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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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2 Des relations privilégiées

Pour autant, Philippe a bien choisi de me parler que quelques relations autour de lui sans rester dans les généralités de ses relations avec tous les enfants qu'il rencontre. Ce qui signifie qu'il existe bien des relations construites comme prioritaires. S'il considère donc qu'il a des responsabilités d'adulte, de parent, vis-à-vis de tous les enfants, il ne se construit pas une

167 LELIEVRE Eva, TICHIT Christine, VIVIER Géraldine, op.cit

identité de parent de manière égale pour chacun-e d'entre eux/elles. Il le dit, il y a un privilège pour les siens, c'est-à-dire pour celles et ceux avec qui il vit au quotidien (sans pour autant que le lien soit statutaire). Sa relation avec Hélène est aussi différente de ses relations avec d'autres jeunes ou enfants qu'il rencontre car elle a été dite, construite comme telle entre les deux protagonistes.

Pour reprendre le langage de Peter Berger et Thomas Luckmann, ce sont les « autres significatifs » qui participent à construire notre identité168. Cela signifie que le privilège sera donné aux relations de parentalité qui servent l'identité de parent de l'individu-e d'une part, et son identité sociale en général d'autre part. Pour cela, Philippe ne revendiquerait sans doute pas une relation avec un « plus jeune » qui n'a pas besoin de lui comme parent, qui ne le reconnaît pas comme tel - s'il ne vit pas sous son toit et s'il n'y a pas de lien statutaire. Le lien statutaire crée la notion de droits et de devoirs qui rend facultative la confirmation par l'enfant. La cohabitation implique la solidarité conjugale et l'exercice quotidien de la parentalité qui participe à légitimer l'identité de parent, même si le point de vue de l'enfant prend d'ors et déjà davantage d'importance (comme j'ai pu le voir avec Anne). En revanche, la relation entre Philippe et Hélène n'est basée que sur une histoire racontée, la construction de souvenirs partagés. Elle ne peut prendre appui sur aucun statut ni aucune cohabitation. La seule relation qui légitimerait la parentalité est la filiation que construirait, selon Philippe, Hélène de son côté - en le considérant comme son « papa de coeur ». Ni l'histoire d'un couple ni l'histoire d'une configuration familiale ne rentre dans le discours. C'est bien ce qu'il considère comme la demande d'Hélène d'avoir un parent qui est racontée.

Dans tous les cas (statut, cohabitation, demande), Philippe peut faire valoir ce qu'il revendique être des responsabilités adultes. Les relations racontées servent donc bien son identité sociale.

3 Une relation choisie, pas forcément confirmée par l'autre

Philippe ne semble pas avoir d'emblée été parent d'Hélène, tout comme il ne l'a pas été d'emblée pour les enfants avec qui il vit. Il l'est devenu suite à une rencontre, une élection mutuelle (pour Hélène), suite à une cohabitation (pour les enfants statutaires d'Odile) ou suite à une reconnaissance à l'Etat Civil au moment de la naissance (pour ses enfants statutaires)

168 BERGER Peter, LUCKMANN Thomas (2006), La construction sociale de la réalité, Paris, Armand Colin (1ère édition 1966, The Social Construction of Reality)

Le « T'es pas mon père » démontre qu'il n'a pas non plus été reconnu comme parent par tous les enfants en question, même s'il se considérait comme parent. Lisa, de même, considérait que Thibault était au départ trop petit pour exprimer qu'il la considérait comme parent. François ne revendique aucune confirmation de la part de Sarah. En revanche, pour Hélène et Philippe, la demande serait selon lui - venue d'elle. La parentalité serait dans ce cas, une réponse à une affiliation (dans le sens où Hélène le considèrerait selon lui comme son « papa de coeur »). Dans le langage de François de Singly, la parentalité pourrait alors devenir un lien électif au même titre que le couple, dans le sens où il serait choisi et choisi de nouveau continuellement jusqu'à rupture du lien, quand il ne sert plus l'identité des membres de la relation. Il prend l'exemple de François d'Assise. Dans cette situation, c'est la filiation qui est rompue. « A son procès [que lui a intenté son père car il était un mauvais fils], François d'Assise dit : « Je ne suis plus ton fils », ce qui est très différent d'un père qui dirait « Je ne suis plus ton père ». [...] Quand François d'Assise dit « Non, je ne suis pas d'abord le fils de mon père », il choisit sa propre définition, définition qui n'exclut pas le fait qu'il peut choisir un autre père (il choisit Dieu). Mais pas n'importe quel Dieu, pas le Dieu des missions de la fin du XIXème siècle qui fait trembler. Il choisit un Dieu éminemment personnel. »169

Entre un parent et son affilié-e, il y a donc bien deux relations qui ne s'impliquent pas l'une et l'autre. On peut se considérer comme parent d'un-e individu-e qui ne nous considère pas comme tel. Inversement, on peut être considéré comme parent par une personne sans que nous-mêmes ne soyons au courant de cette considération, ni que nous ne nous définissions de cette manière.

169 SINGLY François de (2007), Le lien familial en crise, Paris, Editions Rue d'ULM, p.8-9.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld