle ci est moins protectrice que la CEDH. En
pratique toutefois, il est difficile de déterminer entre deux normes
celle qui confère la protection la plus élevée. En
définitive, on aboutit à l'application de la disposition
« la plus favorable aux droits fondamentaux »,
affirmée par de nombreux instruments de protection des droits de
l'homme96(*). On
remarquera que cet article 53, en dépit de bonnes intentions qui ont
animé sans doute ses auteurs, a été vivement
critiqué par la doctrine .On lui reproche d'abord d'entrer en
opposition frontale avec la primauté du droit communautaire si bien
affirmée dans l'arrêt Costa c Enel ;97(*)cet article laisse supposer ,
et c'est la deuxième critique, que la primauté du droit
communautaire sur le droit national serait définitivement acquise. Or
telle ne semble pas être l'opinion de certaines Cours constitutionnelles
nationales (allemande en particulier.)98(*) . On en arrive ainsi au deuxième
distinguo.
PAR II DISTINGUO JUGE NATIONAL ADMETTANT FACILEMENT LA
PRIMAUTE DU DROIT COMMUNAUTAIRE /JUGE NATIONAL L'ADMETTANT AVEC
RESERVES
Lorsqu'on parle de la primauté du droit communautaire,
on devrait toujours garder à l'esprit la dualité de
l'appréciation, en se situant du point de vue de la CJCE, et la
primauté telle qu'envisagée par les juridictions nationales
suprêmes99(*) .
De ce point de vue, on devrait tenir compte des réserves à la
primauté émises par ces Cours suprêmes nationales100(*) . A notre avis,
l'identité de la Cour nationale, devant laquelle la question du dilemme
entre obligations Conventionnelle et communautaire se pose, est de nature
à influencer la résolution de cette difficulté. Il importe
dès lors de distinguer entre le juge national admettant facilement la
primauté du droit communautaire et celui exprimant des
« contres-limites », quant à cette primauté ;
ces contre-limites qui ,de manière générale, s'appuient
sur la Constitution nationale peuvent ,concerner certaines dispositions
expresses de la Constitution , les principes structurels , ou encore
les droits fondamentaux101(*) ; plus intéressante est la contre-limite
tirée de la nécessité de préserver les droits
fondamentaux , elles apparaissent comme « une épée
de Damoclès » pouvant s'abattre , au cas où le
droit communautaire violerait ces limites . En pratique toutefois le
problème est marqué par une recherche de compromis102(*). Pour ce qui est par exemple
de la Cour constitutionnelle allemande, qui du reste apparaissait comme la
plus menaçante, elle s'est réservée le droit de renverser
la présomption en cas de baisse générale de la protection
des droits fondamentaux103(*) . Des doutes sur les conditions d'une reprise
d'un contrôle ont été levés dans le jugement du 7
juin 2000, « Bananes », dans lequel le
tribunal apporte avec clarté des précisions quant à la
portée de la jurisprudence Solange II. Mais rien ne
présage qu'une juridiction nationale suprême ne mette en
application ces réserves. Ceci étant, devant le juge admettant
facilement la primauté du droit communautaire, le problème
se résoudra normalement comme précisé plus
haut .Devant le juge émettant des réserves tirées du
respect des droits de l'homme, a priori la solution serait de sanctionner le
droit communautaire au détriment du droit conventionnel, au cas
où ces réserves seraient violées, le caractère
subsidiaire de la Convention conduit les Etats à accorder une
protection qui va souvent bien au- delà de celle garantie par la
Convention . De la sorte, il y'a de fortes raisons de penser qu'une
opposition du droit communautaire à la Convention (minimum vital) serait
a fortiori mécaniquement une atteinte aux droits reconnus dans les
Constitutions nationales.
Le premier noeud dans l'articulation des Cours
européennes étant présenté et examiné, il
nous reste maintenant à examiner le second noeud qui résulte du
caractère « européen » commun des deux Cours,
il légitime tout aussi les allures de duel entre les deux juridictions
européennes.
CHAP II DEUX JURIDICTIONS
« EUROPEENNES »
La question de l'articulation posée par le
caractère commun « européen » des juridictions de
Luxembourg et Strasbourg est double. En premier lieu, ce sont deux juridictions
de niveau européen (Sect. I). Ensuite on notera qu'elles sont toutes
inscrites dans l'espace européen (Sect. II).
SECT I DEUX JURIDICTIONS DE NIVEAU
EUROPEEN
Il est question ici de souligner le caractère
supranational commun des deux juridictions (par I) .Mais le fait qu'elles
sont de niveau européen ne suffit pas théoriquement à y
voir une source d'un double standard. Là où le bas blesse, c'est
qu'il y'a une certaine interférence personnelle104(*), et surtout une absence de
hiérarchie formelle entre elles (Par II). On aboutit
inévitablement à des potentielles divergences jurisprudentielles
(Par III).
PAR I DEUX JURIDICTIONS
SUPRANATIONALES
La Cour EDH a été créée le 18
septembre 1959 dans le cadre du Conseil de l'Europe105(*), avec 10 Etats-membres au
départ. Elle compte aujourd'hui 47 Etats. Aux termes de l'art 1 de la
CEDH (obligation de respecter les droits de l'homme), les Hautes parties
contractantes (47 aujourd'hui) reconnaissent à toute personne relevant
de leur juridiction les droits et les libertés définis au titre I
de la Convention .Plus significatif est l'art 46 -1 (force obligatoire et
exécution des arrêts) par lequel les Hautes Parties contractantes
s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour
dans les litiges auxquels elles sont Parties. De là, on peut
dégager le caractère supranational de la Cour EDH, car le droit
international classique pose que les Etats doivent se conformer aux
traités qu'ils ont librement consentis. C'est l'application simple du
principe pacta sunt servanda.106(*)De plus la jurisprudence de la Cour EDH a plusieurs
fois précisé qu'en cas de conflit entre le droit conventionnel et
le droit constitutionnel d'un Etat- membre, c'est le premier qui doit
primer107(*) .
Ainsi dans l'affaire Open Door et Dublin well woman c/ Irlande de
1992108(*), la Cour n'a
pas hésité à faire prévaloir le droit conventionnel
sur la constitution de l'Irlande avec laquelle il était visiblement en
conflit. De même, on peut citer l'arrêt Zielinski et Pradal
& Gonzalez et Autres c. France du 28 oct. 1998109(*),la Cour a estimé que
la conformité à la Constitution de la loi critiquée ne
suffisait pas à établir sa compatibilité avec les
dispositions de la Convention .Egalement, dans l'affaire Von Hannover
c. Allemagne du 24 juin 2004110(*), la Cour n'a pas suivi la position de la Cour
constitutionnelle fédérale qui avait estimé, en se
référant à la liberté de presse, que la
requérante en tant que personnalité absolue de l'histoire
contemporaine, devait tolérer la publication des photos
litigieuses . Dans le même sens, la Cour EDH ne va pas suivre la
décision de la Cour constitutionnelle en matière d'adoption, dans
l'arrêt Wagner c. Luxembourg du 28 juin 2007.
La CJCE a été installée en 1952 dans le
cadre de la CECA, avec comme mission première de faire respecter le
droit dans l'interprétation et l'application des traités. De ce
côté, les choses sont moins simples. Pour reprendre les termes de
l'arrêt Costa contre ENEL. A la différence des
traités ordinaires , le traité de la CEE a institué un
ordre juridique propre intégré aux systèmes juridiques des
Etats membres , lors de l'entrée en vigueur du traité, et qui
s'impose à leurs juridictions .En instituant une Communauté
de durée illimitée dotée d'Institutions propres, de la
personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de
représentation internationale et plus particulièrement des
pouvoirs réels issus d'une limitation des compétences ou d'un
transfert d'attributions des Etats à la Communauté, ceux-ci ont
limité, bien que dans des domaines restreints , leurs droits
souverains et crée ainsi un corps de droit applicable à leurs
ressortissants et à eux-mêmes111(*) .On peut citer également les
arrêts Simmenthal112(*) et le 1er arrêt Internationale
Handelgesellschaft113(*) qui viennent compléter le sens de la
primauté du droit communautaire ainsi dégagé. Sous
réserve de ce qui a été dit plus- haut au sujet des
« contre limites » exprimées par les juridictions
constitutionnelles nationales , il apparait que cette primauté du
droit communautaire qui s'étend à la jurisprudence de la
CJCE , est assez clair sur le caractère supranational de la
CJCE .Ce commun caractère supranational n'est pas suffisant en
lui-même pour y voir une source d'un double standard ,il faut aussi
prendre en compte l'interférence personnelle entre les deux Cours (
voir tableaux en annexe ) , et surtout l'absence de
hiérarchie formelle.
PAR II L'ABSENCE DE HIERACHIE FORMELLE
ENTRE
LES COURS
EUROPEENNES
Il importe de noter qu'il n'ya pas de hiérarchie
formelle entre la Cour EDH et la CJCE, les traités originaires
régissant chacun de ces ordres juridiques ne font d'ailleurs pas
référence l'un à l'autre. Comme le souligne J P
Jacqué, il y'a une prétention de certaines Organisations
internationales à fonder un ordre constitutionnel propre : pendant
que la Cour de justice voit dans les traités une « Charte
constitutionnelle », la Cour EDH voit dans la CEDH
« l'instrument constitutionnel d'un ordre public
européen »114(*) . La théorie de droit international des
« traités successifs » préconisée par
certains ne nous semble pas très utile ici. On aboutit donc à
« un embouteillage juridique », dont Mireille Delmas Marty
s'emploie avec hardiesse, depuis quelques années, à mesurer
l'ampleur et à démêler les trames115(*) .
PAR III LES DIVERGENCES JURISPRUDENTIELLES
(Voir supra, P16
&17).
SECT II DEUX JURIDICTIONS DE L'ESPACE
EUROPEEN
C'est la deuxième équation résultant du
commun caractère « européen » des deux Cours,
une équation à double inconnue. En réalité ,il
s'agit de deux équations à proprement parlé qui
résultent de l'inscription spatiale des deux juridictions dans un
univers commun -l'Europe .Il s'agit là d'une notion plus brumeuse
qu'un loch écossais , notion qui a d'ailleurs longtemps
alimenté de nombreuses discussions , comme en témoigne la
déclaration restée célèbre de Robert Schuman
à Londres le 5mai 1949 : « La définition de
l'Europe comme entité géographique a fait l'objet de savantes
polémiques qui continuent , mais l'Europe ne saurait attendre la fin de
ce débat , elle se définit elle-même par la volonté
de ses populations »116(*) .Sans vouloir nous inviter dans un débat
somme toute assez complexe ,disons qu'il faut, pour lever toute
équivoque , situer le terme « Europe » dans son
contexte , comme beaucoup le font d'ailleurs en parlant de Grande Europe (
Conseil de l'Europe ) et petite Europe (Union européenne ) .Le fait
est que, les deux Europes s'emboitent à la manière des
poupées russes tout en étant indépendantes formellement
l'une de l'autre. Ce qui d'un point de vue juridique est un casse-tête
chinois.
En Droit interne, en droit interne Belge en particulier, la
compétence, entendue comme la portion de juridiction attribuée
par la Loi à chacun des tribunaux de l'ordre judiciaire117(*) , est définie de
manière claire et précise, aussi bien la compétence
territoriale que matérielle. De même, des mécanismes
permettant de pallier d'éventuels conflits de compétences sont
prévus118(*) .Comme il n'existe pas de législateur
souverain au niveau européen , et du fait de l'interdépendance
des deux systèmes , cela conduit inévitablement à des
difficultés .Certes, les limites de la grande Europe ne
coïncident pas totalement avec celles de la petite Europe , mais depuis
l'adhésion de la France en 1974 au système de la Convention ,
tous les pays membres de L'UE sont aussi membres du Conseil de l'Europe . C'est
là l'origine des deux équations évoquées plus
haut ; la manière dont les deux systèmes vont gérer
cette commune inscription spatiale est symptomatique d'un duel. Du
côté de la Cour EDH, on remarquera que la CE /UE a
été progressivement investie des pouvoirs qui, à
l'origine, étaient exercés par les Etats -membres et
appartenaient au domaine de compétence de la Cour EDH. En
transférant à la CE/UE de plus en plus des pouvoirs dont
l'exercice peut affecter le respect des obligations incombant aux Etats-membres
au titre de la CEDH, les Etats-membres, ont du fait, aussi
transféré à la CE/UE une partie de leurs
responsabilités au titre de la CEDH. Or la CE /UE n'a pas encore
donné forme concrète à cette
responsabilité puisqu'elle ne s'est pas encore soumise à la
juridiction de la Cour EDH. Il en résulte, comme le souligne Peter Van
Dijk119(*), une
érosion de la juridiction de la Cour EDH aussi bien rationae
personae que rationae materiae. Ceci nonobstant le contrôle
du respect des droits fondamentaux développé dans le
système communautaire, contrôle qui ne peut en rien être
comparable à un contrôle extérieur au
système120(*) . La Cour EDH a été
confrontée a cette impasse. Comme on va le voire, même si le
contrôle qu'elle a été amenée à faire a connu
un dégel dans l'arrêt Bosphorus, à travers la
présomption (toutefois refragable) de conformité des actes
communautaires aux droits fondamentaux qu'elle a établie121(*), il faut souligner que cet
arrêt apparait comme la suite d'un long épisode jurisprudentiel
qui a été l'occasion pour la Cour EDH d'affirmer progressivement
son contrôle sur le droit communautaire par le biais du contrôle
des Etats-membres. Autant le dire, sous l'angle des rapports entre
systèmes, cette attitude laisse clairement apparaitre un manque de
confiance, mieux de révérence de la Cour EDH à
l'égard du système communautaire122(*) . Certes, bien qu'elle
fût invitée à plusieurs occasions par
l'ingéniosité des avocats , la Cour EDH n'a pas reconnu sa
compétence pour connaitre d'une requête dirigée contre tous
les Etats-membres ( les termes de certains arrêts laissent cependant
songeur sur ce point) , technique dite de la
« substitution »123(*)qui l'eût permis alors d'attribuer l'action ou
l'omission dénoncée devant elle à un ou plusieurs
Etats-membres , en faisant abstraction du caractère propre de la
CE /UE .Mais s'il en a été ainsi , c'est moins en
raison d'une marque de respect ou de confiance à l'égard du
système communautaire, qu'au résultat inéquitable auquel
une telle solution aurait alors abouti. D'une part les Etats-membres
auraient ,dans ce cas ,été responsables des mesures qu'ils
ont été obligés de prendre ou à l'adoption
desquelles ils n' ont joué qu'un rôle mineur . De même,
dans l'exécution de l'arrêt, alors que l'art 46§1 de la
Convention oblige les Etats à se conformer à l'arrêt, le
droit communautaire aurait pu s'opposer à la prise des mesures
individuelles et générales nécessaires à
l'exécution de cet arrêt, à l'exception de la mesure
consistant à verser des dommages et intérêts. D'autre part,
la solution aurait été autant inéquitable pour la
Communauté que ses lois et ses actions seraient alors examinées
dans une procédure au cours de laquelle elle n'a pas la faculté
de se défendre.
On remarquera, pour illustrer notre propos et en faisant une
comparaison avec les rapports entre la Cour EDH et l'ordre juridique
international, que dans les fameux arrêts connexes Behrami c
France et Saramali c France, Allemagne, Norverge, la Cour était
appelée à statuer sur la recevabilité des requêtes
dirigées contre les Etats membres de la mission des Nations -Unies au
Kosovo(MINUK) et de la présence internationale de
sécurité
(la KFOR) à raison des opérations que les
soldats de ces pays menaient au Kosovo, la Cour recherche s'il n'y a pas lieu
de lever le voile pour poursuivre les Etats- membres dans les actes et
omissions litigieux. La cour va déclarer son incompétence
rationae personae pour examiner les griefs dirigés contre les
Etats défendeurs et conclure à l'irrecevabilité des
requêtes, en se fondant sur les objectifs des NU et sur la
nécessité de préserver les opérations de cette
Organisation. Dans cette affaire , alors que les requérants faisaient
valoir que la protection des droits fondamentaux offerts par la KFOR sur les
plans tant substantiel que procédural n'était pas
« équivalente » à celle assurée par la
Convention ,au sens donné à ce terme par la Cour dans
l'arrêt Bosphorus,ce qui renverserait, selon eux ,la
présomption du respect de la Convention par les Etats
défendeurs . La Cour EDH souligne les différences des
circonstances de l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt
Bosphorus et de celles de l'espèce présente. On peut
douter de la pertinence de cet argument, vu que la Cour relève par la
suite qu'en tout état de cause, il existe une différence
fondamentale entre la nature de l'Organisation de la coopération [CE/UE]
en cause dans l'affaire Bosphorus, et celle en cause en
l'espèce (ONU-MINUK). Visiblement, la Cour EDH juge
l'intérêt communautaire inferieur à l'intérêt
international -paix et sécurité internationale et fait ainsi deux
poids deux mesures ; la décision de la Cour est telle qu'on
pourrait légitimement penser qu'elle accorde une quasi-immunité
aux actes découlant de l'ordre juridique international issu du
système des Nations -unies124(*).
Du côté de la CJCE, le duel résultant de
la commune appartenance à un univers se caractérise par une
autonomisation croissante par rapport au système de la Convention.
Certes, l'Union européenne n'a pas encore adhéré
formellement au système de la Convention, mais dès lors qu'elle
admet la Convention comme source d'inspiration, elle devrait pouvoir admettre
aussi l'interprétation qui en est faite par la Cour EDH. On va voir
également à travers la jurisprudence de la CJCE que la tendance
est à une quête d'autonomie toujours croissante. Cela peut,
certes, s'expliquer par d'autres raisons, mais l'idée de duel comme
explication ne semble pas dénuée de pertinence .Voici donc
posée la première équation qui résulte de
l'inscription des deux juridictions dans un commun univers et dont la
résolution par les deux juridictions européennes dénote
clairement l'existence d'un duel discret. Nous analyserons cette situation en
(SECT I).
La deuxième équation personnelle peut-être
appréhendée en se plaçant sous l'angle du justiciable
(Etat ou personne privée) .Il y'a dans son chef un certain conflit de
juridiction, car il se trouve être sous la juridiction de deux Cours
européennes. Dans un sens, cela pose inévitablement la question
de la sécurité juridique, dans un autre sens, cela pourrait
amener les justiciables les plus hardies à user « du forum
shopping ». Ces affirmations doivent être toutefois
nuancées car l'accès de certaines catégories de
justiciables devant la CJCE est sérieusement limité .Cette
seconde équation nous occupera dans une (SECT II).
PAR I LA PREMIERE EQUATION PERSONNELLE : LES QUESTIONS
DU CONTRÔLE DE LA CE/UE PAR LA Cour
EDH,
ET DE L'AUTONOMISATION DE LA CJCE
PAR RAPPORT AU SYSTÈME DE LA
CONVENTION
Nous examinerons le contrôle croissant de la CE/ UE par
la Cour EDH (A) et l'autonomisation croissante de la CJCE par rapport au
système de la Convention (B).
A- LE CONTRÔLE CROISSANT DE LA CE/UE PAR
LA Cour EDH125(*)
L'analyse de la jurisprudence de la Cour EDH en la
matière laisse clairement apparaitre une situation assez
paradoxale qui se situe entre une extension croissante du contrôle de la
Cour au champ des différents actes communautaires quelle que soit leur
nature, ( par le biais du contrôle des actes nationaux, la Cour de
Strasbourg menaçant même souvent de mettre en cause la
Communauté en elle-même par le biais de la responsabilité
des Etats-membres ) d'une part ; et l'admission, d'autre part , de
plus en plus prononcée des limites ( toutefois ambiguës ) à
un tel contrôle . On est donc en présence d'une
jurisprudence « en dents de scie ».
1- L'extension du contrôle de Strasbourg en fonction de
la nature des
différents actes de droit
communautaire en cause
Face aux limites du système de protection des droits de
l'Homme de la CJCE, les citoyens de l'Union qui s'estimaient victimes de
violations des droits que leurs reconnaissaient la CEDH, par les Institutions
communautaires, se sont retournés vers la Cour EDH qui a progressivement
étendu son contrôle en fonction de la nature juridique de l'acte
communautaire en cause. Le mouvement peut être résumé en
quatre points : contrôle des actes nationaux pris en
exécution du droit communautaire (a) , contrôle des actes
découlant du droit communautaire dérivé (b),
contrôle des actes découlant du droit communautaire primaire (c),
contrôle des actes découlant du droit communautaire
dérivé, lorsque l'Etat membre n'a visiblement pas exercé
son pouvoir d'appréciation (d).
a - Contrôle des actes nationaux pris en
exécution du droit communautaire
Au départ, la Commission européenne des droits
de l'homme écartait les recours dirigés contre la
Communauté en tant que telle ,et portant sur le droit primaire , au
motif qu'ils étaient irrecevables ratione personae .Dès
lors que la Communauté n'était pas partie à la Convention
, la Commission a considéré que les Etats- membres de la
Communauté ne pouvaient être tenus responsables des
décisions du Conseil, dans la mesure où ,en participant à
l'adoption de ces décisions, ils n'avaient pas exercé leur
« juridiction » au sens de l'art 1 de la CEDH ( Voir
affaire CDFT c Communautés européennes126(*) ) . Les organes de
Strasbourg se refusant de se déclarer compétents pour examiner
les requêtes concernant le droit communautaire dérivé, ont
par contre accepté d'examiner sur le fond des requêtes portant sur
les actes nationaux pris en exécution du droit communautaire.
Lorsque les Etats membres disposent d'une marge
d'appréciation dans la mise en oeuvre du droit communautaire, leur
responsabilité, quant à la manière dont ils
exécutent, a été affirmée (Arrêt Procola
c Luxembourg127(*) ; voir également Etienne tête,
Requête n°1123 / 84, décision du 9 déc.
1987) .Lorsque les Etats membres ne disposent pas par contre d'une
telle marge d'appréciation, leur responsabilité a
été exclue, étant donné que la Communauté
européenne assure une « protection équivalente »
des droits fondamentaux (Comm. Eur. .DH M&CO c République
fédérale d'Allemagne 128(*) .
Dans l'arrêt du 15 nov.1996, la Cour EDH estime que le
fait que le droit interne applicable s'inspire presque mot pour mot d'une
directive communautaire ne le soustrait pas à l'empire de la
Convention.129(*)
b- Contrôle des actes découlant
du droit communautaire primaire
Dans l'arrêt Matthews en 1999 , la Cour de
Strasbourg a clairement établi sa compétence en matière de
contrôle du droit communautaire primaire , pour lequel la CJCE n'est pas
compétente .Dans cette affaire, la Cour a surmonté le
problème délicat de la personnalité juridique distincte
des Communautés européennes au moyen de la
« théorie de l'effet utile » de la Convention, elle
a estimé qu'il ne serait pas possible de maintenir un contrôle
efficace du respect de la CEDH par toutes les Parties contractantes , s'il ne
lui était pas possible d'exercer son contrôle sur les actes des
Etats ,également dans les domaines des pouvoirs
transférés . En effet, le transfert de souveraineté
ne devrait pas se traduire par l'impossibilité de contrôler les
pouvoirs transférés en termes de respect des droits fondamentaux.
Selon la théorie de la « succession d'Etat », les Etats
-membres de la Communauté devraient être tenus responsables des
violations de la CEDH découlant des actes des Institutions
communautaires.
c- Contrôle des actes nationaux traduisant
sans appréciation le droit
Communautaire
€dérivé
L'arrêt Bosphorus130(*) fût une autre
étape , en ce qu'il posait le problème de la
responsabilité d'un Etat membre du fait d'une atteinte portée aux
droits de l'homme ,résultant du droit communautaire
dérivé .La Cour accepte reconnait sa compétence pour
vérifier la conformité au regard de la Convention d'une mesure
nationale prise sur le fondement d'un règlement communautaire ( droit
communautaire dérivé) ; « ...La Cour a (...)
jugé que les parties contractantes sont responsables au titre de l'art 1
de la Convention de tous les actes et omissions de leurs organes ,qu'ils
découlent du droit interne ou des nécessités d'observer
des obligations juridiques internationales .Ledit texte ne fait aucune
distinction quant au type de normes ou de mesures en cause... »
§ 153. Cela constitue une avancée, qui viendra atténuer
certainement le désenchantement d'une partie de la doctrine qui
avait reproché à l'arrêt M&Co d'avoir
conféré une quasi -totale immunité au droit
communautaire131(*) .L'une des particularités de cette
affaire tient en ce que l'Etat-membre n'avait pas exercé son pouvoir
d'appréciation .Ce qui naturellement aboutissait à un
contrôle indirect mais certain de l'acte du droit communautaire , lors
même que la Communauté n'a pas formellement adhéré
à la Convention . Toute chose qui conduit Benoit Rohmer à
voir en cet arrêt une adhésion contrainte de l'Union à la
Convention132(*).La Cour
de Strasbourg a posé toutefois des limites à son contrôle,
limites qui demeurent hélas ! assez ambiguës.
2- L'ambiguïté des limites du
contrôle de la CE/UE par la Cour EDH
L'examen de ce point se fera en deux mouvements : Le
premier nous permettra d'analyser d'une manière générale
l'ambiguïté des limites du contrôle du système
communautaire telles qu'elles résultent de la jurisprudence de
Strasbourg ; le deuxième nous permettra d'analyser en particulier
la limite apportée par l'arrêt Bosphorus.
a- L'ambiguïté des limites du
contrôle de la CE /UE par le Cour EDH-
vue
générale
Malgré l'extension du contrôle de la Cour EDH aux
actes qui trouvent leur source d'une manière ou d'une autre dans le
droit communautaire, il y'a des limites que Strasbourg n'a jamais franchies.
Autant le dire, ces limites sont plus qu'ambiguës et méritent de ce
fait d'être nuancées :
Une chose est claire, la Cour EDH n'a jamais admis sa
compétence pour contrôler les actes de la Communauté en
tant que tels, c'est- à-dire les actes de l'ordre juridique
communautaire qui n'ont pas d'une manière ou d'une autre
été insérés dans l'ordre juridique national. Elle a
toujours affirmé au fil de sa jurisprudence que la CE/UE n'ont pas
adhéré à la CEDH et ne peuvent être mises en cause
devant elle .Dans l'arrêt Bosphorus par exemple, s'agissant
du transfert de pouvoir à une Organisation , la Cour souligne que
« ...en tant que détentrice des pouvoirs souverains ainsi
transférés , l'Organisation internationale concernée ne
peut, tant qu'elle n'est pas partie à la Convention ,voir sa
responsabilité engagée au titre de celle-ci ,pour les
procédures conduites devant ses organes ou les décisions rendues
par eux... », et la Cour cite sa jurisprudence pertinente allant dans
le même sens 133(*) . Cette limitation se retrouve également
dans l'affaire Connolly 134(*)où la Cour rappelle, à propos de la
question d'une éventuelle responsabilité de l'Union
européenne, que cette Organisation n'a pas adhéré à
la Convention et qu'elle ne peut donc voir sa responsabilité
engagée au titre de celle-ci . Sans doute dans l'arrêt
Matthews comme souligné plus -haut ,la Cour relève que le
transfert de souveraineté ne saurait conduire à une
immunité des Etats-membres, eu égard au respect des droits
fondamentaux .Ce transfert souligne la Cour ,ne pourrait pas se traduire
par l'impossibilité de contrôler les pouvoirs
transférés en termes de respect des droits fondamentaux . Ce
qui pourrait faire penser qu'elle pourrait directement contrôler les
actes des Institutions communautaires. Mais dans cet arrêt, il convient
de souligner que c'était la loi électorale nationale qui
était l'objet du contrôle, bien que celle-ci traduisait
fidèlement l'acte du Parlement européen de 1976.
La situation la moins claire concerne l'hypothèse des
requêtes dirigées contre les Etats-membres pris collectivement.
Certains justiciables ingénieux ont plusieurs fois essayé de
mettre en cause la CE/UE en passant par le moyen détourné d'une
responsabilité collective des Etats-membres. La Cour, après
quelques hésitations, a fini par établir clairement comme on
vient de le voir, son incompétence rationae persone, du fait
que la Communauté / UE n'ont pas adhéré formellement
à la Convention (voir aussi arrêt CDFT c/ Communautés
européennes supra). Mais cette position de la Cour semble plus
qu'ambiguë .D'une part, elle intervient après une série
d'espèces qui donnent quand-même à
réfléchir : d'abord, dans l'arrêt du 4juillet
2000135(*)
(Société Guérin Automobile c les quinze Etats
-membres),la requête était dirigée contre les 15 Etats
-membres .Dans le souci de contourner l'incompétence rationae
persone, de la Cour EDH ; s'agissant des mesures prises par les
Institutions communautaires, la requérante a tenté de mettre en
cause la responsabilité collective des Etats-membres. La Cour rejette
comme irrecevable rationae materiae, en tant qu'elle échappe au
champ des droits garantis par la Convention et ajoute une précision qui
se passe de tout commentaire : elle souligne en effet que , dans
l'hypothèse où la requête n'aurait pas été
irrecevable en tout état de cause, elle aurait été
contrainte de statuer sur la question portant sur la recevabilité de la
requête dirigée contre les 15 Etats contractants ; ensuite,
l''arrêt Senator lines eut été une occasion pour
la Cour de préciser sa position dans cette
problématique136(*) . Dans cet arrêt, la requête
était dirigée à nouveau contre les 15 membres de l'UE pris
collectivement .La cour EDH va déclarer la requête
irrecevable rationae materiae. Il était reproché
à la Commission européenne d'avoir violé les articles 6 et
13 de la CEDH. Il importe, pour comprendre l'arrêt de la Cour de prendre
en compte comme le suggère Laurent Scheeck137(*) , les
antécédents intervenus trois semaines avant que la Cour ne
prenne sa décision, notamment la décision du tribunal du 30
septembre 2003 qui annule l'amende portée contre la
société Senator lines. De ce fait la Cour
decide : « ...The applicant was inadmissible by
declary that the applicant company could not claim to be a victim of a
violation of the ECHR ,as there was not clearly no violation left, after the
annulment of the annulment of the fine and because of the CFI decision of the
30 September 2003 .»138(*); enfin l'arrêt Segi et Gestoras
pro-amnistia et autres c. Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne,
Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas,
Portugal, RU et Suède 139(*) : l'affaire concerne la lutte contre le
terrorisme . Les requérants inscrits sur une liste annexée
à la position commune 2001 /931/PESC ( pour rappel, aucun
contrôle juridictionnel des mesures adoptées dans le cadre du
titre V TUE n'existe à ce jour dans le système communautaire , et
le recours en annulation n'est pas ouvert aux particuliers dans le cadre du
titre VI TUE ) vont introduire un recours devant la Cour EDH pour violation de
leur droit à la présomption d'innocence , de leur liberté
d'expression et d'association ainsi que du droit au recours effectif et
à un procès équitable. La Cour à jugé la
requête irrecevable, estimant que les requérantes ne pouvaient se
prétendre « victimes » d'une atteinte à leurs
droits en raison de l'adoption des positions communes 2001/930/PESC et
2001/931/PESC .La Cour rappelle que « l'existence d'un droit au
recours individuel ne peut avoir pour objet de prévenir une violation de
la Convention » . Elle juge qu'en l'espèce la simple
présence du nom de la requérante sur la liste constitue
« un lien trop tenu, pour justifier l'application de la
Convention » et relève que cette présence peut
être gênante, sans en tirer les conclusions qui s'imposent. La cour
se prononce ici encore sur sa compétence matérielle, sans donner
des précisions sur sa compétence rationae persone.
Ces différentes solutions laissent persister de
nombreuses ambiguïtés. Cette jurisprudence se situe dans le
continium de ce que A Bultrini140(*) qualifiait de « jurisprudence
attentiste... », C'est -à- dire qu'elle s'inscrit dans
l'attente d'une adhésion de la CE/UE à la Convention. Elle ne
traduit donc nullement une certaine courtoisie accordée au
système communautaire par le système conventionnel. De plus,
cette limitation tient plus, comme on l'a indiqué plus haut, à
la situation de grande injustice à laquelle une admission de la
responsabilité de la CE/UE aurait conduit , autant pour les
Etats-membres qui devraient alors être tenus responsables des actes
à l'adoption desquels ils n'ont pas forcement participé ou pour
lesquels ils ne pourront seuls apporter des réparations, compte tenu de
la répartition des compétences dans l'Union
européenne ; que pour les Institutions de la CE/UE qui auraient
été mises en cause sans qu'elles ne soient
représentées à Strasbourg, et sans possibilité par
ailleurs de se défendre au cours de la procédure.
La deuxième ambiguïté liée à
cette limitation ressort des termes même de l'arrêt
Connolly. La Cour souligne en effet que les griefs du requérant
sont incompatibles ratione personae, « ...du moment
où à aucun moment, l'un ou l'autre Etat n'est intervenu dans le
litige opposant les organes de la Commission au
requérant ... ». Elle conclut que le requérant ne
relevait pas de la juridiction des Etats-membres au titre de l'art 1 de la
CEDH. Cette précision laisse penser que si l'un de ces Etats
était intervenu dans la procédure, elle se serait
déclarée compétente rationae personae. La cour
introduit la notion « d'imputabilité » qui doit
être encore clarifiée ; elle souligne en substance
« qu'en conséquence, les violations alléguées de
la Convention ne sauraient être imputées aux Etats mis en cause
dans la présente affaire».
Une troisième situation concerne les actes des
Etats-membres qui traduisent fidèlement des normes communautaires sans
exercice par ces derniers d'une marge d'appréciation. Contrôler
ces actes reviendrait indirectement, mais certainement à contrôler
les actes de la CE/UE. La jurisprudence de la Comm EDH, de l'ancienne et de la
nouvelle Cour EDH dans ce domaine, n'est également pas à une
ambiguïté près .Selon A Bultrini, la Commission a
toujours considéré que la responsabilité d'un Etat-membre
pouvait être engagée lorsqu'il mettait en oeuvre une
réglementation communautaire. Cet auteur souligne avec pertinence que la
jurisprudence de la Commission au départ semble faire abstraction de la
marge d'appréciation dont disposent les Etats. La seule véritable
limite serait l'hypothèse des actes étatiques d'exécution
purement formelle d'actes communautaires de droit dérivé (Aff.
M&Co infra)141(*). Dans cette dernière hypothèse la
Cour établit une « présomption
d'équivalence ».
Quoi qu'il en soit, il est moins probable que la Cour se
prononce à l'avenir sur ces différentes incertitudes, au regard
de son arrêt Bosphorus, qui incontestablement vient restreindre
le contrôle qu'elle fera désormais des actes ayant leur source
dans le droit communautaire. Cet arrêt appelle toutefois de nombreuses
observations et laisse des questions en suspens.
b- L'arrêt Bosphorus et les
limites du contrôle de la CE/UE
par la Cour EDH :
ambiguïtés et incertitudes juridiques
La cour adopte dans cet arrêt, parmi plusieurs solutions
qui s'offraient à elle, une solution prudente, sans renoncer pour autant
à son contrôle. Après avoir relevé que
« la Convention n'interdit pas aux parties contractantes de
transférer des pouvoirs souverains à une Organisation
internationale [ y compris supranationale ] à des fins de
coopération dans certains domaines d'activité » §
152 , elle souligne que « ...mais il serait contraire au but et
à l'objet de la Convention que les Etats soient exonérés
de toute responsabilité au regard de la Convention dans le domaine
d'activités concerné » . Les garanties
prévues par la Convention pourraient être limitées ou
exclues discrétionnairement, et être par là même
privées de leur caractère contraignant ainsi que de leur nature
concrète et effective .l'Etat demeure responsable au regard de la
Convention pour les engagements pris en vertu des traités
postérieurement à l'entrée en vigueur de celle-ci. La Cour
reconnait la spécificité du système juridique
communautaire, en particulier la singularité de ses rapports avec les
ordres juridiques nationaux, et érige les particularités de cet
ordre juridique en « intérêt général
», reconnu par l'ordre juridique de la Convention. La Cour souligne en
substance que ,la saisie d'un aéronef au titre de sanctions contre
l'ex- république de Yougoslavie ne procédait pas de l'exercice
par les autorités irlandaises d'un quelconque pouvoir
d'appréciation, mais plutôt du respect par l'Etat irlandais de ses
obligations juridiques résultant du droit communautaire, et en
particulier de l'art 8 du Règlement n°990/93 142(*) .Pour concilier le
respect de la Convention avec l'intérêt communautaire , elle a
recours à une présomption de conformité du droit
communautaire avec la Convention , présomption qui peut être
renversée si le droit communautaire n'offre pas une protection
équivalente à celle garantie par la Convention :
«... Une mesure de l'Etat prise en exécution de pareilles
obligations juridiques doit être réputée justifiée,
dès lors qu'il est constant que l'Organisation en question accorde une
protection à tout le moins équivalente à celle
assurée par la Convention » § 155 .Et dans
l'affaire Bosphorus, on ne saurait considérer que la protection
des droits de la société requérante était
entachée d'une « insuffisance manifeste » . Par
équivalente, la cour entend une protection comparable et non identique,
concernant tant le fond que les procédures de garantie.
Les incertitudes juridiques et ambiguïtés
lancées par l'arrêt Bosphorus, tiennent en trois raisons
au moins : la première raison est liée au caractère
« réfragable » de la présomption .Certes la
solution dans cet arrêt, comme le relève J P
Jacqué143(*),
n'est pas sans rappeler le modèle Solange II145(*), (du coup on pourrait
aujourd'hui s'interroger en passant sur le constat d'une
« intransposabilité » du modèle Solange
II aux rapports entre Luxembourg et Strasbourg146(*)). Mais il convient de noter
que dans l'arrêt Bosphorus ,la Cour EDH se réserve
discrètement la possibilité de renverser la présomption et
de mettre en cause les actes de droit communautaire . A côté
du contrôle abstrait qu'elle opère, elle effectue également
un contrôle concret, au cas par cas .Ce qui permet de faire
clairement le départ entre « la présomption »
établie par la Cour constitutionnelle allemande dans l'affaire
Solange II et celle qu'établit la Cour EDH. Donc rien ne
garantit l'impossibilité d'un revirement ; la deuxième
grande incertitude est liée au manque de clarté quant aux notions
utilisées et à leur implication. Ce qui ouvre directement la voie
à de nombreuses controverses. Beaucoup critiquent , par exemple,
la référence à une « insuffisance
manifeste » comme un critère devant entrainer une baisse de
standard de protection. Le problème, comme l'a souligné la
doctrine résultait de ce qu'il fallait entendre par
« insuffisance manifeste »147(*) . Kathrin Kuhnert souligne à ce propos
que :
« It may be assumed that a deficiency
arises when the ECJ lacks competences been too restrictive in allowing
individual 148(*)access
to it, or in case of an obvious missing or misapplication by the ECJ of an ECHR
right, or of a deviation from well etablished of the ECtHR .However, not
every deviation from the ECtHR's case-law can be considered shortcoming, as
Article 53 ECHR ensures that allowing more rights or interpreting that broadly
will be give legitimate effect as well.»
La notion « d'insuffisance manifeste » pouvant
renverser la présomption a suscitée de nombreuses critiques eu
égard à ses implications. Beaucoup y ont vu la
consécration d'un seuil d'exigence relativement bas (voir sur ce point
l'opinion concordante de l'arrêt Bosphorus) ; c'est aussi
notre sentiment. Au regard de ses premières applications par la
Cour149(*),
« le critère d'insuffisance manifeste » semble
introduire une condition supplémentaire (du moins de fond), pour
l'accès à la Cour EDH des requérants victimes d'une
violation ou d'une omission qui trouve sa source dans le système
communautaire. Il faut désormais, outre les conditions traditionnelles,
renverser la présomption de conformité aux droits fondamentaux
des actes communautaires .C'est un critère structurel qui consiste
à apporter la preuve d'un dysfonctionnement structurel. Ce qui est une
vraie gageure. il va certainement entrainer une baisse dans la garantie des
droits qu'offrait jusque- là la Cour EDH. Comme le souligne
Clémence Bouin. C'est le recours individuel qui fait d'ailleurs
l'originalité de cette juridiction international qui se trouve ainsi
menacé. Il faut noter en plus que ce critère ne sera
appliqué que si la première condition du contrôle de la
Cour EDH est remplie à savoir l'exercice par l'Etat- membre de son
pouvoir d'appréciation.
Dans le même sens, la présomption de
conformité aux droits fondamentaux du droit communautaire pose en elle
-même quelques difficultés. Comme on vient de le souligner, la
solution si elle se rapproche du modèle Solange II, ne lui est
toutefois pas comparable en tous points ( supra ) comme l'a si
bien montré le professeur Harastch150(*) .Nous nous rallions à une partie de la
doctrine pour regretter les implications d'une telle approche . Ce n'est
pas tant la doctrine de la protection équivalente dont Clémence
Hardy souligne d'ailleurs qu'elle n'est pas nouvelle151(*), que sa signification et le
raisonnement de la Cour qui font problème . Si la Cour prend en
compte( § 159 ,§ 165) aussi bien la place des droits
fondamentaux dans l'Union européenne que l'accès au juge , pour
arriver à la conclusion que la présomption d'équivalence
peut s'appliquer en l'espèce , on peut regretter le fait qu'elle ne pose
pas des conditions devant permettre à la dynamique du respect des droits
fondamentaux dans l'UE de suivre son cours : elle aurait pu exiger, par
exemple ,la reconnaissance de la valeur juridique de la Charte151(*)et la nécessité
de faciliter un plus grand accès des recours individuels152(*).
Autrement dit, on reproche à la Cour à la fois
de fermer les yeux sur les travers du système communautaire qui sont
bien connus et décriés par tous153(*) ; le système communautaire pourrait
rester dans le même état sans avoir à craindre un
renversement de la présomption. Certes la Cour prend le soin de
souligner qu'une telle présomption est renversable dans le cadre d'une
affaire donnée, si elle estime que la protection des droits
donnée par la Convention est entachée « d'une
insuffisance manifeste » . Selon la doctrine, cette hypothèse
ne peut se produire que dans deux cas :soit dans le cas d'une
évolution de la jurisprudence de la Cour , soit dans celui d'une
régression du système communautaire , pour reprendre ici les
deux hypothèses potentielles de renversement de la présomption
posées par Kauff Gazin154(*) .La solution dégagé par
Strasbourg n'est pas trop loin d'un « chèque en blanc »
donné au système communautaire avec toutefois un droit de
regard.
- La troisième incertitude est liée à
l'avenir de la jurisprudence Bosphorus ; la place qu'elle occupe
dans la jurisprudence de la Cour EDH ne nous permet pas d'écarter
l'hypothèse d'un revirement. A ce propos il importe de remarquer que la
Cour est restée constante, et a, en même temps,
évolué par rapport à sa jurisprudence .Ainsi la Cour
n'hésite pas à examiner la conformité d'un acte mettant
en oeuvre le droit communautaire à la Convention. Elle estime que (
§ 153) l'art 1 de la CEDH ne fait aucune distinction quant au type de
normes ou de mesures en cause , et ne soustrait aucune partie de la
« juridiction » des Parties contractantes à l'empire de
la Convention .Elle avait par le passé affirmé sa
compétence pour apprécier aussi bien la conformité d'un
acte mettant en oeuvre un règlement communautaire155(*) que celle d'un acte pris en
application d'une directive communautaire155(*) . De plus ,pour apprécier la
responsabilité de l'Etat irlandais ,la Cour prend en compte le pouvoir
d'appréciation de l'Irlande à travers un ensemble
d'éléments ,pour arriver à la conclusion que l'atteinte
litigieuse ne procédait pas de l'exercice par les autorités
irlandaises d'un quelconque pouvoir d'appréciation ,que ce soit au
titre du droit communautaire que du droit Irlandais, mais procédait
plutôt du respect par l'Etat irlandais de ses obligations juridiques
résultant du droit communautaire et en particulier de l'art 8 du
règlement ( CEE n°990/93) . Selon Clémence
Hardy156(*) , si
une marge de manoeuvre avait été laissée à l'Etat-
membre dans le processus d'intégration de l'acte communautaire dans son
ordre juridique, la Cour aurait alors considéré cet acte national
comme un acte ordinaire de l'Etat-membre, et aurait exercé un
contrôle habituel de l'acte en question. Cette solution n'eut à
l'évidence pas été sans rappeler la jurisprudence de la
Cour dans les affaires Procola et Cantoni (supra). En
revanche, cet arrêt semble être un revirement par rapport à
la jurisprudence Matthews ( supra ) où la Cour avait
été formelle en affirmant que les Etats- membres devraient
être tenus responsables des violations de la Convention découlant
des Institutions communautaires . On se rappelle que dans cette affaire
la Cour avait contrôlé la conformité à la Convention
d'un acte de droit communautaire primaire, ne laissant par définition
pas de marge d'appréciation aux Etats-membres. Mais ici encore, il faut
le préciser, c'était la mesure nationale- la loi électoral
du RU quoique traduisant fidèlement le contenu de l'Acte du Parlement
européen de 1976, qui était l'objet de contrôle, et non cet
Acte en lui-même. Au total l'arrêt Bosphorus laisse planer des
incertitudes juridiques, il ne peut suffire à régir les rapports
entre Luxembourg et Strasbourg.
Du côté de Luxembourg, le duel se traduit par une
autonomisation croissante par rapport au système de la Convention.
B- L'AUTONOMISATION DE LA CJCE, PAR RAPPORT
AU SYSTEME DE LA
CONVENTION157(*)
La réception de la Convention européenne des
droits de l'homme dans le cadre de la CE/UE, se fait avec de nombreuses
adaptations tenant compte de la nature du système, Johan Callewaert
parle de « the unionisation of the
convention ...»158(*) :
« ...An important test is whether the ECJ also
relies on the Strasbourg interpretation of the convention provisions
referred159(*) to, as
their adaptation to a union law on context could mean that the convention is
being unionised. » .L'autonomisation de la CJCE par rapport au
système de la Convention, peut, certes, s'expliquer par plusieurs
raisons notamment la nécessité d'adapter le respect des droits de
l'homme à la structure et aux objectifs de l'Union, mais on peut aussi
y voir l'expression d'un duel comme souligné plus haut . Comme l'a
si bien souligné le doyen Louis Favoreu, l'idée qui sous-tend
l'adoption de la Charte est d' «avoir son propre censeur à
Luxembourg pour les quinze Etats-membres [vingt sept aujourd'hui ] afin surtout
de ne pas aller à Strasbourg »160(*) .
Il convient toutefois de nuancer sérieusement cette
affirmation et de distinguer comme le fait d'ailleurs la doctrine la mieux
autorisée en la matière, cette autonomisation à un double
niveau : autonomisation d'abord par rapport à
l'interprétation donnée par la Cour EDH à la CEDH ( A ),
ensuite autonomisation dans l'application de ces droits ( B) .Ce sont ces
deux idées qui nous occuperons ici, elles dénotent si bien une
certaine apparence ou un duel véritable entre les deux Cours.
1-Autonomisation par rapport à
l'interprétation donnée de la CEDH
par la Cour EDH.
Certains auteurs refusent de voir dans les divergences
d'interprétation entre les deux Cours le signe d'un duel. Olivier De
Schutter, par exemple, souligne que ces prétendues divergences
traduisent une certaine division du travail et n'ont jamais
débouché ni sur une véritable confrontation, ni sur la
prétention d'une des deux de manifester sur l'autre une quelconque
prééminence 161(*)(l'auteur démontre en fait la signification
particulière de la CEDH et de la jurisprudence de Strasbourg devant la
CJCE). Mais s'il en est ainsi, cela est dû, comme l'a
démontré Laurent Scheek, à l'impressionnante
« diplomatie judiciaire » qui parvient à forcer la
main aux acteurs intergouvernementaux162(*) . Quoiqu'il en soit, les divergences existent
malgré tout et sont bien connues. Nous convenons en effet avec Raiz
Anico que le résultat de l'interprétation dépend ainsi
souvent de la finalité poursuivie par l'autorité réalisant
l'interprétation. Selon lui , cette explication fournit une clé
de compréhension essentielle aux interprétations divergentes des
juges de Luxembourg et de Strasbourg qui appartiennent à des
systèmes ayant des finalités premières divergentes
(supra) .De cette différence de finalités,
découle l'autonomisation de l'interprétation donnée par la
CJCE à la Convention .Sur ce point le mouvement a été
dynamique ,évoluant progressivement vers une baisse du degré
d'autonomisation. Cela a été si bien résumé par
Simon Denys163(*) .Dans un premier temps la CJCE évitait
toute référence formelle à l'interprétation des
droits fondamentaux dégagée par la Commission ou la Cour EDH, des
dispositions de la Convention .Soit elle estimait que
l'interprétation conventionnelle des dispositions pertinentes de la
Convention était inadéquate dans le contexte
communautaire164(*) . Soit elle estimait qu'il n'existait pas de
jurisprudence véritablement pertinente165(*) , soit elle souhaitait manifestement
protéger l'autonomie du système communautaire166(*) .Cette situation a
conduit d'ailleurs à des pures divergences167(*) . Il faut noter
toutefois que cette autonomisation par rapport à l'interprétation
donnée par la Cour EDH est allée décroissante. La CJCE
s'abstenant quelquefois à statuer en attendant l'interprétation
donnée par Strasbourg ou s'en référant purement et
simplement à la jurisprudence de cette dernière .Si ce premier
aspect de l'autonomisation est discutable, le deuxième l'est moins.
2-Une autonomisation plus accrue quant
à l'application
des droits
fondamentaux
En ce qui concerne l'application des droits fondamentaux tels
que garantis par la CEDH et l'interprétation qui en est faite par la
Cour EDH, l'autonomie de la CJCE a été plus loin . Ainsi
elle a affirmé tout au long de sa jurisprudence que « les
droits fondamentaux reconnus par la Cour n'apparaissent pas comme des
prérogatives absolues ,mais doivent être pris en
considération par rapport à leur fonction dans la
société ;par conséquent , des restrictions peuvent
être apportées à l'exercice de ces droits (...)à
condition que ces restrictions répondent effectivement à des
objectifs d'intérêt général poursuivis par la
Communauté et ne constituent pas , compte tenu du but poursuivi,
une intervention démesurée et intolérable qui porterait
atteinte à la substance même de ces droits »168(*). C'est sur la base de ce
critère de proportionnalité que le juge communautaire
apprécie les droits de l'homme.
Quelques observations méritent d'être
relevées à ce sujet : d'un côté on pourrait
douter autant de la pertinence que de l'avenir d'une telle limitation
justifiée par la structure et les objectifs de la Communauté et
de l'Union, vu que depuis l'Acte unique européen (préambule), les
droits fondamentaux font partie des objectifs de la Communauté ;le
préambule de la Charte des droits fondamentaux a converti ces objectifs
en valeurs, et l'art 2 du traité UE ,tel qu'il sera modifié
par le traité de Lisbonne dressera une brève liste des valeurs
européennes fondamentales ,parmi lesquelles figure en bonne place le
respect des droits de l'homme169(*).Il s'ensuit que, sauf à établir une
hiérarchisation parmi ces objectifs ,la restriction tirée des
`objectifs de l'Union' ne semble plus justifiée, elle le semble d'autant
moins que la Charte des droits fondamentaux prévoyant à la
clause de correspondance de l'art 52§3, que le sens et la portée
des droits de la CEDH repris par la Charte sont ceux déterminés
dans la Convention semble avoir renoncé à se prévaloir des
restrictions tirées du droit communautaire . Cette opinion est en
tout cas discutable .Paradoxalement, l'arrêt Bosphorus
(c'est la deuxième observation), laisse quand même
songeur : en reconnaissant la particularité du droit communautaire
et en élevant l'intégration européenne au rang
« d'intérêt général »
communautaire, tout donne à penser que la CJCE tirera le meilleur
partie de cette jurisprudence et s'autonomisera davantage. La première
équation résultant du commun `caractère européen'
des Cours européennes étant posée, il ne nous reste plus
qu'à énoncer la deuxième.
Par II LA DEUXIEME EQUATION PERSONNELLE : LA
QUESTION DU DOUBLE EMPLOI DES COURS
EUROPEENNES RESULTANT DE L'INTERFERENCE
PERSONNELLE DES DEUX
SYSTEMES-APPRECIATION
Une deuxième difficulté résultant de
l'interférence personnelle entre les deux systèmes est la
question du double emploi .A priori, certains justiciables
européens peuvent être à la fois sous la juridiction de la
Cour EDH et sous celle de la CJCE .Comme le souligne Giles Lebreton dans
son commentaire sur la Charte des droits fondamentaux, les Etats-membres de
l'UE qui sont également tous membres du Conseil de
l'Europe ressembleraient alors à des schizophrènes ,
victimes d'un douloureux dédoublement de personnalité ,
écartelés entre les interprétations contradictoires et
néanmoins contraignantes de la CEDH et de la CJCE170(*) . C'est la
sécurité juridique qui est ici en cause (B).
Le problème est posé ci-dessus sous un angle
négatif. On pourrait aussi songer à l'éventualité
d'une plus-value pour le justiciable résultant de cette dualité
juridictionnelle européenne, en se posant la question de l'existence
d'un forum shopping (A).
A -Aspect positif : la question du
forum shopping -
conditions d'existence
-appréciation
Nous avons précisé plus haut qu'on se
plaçait sous l'angle du justiciable pour apprécier l'incidence
de la dualité juridictionnelle européenne en matière de
protection des droits fondamentaux. Est- ce que les deux Cours peuvent
être considérées comme concurrentes par le justiciable, au
point qu'il choisisse, selon la jurisprudence qui lui semble favorable, son
juge (forum shopping) ? La réponse à une telle question
n'est pas si simple qu'elle le paraît, et pour en conclure sur ce point,
il faut à notre avis qu'un ensemble de conditions soient
réunies :
En premier lieu, il faut que les standards de protection
offerts par les Cours européennes ne soient pas identiques,
c'est-à-dire qu'il y'ait une nette et riche opposition entre les
jurisprudences des Cours européennes .Ce qui permettrait alors au
justiciable de tirer le meilleur profit de toutes les virtualités d'une
telle divergence. Or comme les divergences entre les Cours européennes
ne doivent pas être exagérées171(*) .Sans doute, la Charte
des droits fondamentaux permettra, en ce qu'elle reconnait des droits nouveaux,
de différencier les standards de protection. Seulement, comme on va le
voir, cet instrument est limité dans son champ d'application.
En deuxième lieu, il faudrait que l'accès aux
Cours européennes pour le justiciable, quel qu'il soit (Etat ou personne
privée), soit pour les deux Cours rendu facile. Or comme on le verra,
l'accès du justiciable à la CJCE souffre encore de nombreuses
défaillances. Beaucoup ont stigmatisé cette insuffisance dans
l'aménagement des voies de recours (infra).
-Une troisième condition est qu'il ne faut pas que la
juridiction de ces Cours soit obligatoire pour un justiciable. Ce qui lui
laisserait a priori main libre quant au choix de son juge, or, en ce qui
concerne au moins les justiciables étatiques, l'art 292 CE
dispose : « Les Etats-membres s'engagent à ne pas
soumettre un différend relatif à l'interprétation et
l'application du présent traité à un mode de
règlement autre que ceux prévus par celui-ci ». Au
regard de cette disposition, on peut penser que les Etats ne sont pas libres de
se soustraire à la juridiction de la CJCE. Ce qui rend
l'éventualité d'un « forum shopping » plus
qu'incertain.
La Charte des droits fondamentaux n'apporte
véritablement pas un changement de situation, vu que, comme on vient de
le relever, elle est limitée dans son champ d'application Finalement, il
est difficile au vu de tous ces éléments, de parler de
« forum shopping ».Sous un autre angle, c'est la
sécurité juridique qui est en cause.
B -Aspect négatif : la question de la
Sécurité juridique
La question de la sécurité juridique se pose ici
du fait de la dualité de catalogues européens des droits
fondamentaux et aussi d'éventuelles divergences
d'interprétations qui peuvent en découler. La
sécurité juridique est un principe de droit qui a pour objectif
de protéger les citoyens contre les effets secondaires négatifs
du droit, en particulier les incohérences ou les complexités des
textes juridiques ou leur changement trop fréquent171(*) . Ce principe a
été consacré dans ses différents aspects, aussi
bien par la jurisprudence de la CJCE172(*)que par celle de la Cour EDH173(*) . Autant le contenu que
la portée des droits mentionnés dans le texte de la Convention
présentent quand même des différences d'avec ceux repris
dans la Charte, 174(*)différences qui ne sont pas entièrement
couvertes par les clauses dites « horizontales ». Cette
dualité de catalogues, comme le souligne Olivier Le Bot175(*), est un facteur
d'insécurité juridique, les divergences d'interprétations
venant amplifier le risque d'insécurité juridique. Comment
comprendre par exemple qu'un justiciable européen puisse avoir le droit
à une bonne administration dans le cadre de l'UE et ne l'a pas lorsqu'il
se trouve à Strasbourg ?
L'adhésion de l'Union européenne à la
Convention ne résoudra que partiellement le problème, dans la
mesure où elle assurera simplement l'autorité de la jurisprudence
de Strasbourg sur Luxembourg pour les droits correspondant à ceux
consacrés par la CEDH, sans résoudre la lancinante question de la
dualité de catalogues des droits fondamentaux. C'est un peu l'effet
` boomerang 'auquel conduit la Charte des droits fondamentaux qui
visiblement recherchait une plus grande sécurité juridique en
rendant les droits plus lisibles.
Le troisième noeud qui achève l'exposé de
la difficile articulation juridique des Cours européennes est
l'interférence de leurs compétences matérielles :
elles sont en effet toutes deux compétentes en matière de droits
fondamentaux.
CHAP III DEUX
JURIDICTIONS « COMPETENTES
EN MATIERE DE DROITS
FONDAMENTAUX »176(*)
La troisième difficulté entre ces deux Cours,
qui fait penser à un duel, est celle de l'interférence de leurs
compétences matérielles ou de leur « juridiction
» entendue dans le sens de compétence. Les deux Cours sont en
effet compétences en matière de droits fondamentaux. Il ne faut
certainement pas exagérer le problème , car il existe des
critères, même s'ils ne semblent pas clairs et convaincants,
définis au départ des traités ou par la jurisprudence, qui
permettent ou permettraient de déterminer la compétence
respective de chacune des deux Cours , il n'est pas encore temps de les
évoquer . Nous nous limiterons à présenter ce
troisième noeud .Disons que le duel entre les deux Cours en la
matière ne s'est pas fait « de but en blanc » , il
s'est affirmé au fur et à mesure que les droits fondamentaux
prenaient de l'importance dans le cadre de la CE/UE et qu'au même moment
les compétences de la CJCE s'étendaient en matière de
droits fondamentaux. Il faut dire que ce travail d'extension s'est fait plus
par la jurisprudence que par les traités qui ,pour la plupart ne font
que formaliser l'oeuvre jurisprudentielle .L 'exposé de la question
prendra compte de cette évolution étapiste , compte tenu du
fait que cette question a été abondamment évoquée
sous l'angle de la protection des droits fondamentaux dans l'ordre juridique
communautaire 177(*) , nous arpenterons de manière
très rapide ces différentes étapes .Ceci étant, on
analysera en ( (SECTION I ) les traités de base ou la quasi -absence
du duel ; l'Acte unique européen et le traité de
Maastricht : les prémisses d'un duel ( SECT II ) ; le
traité d'Amsterdam : un duel plus ouvert ( SECT II ) ; et la
Charte de Nice ou la situation ambiguë des rapports entre les deux Cours
177(*)( SECT IV ).
SECTION I LES TRAITES DE BASE OU LA
QUASI-ABSENCE
DE DUEL
Les traités de base, c'est d'abord le traité de
Paris du 18 avril 1951 instituant une Communauté européenne du
charbon et de l'acier (CECA), et les deux traités de Rome
(CEE, Euratom) du 25 mars 1957. L'approche qui anime les
Parties contractantes de ces instruments est essentiellement sectorielle et
fonctionnaliste 178(*) . On comprend alors qu'il y'ait eu très
peu de références aux droits fondamentaux .Seuls quelques
droits à caractère fonctionnaliste sont reconnus. On citera la
liberté de circulation ,en tant qu'elle est nécessaire
à la réalisation du marché commun ( art 48 à 58 CEE
) , et aussi l'interdiction des discriminations en raison de la
nationalité ( art 7 et 48 ) ou en raison du sexe , des conditions de
travail et de rémunération ( art 119 CEE ) 179(*) . On le voit bien,
l'individu n'est envisagé ici qu'en tant qu'entité
économique et non citoyen, comme cela a été le cas avec le
traité de Maastricht plus tard . On se rappelle que c'est à
la même époque (1959) que la Cour rend son arrêt Stork
où elle refuse de se prononcer sur un recours en annulation d'un
règlement adopté par la Haute autorité de la CECA,
jugé incompatible avec le droit de propriété garanti dans
la Constitution allemande. La Cour souligne, dans l'un de ses
considérants, qu'elle n'a pas à se prononcer sur les
règles de droit interne. En conséquence, elle ne saurait examiner
le grief selon lequel en prenant sa décision, la Haute autorité
a violé les principes du droit constitutionnel allemand.
Il est évident que dans un tel contexte les
interférences entre les deux Cours européennes étaient
quasi-inexistantes, chacune agissant dans un domaine assez clair de
compétence. L'Acte unique européen et le traité de
Maastricht vont être les prémisses d'une interférence entre
les Cours européennes. C'est la Cour de justice qui sera à
l'origine de l'émergence des droits fondamentaux dans l'ordre juridique
communautaire. Cela va être facilité par deux facteurs180(*) : d'abord, l'art 220
(ex art 164) du traité instituant la Communauté
européenne, qui prévoit que la Cour assure le respect du droit
dans l'interprétation et l'application du traité. Le
deuxième facteur, c'est la dimension politique de la construction
communautaire qui repose sur un modèle européen de
société comprenant la garantie des droits fondamentaux reconnus
par les Etats membres. Les différents traités viennent juste
formaliser la vaste oeuvre réalisée par la Cour. Il n'est pas
inintéressant de rappeler d'abord quelques grandes lignes de cette
oeuvre prétorienne .Dans les suites de l'arrêt
Stork, certaines juridictions nationales (allemande, italienne,
française) ont été amenées à sanctionner
certains actes du droit communautaire au motif que ceux- ci violaient les
droits fondamentaux inscrits dans leurs Constitutions (arrêts
Granital, Frontal, Solange I) .L'affirmation de la primauté du
droit communautaire sur le droit national (Arrêt Costa c Enel181(*) ) en réaction
à cela laissait à l'évidence planer un vide juridique
qu'il fallût combler .
La CJ va réagir d'abord dans l'arrêt
Stauder182(*) ,
arrêt rendu sur un recours préjudiciel où il lui
était demandé d'apprécier la compatibilité d'une
décision de la Commission avec les Principes généraux de
droit communautaire .La Cour décide que la décision litigieuse ne
relève aucun élément susceptible de mettre en cause les
droits fondamentaux de la personne compris dans les Principes
généraux du droit communautaire .Pour la première
fois , la Cour va consacrer cette formule qui apparaîtra de
manière constante dans ses arrêts . Ensuite dans son
arrêt Internationale Handelgeselschaft 183(*),la Cour réaffirme
avec force la primauté du droit communautaire , tout en précisant
que les droits fondamentaux font partie des Principes généraux
du droit dont la Cour assure le respect en s'inspirant des traditions
constitutionnelles communes aux Etats- membres . L'interférence
n'est pas véritablement importante car la Cour affirme que ces droits
doivent être assurés dans le cadre de la structure et des
objectifs de la Communauté .A remarquer que c'est dans
l'arrêt Rutili du 25 octobre 1975 que la CJ se
référera à la Convention européenne des droits de
l'homme en tant que source d'inspiration lui permettant d'assurer le respect
des droits fondamentaux considérés comme Principes
généraux du droit communautaire184(*) . Tous ces éléments qui sont le
produit d'une évolution graduelle seront finalement réunis dans
le fameux arrêt Wachauf qui va donner la formule
définitive de la situation des droits fondamentaux dans la
Communauté 185(*) . De telles références ne
suffiront pas à elles seules à élaguer les
interférences potentielles avec le système de la Convention, du
moment où l'Acte unique européen et le traité de
Maastricht vont inscrire les droits fondamentaux dans le préambule et
le corps même des traités ; l'arrêt Solange II (1986)
eu égard aux nombreuses incertitudes qu'il entraine (infra
...), ne permettra pas non plus d'atteindre une telle cohérence.
SECTION II L'ACTE UNIQUE EUROPEEN ET LE
TRAITE
DE MAASTRICHT : LES
PREMISSES D'UN DUEL
L'Acte unique européen dans son préambule fera
référence aux droits fondamentaux ; l'évolution se
poursuivra avec la traité de Maastricht qui vient intégrer la
dimension des droits fondamentaux dans le corps même des traités ,
c'est d'ailleurs sa principale innovation . L'art 6§2 (ancien article
F-2) est clair : « L'Union respecte les droits fondamentaux tels
qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme et des libertés fondamentales signée à
Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions
constitutionnelles communes aux Etats- membres, en tant que Principes
généraux du droit communautaire »186(*) . Cet article est une
synthèse de la jurisprudence de la Cour .Il est clair,
l'évolution est nette dans l'interférence et partant dans les
rapports entre les deux systèmes de protection des droits de l'homme,
par rapport à la situation qui prévalait dans les traités
de base. Il importe aussi de souligner que cette compétence de la Cour
de justice s'est affirmée au prix d'un « bras de fer
jurisprudentiel »entre la Cour de justice et les Cours
constitutionnelles nationales (particulièrement la Cour
constitutionnelle allemande). Certains auteurs constatent d'ailleurs la fin
avec le fameux arrêt Solange II, qui laissait toutefois
persister une inquiétude en raison de la réserve
(reserverzuständigheit) de la juridiction allemande ,réserve
pouvant lui autoriser un retournement de la manivelle au cas où elle
constaterait une défaillance de protection au niveau
communautaire .Cette inquiétude à été en
partie jugulée avec l'arrêt du 7 juin 2000 où la Cour
allemande pose clairement les conditions qui peuvent lui permettre de
renverser la présomption de l'équivalence de protection des
droits fondamentaux par le droit communautaire (supra )187(*).Quoiqu'il est soi, cette
consécration jurisprudentielle, accompagnée de cette
formalisation conventionnelle est source d'interférences . Le cap
le plus décisif, nous semble t'il, se fera avec le traité
d'Amsterdam.
SECTIII LE TRAITE D'AMSTERDAM : UN DUEL PLUS
OUVERT
Le traité d'Amsterdam est certainement celui qui a le
plus légitimé les soupçons d'un duel discret entre les
deux Cours européennes, eu égard aux importantes innovations
qu'il apporte, sous l'angle de la protection des droits de l'homme dans l'ordre
juridique communautaire. On ne va pas se borner à une recension de
toutes ces nouveautés, elles sont bien connues188(*)Renucci les
énumèrent en trois points189(*) . Pour notre part, la légitimité
des soupçons tient en une série
d'éléments :-d'abord, en ce qui concerne l'affirmation des
droits fondamentaux comme l'un des principes de l'Union .Dans ce sens, ce
traité amende l'art 6, pour affirmer de manière explicite que
l'Union est fondée sur les principes de liberté, de
démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit190(*) ; -ensuite sous l'angle de la protection de
certains droits fondamentaux, il convient de noter que l'art F par 2 du
traité sur l'Union européenne était limité par
l'ancien article L (article 46 après numérotation) qui
prévoyait que la compétence de la Cour ne s'étendait pas
à cet article. Dans ce contexte, la protection des droits fondamentaux
s'en trouvait réduite. Le traité d'Amsterdam garantit
l'application de l'art 6 par 2, en modifiant l'art 46 du traité. Ce qui
rend désormais la Cour compétente en cas de manquement des
Institutions communautaires aux droits fondamentaux.
Dans ce même registre, on peut citer l'instauration d'un
mécanisme préventif des violations des droits de l'homme, mais
aussi la sanction (art 7) en cas de violation par un Etat- membre des valeurs
sur lesquelles l'Union est fondée. Cette importance reconnue aux droits
de l'homme et surtout cette extension des compétences de la Cour est
source d'interférences avec la Cour EDH ;- le comble du duel
à notre humble avis semble être dans le contenu même des
droits instaurés par le traité d'Amsterdam : l'art 13, par
exemple ,qui est souvent appelé « clause
générale de non discrimination » , même s'il
n'a vocation à s'appliquer que dans le cadre du droit communautaire ,
énumère des motifs de discrimination peu affirmés jusque-
là ( ex : interdiction de discrimination fondée sur le
handicap ) aussi bien par le PIDCP que par la CEDH191(*) . En
réalité, ce sont les deux directives192(*) prises en application de cet
article qui portent ces interdictions de discrimination.
Un autre point est celui de l'égalité : il
y'a modification de l'art 141 (ancien article 119) qui se bornait à
prescrire l'égalité de rémunération. Le
traité d'Amsterdam va plus loin en ce qu'il affirme de manière
générale l'égalité entre homme et femme. Ajoutons
également que le traité d'Amsterdam modifie le préambule
du traité sur l'Union européenne en confirmant l'attachement des
Etats- membres aux droits sociaux fondamentaux tels qu'ils sont définis
dans la Charte sociale européenne de 1961 et dans la Charte des droits
fondamentaux des travailleurs de 1989 .Ces differentes innovations se
passent de tout commentaire , elles viennent donner une grande dimension aux
droits fondamentaux dans le cadre de L'Union et pose le problème de la
coordination avec la Cour EDH qui jusqu'à lors était le seul et
véritable gardien des droits fondamentaux au niveau européen .La
Charte de Nice sur ce point est ambiguë : certains y ont vu une
source de pacification , de dégel et de décrispation entre
Strasbourg et Luxembourg , d'autres y voient la maturation du duel pressenti
entre les deux systèmes.
SECT IV. LA CHARTE DE NICE : UNE SITUATION
AMBIGUË
Il est question ici d'analyser l'apport et l'incidence de
l'institution d'une Charte des droits fondamentaux de l'UE (sous réserve
de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne bien entendu) sur la
relation entre la CEDH et la CJCE. Cet instrument révèle à
ce sujet une ambiguïté déconcertante. On peut y voir une
cause d'activation de l'interférence (PAR II),
et tout à la fois une occasion d'apaisement entre les
deux systèmes (PAR I). Quoi qu'il en soit la Charte vient apporter un
plus dans ce que Catherine Schneider193(*) appelle la dialectique de l'ordre et du
désordre (en atténuant toutefois la deuxième composante de
cette dialectique qu'est le désordre) dans l'histoire des droits
fondamentaux au sein de l'Union européenne.
PAR I . LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX :
INSTRUMENT
D'APAISEMENT ENTRE LES
SYSTÈMES
La Charte des droits fondamentaux , proclamée
solennellement à Nice le 07 décembre 2000, vient réaliser
une certaine coordination avec les autres systèmes (grâce aux
dispositions dites horizontales), c'est-à dire le système de la
Convention et les systèmes nationaux .Elle contient une
série de dispositions visant à assurer une identité de
sens et de portée entre les droits énoncés dans les deux
instruments , sans préjudice pour le droit de l'Union d'accorder une
protection plus étendue que celle de la Convention européenne,
standard minimal194(*) . La Charte s'efforce ainsi de réaliser
la coordination avec le système de la Convention, en évitant des
risques de divergences avec la Cour EDH, à propos des dispositions de la
Charte qui reprennent (en actualisant la formulation pour certaines d'entres
elles) les dispositions de la Convention. Lors des discussions, les
Britanniques et les représentants du Conseil de l'Europe avaient
émis le voeu de voir la CEDH rester le texte phare, le texte de
référence pour tous les droits de la Charte empruntés
directement à la Convention195(*) .L'article 52(3), baptisé clause de
correspondance vient concrétiser cela , en soulignant que
« dans la mesure où la présente Charte contient des
droits correspondant à des droits garantis par la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , leur
sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur
confère ladite Convention.... »
La cohérence ,comme le souligne Catherine Schneider ,
vise aussi les limitations autorisées par le texte aux droits
fondamentaux .Ainsi on peut penser que la clause de limitation
générale figurant à l'art 52 § 1 n'autoriserait pas
de restrictions supplémentaires (fondées par exemple sur la
spécificité de l'intégration communautaire ), pour les
droits qui sont protégés parallèlement par la CEDH , il
y'aurait donc de ce point de vue une « complémentarité
négative », alors que la complémentarité positive a
reconnu au droit de l'Union la possibilité d'accorder une
protection plus étendue que le système de Strasbourg 196(*)(art 52§3) .D'un
autre point de vue, la Charte vient réaliser l'articulation avec les
systèmes nationaux , ainsi l'art 53 autrement appelé clause de
non-régression, dispose qu'aucune disposition de la Charte ne doit
être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux
droits de l'homme reconnus dans leurs champs d'application respectifs par
d'autres systèmes juridiques ,parmi lesquels figurent
expressément les droits des Etats- membres .Cette disposition
,comme on va le voir, permet au juge national de sortir de l'impasse dans
laquelle il pourrait être confronté en cas de contradiction entre
ses obligations conventionnelles et communautaires . Toutefois , elle a
été vivement critiquée par la doctrine197(*) qui y a vu un
« retournement de la manivelle » par rapport à la
primauté du droit communautaire sur les droits nationaux des Etats-
membres si bien affirmée dans l'affaire Costa c . Enel
(supra).De ce qui précède, la Charte peut être
perçue comme un instrument d'apaisement des systèmes .
Seulement, on ne saurait manquer d'évoquer les critiques
inhérentes à toutes ces « dispositions
horizontales » qui traduisent ainsi leur insuffisance, plus
significativement les risques d'activation des interférences avec le
système de la Convention qui résultent tant de l'institution
même d'une Charte des droits fondamentaux de l'UE que du contenu de ses
dispositions.
PAR II LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX ET LE
RISQUE
D'AMPLIFICATION DE
L'INTERFERENCE
Il convient de souligner les critiques inhérentes aux
dispositions envisagées par
la Charte, pour assurer la cohérence avec les autres
systèmes198(*) .Comme le souligne madame Simona Alexova, dans
son mémoire de fin d'études199(*) , le document explicatif de l'art 52(3) (clause de
correspondance) établit par le praesidium de la Convention n'a
pas de valeur juridique. Et la CJCE, de ce fait pourrait s'en
passer .Cette observation semble toutefois contestable .D'une part,
on peut douter de la liberté totale d'un juge lorsqu'il
interprète un texte .Cela nous plonge dans la controverse civiliste
bien connue, concernant les méthodes d'interprétation du juge,
controverse qui a longtemps opposé la thèse de
l'interprétation exégétique (rédacteurs du code
civil)200(*) qui se
limite à la lettre du texte, et la méthode dite de la libre
recherche scientifique de Gény201(*) . Selon que l'on penche pour l'une ou l'autre
approche, cela change la portée du document explicatif fourni par le
praesidium .D'autre part, l'autorité de ce document explicatif
ne peut être remise en cause pour la seule circonstance qu'il aurait
été élaboré par le praesidium et non par
la Convention dans son ensemble, du moment où la valeur de ce document
trouve son fondement dans la Charte elle-même. Ainsi, le par 7 de l'art
52 est sans équivoque lorsqu'il impose au juge dans
l'interprétation de la Charte de prendre en considération les
explications rédigées sous la responsabilité du
praesidium de la Convention ayant élaboré la Charte, et
mises à jour par le praesidium de la Convention sur l'avenir
de l'Europe202(*).
Plus pertinente, est la critique de Simona, d'ailleurs
relevée par la doctrine, sur l'absence de référence de
cette clause à la jurisprudence de la Cour EDH. Cette lacune a priori
permettrait une certaine autonomie de la CJCE dans l'interprétation de
la CEDH, source inévitable d'interférences. Mais ici encore ,il
convient de faire quelques bémols , tenant notamment au fait qu' une
référence directe est faite dans le préambule de la Charte
, sauf à soutenir que le préambule ne fait pas partie
intégrante du texte de la Charte ( ce qui est un tout autre
débat) ; également en vertu du document explicatif
susmentionné qui prévoit à propos de l'art 52 que le sens
et la portée des droits garantis sont déterminés non
seulement par le texte même de la Convention et ses protocoles, mais
également par la jurisprudence de la Cour EDH203(*). Schneider souligne
d'ailleurs qu'on peut y voir, n'en déplaise aux «
défenseurs intégristes » de la séparation des
pouvoirs, l'oeuvre prétorienne de la Cour EDH hissée au
même rang que celle du droit écrit, mettant ainsi en jeu
l'autonomie de l'interprétation du juge luxembourgeois.204(*)Nous restons de ce point de
vue, convaincu qu'il serait difficilement admissible de séparer la
Convention de son interprétation. Lorsque le juge interprète la
Convention, il la fait parler, pour reprendre les termes de J P Jacqué.
L'interprétation donnée par le juge s'incorpore dans l'instrument
interprété 205(*) . Dès lors, l'expression selon laquelle
« la Convention s'applique telle
qu'interprétée » serait une tautologie car
l'interprétation s'incorpore au texte, elle vient en
révéler le sens.
Une autre critique aussi pertinente est l'impuissance de
l'art 52§3 à couvrir tant les droits qui ne sont présents
dans aucune des deux listes , les droits consacrés par la Cour EDH
à partir d'une disposition qui ne fait pas partie soit de la seconde
liste , soit ne figure dans aucune des deux listes , que les dispositions
consacrées par la Charte mais absentes du texte de la Convention .Dans
le même sens, on se pose la question de savoir si les Pères
Fondateurs du texte de la Charte, bien que ne leurs étant pas
formellement applicable, peuvent ignorer l'art 32 de la CEDH qui assure
l'exclusivité interprétative de la CEDH par la Cour EDH, en
aménageant discrètement une interprétation autonome du
texte de la CEDH. En faisant abstraction de ces bémols aux critiques des
« dispositions horizontales », il y'aurait
inévitablement, comme le souligne Olivier Le Bot, une perte de toute
garantie contre une interprétation divergente de la CEDH. L'auteur
présage d'ailleurs que la Cour du Luxembourg ne prendra probablement pas
en compte la jurisprudence de Strasbourg, alors que la clause de correspondance
lui impose seulement de prendre en considération le texte de la
Convention. La Charte par son existence même que par la portée de
ses dispositions est susceptible d'amplifier l'interférence entre les
deux Cours. Elle exprime une modernisation et reconnait des droits nouveaux,
comme par exemple, le droit à une bonne administration (art 41). Dans
certains cas, la Charte dépasse la Convention dans la portée du
droit affirmé. L'art 47, par exemple va plus loin que le champ de l'art
6§2 de la Convention, en faisant tomber le double
verrou « des contestations sur les droits et obligations
civils » ou « du bien- fondé d'une accusation
en matière pénale »206(*).
L'articulation des Cours européennes comme on vient de
le démontrer est un véritable « casse-tête
chinois ». Mais une analyse poussée de la relation
concrète entre les deux Cours révèle un duo harmonieux, ce
sont les expressions juridiques de cette relation qui nous intéresse
ici, on se focalisera sur ces aspects juridiques en laissant à la
science politique les aspects ajuridiques, la frontière étant
toutefois assez poreuse.
DEUXIEME PARTIE
LA RELATION ENTRE LA Cour EDH ET LA
CJCE
EST PRINCIPALEMENT UN
DUO
La deuxième partie de notre étude nous
permettra d'examiner la grande collaboration, la coordination, la
complémentarité et même la convergence entre
Strasbourg et Luxembourg.
La complémentarité découle de la nature
même et des différences entre les deux systèmes , elle
s'exprime également par un rapprochement des juges ,qu'il soit physique
( diverses rencontres ) ou juridique ( à travers des emprunts techniques
réciproques ) ;c'est aussi d'une collaboration et d'une
coordination qu'il s'agit .Les Cours européennes très au
fait de l'articulation propice aux divergences que nous venons d'examiner (
Voir titre I) vont se livrer à une véritable
« diplomatie judiciaire » 207(*), en même temps ,chacun
de ces ordres juridiques va développer dans son système normatif
et jurisprudentiel des ponts qui permettent une certaine régulation et
une entente avec l'autre . Ce deuxième aspect apparait comme une
vérification de « la théorie des contraintes
juridiques » développée par Michel Troper,
mentionnée plus haut ( supra p 12 ) .Il est
toutefois excessif de parler de « contraintes » , la
coordination recherchée et réalisée par les Cours serait
plutôt le fruit de certains « scrupules juridiques
réciproques » de chaque système qui, prenant
conscience du risque de contradiction s'efforce à ne pas ignorer
l'autre . Résultat de ces efforts réciproques- une grande
convergence, du moins, un dialogue normatif et jurisprudentiel ; c'est
donc globalement d'une complémentarité qu'il doit s'agir,
complémentarité qui va permettre au système
européen de présenter l'efficacité qu'on lui connait, ceci
hélas ! Comme on va le voir en conclusion, bien souvent au
détriment des règles d'orthodoxie juridique les mieux
établies.
Ceci étant, nous proposons de présenter le
« duo juridictionnel entre Strasbourg et Luxembourg » en trois
chapitres. Le chapitre premier qui s'intitule une complémentarité
technique208(*), mieux
fonctionnelle des Cours européennes (CHAP I). Au deuxième
chapitre,
nous examinerons, les éléments
autorégulateurs de pacification juridique internes à chaque
système (CHAP II). Ce sont concrètement des matériaux qui
découlent de la nature de chaque système ou tout simplement qui
sont consacrés par les textes ou par la jurisprudence, et qui
permettent de construire une harmonie, ou tout simplement d'éviter toute
incohérence avec les autres systèmes. Enfin, nous nous
intéresserons aux verdicts des deux Cours en matière de droits
fondamentaux. Ils sont en effet la marque incontestable d'un dialogue, aussi
bien lorsqu'elles se mettent au même diapason pour affirmer des solutions
à bien des égards similaires que lorsqu'elles font des
références et prises en compte réciproques (CHAP III).
CHAP I : UNE CERTAINE
COMPLEMENTARITE
TECHNIQUE
Ce chapitre sera divisé en deux sections.
La section première intitulée « la
complémentarité par la différence ... »
nous permettra d'analyser la complémentarité entre les deux
systèmes d'abord au regard d'une meilleure protection du justiciable,(
l'hypothèse ici étant de dire que la Cour EDH, du point de vue
tant du « droit au droit » que procédural offre
des avantages au justiciable que n'offre pas ou n'offre que trop imparfaitement
la CJCE et inversement) ;ensuite, complémentarité
également au regard de l'office du juge . Cet aspect sera
présenté sous l'angle d'une part de la collaboration entre les
juges européens qui, est une occasion d'échange
d'expériences juridiques et d'emprunts techniques
réciproques entre les systèmes juridictionnels ,d'autre part
.Ce premier aspect de la complémentarité technique des Cours
européennes semble exprimer si bien la pensée d'Antoine de St
Exupery : « Si tu diffères de moi, loin de me nuire
en effet, tu m'enrichis ».
-Dans le seconde section, nous verrons la plus-value
matérielle de la dualité européenne qui vient
compléter les développements relatifs à la
complémentarité technique entre les Cours
européennes ; l'hypothèse ici est de dire que, l'existence
de deux Cours européennes compétentes en matière de droits
fondamentaux, plutôt que d'une seule est un atout majeur , lorsque
l'on songe un tant soit peu à la surcharge des requêtes à
laquelle les deux Cours font face ces dernières années en
particulier ; il y'aurait ,de ce point de vue ,une certaine
complémentarité entre elles dans la protection des droits
fondamentaux en Europe . La présence de l'autre est plus
qu'indispensable et le partage du terrain dans la protection des droits de
l'homme presque incontournable. Ceci étant, nous analyserons la
plus-value de la dualité européenne, en d'autres termes le gain
résultant de l'existence de deux Cours plutôt que d'une seule,
dans la résorption du travail matériel.
SECT I. LA COMPLEMENTARITE PAR LA
DIFFERENCE :
« SI TU
DIFFERES DE MOI ...LOIN DE ME NUIRE
TU
M'ENRICHIS »
La dualité juridictionnelle européenne est en
premier lieu un atout pour les citoyens européens qui sont justiciables
devant les deux juridictions. Ceci pour autant que les conditions leur
permettant d'ester devant l'une ou l'autre des juridictions soient remplies.
Ils peuvent alors tirer profit de la riche divergence ,mieux ,de la grande
différence existant entre les Cours européennes (A) ; En
second lieu, les deux juridictions sont complémentaires du point de vue
de l'office du juge (B) , depuis quelques années les juges
européens collaborent dans le meilleur esprit, non seulement pour
juguler les incohérences du système, mais aussi pour tirer les
meilleurs profit de leurs différentes expériences , ce second
paragraphe sera présenté sous l'angle de la collaboration
informelle des juges européens et des emprunts techniques
réciproques ,qui sont le signe d'un dialogue beaucoup plus discret .
Par I - AU REGARD DE LA PROTECTION DU
JUSTICIABLE.
Nous avons souligné plus- haut qu'il était
difficile au justiciable de faire un « forum shopping » .Il
convient de relativiser cette affirmation. Disons que la dualité
européenne de protection des droits fondamentaux laisse quand même
le choix au justiciable dans le cas où la juridiction d'une de ces Cours
n'est pas pour lui obligatoire, de gagner en allant à la Cour EDH, ce
qu'il n'aurait pas à la CJCE et inversement. A travers cette
différence relativement enrichissante pour le justiciable, les deux
Cours apparaissent comme fortement complémentaires dans son chef, mais
il s'agit là d'une complémentarité subjective. L'examen
comparatif et analytique d'un ensemble d'éléments de chacun des
deux systèmes (procédure, voies de recours, exécution des
décisions, délais, technique juridique), l'atteste si bien.
Il convient d'envisager cette complémentarité
des Cours européennes, pour des raisons purement méthodologiques
à un double niveau : du point de vue de la compétence
personnelle, de la procédure et des voies de recours et du point de
vue du « droit au droit ».
A- Complémentarité du point de vue de
la compétence personnelle, de
La procédure et des
voies de recours
On examinera d'abord la complémentarité des
Cours européennes du point de vue de la Compétence ratione
personae ; ensuite on s'intéressera aux voies de recours et
à la procédure ou plus globalement à la technique
juridique déployée par les deux Cours pour assurer la protection
des droits de l'homme.
1-Complémentarité du point de vue de la
compétence ratione personae
La première différence entre les deux Cours qui
semble à première vue banale concerne « la juridiction
» des Cours européennes. Autrement dit, la compétence
personnelle des deux Cours. Faut-il le rappeler, 20 des 47 Etats-membres du
Conseil de l'Europe ne sont pas membres de l'Union européenne209(*) . Certes,
l'appartenance à la CE /UE n'est pas en elle-même une
condition pour ester devant la CJCE (ainsi plusieurs Etats non -membres de
l'Union européenne ont déjà eu à être acteurs
devant la CJCE), mais en pratique, le pouvoir d'action de ces 20 Etats est
fortement limité et ne saurait être identique à celui d'un
Etat-membre. Le système communautaire n'intervient en matière de
droits fondamentaux que si la question se situe dans le champ du droit
communautaire , les justiciables de ces 20 Etats-membres , ainsi que les
citoyens des Etats étrangers qui résident sur le territoire de
l'Union européenne sont moins susceptibles d'être visés par
les normes de droit communautaire : d'une part ils ne peuvent pas se
prévaloir de mêmes droits que les citoyens de l'Union
européenne ,certains droits étant en effet limités
à ces derniers ( voir par ex : art 18 et 19 §1 CE ) ;
d'autre part ils ne sont qu'incidemment concernés par les grandes
libertés du marché intérieur , leur marge de manoeuvre
devant la CJCE est donc forcement réduite, à défaut de
pouvoir justifier de ce lien de rattachement ; de fait, la présence
de la Cour EDH est plus qu'indispensable, car elle constitue pour eux la seule
juridiction facilement accessible en matière de protection des droits
fondamentaux , elle se rapproche davantage que la CJCE de l'idée
d'universalité des droits de l'homme.
2 -Insuffisance des voies de recours à
Luxembourg-existence d'un recours
direct à
Strasbourg
Le système des voies de recours de Luxembourg est assez
restrictif et complexe .Cette complexité est due en partie à
l'absence d'un recours spécifique en matière de droits
fondamentaux. Tout ceci traduit son insuffisance, insuffisance qui pourrait
bien être compensée par l'existence d'un recours direct et simple
à Strasbourg.
Sur le caractère restrictif des voies de recours ,
beaucoup d'auteurs critiquent la grande complexité et le
caractère restrictif des voies de recours qu'offre le système
communautaire au particulier210(*), (malgré une certaine ouverture dans certains
domaines, ouverture jugée toutefois toujours insuffisante ) ;sans
doute dispose- t-il au même titre que les requérants
privilégiés de l'action en réparation dans le cadre de la
responsabilité extracontractuelle de la Communauté (art 235 CE),
ou du recours devant la CJCE dans le cadre du contentieux de la fonction
publique (art 236) . Les autres recours témoignent par contre de la
complexité et de l'étroitesse des voies de recours
réservées au particulier211(*) . Il convient de souligner que l'étude
des voies de recours fait apparaitre une certaine asymétrie entre les
différents requérants en ce qui concerne tout spécialement
le recours en annulation ( il peut être par voie d'action- art 230 ou par
voie d'exception -art 241 CE ) . L'art 230 CE fait très clairement
la distinction entre les requérants privilégiés( les
Etats-membres, le Conseil et la Commission, le Parlement européen
à la suite toutefois ,en ce qui concerne ce dernier , d'une
évolution jurisprudielle consacrée par le traité de
Maastricht et le traité de Nice , qui l'a fait passer de
requérant irrecevable à requérant
semi-privilégié ,pour enfin être reconnu comme
requérant privilégié 212(*) ; les requérants
semi-privilégiés (la Banque centrale européenne depuis le
traité de Maastricht la Cour des comptes depuis le traité
d'Amsterdam et le Comité des régions lorsqu' entrera en vigueur
le traité de Lisbonne . Ces différents organes sont
recevables dans une action en annulation pour ce qui a trait à la
sauvegarde de leurs prérogatives). Les particuliers sont les grands
défavorisés de cet aménagement.
Aux termes de ce même article, les particuliers
(personne morale ou physique) sont recevables dans une action contre les
décisions dont ils sont les destinataires et celles qui les concernent
directement et individuellement. Cette condition qui semblait exclure les
recours contre les actes à portée générale, a fait
l'objet d'une évolution de la jurisprudence qui insiste sur le fait que
le requérant soit « directement et individuellement
concerné » plutôt que sur la nature de l'acte en cause.
Marianne Dony souligne le caractère restrictif ,malgré tout, de
cette exigence, surtout en ce qui concerne les actes à portée
générale succeptibles de concerner directement les particuliers
sans nécessiter un acte national d'exécution ( affaire
Jégo Quéré213(*)) : dans cet arrêt , le tribunal
après avoir constaté que le particulier ne
bénéficiait pas d'une protection adéquate au sens de la
Charte, donne une définition particulièrement large de personne
individuellement concernée au sens de l'art 230 CE .Cette
définition a été toutefois rejetée par la Cour sur
pourvoi dans l'affaire Jégo Quéré214(*) .Une sociologie du
contentieux devant la CJCE confirme ce caractère restrictif des voies de
recours.215(*)
Sans doute, cette faiblesse est à relativiser au regard
de la nature du système communautaire qui s'appuie sur les juridictions
des Etats-membres -juges de droit commun du droit communautaire216(*) offrant des recours
internes, qui permettent de compenser cette restriction au plan
communautaire .En admettant le principe de « l'effet
direct » du droit communautaire, la CJCE a ,par le fait
même , donné la possibilité aux particuliers
d'invoquer les dispositions du droit communautaire devant le juge national et
de se prévaloir de grand nombre de droits individuels 217(*) . L'option la plus
efficace eut été toutefois l'institution d'un recours
spécifique en matière de droits de l'homme devant le juge
communautaire. Il n'en est rien à l'heure actuelle. Et de ce point de
vue, le système de la Convention apparait comme un complément
indéniable au système communautaire surtout depuis la
généralisation du recours direct réalisée en
1998.
Il se pose toutefois la question de la pertinence future
d'une telle complémentarité au regard de l'arrêt
Bosphorus qui, comme on l'a vu, apporte une condition nouvelle ( du
moins de fond) quant au contrôle des actes qui trouvent leur source dans
le droit communautaire ,et relativise par le fait même
l'efficacité du recours direct devant la Cour EDH .On pourrait
imaginer que beaucoup d'affaires portées devant la Cour EDH par les
justiciables européens ne se situent pas dans le champ du droit
communautaire ,pour ces affaires , l'existence d'un recours direct permet
de réaliser la complémentarité avec le système de
l'Union européenne .
Sur la complexité du système de voie de recours
communautaires, il echêt de constater qu'il n'existe pas une action
spécifique dans le cadre du système de l'UE en matière des
droits fondamentaux ( supra ) .Le justiciable doit utiliser le
système de voie de recours traditionnel prévu , système
que la Cour qualifie elle-même de complet( Les
Verts /Parlement 218(*)) .La jurisprudence de la CJCE a veillé
à éviter qu'un justiciable n'utilise une voie de recours pour en
contourner une autre ( supra ) . Ici encore le système de voie
de recours de la Convention, en ce qu'il est d'une grande simplicité,
pourrait être une alternative, la jurisprudence Bosphorus
relativise également cet aspect de la complémentarité
entre les deux systèmes.
3 - L'avantage d'une certaine
célérité relative à Luxembourg.
Le système de la CE/UE présente un léger
avantage du point de vue de la célérité. Dans le
système de l'Union européenne, les justiciables
bénéficient d'une possibilité de faire saisir la Cour
lorsque l'affaire est encore pendante devant les juridictions nationales ;
c'est le recours préjudiciel (art 234 CE) .Il est
intéressant par rapport à Strasbourg du point de vue de la
célérité. Comme le souligne Simonnetti219(*), la durée moyenne
d'une question préjudicielle est de 26 mois. Il faut noter
également l'existence, dans le reglement de procédure de la CJCE,
des procédures accélérées de renvoi
préjudiciel ( d'abord l'art 104 bis procédure
accélérée de renvoi préjudiciel déroge au
règlement de procédure , lorsque les circonstances
invoquées établisssent l'urgence extraordinaire de statuer sur la
question à titre préjudiciel ; ensuite l'art 104 ter §1
prévoit qu'un renvoi préjudiciel qui soulève une ou
plusieurs questions concernant les domaines visés au titre VI du
traité sur l'Union ou au titre IV de la troisième partie du
traité CE, peut ,si certaines conditions sont remplies à titre
exceptionnelle être soumise à la procédure d'urgence
dérogeant au règlement) . Pourtant la durée moyenne
d'un procès devant la Cour EDH est de 3 ans, après avoir
compté 6 mois suite à la décision définitive de la
Cour nationale et avoir souvent épuisé toutes les voies de
recours internes. De ce point de vue, le justiciable qui veut gagner du temps
aurait tout intérêt à adresser un recours
préjudiciel qui lui permettra alors de faire l'économie d'une
action ultérieure devant la Cour EDH. Toutefois cette analyse est
limitée par le fait que la question préjudicielle n'est
obligatoire qu'uniquement devant les juridictions nationales dont les
décisions ne sont pas susceptibles de recours, également, il faut
un « doute » quant à l'application et
l'interprétation du droit communautaire.
On pourrait objecter en faisant valoir que cette
possibilité (recours préjudiciel) équivaudrait à la
procédure de mesures provisoires prévues dans le système
de la Convention par l'art 39 du règlement de la Cour, procédure
qui du reste statiquement connaît un grand cru. En 2006 par exemple, la
Cour avait traité 444 demandes, pour l'année 2007, le chiffre
est passé à 867, soit une augmentation de presque 100% (95,27
plus exactement)220(*) . Une telle analogie entre recours
préjudiciel à Luxembourg et existence de mesures provisoires
à Strasbourg, n'est cependant pas heureuse, car ils ne conduisent pas
au même résultat. De plus ce n'est que très
récemment, dans l'arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie en
2005221(*) , que la
Cour a pour la première fois condamné un Etat qui ne
s'était pas conformé à la mesure indiquée au titre
de l'art 39.
4 -Complémentarité en
ce qui concerne le champ de contrôle
En ce qui concerne les actes attaquables, il faut dire que,
malgré l'extension du contrôle de la Cour EDH au champ des actes
qui d'une manière ou d'une autre trouvent leur source dans le droit
commmunautaire, il y'a des limites que la Cour EDH n'a jamais franchies, du
moment où l'UE n'a pas formellement adhéré au
système de la Convention (supra) ; elle serait d'autant
moins encline à franchir ces limites depuis sa jurisprudence
Bosphorus. Cette limite concerne l'hypothèse des actes des
Institutions communautaires qui n'ont pas été introduits dans
l'ordre juridique par un support juridique national (affaire behrami,
supra)et qui de ce fait restent des actes de l'ordre juridique
communautaire. En clair, ce sont les actes des organes de la CE/UE à
l'adoption desquels les Etats membres ne sont pas intervenus, pour ces actes,
il appartient la CJCE de combler ce vide en exerçant le contrôle
de leur conformité aux droits fondamentaux, et de réaliser ainsi
la complémentarité, on pourrait toutefois regretter les
restrictions des justiciables quant à certains actes (supra).
De même la compétence de la CJCE est limitée aux actes de
droit primaire. Ici la Cour EDH dans l'arrêt Matthews222(*), après avoir
constaté que l'acte de 1976 (droit primaire) ne peut être
attaqué devant la CJCE, car il ne s'agit pas d'un acte
« ordinaire » de la Communauté, a exercé son
contrôle (§ 33). La Cour EDH exercerait sa compétence dans
cette espèce en raison de l'incompétence de la CJCE223(*). Cette précision
illustre si bien la complémentarité qu'il y'a entre les deux
Cours européennes au regard de la protection des droits fondamentaux.
5- Tempérament au caractère juridictionnel de la
procédure à Strasbourg : la procédure de
règlement amiable -appréciation
Notons l'existence dans le système conventionnel de la
procédure de règlement amiable art 38 ,1b et art 39.
Elle vient tempérer le caractère juridictionnel de la Cour EDH
et présente un avantage par rapport au système communautaire.
Les procédures juridictionnelles sont souvent synonymes de
« chicane » et de « paperassie » ;
cette voie permet ainsi de résoudre la question sous un terrain
politique. Elle suppose nécessairement que les deux Parties soient en
accord sur la solution définitive fût-elle injuste, comme le dit
le viel aphorisme « un bon arrangement vaut mieux qu'un bon
procès » ; toutefois, certains auteurs proposent de
décharger la Cour de cette fonction de conciliation (qui à
l'origine incombait à un organe non-juridictionnel- la Commission), pour
lui permettre de se recentrer sur ses fonctions proprement juridiques, dans un
but d'efficacité224(*). On pourrait objecter de la plus- value d'une telle
possibilité comparativement à Luxembourg, en soulignant
l'existence dans le système de l'Union européenne des
procédures non-juridictionnelles qui pourraient apparaitre comme
l'équivalent de la procédure de règlement amiable de la
Cour EDH : ce sont la possibilité de recourir à un
médiateur, la possibilité de déposer une pétition
etc... ; Une telle analogie ici également n'est pas assez
pertinente car ces différentes possibilités ne sont pas
équivalentes.
6-Complémentarité des remèdes
apportés aux violations des droits de l'homme.
Il s'agit de comparer les systèmes de Strasbourg et de
Luxembourg, au regard de l'autorité et de l'exécution de leurs
décisions respectives. Sur ce point, il convient de noter que le
système de la CE/UE semble un peu plus contraignant que celui de la
Convention. Dans le système de la Convention, les décisions ont
« autorité de chose déclarée » et leur
exécution est, aux termes de l'art 46 de la Convention, tel que
modifié par le protocole 11 , confiée au Comité des
ministres , il vérifie que les Etats adoptent bien des mesures
générales nécessaires pour éviter de nouvelles
violations (modification de la législation, de la jurisprudence , des
réglementations ou des pratiques ...) ; il s'assure
également du versement au requérant de la satisfaction
équitable accordée par la Cour et, dans certains cas, de la mise
en oeuvre d'autres mesures concrètes, par exemple une réparation
intégrale ( réouverture d'une procédure...) . Si le
requérant estime qu'il ne reçoit pas réparation, il peut
s'adresser au Comité des ministres. On l'a déjà
relevé, la bonne mise en oeuvre de cette exécution ne peut que
compter sur une certaine « diplomatie judiciaire » et ne
pourrait pas se contenter uniquement du principe pacta sunt servanda.
Du coté de la CJCE, les arrêts s'imposent aux Parties, quelle
que soit la voie de recours qui a été au départ de
l'arrêt. Il faut noter surtout la particularité de l'arrêt
rendu sur un recours en manquement qui peut s'accompagner du paiement d'une
somme forfaitaire ou d'une astreinte225(*), et des arrêts rendus dans le cadre du
contentieux de l'indemnité. Notons également qu'il y'a des
sanctions politiques (mise à l'écart de l'UE) qui viennent
appuyer la force des décisions rendues au plan juridictionnel. Du point
de vue procédural, on voit bien, à travers l'analyse des
éléments précédents, la grande
complémentarité des deux Cours dans le chef des justiciables et
de manière générale dans la protection des droits
fondamentaux en Europe ; il en va de même en ce qui concerne le fond
même du droit.
B -Complémentarité des systèmes
strasbourgeois et Luxembourgeois
du point de vue « du droit au
droit »
Jusqu'ici ,l'accent a été surtout mis sur le
risque d'interférence entre la CEDH et la Charte des droits
fondamentaux, en laissant de côté les innovations qu'apporte la
Charte des droits fondamentaux ; la Charte comporte des droits
nouveaux ,de ce point de vue la dualité des systèmes ,plus
spécifiquement des catalogues de droits fondamentaux peut-être un
atout pour le justiciable ;de même les droits garanties par la CEDH
bénéficient d'une autorité renforcée dans la mesure
où ils sont repris par le CJCE comme Principes généraux
du droit communautaire226(*) nous ne nous étendrons pas sur cette
question.
Il ne nous reste plus qu'à examiner le deuxième
aspect de la complémentarité technique entre les Cours
européennes.
Par II - AU REGARD DE L'OFFICE DES DEUX
COURS
Nous soulignerons d'abord la collaboration existante entre les
Cours européennes (A), avant d'analyser les similarités dans la
technique juridique déployée par chacune d'elle,
similarités qui trahissent bien les emprunts réciproques de l'une
à l'autre. (B).
A- La collaboration informelle des
juges européens
Normalement, un juriste ne devrait que très peu
s'intéresser aux aspects informels dans le processus de fabrication du
droit ; simplement, comme nous l'avons relevé, la complexité
du domaine d'étude, commande une approche moins obtuse, le positivisme
factualiste par exemple. Car si on fait totalement abstraction de ces aspects
informels, l'analyse des normes et de la jurisprudence serait forcement
biaisée. Il importe donc de noter au passage que les
délégations des deux Cours se rencontrent
régulièrement , en moyenne une fois par an, pour discuter des
questions jurisprudentielles ou autres , à l'exception d'affaires
pendantes ( rien ne justifie toutefois cette exception ,sauf à nous fier
à la loyauté de nos juges ) ; le résultat
étant un climat favorable au développement des jurisprudences
respectueuses l'une de l'autre , compatible l'une avec l'autre 227(*).On comprend aisément
pourquoi l'ampleur des divergences jurisprudentielles entre les Cours
contraste mal avec l'articulation à tout le moins, imparfaite des deux
Cours dans la paysage juridique européen.
B- Les emprunts techniques
réciproques
Comme le relève Denis Simon228(*), il y'a une certaine
familiarité dans les raisonnements juridictionnels entre les deux
Cours : par exemple la reconnaissance d'une marge nationale
d'appréciation conduisant à reconnaitre aux Etats-parties une
certaine « marge d'appréciation » dans la mise en
oeuvre des droits garantis ,de même « le principe de
proportionnalité » se retrouve aussi bien dans la
jurisprudence de Strasbourg que dans celle de Luxembourg . Cette
familiarité concerne aussi les techniques d'interprétation, par
exemple les techniques de « l'effet utile », de
« l'interprétation évolutive » et du
« but actualisé »229(*) .
Egalement, certains auteurs ont mis en exergue les points
communs dans les procédures juridictionnelles de Strasbourg que dans
celle de Luxembourg230(*) , cette analogie est également
remarquable au plan organisationnel. Toutes ces similarités traduisent
si bien les emprunts de l'une à l'autre. Il n'est pas nécessaire
de faire un inventaire des emprunts de chacun des deux systèmes
à l'autre, tout simplement, ils sont un signe de la
complémentarité entre les Cours européennes.
SECT II LA PLUS-VALUE DE LA DUALITE
EUROPEENNE DANS LA
RESORPTION DU TRAVAIL
MATERIEL
Sous cette section, on entend aborder le problème du
volume du travail ; il n'aurait certainement échappé
à aucun analyste que l'arrêt Bosphorus de la Cour EDH
vient également résoudre le problème de l'engorgement de
la Cour EDH. Les deux Cours ont été confrontées ces
dernières années à une augmentation toujours croissante
des affaires.
Du côté de Strasbourg, les choses parlent
d'elles-mêmes, les statistiques sont assez éloquentes : Au
cours des trois années qui ont suivi l'entrée en vigueur du
protocole n° 11 , la charge du travail de la Cour a connu une
augmentation sans commune mesure ; ainsi, alors que le nombre de
requêtes introduites était de 5279 en 1990, il est passé
à 10335 en 1995 ( +96%), 18164 en 1998 (+ 76%) et 34546 en 2002 (+ 90%)
, 44 100 en 2004 , 43 500 en 2005 et 50 500 en 2006 , en fin
2006 ,65 000 requêtes environ étaient pendantes devant elle
,et fin 2007, c'était le cas de près de 80 000
plaintes 231(*) , fin 2008 , on dénombre 97 000
affaires pendantes. Le protocole 11 de 1998 avait essayé de
résoudre le problème en créant une Cour unique, beaucoup
constatent malheureusement le caractère mitigé des
résultats obtenus ; également, le protocole 14 qui
hélas ! N'est pas encore entrée en vigueur s'est
attaqué au problème. On notera aussi que les arrêts pilotes
et répétitifs s'inscrivent dans cette dynamique.
Du côté de la CJCE, les chiffres sont tout aussi
éloquents, au vu du rapport annuel 2008. Pour ce qui concerne les
affaires introduites, on est passé 531 en 2004 à 474 en 2005, 537
affaires en 2006, alors qu'en 2007, on enregistrait 580, et 592 en 2008 ,
dire qu'il s'agit des affaires qui souvent sont d'une technicité qui
se passe de tout commentaire. Avec les élargissements intervenus, le
problème est plus crucial ; la résolution de
l'équation de l'engorgement de la CJCE s'est faite plutôt par la
création d'un Tribunal de première instance.
De plus, les deux Cours tentent de résoudre le
problème par une grande stricture quant aux conditions de
recevabilité des requêtes. On remarquera statistiquement que
beaucoup d'affaires sont réglées avant même que la question
n'ait été abordée sur le fond.
A côté de cette complémentarité
technique, il convient de noter que l'analyser de chacun de ces deux ordres
juridiques laisse apparaitre des éléments permettant une
harmonisation juridique.
CHAP II LES ELEMENTS AUTOREGULATEURS
DE
PACIFICATION
JURIDIQUE, INTERNE
A CHAQUE
SYSTÈME.
C'est ici que se vérifie la particularité de
l'ordre ou, si l'on préfère, « des ordres juridiques
européens » qui, face aux différentes difficultés
dans leur articulation, (présentées au titre I), ne peuvent pas
aujourd'hui être appréhendées sous l'angle pyramidal
traditionnel. A la subordination normative et jurisprudentielle, se
succède une autre grille de lecture : « la
coordination » ; la cohérence normative recherchée
par Hans Kelsen232(*)
ne peut être atteinte ici qu'à travers des « ponts
juridiques et jurisprudentiels » développés par chaque
système. La théorie des contraintes juridiques de Michel Troper
est aisément transposable à la relation entre les Cours
européennes. Même si l'expression « contraintes
» semble inadéquate dans ce cas, il importe de les analyser
ces « ponts » aussi bien dans le système de la
Convention
(Par I) que dans celui de la CE/UE (Par II).
SECT I. DANS LE SYSTÈME DE LA
CONVENTION.
Il existe dans le système de la Convention des
éléments qui découlent soit de la nature même du
système conventionnel , soit du texte de la Convention et des
différents protocoles, soit enfin de la jurisprudence de la Cour
EDH ,qui permettent une cohabitation harmonieuse avec le système
communautaire dans la garantie des droits fondamentaux . On se limitera
ici à l'examen de deux ou trois éléments : d'abord,
le caractère subsidiaire de la Convention et ses différentes
expressions (A) ; ensuite nous examinerons les techniques
d'interprétation conciliatrices de la Cour EDH (B), enfin, nous ferons
un temps d'arrêt à l'examen de la jurisprudence Bosphorus
qui, de ce point de vue, vient apporter un plus à la coexistence
harmonieuse du système conventionnel et communautaire (C)233(*).
PAR I- LE CARACTERE SUBSIDIAIRE DE LA
CONVENTION
ET SES DIFFERENTES
EXPRESSIONS
Comme le souligne Françoise
Tulkens : « ...Le principe de subsidiarité irradie
ou rayonne à travers toute la Convention européenne des droits de
l'homme »234(*) , il s'exprime de différentes
manières et trouve son fondement au moins dans deux
nécessites :d'une part, il part du présupposé que la
protection des droits fondamentaux serait d'autant plus efficace que si elle
est garantie an niveau le plus proche des individus235(*) (dans ce premier sens,
on comprend qu'il puisse s'appliquer aussi à la relation avec la CJCE.
Et d'autre part, il tient en des considérations de souveraineté
des Etats- parties à la Convention. Ce principe revêt une grande
importance en ce qui concerne autant la coordination directe de la Convention
avec le système communautaire que la coordination indirecte, par la
coordination avec les systèmes des Etats-membres, qui peuvent ainsi
faire face au dilemme résultant de leur double obligation communautaire
et conventionnelle. On peut mesurer cette importance cardinale à travers
quelques expressions du principe .Aussi bien dans la dimension
substantielle du principe(1), que dans sa dimension procédurale(2).
A- Importance de la dimension substantielle du principe
de subsidiarité dans
la coordination entre les
systèmes
La convention européenne des droits de l'homme, se
présente comme « le minimum vital européen »,
elle ne se substitue pas aux normes internes, qui peuvent, bien entendu,
dépasser le niveau de protection offert par la Convention, mais ne
peuvent aller en- deçà. Faut-il encore souligner la place
importante que les droits fondamentaux occupent dans les normes
constitutionnelles des Etats européens , ( dans la Constitution
allemande , en France dans le texte constitutionnel du 04 oct. 1958 ; le
titre II de la Constitution Belge, etc.....) .Dans ce contexte , la
Convention ne trouve à s'appliquer que si les normes internes qui
garantissent les droits fondamentaux ne sont pas satisfaisantes au regard des
droits consacrés par la Convention ,ou en cas d'absence de protection
nationale. Ce premier aspect du principe de subsidiarité permet de
résoudre les difficultés résultant du conflit des normes.
Alors que dans la situation classique, la norme de droit national doit plier et
s'effacer tout simplement (ceci avec toutefois des nuances qui dépendent
de chaque Etat) devant la norme de droit international, le caractère
subsidiaire de la Convention permet d'envisager une certaine coordination entre
deux normes de sens contraires, l'une normalement inférieure à
l'autre, pourvu que la norme inférieure ne va pas en dessous d'un seuil
d'exigences fixé par la norme supérieure. De même, il
permet au juge national de sortir aisément du dilemme résultant
de ses doubles obligations conventionnelle et communautaire .L'importance
de ce caractère subsidiaire se vérifie également au plan
procédural.
B- Importance de la dimension procédurale du
principe de subsidiarité dans
la coordination entre
les systèmes
Du point de vue procédural, on peut relever trois
expressions de ce caractère subsidiaire dont l'importance ne fait aucun
doute : d'abord l'exigence de l'épuisement des voies de
recours internes avant toute intervention de la Cour EDH ; ensuite, le
mécanisme d'exécution des arrêts de la Cour EDH, enfin les
conditions de recevabilité restrictives.
Aux termes de l'art 35 de la CEDH, « la Cour ne peut
être saisie qu'après épuisement des voies de recours
internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international
généralement reconnus et dans un délai de six mois
à partir de la décision interne
définitive ».
Cela signifie que c'est le juge national qui est le juge de
droit commun dans le système conventionnel. Une telle disposition permet
une régulation harmonieuse avec le système communautaire. Sur
l'exigence de l'épuisement des voies de recours, on peut se
référer à la jurisprudence en la matière236(*).
L'exécution des arrêts de la Cour EDH
présente des particularités qui ne sont en fait qu'un
prolongement du caractère subsidiaire de la Convention. Le protocole 11
à la CEDH signé en 1998 confie aux Etats-membres le choix des
mesures appropriées, sous le contrôle du Conseil des ministres.
Cette marge de manoeuvre leur permet de chercher entre diverses solutions
possibles, celle qui serait la moins préjudiciable à la bonne
exécution de leurs obligations communautaires. En aucun cas, la Cour ne
peut annuler la décision rendue par une juridiction nationale, ni
formuler des injonctions ou prescrire des mesures correctives à
l'égard de l'Etat. En effet, on se rappellera que l'arrêt de la
Cour n'a qu'un caractère déclaratoire (déclaration de
violation ou non de la convention). Faut-il encore le souligner, cette nature
ou plus exactement la particularité de l'autorité des
décisions de la Cour EDH permet aux Etats de facilement les concilier
avec d'autres obligations nationales et internationales et d'assurer ainsi la
parfaite cohérence des systèmes.
Pour ce qui est des conditions de recevabilité
restrictives, il faut noter que l'action devant la Cour EDH n'est en rien
comparable à une actio popularis. Il existe des conditions de
recevabilité qui restreignent sérieusement le prétoire
strasbourgeois (conditions de compétence rationae loci , rationae
personae , rationae materiae) ; ainsi statistiquement, près
de 90% des requêtes sont déclarées irrecevables pour des
conditions de compétence , également avec le système des
arrêts pilotes développé par la Cour dans l'affaire
Broniwsky237(*) , et le
système des requêtes répétitives , il y'a fort
à parier que l'accès au juge serait de plus en plus rendu
difficile . Ce faisait, la Cour EDH arrive ainsi à circonscrire sa
frontière de compétence, permettant une coexistence avec le
système communautaire. Elle s'est jusqu'ici comme on l'a relevé
plus- haut, affirmée incompétente rationae personae, en
ce qui concerne les actes découlant directement des Institutions
communautaires (comme la Commission par exp : Aff. Senator lines,
Sté Guérin). Dans ce domaine, c'est la CJCE qui serait
compétence, réalisant ainsi une complémentarité
technique .rationae materiae, malgré l'extension jurisprudentielle des
droits mentionnés dans le texte de la Convention, il convient de noter
que la Cour EDH définit sa compétence matérielle par
rapport aux droits mentionnés dans la Convention. Or la Convention
aujourd'hui en prenant en compte les développements de la Cour EDH est
loin de contenir tous les droits. La Charte des droits fondamentaux, comme on
l'a vu, est d'un standard plus élevé que la Convention et peut de
ce fait réaliser une certaine complémentarité
matérielle (supra), sauf que son champ d'application est
limité. Un élément tout aussi important concerne les
techniques d'interprétation conciliatrices de la Cour EDH.
PAR II-LES TECHNIQUES D'INTERPRETATION
CONCILIATRICES
DE LA Cour
EDH
Les deux Cours ont développé des techniques
d'interprétation conciliatrices qui épousent si bien la solution
préconisée par la Commission du droit international pour faire
face à l'épineuse question de la fragmentation du droit
international . Pour la Commission, la solution au problème de la
fragmentation pourrait se trouver dans le « principe d'harmonisation
» selon lequel « lorsque plusieurs normes ont trait à une
question unique, il convient dans la mesure du possible de les
interpréter de manière à faire apparaitre un ensemble
unique d'obligations compatibles. On peut citer entre autres notions le concept
de « la marge nationale d'appréciation », ainsi que
« le seuil de gravité d'atteinte au
droit »238(*) , ou encore « la technique
d'interprétation évolutive » qui permet à la
Cour EDH d'adapter la Convention aux évolutions de la
société (en ce compris les évolutions juridiques des
systèmes de protection de droit analogues) ; l'importance de toutes
ces techniques dans la coordination avec les autres systèmes juridiques
n'est plus à démontrer. Pour ce qui est de la « marge
nationale d'appréciation » par exemple, elle implique une
rupture d'avec la conception traditionnelle et hiérarchisée,
même si elle n'est pas suffisante en elle-même pour réaliser
l'internationalisation du droit ou tout simplement un droit commun
pluraliste.239(*)
PAR III - L'EMERGENCE JURISPRUDENTIELLE DE LA
DOCTRINE DE
LA « PRESOMPTION
D'EQUIVALENCE DE PROTECTION »
Dans l'arrêt Bosphorus , la Cour EDH
établit clairement une présomption de conformité des actes
du droit communautaire aux droits fondamentaux : « ...Dans ces
conditions, la Cour estime pouvoir considérer que la protection des
droits fondamentaux offerte par le droit communautaire est et était
à l'époque des faits équivalente (...) à celle
assurée par le mécanisme de la Convention ; par
conséquent, on peut présumer que l'Irlande ne s'est pas
écartée des obligations qui lui incombaient lorsqu' elle a
mis en oeuvre celles qui résultaient de son appartenance à la
Communauté européenne. » § 165. Nul ne saurait
contester l'importance que revêt cette précision dans le domaine
des rapports entre le système de la Convention et le système
communautaire. On remarquera d'ailleurs, et cela semble assez curieux, que le
président de la CJCE a remercié la Cour EDH de cet
arrêt Bosphorus. Peut-être finalement ,la solution
à l'épineuse question de la coordination entre les
différents ordres juridiques pourrait se trouver dans cette notion
assez révérencieuse qu'est « l'équivalence de
protection » .Inaugurée par la Cour allemande de
Karlsruhe dans l'arrêt Solange II240(*) pour régir les
rapports entre la CJCE et le droit national allémand,la Cour de
Strasbourg lui emboite le pas dans l'arrêt Bosphorus
précité pour ce qui est des rapports entre le droit conventionnel
et le droit communautaire . Certainement comme le relève la
doctrine, la portée des deux situations n'est exactement pas la
même, dans la mesure où la solution dégagée dans
l'arrêt Bosphorus réserve à côté du
contrôle abstrait qui est fait, un contrôle concret, au cas par
cas. Mais les premières applications de la présomption
dégagée dans l'affaire Bosphorus ne nous autorisent pas
à exagérer la différence entre le modèle
Solange II et la solution prise par la Cour EDH (supra). Il
est souhaitable que la CJCE suive le mouvement, en ce qui concerne ses rapports
avec le droit international issu des Nations -unies, car tel ne semble pas
être le cas, du moins pour tenir en compte l'arrêt Kadi
suscité où la CJCE n'a pas hésité à
contrôler un règlement issu directement d'une résolution du
Conseil de sécurité. De même, il est souhaitable que la
Cour EDH le fasse en ce qui concerne les rapports entre le droit conventionnel
et le droit onusien, domaine dans lequel la Cour EDH accorde une
quasi-immunité, pour s'en tenir du moins à la solution
dégagée dans l'affaire Behrami et Saramati
(supra). La notion d'équivalence de protection pourrait devenir
la « pierre d'achoppement » de stabilisation dans la
pluralité des ordres juridiques. Selon Françoise
Tulkens241(*), la
présomption de conformité sert d'abord et avant tout, comme l'a
d'ailleurs expliqué la Cour, les intérêts de
l'intégration européenne, elle veut éviter que le droit
communautaire puisse être systématiquement remis en cause devant
les juridictions nationales au nom des droits de l'homme. Les premières
applications de la présomption Bosphorus n'ont pas de quoi
inquiéter le système communautaire.
La Cour EDH a d'ores et déjà eu l'occasion
d'appliquer la présomption de l'arrêt Bosphorus
(Coopérative des Agriculteurs de Mayenne c.France242(*) ) en rejetant une
requête comme manifestement irrecevable. L'affaire concernait des faits
très similaires à ceux ayant donné lieu à l'affaire
Procola c. France. La Cour est arrivée à la conclusion
suivante : «...partant la Cour estime que pareille espèce ne
fait pas apparaitre « une insuffisance manifeste » dans la
protection des droits garantis par la Convention qui pourrait renverser la
présomption de protection par l'ordre juridique communautaire de ces
droits , telle qu'elle a été dégagée par la Grande
Chambre de la Cour dans l'arrêt Bosphorus Airways
(précité).Il s'en suit que le grief est manifestement mal
fondé et doit être rejeté en application de l'art
35§§3et4. », La Cour ne décèle pas
« d'insuffisance manifeste » dans la protection des droits de
l'homme et ceci même en l'absence d'une intervention de la CJ statuant
sur question préjudicielle243(*) .De même dans l'affaire
Coopérative productenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij
U .A c/ Pays-Bas244(*) , la Cour EDH rejette une requête pour
défaut manifeste de fondement, l'association requérante se
plaignait d'un manque d'équité (art 6§1 de la CEDH) dans la
procédure préjudicielle menée devant la CJCE relativement
au droit que lui avait été reconnu au Pays-Bas de pratiquer la
pêche à la coque dans une zone de balancement de marées, la
mer de Wadden. La Cour fait une application in concreto de la
présomption Bosphorus et arrive à la conclusion qu'elle
ne peut considérer que « ...l'association requérante a
démontré que les garanties d'équité
procédurale dont elle a bénéficié en
l'espèce étaient manifestement défaillantes.
L'intéressé est donc resté en défaut de renverser
la présomption en vertu de laquelle la procédure suivie devant la
CJCE offre des garanties équivalentes à celles garanties par la
Convention ».
L'affaire Connolly245(*) illustre de manière encore plus significative
l'application de la « présomption
Bosphorus » : le requérant qui avait
été suspendu , puis révoqué
de la Commission européenne , reprochait aux organes de la Commission
d'avoir violé les dispositions de la CEDH , notamment les exigences du
procès équitable de l'art 6§1 .le requérant
estimait que les quinze Etats-membres qui étaient membres de l'Union
européenne à l'époque des faits devraient être
reconnus conjointement responsables des violations de la Convention
découlant des actes communautaires, dans la mesure où le
transfert de compétences à l'initiative des Etats-membres, et
à disposition des Organisations internationales ne saurait selon lui
dispenser des obligations qui leurs incombent au titre de la
Convention .La Cour estime qu'il convient d'examiner les griefs du
requérant à la lumière des principes qu'elle a
dégagés dans les affaires où elle a été
amenée à rechercher si la responsabilité des Etats-
Parties à la Convention pouvait être engagée au regard de
celle-ci en raison des actions et omissions tenant à la participation de
ces Etats à une Organisation internationale . Ces principes ont
été développés en particulier dans l' affaire
Bosphorus et les autres affaires en la matière .La cour
rappelle qu'elle à déjà admis que la protection offerte
par l'ordre juridique communautaire était « équivalente
» à celle assurée par le mécanisme de la
Convention ( Bosphorus § 165) , elle ne voit rien dans la
présente affaire qui pourrait l'amener à une conclusion
différente .Elle souligne également que ce sont les organes
communautaires (AIPN,TPICE , CJCE) qui ont eu à connaitre des
circonstances opposant le requérant à la Commission , et à
aucun moment l'un ou l'autre des Etats n'est intervenu . Ce qui
l'amène à conclure que le requérant ne relève pas
de la juridiction des Etats défendeurs au sens de l'art 1 de la
Convention. Quant à la responsabilité éventuelle de
l'Union européenne, elle rappelle de manière claire que cette
Organisation n'a pas adhéré à la Convention et qu'elle ne
peut donc voir sa responsabilité engagée au titre de celle-ci. La
Cour rejette par conséquent la requête à
l'unanimité en concluant que les griefs du requérant sont
incompatibles ratione personae avec les dispositions de la
Convention.
Le système communautaire présente
également des éléments permettant de construire l'harmonie
avec le système de la Convention.
SECT II DANS LE SYSTÈME
COMMUNAUTAIRE
Dans le système communautaire, il existe des
critères affirmés au départ de la jurisprudence ou
même par la Charte des droits fondamentaux, qui permettent de
circonscrire le champ d'intervention de la CJCE en matière de protection
des droits fondamentaux et d'aménager par le fait même la
coexistence avec les autres systèmes.
PAR I - L'EMERGENCE DES CRITERES
D'INTERVENTION
DE LA CJCE EN MATIERE DE DROITS
FONDAMENTAUX.
On s'intéressera ici à deux critères qui
déterminent l'intervention de la CJCE en matière de droits
fondamentaux. Cette dernière n'a pas une compétence
générale en la matière : il faut en premier lieu que
la question qui lui est soumise se rattache au champ/mise en oeuvre du droit
communautaire (A), ensuite et cela va de soi, la question doit se situer dans
le champ de compétence de la CJCE (B) (pour rappel, elle n'est pas
compétente dans tous les domaines du droit de l'Union
européenne). Sous la base de ces limitations, va se construire une
entente harmonieuse entre les deux systèmes.
A- Le critère de rattachement au champ/
mise en oeuvre
du droit
communautaire
Après avoir présenté ce critère
de compétence dégagé par la CJCE et confirmé par la
Charte des droits fondamentaux (elle apporte sur ce point une
légère différence par rapport à la jurisprudence de
la CJCE), et montré son importance dans la coexistence avec les autres
systèmes, nous ne manquerons pas de relever les critiques d'un tel
critère qui tiennent pour l'essentiel à son
instabilité.
1 -
Présentation
Il convient de souligner que la CJCE n'assure le respect des
normes substantielles de la CEDH par les Etats-membres ou par les Institutions
communautaires que dans le champ d'application du droit
communautaire246(*). Le
juge communautaire, saisi par voie préjudicielle se déclare
incompétent pour interpréter les dispositions de la CEDH en soi,
lorsque la réglementation mise en cause devant le juge national concerne
une situation qui ne relève pas du champ d'application du droit
communautaire 247(*) . Cela équivaudrait à dire que,
hors du champ du droit communautaire, l'action des Etats doit normalement
être soumise directement au contrôle des juridictions des
Etats-membres, le cas échéant, au système propre de la
Convention. Donc le domaine d'intervention de la CJCE en matière de
droits fondamentaux est sérieusement limité ; la CJCE le
rappelle elle-même dans l'arrêt Daniele Annibaldi c. Sindaco
del commune di Guidonia, Presidente régionale lazio248(*) : « ...Il ressort de la
jurisprudence de la Cour (arrêt Kremzov 299/95 du 29 mai 1997)
que lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ
d'application du droit communautaire , la Cour, saisie à titre
préjudicielle ,doit fournir tous les éléments
d'interprétation nécessaires à l'appréciation par
le juge national de la conformité de cette réglementation avec
les droits fondamentaux dont la cour assure le respect, tels qu'ils
résultent en particulier de la CEDH . En revanche, elle n'a pas
compétence à l'égard d'une réglementation nationale
qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire ».
La Charte des droits fondamentaux qui vient assurer la
visibilité et une plus grande lisibilité des droits garantis dans
le cadre de l'Union européenne a repris cette limitation, elle est
l'objet de l'art 51 § 1 : « Les dispositions de la
présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de
l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux
Etats-membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'union. En
conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en
promeuvent l'application, conformément à leurs compétences
respectives et dans le respect des limites de compétences de l'union
telles qu'elles lui sont conférées dans les
traités. » . Certains auteurs analysent cette formulation
comme étant plus restrictive que celle retenue par la jurisprudence de
la CJ, dans la mesure où elle semble ne prendre en compte que
l'hypothèse de la « mise en oeuvre » du droit de l'Union
par les Etats-membres, à l'exclusion de l'hypothèse de leur
application lorsqu'un Etat-membre se prévaut d'une exception aux
libertés de la circulation garanties par le traité communautaire.
Mais une analyse plus poussée permet de douter de l'importance de la
différence entre les deux formulations249(*) . Ce critère est important et
détermine l'intervention de la CJCE en matière de droits
fondamentaux. Selon M Dony , la CJCE ne pourra par exemple pas en l'état
actuel du droit de l'Union être compétente pour apprécier
la question de la conformité au droit à la vie consacrée
à l'art 2 de la Charte d'une loi sur l'euthanasie ou sur l'avortement
les Etats ne sont tenus par la Charte que lorsqu'ils « mettent en
oeuvre » le droit de l'Union, le droit à la vie
proclamé par la Charte ne constituant pas un lien de rattachement
suffisant à cet égard250(*) . Il convient de noter que, malgré la
prégnance du phénomène communautaire, toute
l'activité des différents Etats ne s'inscrit pas forcement dans
le droit de l'Union.
2- Observation
critique
On peut douter de la pertinence d'une telle limitation, en
raison du fait que le droit de l'Union agit comme une « pompe
aspirante ». Il est possible de constater un phénomène
d'extension de plus en plus grande du champ du droit de l'Union
européenne. Ce qui est de nature à fonder une intervention plus
accrue de la CJCE en fonction de cette extension252(*), le critère est donc
essentiellement mouvant et ne peut durablement pas définir les domaines
respectifs d'intervention entre Strasbourg et Luxembourg. A coté de ce
premier critère d'intervention de la CJCE analysé ci-dessus, on
peut noter l'existence d'un deuxième critère, à savoir,
l'inscription du litige dans le champ de compétence de la CJCE.
B- le critère de l'inscription du litige dans le
champ de compétence
de la CJCE
Un autre critère important d'intervention de la CJCE,
en matière des droits fondamentaux, est l'inscription du litige dans le
champ de compétence de la CJCE. Comme le premier critère, il
appelle lui aussi des observations critiques.
1-
Présentation
Le deuxième critère d'intervention de la CJCE en
matière de droits fondamentaux est celui de l'inscription du litige dans
le champ de compétence de la CJCE. Il découle du fait que la CJCE
n'est pas compétente dans tous les domaines du droit de l'Union et pour
tous les actes de droit communautaire non plus. Ainsi, à l'heure
actuelle, aux termes de l'art 46 du TUE, tous les actes du deuxième
pilier de l'Union européenne à savoir la politique
étrangère de sécurité commune se situe hors des
champs de compétence de la CJCE .De même dans le
troisième pilier (coopération policière et judiciaire), la
compétence de la CJ est limitée ( Titre VI du TUE ), en ce qui
concerne les actes relatifs aux mesures de contrôle des personnes
traversant les frontières internes( l'art 86 du TCE) .Il y'a donc
une certaine limitation de compétence pour la CJCE qui permet la
coexistence avec la Cour EDH . Ces domaines d'incompétence de la CJCE
sont paradoxalement des domaines qui peuvent poser d'importantes questions de
violation des droits fondamentaux.
2- Observations
critiques
On ne doit certainement pas se méprendre sur cette
division en piliers de l'Union européenne .Selon Sophie Perez , il
existe une dépendance entre les relations extérieures du premier
pilier et la politique étrangère du deuxième , et
aussi, bien sûr, entre la libre circulation des personnes et l'ancien
troisième pilier ( justice et affaires intérieures) . Certes
le traité d'Amsterdam réalise une communautarisation partielle
de l'actuel troisième pilier, cependant, l'actuel titre IV TCE (visas,
asile immigrations et autres politiques liées à la libre
circulation des personnes) et le titre VI TUE (coopération
policière et judiciaire dans le domaine pénal) relèvent
bien du même objectif. La constitution d'un espace de liberté et
de justice au sein de l'Union européenne, seuls les types de normes et
de procédures adoptées dans les deux piliers diffèrent,
d'ordre administratif dans le premier et d'ordre répressif dans le
troisième253(*) .On comprend alors aisément la
position de la CJCE dans l'affaire Pupino254(*) ,amenée à se prononcer sur un
recours préjudiciel portant sur la compatibilité de certaines
dispositions de la procédure pénale italienne à une
décision- cadre qui relève du troisième pilier de l'Union
européenne . Face aux arguments de la Suède et du Royaume-
Uni qui soulignaient le caractère intergouvernemental de la
coopération entre les Etats -membres dans le cadre du titre VI du
traité sur l'Union européenne, la Cour déclare que le fait
que ses compétences soient moins étendues dans ce cadre qu'en
droit communautaire ne s'oppose pas à l'existence de l'obligation
d'interprétation conforme (§ 35), et qu' indépendamment du
degré d'intégration visée par le traité d'Amsterdam
dans le processus créant une Union sans cesse plus étroite entre
les peuples de l'Europe au sens de l'art 1 deuxième alinéa du
traité UE, il est parfaitement compréhensible que les auteurs du
traité aient estimé utile de prévoir dans le cadre du
titre VI de ce traité , le recours à des instruments juridiques
comportant des effets analogues à ceux prévus par le
traité CE ,en vue de contribuer efficacement à la poursuite des
objectifs de l'Union . Il n'a certainement pas échappé
à Anne Weyembergh, dans sa note255(*) sur l'arrêt suscité, que la
décision de la CJCE dans cette affaire venait en quelque sorte
anticiper l'entrée en vigueur du traité constitutionnel ( projet
toutefois abandonné )qui prévoyait la communautarisation de tous
les piliers de coopération , étant donné qu'elle se
situait juste aux lendemains des referenda négatifs en France et aux
Pays-Bas .
De même la CJCE, peut contrôler indirectement les
actes du deuxième pilier en portant son contrôle sur les actes du
premier pilier qui font application des actes précédents. Cela a
été le cas dans les affaires jointes Abdullah Kadi et Al
Baakaat international foundation256(*). Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le
Conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté des
résolutions au titre du chapitre VII de la Charte des NU. Ces
résolutions qui enjoignent aux Etats-membres de prendre de sanctions
économiques telles que le gel des avoirs, ont été mises en
application dans le cadre du deuxième pilier de l'Union
européenne par le biais de l'adoption d'une position commune
2002/402/PESC, transposée dans l'ordre communautaire (premier pilier)
par les règlements 467/2001et 881 /2002. Ce sont ces
règlements qui étaient en cause dans la mesure où ils
incluaient le nom des Parties à la liste des personnes visées par
les sanctions économiques. Plus difficile est l'hypothèse
où la position commune (deuxième pilier) comporte en elle
-même des dispositions qui portent atteinte aux droits fondamentaux et
qui ne sont pas reprises dans le règlement qui lui donne pleine valeur
juridique ,cette éventualité s'est posée dans
l'affaire Segi et autres et Gestoras pro-amnistia et autres c .Quinze
Etats-membres (suscitée) ; le 31 octobre , Segi saisi le TPICE
d'un recours en indemnité visant à obtenir réparation du
préjudice subi par la requérante du fait de l'inscription de
Segi sur la liste ; dans son ordonnance rendue le 07 juin2004, le
tribunal rappelle que les requérantes ne sont concernées que par
l'art 4 de la Position commune relatif à la coopération
policière ,judiciaire et que dès lors , l'art 34 TUE ( Titre VI)
est la seule base juridique pertinente en ce qui concerne les actes
contestées .Le tribunal constate que les requérantes
« ne disposent probablement d'aucun recours juridictionnel effectif
,que ce soit devant les juridictions communautaires ou nationales
».
La deuxième observation critique importante de ce
critère d'intervention de la CJCE, est l'innovation importante
qu'apporte le traité de Lisbonne. Cette innovation se situe dans la
droite ligne de cette jurisprudence. Ce traité comme on l'a dit dans
notre propos introductif, viendra communautariser tous les piliers de
coopération de l'Union européenne. Très
concrètement, cela se traduit par le transfert d'un domaine relevant
dans le cadre institutionnel de l'Union européenne à la
méthode intergouvernementale257(*)(deuxième et troisième piliers),
à la méthode communautaire258(*) (premier pilier). Il appartient à la Cour EDH
d'être vigilante sur ces domaines où la compétence de la
Cour n'est pas expressément affirmée, pour combler le puzzle en
matière de protection des droits fondamentaux. Dans l'arrêt
Segi , la Cour EDH semblait disposée à pallier l'absence
de compétence de la CJCE, dans le cadre du titre VI TUE, lorsqu'elle
affirme : « ...Si la jurisprudence relative à l'art 34
développée par les organes de la Convention concerne les
législations internes des Etats-parties à la Convention, il n'ya
pas d'obstacle majeur s'opposant à son application à des actes
émanant d'un ordre juridique international comme celui de l'Union
européenne. ». Gênée par le fait que les
Positions communes ne soient pas directement applicables dans les ordres
juridiques internes, la Cour s'en tient à un voeu pieux259(*) .
En dépit de ce dynamisme développé par la
CJCE qui l'amène indépendamment des limitations des
traités, à couvrir finalement tout le droit de l'Union
européenne, au prix parfois des « acrobaties
juridiques », il reste toutefois regrettable que les juges de
Strasbourg dans l'arrêt Bosphorus, avant d'établir la
présomption de conformité du droit communautaire aux droits de
l'homme, n'aient pas « mis le doigt » sur ces
interstices du droit communautaire. Certainement le traité de Lisbonne,
s'il entre en vigueur, pourra changer la donne dans la mesure où il
communautarise tous les piliers de coopération de l'Union en
réalisant théoriquement une extension des compétences de
la CJCE. Il convient également de rappeler que la CJCE n'est pas
compétente pour contrôler les actes de droit primaire, la Cour de
Strasbourg à tirer les conséquences de cette incompétence
dans l'arrêt Matthews, en affirmant sa compétence en
matière de contrôle des actes trouvant leur source dans le droit
communautaire et pour lesquels la CJCE, n'est pas compétente. On a
là le signe le plus éloquent de la complémentarité
entre les Cours européennes.
PAR II -LA CORDINATION ENTRE LA CHARTE ET LE
SYSTÈME
DE LA
CONVENTION
Comme nous l'avons souligné plus haut, les clauses
horizontales inscrites dans la Charte des droits fondamentaux permettent une
meilleure régulation des droits fondamentaux en Europe :
d'abord, la clause dite de correspondance (art 52§3)
permet une coordination directe avec le système de la Convention (A),
ensuite l'art 53 de la Charte permet une coordination indirecte avec la
Convention par la coordination entre la Charte et les Etats-membres (B).
A- Coordination directe avec le système de
la CEDH (Art 52p3)
La coordination avec le système de la Convention est
recherchée à travers l'art 52p3 qui dispose :«
Dans la mesure où la présente Charte contient des droits
correspondant à des droits garantis par la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur
sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur
confère ladite Convention .Cette disposition ne fait pas obstacle
à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue
» . Nous nous sommes déjà assez étendus sur
cette disposition, en relevant les critiques qu'elle a soulevées, et en
présentant des objections à de telles critiques. Nous avons
relevé également l'importance d'une telle clause dans la
coordination entre les systèmes européens de protection des
droits de l'homme. On ne s'attardera pas sur ce point. La coordination avec le
système de la CEDH est également réalisée
indirectement à travers la coordination entre la Charte et les
systèmes nationaux.
B- Coordination indirecte, par la coordination
entre la Charte
et les systèmes
nationaux (Art 53)
C'est l'objet de l'art 53 de la
Charte : « Aucune disposition de la présente Charte
ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte
aux droits de l'homme et libertés fondamentales ,reconnus dans leur
champ d'application respectif, par le droit de l'Union, le droit international
et les Conventions internationales auxquelles sont parties l'Union, la
Communauté ou tous les Etats-membres , et notamment la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, ainsi que la constitution des Etats
membres » .L'importance de cette disposition a
déjà été suffisamment soulignée dans le
paragraphe consacré au dilemme du juge national en cas d'obligations
conventionnelles et communautaires divergentes ; elle traduit si bien(
pour autant que le traité de Lisbonne qui règle le
problème de la valeur juridique de la Charte entre en vigueur) ce qu'on
a appelé plus- haut « des scrupules juridiques
réciproques » .Le système de l'Union
européenne n'a pas ignoré les autres systèmes et se montre
conscient de la difficile articulation des systèmes européens de
protection des droits de l'homme . Cela transparait également dans les
jurisprudences respectives des deux Cours, elles expriment indiscutablement un
dialogue.
CHAP III LES VERDICTS DES COURS
EUROPEENNES :
EXPRESSION D'UN
DIALOGUE
L'analyse des jurisprudences respectives des Cours
européennes laisse apparaitre incontestablement des signes d'un
dialogue. D'abord les deux juridictions dans beaucoup de domaines accordent
leurs violons pour dégager des solutions similaires, du moins
semblables. C'est ce que nous avons choisi d'examiner sous l'intitulé
« les accointances jurisprudentielles » (Par I). Ensuite
les références et prise en compte réciproques entre les
deux Cours sont particulièrement importantes (Par II).
SECT I. LES ACCOINTANCES JURISPRUDENTIELLES
Il convient de souligner qu'en dépit des divergences
d'interprétations examinées plus-
haut, les décisions des juridictions européennes
laissent apparaitre des accointances dans beaucoup de domaines. Comment
saurait-il d'ailleurs en être autrement, vu que la CEDH et la
jurisprudence de la Cour EDH, (sous réserve des nuances que nous avons
relevées plus- haut) occupent une grande place dans le système
communautaire. On peut citer quelques domaines où Luxembourg accordent
son violon avec Strasbourg, en matière d'égalité de
traitement260(*),
principe de légalité des délits et des peines261(*), ou du respect de la vie
privée262(*).
Le fait qu'une interprétation coïncide à
Strasbourg et à Luxembourg renforce indiscutablement l'autorité
de l'interprétation. De membres les références et prise en
compte de l'une à l'autre sont assez importantes.
SECT II. LES REFERENCES ET PRISE EN
COMPTE RECIPROQUES.
Nous examinerons d'abord les références de la
CJCE au système de la Convention (A) et la prise en compte et les
références du système de la Convention au système
communautaire (B)
Par I - Les références de la CJCE
au système de la Convention.
Ces références visent aussi bien le texte
même de la Convention (1) que la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme (2).
A- Les références
au texte même de la CEDH263(*)
Ces références sont allées grandissantes
(voir Denis Simon). Pour ce faire une idée, on notera qu'entre le
1er novembre 2006 et le 31 octobre 2007, 21 arrêts ou
ordonnances de la CJCE font expressément référence dans
leur motivation soit à la CEDH, soit aux arrêts de la Cour EDH.
Ce qui n'est pas significatif dans l'abstrait, car ce chiffre ne
représente que 6% des arrêts ou ordonnances rendus par la CJCE sur
la même période. Mais placé dans son contexte ce chiffre
est significatif. On ne perdra pas de vue que le contentieux devant la CJCE
appelle souvent des questions purement techniques qui n'ont a priori rien
à voir avec les droits fondamentaux.264(*)Ces références peuvent être
présentées en fonction des articles de la CEDH auxquels elles
renvoient ; ainsi les références les plus nombreuses sont
celles qui concernent les articles de la CEDH traditionnellement
invoqués par la CJCE ; à savoir les articles 6 et et 13
de la CEDH265(*) .
Elles concernent également l'art 7266(*) , l'art 8267(*) , l'art 10268(*) .On peut citer dans ce même sens la
référence faite à l'art 2§ 1 du Protocole n°4
à la CEDH269(*) .
B- Les références et prise en
compte de la jurisprudence de la Cour EDH
Nous évoquerons d'abord « la prise en
compte » de la jurisprudence de la Cour EDH par la CJCE, avant de
parler des références de cette dernière à la
jurisprudence de Strasbourg.
1 - La prise en compte de la
jurisprudence de la Cour EDH
Les deux systèmes, bien que formellement
indépendants, ne peuvent évoluer en « vase clos »,
dans l'ignorance réciproque de leurs jurisprudences, en raison de
l'interférence personnelle évoquée plus haut, mais
également de la nature des répartitions de compétences
dans l'Union européenne entre Etats-membres et la Communauté.
Cette répartition fait que les mesures d'exécution d'un
arrêt de la Cour EDH peuvent dépasser souvent la
compétence des Etats et nécessiter une intervention de la
Communauté, bien que celle-ci ne soit toujours pas partie à la
Convention. De fait, une prise en compte réciproque des jurisprudences
est plus qu'impérative dans un souci de coordination .Un
retentissant exemple de ces « égards
jurisprudentiels » nous est fourni par l'arrêt de la CJCE dans
l'affaire Royaume d'Espagne c. Royaume-Uni du 02 septembre
2006270(*) . Cet
arrêt vient tirer les conséquences de l'arrêt Matthews
271(*)de la Cour
EDH. Il n'est pas nécessaire de rappeler les faits de l'arrêt
Matthews ici, car ils sont bien connus. Disons tout simplement que
dans l'arrêt Royaume d'Espagne suscité, la CJCE va, par
son interprétation territorialiste de l'arrêt
Matthews272(*) ,concilier ce dernier avec le droit
communautaire primaire, à savoir l'Acte de 1976 relatif aux
élections au Parlement européen (cet Acte est en effet le texte
au départ duquel a été prise la loi électorale
litigieuse du RU).Egalement l'arrêt Senator Lines
(supra) a mis en lumière cette prise en compte de la
jurisprudence et plus globalement de l'activité de la Cour EDH par la
CJCE.
2-Les références de la CJCE
à la jurisprudence de Strasbourg.
Nous avons déjà souligné à l'appui
de la doctrine, la signification particulière que revêt la
Convention européenne des droits de l'homme dans l'ordre
communautaire .Cette signification s'entend de la prise en compte de
l'interprétation de la Convention donnée par les organes de
Strasbourg. Comme le relèvent certains auteurs273(*) , le traité
d'Amsterdam , eu égard à ses innovations ,a conduit
certains éminents membres de la Cour à considérer que la
CEDH avait d'ores et déjà glissé du statut de
« source matérielle » à celui de source formelle
de droit communautaire des droits fondamentaux . Les
références de la CJCE à l'interprétation
donnée par Strasbourg274(*) s'est faite quand à elle de manière
évolutive, mais elles n'en n'ont pas été moins nombreuses
surtout récemment. A titre illustratif, on peut citer quelques
domaines ; en matière de légalité des délits
et des peines275(*) ; en matière de liberté de
presse276(*) ; on
peut également citer le domaine de l'égalité de traitement
des homosexuels 277(*) , également, l'affaire « des
treillis soudés ».278(*)
Ces références de la CJCE et du Tribunal au
système de la Convention ont été l'objet d'une
étude plus pointilleuse par Laurent Scheeck. Nous transposons pour les
besoins de l'analyse les courbes de l'évolution des
références de la CJCE à la CEDH, et celle des sources
normatives de la CJCE, elle concerne une période donnée
(1998-2005).
Par II-Les Références de la Cour EDH, au
système de la CE/UE et la prise
en compte de l'intérêt communautaire
dans la jurisprudence de la CJCE.
De la même manière, on peut mettre en exergue les
nombreuses références de la Cour EDH au système
communautaire. La Cour EDH prend largement en compte la jurisprudence de la
CJCE et de manière générale, l'intérêt du
système communautaire .Ce qui autorise d'ailleurs le juge Spielmann
à soutenir l'idée d'une certaine promotion du droit
communautaire par Strasbourg.279(*)
A-Les Références de la Cour EDH
à la jurisprudence de la CJCE et aux instruments
normatifs du
système CE/UE280(*)
Il convient de souligner que la Cour EDH ,consciente de la
difficulté dans l'articulation en matière de droits fondamentaux
avec les autres juridictions internationales ,à laquelle elle fait face
, s'est montrée de plus en plus ouverte .C'est ce qu'elle exprime
dans l'arrêt de la Grande chambre Demir et Baykara .La Cour
souligne que « lorsqu'elle définit le sens des termes et des
notions figurant dans le texte de la Convention ,[elle] peut et doit tenir
compte des éléments du droit international autres que la
Convention [et] des interprétations faites de ces éléments
par les organes compétents »281(*) . Les
références de la Cour EDH plus spécialement à la
CIJ sont très anciennes, déjà, dans la toute
première affaire de la Cour Lawless c /Irlande 282(*) .La Commission des
droits de l'homme s'était référée à la
pratique de la CIJ afin de pouvoir verser au dossier devant la Cour ,les
observations du requérant. Ces dernières années , les
références à la jurisprudence de la CIJ se sont
multipliées .Dans l'affaire interétatique Chypre
c /Turquie283(*) , la Cour s'est appuyée sur l'avis
consultatif de la CIJ dans l'affaire de la Namibie, pour dire qu'on
pouvait exiger des habitants de la « République tchèque
de Chypre du nord » qu'ils épuisent les voies de recours internes
qui s'offraient à eux .Dans l'arrêt Mamatkolov et Askarov
c/ Turquie , la Cour s'est fondée sur la jurisprudence de la CIJ et
la Cour interaméricaine des droits de l'homme pour juger que la
sauvegarde des droits invoqués par les Parties face au risque de
préjudice irréparable représentait un objectif essentiel
des mesures provisoires prévues en droit international. Dans
l'arrêt Christina Godwin284(*), la Cour de Strasbourg fait référence
à la Charte des droits fondamentaux de l'UE. elle a été
amenée à reconsidérer l'interprétation qu'elle
avait donnée des articles 8 et 12 de la Convention ,et elle s'est
référée entre autres à un arrêt de la CJCE de
1996285(*) où il
a été jugé qu'une discrimination fondée sur le
changement de sexe équivalait à une discrimination fondée
sur le sexe ; également pour reconnaitre le principe non bis in
idem dans son arrêt Zigarella du 03 octobre 2002.Dans
l'affaire Stec et autres c/ RU286(*) , la Cour conclut à la non- violation de
la Convention, en considérant qu' « il y' a [vait] lieu
d'attacher un poids particulier à la valeur hautement persuasive de la
conclusion à laquelle a [vait] abouti la CJCE.. ». Dans
l'affaire Bosphorus, la Cour EDH rappelle la jurisprudence de la CJCE
en matière de droits fondamentaux, elle a également mis en
exergue les différentes modifications des traités intervenues
à la suite de cette jurisprudence, depuis l'Acte unique européen
jusqu'à la Charte des droits fondamentaux287(*) .
B -La prise en compte de l'intérêt
communautaire dans la jurisprudence de la Cour EDH
L'arrêt Bosphorus est incontestablement un des
arrêts les plus illustratifs de la prise en compte de
l'intérêt communautaire par la Cour EDH, mais aussi des
références de la Cour EDH à la jurisprudence de la CJCE
et aux instruments normatifs de la CE/UE .Dans cet arrêt , en
effet, pour arriver à la conclusion que la protection offerte par le
droit communautaire est et était à l'époque des faits
« équivalente » à celle assurée par
le mécanisme de la Convention, la Cour de Strasbourg se livre à
un examen de la protection des droits de l'homme dans l'ordre juridique
communautaire , en évoquant l'importante jurisprudence de la Cour EDH en
la matière de protection matérielle (§ 159 ) .Elle fait
également référence aux traités adoptés dans
le cadre communautaire , traités qui viennent codifier ce mouvement
jurisprudentiel . Au-delà des dispositions substantielles, c'est
tout le mécanisme de contrôle mis en place pour assurer le respect
des droits de l'homme dans l'ordre juridique communautaire qui est
examiné (§161 et suivants) ; la décision de la Cour est
fortement influencée par la considération de cette jurisprudence
et des instruments normatifs sus évoqués.
Conclusion.
Il serait présomptueux de conclure sur un sujet aussi
vaste que la relation entre les Cours européennes, thème dont une
thèse entière ne saurait suffire à rendre compte .Il
importe toutefois de faire quelques observations. A la question de savoir si la
relation entre la Cour de Strasbourg et celle de Luxembourg est une relation de
conflit, de coexistence ou de coopération ;il faut dire que, s'il est
clair que l'articulation des Cours européennes laisse apparaitre trois
noeuds favorables aux divergences jurisprudentielles et que les deux Cours ont
des finalités, du moins originelles fort différentes toute chose
qui légitime les soupçons de duel , il n'en demeure moins vrai
que c'est une relation de coopération, coopération qui s'exprime
aussi bien dans les deux ordres juridiques respectifs qu'à travers leurs
jurisprudences .Il convient toutefois d'émettre le voeu de voir
cette coopération s'institutionnaliser, « sortir du maquis
»,autrement dit, prendre corps dans les textes régissant les deux
Cours et emprunter les formes et procédures juridiques288(*) .La collaboration entre
les Cours européennes n'en déplaise aux disciples de Hans
Kelsen, dévots de la religion de la norme , se fait souvent au
mépris des règles d'orthodoxie juridique les mieux
établies .Nul ne saurait contester l'efficacité d'une telle
collaboration , il importerait malgré tout de tenir compte des
principes tel que la sécurité juridique.
A la question de savoir si c'est une relation de coordination
ou de subordination, il faut noter que l'une n'exclut pas forcement
l'autre .Sur la coordination, il s'agit d'une coordination entre les deux
systèmes, chacun ayant développé au plan normatif et
jurisprudentiel des éléments permettant une pacification avec
l'autre .Ici encore, on peut faire une observation, il n'est pas
acceptable que la coordination soit recherchée par chaque système
individuellement, elle devrait être envisagée collectivement, au
point où on puisse passer « des systèmes
européens de protection des droits de l'homme » au
« système européen de protection des droits de
l'homme » .« Les états généraux
des droits de l'homme en Europe » en 2010 seront immanquablement une
occasion d'aborder toutes ces questions289(*).
S'agissant de la subordination, son absence est douteuse, au
regard du contrôle qu'exerce la Cour EDH sur les actes de droit
communautaire, mais il serait plus approprié de parler
« des égards jurisprudentiels » mieux « de
scrupules juridiques réciproques », plutôt que d'une
subordination. Peut -être l'adhésion290(*) de l'Union au système
de la Convention réalisera t-elle la subordination du moins partielle
du système de Luxembourg à celui de Strasbourg291(*).Une telle adhésion
est mentionnée dans les deux systèmes : Du côté
de Strasbourg, le protocole 14 à la CEDH ouvert à la signature le
13 mai 2004, ( qui n'est toutefois pas encore entré en vigueur ) ,
donne la possibilité à la CE /UE d'adhérer à
la Convention .De nombreuses études ont été
réalisées pour identifier les mutations structurelles et
procédurales devant permettre une possible adhésion des
Organisations internationales à la CEDH292(*), ( qui n'est jusqu'à
lors ouverte qu'aux Etats ) ; du côté de la CE/UE , le
traité de Lisbonne a levé toutes les incertitudes lancées
par l'avis 2 /94 de la CJCE .Il attribue expressément la
personnalité juridique à L'union européenne et
prévoit sans équivoque l'adhésion à la Convention
(art 6 ) .Nul ne saurait contester la plus-value293(*) d'une telle
adhésion .Selon Françoise Tulkens 294(*), elle permettra d'amarrer
formellement ,juridiquement , institutionnellement et même
proceduralement , l'UE à la Convention .Elle doit réaliser une
certaine cohérence entre le système de Strasbourg et celui de
Luxembourg, doit permettre à la CE/UE d'être
représentée devant la Cour de Strasbourg295(*) , mais également
au sein du Conseil des ministres qui surveille l'exécution des
arrêts , en même temps elle permettra de satisfaire le voeu de ceux
qui souhaitent depuis longtemps un contrôle externe de la CE/UE .
Il est permis toutefois de douter autant des effets attendus
d'une telle adhésion pour la cohérence du système
européen que de son effectivisation .D'abord, la Charte des droits
fondamentaux était perçue au sein de L'UE comme une des trois
solutions296(*) au
problème du déficit des droits fondamentaux, à
côté de l'adhésion qui en constituait une autre. Comme nous
l'avons relevé dans nos développements, la Charte contient des
droits qui ne sont pas énoncés dans la Convention et, partant, ne
sont pas couverts par les « clauses horizontales ». Il faut
craindre des risques de divergences pour ces droits même en cas
d'adhésion .L'arrêt Bosphorus relativise
également les effets d'une telle adhésion en circonscrivant le
contrôle de Strasbourg ,ce qui surement rend plus qu'incertaines les
espérances mises dans un véritable contrôle
extérieur de l'Union, le contrôle découlant de
l'arrêt Bosphorus et les arrêts faisant application de la
présomption Bosphorus peut en effet être qualifié
de « contrôle minimum » .
Ensuite autant le protocole 14 d'amendement à la CEDH
de 2004 que le traité de Lisbonne connaissent aujourd'hui des
difficultés d'entrée en vigueur.
A tout prendre ,peut-être finalement le secret du
système européen de protection des droits fondamentaux , qui ,
nous le concédons , est l'un des meilleurs au monde, se trouverait plus
dans l'esprit hautement consensuel qui anime les différents acteurs de
la protection des droits fondamentaux au niveau européen , plutôt
que dans une certaine ossature juridique exemplaire .Certainement, cela
tiendrait plus aussi à la nature du domaine considéré- les
droits fondamentaux qui sont un objectif universellement reconnu ,s'accommodant
mal à la confrontation ,du moins sur le principe de leur
reconnaissance .Au delà de cette efficacité que nul ne
conteste, il n'est pas inintéressant pour le juriste de se poser
mutatis mutandis au sujet des juges européens, la question que
le Doyen Georges Vedel297(*) soulevait à propos du juge constitutionnel
français : « ... [Mais !] D'où viennent
ces juges, véritablement puissants, et dont on pourrait adresser
à leurs jurisprudences l'hymne que Baudelaire chantait à la
beauté : Tu gouvernes tout et ne répond de
rien ! » . C'est toute la question de la
légitimité démocratique des juges européens qui se
trouve ainsi posée
PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS.
Cour EDH : Cour Européenne de Droits de
l'Homme
CEDH : Convention Européenne de sauvegarde
des droits de l'Homme et des libertés
Fondamentales
CESDH : Convention Européenne pour la Sauvegardes
Des droits et des libertés fondamentales (dénomination
officielle).
Com EDH : Commission Européenne des Droits de
l'homme
CIJ : Cour Internationale de Justice
CDDH : Comité Directeur pour les Droits de
l'homme
CJCE : Cour de justice des Communautés
Européennes
ECJ: European Court of Justice
CFI: Court of First Instance
AIPN : Autorité Investie du Pouvoir de
Nomination
TPICE : Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes
ONU : Organisation des Nations -Unies
CE : Communauté Européenne /
Communautés européennes
UE : Union Européenne
EGtHR: European Court of Human Rights
ECHR: European Convention on Human Rights
GC : Grande Chambre (de la CJCE ou de la Cour EDH)
RDP : Revue de Droit Public
RFDC : Revue Française de Droit constitutionnel
CRIDHO : Cellule de Recherche Interdisciplinaire en
Droits de l'Homme.
RTDH : Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme
MINUK : Mission des Nations Unies au Kosovo
KFOR : Kosovo Force
FDSP : Facultés de Droit et de Science
politique
IEE : Institut des Etudes Européennes
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
TABLE DES MATIERES.
Dédicace .......................................................................................
1
Remerciements................................................................................
2
INTRODUCTION ......................................................................... ..
3
PREMIERE PARTIE
LES COURS EUROPEENNES ET LA PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME :
LES ALLURES
D'UN DUEL. ................................. 8
CHAP I LA COUR DE LUXEMBOURG ET LA COUR DE
STRASBOURG
SONT DEUX
« JURIDICTIONS »..........................9
SECT I Dilemme horizontal : Les Cours
Européennes
face à la force de leurs
décisions........................................... 10
Par I La jurisprudence de la Cour
EDH en matière de droits de l'homme
ont-ils
autorités sur la CJCE ? ....................................
11
Par II La jurisprudence de la CJCE
en matière de droits de l'homme
ont-ils
autorités sur la Cour
EDH ?........................................... 15
Par III Les Divergences
jurisprudentielles................................ 16
SECT II Dilemme vertical : Le conflit
d'allégeance du juge national...... 17
Par I Distinguo juge national
suprême / juge national non suprême.... 19
Par II Distinguo juge national
admettant facilement la primauté
du droit communautaire/ juge
national l'admettant avec réserves.... 21
CHAP II ... ; DEUX JURIDICTIONS
« EUROPENNES ». .......................... 22
SECT I Deux juridictions de niveau
européen.............................. 22
Par I Le caractère
supranational commun des deux Cours............... 22
Par II L'absence de
hiérarchie formelle entre les deux Cours........... 24
Par III Les divergences
jurisprudentielles. (Voir supra) .............. ..... 24
SECT II Deux juridictions de l'espace
européen......................... 24
Par I La première
équation personnelle : les questions du contrôle de la
CE /UE par la Cour EDH,
et de l'autonomisation de la CJCE,
par rapport au
système de la Convention............................... 27
A- Le contrôle
croissant de la CE /UE, par la Cour EDH......... 27
1 - L'extension du
contrôle de Strasbourg en fonction de la nature
des différents actes de
droit communautaire en cause. ........... 27
a-contrôle des
actes nationaux pris en exécution du droit
Communautaire.............................. 28
b- Le contrôle
des actes découlant droit communautaire
primaire........................... 28
c-contrôle des
actes traduisant sans appréciation les actes de
droit dérivé................................. 28
2 - L'ambiguïté des
limites au contrôle de la CE/UE par la Cour
EDH.............................................. 29
a-
L'ambiguïté des limites du contrôle d e la CE/UE par la Cour
EDH ; vue
generale................................................ 29
b- L'arrêt
Bosphorus et les limites du contrôle de
La CE/UE, par la
Cour EDH -ambiguïtés et incertitudes
juridiques................................................... 32
B - L'autonomisation de la
CJCE par rapport au système
De la
Convention. ............................................. 35
1- L'autonomisation
quant à l'interprétation donnée de la CEDH,
Par la
Cour EDH. ....................................... 36
2- L'autonomisation plus
accrue quant-à l'application
des droits fondamentaux....................... 37
Par II La deuxième
équation personnelle : La question du double emploi
Des cours européennes
résultant de l'interférence
Personnelle des deux
systèmes-Appréciation................. 37
A - «Aspect
positif» Le forum shopping? »-conditions
d'existence....................................... 38
B- Aspect Négatif
-La sécurité juridique....................... 39
CHAP III ... ; DEUX JURIDICTIONS
« COMPETENTES EN MATIERE
DE DROITS
FONDAMENTAUX ». ....................................39
SECT I Les Traités de base, ou la
quasi-absence de duel. ................... 40
SECT II L'Acte unique européen et le
Traité de Maastricht :
Les prémisses d'un
duel. ......................................................... 41
SECT III Le Traité d'Amsterdam : Un duel
plus Ouvert. .................. 42
SECT IV La Charte des droits fondamentaux de
Nice :
Une situation
ambiguë. ....................................... 43
Par I La Charte des droits
fondamentaux : Instrument d'apaisement
Entre les systèmes........................... 43
Par II La Charte des droits
fondamentaux et le risque d'ampliation
De l'interférence. ........................ 44
DEUXIEME
PARTIE
LA RELATION ENTRE LA Cour EDH ET LA
CJCE EST
PRINCIPALEMENT UN
DUO. ..................... 46
CHAP I Une certaine complémentarité
technique.................................47
SECT I La complémentarité
par la différence : « Si tu diffères de moi...loin
de
Me nuire, tu
m'enrichis ! ».................................48
Par I Au regard de la
protection du justiciable. ....................... 48
A-
Complémentarité du point de vue de la compétence
De la
procédure et des voies de recours..............48
1- Complémentarité du point
de vue de la compétence ratione personae... 48
2-Insuffisance des voies de recours
à Luxembourg-existence d'un recours
direct
à Strasbourg....................................... 49
3-L'avantage d'une certaine
célérité à Luxembourg..........................
51
4- Complémentarité en ce qui
concerne le champ de contrôle...............52
5- Tempérament au caractère
juridictionnel de la procédure
à Strasbourg-la procédure
de règlement amiable-appréciation............. 52
6-Complémentarité des
remèdes apportes aux violations des droits de
l'homme...........................................................................
52
B-
Complémentarité des systèmes Strasbourgeois et
Luxembourgeois
du point de vue du
« droit au droit »............................... 53
Par II Au regard de
l'office du juge : La collaboration informelle
Des
juges européens. ................................. 53
A-La
collaboration informelle des juges ............. 54
B- Les
emprunts techniques réciproques.............. 54
SECT II La plus value de la
dualité européenne dans la résorption
du travail
matériel................................................. 54
CHAP II LES ELEMENTS AUTOREGULATEURS DE
PACIFICATION
JURIDIQUE INTERNE A CHAQUE
SYSTEME. ........................55
SECT I Dans le système de la
Convention...........................................55
Par Le caractère subsidiaire de la
Convention et ses différentes expressions .56
A-Importance de la dimension
substantielle du principe de subsidiarité dans
la coordination des
systèmes........................................... 56
B- Importance de la dimension
procédurale du principe de subsidiarité dans
la coordination des
systèmes......................................... 57
Par II Les techniques
d'interprétation conciliatrices de la Cour EDH....... 58
Par III L'émergence
jurisprudentielle de la doctrine
« de la présomption
d'équivalence de protection ».................... 58
SECT II Dans le système de la
communautaire.............................. 60
Par I L'émergence des
critères d'intervention de la CJCE en matière de
droits
fondamentaux............................................. 61
A- Le critère de
rattachement au champ /mise en oeuvre du droit
Communautaire.......................................... 61
1-
présentation...............................................61
2-observation
critique.......................................62
B- Le
critère de l'inscription du litige dans le champ de compétence
de la
CJCE ............................................... 62
1-présentation................................................62
2-observations
critiques....................................63
Par II La coordination entre la Charte et
le système de la Convention. 65
A- Coordination
directe avec le système de la convention.65
B- Coordination
indirecte, par la coordination entre
la Charte et
les systèmes nationaux......................65
CHAP III LES VERDICTS DES COURS
EUROPEENNES :
EXPRESSION D'UN DIALOGUE.
.......................................66
SECT I Les Accointances
Jurisprudentielles.................................66
SECT II Les Références et
prise en compte réciproques....................66
Par I Les
références de la CJCE au système de la Convention......
66
A- Les
références au texte même de la Convention............67
B- Les
références et prise en compte de la jurisprudence
de
la Cour EDH.................................... 67
1-la prise en compte
de la jurisprudence de la Cour EDH ...67
2-les
références de la CJCE à la jurisprudence de
Strasbourg.68
Par II Les
références de la Cour EDH, au système de la CE/UE et la
prise en compte de
l'intérêt communautaire dans la jurisprudence
de
Strasbourg.............................................69
A- Les
références de la Cour EDH à la jurisprudence
de la CJCE et
aux instruments normatifs du système
de la
CE/UE.................................... 69
B- La prise en
compte de l'intérêt communautaire
Dans la
jurisprudence de la Cour EDH .........70
CONCLUSION ................................................................
71
Principaux sigles et
abréviations............................................ 73
Table des
matières...............................................................75
Bibliographie.....................................................................
81
Annexes...........................................................................
86
Bibliographie (Par ordre
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ARTICLES ETUDES ET DOCUMENTS DE
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Imbert ; De l'adhésion de l'union européenne à la
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l'homme en Europe entre Strasbourg et Luxembourg : Enjeux et perspectives
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www.ena.fr/index.php
- Sudre Fréderic, Garantir l'autorité et
l'efficacité de la Cour EDH, document de travail, Commission des
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-Tulkens Françoise, (Discours du 13 fév. 2009),
Convention européenne des droits de l'homme et Cours suprêmes,
disponible sur le site du Conseil de l'Europe.
ANNEXES
* 1 Soulignons que la
terminologie est l'objet d'une déroutante controverse ; entre
autres expressions utilisées, on peut citer « Droits
fondamentaux » ; « Droit de la personne Humaine
» ... Voir les précisions relatives à la
controverse sur la dénomination, sur le site
www.aidh.org/droits .Nous
utiliserons indifféremment dans notre exposé l'une ou l'autre,
pour faire l'économie des discussions sur ce point.
* 2 Frédéric
Sudre ; Droit international des Droits de l'Homme Puf, «Droits
fondamentaux » 4ème Ed 1999 N° 4 in fine.
* 3 J Mourgeon ; Les
Droits de L'Homme « Que sais-je ? », Puf
6ème Ed 1996, P6.
* 4 A ce titre on peut citer
certains instruments non- européens comme ,la Convention
américaine relative aux droits de l'Homme du 22 novembre 1969 ,
entrée en vigueur en 1976, complétée par le protocole du
17 novembre 1988 traitant des droits économiques ,sociaux et culturels,
elle institue un mécanisme juridictionnel- la Cour
interaméricaine des droits de l'Homme ; on peut également
citer dans le cadre africain , la Charte africaine des droits de l'Homme
et des peuples ,adopté le 27 juin 1981 à Nairobi ,par la
Conférence de L'OUA et entré en vigueur en 1986, dont la
sauvegarde est confiée à la Cour africaine des droits de
l'Homme .
* 5 Riccardo Guastini ;
Réflexions sur les garanties des droits constitutionnels et la
théorie de l'interprétation ; RDP, 4ème
trimestre, 1991 ; P 1079 et s...
* 6 La CEDH a
été instituée dans le cadre du Conseil de l'Europe,
institué lui- même par le traité de Londres du 5 mai 1949,
au départ 10 Etats membres, ils sont aujourd'hui au nombre de 47 ;
J P Costa ; La charte des droits fondamentaux de Nice et la
problématique de l'adhésion à la Convention, (Florence,
Institut Universitaire Européen ; 16 janv. 2004 ; P1).
* 7 Elle a quant-à
elle été instituée par le traité de Paris du 18
avril 1951, avec pour mission principale de veiller au respect du droit
communautaire ; J P Costa ; La Charte...op.
Cit ...Ibidem.
* 8 Signée le 04
novembre 1950 et entrée en vigueur en 1953, sa dénomination
officielle est : Convention européenne pour la sauvegarde des droits et
des libertés fondamentaux .Depuis l'entrée en vigueur de la
CEDH , 13 protocoles additionnels ont été adoptés auxquels
on ajoutera le protocole 14 qui attend encore la ratification de la
Russie ; les protocoles n°1 , 4 ,6,7 , 12 et 13 ont
ajouté des droits et des libertés à ceux consacrés
par la Convention ; le protocole n°2 a donné à la Cour
le pouvoir de rendre des avis consultatifs ;le protocole n°9 a ouvert
aux requérants individuels la possibilité de porter leur cause
devant la Cour, sous réserve de la ratification de cet instrument par
l'Etat défendeur et de l'acceptation de saisine par un Comité de
filtrage, le protocole n°11 a restructuré le mécanisme de
contrôle ; les autres protocoles concernaient l'organisation des
Institutions mises en place par la Convention et la procédure devant
être suivie devant eux.
* 9 Sean Gabb ;A bill of
rights for Europe; Published by the Adam Smith Institute , London .
* 10 Cette jurisprudence
constante a été rappelée dans l'affaire Kadi de
la CJCE ; Affaires jointes C-402/05P et C-415/05P ; Yassin
Abdullah Kadi, Al Barakaat International Foundation, du 03 sept 2008, pt
283. Elle a été affirmée pour la première fois dans
l'arrêt Stauder du 12 nov 1969, puis réaffirmée
dans l'arrêt Internationale Handelgeselschaft.
* 11 Elle s'inscrit
d'ailleurs dans une problématique plus générale,
résultant de la coexistence bien connue de deux Europes, celle de Jean
Monnet et celle de Renes Cassin, nous empruntons le symbolisme à E
Decaux ; L'Europe et ses Miroirs Etudes n°1, juillet-déc.
2001 ; P 5.
* 12Citons à titre
illustratif l'ouvrage collectif (dir.A Fenet). Coexistence des systèmes
de protection des droits de l'Homme en Europe : Enjeux
européens ; Puf 1998 .
* 13 C'est certainement,
consciente de la nécessité des études croissantes en la
matière que, concluant un magnifique ouvrage collectif sur le
plurijuridisme, Mireille Delmas Marty affirmait : « Nous avons
besoin de tous les talents, internistes, comparatistes et internationalistes,
théoriciens et praticiens , juristes, sociologues et anthropologues
du droit , tous ceux dont la vision s'ouvre aux yeux du multiple et du
complexe ... » ; Le Pluri- juridisme ; Actes du
8ème congrès de l'association internationale de
méthodologie juridique, Aix- en- Provence 4-6 sept ; Presses
universitaires d'Aix Marseille 2005 .
* 14 Dans l'espoir qu'il
entrera en vigueur . Après le referendum Irlandais du 12 juin 2008
rejetant ce traité ,les doutes sont désormais permis . Pour
les innovations de ce traité dans la protection des droits de l'homme au
sein de l'UE, voir Jeanne Dupendant ; Le futur panorama des droits
fondamentaux au sein de l'UE à la suite de l'entrée en vigueur
du traité de Lisbonne ; http://
m2bde.u-paris10 .fr/blogs...
* 15 F Tulkens et Johan
Callewaert ; La Cour de justice, la Cour européenne des droits de
l'homme et la protection des droits fondamentaux, in L'avenir du système
juridictionnel de l'Union européenne Ed (Marianne Dony et E.
Bribosia.) ; Bruxelles 2001.
* 16 On se rappelle que dans
l'avis 2 /94, rendu en 1996 à la demande du Conseil de L'UE,
la CJCE avait indiqué que pareille adhésion (de l'UE à la
Convention), en raison de son envergure constitutionnelle exigeait une base
juridique, une disposition des traités, et que l'UE n'avait pas la
personnalité juridique internationale pour le faire.
* 17 Marianne Dony ;
Droit de l'Union Européenne .Ed de l'université de
Bruxelles, 2008, P 47 et s. On se rappellera que beaucoup stigmatisaient
justement cette absence de valeur juridique contraignante de la Charte ,
faisant d'elle un simple accord interinstitutionnel et un engagement politique
de la part des Etats, la question de son statut et d'une éventuelle
inscription dans les sources du droit communautaire ,soulevée en 2000 a
été renvoyée à la Conférence
intergouvernementale de 2004 ; la Convention sur l'avenir de l'Europe n'a
pas permis aux Etats de mettre d'accord sur la question . Dans un tel
contexte , l'innovation du traité de Lisbonne est remarquable .L'art 6
par I se lit comme suit : « L'Union reconnait les droits,
les libertés et les principes énoncés dans la charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne du 07 décembre 2000
,telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg
laquelle a la même valeur juridique que les
traités ».
* 18 Marianne Dony ;
Droit...op. Cit. P 289 .
* 19 A Bultrini ( voir son
intéressant article intitulé ; La responsabilité des
Etats-membres de l'Union européenne pour les violations de la Convention
européenne de droits de l'homme imputables au système
communautaire ; RTDH , 2002 ; P 7 et 8 .) mettait justement en
garde contre le risque de céder à cette tentation d'élever
le débat au plus haut degré de la théorie du droit , tout
en soulignant la nécessité de préférer l'approche
pragmatique aux débats théoriques, ceci au plus grand bien des
droits fondamentaux qui commanderaient selon lui de s'en tenir à
« l'essentiel » plutôt qu'aux aspects formels .
Cette dimension théorique nous semble pourtant plus
qu'intéressante, car la relation entre les Cours européennes
pourrait peut-être permettre de dégager les jalons d'une
théorie moderne du droit à laquelle nous avons fait
référence. De même, le principal reproche qu'en cours une
lecture très concrète du problème est qu'elle s'en tient
au résultat et laisse de côté les causes véritables
qui rendent ce résultat possible, elle est de ce fait fortement
réductrice.
* 20 Par euphémisme,
on parle plutôt de pluralisme juridique ou de pluri juridisme ;
parmi ces auteurs citons Mireille Delmas Marty ; Le pluralisme
ordonné ; les forces imaginantes du droit ; Ed Seuil 2006.
* 21 Mireille Delmas Marty,
Introduction aux quatre leçons intitulées « L'Europe,
laboratoire de la mondialisation du Droit » , données
dans le cadre des cours du collège de France ; décembre
2008.
* 22 A ce propos,
l'arrêt Bosphorus a mis en évidence les
difficultés posées par ce pluralisme, la Cour s'est en effet
livrée dans cet arrêt à un jeu périlleux
d'équilibriste à la Thémis, il fallût en fait,
jongler entre l'intérêt de la communauté internationale (
la lutte contre le terrorisme) , l'intérêt communautaire (
l'intégration européenne ) et l'intérêt des Etats (
la nécessité de remplir leurs engagements conventionnels ) ;
Cour EDH Bosphorus Hava ,Yollari Turizim Ve Ticaret As contre Irlande
30juin 2005 , Req n° 45036 .98 ) . Voir sur ce point Fabienne
Kauff Gazin ; L'arrêt Bosphorus de la CEDH : Quand le
juge de Strasbourg pallie le retard du constituant de l'UE en matière de
protection des droits de fondamentaux ; L'Europe des libertés
N° 17.
* 23 J F Renucci ;
Droits européen des droits de L'homme LGDJ 2ème
Ed ; P8.
* 24 C'est d'ailleurs aussi
l'opinion de J P Jacqué , qui relève qu'« ...une vision
fondée sur la hiérarchie , celle de la pyramide kelsenienne , ne
permet pas aujourd'hui de rendre compte de la réalité , si
ce n'est au prix d'une analyse terriblement réductrice...Elle [vision
kelsenienne] reste désarmée face aux rapports complexes entre
systèmes . » ;J P Jacqué Droit constitutionnel
national , Droit communautaire ,CEDH, Charte des Nations
Unies ;L'instabilité des systèmes juridiques ; Puf /
RFDC 2007-n°69 .
* 25 Voir à ce sujet,
la deuxième leçon de Mireille Delmas Marty intitulée
« Reformer le formalisme juridique ...elle constate en effet le
remplacement du modèle de subordination par la coordination.
* 26 Voir M Van de Kerchove
et François Ost ; De la pyramide au réseau ? Pour une
théorie dialectique du droit ; Publication des facultés
universitaires de Saint Louis 2002. L'ouvrage constate la crise du
modèle pyramidal et son remplacement par la des paradigmes concurrents
comme celui du droit en réseaux, sans que disparaissent pour autant des
résidus du premier, ce qui complexifie encore la situation ;
P14.
* 27 Denys Simon ; Des
influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je
t'aime, moi non plus ... » ; Le Seuil /Pouvoirs
2001/1 ; N° 96, disponible sur http//
www .revue-pouvoirs.fr/Des-influences réciproques-entre.html.
* 28 Les avis sont
partagés sur la question, certains affirment péremptoirement que
la guerre des juges européens n'a pas lieu (Ex : E Decaux ;
L'Europe à ses miroirs supra.) ; D'autres en revanche
(Renucci ; Droit européen ...op... cit; P567.) reconnaissent
que malgré l'interdépendance des systèmes, il y'a des
risques importants de conflits.
* 29 François
Chavrette et Hugo Cyr ; De quel positivisme parlez-vous ;
http : //papyrus .bib.umontreal.ca/jspui.
* 30 Voir sur ce point
Marcel Waline « positivisme philosophique, juridique et
sociologique, in mélanges Carré de malberg ; Paris, Sirey,
1933, P517et s...
* 31 Dictionnaire Nouveau
Petit Robert, Grand format, 2009.
* 32 Il souligne en
effet : « il existe ...une certaine rivalité
entre les deux Cours en matière de droits de l'Homme, à
Luxembourg on préserve jalousement l'interprétation autonome des
droits énoncés dans la Convention européenne...Dans le
même temps à Strasbourg ,on vérifie la compatibilité
du droit communautaire primaire avec la convention et ses
protocoles ... » Olivier Lord ; Systèmes juridiques
nationaux et Cours européennes : De l'affrontement à la
complémentarité ?; Pouvoirs N° 96 janv. 2001 ; P
15 . Cette affirmation doit certainement être nuancée, voir
la contribution de F Tulkens et Johan Callewaert (la Cour de justice, la Cour
européenne et la protection des Droits fondamentaux), à l'ouvrage
collectif ; L'avenir du système juridictionnel de L'Union
Européenne (dir. M Dony et E Bribosia) ; Op...Cit. P 177 et S.
* 33 Voir sur ce point
Spielmann Dean ; Jurisprudence des juridictions de Strasbourg et
Luxembourg dans le domaine des droits de l'homme : Conflits,
incohérence et complémentarités ; dans Alston
philip ; L'UE et les droits de l'homme ; BXL 2001.
* 34 J P COSTA ;
Discours d'ouverture de l'année judiciaire 2008 ; Rapport de la
CEDH 2007.
* 35 Olivier de Schutter a
si bien souligné cette fonction instrumentale originelle des droits
fondamentaux dans le cadre de la CE/UE, il relève en
effet : « ...Plutôt que d'être poursuivis pour
eux-mêmes, les droits fondamentaux sont apparus jusqu'à
présent en ordre dispersé, en fonction des
nécessités liées aux progrès de la construction
européenne » ; Olivier de Schutter, Les droits
fondamentaux dans le projet européen. Des limites à l'action des
institutions à une politique des droits fondamentaux, in Une
constitution pour l'Europe ; Réflexions sur les transformations du
droit de l'Union européenne, Ed Larcier ,2 Ed.
file://les droits fondamentaux dans le projet
européen .htm ; P1
* 36 Il convient de
souligner que cette opinion est en tout cas discutable, voir sur ce point la
brillante thèse de madame Emmanuelle Bribosia, soutenue à l'ULB
en 2000 ; La protection des droits fondamentaux dans l'ordre juridique
communautaire : le poids respectif des logiques fonctionnelle et autonome
dans le cadre normatif et jurisprudentiel (introduction) .
* 37 On peut citer plusieurs
arrêts dans ce sens ; CJ 13 juillet 1989, Aff. 5/88, Wachauf ;
Pt 18; Rec. P 2609 ; CJ 11juillet 1989, Aff. 265/ 87, H
Schräder HS Kraftfutter Gmb H & Cokg ; Pt 15 ; Rec. P 2237 ; CJ
20 octobre 1991, Aff. C-44 189 G Von Seetzen ; Pt 28 ; Rec. P
5119 ; CJ 13 décembre 1979, Aff. 44 /79 Hauer c/ Land
Pfalz ; Pt 29 Rec. P 3727. Source Olivier de Schutter ; P 215.
* 38 Dans ce sens, on
remarquera que l'art 3 du statut du Conseil de l'Europe dispose que
« tout membre du Conseil de l'Europe reconnait le principe de
prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute
personne placée sous sa juridiction, doit jouir des droits de l'homme et
des libertés fondamentales » . De même ,le
préambule de la Convention européenne rappelle l'attachement des
Etats-parties au « patrimoine commun » § 5 et
réaffirme que le maintien de la justice et de la paix repose
« sur un régime politique véritablement
démocratique », et d'autre part sur « un commun
respect des droits de l'homme » .Voir sur ce point le
mémoire de Delphine Calonne ; En attendant Senator lines ;
Réflexion sur une protection plurielle des droits de l'homme en
Europe ; Institut européenne de l'université de
Genève ; P 15 .
* 39 Hubert Legal ;
Composition et fonctionnement des Cours européennes ; Revue
Pouvoirs N° 96 Les Cours européennes ; Luxembourg et
Strasbourg, janvier 2001, P65-84.
* 40 Voir sur ce point
Olivier de Schutter ; L'influence de la Cour européenne des droits
de l'homme sur la Cour de justice des Communautés européennes
CRIDHO workpaper 2005/07 , l'auteur relève toutefois que ces
précisions de la CJ tiennent en réalité à d'autres
raisons qu'à la nature non juridictionnel du Comité des Droits de
l'Homme.
* 41 Voir Contribution de E
.Bribosia ; Le dilemme du juge national face à des Obligations
contradictoires en matière de protection des droits fondamentaux issus
des deux ordres juridiques européens. In L'avenir du système
juridique de l'UE ...Op...Cit...P 265 et S.
* 42 A ce propos, on
constate, une grande confusion entre les termes « portée des
arrêts », « autorité »,
« influence de la jurisprudence ». En ce qui nous concerne,
nous nous posons la question d'une autorité formelle des
décisions de l'une sur l'autre et non de leur influence
jurisprudentielle.
* 43 Après
consolidation réalisée par le traité d'Amsterdam, ce
nouvel article 6-1 dispose que : « L'Union est
fondée sur les principes de libertés fondamentales, ainsi que
l'Etat de droit, principes qui sont communs aux Etats-membres ».
* 44 Cette formule
définitive a été consacrée par l'arrêt
Wachauf ; CJCE 5/88 ,Hubert Wachauf c.Bundesamt für
Ermährung und Forstwirstschaft, arrêt du 13 juillet 1989 ;
La référence aux traditions constitutionnelles communes aux
Etats-membres de la communauté s'est faite pour la première fois
dans l'arrêt Internationale Handelgesellschaft ; CJCE 11/70
, Internationale Handelgesellschaft mbH contre Einfur-und vorratsstelle
für Getreide und Futtermittel,arrêt du 17 déc.
1970 ; c'est dans l'arrêt Nold ,CJCE 4/73,Nold
Kohlen und BaustoffgroBhandlung contre Commission des
communautés européennes, arrêt du 14 mai
1974 ,que la Cour s'est référée aux instruments
internationaux concernant la protection des droits de l'Homme auxquels les
Etats ont coopéré ou adhéré, et a affirmé
qu'ils peuvent également fournir des indications dont il convient de
tenir compte dans le cadre du droit communautaire. C'est aussi dans cet
arrêt que la CJCE fait référence pour la
première voir à la CEDH ; Raisz Anico, la protection des
droits de l'homme au niveau double européen, Miskolc journal of
international law, vol 3 (2006) N° 1 ,P 17-37 .
* 45 Françoise
Tulkens ; Johan Callewaert ; La Cour de justice, la Cour
européenne des droits de l'homme et la protection des droits
fondamentaux in L'avenir du système juridictionnel de l'Union
européenne ...Op...Cit...P 177 et S.
* 46 Voir sur ce point Simon
Denys, Des influences réciproques...Op...Cit...P 36 et s ...
L'auteur souligne que c'est dans l'arrêt des « treillis
soudés » que le CJCE a abandonné la
référence indirecte à la Convention i e de source
d'inspiration pour s'en référer directement.
* 47
* 48 Voir sur ce point, Joe
Verhoeven ; Précis de la faculté de l'université de
Louvain ; Droit international public, Larcier 2000 .P 441 et
s ...
* 49 La CJCE a d'ailleurs
affirmé que le respect des droits fondamentaux constitue une condition
de légalité des actes communautaires, avis 2/94
précité, Pt 34), et que ne sauraient être admises dans la
Communauté des mesures incompatibles au respect de ceux-ci (Arrêt
Schnidberger, C-112/00, Rec., P, I-5659, Pt73.
* 50 J P Jacqué
rappelle en effet de rester très prudent, car cet article exprime une
volonté unilatérale de L'Union de s'approprier la Convention
comme source d'inspiration et on ne saurait de ce fait parler d'adhésion
tacite ...La Cour EDH et la CJCE et la protection des droits de
L'homme-Quelques observations, in L'avenir du système juridique de
L'Union européenne ; P 257 et S.
* 51 Voir par exemple
l'arrêt Marckx de la Cour EDH, du 13 juin 1979.
* 52 Théorie
défendue par Michel Troper, elle apparait comme une variante
particulière du positivisme juridique, voir aussi la critique d'Otto
Pfersmann à ce sujet ; Une théorie sans objet, une
dogmatique sans théorie .En réponse à Michel Troper ;
RFDC ,2002 /4-N°52, http://
www.cairn.info/article.php,2002/4-N°52; On peut voir aussi Réplique
à Otto Pfersmann par Michel Troper ; Puf, RFDC (Revue
française de droit constitutionnel), 2002/2-N°50.
* 53 Olivier de
Schutter ; L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme sur la Cour de justice des Communautés
européennes ; CRIDHO working paper 2005 /07 ; P 9.
* 54 Denis Simon ; Des
influences réciproques...P
* 55 Olivier Le Bot ;
La Charte de L'Union Européenne et la Convention de sauvegarde des
droits fondamentaux : La coexistence de deux catalogues de droits
fondamentaux ; RTDH, N° 2003 /55, P 781 ; Http :
www.rtdh.eu/pdf; Voir aussi Simon
Denys qui évoque la reconnaissance équivoque du statut de la CEDH
(y compris la jurisprudence de la Cour EDH), dans le cadre Communautaire ;
Simon Denys, Des influences réciproques...
* 56 Sur cette
question , voir aussi l'art de Waebroeck, la CEDH lie t'elle les
Communautés , Droit communautaire et droit national ; De
Tempel , Bruges , 1965 ; P 305 - 329 ; Voir aussi du même
auteur , La Cour de justice et la CEDH , in Cahiers de droit
européen N° 5-6 , 1996 , pp 549-553 ;J P
Jacque : « La communauté européenne et la
Convention européenne des droits de l'homme » in
L .E . ; Pettiti, E Decaux et PH Imbert, la Convention
européenne des droits de l'homme, Economica 1999 ; J F Renucci note
sur CJCE 28 mars 1996 ; P 499.
* 57 J P Jacqué La
Cour de Justice, la Cour européenne des droits de l'homme et les Droits
fondamentaux -Quelques observations (à propos de la contribution
commune de F Tulkens et Johan Callewaert à ce même ouvrage.) in
l'avenir du système juridictionnel de L'UE ; Op...Cit P 260.
* 58
* 59 Pescatore ;
« La Cour de justice des Communautés européennes et la
Convention européenne des droits de l'homme » in
Mélanges Wiarda köln, carl Heymanns Verlags 1988 ; P 450.
* 60 Voir par exp Joël
Rideau et J F Renucci ; Dualité de protection européenne des
droits fondamentaux : atouts ou faiblesse de la sauvegarde des droits de
l'homme ? ; Justices, 1997, N°6.
* 61 J P Jacque ; La
Cour de justice, la Cour européenne des droits fondamentaux, Quelques
observations in L'avenir du système juridictionnel...Op...Cit.. P
262.
* 62 Lire notamment,
Théorie des contraintes juridiques, ouvrage collectif, Troper Michel
(dir), Champeil Desplats et Christophe Grzegorczyk ; LGDJ, 2005.
* 63 Olivier de Schutter...
L'influence de la Cour européenne des droits de l'homme sur la Cour
justice des Communautés européennes...Op...Cit.
47 Plusieurs arrêts de la CJCE illustrent cela, voir
notamment CJCE ,15 mars 1986, Marguerite Johnston c. Chief constable
of the royal ulster constabulary ; Aff. 222 / 84, Rec.
P1651 ; CJCE 28octobre 1992, Ter Voort, Aff. C-219/91, Rec.
P5485 ;
* 64 CJCE arrêt
Kadi ....Op...Cit. Pt 283, voir aussi arrêt du 26 juin
2007, Ordre des Barreaux francophones et germanophones e.a
C-305/05, Rec.P .I-5305, Pt 29.
* 65
* 66 Olivier Le Bot, Charte
de L'Union européenne et Convention de sauvegarde des droits
fondamentaux : La coexistence de deux catalogues de droits
fondamentaux ; P 11 ; http : //www.rtdh.eu/pdf.
* 67 Cour EDH ;
Arrêt du 11juillet 2002 ; Christina Godwin c.
R .U .
* 68 Ces divergences sont
l'objet de plusieurs articles et études, Voir par exemple Spielmann
Dean . Jurisprudences de Strasbourg et de Luxembourg dans le domaine des
droits de l'homme : Conflits, incohérence et
complémentarités ; Dans Alston Philip ; L'UE et les
droits de l'homme, Bxl 2001 ; Egalement Lawson Rick : Confusion and
conflits, Diverging interpretation of human rights in Europe, Volume III; Ed
Rick Lawson Matthijs Dordrecht; 1994.
* 69 Voir sur ce point
Laurent Scheeck ; Solving Europe's Binary Human Rights puzzle .The
interaction beetween supranational Courts as a parameter of European
Gouvernance . L'auteur souligne dans cet article que l'augmentation de
l'interdépendance entre les deux cours à donné naissance
à une nouvelle forme de diplomatie judiciaire supranationale entre juges
européens.
* 70 Raizs Anico ; La
protection des droits de l'homme au niveau (double) européen : Les
divergences entre deux jurisprudences. Journal of international Law department
of the university of Miskolc; Vol 3 (2006), N°1, P 17-37. Cet article est
d'ailleurs notre principale source d'informations concernant ces
divergences.
* 71 CJCE, Aff. jointes 100
à 103 /80, SA musique diffusion française et Autres
c /Commission des Communautés européennes, 7juin
1983.
* 72 CJCE 374/87, Orkem
c / Commission des Communautés européennes, 18 oct.
1989.
* 73 Cour EDH,
Funke, toutefois comme le souligne Alexova, il restait toutefois la
question de l'applicabilité de l'art 6 aux enquêtes menées
par la Commission européenne.
* 74 CJCE, C-159/90, the
society for the protection of unborn children Ireland Ltd c/ Stephen Grogan et
Autres, 4 Oct 1991.
* 75 Rick Lawson; Confusion
and conflicts...Op...cit.
* 76 Cour EDH ; Aff
Sunday times c. RU 1979 ou encore l'affaire Open door et Dublin
well woman c.Ireland de 1992.
* 77 Alexova Borissova;
Politique/s des droits de l'homme en Europe entre Strasbourg et
Luxembourg : Enjeux et perspectives ; Mémoire de fin
d'études de master en Administration publique ; www.ena.fr.
* 78 CJCE ; Aff 257
/85 , Dufay c. PE , 1987 .
* 79 CJCE , Aff 22/84 ,
Marguerite Johnson c.Chief constable of Royal Ulster constabulary
1986 .
* 80 Cour EDH , Neigel
c/ France , 1997 .
* 81 Cour EDH , Lombardo
c / Italie 1992 .
* 82 Cour EDH , Massa
c / Italie 1993 .
* 83 L'expression est de J
Rideau et J F Renucci, Droit européen des droits de
l'homme...Op...Cit...P 107.
* 84 Nous empruntons
là mutatis mutandis, une image du très regretté professeur
Roger Gabriel Nlep, doyen de la faculté de droit de L'université
de Douala. Discours inaugural de l'année universitaire 1997. Le juge de
L'Administration face aux libertés publiques ; l'auteur qualifiait
ainsi la situation délicate du juge administratif dans
l'hypothèse de la théorie de la
« loi-écran ».
* 85 Voir l'entretien avec
Joël Andriantsimbazovina ; La protection des droits de l'homme au
niveau européen. Retrouver cet entretien sur le portail des livres et
des idées .mht.
* 86 Emmanuelle Bribosia, Le
dilemme du juge national face à des obligations contradictoires en
matière des droits fondamentaux issus des deux ordres juridiques
européens ; in L'avenir du système juridictionnel de l'union
européenne. Op..cit P 267.
* 87 Olivier de
Schutter , L'Adhésion de l'Union européenne à la
Convention européenne des droits de l'homme comme élément
du débat sur l'avenir de l'Union, in L'avenir du système
juridictionnel de l'Union européenne ...Op cit..P 205 et s...
* 88 Cette triste option est
d'ailleurs soulignée par J P Jacqué qui relève
que : «...Le risque est alors pour les Etats- membres qui,
confrontés à des indications contradictoires, doivent choisir
entre violer soit la Convention, soit le droit
communautaire. » ; J P Jacqué ; Droit
constitutionnel national, Droit communautaire, CEDH...Op...cit ; P
21 et 35.
* 89 Voir Emmanuel
Laurent ; L'exécution des arrêts de la CJCE en matière
de manquement d'Etats ; disponible sur
http//helios.univ-reims.fr/lobos.CERI.
* 90 C'est ce que souligne
d'ailleurs avec regret J P Costa, président de la Cour EDH ;
« Nos arrêts se heurtent souvent à des retards
d'exécution, voire à des refus d'exécuter...Il faut
à notre cour beaucoup de pédagogie et...de « diplomatie
judiciaire », pour persuader les autorités nationales
... » ; J P Costa , Discours d'ouverture de l'année
judiciaire de la Cour EDH 2009.Voir aussi une illustration de ces
difficultés , Helene Tigroudja ; Les difficultés
d'exécution de l'arrêt de la Cour EDH du 07 juin 2001 , rendu dans
l'affaire Kress c /France ;www.rtdh.eu/pdf .Voir
également à propos de ces difficultés ,pour ce qui
concerne la fédération de Russie , la Résolution
intérimaire Res /DH/2009 43 , Exécution des
arrêts de la Cour EDH dans les 145 affaires contre la
fédération de Russie concernant le manquement ou le retard
substantiel à l'obligation de se conformer à des arrêts
internes et définitifs rendus contre l'Etat et ses entités ,ainsi
que l'absence de recours effectif ; Site du Conseil de l'Europe .
* 91 Sur ce point, CJCE 17
décembre 98, Baustahlgewebe c /Commission des CE, C-185
195 P ; Rec. ; P I- 8417(sanction du délai raisonnable
par le tribunal de Ier Instance des CE ...).
* 92 CJCE, M& CO c/
RFA, Req 13258/87; DR 64.
* 93 Il convient de faire
une observation à ce niveau , selon A Bultrini ,le critère de
contrôle de la Cour EDH sur ce point n'est pas « l'exercice du
pouvoir d'appréciation », pour l'auteur dans l'affaire
M&Co, c'est le fait que la mesure nationale ne faisait que transcrire
formellement la norme communautaire qui impose la retenue de la Cour
EDH ...
* 94Vera Morales ; La
protection juridictionnelle des droits fondamentaux, révélation
d'une entente conceptuelle ;(Cinquième congrès
français de Droit constitutionnel, Univ d'Auvergne Clermont I)
* 95 Fabienne kauff
Gazin ; L'arrêt Bosphorus de la CEDH: Quand le juge de
Strasbourg pallie le retard du constitutionnaliste de L'UE en matière de
protection des droits fondamentaux; http // L'Europe des libertés
.u-Strasbourg .FR /article .php.
* 96 Article 53de la Charte
des droits fondamentaux de L'UE ; Art 53 de la CEDH ; Art 5par2 du
PIDCP ; Voir sur ce point Emmanuelle Bribosia, Le dilemme du juge national
face à des obligations contradictoires en matière de protection
des droits fondamentaux... P 266 in L'avenir du système juridictionnel
de L'UE ...Op...Cit.
* 97 CJCE ; 15 juillet
1964, Flamino Costa c / Ente Nazionale per l'Energia
Elettrica ; Affaire 6/64.
* 98 Pour ces Critiques, se
référer à l'article de Catherine Schneider ;
Contribution de la Charte des droits fondamentaux au système de
protection des droits fondamentaux dans L'UE ; ...Op...Cit.
* 99 Voir sur ce point
Georges Katrougalos, Le problème du rapport entre Droit communautaire et
Constitutions nationales à la lumière du « dualisme
institutionnel » de l'Union Européenne ; Revue
européenne de droit public, vol 12 N° 4, 2000.
* 100 Ces Cours
suprêmes sont bien connues, on peut citer la juridiction
constitutionnelle allemande, italienne française, espagnole et
très récemment le tribunal polonais dans un arrêt du 11mai
2005 relatif à l'adhésion de la Pologne à l'UE constate
que une telle adhésion est conforme à la Constitution, soulignant
également que la primauté du droit communautaire n'implique pas
une primauté sur la Constitution ; Voir JP Jacque ; Droit
constitutionnel national...Op...Cit.
* 101 J PJacque ;
Droit constitutionnel national ...Op...Cit ...Ibidem.
* 102 Ainsi Delphine
Calonne au regard de l'arrêt de 2001 estime qu'on ne devrait pas voir en
ces réserves une menace, mais bien les signes d'une coopération
entre système national et système européen ; En
attendant Senator lines ...Op...Cit.P 47.
* 103 Arrêts Lavranos
N. ; Das Solange -prinzip im Verhälnis von EGMR und EuGM, 2006,
P. 85.
* 104 Sur cette
interférence rationae persone ; Voir les tableaux en annexe.
* 105 Fondée en
1949,elle est la doyenne des Organisations qui oeuvre dans la construction
européenne, par le biais des normes juridiques dans le domaine de la
protection des droits de l'Homme, du renforcement de la démocratie et de
la prééminence du droit en Europe, c'est une Organisation
internationale dotée de la personnalité juridique , reconnue
par le Droit international public qui rassemble 800 millions
d'européens. Source, site du Conseil de L'Europe.
* 106 Le principe est
énoncé à l'art 26 de la convention de Vienne de 1969 en
ces termes, « Tout traité entré en vigueur lie les
parties et doit être exécuté par elles de bonne
foi. »
* 107 Voir le discours de
Françoise Tulkens du 13 février 2009, Convention
européenne des droits de l'homme et Cours suprêmes. Disponible sur
le site du conseil de l'Europe.
* 108 CEDH ,29 oct. 1992,
264-A, n° 64 ...
* 109 CEDH, Recours n°
24846/94 ; 34165/96 ; 34173/96.
* 110 Aff. Requête
n° 59320 /00.
* 111 CJCE ; Aff.
6 /64 ; Flaminio Costa c/
E .N .E .L .
* 112 CJCE 106/77 ;
Simmenthal ; Voir aussi dans le même sens l'arrêt
Commission c/ Grèce C-290/94, Rec. ; I-3285 ;
Commission/Belgique, 149 /79 ; Rec. ; P 3881.
* 113 Internationale
Handelsgesellschaft ; 11/70, Rec. ; P 1125.
* 114 J P
Jacqué ; Droit constitutionnel national, Droit communautaire,
CEDH ...Op...cit ; P 6. Voir aussi Cour EDH, arrêt du 23 mars
1995, Loizidou c Turquie ; Voir aussi les conclusions de l'avocat
général Francis Jacob dans l'affaire
Konstantinidis ; Aff. C-168/91, ECR, P 45-46 où il parle
de la CEDH comme d'un « code commun des valeurs
fondamentales... » .
* 115 On se
référera à ses ouvrages successifs sur la question ;
Trois défis pour un droit mondial -Le Seuil 1998 ; Les forces
imaginantes du droit -Le relatif et l'universel- Le Seuil, septembre
2004 ; Les forces imaginantes du droit II-Le pluralisme ordonné-Le
seuil, février 2006 ; Les forces imaginantes du droit III-La
refondation des pouvoirs -Le seuil, janvier 2007.
* 116 Discours de Robert
Schuman, lors de la signature du traité de Londres instituant le Conseil
de L'Europe, 5 mai 1949, disponible sur www.ena.lu.
* 117 Hakim Boullarbah,
Cours de Droit judiciaire privé Tome 1, Ed BE, 2007-2008.
* 118 Au niveau
européen, la situation est d'autant plus grave que chaque système
a autorégulé sa compétence sans tenir compte de l'autre,
on peut voir sur ce point l'art 32-2 de la CEDH qui dispose qu'en cas de
contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la cour
décide.
* 119 Peter Van Dijk,
membre de la Commission Venise ; Commentaires sur l'adhésion de
l'Union européenne /Communauté européenne à la
Convention européenne des droits de l'homme ; 20 août
2007 ; Disponible sur le site Europa.
* 120 Olivier de Schutter
voit d'ailleurs en cette externalisation du contrôle de la CE /UE,
une plus-value de l'adhésion de l'UE à la Convention...Olivier de
Schutter ; l'adhésion de l'Union européenne à la
Convention européenne des droits de l'homme, in L'avenir du
système juridictionnel de l'union européenne ...Op...cit ; P
228 et s.
* 121 Nul ne saurait
d'ailleurs présager des suites de l'arrêt Bosphorus, en
dépit de quelques espèces qui laissent apparaitre les
premières applications de la présomption de conformité, on
devrait pas comme le recommande J P Jacque (Dans ses observations à la
contribution de F Tulkens et Johan Callewaert à l'ouvrage collectif
l'Avenir du système juridictionnel de l'UE...Op...Cit.) nous laisser
duper par une certaine apparence de constance de la jurisprudence de la Cour
EDH, dont beaucoup de choses nous poussent à croire qu'elle peut changer
inattendument au gré des contingences.
* 122 On remarquera sur ce
point que lors des 3ème journées des juristes
européens, qui ont eu lieu à Genève les 07 et 09
septembre 2005, le président de la CJCE, Skouris a remercié la
Cour EDH de sa décision Bosphorus « pour sa
forme et sa substance » , le président rajoute que la CJCE
« se réjouit et se sent honoré » ;
Source Laurent Scheeck .La diplomatie commune des Cours européennes
(inédit ) ; Cette affirmation traduit si bien le rapport
prévalant entre les deux Cours avant ledit arrêt.
* 123 Peter Van Dijk ;
Commentaire ...Op ...Cit.
* 124 Mme Louise Arbour
(Haut commissaire aux droits de l'homme des Nations-unis) dans son discours
à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de l'année
judiciaire de la Cour EDH, le 25 janvier 2008 ne cache visiblement pas sa
satisfaction à la suite de ces arrêts connexes Behrami et
Saramali .Voir Rapport 2007 de la Cour EDH.
* 125 Les informations
données ici sont tirées pour l'essentiel de l'avis CDL-AD (2OO3)
022 ; Avis sur les implications d'une Charte des droits fondamentaux de
L'UE juridiquement contraignante sur la protection des droits de l'Homme en
Europe ; Adopté par la Commission de Venise lors de sa
57ème session plénière (cadre Conseil de
l'Europe). Pour une vue d'ensemble de ce contrôle, voir Sionaidh Douglas
Scott « A tale of two Courts : Luxembourg, Strasbourg and the
growing European Human Right Aquis » CMLR, 2006, pp 629 et S ; Et
Bultrini « La responsabilité des Etats -membres de l'UE pour
les violations de la Convention européenne des droits de l'homme
imputables au système communautaire. » ; RTDH
2002 .Disponible sur www.rtdh.eu/pdf/20025/pdf.
* 126 Requête
n° 8030/77/CFDT Communautés européennes ;
Décision du 10/07/1978, DR 13.
* 127 Aff. Procola c
Luxembourg du 28 sept 1995 série A n° 326.
* 128 Comm. Eur. DH
M&CO c République fédérale d'Allemagne ;
Requête n° 13258/87, Décision du 09/02/90 ; Dr 64 P
138.
* 129 Arrêt du
15nov.1996 ; Cantoni c/France ; § 30.
* 130 Arrêt
Bosphorus ; Op cit...
* 131 Voir sur ce point
Françoise Tulkens ; « L'Union européenne devant la
Cour européenne des droits de l'homme » ; RUDH 2000, p
50, spec, p52.
* 132 Benoit Rohmer ;
A propos de l'arrêt Bosphorus Airlines du 30 juin 2005 :
l'adhésion contrainte de l'Union à la Convention, in RTDH N°
2005 /64, p 827.
* 133
Confédération française démocratique du
travail, arrêt n° 8030 /77 ; Décision de
la commission du 10 juillet 1978, DR 13, 231 ; Dufay c.
Communautés européennes n° 13539/88 ;
Décision de la commission du 19 janvier 1989 non publié ;
M&Co, et arrêt Matthews §32.
* 134 Cour EDH ;
Requête n° 73274/01.
* 135 Cour EDH ;
4juillet 2000 ; Sté Guerin Automobile c/Les quinze
Etats-membres.
* 136 Voir sur ce point
Benoît Rohmer « Chronique d'une décision
annoncée, l'affaire Senator lines devant la Cour EDH » ;
Europe des libertés, dossier, jan 2001, spec, P5;
* 137 L Scheeck ,
Competition, conflict and cooperation between European Courts and the diplomacy
of supranational judicial Network ; Institut d'Etudes
Européennes ; Garnet working paper :N°23/07;August 2007;P
8.
* 138
« ... La requête était irrecevable, au
motif que la société requérante ne pouvait pas
prétendre être victime d'une violation de la Convention
européenne des droits de l'homme, du moment où il n'existait plus
de violation, après l'annulation de l'amende, et aussi en raison de la
décision du tribunal du 30 septembre 2003. »
* 139Déc. N°
6422/02 et 991/6/02. L'arrêt concerne une « position
commune » adoptée par l'Union européenne ;
* 140 A Bultrini, à
propos de la jurisprudence de la Commission Européenne des droits de
l'homme relative au contrôle du système communautaire ; La
responsabilité des ...Op...Cit P 6.
* 141 A Bultrini ; La
responsabilité des Etats-membres...Op...Cit...P 12 et S .
* 142 Pour une analyse plus
complète de cette affaire, voir Kauff Gazin ; L'arrêt
Bosphorus de la Cour EDH : Quand le juge de Strasbourg pallie le
retard du constituant de l'UE en matière de droits fondamentaux ...op
cit...
* 143 Aff. 144 J
P Jacqué ; Droit constitutionnel national, Droit communautaire
...Op cita ...p26
* 145 Voir aussi sur ce
point Haratsch Andreas ; Die Solange-Rechtsprechung des Europaïschen
Gerichtshofs für Menschenrechte-Das Kooperations verhältnis Zwischen
EUGH, Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und
Völkerrecht ; 2006 ; PP 927-947.
* 146 Françoise
Tulkens et Johan Callewaert au terme d'une analyse pourtant assez
cohérente sont arrivées au constat de l'impossible transposition
du Modèle Solange II régissant les rapports entre le Cour de
Karlsruhe et La CJCE à la relation entre Strasbourg et Luxembourg
; in L'avenir du système juridictionnel de L'UE...Op...cit
* 147 Kathrin Kuhnert;
Bosphorus -Double standard in Europe human rights protection;
http://www.utrechtlawreview.org/publish/articles/000032/article.pdf;
P 12.
* 148 « On doit
considérer qu'on est en présence d'une insuffisance lorsque le
système de compétence de le CJCE apparait assez restrictif pour
permettre l'accès aux individus, ou alors dans le cas d'une omission
évidente ou une mauvaise application par la CJCE d'une disposition de
la Convention, ou d'une déviation par rapport à une jurisprudence
bien établie de la Cour EDH ; toutefois , toute déviation
par rapport à la jurisprudence de la Cour EDH n'est pas d'office
problématique, du moment où l'art 53 de la CEDH assure la
possibilité d'accorder une meilleure protection ou une
interprétation plus large ».
* 149 Aff
Connolly....Aff des Agriculteurs .... Merci à Madame Bribosia
de nous avoir fait parvenir ces intéressants arrêts.
* 150 Alors que dans
l'affaire Solange II, la Cour constitutionnelle allemande se reserve le droit
de renverser la présomption en cas de baisse générale de
la protection des droits fondamentaux ; Pour la Cour EDH, une insuffisance
manifeste in concreto suffit au renversement ; Haratsch A. ; P 935 et
S....
* cite les arrêts
M§CO, et Senator Lines, arrêts qui
évoquaient déjà une telle théorie.
* 151 Elle constitue en
fait un plus dans la dynamique des droits fondamentaux au sein de l'UE,
même si elle est officiellement présentée comme une
codification à droit constant.
* 152 Beaucoup soulignent
l'interprétation restrictive de l'art 230 IV du traité CE,
exigence d'un intérêt direct et personnel à agir
(arrêt Jégo Quéré de la CJCE, 14 avril
2004) , mais il convient de relever que cette condition qui semblait exclure
des recours contre les actes à portée générale, a
été l'objet d'une évolution jurisprudentielle dont le
traité de Lisbonne vient réaliser la codification en disposant
que « toute personne physique ou morale « peut former un
recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent
directement et individuellement ; Droit de l'Union européenne ; M
DONY ...Op...Cit .P 256 .
* 153 Sur ce point Diane
Cottier souligne que l'étroitesse d'accès à la CJCE,
ajoutée aux difficultés de certains Etas-membres comme le RU pour
s'adapter à la législation européenne en la matière
menace le respect des droits fondamentaux en particulier dans le premier
pilier de L'UE , on peut ajouter à cela le fait que la CJCE ne soit
pas compétente dans les piliers de l'UE qui sont pourtant des domaines
de violations potentielles des droits de l'homme ; Diane Cottier
l'accès à la CJCE. Disponible sur http// : l'accès
à la CJCE ; Diane cottier .interactions entre le droit
international et le droit européen.
* 154
* Procola c/
Luxembourg ; 1995 ...Op...Cit.
* 155 Aff Cantoni c/
France ...Op...Cit.
* 156 Clémence
Hardy ; L'ordre juridique Communautaire passé au crible de la
Convention, disponible sur http://m2bde-u-paris10.fr/blogs.
* 157 Il convient de noter
que certains auteurs ne partagent pas cet avis , voir par exemple la
contribution de F Tulkens et Johan Callewaert , à l'ouvrage
collectif susmentionné ; Ces auteurs après avoir
démontrés que la CEDH est devenue le droit commun des droits
fondamentaux en Europe, soulignent que cette globalisation de l'instrument met
les acteurs concernés dans une interdépendance ,qui n'est pas
sans effet sur le contrôle de la CEDH , d'où il en découle
une absence d'autonomisation de l'interprétation ; P 178et
S .
* 158 Johan Callewaert;
`Unionisation' and `Conventionalisation' of fundamental rights: The interplay
between Union and Convention and its impact on the domestic legal systems of
the members states...
* 159 «Une
interrogation cruciale serait de savoir si la CJCE se réfère
également à l'interprétation des dispositions de la
Convention donnée par Strasbourg, leur adaptation au contexte du droit
de l'Union pourrait signifier que la Convention est
« unionisée »''.
* 160 L Favoreu ;
« Une démarche constituante », Regards sur
l'actualité, numéro spécial « vers une charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne » ; Août
2000, n°264, P 25.
* 161 Olivier de
Schutter ; L'influence de la Cour EDH sur la CJCE ...Op...Cit ;
P 1.
* 162 L Scheeck; Solving
Europe's Binary Human Rights puzzle; the interaction between supranational
Courts as a parameter of European Governance. Laurent Scheeck; PhD candidate
Sciences-po Paris/CERI.
* 163 Simon Denys ;
Des Influences réciproques entre ...Op...Cit.
* 164 CJCE ;
Déc. 1978 ,Hauer,44/79 , Rec. ;P 3727(à
propos du droit de propriété.) ; 9oct 1980 ,Van
Landewyck 209 à215 et 218/78 , Rec. ; P 3125(à propos
de l'application de la jurisprudence relative à l'art 6 aux
procédures devant la Commission) ; 7mars 1983 ,SA musique
diffusion française,100à103/80 ,Rec. ;P
1825 .
* 165 CJCE 18oct 1989,
Orkem, 374/87, Rec. ; P 3283 ; Solvay,
27 / 88, Rec. ; P 3555(à propos de la reconnaissance du
droit de ne pas témoigner contre soi-même.)
* 166 CJCE, 18oct 1990,
Dzodzi, C-297 /88 et C-197 /89, Rec. ; I, P
3763.
* 167 CJCE , 21 sept
1989 , Hoechst,46 /87 et 227/88 ,
Rec. ;P2859 ;17oct 1989 ; Dow
Benelux,85 /87 , Rec. ;P 3137 .
* 168 Voir entre autre
CJCE, 13juillet 1989, Aff. Wachauf ,5/88, Rec. ; P2609, (Pt
18).
* 169 M Dony ; Droit
de l'Union Européenne ...Op...Cit.
* 170 Giles Lebreton ;
« Critique de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne », D 2003 ; Chr P 2319 .
* 171 Voir
Encyclopédie Wikipédia.
* 172 Arrêt Bosch
du 06 avril 1962, voir aussi CJCE 14 juillet 1972, Aff. 57/69 ;
Arrêt Dübeck, 5 mai 1981.
* 173 Arrêt
Sunday Times du 26 avril 1979 et Hentrich c / France du
22 sept.1994.
* 174 Johan Callewaert a
essayé d'inventorier les emprunts et différences entre la Charte
et la CEDH, nous les reprenons ici ; Articles de la Charte pris à
la CEDH ; Art 2 ,4 à 7 , 9,
10§1 ,11§1 ,12§1 ,14,17,19§1,21,45,47 à
50 , et/ ou à la Jurisprudence de Strasbourg , art 1 ,
3, 8, 11§2, 13, 19§2, 22 à 26 et 37 ; Enfin articles
de la charte allant au delà de la convention , art 9, art 21, art 47 (
1), art 47 (3) ; Johan Callewaert , ` Conventionalisation' of
union law and `unionisation `of convention law ; in Cooperation of
Courts : The rule of supranational juridiction in Europe ; Garlicki
Int J Constitutional law 2008 ;6- 509-531 .
* 175 Olivier Le Bot,
Charte de l'UE et Convention... Op...Cit ...P 11.
* 176 Cette partie
s'inspire largement du cours de madame Emmanuelle Bribosia ; Introduction
au droit européen ; Module VIII « La protection des
droits fondamentaux dans l'union européenne.» ;
2006-2007 ; http//www.ulb.ac .be.iee/cours.
* 177Giorgio Malinverni
dans l'avis N°256 /2003 de la Commission Européenne pour la
Démocratie par le Droit (Conseil de
L'Europe ) ,intitulé Les effets de
l'éventuel caractère contraignant de la charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne sur la protection des Droits
fondamentaux, soutient de manière pertinente que contrairement à
ce que beaucoup pensent, la Charte même si elle à valeur juridique
contraignante ne créera pas un duel, car la CJCE aura dans ce contexte
le même rôle que joue les Etats dans la protection des Droits
fondamentaux ; Nous prendrons le risque de prendre le cotre- pied de
cette analyse.
* 178 M Dony Droit de
L'Union Européenne ; ...Op ...cit...46 .
* 179 Simon Denis ;
Des influences réciproques ... p2 Op cit...
* 180 Voir sur ce point le
site Europa.
* 181 CJ Costa contre
Enel
* 182 CJCE, Aff.
Stauder ; 1969.
* 183 Internationale
Handelgesellschaft...Op...Cit
* 184 Olivier de
Schutter ; L'influence de la CEDH sur la CJCE ; Op cit... ...
* 185CJCE; 5 /88,
Hubert Wachauf c. Bundesamt für Ernährung und
forstwirtschaft... 13 Juillet 1989.
* 186 M Dony ; Droit
de l'UE ; P 47 Op cit......
* 187 Voir la Contribution
de Françoise Tulkens et Johan Callewaert ; La cour de justice, la
cour européenne des Droits de l'homme et la protection des Droits
fondamentaux. P 190 et S, in L'avenir du système juridictionnel de
L'UE.
* 188 On citera sur ce
point l'ouvrage de Frédéric Sudre ; La communauté et
les droits fondamentaux après le traité d'Amsterdam, vers un
nouveau système européen de protection des droits de
l'homme ; JCP 1998.
* 189 J F Renucci, Droit
européen des droits de l'homme...Op...cit, P 20 et s.
* 190 Nous tirons en partie
nos informations sur ce point, du site Europa ; H/SCAPplus la
traité d'Amsterdam, liberté, sécurité, justice.
* 191 Voir sur ce point
l'intéressante analyse qu'Edouard Dubout fait de cet article 13, in
« Tu ne discrimineras pas ... ; L'apport du droit communautaire en Droit
interne.
* 192 Voir l'article de
Edouard Dubout ; « Tu ne discrimineras pas... » ;
L'apport du droit communautaire au droit interne ; P 49 et S.
* 193 Catherine
Schneider ; En marge de l'anthropologie juridique : Brèves
réflexions sur la dialectique de l'ordre et du désordre pour une
histoire des droits fondamentaux dans le système communautaire ;
Mélanges en l'honneur de Louis Dubouis , Au carrefour des droits
,Paris : Dalloz 2002 , pp 635-647 .
* 194 Olivier Le Bot La
Charte de L'Union....Op Cit......P 19et20. Voir l'art 52 §3 .
* 195 Simona Alexova -
Borissova ; Politique/s des droits de l'homme en Europe entre Strasbourg
et Luxembourg : Enjeux et perspectives ; Mémoire de Master en
Administration publique ; P 19 ; ENA ; Février 2006 ;
www.ena.fr/index.php.
* 196 Catherine
Schneider ; La contribution de la Charte des droits fondamentaux au
système de protection des droits de l'homme de l'Union
européenne ; http:/cerise
.upmf-grenoble.fr/chercheurs/schneider /textes /odysée 2001.
* 197
* 198 Pour la critique de ces
dispositions, voir aussi Olivier Le Bot ; Charte de L'UE et Convention de
sauvegarde des droits de l'homme...Op...Cit. P 22et S.
* 199 Simona Alexova -Borissova,
Politique/s des droits de l'homme en Europe ...Op...cit.
* 200 Méthode
préconisée au XIXème siècle après l'adoption
du code civil, par l'école de l'exégèse, ses principaux
auteurs sont Duranton, Demolombe, Aubry et Rau. .
* 201 Voir son
célèbre ouvrage « Méthode
d'interprétation et source en droit privé positif, essai
critique.» publié en 1899 ; Ed Yvon Blais.
* 202 Il convient toutefois
de faire de signaler que le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu l'adoption
d'un protocole « sur l'application de la charte à la Pologne
et au Royaume -uni » joint au traité de Lisbonne qui leur
confère un statut dérogatoire. Ce protocole autant le dire est
plus symbolique.
* 203 Charte 4473/1/00,
CONVENT 49.
* 204 Catherine
Schneider ; Contribution de la Charte des droits
fondamentaux...Op...cit.
* 205 J P
Jacqué ; La Cour de justice, La Cour européenne des droits
de l'homme et la protection des Droits fondamentaux ; Quelques
Observations, in l'avenir du système juridictionnel de
l'UE...op.cit ; L'auteur apporte quelques nuances à La contribution
commune de Françoise Tulkens et Johan Callewaert.
* 206 Simona Alexova ;
Politique/s des droits de l'homme...Op...cit... ; Notons toutefois que la
portée de cet article a été de manière
extraordinaire étendue par la Cour EDH.
* 207 Laurent Scheeck;
Solving Binary...Op...cit ; P 14 .
* 208 Nous
préférons parler de coexistence juridique harmonieuse
plutôt que de collaboration juridique, parce que aucun mécanisme
de collaboration juridique (renvois, recours préjudiciel n'est
prévu entre les deux Cours, la collaboration si elle existe est donc
forcement informelle.
* 209 Voir liste en
annexe.
* 210Voir par exemple
Olivier Costa ; L'intervention des citoyens devant les juridictions
communautaires : entre réalité et discours de
légitimation. Communication à la journée d'études
« droit et politique dans l'Union européenne » du
groupe du travail sur l'Europe de l'AFSP, 16 mars 2001.
* 211 Cela est d'autant
plus vrai que la CJCE a pris le soin de prévenir les éventuels
contournements des procédures, par exemple les art 232(3) CE et 230(4)
CE gouvernent respectivement l'action en carence contre les Institutions
européennes et le recours en annulation d'un acte de droit
dérivé, le requérant qui ne satisfait pas aux conditions
d'admissibilité du recours en annulation peut être tenté
pour le contourner d'utiliser le recours en carence en vue d'obtenir des
Institutions la mesure voulue (CJCE 15 déc.1988,Irish
c/Cément Ltd/ Commission, Aff. 166&220/86 .) . On ne
peut non plus contester un acte sur le fondement de l'art 232 CE quand ce
recours est possible sur le fondement de l'art 230 CE, afin de contourner le
délai de prescription de deux mois prévu par ce dernier ( CJCE 10
déc. 1969 Eridania Zuccherifici /Commission ,Aff.
10&16/68 ; dans le même sens , un requérant ne peut
recourir à l'action en annulation par voie d'exception (art 241), pour
contourner les délais de l'art 230 ( CJCE 15 fév. 2001 ;
NACHI Europe , Aff. C- 239 /99, § 36) cette tentation est
en effet courante dans la mesure où le succès de l'action en
annulation prévue par l'art 230(4) CE pour les requérants
ordinaires dépend d'un ensemble de conditions strictes ; voir Diane
Cottier, L'accès à la Cour de justice des communautés
européenne...Op...cit...
* 212 Sur les
détails de cette évolution, voir M Dony, Droit de l'Union
européenne...Op...Cit...P 256 et S.
* 213 TPI, 3mai 2002, Aff.
T-177/01, Jégo-Quéré c. Commission.
* 214 CJCE, 1 avril 2004,
aff C-262/02 P, Commission contre Jégo Quéré.
* 215 Voir l'article de
Olivier Costa ...Op...Cit...
* 216 C'est d'ailleurs la
stratégie de la CJCE, qui à défaut d'ouvrir l'accès
direct à sa juridiction, repose sur les Etats-membres pour assurer une
protection juridictionnelle efficace, affaire Unibet par exemple du 13
mars 2007, Aff. C-432/05.
* 217 Voir Olivier
Costa ; L'intervention des citoyens devant les juridictions....Op.cit ...
P 8.
* 218 CJCE, 23 avril 1986,
Aff. 294 /83, Les Verts c. Parlement.
* 219
* 220 Discours de J P
Costa ; http.justice.gov.sk.
* 221 Cour EDH (GC)
Mamatkulov et Askarov c. Turquie, 2005.
* 222 Cour EDH, 18
fév.1999;Matthews c / Royaume-Uni...Op...cit....
* 223 Voir Gaël
Dennetiere ; Nouveaux aspects du rapport entre le droit communautaire et
le droit de la Convention européenne ; P 26 et S. ;
Mémoire présenté en vue de l'obtention du DEA en droit
communautaire et international ; Université de Lille II.
* 224 Voir sur ce point
Fréderic Sudre ; Garantir l'autorité et l'efficacité
de la Cour EDH ; Document de travail ; Commission des questions
juridiques et des droits de l'homme ; AS /jur /2008,
Assemblée parlementaire 21 fév. 2001.
* 225 Voir sur ce point
l'article de Emmanuel Duran ; L'exécution des arrêts de la CJCE en
matière de manquement d'un Etat ; Université de Reims
champagne Ardenne, Centre d'études Rémois des relations
internationales ; FDSP ; http:// helios .www-reims.fr/labos.
* 226 J F Renucci, Droit
européen des droits de l'homme...Op...Cit...p 25.
* 227 Francoise Tulkens et
Johan Callewaert ; Judges and legislators for a multi-level protection of
fundamental rights in Europe , Public Seminar , European parliament , Committee
on liberties, justice and home affairs, Bruxelles 08 October 2007; P 4.
* 228 Denis Simon ;
Des influences réciproques...op...cit...P 46 .
* 229 Denis Simon ;
Des influences...Ibidem.
* 230 Layus M L et
Simonnetti F ; Procédures juridictionnelles, points communs et
différences ; Pouvoirs 2001 /1 ; N° 96,
P 85-106.
* 231 Rapport de la Cour
EDH .
* 232 Hans Kelsen ;
Théorie pure du droit ,2ème édition,
traduite par Charles Eisemann, Dalloz 1962, Paris.
* 233 Ces deux
éléments (techniques d'interprétation conciliatrice et
jurisprudence Bosphorus), ne peuvent en réalité pas
totalement être séparés du caractère subsidiaire de
la Convention, elles ne sont que de simples expressions, mais leur
particularité commande qu'on les examine à part.
* 234 Françoise
Tulkens ; Discours prononcé à l'occasion de la visite du
président et dune délégation de la Cour EDH au Conseil
constitutionnel (français), le 13 février 2009.Dans le même
sens Fréderic Sudre souligne que ce principe est consubstantiel à
la Convention ; As/2008, Assemblée parlementaire ; Garantir
l'efficacité et l'autorité de la CEDH ; Document de
travail...Op...Cit.
* 235 Delphine
Calonne ; En attendant Senator Lines ...Réflexions sur une
protection plurielle des droits de l'homme en Europe ; Mémoire de
fin d'études ; Publications euryopa, institut d'Etudes
européennes de Genève ; Octobre 2003 ; P 8à
12.
* 236 Hamaïdi
c / France ; Décision du 06 mars 2001 ; Voir aussi
Civet c / France ,arrêt du 28 mars 1999 (GC).
* 237 Affaire Broniosky
c /Pologne ; Requête n° 31443196 .
* 238 Voir sur ce point le
discours d'ouverture de l'année judiciaire 2009 de J P Costa,
prononcée le 30 janv2009 ; Op...cit..
* 239 Marie Laure Izorche
et Mireille Delmas Marty ; Marge nationale d'appréciation et
internationalisation du droit. Réflexions sur la validité d'un
droit commun pluraliste ; Revue Internationale de droit comparé
2000, volume 52 ; N°4 , P 753-780 .
* 240 Dans sa
décision Solange II, du 22 octobre 1986 (BvR 197/83, EuGRZ
1987,10), la Cour constitutionnelle allemande a expressément reconnu que
le système communautaire de protection des droits fondamentaux assurait
une protection substantiellement comparable à celle de la loi
fondamentale.
* 241 Françoise
Tulkens; Juges and Legislators for ...Public seminar...Op...Cit.
* 242
Coopérative des agriculteurs de Mayenne c.France
/décision n°16931 /04 CEDH 2006.
* 243 Voir Dean
Spielmann ; La prise en compte et la promotion du droit communautaire par
la Cour de Strasbourg ; www.echr.coe.int/NR
* 244 Cour EDH ; Req
N° 13645/05 du 08 avril 2005.
* 245Cour EDH ;
Décision sur la recevabilité de la requête N° 73274/01
présentée par Bernard Connolly c / Allemagne , Autriche
,Belgique,Danemark ,Espagne,Finlande,France,Grêce,Irlande,Italie,Luxembourg,Pays-bas,Porugal ,Royaume-Uni ,Suède.
* 246 CJCE, affaire
ERT de 1991.
* 247 CJCE ,29 mai 1997,
Kremzov, aff C-99/95.
* 248 CJCE, 309/95 du 18
déc.1997;
* 249 Emmanuelle
Bribosia ; Le dilemme du juge national...Op...cit...P 272
* 250251 M Dony ;
Droit de l'union européenne ...Op...Cit..P 50-51.
* 252 La question de la
répartition des compétences, si cruciale a d'ailleurs
été mise au premier plan de la déclaration de Laeken,
cette dernière a évoqué en particulier la
nécessité d'une réflexion sur les moyens d'éviter
un « élargissement furtif des compétences de
l'Union » , sans pour autant affaiblir « la
dynamique européenne » ; M Ndony ; Droit de l'Union
européenne ..Op...cit...P 63 .
* 253 Sophie Perez ;
La disparition du troisième pilier de l'Union européenne dans le
projet de constitution pour l'Europe ; http//revel.unice.fr/revel/pdf.
* 254 CJCE ;
Pupino, Aff. C-105/03 du 16 juin 2005.
* 255 Anne
Weyembergh ; L'effectivité du troisième pilier de l'Union
européenne et l'exigence d'interprétation conforme : la cour
de justice pose les jalons ; RTDH, 2007.
* 256 CJCE (GC), Aff.
C-402/05 P et C-415/05 P du 3 septembre 2008.
* 257 La méthode
intergouvernementale s'oppose au mode de fonctionnement institutionnel, dans le
deuxième et troisième pilier, qui reposent sur une logique de
coopération intergouvernementale se caractérisant par les
éléments principaux suivants ; le droit d'initiative de la
Commission, soit partagé avec les Etats-membres, soit limité
à certains domaines spécifiques ; le recours
général à l'unanimité au conseil ; le
rôle consultatif du parlement européen ; le rôle
limité de la Cour de justice.
* 258 La méthode
communautaire est basée sur l'idée que la défense de
l'intérêt général des citoyens de l'Union
européenne est mieux assurée lorsque les institutions
communautaires jouent pleinement leur rôle dans le processus de
décision en respectant le principe de subsidiarité ; Les
éléments qui caractérisent la méthode communautaire
sont ; le monopole d'initiative de la Commission ; le recours
général au vote à la majorité qualifiée au
conseil ; le rôle actif du parlement ( avis ,proposition
etc....) ; l'uniformité d'interprétation du droit
communautaire assurée par la CJCE .voir sur ce point Europa
Glossaire.
* 259 Alexandre Adam ;
Yves Gautier ; La lutte contre le terrorisme : Etudes comparatives,
2005 ; Political science, P 111 et s .. .
* 260 CJCE, 30 avril 1996,
P /S et Cornwall county council, C-13/94, Rec , p 1763.
* 261 CJCE, 12 déc.
1996, Procédures pénales c.X, C-74/94 et C-129/95 .
* 262 CJCE , X c.
Commission-404/92 . Cette jurisprudence est tirée de l'article
de Simon Denis ,Des influences reciproques entre CJCE et
CEDH...Op...Cit...p 43.
* 263 Notre principale
source d'information ici, est le discours du juge Malenovsky (infra).
* 264 Malenovsky ; Les
répercussions récentes de la CEDH, sur la jurisprudence
communautaire. Discours, disponible sur
www.echr.int/NR... P 1.
* 265 Voir sur ce point les
arrêts Unibet ,13 mars 2007 ; C-432/05 ; Ordre des
barreaux francophones et germanophone du 26 juin 2007 ; C-305/05.
* 266 Mentionné dans
l'arrêt Advocaten Voor de Welreld du 03 mai 2007 ;
C-303/05.
* 267 Voir arrêt
Derin 18 Juillet 2007 ; C-325/05.
* 268 Evoqué dans
l'arrêt Allemagne /Parlement et Conseil du 12 déc.
2006 ; C-380 /03.
* 269 Dans l'arrêt
Ferstersen du 25 Janv. 2007 ; C-370/05.
* 270 CJCE ; Aff.
Royaume d'Espagne c. R .U ; 02 sept 2006 ; C-145/04.
* 271 Cour EDH ;
Arrêt Matthews...Op...cit...
* 272 Il convient toutefois
de souligner ,comme le fait remarquer Malenovsky ,qu'il n'appartient pas
à la CJCE d'interpréter les arrêts de la Cour EDH ou
de juger s'ils ont été bien exécutés ou pas , non
plus à la Cour EDH , cette tâche échêt aux Parties et
au Comité de ministres ; Ce n'est qu'avec l'entrée en
vigueur du Protocole 14 que cette possibilité sera reconnue à la
Cour EDH , (art 16 du protocole 14) ; Discours de
Malenovsky...Op...Cit.
* 273 Voir sur ce point
Denis Simon ; Des influences réciproques...Op...Cit P 37 et S.
* 274 La jurisprudence ici
est tirée de l'article de Denis suscité ; Des influences
réciproques...Ibidem.
* 275 CJCE ; 30 avril
1996, Procédures pénales c/ X, C-74/95 et C-129/95.
* 276 CJCE, 26 juin 1997,
Familiapress, C-368/95.
* 277 CJCE, 30 avril 1996,
P/S ET Cornwall County council, C-13/94.
* 278 CJCE, 17 decembre
1998, Baustahlegewebe GmbH, C-185 /95.
X Source : SCHEECK, L. (2006) Les cours
européennes et l'intégration par les droits de l'homme, PhD
dissertation,
Sciences-Po, Paris. To be published in 2007 at in the «
European series » of the Editions de l'Université de Bruxelles.
The evolution of references increases continuously, while the
year 2000 peak is due to one judgment in 41 joint cases
(15 March 2000).
20 Source : Idem.
* 279 Dean
Spielmann (juge à la Cour EDH) ; La prise en compte et la promotion
du droit communautaire par la Cour de Strasbourg ; Disponible sur
http // : www.echr.coe;INT/NR/rdonlyres.
* 280 Ces
références sont pour la plupart tirées du discours de
Françoise Tulkens (Compétence de la Cour EDH, vu par les
autres Cours internationales), dans le cadre du séminaire
organisé à l'occasion du 50ème anniversaire de
l'institution de la Cour EDH, 30 janv.2009.
* 281 Cour EDH(GC)
arrêt Demir et Baykara c / Turquie du 12 nov.2008,
§§76 et 85.
* 282 Cour EDH, arrêt
Lawless c/ Irlande (n°1) du 14 nov.1996.
* 283 Cour EDH (GC),
Chypre c / Turquie du 10 mai 2001, §§ 92et s.
* 284 Cour EDH (GC),
Christine Godwin c / RU, du 10 juillet 2002, §43.
* 285 Aff C-13194, P
contre Set Cornwall county council, arrêt du 30 avril 1996.
* 286 Cour EDH,
décision Stec et autres c/ RU du 06 juillet 2005,
§58.
* 287 Dean Spielmann ;
La prise en compte et la promotion...Op...Cit... P 1.
* 288 Toutes les formules
juridiques peuvent être envisagées et étudiées
à cet effet ; Référé ; Tribunal de
conflit ; Procédure de renvoi ;
Procédure de dessaisissement ; Règlement
des juges européens ...etc.
* 289 La notion a
été lancée par JP Costa ; Discours d'audience
solennelle de la Cour EDH à l'occasion de la rentrée solennelle
de la Cour, le 30 janv. 2009, P 7.
* 290 La question est
évoquée depuis déjà trente ans, si on prend comme
point de référence le Mémorandum de la Commission
européenne de 1979.
* 291 Olivier de Schutter
souligne qu'elle confirmera à tout le moins que c'est Strasbourg qui a
le dernier mot, en ce qui concerne l'interprétation de la
Convention ; Olivier de Schutter, l'influence récente de la
jurisprudence...Op...Cit...P 4.
* 292 Voir par exemple,
Pierre Henri Imbert ; De l'adhésion de l'Union européenne
à la CEDH, dans le cadre des travaux du CDDH; Symposium des juges au
Château Bourglingster ; 16 septembre 2002 ; Le document met le
doigt sur les ajustements techniques et juridiques qui devraient être
réalisés au sein du système de la Convention pour
permettre l'adhésion de l'union européenne.
* 293 Olivier de Schutter
souligne cette plus-value..... ; Voir aussi Adhésion de l'Union
européenne à la convention européenne des droits de
l'homme ; Audition organisée par la Commission des questions
juridiques et des droits de l'homme à Paris le 11 septembre 2007 ;
Note établie par M François Jacobs ; dans le même
sens, Adhésion de l'union européenne à la
Convention...Intervention de Florence Benoit Rohmer (Professeur à
l'université Robert Schuman) à la même occasion.
* 294 Françoise
Tulkens ; Judges, legislators...Op..Cit..; Voir aussi L'adhésion
de l'Union européenne/communauté européenne à la
CEDH ; Commission de Venise, commentaires de Peter Van Dijk; 20 août
2007.
* 295 Voir aussi sur ce
point la contribution de d'Olivier de Schutter, L'adhésion de l'union
européenne à la Convention européenne des droits de
l'homme comme élément du débat sur l'avenir de l'Union, in
L'avenir du système juridictionnel de l'Union européenne.
Op...Cit .P 220 et S, cet article examine le plus value de cette
adhésion.
* 296 Ces trois solutions
étaient ; la voie jurisprudentielle, celle d'un catalogue propre ou
celle de l'adhésion à la Convention ; Sur ce point, voir
Olivier Lebot, coexistence de catalogues ...Op...Cit ; P 3.
* 297 Voir la
préface du doyen Georges Vedel, à l'ouvrage intitulé, La
légitimité de la jurisprudence du conseil constitutionnel ;
Economica ,31 mai 1999.
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