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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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Négocier la différence

Martine considère qu'elle n'a à intervenir que de loin dans la relation entre George et Esteban. Elle trouve aujourd'hui qu'Esteban n'est pas très bien traité par son père. Elle le trouve dur et assez violent sans pour autant que cela prenne des proportions inquiétantes. Mais en tant que mère, elle tient à lui dire « ça, je ne suis pas d'accord ». Ensuite, il en ferait ce qu'il veut. Ce qui est très important pour elle serait d'être le relai. Si Esteban lui demande de dire quelque chose à son père parce qu'il a quatre ans et qu'il ne peut pas le dire, Martine ne se poserait aucune question, elle le dirait immédiatement. Mais entre elle et George, elle pense qu'il et elle se sont choisi-e-s avec le coeur d'une manière un peu excessive. Elle pense qu'elle aurait dû voir des choses qu'elle n'a pas voulu voir à une certaine époque. Pour elle, tant pis, c'est le père de son fils et elle fait avec. Leurs liens sont très forts même en se voyant très peu et même si Esteban a clairement deux familles, deux éducations, deux manières d'aborder la vie. Elle dit qu'elle aime George et qu'elle l'aimera toujours par le simple fait qu'il est le père de son fils.

C'est ce qu'Eva aime beaucoup dans la coparentalité : cette double culture, double éducation. Même si George fait partie de leur classe sociale et qu'il y a forcément des points en commun avec elles - sinon elles ne l'auraient pas choisi - il y a des éléments très différents entre les deux familles, relatifs aux modes de vie, aux représentations, aux valeurs. La politesse n'est pas la même chez George et chez elles, les règles de vie, les loisirs, les critères « moraux » entre guillemets, précise Eva, ne sont pas les mêmes. Les choses de la vie qu'elle trouve importantes ne sont pas forcément les mêmes.

Jim a deux enfants également. A un moment donné, Martine le voyait de manière idéale, un peu comme Eva, c'est-à-dire un « deuxième parent ». Un soutien, un autre modèle d'homme. Dans la pratique, les choses seraient moins idéales. Selon elle, le fait que Jim ait deux enfants limiterait son copaternage. George s'occuperait d'Esteban, Jim de ses enfants, ce serait un peu chacun de son côté. Mais elle considère que tant pis, ça les fait progresser. Elle considère qu'Eva bénéficie énormément de cette progression dans sa propre coparentalité qu'elle est en train de mettre en place. Martine pense que même si les choses ne sont pas idéales, elles font avec.

Elles ne feraient pas pour autant le deuil de leurs attentes, elles iraient droit au but. L'idéal de la famille est pour Martine, assez flou et dans le même temps, elle trouve que ce n'est pas plus mal. Personne ne sait ce qu'Esteban va prendre chez l'un-e, chez l'autre et elle trouve que tant mieux, c'est bien. Parce que comme ça, il aura un vaste panel de modèles et il

fera ce qu'il voudra de sa vie, il prendra où il a envie de prendre. C'est important pour elle qu'il ait cette liberté-là. Martine et Eva trouvent très riche qu'il soit élevé par plusieurs personnes différentes. Martine pense qu'il a des choses très bien à prendre chez George et Jim alors pour elle, tant mieux. Eva trouve que cela permet à Esteban comme à elles de relativiser tout ce qui est d'ordre social et de la culture.

Cette vision de l'enfant, profondément acteur de ses choix (dans le discours tout du moins, je n'ai pas observé les pratiques) semble être le comble de l'individualisme. Seulement, il faut sans doute relativiser, comme Martine et Eva le font d'ailleurs elles-mêmes, si l'enfant est incontestablement acteur, les décisions relatives à son lieu de résidence, et aux règles de vie - même différentes - dans ces lieux de résidence ne relèvent pas de lui. Ce choix de modèle qui lui est donné est valable pour un futur dans lequel il sera adulte.

Eva explique que si elles savaient qu'il y aurait des différences de point de vue entre les deux familles, toutes n'auraient pas été envisagées. Chacun-e ne pensait pas réagir sur certaines choses de la manière dont ils/elles l'ont fait. Elle pense qu'au début de leur projet, il y aurait eu un certain « flou ». Eva et Martine n'auraient pas forcément posé certaines questions et attendu des réponses claires et précises. Elles se seraient laissées un peu porter par leur vague d'enthousiasme. Il ya aurait eu alors des choses sur lesquelles les parents n'étaient pas d'accord : sur le temps passé par Esteban devant la télévision, sur ce qu'il regarde à la télévision, sur les fessées, sur les punitions. Mais Eva préfère voir ces différences comme un apport, un apprentissage de plus pour Esteban. Pour elle, il apprend des choses, à gérer ses peurs en ne regardant pas à la télévision ce qui l'effraie. Pour les fessées, Martine serait en train de discuter avec George non pas pour lui imposer son point de vue mais pour l'expliquer. George aurait dit à Esteban qu'il arrêterait de le taper. Cependant, elles pourraient intervenir sur les choses qu'elles jugent graves, comme des atteintes aux droits de l'enfant.

Ici, la différence est donc négociée de manière qui pourrait être égalitaire entre les deux foyers. Je ne peux pas évaluer l'égalité de George et Martine dans leurs échanges auxquels je n'ai pas assistés, d'autant plus que je n'ai pas rencontré George. Cependant, Martine et Eva ne s'autorisent pas à faire valoir devant moi, un savoir supérieur à celui de George, ce qui n'empêche pas qu'elles puissent penser que je leur donne raison sur des éléments d'éducations. La « neutralité » de l'enquêtrice trouve ses limites quand les enquêtées deviennent elles-mêmes observatrices. J'ai en effet rencontré Esteban à la sortie de l'école, je lui ai parlé, j'ai « parlé » à sa poupée et je désirais mener un entretien avec lui (que sa fatigue

a annulé). Elles ont donc pu percevoir ma propre vision des enfants comme individu-e-s à part entière et possédant leur parole propre.

Mais même si elles ont pu se dire que j'étais d'accord avec elles sur certains points, cela ne signifie pas qu'elles ont revendiqué leur opinion comme un savoir, une vérité qu'elle pourrait légitimement imposer à George. Soit parce qu'elles ne la considéraient tout simplement pas comme telle, soit parce qu'elles ressentaient que ce n'était pas socialement correct.

Chez Martine, Eva, George et Jim, l'éducation est perçue comme un ensemble d'opinions, de prises de position. Dans ce cas, la désignation systématique de la résidence principale des enfants chez la mère ne semble plus fondée. De même, les débats autour des questions d'éducation ne donneraient plus raison à un sexe mais au meilleur argument, à la meilleure référence (souvent psychologique). C'est le principe de la démocratisation87. Cependant, nous allons voir que ce n'est pas si simple et que les questions de « savoirs » même chez Martine et Eva persistent à être renvoyées du côté du biologique, dans le contexte de leur couple dans lequel l'une a été enceinte d'Esteban (Martine) et pas l'autre (Eva).

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