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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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Faire reconnaître une parentalité sans

statut

Dans le cas de d'une homoparentalité

1 La parentalité : histoire de couple, histoire des parents statutaires, histoire familiale ou histoire individuelle ?

Quand nous racontons - que ce soit notre vie, une relation, un évènement, des vacances, une journée etc. - nous ne racontons jamais tout, seconde après seconde, détail après détail. Nous sélectionnons ce que nous souhaitons dire. La manière de raconter dit alors beaucoup de nous, de nos représentations, de nos stratégies discursives. Les personnes que l'on choisit d'inclure dans l'histoire, avec quelle récurrence, quelle importance donnée. Celles qu'on nomme, celles qu'on ne nomme pas, la manière dont on les nomme. Les espaces mobilisés, les lieux évoqués, les temps, les époques. Les sentiments ressentis, ce qui est pensé, imaginé. La manière de rendre le tout linéaire et cohérent, d'enchaîner les propos. Tout cela est signifiant. « Une personne qui exprime ses souvenirs, ne donne pas ou pas seulement idée de scènes vécues dans le passé, pour l'intérêt des connaissances qu'elles recèlent ou le pittoresque des situations. Cette personne révèle, par la position dans laquelle elle se décrit et l'interprétation qu'elle produit, son lien à tel groupe, sa distance à tel autre, et nous permet ainsi de situer son identité pour autrui [...] Au travers des jugements produits, qui définissent l'évènement ou la personne présentée positivement ou négativement, l'individu - ou le groupe - définit ses références, ses appartenances et ainsi son identité en se souvenant. » 96 Ce n'est donc pas tant ce qui est dit qui importe mais pourquoi on choisit de le dire à ce moment-là, ce qu'on souhaite dire. Parler de sa parentalité en se référant à l'histoire de son couple ou en se référant à la configuration toute entière (qui comprend éventuellement un autre couple) ou encore en ne se référant qu'à soi, c'est dire des choses qui vont au-delà des propos tels qu'ils sont énoncés. C'est dire, comme le souligne Gilda Charrier, ses appartenances, sa proximité ou sa distance à tel ou tel groupe, son positionnement. Dans le récit, ces références varient. Parfois, mes interlocutrices me parleront plus de leur couple, d'autres fois d'elles seules, ou alors des seuls parents statutaires, ou bien de l'ensemble des parents. L'enjeu n'est pas le même et le choix du groupe auquel on se réfère révèle des stratégies différentes. Je m'attarderai sur celles qui concernent la reconnaissance des parentalités sans statut.

96 CHARRIER Gilda (1993), Mémoire et identité : Le souvenir de l'accès à la profession comme expression de l'identité pour soi, Thèse de doctorat dirigée par François de Singly, Université Paris V, p.20 et p.26. Cette thèse s'appuie notamment sur les travaux fondateurs de Maurice Halbwachs, qui a proposé une approche sociologique de l'étude de la mémoire en la considérant comme la reconstruction du passé à partir d'un point de vue présent. HALBWACHS Maurice (1994), Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel (1ère édition 1925, Librairie Alcan)

J'ai repéré des moments du récit qui m'ont semblé - après lecture de mes entretiens - importants pour faire valoir une relation de parentalité : le choix de la configuration qui est le choix des personnes qui feront partie de la famille et surtout l'enjeu de ce choix dans le discours, dans la manière de le justifier ; la séparation du couple de femmes qui engendre une rupture dans le parcours et implique de le reconstruire, depuis le point de vue d'une conjointe séparée, afin de faire valoir ou non la parentalité sans statut ; la coparentalité elle-même, non pas son choix mais de quelle manière elle est utilisée pour faire valoir la parentalité sans statut ; l'investissement des rôles dits parentaux dans le couple, non pas l'investissement tel qu'il est mais tel qu'il est raconté, et enfin l'usage des photographies pour illustrer son récit, pour le servir.

1.1 Le choix de la configuration : privilégier son couple ou répondre à l'injonction de l'hétéroparentalité

Dans le récit qu'elle a écrit dans le passé, quand Vanessa raconte l'histoire de leurs parentalités à elle et Karine, elle commence au moment de leur rencontre. L'évidence de former une famille, l'évidence d'avoir un enfant un jour. Les démarches pratiques ont commencées trois ans plus tard avec l'idée d'une Insémination Artificielle avec Donneur Anonyme en Belgique. Le donneur anonyme permet de construire l'histoire de la parentalité exclusivement au sein du couple, pour que « chacune ait sa place de « parent »97 », explique Vanessa. Pour Anne Cadoret, le choix d'une configuration homoparentale particulière permet de faire reconnaître sa configuration comme assimilable à un ordre familial reconnu. Dans un projet de coparentalité, on choisit alors l'hétéroparentalité - par la présence d'un homme et d'une femme - et on laisse de côté la biparentalité (l'enfant a plus de deux parents). Dans le choix de l'IAD, on choisit la biparentalité - deux parents - en laissant de côté l'hétéroparentalité (ce sont deux parents de même sexe) 98. Mais choisir le donneur anonyme n'est pas seulement opter pour une configuration à deux parents qui permet de s'identifier au système biparental occidental. C'est aussi une manière de raconter l'histoire de la parentalité, de lui donner du sens en l'incluant dans la suite d'une histoire de couple. Si couple et parentalité sont moins confondu-e-s depuis la montée du divorce et la résidence alternée (on continue d'être parent après séparation du couple), il paraît néanmoins comme « allant de

97 Les guillemets sont de Vanessa.

98 CADORET Anne (2000), « L'homoparentalité, construction d'une nouvelle figure familiale », Anthropologie et sociétés, vol. 24, n°3, p.39-52.

soi » que la parentalité débute par une histoire conjugale. Raconter son couple pour raconter la parentalité, c'est construire son récit dans la logique commune « Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants » pour reprendre la conclusion des dessins animés de Walt Disney. Pour prendre un exemple plus récent, on entendait encore sur les radios il y a dix ans, Axelle Red qui chantait « Parce que c'est toi, je voudrai un jour un enfant et non pas parce que c'est le moment, parce que c'est toi. » L'enfant aujourd'hui est perçu comme la preuve d'amour au sein du couple, la preuve de l'existence du couple à titre posthume.

Ceci est une représentation particulière de la parentalité, elle n'est pas universelle. Chez les Nayar du nord de l'Inde, société matrilinéaire décrite par Marie-Elisabeth Handman, une femme peut épouser un homme, sans avoir de rapports sexuels avec lui et avoir un ou plusieurs amants, être enceinte sans qu'aucun de ces amants ne soit reconnu ni comme père, ni comme géniteur. Le père des enfants est l'oncle maternel99.

Raconter l'histoire de la parentalité en partant de son couple est donc bien typique d'un contexte occidental et permet de faire reconnaître l'autre, en tant que partenaire de parent statutaire, comme parent de l'enfant (Par ailleurs, avant la recherche en paternité, le père de l'enfant était le mari de la mère).

Documentaires et psychologues (lu-e-s et rencontré-e-s) font buter Karine et Vanessa sur le principe du donneur anonyme, car il représente, pour elles, les « origines » de l'enfant que ce dernier ne pourra pas connaître.

Quand j'interroge Vanessa que le sens qu'elle donne au mot « origine » de l'enfant, elle m'explique qu'il était important qu'Antoine connaisse ses « origines », c'est-à-dire qu'il connaisse ses ascendants, d'où il vient physiquement, qu'il puisse voir que son nez ou sa bouche vient du côté paternel, qu'il puisse avoir un arbre généalogique comme tout le monde avec deux côtés paternel et maternel... voire un troisième avec Karine (ce qui n'est selon elle que du plus, pour un enfant). Pour Vanessa, la compagne de la mère ne pourra jamais remplacer le côté paternel, en termes « d'origines physiques, physiologiques », même si elle peut jouer un rôle parental au quotidien et apporter autant qu'un père. Elle renvoie cela à la nature : « tant que deux femmes ne pourront pas avoir d'enfant ensemble physiquement parlant, le terme d'origine qu'elle nomme paternelle ou géniteur doit rester ». Vient ensuite selon elle, le choix de la place du père ou non, de l'acceptation de « non-origine » de l'enfant

99 HANDMAN Marie-Elisabeth (1999), « Sexualité et famille : approche anthropologique », in Borrillo Daniel, Fassin Eric, Iacub Marcela (dir), Au-delà du PaCS : L'expertise familiale à l'épreuve de l'homosexualité, Paris, Presses Universitaires de France, Collection « Politique d'aujourd'hui », p.245-261.

ou non. Pour Vanessa, la place du père est importante pas tant pour la ressemblance physique mais pour ce qu'elle appelle « l'origine biologique ».

Selon Martine, avec Eva, elles avaient décidé que de toute façon, il y aurait un père. Qu'Esteban se trouve d'autres modèles parentaux, qu'il crée dans sa vie d'autres modèles parentaux que ses parents « biologiques » (terme de Martine), c'est parfait pour elle. Pour Martine, le fait qu'Esteban ait un père ainsi que d'autres modèles parentaux n'est pas quelque chose de très intellectualisé. Pour elle, c'est important qu'il ait un père et un père qui soit un homme, ce qui n'empêche pas une relation singulière avec Eva. Une relation qui n'est pas vraiment une relation de mère car pour Martine, Eva n'est pas la mère d'Esteban. Eva serait selon Martine, un concept entre le père et la mère. Un concept qui n'existe pas dans les mots, ce serait à la fois son père et à la fois sa mère. Martine raconte que pour elles, c'était sans doute plus facile à vivre qu'il ait un père qui soit un homme plutôt qu'un père qui soit une femme ce qui aurait pu provoquer de la confusion dans sa tête. Pour Martine, Esteban a un père et une mère « biologiques », ce qui serait clair pour beaucoup de gens (cela fait penser aux recompositions familiales). Cela plait à Martine d'avoir cette relation privilégiée avec un homme et non pas un homme de substitution qui entrerait dans la configuration du père modèle. Pour elle, un père, ce n'est pas ça. Elle souhaitait éviter à Esteban de se trouver dans une quête désespérée de recherche de son géniteur. Elle se réfère alors à Françoise Dolto qui aurait énoncé qu'il vaut mieux un père alcoolique que pas de père du tout. Martine ajoute qu'il vaut mieux que ce soit un père « biologique » qu'un modèle paternel projeté sur l'entourage comme cela se pratique dans le milieu homosexuel.

Eva explique qu'elles ont fabriqué leur famille en fonction de leurs contraintes, leurs envies, c'est-à-dire que d'un point de vue « biologique », elles ne pouvaient pas avoir d'enfant ensemble et qu'elles avaient envie que l'enfant ait un père d'un point de vue « social ». Il lui semble même qu'il y a des recherches qui se font pour que deux femmes puissent avoir un enfant ensemble d'un point de vue « biologique » mais elles avaient de toute façon décidé que ce qui leur plaisait était que l'enfant ait un père et une mère, qu'il puisse être élevé par ses deux parents.

Il y a donc deux craintes différentes : l'absence de la connaissance des « origines », et l'absence de référent masculin. Ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Le référent masculin renvoie à l'éducation, à la socialisation de l'enfant lui-même. Les « origines » sont renvoyées communément au biologique comme dans le cas de l'adoption. Elles peuvent également renvoyer, comme le souligne Vanessa, à la constitution d'un arbre généalogique -

lequel comprend pourtant bien des manques en termes de référent-e-s ayant participé à notre socialisation et qui ajoute des personnes que nous n'avons jamais connues. Notre société a construit cet arbre sur l'idée de la filiation à comprendre en termes de lignée dans un système bilinéaire et hétéronormé (un côté maternel, un côté paternel), et non sur la réalité des relations elle-même. Selon Martine Segalen et Claude Michelat, si l'intérêt pour la généalogie est ancien, il a changé de sens dans les années quatre-vingt. D'une transmission des biens, des objets dans l'aristocratie, on est passé à une réaffirmation de l'identité à travers la construction d'un imaginaire familial100. La construction d'une généalogie existe donc avant la recherche en paternité. L'enfant était autrefois supposé être du mari de la mère puisque la mère devait l'exclusivité de sa filiation à son mari. Les « origines » ont donc été longtemps supposées mais surtout leur idée a été construite par la société - passant d'une identité de classe sociale à une identité individuelle au sein d'une famille. Leur aspect biologique n'a jamais été réel. Par ailleurs, Lisa qui n'est pas la mère statutaire de Thibault, qui ne l'a pas porté durant la grossesse, se définit comme au plus proche des « origines » de l'enfant par sa présence à sa naissance et dans les premières années. Il s'agit donc bien d'une construction à la fois sociale et individuelle.

Si les origines telles qu'elles sont perçues (c'est-à-dire « biologiques ») ne sont pas réelles, cette crainte est néanmoins souvent évoquée dans le cas de l'adoption et de l'insémination médicalement assistée avec donneur anonyme.101 Dans un article de Côté Femme au sujet de l'adoption102, on peut lire que :

100 SEGALEN Martine, MICHELAT Claude (1991), « L'amour de la généalogie », in Segalen Martine (dir), Jeux de familles, Paris, Presse du CNRS, p.193-208.

101 Par ailleurs, un projet de loi envisage de lever partiellement l'anonymat des donneurs de gamètes, [en ligne], URL : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10-304.html#timeline-6, Consulté le 20 avril 2011. Ce projet de loi confirme la construction sociale du biologique comme élément de l'identité.

102 Propos recueilli par CHAMPENOIS CLAIRE (2002), « J'ai aidé mon fils à retrouver sa mère biologique », Côté Femme, 24 avril 2002, [en ligne], URL : http://www.dorigineinconnue.org/affiche.php?noenr=56, Consulté le 02 juin 2009.

« Découvrir ses origines représente, pour un être humain, une nouvelle filiation. Elle ne remplace pas la filiation affective (adoptive et juridique), elle s'y ajoute. Votre maman témoin, Maïté, n'a pas compris tout de suite la souffrance de son fils Adrien. Ce n'est pas par crainte de le perdre s'il retrouvait ses parents biologiques. Mais elle estimait sans doute que, pour Adrien, petit garçon heureux, aimé et aimant, les liens du sang ne comptaient pas à ce point. Le malaise de son fils ne s'effaçant pas, Maïté, avec intelligence et générosité, a décidé de l'accompagner dans ses recherches. Elle sentait sans doute qu'elle devait être à ses côtés le jour où il connaîtrait son passé, car cela représente une épreuve. À l'évidence, la maman d'Adrien a beaucoup réfléchi à la question, elle a pris le risque de la vérité par amour pour son fils »

« J'ai aidé mon fils à retrouver sa mère biologique », CôtéFemme

Devant un tel article, on peut alors supposer que le rôle d'un « bon parent » est de permettre à l'enfant de connaître ses « origines », ce qui est jusqu'à ce jour et au moment de mes entretiens - impossible en France dans le cas de l'aide à la procréation médicalement assistée où l'anonymat du donneur est pour le moment, encore obligatoire103. En revanche, c'est possible dans le cas d'une coparentalité entre femmes et hommes.

Dans un tel contexte, on peut noter certains conflits d'intérêts comme le rappelle Vanessa qui voulait vivre sa parentalité exclusivement en couple sans priver l'enfant des atouts que la société lui fabrique. Pour elles, pour leur couple, elle souhaitait une famille sans autre personne que Vanessa et Karine. Mais pour l'enfant, elles ont l'impression de faire un choix égoïste car il n'aurait alors pas de père. Martine et Eva affirment avoir voulu que l'enfant ait un père dès le départ mais Martine considère Eva comme quelqu'un avec qui elle a fait un enfant en priorité, au nom de leur histoire d'amour et de leur famille qu'elles sont en train de construire ensemble. Pour elle, c'est la personne avec qui elle fait des enfants. Elle aura toujours, selon elle, un droit de regard sur la vie et sur l'éducation d'Esteban même en cas de séparation. Ce ne serait pas une place circonstancielle.

L'absence « d'origine », l'absence de référent du sexe opposé sont craintes mais ces craintes entrent en concurrence avec une histoire de la parentalité que l'on veut conjugale.

103 La loi est en train d'être discutée mais les sénateurs refusent pour le moment de lever l'anonymat sur le don de gamète. Etapes de la discussion [en ligne], URL : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10- 304.html#timeline-6, Consulté le 20 mai 2011.

Vanessa parle davantage de la première crainte (celle des « origines ») que de la seconde (celle du « référent »), mais la décision plus tard d'opter pour un père qui s'investit même un week-end sur deux plutôt que pour un donneur connu confirmera que la deuxième crainte était également présente.

L'absence de référent du sexe opposé est une crainte également véhiculée dans les médias. Un épisode des Maternelles montrent deux mères qui expliquent qu'elles ont pris en compte cette peur du manque de référent masculin en nommant un parrain pour chaque enfant, ceci afin de représenter cette figure masculine qu'elles auraient selon elles « mise de côté » pour le passage à l'adolescence notamment104. Dans « Parents comme ci, enfants comme ça105 », la pluralité des référents dans l'entourage des mères est mise en valeur mais la question de « l'idée du père » est posée. Objection à laquelle répond la femme concernée, âgée de 20 ans, dont le père et les deux mères ont conclu un accord de coparentalité. Elle n'a pas connu son père car il est mort mais l'idée du père, elle l'a. Plus que le référent masculin, c'est donc cette crainte de manque du père qui persiste dans les représentations. Il faut l'idée de la présence physique du père, même ancienne en cas de décès ou de rupture de contact, même lointaine en cas de distance géographique. Il n'est donc pas étonnant que la question se soit posée chez Vanessa et Karine. On retrouve la même idée chez les pères. Dans un article de Têtu News - sur les couples gays qui font appel à la Gestation Pour Autrui (GPA) - est évoqué le deuil des pères à ne pas offrir de mère à leurs enfants106.

Presque toutes les images véhiculées reviennent à expliquer que l'absence de père ou de mère constitue un manque pour la construction de l'enfant. Pourtant, dans certaines sociétés, comme celle des Nuers du Soudan et d'Ethiopie, les enfants peuvent être élevés par deux femmes, le père étant la personne ne pouvant pas être enceinte (ce qui peut correspondre à une femme stérile ou ménopausée) et assurant l'apport matériel de la famille107. Cette représentation de la nécessité de l'hétéroparentalité pour la construction de l'enfant - très présente dans les sociétés occidentales - trouve ses limites dès lors qu'on regarde ce qui se passe ailleurs.

Vanessa et Karine pensent alors à l'insémination artisanale avec un donneur connu, qui ne participera pas à l'éducation de l'enfant mais que l'enfant pourra connaître. Elles sont déçues du manque d'investissement des hommes rencontrés. Elles veulent finalement que

104 LE MARCHAND Karine (2006), op.cit.

105 HATTU Jean-Pascal, op.cit.

106 TERVONEN Taina, op.cit.

107CADORET Anne (1999), « La filiation des anthropologues face à l'homoparentalité », in Borrillo Daniel, Fassin Eric, Iacub Marcela (dir), Au-delà du PaCS : l'expertise familiale à l'épreuve de l'homosexualité, Paris, Presses Universitaires de France, p.205-224.

l'enfant ait un père et optent donc pour une forme de coparentalité. Une coparentalité avec une résidence principale chez les mamans. Elles rencontrent alors Maël, 40 ans, célibataire homosexuel, qui semble avoir les mêmes attentes de la famille qu'il veut fonder. Vanessa et Karine ont alors 23 et 24 ans. Leurs modes de vie sont très différents mais la différence est dite comme une richesse pour l'enfant. Maël sera le père de l'enfant.

Dans le cas de Karine, Lisa et Eva, leurs relations avec Antoine, Thibault et Esteban sont exclusivement privées puisque l'Etat n'intervient pas alors que dans le cas du père et de la mère statutaires, l'Etat intervient à travers les lois qui protègent le lien entre l'enfant et ses parents statutaires. Ici, les relations de Karine, Lisa et Eva à leurs enfants dépendent non pas de l'Etat mais de Vanessa, Véronique et Martine. Par conséquent, l'histoire du couple comme participant à raconter celle de la parentalité prend d'autant plus d'importance.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault