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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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1.5 Raconter l'investissement des rôles parentaux dans le cas d'une séparation

Lisa, séparée de Véronique, ne vit plus avec elle. L'investissement parental est alors raconté différemment. Lisa explique qu'il faut toujours se réapprivoiser, se retrouver, ce n'est pas évident d'être un « coparent divorcé » comme elle s'appelle. A ce titre, elle partagerait la situation émotionnelle des pères divorcés. Depuis fin 2006, elles formeraient une sorte de « famille recomposée » avec sa compagne et Thibault. Elle suppose que sa compagne serait une sorte de « belle-mère » mais elles n'ont jamais encore employé ce terme. Elle pense qu'elle a peut-être aussi aimé et choisi sa compagne parce qu'elle la projetait dans ce rôle-là. Lisa explique qu'elle a insisté auprès de Véronique afin de lui verser une petite pension alimentaire. C'était pour elle, symboliquement fort. La pension alimentaire, c'est la preuve de la participation matérielle, la preuve d'un apport reconnu communément comme étant celui des pères divorcés. C'est de plus un apport reconnu comme relevant de la parentalité quand on n'est pas quotidiennement auprès de l'enfant. C'est la ressemblance avec des familles reconnues, des parents reconnus.

Elle raconte qu'elle a dû quitter le logement familial en avril 2001 et elle n'a pu voir Thibault que quelques heures par ci par là jusqu'aux grandes vacances. Puis elle se serait entendue dire qu'il était hors de question qu'elle l'ait pendant les vacances car tout était organisé avec les pères et les grands-parents et que c'était déjà assez compliqué comme ça. Et de fait, il ne lui aurait pas été confié. A la rentrée de septembre, elle a dû appeler pour organiser une rencontre hebdomadaire. Elle ne sait plus quels termes elle a employés. Elle ne croit pas avoir dit que Thibault en avait besoin par exemple. Elle ne pense pas non plus qu'elle ait parlé d'un quelconque droit. Elle ne pense même pas avoir dit qu'elle était sa mère

ou son parent. Elle pense avoir plutôt parlé de la configuration sur laquelle s'était construite leur famille, qu'elle existait et qu'elle tenait à Thibault. C'était plutôt le registre sentimental selon elle. Mais elle ne se souvient plus.

Elle raconte qu'en août 2006, par téléphone, Véronique lui a reproché un article paru dans un magazine sur les ruptures homoparentales, alors qu'elle l'aurait fait sans haine pour évoquer ce qu'elle considère comme des échecs. Véronique dit que Lisa les a totalement abandonné-e-s elle et Thibault. Lisa explose et rappelle ses demandes répétées qui étaient rejetées, sans issue, le refus de sa pension alimentaire, le peu dont elle se contentait depuis cinq ans, jamais une nuit chez elle, aucun week-end, aucune vacances etc. Ce jour-là d'août 2006, Lisa se souvient avoir parlé d'un droit tout théorique à avoir Thibault un quart du temps soit une semaine toutes les quatre semaines, et un quart des vacances. Véronique serait restée sans voix, Lisa pense qu'elle ne l'avait jamais envisagé sous cet angle et Lisa aurait continué en disant que comme elle avait bien conscience que Thibault avait déjà deux foyers chez Véronique et chez les pères, ce ne serait pas très évident pour Thibault d'en gérer un troisième. Lisa aurait renoncé à cette idée mais elle trouverait normal de le voir et de l'avoir davantage avec elle. Elle pense qu'ayant échappé au pire (le quart du temps), Véronique aurait concédé ou compris sa vision et elles se seraient mises d'accord sur un week-end tous les deux mois entre chaque vacances scolaires et au moins une semaine pendant les vacances.

En septembre 2006, ce fut leur premier week-end à tous les deux et elle raconte qu'elle était très heureuse. Elle avait acheté tout le nécessaire pour qu'il puisse dormir chez elle, des choses qui représentent le quotidien : brosse à dent, pyjama, slip de rechange, tee-shirt, puis le petit maillot de bain... Pour elle, ce sont de vrais fétiches dont elle en a conservés certains. Pour elle, il et elle ont été inscrit-e-s dans une autre histoire à partir du moment où il a dormi et pris son petit déjeuner chez elle, où il et elle ont même le temps de prendre le temps.

Lorsqu'elles vivaient ensemble, Lisa aurait assumé les fonctions parentales à parité avec Véronique. Mis à part l'allaitement dès début, elle aurait nourri Thibault, l'aurait lavé, changé, habillé, mais jamais arrêté le travail pour le garder, cela aurait été selon difficile à expliquer. Elle aurait joué, lui aurait lu des histoires, joué de la guitare et chanté des chansons, expliqué le monde, et d'autres choses. Et après la séparation, dès qu'elle le voit, c'est toujours ce qu'il et elle feraient. Ces pratiques sont celles que l'on reconnaît aujourd'hui comme faisant partie des fonctions parentales : offrir les outils de compréhension du monde, cultiver l'enfant tout en assurant le quotidien, les pratiques ordinaires : habillement, l'hygiène, le coucher, le lever, les repas. L'achat de choses simplement « utiles » est le symbole même de la parentalité. Il ne s'agit pas des cadeaux que l'entourage plus ou moins proche pourrait faire. Il s'agit d'objets

dont l'enfant se moque (comme la brosse à dent) mais qui lui sont nécessaires. Subvenir à ce genre de besoin place la personne dans un rôle particulier, reconnu socialement comme celui de parent.

Et puis, il y a eu la première semaine de grandes vacances. Lisa aurait eu Thibault exceptionnellement deux semaines l'été dernier. Le clan composé de Thibault, Lisa et sa compagne, peut alors partir plus loin, en Grande-Bretagne. Voyage qui a donné lieu à des photos que j'évoquerai plus loin118, photos qui sont les premiers éléments de l'histoire de Lisa auxquels j'ai eu accès, dès la première prise de contact.

Voir l'enfant sur un rythme - sinon quotidien - comparable à celui des familles après la séparation des parents, permet de faire reconnaître une parentalité pratiquée en face à face avec des moments passés ensemble et donc la construction d'une histoire commune, avec des objets qui participent à la construction de cette histoire et d'une mémoire familiale119 (Lisa conserverait d'ailleurs ces objets, qui ne sont communément conservés que par les parents). Le rythme régulier des rencontres et la pension alimentaire font échos à un droit réservé habituellement aux parents statutaires (les grands-parents ayant droit à une semaine par an) et finalement reconnu - puisque permis - par la mère statutaire.

Si le lien peut être reconnu en mobilisant d'autres liens alentours (avec la mère statutaire par exemple), il en est d'autant plus précaire puisque dépendant de l'espace privé et principalement de la mère. Si la reconnaissance, quand elle est possible, en est accrue c'est parce qu'elle n'est pas systématique et que la démocratisation au sein de la famille est un processus qui ne concernent que les personnes ayant un statut parental défini par l'espace politique. Le statut empêche toute remise en question de l'existence de la relation.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway