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LA Cour de Strasbourg et la Cour du Luxembourg dans la protection juridictionnelle des droits de l'Homme:duo ou duel ?

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par Eric NGANGO. Y
Université Libre de Bruxelles - Master en Droit 2008
  

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A- Importance de la dimension substantielle du principe de subsidiarité dans

la coordination entre les systèmes

La convention européenne des droits de l'homme, se présente comme « le minimum vital européen », elle ne se substitue pas aux normes internes, qui peuvent, bien entendu, dépasser le niveau de protection offert par la Convention, mais ne peuvent aller en- deçà. Faut-il encore souligner la place importante que les droits fondamentaux occupent dans les normes constitutionnelles des Etats européens , ( dans la Constitution allemande , en France dans le texte constitutionnel du 04 oct. 1958 ; le titre II de la Constitution Belge, etc.....) .Dans ce contexte , la Convention ne trouve à s'appliquer que si les normes internes qui garantissent les droits fondamentaux ne sont pas satisfaisantes au regard des droits consacrés par la Convention ,ou en cas d'absence de protection nationale. Ce premier aspect du principe de subsidiarité permet de résoudre les difficultés résultant du conflit des normes. Alors que dans la situation classique, la norme de droit national doit plier et s'effacer tout simplement (ceci avec toutefois des nuances qui dépendent de chaque Etat) devant la norme de droit international, le caractère subsidiaire de la Convention permet d'envisager une certaine coordination entre deux normes de sens contraires, l'une normalement inférieure à l'autre, pourvu que la norme inférieure ne va pas en dessous d'un seuil d'exigences fixé par la norme supérieure. De même, il permet au juge national de sortir aisément du dilemme résultant de ses doubles obligations conventionnelle et communautaire .L'importance de ce caractère subsidiaire se vérifie également au plan procédural.

B- Importance de la dimension procédurale du principe de subsidiarité dans

la coordination entre les systèmes

Du point de vue procédural, on peut relever trois expressions de ce caractère subsidiaire dont l'importance ne fait aucun doute : d'abord l'exigence de l'épuisement des voies de recours internes avant toute intervention de la Cour EDH ; ensuite, le mécanisme d'exécution des arrêts de la Cour EDH, enfin les conditions de recevabilité restrictives.

Aux termes de l'art 35 de la CEDH, « la Cour ne peut être saisie qu'après épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus et dans un délai de six mois à partir de la décision interne définitive ». 

Cela signifie que c'est le juge national qui est le juge de droit commun dans le système conventionnel. Une telle disposition permet une régulation harmonieuse avec le système communautaire. Sur l'exigence de l'épuisement des voies de recours, on peut se référer à la jurisprudence en la matière236(*).

L'exécution des arrêts de la Cour EDH présente des particularités qui ne sont en fait qu'un prolongement du caractère subsidiaire de la Convention. Le protocole 11 à la CEDH signé en 1998 confie aux Etats-membres le choix des mesures appropriées, sous le contrôle du Conseil des ministres. Cette marge de manoeuvre leur permet de chercher entre diverses solutions possibles, celle qui serait la moins préjudiciable à la bonne exécution de leurs obligations communautaires. En aucun cas, la Cour ne peut annuler la décision rendue par une juridiction nationale, ni formuler des injonctions ou prescrire des mesures correctives à l'égard de l'Etat. En effet, on se rappellera que l'arrêt de la Cour n'a qu'un caractère déclaratoire (déclaration de violation ou non de la convention). Faut-il encore le souligner, cette nature ou plus exactement la particularité de l'autorité des décisions de la Cour EDH permet aux Etats de facilement les concilier avec d'autres obligations nationales et internationales et d'assurer ainsi la parfaite cohérence des systèmes.

Pour ce qui est des conditions de recevabilité restrictives, il faut noter que l'action devant la Cour EDH n'est en rien comparable à une actio popularis. Il existe des conditions de recevabilité qui restreignent sérieusement le prétoire strasbourgeois (conditions de compétence rationae loci , rationae personae , rationae materiae) ; ainsi statistiquement, près de 90% des requêtes sont déclarées irrecevables pour des conditions de compétence , également avec le système des arrêts pilotes développé par la Cour dans l'affaire Broniwsky237(*) , et le système des requêtes répétitives , il y'a fort à parier que l'accès au juge serait de plus en plus rendu difficile . Ce faisait, la Cour EDH arrive ainsi à circonscrire sa frontière de compétence, permettant une coexistence avec le système communautaire. Elle s'est jusqu'ici comme on l'a relevé plus- haut, affirmée incompétente rationae personae, en ce qui concerne les actes découlant directement des Institutions communautaires (comme la Commission par exp : Aff. Senator lines, Sté Guérin). Dans ce domaine, c'est la CJCE qui serait compétence, réalisant ainsi une complémentarité technique .rationae materiae, malgré l'extension jurisprudentielle des droits mentionnés dans le texte de la Convention, il convient de noter que la Cour EDH définit sa compétence matérielle par rapport aux droits mentionnés dans la Convention. Or la Convention aujourd'hui en prenant en compte les développements de la Cour EDH est loin de contenir tous les droits. La Charte des droits fondamentaux, comme on l'a vu, est d'un standard plus élevé que la Convention et peut de ce fait réaliser une certaine complémentarité matérielle (supra), sauf que son champ d'application est limité. Un élément tout aussi important concerne les techniques d'interprétation conciliatrices de la Cour EDH.

PAR II-LES TECHNIQUES D'INTERPRETATION CONCILIATRICES

DE LA Cour EDH

Les deux Cours ont développé des techniques d'interprétation conciliatrices qui épousent si bien la solution préconisée par la Commission du droit international pour faire face à l'épineuse question de la fragmentation du droit international . Pour la Commission, la solution au problème de la fragmentation pourrait se trouver dans le « principe d'harmonisation » selon lequel « lorsque plusieurs normes ont trait à une question unique, il convient dans la mesure du possible de les interpréter de manière à faire apparaitre un ensemble unique d'obligations compatibles. On peut citer entre autres notions le concept de « la marge nationale d'appréciation », ainsi que « le seuil de gravité d'atteinte au droit »238(*) , ou encore «  la technique d'interprétation évolutive » qui permet à la Cour EDH d'adapter la Convention aux évolutions de la société (en ce compris les évolutions juridiques des systèmes de protection de droit analogues) ; l'importance de toutes ces techniques dans la coordination avec les autres systèmes juridiques n'est plus à démontrer. Pour ce qui est de la « marge nationale d'appréciation » par exemple, elle implique une rupture d'avec la conception traditionnelle et hiérarchisée, même si elle n'est pas suffisante en elle-même pour réaliser l'internationalisation du droit ou tout simplement un droit commun pluraliste.239(*)

PAR III - L'EMERGENCE JURISPRUDENTIELLE DE LA DOCTRINE DE

LA « PRESOMPTION D'EQUIVALENCE DE PROTECTION »

Dans l'arrêt Bosphorus , la Cour EDH établit clairement une présomption de conformité des actes du droit communautaire aux droits fondamentaux : « ...Dans ces conditions, la Cour estime pouvoir considérer que la protection des droits fondamentaux offerte par le droit communautaire est et était à l'époque des faits équivalente (...) à celle assurée par le mécanisme de la Convention ; par conséquent, on peut présumer que l'Irlande ne s'est pas écartée des obligations qui lui incombaient lorsqu' elle a mis en oeuvre celles qui résultaient de son appartenance à la Communauté européenne. » § 165. Nul ne saurait contester l'importance que revêt cette précision dans le domaine des rapports entre le système de la Convention et le système communautaire. On remarquera d'ailleurs, et cela semble assez curieux, que le président de la CJCE a remercié la Cour EDH de cet arrêt Bosphorus. Peut-être finalement ,la solution à l'épineuse question de la coordination entre les différents ordres juridiques  pourrait se trouver dans cette notion assez révérencieuse qu'est « l'équivalence de protection » .Inaugurée par la Cour allemande de Karlsruhe dans l'arrêt Solange II240(*) pour régir les rapports entre la CJCE et le droit national allémand,la Cour de Strasbourg lui emboite le pas dans l'arrêt Bosphorus précité pour ce qui est des rapports entre le droit conventionnel et le droit communautaire . Certainement comme le relève la doctrine, la portée des deux situations n'est exactement pas la même, dans la mesure où la solution dégagée dans l'arrêt Bosphorus réserve à côté du contrôle abstrait qui est fait, un contrôle concret, au cas par cas. Mais les premières applications de la présomption dégagée dans l'affaire Bosphorus ne nous autorisent pas à exagérer la différence entre le modèle Solange II et la solution prise par la Cour EDH (supra). Il est souhaitable que la CJCE suive le mouvement, en ce qui concerne ses rapports avec le droit international issu des Nations -unies, car tel ne semble pas être le cas, du moins pour tenir en compte l'arrêt Kadi suscité où la CJCE n'a pas hésité à contrôler un règlement issu directement d'une résolution du Conseil de sécurité. De même, il est souhaitable que la Cour EDH le fasse en ce qui concerne les rapports entre le droit conventionnel et le droit onusien, domaine dans lequel la Cour EDH accorde une quasi-immunité, pour s'en tenir du moins à la solution dégagée dans l'affaire Behrami et Saramati (supra). La notion d'équivalence de protection pourrait devenir la « pierre d'achoppement  » de stabilisation dans la pluralité des ordres juridiques. Selon Françoise Tulkens241(*), la présomption de conformité sert d'abord et avant tout, comme l'a d'ailleurs expliqué la Cour, les intérêts de l'intégration européenne, elle veut éviter que le droit communautaire puisse être systématiquement remis en cause devant les juridictions nationales au nom des droits de l'homme. Les premières applications de la présomption Bosphorus n'ont pas de quoi inquiéter le système communautaire.

La Cour EDH a d'ores et déjà eu l'occasion d'appliquer la présomption de l'arrêt Bosphorus (Coopérative des Agriculteurs de Mayenne c.France242(*) ) en rejetant une requête comme manifestement irrecevable. L'affaire concernait des faits très similaires à ceux ayant donné lieu à l'affaire Procola c. France. La Cour est arrivée à la conclusion suivante : «...partant la Cour estime que pareille espèce ne fait pas apparaitre « une insuffisance manifeste » dans la protection des droits garantis par la Convention qui pourrait renverser la présomption de protection par l'ordre juridique communautaire de ces droits , telle qu'elle a été dégagée par la Grande Chambre de la Cour dans l'arrêt Bosphorus Airways (précité).Il s'en suit que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'art 35§§3et4. », La Cour ne décèle pas « d'insuffisance manifeste » dans la protection des droits de l'homme et ceci même en l'absence d'une intervention de la CJ statuant sur question préjudicielle243(*) .De même dans l'affaire Coopérative productenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij U .A c/ Pays-Bas244(*) , la Cour EDH rejette une requête pour défaut manifeste de fondement, l'association requérante se plaignait d'un manque d'équité (art 6§1 de la CEDH) dans la procédure préjudicielle menée devant la CJCE relativement au droit que lui avait été reconnu au Pays-Bas de pratiquer la pêche à la coque dans une zone de balancement de marées, la mer de Wadden. La Cour fait une application in concreto de la présomption Bosphorus et arrive à la conclusion qu'elle ne peut considérer que « ...l'association requérante a démontré que les garanties d'équité procédurale dont elle a bénéficié en l'espèce étaient manifestement défaillantes. L'intéressé est donc resté en défaut de renverser la présomption en vertu de laquelle la procédure suivie devant la CJCE offre des garanties équivalentes à celles garanties par la Convention ».

L'affaire Connolly245(*) illustre de manière encore plus significative l'application de la « présomption Bosphorus » : le requérant qui avait été suspendu , puis révoqué de la Commission européenne , reprochait aux organes de la Commission d'avoir violé les dispositions de la CEDH , notamment les exigences du procès équitable de l'art 6§1 .le requérant estimait que les quinze Etats-membres qui étaient membres de l'Union européenne à l'époque des faits devraient être reconnus conjointement responsables des violations de la Convention découlant des actes communautaires, dans la mesure où le transfert de compétences à l'initiative des Etats-membres, et à disposition des Organisations internationales ne saurait selon lui dispenser des obligations qui leurs incombent au titre de la Convention .La Cour estime qu'il convient d'examiner les griefs du requérant à la lumière des principes qu'elle a dégagés dans les affaires où elle a été amenée à rechercher si la responsabilité des Etats- Parties à la Convention pouvait être engagée au regard de celle-ci en raison des actions et omissions tenant à la participation de ces Etats à une Organisation internationale . Ces principes ont été développés en particulier dans l' affaire Bosphorus et les autres affaires en la matière .La cour rappelle qu'elle à déjà admis que la protection offerte par l'ordre juridique communautaire était « équivalente  » à celle assurée par le mécanisme de la Convention ( Bosphorus § 165) , elle ne voit rien dans la présente affaire qui pourrait l'amener à une conclusion différente .Elle souligne également que ce sont les organes communautaires (AIPN,TPICE , CJCE) qui ont eu à connaitre des circonstances opposant le requérant à la Commission , et à aucun moment l'un ou l'autre des Etats n'est intervenu . Ce qui l'amène à conclure que le requérant ne relève pas de la juridiction des Etats défendeurs au sens de l'art 1 de la Convention. Quant à la responsabilité éventuelle de l'Union européenne, elle rappelle de manière claire que cette Organisation n'a pas adhéré à la Convention et qu'elle ne peut donc voir sa responsabilité engagée au titre de celle-ci. La Cour rejette par conséquent la requête à l'unanimité en concluant que les griefs du requérant sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention.

Le système communautaire présente également des éléments permettant de construire l'harmonie avec le système de la Convention.

SECT II DANS LE SYSTÈME COMMUNAUTAIRE

Dans le système communautaire, il existe des critères affirmés au départ de la jurisprudence ou même par la Charte des droits fondamentaux, qui permettent de circonscrire le champ d'intervention de la CJCE en matière de protection des droits fondamentaux et d'aménager par le fait même la coexistence avec les autres systèmes.

PAR I - L'EMERGENCE DES CRITERES D'INTERVENTION

DE LA CJCE EN MATIERE DE DROITS FONDAMENTAUX.

On s'intéressera ici à deux critères qui déterminent l'intervention de la CJCE en matière de droits fondamentaux. Cette dernière n'a pas une compétence générale en la matière : il faut en premier lieu que la question qui lui est soumise se rattache au champ/mise en oeuvre du droit communautaire (A), ensuite et cela va de soi, la question doit se situer dans le champ de compétence de la CJCE (B) (pour rappel, elle n'est pas compétente dans tous les domaines du droit de l'Union européenne). Sous la base de ces limitations, va se construire une entente harmonieuse entre les deux systèmes.

* 236 Hamaïdi c / France ; Décision du 06 mars 2001 ; Voir aussi Civet c / France ,arrêt du 28 mars 1999 (GC).

* 237 Affaire Broniosky c /Pologne ; Requête n° 31443196 .

* 238 Voir sur ce point le discours d'ouverture de l'année judiciaire 2009 de J P Costa, prononcée le 30 janv2009 ; Op...cit..

* 239 Marie Laure Izorche et Mireille Delmas Marty ; Marge nationale d'appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité d'un droit commun pluraliste ; Revue Internationale de droit comparé 2000, volume 52 ; N°4 , P 753-780 .

* 240 Dans sa décision Solange II, du 22 octobre 1986 (BvR 197/83, EuGRZ 1987,10), la Cour constitutionnelle allemande a expressément reconnu que le système communautaire de protection des droits fondamentaux assurait une protection substantiellement comparable à celle de la loi fondamentale.

* 241 Françoise Tulkens; Juges and Legislators for ...Public seminar...Op...Cit.

* 242 Coopérative des agriculteurs de Mayenne c.France /décision n°16931 /04 CEDH 2006.

* 243 Voir Dean Spielmann ; La prise en compte et la promotion du droit communautaire par la Cour de Strasbourg ; www.echr.coe.int/NR

* 244 Cour EDH ; Req N° 13645/05 du 08 avril 2005.

* 245Cour EDH ; Décision sur la recevabilité de la requête N° 73274/01 présentée par Bernard Connolly c / Allemagne , Autriche ,Belgique,Danemark ,Espagne,Finlande,France,Grêce,Irlande,Italie,Luxembourg,Pays-bas,Porugal ,Royaume-Uni ,Suède.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon