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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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3.3 L'enjeu du « savoir parental »

Pour Martine et Eva, si elles ne rapportent pas directement le « savoir parental » au féminin, en revanche, elles le rapportent à la biologie. Eva n'étant pas la génitrice d'Esteban saurait moins que Martine. Mais dans leur raisonnement, puisqu'elles rapportent le « savoir », plus précisément à la grossesse, on peut aussi en déduire qu'elles le rapportent au féminin. Pourquoi déclarer que Martine sait mieux d'Eva mais pas que George ?

Dans le premier cas, il y a cohabitation. George ne peut pas concurrencer directement Martine puisque leurs temps parentaux sont séparés et l'exercice de leur parentalité s'exerce sur des lieux différents. Sans doute les choses auraient-elles été différentes si tous deux vivaient ensemble. De plus, la société a assigné des rôles différents aux femmes et aux hommes dans la parentalité en créant les concepts de mère et de père. Martine et George sont donc tou-te-s les deux parents mais en étant perçu-e-s comme différent-e-s et complémentaires. Par ailleurs, Martine affirme leurs différences de point de vue quand à l'éducation. Chacun-e peut revendiquer le droit d'avoir Esteban chez lui/elle partiellement, principalement ou exclusivement. Tant que ce droit n'est pas en danger, et avec un espace et un temps parental (celui de George) sur lequel Martine n'a pas emprise (il et elle ne vivent pas ensemble), il est sans doute plus simple pour elle de se placer sur un pied d'égalité avec George et de négocier la différence effective.

Eva, elle, n'a pas de rôle défini par la société. « Mère sociale », « deuxième maman » dénote un rôle qui se rapporterait plus au féminin alors que « coparent » neutralise le rôle en termes de genre. Elle doit donc se définir par rapport à ce qui est connu comme étant de l'ordre de la parentalité (les rôles de père et de mère) tout en se différenciant du père et de la mère d'Esteban et surtout de cette dernière avec qui elle cohabite. L'idéologie actuelle de la famille est celle de la complémentarité des parents, laquelle justifie les inégalités mais assigne aussi à la différence. Et les prises de décision quant à l'éducation engendrent souvent des conflits comme on peut le voir entre les mères et les pères des familles rencontrées. Dire que l'une sait mieux sur les choses importantes permet aussi d'éviter la confrontation des points de vue et les conflits (si les deux points de vue se valent) dans le couple. Couple dont le lien est à protéger car la législation n'assurant aucun droit à Eva, seule Martine décide du lien entre Eva et Esteban en cas de séparation.

Eva explique qu'elle accompagnait Martine pour rencontrer les éventuels pères des enfants que Martine porterait mais qu'aujourd'hui, Martine préfère qu'Eva les rencontre seule dans un premier temps. Certaines conceptions de la parentalité ont donc changé chez Martine. Pour Martine, dire qu'elle sera « en retrait » par rapport aux enfants d'Eva, permet de justifier le « retrait » d'Eva par rapport à Esteban. Pour Eva, différencier la relation « construite » et la relation « naturelle » qu'ont respectivement elle et Martine par rapport à Esteban, permet également de justifier ces nouvelles inégalités.

Les inégalités sont donc très fortes. Elles se jouent tant au niveau du statut que des questions de genre. J'insisterai sur les premières tout en prenant en compte les secondes.

Entre un parent statutaire et un parent non statutaire, après la séparation, la gestion du droit de visite se fait dans la sphère privée et l'Etat n'intervient pas. Mais même, durant l'union, on ne peut pas revendiquer son point de vue de la même manière. Si cette inégalité de « savoir » est renvoyée au biologique et plus précisément si elle est renvoyée à la grossesse, elle n'en est pas moins due au statut. Lors des mouvements féministes, l'enjeu était de faire passer le privé dans l'espace public à travers la politique afin de défendre l'intérêt des dominé-e-s95. La démocratisation passe par une égalité de droit et donc par une reconnaissance de ces droits et statuts dans l'espace politique.

Dans le cas de George qui n'a pas été enceint d'Esteban, il peut choisir sa manière d'exercer la parentalité même en cas de désaccord avec la mère. Car l'Etat lui offre 50% de l'autorité parentale depuis 1987. Cependant, cela semble plus difficile pour Maël car il passe moins de temps auprès de l'enfant. Le temps parental est donc également une variable de légitimité.

Dans la partie suivante, je souhaite étudier comment les parents qui n'en ont pas le statut se font reconnaître et font reconnaître leurs rôles. Au fil des rencontres, je me rendrai compte que la définition même de « parent » n'est pas évidente, qu'elle est multiple et qu'elle dépend beaucoup du milieu et de l'enfant lui-même.

95 COMMAILLE Jacques, MARTIN Claude (1999), « Les conditions d'une démocratisation de la vie privée », in Borrillo Daniel, Fassin Eric, Iacub Marcela, Au-delà du PaCS : l'expertise familiale à l'épreuve de l'homosexualité, Paris, PUF, p.61-78.

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