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La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

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par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

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II) Ré appropriation locale d'un référentiel développement durable et opportune « sectorisation » des nomades

Dès 1995, nous constatons que les élus locaux manifestent leur volonté de sauvegarder l'aérodrome en tant que « poumon vert ». Seulement, la défense dans le discours de cette rhétorique verte se heurte à un obstacle majeur : l'aviation est une activité génératrice de pollution sonore et atmosphérique (à un degré moindre), pollution contre laquelle s'élèvent des riverains de la plateforme. Les élus, sous l'impulsion des usagers, ont défini un argumentaire contre ces plaintes. Nous avons vu que la mise en valeur de l'aviation-spectacle peut contribuer à légitimer l'existence de ce champ d'aviation; la légitimation passe aussi par l'idée que cette activité permet d'éviter des nuisances plus importantes. Enfin si le discours « vert » semble gagner les élus locaux, notre cas permet de distinguer discours et pratique car les usages concrets du territoire laissent à penser que

117 Tendance déjà relevée par Alain Faure en 1988 : FAURE A., Des maires ruraux saisis par l'esprit d'entreprise, Economie et Humanisme, n° 300, mars-avril 1988, p. 51-62

nous avons plutôt une mise en cohérence, un réenchantement unificateur de pratiques diverses (projets de loisirs divers, respect de la loi Besson en matière d'accueil des gens du voyage).

A) Du terrain d'aviation au « poumon vert »

1) D'un terrain générateur de nuisances...

L'aviation est une activité inévitablement génératrice de pollutions. La pollution atmosphérique est liée à l'utilisation de carburants à base de pétrole et composés d'additifs chimiques reconnus pour leur toxicité. Ceci dit, la pollution la plus sensible dans ce domaine est sonore, les aéronefs générant du bruit qui atteint son apogée lors des phases de décollage (bruit issus du processus d'explosion dans le moteur et bruit généré par la rotation rapide des parties mobiles propulsives comme les hélices ou ailettes)et d'atterrissage. En 2003, été instituée une taxe sur les nuisances sonores aériennes sur certaines grandes plateformes françaises118. L'aviation légère et sportive, telle que pratiquée sur un aérodrome comme celui de Bondues, est en proportion moins génératrice de pollution sonore.

L'aérodrome de Lille-Marcq est composé de deux pistes « en croix » orientées nord-sud et est-ouest, l'axe utilisé dépendant du vent dominant. Le principe est que si le vent au sol est orienté à l'ouest (configuration la plus fréquente dans le Nord de la France), les aéronefs emprunteront la piste estouest avec des décollages et atterrissages face à l'ouest, ceci permettant en fait de faciliter l'envol119.

Les activités pratiquées sur un tel aérodrome de tourisme impliquent beaucoup de vols locaux en « tour de piste », consistant pour les élèves pilotes à décoller puis faire un circuit rectangulaire court pour revenir en configuration d'atterrissage pour, à nouveau, décoller et réengager la manoeuvre.

118 http://www.aviation-civile.gouv.fr/html/prospace/budget/taxe_nuisances_sonores.htm

119 http://www.volez.net/aerodynamique-technique/mesure-vitesse-relative/vent-vitesses-avion.html

(source : atcdream.blogspot.com)

Le caractère répétitif de ces mouvements (impliquant le survol des mêmes zones à basse altitude) est pour notre cas le motif justifiant le plus de plaintes de la part de riverains. La configuration dominante « à l'ouest » fait que le centre-ville de Marquette-lez-Lille est ainsi fréquemment survolée, surtout les week-end-end de beau temps. Nos discussions informelles avec ces riverains120 confirment bien que ce qui agace n'est pas tant le passage d'aéronefs que le caractère itératif desdits mouvements. En outre, l'aéronef utilisé par l'école de parachutisme, plus grand et plus puissant en motorisation que tout les autres appareils de Lille-Marcq, est également un motif récurrent de plaintes. Le discours de la permanente du SIGAL semble avaliser ces constats de terrain :

« Marquette est plus touchée (elle explique avec la carte) : donc là on a la piste avions et donc quand ils décollent verts l'ouest, ils passent au centre de Marquette. Et c'est surtout l'avion des parachutistes puisque c'est un gros avion et le weekend ils font des rotations; l'avion dans la journée il passe 50 fois. En fait à chaque fois c'est les répétitions de passages . »

Il s'avère que si des riverains sont amenés à se plaindre auprès des élus (via le SIGAL ou les services municipaux), il n'y a pas à notre connaissance de mobilisation collective de ceux-ci par le biais, par exemple, d'une association de riverains. Nous n'avons pu procéder à une enquête fine à ce sujet mais peut-être que le profil sociologique des habitants locaux et l'absence de mouvements politiques

120 Sur la base des circuits de vol édités par la DGAC, nous avons rencontré un peu moins d'une dizaine d'habitants du centre-ville de Marquette.

écologistes influents au sein de ces communes pourraient expliquer cet état de fait.

Constatant que l'aérodrome constituait bien une gêne pour certains habitants ,nous avons souhaité savoir comment les pouvoirs publics locaux pouvaient défendre une activité à priori indéfendable (peu de pratiquants et génération de bruit au-dessus de quartiers denses). Deux registres d'arguments s'avèrent mobilisés à cette fin.

L'argument de l'ancienneté de l'aviation sur ce territoire est ainsi systématiquement opposé aux personnes sollicitant des explications au sujet du bruit généré par les usagers aéronautiques. Il s'agit d'expliquer que l'aérodrome existe depuis les années 30, avant que les villes s'urbanisent. Une façon de dire aux riverains que l'ancienneté à conféré un droit acquis à la présence de cet équipement de loisirs, une forme de naturalisation du site par le temps :

« Souvent ce sont des gens qui ont emménagé l'hiver et qui font pas attention. L'été, dès qu'il fait beau, ils se rendent qu'il y a un...donc on leur a dit...quand ils nous écrivent, on leur répond toujours (sourire) que l'aérodrome existe depuis 1938 et que... ».121

Le représentant de l'APCA-LM nous a opposé le même argument, comparaison à l'appui avec une autre situation :

« Les riverains qui sont survolés actuellement ne peuvent rien dire, le terrain était là avant même qu'ils viennent s'installer eux-mêmes comme ça il y a une antériorité du terrain. Si on change les gens qui seront survolés, eux ils auront le droit de râler, il y a eu des exemples comme ça, à Rouen, scandale car ils ont rallongés une piste ».122

Le second registre mobilisable a été promu auprès des élus du SIGAL par les usagers de la plateforme lors du transfert de gestion de l'aérodrome, moment où ces derniers se sont inquiétés de la pérennité des activités aériennes sur le site :

« Faut savoir qu'il y a un autre argument massue pour sauvegarder notre terrain. Lors des réunions avec les élus du SIGAL, on leur dit « vous voyez cette belle verdure que vous avez là, imaginez qu'un jour ou l'autre ce soit supprimé, et bien il se trouve que ça décongestionnerait l'aéroport de Lesquin pour faire passer les lignes aériennes ici pour prendre la piste de Lesquin ; ça fait mouche ça. ».

Manifestement ce répertoire d'action discursif a été intégralement adopté par les membres de l'intercommunalité, élus123 ou fonctionnaires :

121 Entretien avec permanente SIGAL, 20/03/09.

122 Entretien, 11/05/09.

123 Lors d'un CS du 22/02/08, P. Astier met en avant le fait que l'activité aéronautique de loisirs protège des survols de lignes aériennes arrivant sur Lille-Lesquin.

« Ce qu'on dit aux gens c'est qu'avoir l'aérodrome ici, ça permet d'éviter que les avions de Lesquin ne survolent pas la zone; ça fait une barrière un peu pour les gros avions. En fait on est entre deux zones : la zone de Lesquin qui s'arrête vers La Madeleine et les zones belges donc on fait un peu tampon. »124.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon