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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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En guise d'ouverture...

L'histoire d'une parentalité sans statut en

dehors de tout espace familial

Au moment de rechercher les personnes qui m'ont raconté leur parentalité sans statut, je ne pensais pas particulièrement et je ne précisais pas qu'il devait nécessairement s'agir d'homoparentalités ou de recompositions familiales. Sans doute, les débats politiques actuels et les représentations communes ont associé mon annonce à ces deux configurations. Il est de plus sûrement difficile de s'autoriser à se dire « parent » en dehors de toute définition reconnue ou du moins débattue dans l'objectif d'un statut. Ce n'est qu'en fin d'entretien avec Philippe, que mon intuition s'est confirmée. Il peut exister des formes de parentalité en dehors de l'espace famille, Philippe se considère comme parent d'une jeune femme rencontrée dans sa vie professionnelle. Il ne m'en a pas parlée quand je lui ai demandé au départ de me parler de lui en tant que parent, ni après. Ce n'est qu'en toute fin d'entretien, c'est-à-dire au moment de clore - quand je lui ai demandé s'il souhaitait ajouter quelque chose - qu'il m'a raconté cette autre relation.

Pour Philippe, un adulte doit être « un « parent » en soi » par rapport aux plus jeunes. Il vit actuellement une expérience forte en « « servant » de père » à Hélène, une fille de 33 ans, qui aurait été fortement blessée dans toute sa jeunesse. L'histoire d'un père incestueux décédé quand elle avait 12 ans et d'une mère qui l'aurait mal aimée, décédée il y a deux ans. Hélène serait alcoolique, aurait suivi plusieurs stages de désintoxication, aurait eu plusieurs boulots décousus. Elle se serait mariée à 19 ans et aurait divorcé un an plus tard.

Philippe l'a connue il y a seize ans, dans le cadre d'une plongée. Tou-te-s deux auraient beaucoup discuté, se seraient attaché-e-s l'un-e à l'autre. Petit-à-petit, Hélène aurait commencé à lui raconter son passé, sans beaucoup de détails au début, mais suffisamment pour que Philippe ressente qu'elle avait besoin de s'appuyer sur quelqu'un-e. « Son besoin « d'enfant » » et le « réflexe [de Philippe] de « parent » » aurait suffi à faire le reste. Hélène le considèrerait depuis comme son « papa de coeur ». Philippe essaie de lui apporter des « transmissions » comme avec ses enfants, essaie de l'aider à se sortir de son passé. Selon lui, c'est un programme difficile mais qui reflète ce que doit être un adulte parent.

Depuis, il et elle s'écrivent par SMS, mail et tchat. Quand il va dans sa région, tou-te-s deux essaient de se rencontrer. Pour lui, les rencontres sont tournées sur le plaisir de se voir « comme entre « père et fille » ». Il n'y aurait aucun sujet particulier abordé de façon particulière. En tout cas au début. Il a rencontré Catherine, sa mère, un an avant son décès et il serait à ce moment-là, un peu plus rentré dans son intimité morale et psychologique. Philippe et Catherine se seraient vu-e-s trois fois dont deux chez elles. Le contact aurait été très rapidement amical. Tou-te-s deux ont le même âge. Il pense que cela a aidé. Il suppose que Catherine a perçu le lien qui se construisait entre lui et sa fille et qu'elle en était heureuse

voire rassurée pour la suite. Elle se savait mourante et elle était, imagine Philippe, inquiète de l'état psychologique d'Hélène. Elle n'aurait jamais demandé quoique ce soit à Philippe mais elle lui aurait fait comprendre qu'elle était contente de cette relation pour le futur. « Comme un passage de flambeau ».

Plus récemment, Hélène aurait « craqué » et aurait d'elle-même souhaité le voir. Philippe y serait allé et aurait longuement discuté avec elle et son copain sur son état psychologique général. Il pense qu'à ce moment-là, il y aurait eu un échange fort de parentalité. Elle, cherchant un « « père » « pour s'appuyer » » et lui tentant de « « transmettre » à « sa » fille », ce qu'il pouvait. Odile la connaîtrait bien et la suivrait en tant que « mère » dans ce processus. Philippe peut alors ressentir clairement le sens de « parentalité » « vraie », « fausse » voire « totalement fausse », ce qui lui prouverait que la « génétique » n'est pas le seul modèle de transmission d'échange entre personnes de générations différentes.

La conception qu'a Philippe de la parentalité correspond à une relation intergénérationnelle de transmission et il tend à la définir en dehors de toute notion statutaire ou liée à l'engendrement. Cette relation qu'il entretient avec Hélène montre la possibilité de se choisir. Les expressions et plaisanteries « On choisit ses ami-e-s, pas sa famille », « On ne choisit pas ses parents mais on peut choisir l'arme du crime » ne vont donc plus de soi. Les relations entre individu-e-s se détachent peu à peu d'un cadre institutionnel165. On est passé du mariage au concubinage pour arriver aux couples non cohabitants. Il en est de même pour la parentalité qui tend à se définir en dehors des institutions définies par l'Etat. Les acteurs et actrices définissent eux/elles-mêmes, leurs univers, leurs réseaux, leurs relations en jouant avec ce qui est reconnu, ce qui tend à l'être, et ce qui ne l'est pas (encore).

Un numéro de Recherches familiales166 récemment publié, tente d'étudier différentes formes de transmissions et liens intergénérationnels (familiaux, sociaux, historiques, statutaires, professionnels). Mais, contrairement à Philippe, ce numéro considère les relations de parentalité exclusivement au sein de la famille, tandis que le reste des liens correspondrait à d'autres formes de relations. L'ouvrage ne considère pas les formes de liens privés construits entre deux personnes d'âges différents, qui ne se considèrent pas de la même famille mais qui se considèrent « fille/fils de », « parent de ».

165 SINGLY François de (2007), Le lien familial en crise, Paris, Editions rue d'ULM.

166 Recherches familiales, n°8, « Lien intergénérationnel et transmissions », UNAF, 2011.

1 Une relation en dehors de la famille

La relation que décrit Philippe questionne les définitions habituelles de la famille et de la parentalité. Par ailleurs, il les sépare car il parle de la parentalité comme d'une relation autonome c'est-à-dire indépendante de tout cadre institutionnel comme la famille. Pour lui, elle pourrait exister avec n'importe quelle personne appartenant à une génération plus jeune. La parentalité n'est alors plus soumise à l'idéologie d'une famille composée de deux parents en couple au moment de la conception ou de l'adoption. Elle n'est plus soumise non plus à la logique de l'hétéroparentalité qui dépend de celle du couple. Elle devient donc plurielle. Elle devient aussi choisie de manière bilatérale, c'est-à-dire par le parent mais aussi par le plus jeune. La volonté du parent ne suffit plus à créer la relation comme c'est le cas de l'adoption institutionnelle et de la conception.

L'enquête d'Eva Lelièvre, Géraldine Vivier et Christine Tichit sur la parenté choisie entre 1930 et 1965 montre que les figures parentales étaient davantage portées par les femmes que par les hommes167. Et que ces figures entretenaient le plus souvent un lien familial avec l'enfant : grands-parents, oncles, tantes, soeurs, frères, cousin-es... Mais pour 16% d'entre eux/elles, il s'agissait de quelqu'un-e sans aucun lien de parenté instituée.

Cela révèle une fois de plus l'importance de l'enfant - ou du moins du plus jeune, pour ne pas construire de catégorie d'âge - dans la construction de la relation. L'enquête d'Eva Lelièvre, Géraldine Vivier et Christine Tichit s'est construite à partir de leur point de vue en leur demandant quelles étaient leurs figures parentales.

Si la filiation et/ou la parentalité au sein de la famille sont est des filiations et/ou parentalités « à part », elles ne le sont que par leurs constructions sociales. Autrement dit, parce que nous faisons d'elles des relations « à part » et privilégiées. Elles ne le sont ni d'emblée ni de manière naturelle.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote