TITRE 1. PANORAMA ECONOMIQUE ET REGLEMENTAIRE
Dans un premier temps, nous allons voir que l'ampleur de la
criminalité financière et la fraude fiscale ont des
conséquences importantes sur l'économie mondiale et peuvent avoir
de graves répercussions économiques, politiques et sociales dans
certains Etats.
De ce constat et devant l'ampleur du phénomène,
assez récemment, la communauté internationale a pris pleinement
conscience de l'urgence à mettre en place des initiatives communes afin
de lutter efficacement contre cette criminalité financière, par
le biais d'une coopération internationale.
Nous verrons également, que le secteur immobilier reste
un secteur très prisé par les criminels pour transférer ou
dissimuler des revenus illicites.
La loi impose ainsi à des professionnels ciblés,
dont les intermédiaires de l'immobilier, certaines obligations, sous
peine d'engager lourdement leurs responsabilités civile, professionnelle
et pénale.
I. Etat des lieux et ampleur du
phénomène
A. Quels enjeux ?
Les différentes activités criminelles telles que
le trafic de stupéfiants, la contrebande, la prostitution, la fraude,
génèrent d'énormes profits. Ces sommes « mal acquises
» doivent être légitimées par les délinquants,
grâce au blanchiment de capitaux.
L'individu ou le groupe impliqué doit trouver un moyen
de contrôler, de justifier ces fonds sans attirer l'attention sur son
activité criminelle ou sur les personnes impliquées. C'est
pourquoi, les criminels s'emploient, à masquer la provenance frauduleuse
de ces fonds, par le biais de différentes opérations nationales
ou internationales.
Aujourd'hui, les fonds d'origine criminelle
représentent donc, une part non négligeable de l'économie
mondiale. Le FMI (Fonds Monétaire International) estime ainsi en 1996,
l'argent du blanchiment entre 2 à 5 % de la production mondiale. De
même, selon
une estimation du GAFI (Groupe d'Action Financier),
l'activité du blanchiment pourrait représenter entre 590 à
1 500 milliards de dollars américains. 2
A titre d'exemple, le PIB de la France pour 2009, était
de 2 618 milliards de dollars américains.
En France, il est estimé que 120 milliards d'euros
seraient sous l'influence d'organisations criminelles. Egalement, chaque
année 6 milliards d'euros rentreraient dans l'Hexagone,
réinvestis dans l'économie et principalement, le BTP, les
marchés publics, les marchés de loisirs. 3
Aujourd'hui, ces chiffres traduisent un constat : le
blanchiment constitue désormais un secteur à part entière
de l'économie mondiale ; il est de plus en plus présent dans de
nombreux secteurs d'activité.
Si le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
peuvent se produire dans n'importe quel pays, ils ont des conséquences
économiques et sociales particulièrement importantes pour les
pays en développement.
Un programme de lutte contre le blanchiment d'argent laxiste
ou corrompu ou l'absence d'un tel programme dans un pays donné, laisse
le champ libre aux criminels et à ceux qui financent le terrorisme, leur
permettant d'utiliser leurs gains financiers pour étendre leurs
activités criminelles.
C'est ainsi que des pays tels que le Mexique, la Lituanie, la
Thaïlande ont pu voir leur activité économique et politique
contrôlée en partie, par la criminalité organisée,
et ce, par le biais de la corruption des plus hauts représentants de
l'Etat4,5.
Rappelé par Aberto Perduca6, s'il n'est pas
maîtrisé efficacement, le blanchiment de capitaux permet la
poursuite d'activités criminelles très lucratives et peut avoir
de graves répercussions économiques, politiques et sociales.
2 Rapport du GAFI « Money Laundering
», en date du 26 avril 2006
3 Jean-Luc Hérail et Patrick
Ramael (« Blanchiment d'argent et crime organisé » - PUF -
1996, p. 107)
4 Les
Prospérités du crime : Trafic de stupéfiants, blanchiment
et crises financieres dans l'après-guerre froide, Editions de l'Aube,
1999, Guilhem FABRE, professeur à la faculté des affaires
internationales de l'université du Havre
5 Revue Regard sur
l'Est, Dossier #37 : "Sécurité dans la nouvelle Europe à
25", Publication `' Corruption et blanchiment dans les Etats baltes. Des
maladies curables ?`', Emmanuel MATHIAS, Docteur en économie
(Université de Paris I -- Panthéon Sorbonne)
6 Magistrat italien de l'unité de
coordination de la lutte anti-fraude de la commission européenne
Dans ce même contexte, la fraude fiscale a egalement des
consequences importantes sur l'économie d'un pays.
En effet, « à l'heure où les
déficits budgétaires et les dettes publiques explosent, alourdis
par la crise économique et les mesures des plans de relance, le manque
à gagner de cette fraude pour les finances publiques est colossal
».7
L'estimation fournie par le SNUI 8(Syndicat
national unifie des impôts), illustre bien cet etat de fait : le montant
de la fraude et de l'évasion fiscale, qui profite essentiellement aux
grandes entreprises et aux contribuables aises, serait compris pour la France,
entre 42 et 51 milliards d'euros.
A titre de comparaison, l'impôt sur le revenu et
l'impôt sur les societes ont seulement rapporte un peu plus de 100
milliards d'euros au budget de l'Etat en 2008. Il convient egalement de
rappeler que la dette publique de la France estimee par l'INSEE, fin 2009, est
de 1 457 milliards d'euros. Cette dette est remboursee par la totalite des
contribuables.
La Commission europeenne quant à elle, evalue la fraude
fiscale entre 2 et 2,5 % du PIB, soit comprise entre 50 milliards à
2.000 milliards d'euros en 2009.
Ce n'est que recemment que plusieurs pays ont pris conscience de
l'ampleur reelle de ces menaces et de l'urgence à réagir.
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