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L'Open Gov et l'administration publique

( Télécharger le fichier original )
par Trabelsi Iheb
Ecole Nationale d'Administration de Tunis - Cycle Supérieur de formation des Conseillers des Services Publics 2012
  

Disponible en mode multipage

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République Tunisienne

Présidence du Gouvernement

Ecole Nationale de l'Administration

Mémoire de fin d'études au cycle supérieur

L'Open Gov et l'Administration Publique

Elaboré par :

Iheb TRABELSI et Jamel BAGHDADI

Filière de formation : Administration générale

Sous la direction de :

M. Nabil DAHMANI

Juin 2012

L'Ecole n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le cadre de ce mémoire.

Ces opinions doivent être considérées comme propres

à leurs auteurs.

Remerciements

Nous tenons à remercier Monsieur Nabil DAHMANI

qui a eu l'amabilité d'assurer la direction de cette recherche

et qui nous a guidés par ses précieux conseils. Nous

espérons qu'il trouve dans ce travail le témoignage de notre

profonde reconnaissance.

Liste des Abréviations

OPSI : Office of Public Sector Information au Royaume-Uni.

APPSI : Advisory Panel Of Public Sector Information au Royaume-Uni.

NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.

TIC : Technologies de l'Information et de la Communication.

ONG : Organisation Non Gouvernementale.

EPIC : Etablissement Public Industriel et Commercial.

CIGOV : Comité Interministériel e-gouvernement au Maroc.

SPGOV : Structures de Pilotage e-gouvernement au Maroc.

DPGOV : Direction de Pilotage du programme e-gouvernement au Maroc.

ANC : Assemblée nationale constituante.

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement.

OGP : Open Government Partnership.

Sommaire

Première Partie: Présentation de l'open government.

Chapitre I : Identification de l'open government.

Chapitre II : L'open government : vers une modification à la copernicienne de l'administration publique.

Deuxième Partie: Une initiative tunisienne d'open government à la lumière d'expériences internationales.

Chapitre I : Expériences comparées de l'open government. Chapitre II : L'open government en Tunisie.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Introduction

Il arrive que les grandes décisions ne se prennent pas, mais se forment d'elles-mêmes (Henri Bosco). Le déclenchement d'un processus de réforme ou de modernisation du secteur public peut répondre à une volonté de remédier aux défaillances et aux insuffisances d'un système en place comme il peut refléter une volonté d'être en phase avec les avancées réalisées par d'autres pays. La modernisation du secteur public s'apparente comme une nécessité et non plus une option pour l'Etat. Elle constitue une occasion pour les autorités publiques pour faire face à l'évolution des besoins de la société et à être en phase avec ce qui se réalise sur le plan international fortement imprégné par un changement en perpétuelle continuité.

L'administration publique tunisienne a été toujours attentive aux transformations que vit son environnement (local ou international). Des programmes de modernisation ont été élaborés afin de s'approprier des innovations en matière de la gestion des services publics. En effet, elle n'a pas hésité à mettre en oeuvre des politiques visant l'amélioration des prestations administratives et des rapports citoyens/ administrations. Les programmes tels que « le citoyen superviseur », « le médiateur administratif », « le guichet unique », « l'administration électronique » et tous les programmes d'amélioration la qualité des prestations administratives et la simplification des procédures administratives en témoignent de cette volonté.

Les programmes sus mentionnés ont été une occasion pour intégrer d'avantages les technologies de l'information et de la communication (TIC) dans tous les rouages de l'administration. Cette introduction des TIC a favorisé le lancement du projet de l'e-gouvernement suite à la satisfaction des usagers constatée après la mise en oeuvre de certains projets de l'administration

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L'Open Gov et l'Administration Publique

électronique (liasse unique, déclaration des impôts à distance, services bancaires, création en ligne des entreprises...).

En outre, les effets positifs escomptés après la mise en place des ces projets et la phase de transition démocratique que vit le pays ont amené beaucoup d'observateurs à penser que « l'e-gouvernement pouvait entraîner la réalisation de la démocratie grâce à des formes de participation citoyenne plus directes et rendre l'administration plus transparente grâce à une prestation de services électronique ouverte »1.

Les TIC, plus particulièrement l'internet, ont changé l'état des lieux et ont bouleversé les rapports classiques Etat/administré. Les relations sont devenues de plus en plus interactives entre le gouvernement, la société civile et les citoyens grâce aux potentialités offertes par le web. « Le web change le comportement des internautes : auparavant spectateurs, ils deviennent des contre-pouvoirs... et court-circuitent les modèles classiques »2.

La généralisation d'internet a changé beaucoup la donne : le réseau a offert une solution pour remédier aux problèmes de cloisonnement entre les services et la difficulté d'accès du public à l'administration. Il a encouragé l'administration à adopter de nouveaux canaux de communication/dialogue avec les citoyens. On parle actuellement d'une administration ouverte où le droit d'accès aux documents et aux données publiques, l'interactivité avec les usagers des services publics et la participation collective dans la prise de décision constituent ses principales caractéristiques. Cette nouvelle état d'esprit de l'administration a été favorisé par l'internet qui est devenu comme un « moyen pratique de diffuser des informations concernant le fonctionnement du service

1Jho ( W), « Les défis en matière d'e-gouvernance : protestations de la société civile concernant la protection de la vie privée dans l'e- gouvernement en Corée », RISA, 2005 (Vol. 71), pp. 163-180.

2Huet (JM), Denervaud (I), et L'Hostis (AF), « Cinq ans après la bulle Internet, les nouveaux modèles d'affaire », in « Le meilleur de la stratégie et du management », Sous la direction de Benghozi (PJ) et Huet (JM), Ed. Person, 2009, p 136.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

public, de faciliter les mécanismes de rétroaction et de permettre une participation plus directe dans le processus décisionnel. Le principal objectif de l'utilisation des TIC était la communication en temps réel et bilatérale dans la production, la transmission et l'utilisation de l'information »3.

De ce fait, l'internet a été un catalyseur pour formuler une initiative citoyenne qui plaide pour un rôle actif des citoyens dans le management des affaires publiques. Les peuples sont devenus de plus en plus exigeants : les modes classiques de la gestion publique sont de plus en plus contestés. Ainsi, « la façon dont les dirigeants prennent leurs décisions a changé : il n'est plus acceptable que celles-ci soient le fait d'un petit nombre de personnages puissants qui prétendent agir au nom du plus grand nombre tout en refusant de l'impliquer dans leurs délibérations. A compter du moment où la diffusion de l'information s'est renforcée grâce aux nouvelles technologies, de plus en plus de personnes se sont senties capables de débattre de décisions qui affectaient leur propre existence... »4.

L'apparition du web2.0 a été un facteur déterminant pour initier des projets de «démocratie participative » dont l'objectif est d'associer les citoyens, la société civile et les gouvernements dans la conception et l'exécution des politiques publiques.

Avec le couple internet et web 2.0, la possibilité d'une administration véritablement ouverte, transparente et dans laquelle une coopération effective « en ligne » avec les citoyens, est devenue une réalité et on « reconnait de plus en plus qu'une administration ouverte satisfaisante... est un facteur essentiel de

3Jho (W), op. cit pp. 163-180.

4Thomas (JC), Action publique et participation des citoyens : pour une gestion démocratique revitalisée, Nouveaux horizons, 1995, p1.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

gouvernance démocratique, de stabilité sociale et de développement économique »5.

C'est ainsi qu'on parlait depuis le 8 décembre 2009 ; date de publication par l'Administration Obama de l'Open Government Directive ; de l'open government ou de l'administration ouverte. Il s'agit de l'une des dernières formes de mobilisation des TIC pour mener des programmes de réforme du fonctionnement des gouvernements qui visent à assurer plus de transparence et d'interactivité dans la conception et l'exécution des politiques publiques. Cette nouvelle approche de l'open government est sollicitée en tant que remède aux défaillances de l'administration publique notamment en ce qui concerne les volets de transparence et de démocratie participative. En effet, l'open government se présente comme un nouveau mode de gouvernance permettant à la fois la publication via internet des données publiques, jugées longtemps confidentielles, et l'échange d'idées et d'informations avec les citoyens, notamment les usagers de l'administration publique.

L'orientation vers l'adoption de l'open government a rapidement acquis de terrains et beaucoup de pays ont engagé des programmes pour s'approprier cette nouvelle approche. A ce titre, après les Etats-Unis, le phénomène d'Open government va attirer l'attention d'autres Etats, notamment anglo-saxons comme l'Australie, le Canada et le Royaume-Uni. Par la suite se sont les européens qui vont suivre ce mouvement international et qui vont l'élargir pour toucher leur espace communautaire à travers des directives européennes qui ont mis en place un cadre juridique communautaire adéquat pouvant servir de source d'inspiration pour initier des projets étatiques similaires.

Il faut signaler que l'open government est sollicité par les pays non seulement pour renforcer la légitimité des gouvernements via la veille sur la

5OCDE, « La modernisation du secteur public : l'administration ouverte », Juin 2005, p 1.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

transparence de la gestion publique et la participation citoyenne dans cette gestion mais également pour bénéficier des effets économiques positifs de cette approche de gouvernance. En effet, une administration ouverte permettra une relance économique à travers la réutilisation des données ouvertes (l'open data). Les Etats, conscients de l'enjeu économique de la réutilisation des données publiques, font de la gouvernance ouverte un véritable secteur économique prometteur. Ainsi, par exemple, la réutilisation des données publiques en Espagne représente un marché d'environ 2 milliards d'euros supposé employer prés de 45 000 personnes dans dix ans6. Cet enjeu économique important va mettre les Etats dans un véritable concours pour instaurer un open government.

Pour mieux encadrer cette mouvance, une organisation internationale a appelée «Open Government Partnership» a été créée en Septembre 2011 sous l'impulsion de 8 pays fondateurs. Elle organise des sommets internationaux auxquels participent des représentants d'Etats, ainsi que des représentants de la société civile. Cette organisation compte, aujourd'hui, 60 Etats membres. La Tunisie, qui n'en est pas encore membre, a participé à son dernier sommet au Brésil au mois d'avril 2012. Cette participation témoigne de la volonté du pays de son engagement dans une démarche d'ouverture de ses données publiques pour laquelle les expériences vécues à l'échelle internationale seront d'un grand apport.

Toutefois, s'inspirer du contexte mondial du développement de l'open government ne revient pas à transposer des modèles prêts à installer. La spécificité du contexte tunisien s'impose, surtout, vu le changement que vit le pays dans le cadre d'une transition démocratique post-révolutionnaire.

La révolution tunisienne à été une source d'émancipation pour la société civile et les citoyens : des organisations, des personnes et des entreprises

6Selon l'étude Mepsir (2006).

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L'Open Gov et l'Administration Publique

privées, ainsi que des groupements de personnes militent actuellement pour un gouvernement ouvert en Tunisie. Leur bataille est menée dans un souci d'instaurer de nouveaux mécanismes de collaboration avec les autorités publiques pour une meilleure gestion des affaires publiques.

Actuellement, l'open government est la solution que les pays estiment qu'elle opère un changement à la copernicienne de l'administration publique. On entend ici le terme «administration publique» dans le sens de « l'ensemble des organismes publics qui préparent les décisions des autorités politiques et lorsque ces décisions ont été prises, en assurent loyalement l'exécution... »7.

Dans ce nouveau contexte, quels sont les impacts de l'open government sur l'administration publique ? Et dans quelles mesures les fondements et les apports de l'open government peuvent-ils assurer une modernisation de l'administration publique ?

Pour répondre à ces questions on peut dire que l'open government, en tant que phénomène tout récent dans le monde, est esquissé dans plusieurs pays du monde à des rythmes différents. D'ailleurs, en Tunisie, il fait couler beaucoup d'encre. C'est le sujet de plusieurs débats dans les médias et, aussi, sur le web, notamment les réseaux sociaux et les blogs.

La qualité de l'interaction du projet open government avec l'administration publique constitue un facteur clé pour la réussite d'un tel projet. Le présent document essaye d'étudier les différents aspects de cette relation open government/administration. Pour se faire, nous débutons par une présentation de l'open government (Première Partie) à travers des tentatives d'identification de cette approche et de son émergence avant d'évoquer l'initiative tunisienne d'open government tout en développant des regards croisés sur les expériences internationales (Deuxième Partie).

7Salon (S) et Savignac (JC), Le citoyen et l'administration, éd. Berger - Levrault, Juillet 2006, p 11.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Première partie : Présentation de l'open government

La tentative de traiter le sujet de l'open government et l'administration publique au tant qu'elle est ambitieuse du fait qu'elle cherche à éclairer sur les retombées positives générées par l'adoption de cette approche au tant qu'elle requière un effort pour identifier la consistance et la portée de cette approche. En effet, il est inutile d'engager des chantiers de modernisation sans que les mesures préconisées ne soient ambitieuses et porteuses de solides solutions pour les problèmes qu'on veut résoudre.

La présentation de l'approche de l'open government va focaliser sur l'identification de cette nouvelle tendance de gouvernance (Chapitre I) avant de passer à la présentation des modifications que l'open government est susceptible de les apporter à l'administration publique(Chapitre II).

Chapitre I : Identification de l'open government

L'intérêt d'identifier la consistance du gouvernement ouvert (Open Government) est interpellé par le fait qu'elle « ne figure pas en bonne place dans la littérature récente sur l'administration publique.... De la réforme globale, l'on paraît être passé à un ensemble de micro-réformes réglementaires et de comportement, portant sur l'accès aux documents administratifs, l'obligation de motiver, d'accuser réception et de suivre les dossiers et la lutte contre l'anonymat... »8.

8Ziller(J), « Vrais et faux changements dans les administrations en Europe », Revue française d'administration publique, Janvier 2003, no105-106, p. 67-79.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

De nos jours, l'open government peut être qualifié du dernier aboutissement du processus visant la modernisation de l'administration publique qui se distingue par rapport aux initiatives précédentes grâce à l'ampleur des changements qu'il apporte à la logique du fonctionnement gouvernemental. Cette approche dépasse le simple souci d'améliorer les prestations rendues aux citoyens pour les rendre parties prenantes et associés au processus de la gestion publique.

Afin d'identifier l'open government, nous nous revenions sur la question de son émergence (Section 1) qui va nous permettre de comprendre l'actuelle course des pays pour implanter cette approche de gouvernance. Après avoir présentée l'émergence de la démarche de l'open government, nous aboutissons au constat que l'open government est à nos jours un aboutissement d'un processus de modernisation de l'administration publique (Section 2).

Section 1 : L'émergence de l'open government

On procèdera à l'identification de l'émergence de l'open government à travers un retour sur la signification de cette nouvelle approche de gouvernance (paragraphe 1) avant de focaliser sur la pierre angulaire de cette approche qui est l'open data (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Signification de l'open government

Selon Nicolas Roberge, l'open government signifie avant tout une doctrine politique qui stipule que les données produites par un gouvernement et son administration publique doivent être le plus largement disponibles et accessibles à tous les citoyens9.

9Roberge (N), « Gouvernement ouvert : le Québec peut-il offrir ses données sur le web? », Avril 2010, in http://evollia.com/

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L'Open Gov et l'Administration Publique

En fait, l'open government repose sur l'idée que les données publiques sont automatiquement disponibles sur le web. Ceci dit, les citoyens n'auront pas la peine d'adresser des demandes pour chaque utilisation. Si à défaut il y a des données sollicitées par un internaute ne figurent pas sur le web, il pouvait, à travers un formulaire, demander aux autorités administratives concernées d'en faire la publication automatique. En plus, outre que l'open government postule le principe de la divulgation des données publiques, il tient fermement à ce que lesdites informations soient exactes et actualisées.

Cette orientation politique de «l'open government» incarnait la volonté de l'administration de s'ouvrir sur son environnement et de rendre compte de ses politiques et ce en quête de plus de transparence et de légitimité et ceci moyennant la libération volontaire et proactive des données publiques. Elle permettrait d'ailleurs de répondre aux questions de :

Comment rendre compte aux citoyens ? Comment concevoir et mettre en oeuvre des politiques publiques répondant aux attentes de la société ?

Ça permettait de renforcer «la responsabilité» de l'administration devant les citoyens, son accountability (sa capacité à rendre des comptes).

L'open government peut être conçu comme un outil efficace pour combattre la corruption, pour augmenter la confiance dans le gouvernement,

pour équilibrer/rationnaliser les choix et pour réduire le coût du
gouvernement10.

Consciente de cette nouvelle donne, l'administration Obama a saisi l'occasion et elle a donné au concept de l'open government son sens. Elle était pionner en la matière et a donné le coup d'envoi de la course des

10Howard (A), cité par Robichaud(L) in « L'heure de lâcher prise », Sep 2011,

http://lynerobichaud.blogspot.com/2011/09/lheure-de-lacher-prise.html

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L'Open Gov et l'Administration Publique

gouvernements pour s'approprier cette doctrine et son implantation au sein de leurs administrations.

Ainsi, «Open Government Initiative» est l'un des grands projets de l'Administration Obama , porté par le Président Barack Obama en personne. Cette «initiative» vise à créer un niveau sans précédent de transparence et d'ouverture du gouvernement. Elle se situe dans une tendance émergente « l'open source governance» , qui prône l'application en politique et dans la gouvernance des démocraties des principes de l'open source et les «contenus ouverts» (open data), pour permettre à tout citoyen intéressé de contribuer à créer les contenus de la politique, et pour permettre aux gouvernements de mieux bénéficier des savoirs et savoir-faire locaux11.

Le 8 décembre 2009, l'Administration Obama a publié l'Open Government Directive ; une directive pour un gouvernement ouvert ; dans le but de promouvoir, au sein des organismes fédéraux, une culture de transparence, de participation et de collaboration susceptible de transformer la relation entre le gouvernement et les citoyens. Ainsi, appuyé par une forte détermination

politique de Barak Obama, les Etats-Unis ont lancé l'agenda « Open Government », dont « l'objectif est d'améliorer les actions de l'Etat par :

- la mise à disposition et un accès plus facile aux données publiques, - une meilleure participation des citoyens,

- une meilleure collaboration entre l'Etat et la société civile »12.

L'open government en tant que doctrine a pris chemin et les pays démocratiques ont lancé les programmes pour s'approprier de cette approche. En effet, si l'open government a fait le consensus entre les pays sur le fond, il est

11Wikipédia.

12Chrzanowski (P), « L'Open Data dans le monde », in « Quelle politique pour les données publiques ? », Colloque 10 novembre 2011 - Assemblée nationale, p 4.

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imprégné cependant par des soubassements idéologiques différents. A ce titre, « pour Barack Obama, il s'agit d'essayer de faire vivre une utopie progressiste, forgée par une idée précise de ce que doit être une véritable démocratie citoyenne.

Alors que dans l'esprit du néolibéral David Cameron, en Grande-Bretagne, l'objectif est assez différent dans la mesure où la démarche consiste, en partie, à court-circuiter les services publics »13.

A cette différenciation de l'acception idéologique de l'open government, certains experts appellent à une «contextualisation» de cette démarche. En fait, « le sens d'un gouvernement ouvert devrait finalement être défini pour chaque politique ou programme par son objet, la logique, et le public »14.

Le recours de plus en plus massif des pays à l'open government va de pair avec une mise en oeuvre d'une politique d'open data qui est la pierre angulaire et l'épicentre de l'open government.

Paragraphe 2: L'open data: l'épicentre de l'open government

À l'heure actuelle, il n'existe pas de définition juridique reconnue de l'open data. Néanmoins, de nombreuses associations anglo-saxonnes notamment l'Open Knowledge Foundation ont proposé divers critères de définition de ce qu'une donnée ouverte signifie.

Sur la base de ces critères, l'open data ou bien donnée ouverte, est une donnée «en libre accès», accessible publiquement, gratuitement, et sans condition discriminatoire, proposée dans un format exploitable et non propriétaire. En

13Stiegler (B), « Pourquoi mettre à la disposition de tous les données publiques », 08 mars 2011, http://www.rslnmag.fr/post/2011/3/8/open-data_pourquoi-mettre-a-la-disposition-de-tous-les-donnees-publiques_2-3-.aspx 14Moloney (S), « Atelier de Washington sur l'évaluation du gouvernement ouvert », 18 mai 2011, www.law.upenn.edu

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L'Open Gov et l'Administration Publique

effet, selon l'Open Knowledge Foundation15, « une donnée est ouverte si n'importe qui peut l'utiliser, la réutiliser, et la redistribuer. Les seules conditions étant l'attribution de l'auteur, et la conservation du statut de donnée ouverte pour les réutilisations suivantes ».

Sur le plan de la terminologie, le terme «open data» trouve son origine ; en 1995 ; dans une publication du comité des données géophysiques et environnementales du conseil national de la recherche aux États-Unis intitulée «De l'échange complet et ouvert des données scientifiques »16. Alors que sur le plan de la concrétisation, « le mouvement open data est né aux États-Unis en 2005 suite au succès rencontré par une application développée par un journaliste et programmeur, ChicagoCrime.org (rebaptisé EveryBlock depuis 2007), qui renseigne sur une carte les données relatives aux crimes et délits commis dans la ville de Chicago et récupérées auprès de la municipalité »17.

Les données ouvertes sont des données gouvernementales présentées dans des formats plus utiles et lisibles par machine, afin que les citoyens, le secteur privé et les organismes non gouvernementaux puissent les utiliser de façon novatrice et améliorée. De même, les développeurs d'applications peuvent réutiliser et fusionner les données du portail à des fins commerciales, ce qui profitera à toute la population de diverses façons.

Pour concrétiser l'orientation vers l'édification d'une politique d'open data, certains pays ont crée des organismes en charge de cette question. A titre d'exemple, en Grande Bretagne, on trouve le «Public Sector Transparency Board » qui est un Conseil ; crée en juin 2010 ; dont la mission est « de mener à bien l'agenda du gouvernement sur les questions de transparence et en particulier la mise à disposition des données sur data.gov.uk ».

15 Cf. http://www.opendefinition.org/

16Cf. http://www.nap.edu/readingroom.php?book=exch&page=summary.html

17Vigé (J), « L'Open Data, retour sur la genèse d'un mouvement au coeur des débats politiques et économiques », www.telcospinner-solucom.fr , 13 Sep 2009.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Ce Conseil a déterminé les principes (la «charte») d'ouverture des données publiques (Public Data Principles) qui sont la ligne de conduite à adopter afin d'assurer une réutilisation effective des données. En voici les principaux points :

- L'ouverture des données doit être commandée par les citoyens et les entrepreneurs ;

- Publier les données sauf si vous avez une bonne raison de ne pas le faire ; - Publier les données avec une bonne granularité ;

- Publier les données dans des formats réutilisables ;

- Publier les données dans un seul format de licence, gratuit, ouvert et permettant la réutilisation commerciale.

Ainsi donc, l'esprit de l'open data est porteur d'une dynamisation de la démarche démocratique et une amélioration des rapports gouvernants / gouvernés et c'est qu'a affirmé le Premier ministre britannique Cameron en rappelant que « l'ouverture des données publiques peut constituer un levier puissant pour réformer les services publics, favoriser l'innovation, et remettre le pouvoir entre les mains des citoyens». De même, la réussite de la démarche de l'open data est tributaire de l'interactivité des différents acteurs en scène.

En effet, l'efficacité de l'open data dépend d'un ensemble d'acteurs (gouvernement, société civile, entreprises, développeurs d'applications), qui valorisent de plus en plus l'orientation vers la publication des données publiques. Le mouvement open data prend forme au sein d'un écosystème dynamique, composé de producteurs et de réutilisateurs de données, mais aussi d'animateurs et de catalyseurs de l'open data. (cf. Annexe N° 1)

L'ensemble de ces acteurs peuvent produire et exploiter les données publiques en vue de tirer le maximum d'intérêts. Les expériences comparées

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L'Open Gov et l'Administration Publique

nous donnent des exemples de ce qu'on peut faire par les données publiques ouvertes. En voici quelques exemples18 d'applications crées à partir d'open data :

Tableau n° 1 : Exemples d'applications crées à partir d'open data.

Pays La base de données L'objet

Etats Unis Recovery.gov Fournit une ventilation par région de tous

les projets incitatifs ainsi que des renseignements sur les bénéficiaires de subventions, les montants dépensés et le nombre d'emplois crées.

USASpending.gov C'est une base de données interrogeable

sur tous les contrats fédéraux reliés à des dépenses discrétionnaires.

Beenverified.com Localise les adresses des délinquants

sexuels répertoriés dans les registres publics.

Trees near you Localise et décrit environ 500000 arbres

de la ville de New York en mesurant leur contribution environnementale.

Canada Depensesimputables.gc.ca Les subventions et les contrats du

gouvernement seront affichés en ligne à l'aide d'une base de données facile à interroger.

Des renseignements clés seront affichés. Exemples : le nom des personnes auxquelles des subventions et des contrats sont attribués et les sommes dépensées.

Grande Bretagne

Whoslobbying C'est un agenda répertoriant les rendez-

vous des ministères britanniques avec les groupes d'influence (industriels, syndicats...)

France Handimap.org Permet aux personnes en situation de

handicap de prédéterminer un trajet.

Cette orientation d'open data est qualifiée d'un «nouveau type de service public en ligne» ainsi qu'une avancée démocratique vers plus de transparence.

Cette orientation s'est répandue partout dans le monde et elle a gagné beaucoup du terrain. En fait, au bout de trois ans (date de naissance de l'open data), « il est présent dans 23 pays et 44 villes et 188 catalogues open data sont recensés dans le monde, à l'initiative des gouvernements, des collectivités ou

18Stiegler (B), op cit. p 1 et aussi, « Ouvrir le gouvernement aux canadiens » in liberal.ca/ouvert

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L'Open Gov et l'Administration Publique

d'acteurs civils »19. L'orientation massive vers l'open data, même si elle révèle une intention unanime des gouvernements, elle n'occulte pas en même temps des spécificités pour chaque gouvernement de ce que peut être les programmes et les objectifs d'une politique d'open data20.

Nonobstant lesdites différenciations, les stratégies d'une politique d'open data peuvent être communes comme le démontre une étude élaborée concernant cinq pays récapitulée par la figure21 ci-dessous :

Figure no 1 : Les stratégies d'une politique d'open data.

Une volonté et un engagement politique ancrés doivent être mobilisés pour mener à bien une démarche d'open data. En fait multiples sont les motifs qui peuvent être utilisés pour paralyser ladite démarche. Parmi ces motifs, on trouve par exemple le fait d'évoquer la confidentialité requise pour le fonctionnement du gouvernement ou encore les motifs de l'atteinte à la sécurité nationale à l'égard de ce qui est réalisé à la suite de la divulgation des données par «Wikileaks». Alors que l'open data postule une autre logique et un autre état d'esprit. En effet, « dans le cas de l'open data, les données sont libérées et publiées par des gouvernements animés par une réelle volonté d'ouverture : la

19Chrzanowski (P), op cit, p 4.

20Cf, Huijboom (N) et Den Broek (T - V), « Open data: an international comparison of strategies », European Journal of ePractice, N° 12 · March/April 2011, pp 3 - 4.

21Ibid, p 5.

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logique de la démarche est que les données appartiennent aux citoyens et que donc ils ont le droit d'y avoir accès et de pouvoir les modifier...

A l'inverse, le problème autour de Wikileaks réside dans l'origine et la provenance des données publiées: il est essentiel que l'information soit fiable et obtenue légalement. La loi des pays en question doit impérativement être respectée »22.

En guise de conclusion, il est un peu trop simple de lier «gouvernement ouvert» et «ouverture des données publiques», car dans le premier cas il s'agit de la capacité de l'administration à mettre de façon directe et spontanée à la disposition du public un certain nombre d'informations, lorsque celles-ci sont disponibles, sans sollicitation préalable, ce que l'on appelle une politique de divulgation «proactive» (Proactive Disclosure Policy), tandis que dans le second cas il s'agit de publier sur des sites dédiés des jeux de données, c'est-à-dire des informations agrégées et classées (métadonnées) dans des formats susceptibles d'être ensuite réutilisés gratuitement par le public (société civile, entreprises) pour un usage propre : privé, public ou à finalité commerciale23.

Section 2 : L'open government : aboutissement d'un processus

L'étude de la question de l'open government révèle qu'elle marque à nos jours l'aboutissement de la philosophie de «l'open» (paragraphe 1) d'une part et un aboutissement du processus de la modernisation de l'Administration publique d'autre part (paragraphe 2).

22Shadbolt (N), « L'open data n'est plus une chimère », in Regards sur le numérique, 24 février 2011, www.rslnmag.fr

23Servière (S-F), « Classement international 2011 "Open Data et Open Government" »,8 juillet 2011, www.ifrap.org

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Paragraphe 1 : L'open government : aboutissement de la philosophie de l'open

L'open government et son principal pilier «l'open data» reflète l'aboutissement d'un processus d'ouverture (d'open). En effet, le processus de l'open a débuté avec le courant de «l'open source». Dans le domaine informatique, le concept de l'open source (logiciel «libre» en français) est spécifique aux logiciels. Un logiciel open source est un « logiciel dont l'accès au code source est disponible et que l'on peut redistribuer avec ou sans modification. En clair, l'acquisition du logiciel est effectivement gratuite mais il faut prendre en considération les frais de maintenance, de formation, de développements ultérieurs... »24.

Le mouvement «open source» est né à la veille de l'an 2000 et il a attiré l'attention de plusieurs usagers du fait des fonctionnalités qu'il procure. En fait, l'open source « a permis de rappeler l'existence et l'importance de la collaboration dans un régime de concurrence, et ainsi de redonner de l'actualité au concept de «coopétition »... Les projets open source renouvellent les principes de l'organisation du travail collectif... »25.

Quant à l'open data, elle n'est que « l'une des facettes des écosystèmes «open » qui incluent l'open source (partage des codes et travail collaboratif), l'open innovation (mécanisme de collaboration participative), l'open government (gouvernance ouverte axée sur la transparence, participation et collaboration) »26.

Le graphique suivant présente l'évolution de la philosophie de l'open et de ses différentes tendances.

24Ferchaud (B), « Les logiciels libres, solutions pour la gestion de l'information?», www.adbs.fr

25Guetteville (JB), « Open source : le management à la source », in « Le meilleur de la stratégie et du management » sous dir. de Benghozi (PJ) et Huet (JM), Pearson, 2009, p 246.

26Abella (A), « Réutilisation de l'information publique et privée en Espagne, une opportunité pour les entreprises et l'emploi », Rooter Analysis, 2011.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Figure n° 2 : Evolution de la philosophie de l'open.

(Source : Abella (A), Réutilisation de l'information publique et privée en Espagne, une opportunité pour les entreprises et
l'emploi,
Rooter Analysis, 2011).

L'open government outre qu'il présente l'aboutissement de la philosophie de l'open, il marque également l'aboutissement du processus de modernisation de l'administration publique.

Paragraphe 2 : L'open government : aboutissement du processus de modernisation de l'administration publique

La qualification de l'open government en tant qu'aboutissement «du processus de modernisation de l'administration publique» est ; à notre sens ; un constat de l'évolution historique des efforts continus de modernisation. En fait, l'appel à l'open government est de nos jours une demande en vogue qui s'ajoute aux précédents efforts de modernisation de l'administration qui ont touché soit le volet de l'amélioration des rapports administration / administrés (comme les mesures d'allègement des procédures administratives, du citoyen superviseur, du médiateur administratif...) soit le volet d'amélioration de la qualité des

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L'Open Gov et l'Administration Publique

prestations administratives (projet de l'administration électronique, programme de qualité,...).

Vu le dénominateur commun qui est l'usage des TIC, nous nous limitons à ce niveau de marquer l'évolution souhaitée de l'administration publique grâce à l'open government et ceci par rapport aux apports de l'administration électronique.

De prime abord, l'administration électronique consiste en « l'utilisation des TIC, et en particulier d'internet, dans le but d'améliorer la gestion des affaires publiques »27. Elle cherche à rendre les services publics plus accessibles aux usagers et à améliorer leur fonctionnement interne. L'administration électronique peut se développer dans tout type d'administration ou de service public, en contact avec les citoyens (front-office) ou non (back-office). Elle procurait à l'administration certains avantages28 tels que :

? permet de travailler plus efficacement ;

? améliore les services ;

? concourt à la réalisation d'objectifs précis et peut contribuer à la

concrétisation d'objectifs généraux des pouvoirs publics ;

? peut aider à instaurer la confiance entre administrations et citoyens.

Loin d'être préoccupé par le souci de savoir si le passage de l'administration électronique vers l'open government est une reconnaissance des limites ou de l'échec de la première, on peut se permettre d'affirmer que les apports de l'une et de l'autre sont d'envergure différente. En effet, les apports de l'open government dépassent le stade de l'amélioration des services rendus par l'administration ou des rapports administrés / administration pour espérer la

27OCDE, « L'administration électronique : un impératif », mars 2004, p 1. 28Ibid, p 2.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

réinvention d'un environnement de transparence et de cogestion des affaires publiques (cf. Section 1 du chapitre II).

Aussi bien l'administration électronique que l'open government mise sur les TIC pour essayer de remodeler et revitaliser l'administration publique à tel point que l'on imaginera que les réformes administratives passent impérativement par le relais des TIC. C'est à ce titre qu'on entendait d'une expression qui est devenue à la mode «la prestation électronique de services publics (la PESP », autrement dit, l'administration en ligne ou l'administration par internet29.

Le contenu du présent chapitre a permis de présenter les concepts de l'open government et de retracer les grandes étapes de son émergence. Le second chapitre sera consacré à la présentation des modifications escomptées à travers l'introduction de l'open government dans l'administration publique.

Chapitre II : L'open government : vers une modification à la copernicienne de l'administration publique

Sous l'impulsion de l'open government, les administrations publiques entreprennent de nouveaux rapports avec le citoyen. C'est l'ère de la dématérialisation desdits rapports qui reposait sur une interactivité en ligne entre les deux parties moyennant l'usage des TIC.

En effet, l'ouverture des données publiques en amont et l'accès libre et gratuit des citoyens à ces données en aval créaient une dynamique d'échange et transformait le fonctionnement des gouvernements d'une «administration unilatérale» des affaires publiques à une approche collaborative avec les citoyens. Ainsi, «la collaboration gouvernementale en ligne signifie que les

29JARREC (A), « L'Administration en ligne et la gestion citoyenne, organisée et animée ? ANIMÉE » », La revue de l'innovation dans le secteur public, volume 9, mars, 2004, pp 2 - 3.

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gouvernements de la prochaine génération pourront exploiter le potentiel des outils web 2.0 (dont le réseautage social, les wikis et les blogs) pour modifier leur façon d'interagir avec le grand public, de partager l'information et d'obtenir de meilleurs résultats pour les citoyens »30.

L'open government va faire bénéficier l'administration publique d'un environnement démocratique d'action et de gestion des affaires publiques (Section1) ce qui renforcera la légitimité des gouvernements en place. Toutefois, pour assurer l'implantation de l'open government des changements organisationnels et techniques sont requis (Section 2).

L'ampleur des changements apportés par la démarche de l'open government et la consistance de ses apports peuvent heurter à certaines entraves qui s'opposent aux ambitions de l'open government et ce pour tenir compte des questions propres à la spécificité de l'administration publique (Section 3).

Section 1 : Les apports de l'open government pour l'administration publique

Appliqué aux administrations publiques, l'open government n'est pas capable seulement de démocratiser le fonctionnement des administrations publiques (paragraphe 1) mais également de créer un environnement propice au développement économique (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La «démocratisation» de l'administration publique

L'open government en tant que nouvelle approche de gouvernance s'est répandue rapidement au sein des régimes démocratiques grâce à ses fondements ambitieux et réalistes. Cette approche sollicitée aussi bien de la part des Etats

30Bléair (S), Deloitte et Touche, « Provoquer ou subir le changement, l'avenir de la collaboration gouvernementale et le Web 2.0 », www.deloitte.ca, 2008, p 2.

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que des organisations permet la satisfaction d'un souci massivement espéré à savoir la démocratisation des politiques publiques.

En fait, appliqué à l'administration publique, l'open government permettra un remodelage de celle-ci en lui procurant un fonctionnement de plus en plus démocratique. Ceci se concrétise à travers une participation (A) et une collaboration (B) actives dans la gestion des affaires publiques en amont et une gouvernance transparente en aval (C).

A. La participation

La participation consiste à associer les citoyens au processus de décision publique. Elle a enregistré un développement quant aux formes d'implication des citoyens dans la gestion des affaires publiques, passant de certaines formes qualifiées de «classiques» (1) à la forme actuelle dite de web participatif (2).

1. Les formes «classiques» de l'implication des citoyens

Auparavant, l'implication du citoyen dans les affaires publiques était assurée à travers plusieurs techniques telles que : réunion publique, comité consultatif, la médiation, la négociation, la prise de contact, sondage, débat public, l'enquête publique et le référendum31 ...

A titre illustratif, on se limitera à présenter les formes de débat public (a), l'enquête publique (b) et le référendum (c).

a) Le débat public

L'une des manifestations de la démocratie est l'association du citoyen au processus de prise de décision relative à la gestion des affaires publiques. Ladite association se concrétise à travers l'établissement d'un débat public regroupant

31Cf, Thomas (JC), Action publique et participation des citoyens : pour une gestion démocratique revitalisée, Nouveaux horizons, 1995, pp 11-12.

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l'autorité publique et les citoyens. Ces derniers « ont besoin de connaitre les projets de décisions susceptibles de les affecter, leur contenu, leurs objectifs, leur portée, et de faire part de leurs observations et de leurs suggestions à leur sujet. L'expérience montre que les grandes décisions n'ont une chance de recueillir un consensus, tout au moins de ne pas se heurter à une trop forte opposition, que si elles ont été précédées d'une compagne d'information et d'explication suivie d'une phase de concertation en vue de parvenir à un compromis entre les différents points de vue qui se sont exprimés, une concertation fondée sur la clarté, la transparence et la confiance »32.

Pour assurer la participation active, il faut que le citoyen soit avisé en ayant les possibilités d'accéder aux informations requises. Ainsi, une fois informé, le citoyen devient associé au processus de prise de décisions relatives à la gestion publique.

b) L'enquête publique

L'enquête publique est l'une des phases préalables de la procédure au cours de laquelle le public (habitants, associations, acteurs économiques ou simple citoyen) est invité à donner son avis sur un projet de règlement ou d'aménagement préparé et présenté par une collectivité publique ou par l'État.

Elle a pour objet d'informer le citoyen et de recueillir ses appréciations, suggestions et contre-propositions et ce pour permettre aux autorités publiques d'avoir un compte rendu ou bien un feed-back à propos des avis des citoyens concernant l'objet de l'enquête.

Une enquête peut porter sur des questions d'ordre social (pauvreté, démographie...), économique (chômage, développement régional..), et toute autre question se rapportant à l'intérêt général.

32Salon (S) et Savignac (JC), Le citoyen et l'administration, Berger-Levrault, Sep 2006, p 52.

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Elles sont effectuées dans de nombreux pays démocratiques depuis les années 1960, pour des raisons de gouvernance.

c) Le référendum

Le référendum est une procédure de vote permettant de consulter directement les citoyens sur une question ou un texte, qui ne sera adopté qu'en cas de réponse positive.

Le référendum est donc, un instrument de «démocratie directe», car il permet au peuple d'intervenir directement dans la conduite de la politique nationale ou locale.

L'open government va créer une nouvelle modalité de participation des citoyens grâce aux TIC qui est le web participatif qui va amènera à dématérialiser les rapports administration / administrés et animera une approche participative dans la gestion des affaires publiques.

2. Le Web participatif

Avec l'open government, la participation dans la gestion des affaires publiques est assurée par le web participatif qui prend une place de plus en plus importante dans les activités liées aux affaires, à la recherche et à l'innovation, mais aussi et essentiellement la vie sociale. Ainsi, des approches plus ouvertes en matière de création, d'échange et de diffusion d'informations sont prises, tant au niveau des gouvernements, que dans de nombreux secteurs de la société. Grâce à internet, les gouvernements vont subir le changement et vont être obligés de faire face aux nouveaux défis en matière de politique afin de fournir un environnement qui permet et soutient ce développement et cette diversité d'utilisation.

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L'émergence et la prolifération du web participatif a eu d'énormes répercussions sur des logiques et des esprits de fonctionnement biens ancrés. Il a fait preuve d'habilité de revitaliser les processus démocratiques. En effet, cette nouvelle approche de l'open government ; par le biais d'internet ; va reconfigurer la conception de la démocratie en mettant en scène «une démocratie participative» au lieu «d'une démocratie représentative». En effet, l'apparition de l'internet « a favorisé la réalisation d'études sur la façon dont les nouveaux phénomènes, comme la formation de l'opinion publique et l'apparition de nouveaux discours, affectent les institutions existantes et la démocratie de masse. Les avancées informatiques ont contribué à donner de l'espoir concernant la création d'une corrélation positive entre le développement de l'internet et le renforcement de la démocratie grâce à la participation accrue des citoyens dans l'arène politique. L'internet, en renforçant les institutions de la société civile et en élargissant les possibilités de communication de l'information et de participation politique dans la sphère publique, a été considéré comme un nouveau moyen de modifier le pouvoir établi... »33.

Le web participatif procure donc cette communication multidimensionnelle permettant aux différents acteurs d'échanger de l'information. C'est une « communication à la fois itérative et interactive : itérative, car en perpétuel réajustement au fil des conversations entre l'entreprise et ses publics et interactive, parce qu'elle est le fruit d'un échange, d'une coproduction... »34.

En effet, la participation repose sur l'interactivité entre les gouvernants et les gouvernés permettant ainsi de remplir les conditions du « contrat social » pilier de n'importe quel système démocratique. Ces propos ont été vérifiés en Nouvelle - Zélande où « les législateurs utilisent déjà les outils de collaboration

33Jho (W), op.cit, pp. 163-180.

34Ruette-Guyot (E) et Leclerc (S), Web 2.0 : La communication "Iter-@ctive", Economica 2009, p 9.

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en ligne pour élaborer les politiques de l'État. Le service de police national a créé un wiki pour solliciter l'opinion publique sur la New Zealand Police Act (loi sur les services policiers de la Nouvelle-Zélande) avant son envoi au Parlement. Cette démarche inhabituelle et très visible permet aux citoyens d'aider à modifier une loi à l'état d'avant-projet »35.

En guise de conclusion, l'open government amène à changer le comportement des administrations d'un système de fonctionnement unilatéral à un nouveau système d'interactivité qui reconnaît les autres (les citoyens / société civile...) et ce en les associant aux processus de planification et de décision. C'est dans ce sens que l'Administration Obama s'est orientée en considérant que la participation du public améliore l'efficacité du gouvernement et améliore la qualité de ses décisions. Les ministères et les agences doivent offrir aux américains des possibilités accrues de contribuer à l'élaboration des politiques et de fournir à leur gouvernement les bénéfices de leur savoir et expertise collective. Les ministères et agences devront également solliciter l'avis du public sur les moyens d'augmenter et améliorer les possibilités de participation du public dans la gouvernance36. Cette participation valorise la citoyenneté de la population et ce en l'associant au processus de production des politiques publiques.

B. Coproduction et collaboration

Le rôle du gouvernement passerait de producteur à coproducteur, par le biais d'une collaboration. La collaboration, dans un contexte de gouvernement ouvert, implique que les citoyens, entreprises, organismes, et gestionnaires gouvernementaux collaborent ensemble dans un processus créatif qui leur permette de résoudre des problématiques.

35Bléair (S), Deloitte et Touche, op. cit, p 14. 36Wikipédia.

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Cette démarche de coproduction et de collaboration est avant tout bénéfique pour l'administration publique du fait que « la nécessité de travailler avec un public très activement impliqué offre aux gestionnaires des possibilités multiples d'accroitre leur propre efficacité et au - delà l'efficacité et la légitimité des pouvoirs publics »37. Dans cet ordre d'idée, l'Administration Obama à travers son initiative d'open government, a engagé le gouvernement à être collaboratif, invitant d'une part les citoyens américains à participer pro-activement au travail de leur gouvernement et invitant d'autre part les ministères et agences à utiliser des outils innovants, des méthodes et systèmes pour coopérer entre eux, à tous les niveaux de gouvernement, mais aussi avec des ONG, des entreprises et des particuliers du secteur privé.

Ainsi, la coproduction et la collaboration consiste en cette valorisation des données publiques qui se concrétise par « l'animation d'une communauté transversale des acteurs du territoire : designers, développeurs, entreprises, associations, citoyens et usagers. En d'autres termes, il faut trouver les moyens de faire se rencontrer et fonctionner ensemble ces différentes sources d'invention, afin de mixer les données et les idées de façon originale »38.

Il s'avère nécessaire de signaler que l'un des premiers exemples de «la collaboration en ligne» a été livré par l'Organisation Mondiale de la Santé lors de la crise du SRAS en 2003. En effet, « la crise du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003 illustre parfaitement les avantages de la collaboration. En mars, cette année-là, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a demandé à 11 laboratoires de recherche à l'échelle mondiale de travailler ensemble à localiser le virus à l'origine du SRAS. Pour faciliter le processus, l'OMS a lancé un site Web où elle affichait des images des virus obtenues par microscope électronique, les analyses et les résultats des tests. Ce

37Thomas (JC), op. cit , p 159.

38Gallon (C), in « Pourquoi mettre à la disposition de tous les données publiques », 08 mars 2011, www.rslnmag.fr

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projet de recherche novateur a connu un énorme succès et a permis aux scientifiques de localiser la source du SRAS en moins d'un mois, mais sans qu'un pays donné puisse s'attribuer tout le mérite de la découverte. Ce succès, fruit d'un effort intensif de collaboration à l'échelle internationale, montre la voie à suivre pour s'attaquer aux futurs défis ... »39.

L'open government illustre les nouvelles formes de collaboration qui s'établissent entre le gouvernement et divers partenaires (gouvernements, milieu d'affaires, citoyens...). En voici le changement40 qui s'établit :

Tableau n° 2 : Changement vers de nouvelles formes de collaboration.

Ancienne façon de faire Nouvelle façon de faire

Collaboration entre des gouvernements

Traditionnellement axée sur les relations entre les gouvernements nationaux et leurs homologues des provinces ou États.

Collaboration de plus en plus directe des gouvernements nationaux avec des villes, des provinces et des États du monde entier.

Collaboration entre le gouvernement et le milieu des affaires

Relations surtout axées sur les entités qui prennent généralement les formes traditionnelles suivantes :

· Comités consultatifs ;

· Consultations auprès des parties prenantes ;

· Partenariats ;

· Transactions.

Recours accru aux partenariats non traditionnels pour les projets publics qui répartissent les risques et les avantages entre plusieurs parties.

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Collaboration entre le gouvernement et les citoyens

Modèle traditionnel de prestation des Participation accrue des citoyens à la

services. détermination des services gouvernementaux

recherchés et requis et des modalités de prestation.

L'open government à travers les données ouvertes (open data) offrait aux citoyens cette opportunité de participer aux choix des politiques publiques et de

39Surowiecki (J), La sagesse des foules, New York, Random House, 2004. 40Bléair (S), Deloitte et Touche, op. cit, p 8.

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collaborer dans la gestion des affaires publiques et tout ça contribue à l'amélioration de la transparence qui est le levier essentiel de tout système démocratique.

C. La transparence

La transparence peut être définit, dans ce contexte, comme étant la disponibilité et le libre accès à l'information concernant les activités, procédures et décisions politiques et économiques du gouvernement.

La transparence permet de « vérifier les conditions dans lesquelles les politiques publiques sont préparées, menées et contrôlées par les instances politiques compétentes ou par toutes les personnes intéressées s'agissant des politiques publiques concernant l'ensemble des membres d'une société déterminée ou d'un corps social constituant une communauté nationale »41.

L'ouverture des données publiques permet de créer un environnement clair et transparent favorisant l'accessibilité aux informations relatives à la gestion publique. De telle façon, le citoyen sera en connaissance de cause et avisé sur tous les programmes et projets publics, ainsi que toute information relative au maniement des deniers publics.

La transparence implique donc une parfaite accessibilité à l'information dans les domaines qui intéressent l'opinion publique. Et ceci, non seulement pour attirer plus d'investissement, mais également pour encourager la participation du secteur privé et de la société civile afin d'améliorer la qualité des décisions prises et de rationaliser l'utilisation des ressources publiques.

Cette transparence favorisera la reddition de comptes et la mise à disposition d'informations au profit des citoyens sur ce que fait leur

41Essoussi (A), « Le devoir de transparence et de rendre compte dans le secteur public de certains pays arabes : politiques et pratiques », Programme des Nations Unies pour le développement, Bureau Régional pour les États Arabes, Nations Unies, New York, 2004, p 89.

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gouvernement. Cette information que le gouvernement devra mettre à jour est considérée par l'administration Obama comme «un atout national». A ce propos, le Président Obama déclarait que « mon gouvernement prendra les mesures appropriées, compatibles avec le droit et la politique, pour divulguer des informations rapidement et dans des formes que le public puisse facilement trouver et utiliser. Les ministères (Executive departments) et agences devront exploiter les nouvelles technologies pour mettre en ligne et rendre facilement accessibles au public des informations sur leurs activités et les décisions prises. Les ministères et organismes doivent aussi solliciter les commentaires de la population pour identifier les informations les plus utiles au public »42.

Cette transparence, cette ouverture des données publiques, donnera aux citoyens l'information dont ils ont besoin pour comprendre comment leur gouvernement gère les affaires publiques et comment il mène les politiques économiques, sociales... et à partir de cela, il devient possible de créer des opportunités de participation et de collaboration à travers la mise en place d'un environnement interactif. La transparence est donc l'un des piliers de l'open government qui est capable de rehausser le développement démocratique et la croissance économique.

Paragraphe 2 : L'open data et développement économique

Sous l'ère de l'open data, on parle de plus en plus de «l'économie des données». Les données publiques une fois rendues ouvertes et accessibles à tous auront plus de valeurs économiques moyennant leurs réutilisations. Cela se réalise par la favorisation de la réutilisation de ces données (l'open data) pour « permettre à la communauté des développeurs et des entrepreneurs de leur inventer de nouveaux usages. C'est donc encourager l'innovation, et contribuer

42 Wikipédia.

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au développement des secteurs stratégiques d'avenir, de l'économie numérique au développement durable »43.

Le potentiel économique a impulsé les gouvernements à faciliter et à encourager l'ouverture des données publiques. De nombreuses estimations relatives aux potentialités économiques des données publiques en cas de leur ouverture ont été établies. A titre d'exemples, on cite :

Tableau n° 3 : Potentiel économique de l'ouverture des données publiques.

N° Pays Potentiel économique de l'ouverture des données

01 Royaume-Uni Le gouvernement britannique parlait d'un marché évalué à 6

Md£44.

02 Espagne Selon l'étude Mepsir (2006), la réutilisation des données

publiques en Espagne représenterait un marché d'environ 2 milliards d'euros et supposerait l'emploi de 45 000 personnes sur ce secteur dans les dix prochaines années45.

03 L'Union Selon un rapport de la commission européenne, le potentiel

Européenne économique annuel de l'ouverture des données est estimé à
27 Md€46.

L'open data crée un appui à l'innovation du fait que l'accès aux ressources du savoir, sous forme de données, consolide les efforts d'innovation dans le secteur privé en valorisant la réutilisation des ressources existantes (informations statistiques, scientifiques, géographiques, environnementales...). La disponibilité des données sous forme électronique favorise la créativité qui peut déboucher sur l'analyse de marchés, la prévision des tendances économiques, et elle guide les entreprises dans leurs décisions d'investissement stratégique.

43Ecole des Ponts Paris Tech, Rapport remis à la Délégation aux Usages de l'Internet dans le cadre du portail Proxima Mobile de services aux citoyens sur terminaux mobiles, « Les données publiques au service de l'Innovation et de la Transparence, Pour une politique ambitieuse de réutilisation des données publiques », Juillet 2011, p 5.

44Chrzanowski (P), « Data.gov.uk, l'ouverture des données publiques au Royaume-Uni », Ambassade de France au Royaume-Uni, Service Science et Technologie, Mars-Avril 2011, p3.

45Abella (A), « Réutilisation de l'information publique et privée en Espagne, une opportunité pour les entreprises et l'emploi », Rooter Analysis, 2011.

46Vigé (J), op. cit.

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Afin de justifier leur stratégie d'ouverture des données publiques, certains pays se rapportent souvent à des études macro-économiques sur la valeur desdites données. Ces études révèlent un important potentiel économique peut être valorisé en réutilisant les données publiques. A titre d'exemples47, on cite :

? Le gouvernement australien a réalisé une étude relative aux données spatiales intitulé «La valeur d'information spatiale : l'impact des technologies spatiales modernes de l'information sur l'économie australienne» (Acil Tasman, 2008), qui a calculé que l'industrie par les données spatiales pour 2006/2007 a représenté un chiffre d'affaires de 1.37 milliard de dollars australiens ;

? Au Danemark, une étude engagée par les autorités en 2010, a estimé que - en éditant les données de gouvernement - le gouvernement danois pourrait stimuler la création de nouveaux services à la valeur de 600 millions de couronne danoise ;

? Aux Etats Unis, la valeur économique des informations du secteur public est estimée à raison de 750 milliards d'euros.

Par conséquent, la démarche de l'open government est largement ambitieuse de part ses externalités positives en matière du renforcement du processus démocratique de gouvernance d'une part et de la favorisation de la relance économique d'autre part. Cependant, ce nouvel environnement apporté par la logique de l'open government imposera également de nouveaux aspects organisationnels et techniques pour conduire à mieux l'insertion de l'open government au sein de l'Administration publique.

47Huijboom (N) et Van den Broek (T), « Open data: an international comparison of strategies », European Journal of ePractice, N° 12 March/April 2011, p 10.

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Section 2 : Les aspects organisationnels et techniques de l'open government

On s'arrêtera à ce niveau sur les changements organisationnels (paragraphe 1) et techniques (paragraphe 2) qu'imposera l'introduction de l'open government au sein de l'administration publique.

Paragraphe 1: Les aspects organisationnels

L'open government induit un changement à la copernicienne dans le fonctionnement de l'administration publique. L'orientation d'un gouvernement vers ce mode de conduite des politiques publiques induit des changements organisationnels.

Une démarche d'implantation d'open government au sein de l'administration publique « doit s'accompagner par la mise en place de nouveaux modes de gestion de projets pour les collectivités, de canaux de diffusion en ligne et de participation afin de faciliter les échanges, prendre en compte les retours et coproduire avec les acteurs du territoire. Cette approche est difficilement applicable dans une organisation conventionnelle et requière donc une modernisation des méthodes de travail basées sous la philosophie de l'Open Government ou Gouvernance Ouverte »48.

Sans changement d'outils, d'état d'esprit, de mode d'interaction, l'administration n'arrivera pas à gérer le développement de l'écosystème de réutilisateurs de données publiques, de répondre à leurs attentes, de prendre en considération leurs suggestions, d'intégrer l'enrichissement des données en interne. Elle ne réussira pas par conséquent à développer une culture de traitement de la donnée publique pour optimiser la gestion et créer de l'innovation.

48Abella (A), op. cit.

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Pour ce qui est de l'open data, certains se contentent d'interpeller les administrations sur l'ouverture de leurs données, sans jamais évoquer les changements que devraient accompagner la mise à disposition. Or, de la sorte nous serions devant un processus inachevé car à défaut d'une volonté et d'un engagement politique de modernisation des services publics et sans ces changements structurels, nous assisterons à une ouverture «octroyée» (en terme de qualité et de données disponibles) qui met en doute la pérennité des démarches open data puisque l'administration va ouvrir les données publiques à sa guise et donc sans remplir les conditions de fond et de forme de l'open government.

Il faut bien tenir compte des aspects organisationnels lors de l'engagement vers un open government. En fait, la conduite d'un changement organisationnel est une tâche difficile car « non seulement on peut être confronté à de multiples sources de résistance, collectives ou individuelles, fondées sur des intérêts rationnels ou des réactions émotionnelles, mais une fois le changement accompli, il y a toujours des risques de retour en arrière. La technologie est parfois perçue comme un moyen susceptible d'aider à surmonter ces deux écueils, mais il ne faut pas la considérer comme un « outil miracle » qui permettrait de se passer d'une méthode de conduite du changement adaptée »49.

Ce changement organisationnel autant qu'il est indispensable pour une démarche d'instauration d'un open government au sein de l'administration publique autant qu'il devrait être mené tout en prenant en considération l'environnement sur lequel on veut agir : c'est une «contextualisation» du changement. A ce titre, «... le processus de changement tend à devenir si rapide et constant qu'il rend obsolètes toutes les soi-disant recettes universelles de gestion du changement. En réalité, aujourd'hui et encore plus demain, ce qui est

49Corbel (P), Technologie, Innovation, Stratégie : de l'innovation technologique à l'innovation stratégique, Lextenso éditions, Paris 2009, p 245.

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important ce ne sont pas les meilleures pratiques, exemples ou références trouvées à l'extérieur, mais les meilleures questions que le réformateur aura la sagesse et le courage de se poser »50.

Il n'existe pas de modèle parfait qu'il soit transposable d'une société à une autre. Chaque société est contrainte par ses propres valeurs qui lui imposent une façon déterminée de changement. Cependant, s'il y a lieu d'admettre des spécificités dans la mise en oeuvre des changements organisationnels selon les états des lieux dans chaque pays, il faut tout de même admettre que l'instauration de l'open government obéit aux mêmes soubassements techniques.

Paragraphe 2: Les aspects techniques

Les changements générés par l'introduction de l'approche de l'open government au sein de l'administration publique ne se marquent pas seulement par un revirement de l'esprit de la gouvernance publique mais également par le recours à des technologies de pointe et en l'occurrence à la technologie du web 2.0. En effet, « il est tentant de s'appuyer sur ces technologies pour instituer des changements visant justement à mettre plus de transversalité dans les échanges ... L'outil informatique devient alors le vecteur principal d'une reconfiguration des processus (ou « reengineering ») »51.

Pour aborder la question des aspects techniques, on va commencer par une présentation succincte de la technique du web 2.0 (A) avant de donner quelques aspects ou formes que peut prendre le web 2.0 (B) pour finir avec les formes que doivent prendre les données ouvertes pour qu'elles soient exploitables et réutilisables (C).

50Balogun (J), Hope Hailey (V) et Viardot (E), Stratégies du changement, Pearson Education, 2005, p 213. 51Corbel (P), op. cit, p 245.

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A. Le web 2.0

Le web 2.0 désigne les technologies et les usages du World Wide Web qui permettent aux internautes d'interagir simplement à la fois avec le contenu des pages, mais aussi entre eux, créant ainsi le web social.

En effet, avec le web 2.0 on marque la fin des médias traditionnels de masse qui consistent en « un émetteur qui produit un message et le diffuse par un canal de communication à un auditoire de masse captif et passif »52 pour céder le passage à un nouveau usager actif et créateur de contenu.

Les créateurs de contenu deviennent, dans cette nouvelle dynamique participative moyennant le web, d'une grande influence sur le public des internautes et par leur biais sur toute la société. Le web 2.0 a l'avantage de transformer la vie sociale et il devient rapidement un outil concurrentiel pour les entreprises, mais les gouvernements tardent à en reconnaître ces avantages.

Les citoyens attendent encore que leurs gouvernements adoptent le web 2.0 afin d'atteindre des objectifs, tels que:

? Améliorer les résultats des politiques;

? Utiliser plus efficacement l'information gouvernementale;

? Rationaliser les opérations internes;
? Attirer les meilleurs éléments.

Les expériences comparées qui ont opté pour l'open government ont déjà emprunté la voie du web 2.0 qui donne le vrai sens de cette démarche puisqu'il permet ; techniquement; l'interactivité et l'interopérabilité entre les citoyens et les administrations publiques.

52 Ruette-Guyot (E) et Leclerc (S), op.cit, p 9.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

L'administration publique, en faisant recours au web 2.0, sera en mesure de communiquer avec sa population et de profiter des propositions et suggestions émanant des citoyens : elle gagnerait davantage sur le plan de la transparence. Il suffit de comparer les apports du web 2.0 en termes de communication par rapport à ce qui était sous l'égide du web 1.0 pour saisir la nature de la communication publique qui s'établira.

Tableau n° 4 : Comparaison du Gouvernement 1.0 et Gouvernement 2.0.53

Dimension Gouvernement 1.0 Gouvernement 2.0

- Réseauté

Modèle de fonctionnement - Hiérarchique - Collaboratif

- Rigide - Souple

Nouveaux modèles de - Uniformisés - Personnalisés

prestation des services - Exclusifs - Axés sur le choix

- À canal unique - À multicanaux

Orientation sur le rendement - Axée sur les intrants - Axée sur les résultats

- Fermée - Transparente

Prise des décisions

- Passive - Participative

B. Les manifestations du web 2.0

On se limitera à ce niveau de présenter trois formes du web 2.0 à savoir les blogs (1), le réseautage social (2) et le wiki (3).

1. Le Blog

C'est un système d'édition web qui permet à un ou plusieurs auteurs de publier de façon simple et immédiate des billets (appelés «posts») selon un ordre chronologique. Les internautes peuvent réagir à un billet en publiant directement leurs commentaires, créant une communauté autour des centres d'intérêts de

53Bléair (S), Deloitte et Touche, op.cit, p 9.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

l'auteur du blog. Le blog offre donc un certain compromis entre le site personnel et le forum de discussion.

2. Le réseautage social

Les réseaux sociaux peuvent être définis comme des communautés de personnes qui partagent des intérêts et activités communs ou qui sont intéressées à explorer les intérêts et activités des autres sur internet. Ces réseaux touchent les domaines les plus divers : loisirs, passions, musiques, voyages, vie professionnelle... « Il s'agit des sites web ou de plates-formes web qui ont pour vocation première de permettre aux usagers d'entretenir leur réseau d'amis et

de contact de manière simple »54.

Les utilisateurs du réseautage social ont une multitude de façons d'interagir comme le chat, les messages, les e-mails, les vidéos, le chat vocal, le partage de fichiers, les groupes de discussion... Ces fonctionnalités permettent des échanges et réactivités entre les membres inscrits.

Les sites de réseautage social offrent la possibilité aux utilisateurs pour exprimer leurs propres opinions, ainsi que pour trouver d'autres personnes aux intérêts et expériences similaires, pour partager et pour apprendre dans un environnement virtuel.

3. Le Wiki

C'est un outil de gestion de site web qui permet aux utilisateurs de publier et modifier facilement le contenu d'un site. Les wikis sont surtout utilisés dans une optique collaborative et les utilisateurs autorisés peuvent ainsi participer à l'enrichissement du contenu. Historiquement, le premier wiki a été inventé par Ward Cunningham qui a choisi l'appellation en s'inspirant de l'Hawaïen «Wiki-Wiki» signifiant «vite».

54Ibid, p 61.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

A titre d'exemple, on peut citer l'encyclopédie libre wikipédia créée en 2001 qui devient, aujourd'hui, le wiki le plus populaire.

C. Les formats des données publiques ouvertes

L'utilisation de formats de données standardisés et adaptés au web est l'un des premiers critères de succès pour leur réutilisation. En fait, l'ouverture des données publiques doit être faite sous certains formats pour que les internautes puissent les consulter et en tirer profits. Généralement les données publiques ont été mises sur le web sous les formats suivants comme était le cas britannique :

Figure n° 3 : Exemple des formats de données utilisés au Royaume-Uni55.

6%

3%

33%

16%

6%

13%

8%

15%

PDF JSON RDF CSV XLS HTML ZIP XML

Les nouvelles capacités technologiques combinant et intégrant l'informatique et le réseau permettent de nouvelles applications. De même, le développement des TIC a permis le stockage des informations sous forme numérique diversifiée. En conséquence, l'informatisation et la concentration numériques ont permis au gouvernement et aux entreprises d'agir sans limite de

55Chrzanowski (P), « Data.gov.uk, l'ouverture des données publiques au Royaume-Uni », Ambassade de France au Royaume-Uni, Service Science et Technologie, Mars-Avril 2011, p9.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

temps et d'espace, sans aucune différence entre l'information originale et l'information copiée.

Les apports ambitieux estimés de l'introduction de l'open government dans l'administration publique n'occultent pas pour autant les entraves et les limites qui peuvent heurter à cette nouvelle approche.

Section 3: Les limites de l'open government

L'open government à travers l'open data instaurait un système démocratique grâce à la transparence du travail gouvernemental et introduira impérativement des profonds changements dans le fonctionnement des administrations publiques. Toutefois, « cette transparence démocratique ne doit pas être interprétée de manière dogmatique. Toute information ne peut et ne doit pas être nécessairement rendue publique. La transparence de l'action publique s'arrête là où commence le respect de la vie privée, des secrets légaux, des secrets de défense »56.

Ainsi donc, plusieurs limites peuvent heurter à l'adoption d'une démarche open government dont, notamment, des limites relatives à la protection des données personnelles et la sécurité nationale (paragraphe 1), des limites culturelles (paragraphe 2), et des limites techniques (paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Limites relatives à la protection des données personnelles et à la sécurité

Depuis le début de l'année 2000, de nombreux discours concernant la protection des renseignements personnels ont vu le jour. Les citoyens sont d'une inquiétude croissante concernant la collecte, l'utilisation et la protection des renseignements personnels. Par conséquent, les différentes parties admettent que

56Riester (F), « Des limites à la transparence », in « Quelle politique pour les données publiques ? », Colloque 10 novembre 2011 - Assemblée nationale, p 15.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

l'ouverture de la sphère publique ne doit pas mettre en péril le droit des individus au respect de leur vie privée.

Les gouvernements font face à des oppositions violentes de la part des citoyens et des associations pour les rallier à leurs projets de nouvelles technologies d'information. Ces oppositions s'expliquent par la crainte d'un détournement possible des informations fournies par le gouvernement pouvant produire des sites intrusifs ou discriminants.

A titre d'exemples, au Corée de sud57 quelques tentatives gouvernementales visant l'informatisation de certaines données personnelles ont heurté à l'opposition des citoyens et de la société civile. Le tableau ci - dessous nous illustre ces exemples :

Tableau n°5 : Tentatives gouvernementales d'informatisation de données personnelles au Corée de sud.

N° La mesure gouvernementale L'objet des contestations

01 Carte d'identité électronique nationale : elle combine les fonctions de la carte d'identité, du permis de conduire et de la carte de crédit et un logiciel supplémentaire peut être installé.

Les craintes réelles du public concernent les fuites de leurs renseignements privés, dès lors que la numérisation des renseignements privés liée au système de carte d'identité électronique entraîne une possibilité de diffusion des renseignements privés.

02 NEIS (National Education Information System - système

national d'information sur

l'éducation) : visait à relier
l'ensemble des établissements d'enseignement et des écoles au sein d'un réseau afin de pouvoir partager toutes les informations concernant les activités des écoles, les questions de personnel, les budgets et la comptabilité.

L'Union des enseignants coréens (KTU) préconisait l'abandon total ou l'ajournement du NEIS, en insistant sur le fait que la collecte excessive de renseignements personnels sur les étudiants pouvait entraîner une violation du droit de la personne.

Le KTU a lancé un vif mouvement de rejet contre le NEIS en déclenchant une action en justice auprès du comité national des droits de l'homme... Ce conflit a été réglé avec la conclusion selon laquelle le gouvernement devait gérer un serveur différent traitant des

affaires scolaires/d'enseignement, de

57Cf Jho (W), « Les défis en matière d'e-gouvernance : Protestations de la société civile concernant la protection de la vie privée dans l'e-gouvernement en Corée », RISA, 1/2005 (Vol. 71), p. 163-180.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

l'admission à l'école et du domaine de la santé, tandis que le reste serait géré via le système de NEIS.

03 Les CCTV dans la zone de

Kangnam-ku : en 2003, le gouvernement du district de Kangnam à Séoul a annoncé un plan visant à installer des CCTV dans les espaces découverts afin de prévenir la criminalité.

Ceux qui étaient opposés au projet de CCTV avançaient que la menace que faisait peser les CCTV sur la vie privée était plus importante que ses avantages potentiels. En d'autres termes, l'opérateur de la CCTV pouvait abuser du système en pointant la caméra sur des appartements privés ou l'utiliser de façon socio-politique.

D'autre part, d'autres résidents soutenaient qu'étant donné que les CCTV allaient être installées dans des rues larges, loin des résidences privées, et que les objectifs et les moyens étaient justes.

A ces limites ayant trait à la protection des données personnelles s'ajoutent d'autres restrictions. En effet, les objectifs ambitieux de l'open government (transparence, participation...) ne parviennent pas jusqu'à justifier le dépassement de certaines limites. Ainsi, « ... la transparence n'est pas toujours nécessaire en compétition avec des valeurs importantes telles que la confidentialité, de sécurité et d'efficacité »58. Les pays en optant pour une administration ouverte tiennent aussi à observer les raisons de sécurité nationale et de confidentialité.

Pour ce qui est de la sécurité nationale, « depuis les événements du 11 septembre 2001, plusieurs pays de l'OCDE ont adopté de nouveaux principes directeurs ou de nouveaux textes de loi resserrant les dispositions juridiques applicables à l'accès à l'information. Dans de nombreux pays, du fait de l'absence de définition précise du concept de « sécurité nationale » et de la latitude accrue dont disposent les agents publics pour décider si des

58Moloney(S), « Atelier de Washington sur l'évaluation du gouvernement ouvert », 18/05/2011, www.law.upenn.edu

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L'Open Gov et l'Administration Publique

informations sont confidentielles ou non, l'option par défaut est aujourd'hui plus le secret que la communication »59.

Du même ordre, la confidentialité est parfois sollicitée pour servir l'intérêt général et asseoir la gestion publique sur des bases solides. En effet, « au sein du gouvernement, afin d'établir la confiance du public en termes de prise de décision responsable, un certain degré de confidentialité peut être requis pour que les vérités difficiles à entendre soient énoncées, que les erreurs ne soient pas dissimulées, et qu'aucune forme d'autocensure ne remette en cause la franchise des conseils donnés aux ministres »60.

Le professeur Mario Savino61 a justifié la restriction de l'ouverture de certaines données au public par deux raisons : la protection d'intérêts publics légitimes (a) et la protection d'intérêts privés légitimes (b).

a) Protection d'intérêts publics légitimes

Il s'agit de protéger deux catégories principales d'intérêts publics légitimes : la première catégorie inclut quatre intérêts publics : la défense et questions militaires ; relations internationales ; sécurité publique (ou ordre public ou sûreté publique) ; la politique économique monétaire, financière et de l'État. Ces intérêts sont collectivement identifiés en tant que « fonctions souveraines » de l'État.

Le deuxième groupe d'exemptions à l'intérêt public comprend les informations liées aux actions intentées devant les tribunaux; la conduite des enquêtes, inspections et audits ; et la formation des décisions du gouvernement (c'est-à-dire les documents internes).

59Direction des relations publiques et de la Communication, « La modernisation du secteur public : l'administration ouverte », OCDE, 2005, p 7.

60 Ibid, p 8.

61Savino (M), op. cit, p 22.

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b) Protection d'intérêts privés légitimes

Il y a trois genres d'intérêts privés que la législation de transparence mentionne habituellement comme des raisons pour des exemptions :

? Les secrets commerciaux, d'affaires et professionnels ;

? Les intérêts commerciaux ; ? Les données personnelles.

A ces limites qui ont trait à la protection des données privées et celles relatives à la sécurité, la démarche de l'open government va aussi heurter à des limites culturelles.

Paragraphe 2 : Limites culturelles

Par «limites culturelles» on vise l'état d'esprit qui règne au sein des administrations publiques et qui ne s'accommode pas avec la philosophie d'open. En fait, des administrations vont se sentir perdantes, parce que le monopole qu'elles ont sur les données publiques constitue une sorte de rente (ou monopole). Une certaine réticence est alors prévisible et selon Augustin Landier62 des sophismes sont attendus de type :

? «Trop d'infos tue l'info» : Si on leur donne la donnée brute, ils ne vont pas comprendre, ils vont paniquer, se tromper dans l'interprétation. Il vaut mieux leur mâcher le travail, agréger l'information...

? «Ça coûte trop cher» : Selon cette logique, les journalistes ou les citoyens peuvent orienter des données pour appuyer leurs propos, articles ou points de vue. On se retrouve alors face au problème de l'interprétation de l'information brute, de la même façon que même les meilleures statistiques sont toujours ouvertes à interprétation et à la prospective.

62Landier (A), « Gouverner en informant », in « Quelle politique pour les données publiques ? », Colloque 10 novembre 2011 - Assemblée nationale, p 7.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Si la résistance de l'administration publique quant à l'ouverture des données publiques s'explique par des facteurs culturels et même s'il est vrai que « la tradition culturelle d'un système administratif a un impact crucial sur le degré efficace d'ouverture de ce système... la culture peut rapidement changer, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'administration »63.D'ailleurs, les administrations peuvent aussi prétendent que des limites techniques empêchent leurs insertions dans une approche d'open government.

Paragraphe 3 : Limites techniques

Face aux problèmes de limites de stockage des données et afin de diminuer le coût de la mise des données publiques sur le web, une technique appelée cloud computing est envisageable (cf. Annexe n° 2).

Le cloud computing, ou informatique virtuelle ou encore dématérialisée, est un concept qui consiste à déporter sur des serveurs distants des stockages et des traitements informatiques traditionnellement localisés sur des serveurs locaux ou sur le poste de l'utilisateur.

Les utilisateurs ou les entreprises ne sont plus gérants de leurs serveurs informatiques mais peuvent ainsi accéder de manière évolutive à de nombreux services en ligne sans avoir à gérer l'infrastructure sous-jacente, souvent complexe. Les applications et les données ne se trouvent plus sur l'ordinateur local, mais dans un nuage ou « cloud » de serveurs distants interconnectés au moyen d'une excellente bande passante indispensable à la fluidité du système.

On peut distinguer trois formes de cloud computing :

- Les clouds privés internes : gérés en interne par une entreprise

pour ses besoins,

63Savino (M), op. cit, p 15.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

- Les clouds privés externes : dédiés aux besoins propres d'une seule

entreprise, mais dont la gestion est externalisée chez un prestataire,

- Les clouds publics : gérés par des entreprises spécialisées qui

louent leurs services à de nombreuses entreprises.

Le recours des entreprises à des services de cloud computing dans le domaine de l'hébergement de leurs infrastructures et applications informatiques est une tendance qui ne cesse de se développer de plus en plus.

A ce propos, en novembre 2010, le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique a lancé une politique de cloud prioritaire afin de réaliser des économies substantielles sur son budget annuel informatique de 80 milliards de dollars, par la consolidation d'au moins 40 % des 2 100 data-centres d'ici 2015.

En guise de conclusion, il ne suffit pas de créer un wiki ou un blogue pour développer une culture favorable au Gouvernement 2.0. Des hauts fonctionnaires, des investissements stratégiques en technologie, des changements organisationnels sont nécessaires pour surmonter les obstacles culturels, technologiques et stratégiques qui peuvent freiner la progression des gouvernements.

Les gouvernements à coté de leur volonté et détermination politiques vers l'instauration d'une administration ouverte sont tenus aussi d'observer les différentes exemptions précédemment mentionnées pour à la fois réaliser les objectifs de l'open government d'une part et préserver la pérennité de l'Etat et des intérêts privés d'autre part.

De même, face à certains types de limites des remèdes sont préconisés afin de réussir le processus de gouvernement ouvert. En fait, la tâche des décideurs politiques dépasse la simple volonté politique d'instaurer l'administration ouverte pour oeuvrer pour convaincre l'administration parfois

L'Open Gov et l'Administration Publique

47

rétive à lâcher ce qui «fait» son pouvoir. Et comme l'a signalé Danielle Bourlange un travail d'éducation est indispensable : «nous faisons beaucoup de sensibilisation afin d'expliquer aux services les enjeux économiques et sociaux de l'Open data. Nous les rassurons notamment sur les garanties qu'un système de licences adapté peut apporter pour la bonne utilisation de certaines données

»64.

64Bourlange (D), cité in « Pourquoi mettre à la disposition de tous les données publiques », aout 2011, www.rslnmag.fr

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Conclusion de la première partie :

Inaugurée en 2009 par l'administration Obama, la démarche de l'open government a rapidement gagné du terrain et elle a enregistré une course de part les Etats à s'approprier de cette approche de gouvernance. Ainsi, l'open government peut être présenté à nos jours en tant qu'elle est la dernière vogue des efforts de modernisation de l'administration publique et de recherche de son efficacité.

L'adoption de l'open government par l'administration publique fait appel aux TIC qui donnent le vrai sens à cette nouvelle démarche de gouvernance. A cet effet, des réaménagements de l'administration publique via de nouveaux dispositifs techniques et organisationnels s'imposent pour favoriser et créer un écosystème de coopération et d'interactivité entre les gouvernants et les gouvernés dans la conception et la conduite des politiques publiques.

Riche des ses apports en matière de renforcement du processus démocratique via la participation citoyenne dans la gestion « en ligne » des affaires publiques et la transparence qui en découle, l'open government repose sur l'open data qui permettrait aux citoyens d'accéder aux données publiques, de les commenter et d'en prendre position sur telle ou telle question instruisant ainsi pour un environnement de gestion publique collaboratif et interactif. Cette nouvelle dynamique du processus démocratique aura des retombées positives sur le milieu des affaires grâce à ce peut générer la réutilisation des données publiques de croissance économique.

Toutefois, le changement n'est pas une chose aisée. Plusieurs sont les difficultés et les entraves qui peuvent heurter à l'introduction de la démarche de l'open government au sein de l'administration. En effet, des limites d'ordre

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L'Open Gov et l'Administration Publique

culturel, technique ou aussi ayant trait à la protection des données personnelles ou d'ordre public sont à surmonter et il y a lieu à ce titre que de nouveaux aspects organisationnels et techniques soient pris en considération pour mener à bien la démarche d'insertion de l'open government dans l'administration publique.

Des regards croisés sur ce qui est déjà fait dans d'autres pays et l'état des lieux en matière d'open government en Tunisie feront l'objet de notre deuxième partie.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Deuxième partie : Une initiative tunisienne d'open

government à la lumière d'expériences

internationales

A nos jours et partout dans le monde, les Etats ne peuvent plus méconnaitre l'émergence d'un mouvement de réclamation d'une gouvernance ouverte ou encore d'un open government. Cette réclamation n'est pas spécifique aux pays développés, mais c'est un phénomène international qui gagnera de plus en plus du terrain.

Dans certains Etats, la réclamation de l'ouverture des données publiques présente un réel champ de bataille des organisations de la société civile avec les pouvoirs publics. La Tunisie post-révolutionnaire n'est pas épargnée de cette mouvance. Depuis 2011, on a assisté à une pression croissante de la part d'un groupe de députés à la Constituante et de la société civile pour l'ouverture au public des débats, des documents et des données tenus par les autorités publiques. Malgré la diversité des approches, les projets initiés dans divers pays à travers le monde, notamment en Amérique du nord et en Europe, ont constitué une source d'inspiration pour les initiateurs de ce projet.

En Europe, des directives européennes vont servir de guide pour les Etats afin qu'ils mènent une politique d'ouverture des données publiques. Toutefois, l'expérience française et celle de l'Espagne présentent un intérêt particulier que l'on peut évoquer en présentant ces deux modèles.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Ces expériences comparées de l'open government (Chapitre I) peuvent présenter une réelle source d'inspiration pour un open government en Tunisie (Chapitre II).

Chapitre I : Expériences comparées de l'open government

Plusieurs démocraties cherchent, aujourd'hui, à rendre accessibles un grand nombre de données publiques dans le but de développer le concept de transparence gouvernementale. Dans ce contexte, alors que les pays anglo-saxons étaient pionniers de l'open data (Section 1), au niveau européen (Section 2) la mise à disposition des données publiques et le droit à leur réutilisation ont fait l'objet de directives devenues sources d'inspiration d'expériences étatiques. Les pays africains sont aussi au diapason de ce mouvement universel (Section 3).

Section 1 : Les pays anglo-saxons pionniers de l'open data

Après les Etats-Unis d'Amérique (Paragraphe 1) en 2009, puis le Royaume Uni (Paragraphe 2) en 2010, de plus en plus de pays s'engagent dans l'ouverture de leurs données comme le Canada (Paragraphe 3) et l'Australie (Paragraphe 4).

Paragraphe 1 : Les Etats-Unis d'Amérique

Aux Etats-Unis, le mouvement de libéralisation des données publiques a été initié par une loi sur l'accès libre à l'information, dite « Freedom of information Act » qui a été voté en 1966, et ceci pour tenir compte des exigences de transparence manifestées par le public lors de la guerre de Vietnam. Ladite loi, prévoyait un accès large et ouvert à l'information détenue par les administrations publiques.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

Toutefois, une limitation de l'accès du public aux archives administratives a été constatée avec l'Administration Reagan. Cette orientation de restriction de l'accès à l'information s'est aggravée davantage après les attentats du 11 septembre 2001. Sous prétexte de sécurité, la tendance du gouvernement « Bush » a été d'augmenter la sécurisation juridique et la confidentialité de nombreuses informations, détenues par l'administration et agences américaines.

A l'encontre de ces restrictions, un mouvement open data est né aux États-Unis en 2005 suite au succès d'une application développée par un journaliste programmeur. Cette application intitulée « ChicagoCrime.org» renseigne sur une carte les données relatives aux crimes et délits commis dans la ville de Chicago et récupérées auprès de la municipalité.

Ainsi, l'ouverture des données s'est effectuée aux États Unis du bas vers le haut, par des initiatives locales suivies d'une démarche fédérale. Les villes de Washington, New York, San Francisco, ont entrepris des efforts de recensement de collections de données, puis d'ouverture des « data stores » pour mettre ces collections de données à la disposition du public.

Quelques années après, le gouvernement ouvert va présenter l'un des piliers du programme du candidat «Barack Obama» lors des campagnes présidentielles de 2008. Quelques mois seulement après l'investiture d'Obama, le 21 mai 2009, un portail fédéral nommé « data.gov» a été mis en ligne. Dans ce portail, près de 400 000 jeux de données sont recensées, et plus de 1 000 applications ont vu le jour à partir de la réutilisation de ces données.

D'ailleurs, le site-portail de la maison blanche sur internet précise que l'Administration Obama était en train de :

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L'Open Gov et l'Administration Publique

V' Réduire l'influence des lobbies aux Etats-Unis, en écrivant de nouvelles règles d'éthique « qui empêcheront les lobbyistes de venir travailler au sein du gouvernement ou de s'asseoir dans ses conseils consultatifs » ;

V' Suivre la façon dont le gouvernement utilise l'argent public, et expliquer cet usage dans des sites internet pédagogiques65.

V' Autonomiser le public grâce à une plus grande ouverture pour qu'il puisse influencer les décisions qui le concerneront66.

Les Etats Unis d'Amérique donnent, ainsi, l'exemple type de volontés complémentaires quant à l'ouverture des données publiques, entre une volonté sociétale et une décision politique adéquate.

Paragraphe 2 : Le Royaume-Uni

Au Royaume Uni, l'open government se présente comme un phénomène qui a pris de l'ampleur sous l'impulsion d'un mouvement sociétal. Ainsi, «l'Open Knowledge Foundation»67, la campagne «Free Our Data» menée par le célèbre quotidien «The Guardian», et l'engagement de figures emblématiques comme «Tim Berners-Lee» (créateur du world wide web) ont mené le Royaume Uni à l'ouverture d'un portail national de mise à disposition de données publiques appelé « data.gov.uk» (cf. Annexe n° 3).

Mais avant l'ouverture de ce portail, il y avait une initiative de l'«Office of Public Sector Information», avec un groupe de recherche de Southampton68, pour mener un projet pilote qui consiste en l'utilisation de nouveaux standards du web et des nouvelles technologies pour publier des informations publiques. Ce projet a été porté à la connaissance du parlement en 2007.

65Tels que « recovry.gov », « USASpending.gov » et « IT.usaspending.gov ».

66Cf. www.whitehouse.gov/open/about.

67L'Open Knowledge Foundation (OKFn) est une association très active au Royaume Uni et en Europe pour

l'Open Data. Elle a été crée en 2004 par Rufus Pollock, Martin Keegan et Jo Walsh.

68Ce groupe est intéressé aux informations gouvernementales locales et nationales et aux sondages et statistiques.

54

L'Open Gov et l'Administration Publique

C'est face à l'ampleur de ce mouvement sociétal que l'ex-premier ministre «Gordon Brown» avait accepté l'idée de construire un web des données publiques à partir de la fourniture des données du gouvernement. Ce projet « data.gov.uk» se faisait autours de trois objectifs essentiels:

? Construire un point d'accès central et unique aux données ;

? Collecter des données publiques non personnelles, dans un format

standard, facilement lisibles et provenant de différents départements ;

? Changer les règles d'octroi des licences et inciter la publication des données.

Le portail « data.gov.uk» a été construit en quelques mois et a été rendu public en janvier 2010. Il présente, notamment pour les différents partis politiques, une opportunité pour améliorer le service public, rendre les dépenses publiques plus transparentes et permettre une gestion publique plus efficace.

Depuis le lancement de ce portail, la communication du gouvernement s'est focalisée autour de trois thèmes :

? data.gov.uk comme outil de transparence du gouvernement : les jeux de données des dépenses, salaires et organigrammes des administrations mis en ligne.

? data.gov.uk comme outil de la société : L'opinion publique, devenant plus critique, voit dans tout projet politique un outil de communication avec le gouvernement ou les autorités locales.

? data.gov.uk comme levier pour la croissance économique : Obtenir de l'ouverture des données publiques des retombés économiques aussi bien dans le secteur public que privé.

L'Open Gov et l'Administration Publique

Plus d'un an après son lancement officiel, le portail « data.gov.uk» a permis d'ouvrir plus de 6.000 jeux de données, ainsi que la création de plusieurs applications parmi lesquelles on peut citer les suivantes:

Tableau n° 6 : Liste de quelques applications au Royaume Uni.

N° Application Objet

01 Mashups géographiques et des statistiques.

Ce sont des applications qui combinent des données

02 Wheredoesmymoneygo.org

Permet de visualiser les dépenses du gouvernement britannique par année.

Permet aux citoyens de comprendre comment sont dépensés leurs impôts.

03 Cycle Street et de choisir leurs itinéraires.

Permet aux citoyens de planifier leurs trajets en vélos

55

04 Fix my street

 

Permet au citoyen de signaler tout problème de voirie en indiquant sa localisation (code postal, puis adresse exacte) et en précisant la perturbation occasionnée.

Permet aux citoyens de visualiser les statistiques des

05 Crime map crimes et délits autour de leurs lieux de résidences.

06 Nestoria Moteur de recherche de propriétés immobilières.

07 Applications « Santé » Pour trouver l'hôpital ou le médecin le plus proche.

08 Applications « Transport »

Permettent de suivre en temps réel les données fournies par le réseau de transport commun londonien concernant la position des métros sur le réseau.

09 La plateforme d'applications du «Guardian ».

Permet de fournir un service de mise à disposition de données ouvertes provenant de sources fiables (OCDE, data.gov.uk, data.gov...).

Dans toutes ces applications il n'y avait aucune divulgation d'information ayant entrainé un scandale politique, ou une atteinte à des données personnelles. La seule application ayant provoquée une certaine polémique est la «crime map» de « police.uk ».

Toutefois, plusieurs projets locaux d'open data sont perçus comme des concurrents du portail « data.gov.uk» du fait qu'ils s'adressent à une communauté réduite de citoyens et peuvent mieux répondre à ses attentes69.

69Cf. Chrzanowski (P), « Data.gov, l'ouverture des données publiques au Royaume Uni », in Science et Technologie au Royaume Uni, mars-avril 2011, publié par l'Ambassade de France au Royaume Uni, Service Science et technologie.

56

L'Open Gov et l'Administration Publique

Le projet britannique de « data.gov.uk » est guidé par le « Public Sector Transparency Board » en coordination avec d'autres acteurs (cf. Annexe n° 4).

Tableau n° 7 : Quelques acteurs du développement de l'Open Data au Royaume-Uni.

Acteur Rôle

"Public Sector
Transparency Board
"

C'est un conseil, établi en juin 2010, chargé de mener l'agenda du gouvernement sur la transparence, et la mise à disposition des données sur data.gov.uk.

"National Archives"

Sont la principale administration pour la gestion et la réutilisation de l'information publique.

Leurs missions sont : la préservation et la diffusion des archives publiques ; le conseil en matière de gestion de l'information pour le gouvernement, le public et les autres organismes d'archivage; la gestion du « Crown Copyright » et des licences associées et enfin la formation des administrations au nouveau champ que constitue la réutilisation des données du secteur public.

Créé en mai 2005 et intégré aux National Archives, il "Office of Public Sector présente l'administration responsable de la gestion, de la Information". (O.P.S.I.) réglementation et de la réutilisation des informations

publiques. Il est chargé des litiges liés à cette régulation.

"Advisory Panel Of
Public Sector
Information
".
(A.P.P.S.I.)

Créé en avril 2003, c'est un conseil indépendant représentant le secteur de l'information (public et privé). Il conseille les ministères sur les questions de données publiques et intervient sur les questions de copyright.

"Information
Commissioner's Office
"

 

Chargé de la régulation entre données publiques et données privées et du respect des réglementations issues de la «Data Protection Act 1998», du «Freedom of Information Act 2000» et de «Environnemental Information Regulations 2004».

Le secrétaire d'Etat du «Cabinet Office» a annoncé, depuis janvier 2011, la création d'une «Public Data Corporation» dont la mission sera la valorisation de l'ouverture des données publiques qui seront utilisées comme plateforme d'échange entre citoyens, industries et administration afin de maximiser les gains économiques et sociaux pour chacun des acteurs.

Toutefois, même si les services en ligne existent, tous les citoyens n'ont pas encore le réflexe de les utiliser, ou bien n'ont pas connaissance de ces

57

L'Open Gov et l'Administration Publique

services. D'ailleurs, selon l'«Office of Communications» plus de 27 % des britanniques n'avaient pas encore d'accès Internet dans leur foyer en 2010.

Paragraphe 3 : Le Canada

Dans une déclaration sur le renforcement du gouvernement ouvert, en date du 18 mars 2011, le gouvernement canadien s'engage pour améliorer la transparence et la responsabilisation.

Dans ce pays, les responsables politiques annoncent « le renforcement du gouvernement ouvert permettra aux Canadiens de consulter l'information publique sous des formats plus conviviaux et lisibles, de se renseigner davantage sur les rouages du gouvernement et de participer plus directement au processus de prise de décisions »70.

Le Canada, pionnier en matière d'accès des citoyens à l'information par l'adoption d'une loi à ce propos, il y a près de trois décennies, a commencé à divulguer de l'information sur les contrats, les subventions, les contributions et les dépenses publiques d'accueil et de voyage sur le web.

Le gouvernement canadien a décrété, à ce propos, l'obligation de diffuser, sur les sites web des ministères, les informations relatives aux dépenses de déplacements, aux frais de représentation pour les responsables gouvernementaux et aux contrats passés par le gouvernement du Canada, dont la valeur dépasse les 10 000 $ canadien, sauf exceptions rares liées la sécurité.

Il est à noter que le Canada a présenté un plan d'ouverture en trois étapes :

? L'ouverture en présentant les données gouvernementales disponibles dans un format plus convivial et réutilisable.

70Stockwell Day, Président du Conseil du trésor et ministre de la porte d'entrée de l'Asie-Pacifique, déclaration en date du 18 mars 2011.

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? L'accessibilité par la divulgation des informations sur les activités du gouvernement et en rendant l'information plus facile à trouver.

? La participation qui consiste à mener un dialogue ouvert pour impliquer les canadiens dans les politiques et priorités du gouvernement et faire accroître leur engagement par les technologies web 2.0.

Au Québec, le 27 septembre 2011 présente le premier jour d'application du gouvernement ouvert. Dans ce contexte, une plateforme de données publiques dite « donnees.ville.montreal.qc.ca», fait des citoyens de Montréal de vrais participants à la prise de décision.

Ces citoyens peuvent donner leur avis sur les priorités budgétaires grâce à une application qui permet de répartir les données financières réelles. Une fois le budget équilibré, il est possible de soumettre la proposition aux élus de l'arrondissement, qui s'engagent à étudier les propositions.

Au Canada, les trois piliers du gouvernement ouvert, à savoir la transparence (A), la participation (B) et la collaboration (C), se sont révélés très évidents dans le cas d'un rapport sur la collusion.

A. Transparence

Lors d'une séance de la commission de l'administration publique de l'assemblée nationale diffusée en direct, il a été possible aux citoyens d'entendre «Jacques Duchesneau», le directeur de l'unité anti-collusion, présenter son rapport sur la collusion, la corruption et le trafic d'influence impliquant des firmes de construction partenaires du ministère des Transports.

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B. Participation

Cette présentation a généré un fort impact sur l'opinion publique, qui s'est traduit par une participation marquée des citoyens qui se sont exprimés par leurs commentaires dans les réseaux sociaux.

C. Collaboration

Ce rapport sur la collusion pourrait être l'élément déclencheur qui conduirait à une transparence gouvernementale, une participation des citoyens à la prise des décisions et une recherche des solutions par voie de collaboration.

Paragraphe 4 : L'Australie

Par son statut de chef de fil mondial de l'administration électronique et grâce à son adoption anticipée des NTIC depuis les années 1980, l'Australie ambitionne de compter parmi les pays précurseurs du gouvernement 2.0. Déjà, en 2006, le site « australia.gov.au» est devenu le premier relais d'information sur les activités des ministères.

Dans ce pays, la prise en compte de l'importance des données publiques sur le plan de l'économie et de la gouvernance publique s'est traduite par la mise en place d'une approche globale de «l'Open Government », ou gouvernement ouvert, à la suite des travaux en 2009 du «government 2.0 Taskforce».

Cette approche consiste en une création d'un site de diffusion des données publiques « data.gov.au» et une réforme substantielle de la législation sur le libre accès aux documents administratifs inspirée des approches canadienne, américaine et anglaise. Ainsi, l'ouverture des données publiques en Australie se faisait sur la base des éléments suivants :

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A. L'open data, un préalable à l'administration participative

En décembre 2009, le groupe de travail «government 2.0 taskforce» a été chargé par le ministère des finances de formuler des recommandations en matière de gouvernement 2.0. Dans son rapport «Engage», ce comité fait du passage à l'«open data» une priorité et il a suggéré, notamment :

? Rendre l'information du secteur public ouverte, accessible et réutilisable;

? Harmoniser les orientations au niveau interministériel;

? Assurer l'accessibilité aux médias informatiques;

? Encourager les agences et fonctionnaires à exercer leurs missions sur

Internet.

Tout en tenant compte de ces suggestions, le ministre des finances a prononcé le 16 juillet 2010 une déclaration d'«open government», ouvrant la voie, ainsi, à une administration transparente, accessible à tous.

Dans ce cadre, le bureau australien de gestion de l'information gouvernementale71 a publié sur les médias sociaux un guide de bonne conduite destiné aux fonctionnaires. Ce bureau décerne, annuellement, des prix récompensant les innovations dans le champ des nouvelles technologies.

B. Un dialogue institutionnel multilatéral

Les blogs hébergés sur la plateforme «Govspace» ont vite laissé une plus grande place au «feedback»72 afin de permettre une interaction entre citoyens et agents publics. Ceci permet de dépasser le cadre statique des sites gouvernementaux pour une ère participative des politiques publiques.

71Chargé par le ministère des Finances de la supervision des politiques relatives aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

72Commentaires laissés par les utilisateurs.

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De leur part, les usagers ont été invités à s'approprier les données publiques mises à disposition par des concours comme «Govhack » et « Mash-up Australia» qui invitent les usagers à croiser des informations issues de recensements avec d'autres données.

C. L'exploitation des réseaux sociaux

Après avoir constaté le fort intérêt des australiens pour les réseaux sociaux et les blogs73, les autorités ont mis l'accent sur ces canaux de communication. De nombreux ministères, agences ou dirigeants se sont dotés de comptes « Facebook», ou «Twitter». Ils utilisent des plateformes d'échanges de fichiers tels que «Youtube», ou encore proposent à leurs lecteurs des flux RSS afin de répertorier les mises à jour du site et les envoyer aux abonnés.

D'ailleurs, la police du Queensland, lors des inondations de décembre 2010 - janvier 2011, a utilisé ces instruments pour diffuser des informations en temps réel à ceux qui étaient «amis» sur «Facebook» ou «suiveurs» sur «Twitter». Elle a aussi diffusé sur «Youtube» des vidéos en «streaming»74 pour présenter aux citoyens un état des lieux plus rapide que celui présenté par les médias traditionnels (télévision, journaux, sites gouvernementaux).

Ces outils du «web 2.0» autorisent des discussions multidirectionnelles et la création de contenu par les usagers. Ce qui affirme un attachement du gouvernement, ainsi que des citoyens aux fondements de la démocratie.

C'est dans le cadre des «Conférences pour le gouvernement 2.0» que l'Australie cherche à faire du secteur public une sphère innovatrice de l'e-démocratie. Cette tendance est prouvée lors de la conférence qui s'est tenue à

73En avril 2010, les australiens passaient sur les réseaux sociaux et les blogs 7h19 par mois, ce qui est un record par rapport aux français et aux allemands qui étaient à 4h10.

74Visibles en direct sans téléchargement.

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Canberra les 25 et 26 octobre 2011 sur le thème de la progression «Vers un gouvernement ouvert et transparent».

Section 2 : Le niveau européen

A l'échelle communautaire, des directives européennes (Paragraphe 1) ont été des sources d'inspiration pour les Etats de l'Union Européenne qui vont adopter des programmes d'open government à une échelle nationale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les directives européennes

Au niveau européen, la mise à disposition des données publiques et le droit à leur réutilisation sont régis par trois textes.

? La directive n°90/313/CEE concernant l'accès aux données environnementales de 1990 qui a abouti à la convention d'Aarhus en 200275, transcrite en 2003 dans la directive européenne 2003/4/CE.

? La directive «PSI»76 du parlement européen et du conseil n°2003/98/CE du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public.

? La directive «Inspire» du Parlement européen et du Conseil n° 2007/2/CE du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d'information géographique dans la communauté européenne.

Les principes posés par le droit européen imposent que les données publiques doivent être accessibles et réutilisables, à des fins commerciales ou non, d'une manière non discriminatoire et non exclusive, à des tarifs n'excédant pas leur coût de mise à disposition et éventuellement de production.

75Cette convention est considérée comme le pilier de la démocratie environnementale. 76De l'anglais « Public Sector Information directive».

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La directive n°2003/98/CE vise à fixer un ensemble minimal de règles concernant la réutilisation de documents des organismes du secteur public des États de l'Union et les moyens pratiques destinés à faciliter cette réutilisation. Elle s'appuie sur les règles d'accès en vigueur dans les Etats membres et ne les affecte en rien. Elle ne s'applique pas aux cas où les citoyens ou les entreprises doivent démontrer un intérêt particulier pour obtenir l'accès aux documents.

Cette directive « laisse intact et n'affecte en rien le niveau de protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel garanti par les dispositions du droit communautaire et du droit national ...». Ses « dispositions ne s'appliquent que dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions des accords internationaux sur la protection des droits de propriété intellectuelle »77.

L'une des considérations de la directive n°2003/98/CE prévoit que : « assurer la clarté et l'accessibilité publique des conditions de réutilisation des documents du secteur public est une condition préalable du développement d'un marché de l'information à l'échelle de la Communauté ». Ce qui reflète une certaine conscience communautaire de l'enjeu économique de la réutilisation des données publiques.

Quant aux formats des données, l'article 3 de la directive dispose que : « Les organismes du secteur public mettent leurs documents à la disposition du public dans tout format ou toute langue préexistants, si possible et s'il y a lieu sous forme électronique ». Toutefois, il est à préciser que les règles et pratiques des Etats membres en matière d'exploitation des informations du secteur public présentent d'importantes divergences puisque ladite directive ne contient aucune obligation relative à la réutilisation des documents publics.

77Article premier de la directive n°2003/98/CE.

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D'ailleurs, au niveau des institutions européennes («Eurostat » et le site de droit communautaire « e-justice.europa.eu») autoriser la réutilisation des données et informations publiques issues des institutions européennes, n'a pas été au niveau des ambitions. Les usagers exigent un plus haut niveau d'ouverture des données au niveau communautaire et au niveau des Etats.

C'est pour cela que «Neelie Kroes», vice-présidente de la commission européenne chargée de la stratégie numérique, voit qu' « une grande partie des informations, en Europe, sont sous-exploitées » et qu'il est indispensable d' « examiner l'opportunité de modifier les règles de l'Union en matière de réutilisation, pour libérer pleinement leur potentiel économique »78. Ce potentiel économique est estimé à plus de 27 milliards d'euros chaque année.

A ce propos, en réponse aux questions des internautes, en date du 19 décembre 2011, sur l'ouverture d'un site open data européen, «Séverin Naudet», le directeur de la mission «Etalab» en France, a précisé que « « Neelie Kroes », la vice-présidente de la Commission européenne, a annoncé la mise en ligne en 2012 d'une plate-forme des données de la commission » et elle croit, à ce propos, qu'il s'agirait « d'une plate-forme qui regroupe les données des États membres ».

Qu'en est-il alors du niveau d'ouverture des données publiques dans les Etats de l'Union Européenne ?

Paragraphe 2 : Les expériences étatiques

En Europe, on évoque deux exemples, d'abord l'expérience de l'Espagne (A), et ensuite l'évolution du processus d'ouverture en France (B).

78L'Ecole des Ponts Paris Tech, op.cit, p28.

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A. L'Espagne

L'Espagne est le deuxième acteur européen de l'open data juste après le Royaume-Uni. Une place que justifie la qualité des informations et plateformes de données dans ce pays aussi bien au niveau national que régional.

Dans ce pays la rédaction d'une loi sur le droit d'accès à l'information est actuellement en cours. Mais l'absence d'un cadre juridique n'a pas empêché les initiatives locales d'ouverture de données publiques de se développer sous l'impulsion de nombreux acteurs tels que les associations, les entreprises, les collectivités locales... pour fournir des plateformes de données.

Dans le cadre de ces initiatives locales, Saragosse devient la première ville espagnole à déclarer une gouvernance ouverte avant même l'ouverture du portail national de données qui s'est faite par un décret royal établissant le droit d'accès à l'information en Espagne. Ce décret précise les conditions de publication et de diffusion des données publiques. La ville de Saragosse a développé une réelle politique d'ouverture et de présence en ligne avec des comptes comme «Twitter Zaragoza», «Facebook Zaragoza», « Youtube Zaragoza», «Flickr Zaragoza»...

A ce propos, «Alberto Abella»79 précise dans une étude que la seconde position espagnole, au niveau européen, en matière d'open data n'est pas seulement attribuable au nombre de plateformes existantes mais également à la qualité des programmes d'ouverture.

Tableau n° 8: Liste de quelques applications espagnoles.

N° Application Objet

01 Aqui os quedais Service d'aide à la décision pour choisir son lieu d'habitation.

02 Euroalert Service d'alertes et informations sur les annonces publiques.

79Abella (A), « Réutilisation de l'information publique et privée en Espagne, une opportunité pour les entreprises et l'emploi », Rooter Analysis, 2011.

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03 Contaminame Visualisation de la qualité de l'air aux Canaries.

Service qui permet d'alerter de la disponibilité d'un livre dans les

04 Abre Libros bibliothèques publiques de Madrid.

05 Cadena Alimentaria Représentation visuelle de l'évolution des prix de l'alimentation.

06 El Disparate Site de transparence sur les achats et ventes d'armes par région.

07 Infocarretera Situation du trafic en temps réel.

08 Desenchufatucasa Recherche d'électrodomestique et véhicules permettant à

l'utilisateur de comparer les prix et la consommation énergétique

09 Dondevan mis impuestos

Version espagnole de « Wheredoesmymoneygo », visualisant les dépenses de l'administration.

10 Autobuses de Gijon Application qui permet de connaître en temps réel la position des autobus et arrêts dans la ville de Gijon.

11 El precio de la gasolina

Service qui permet de connaître le prix de l'essence aux stations services.

12 Cómo está el panorama

Visualisation des chiffres sur l'emploi et le chômage en Espagne.

Plateforme de participation et commentaires citoyens sur les

13 Populo textes législatifs en cours d'élaboration.

Liste et vote sur les applications internationales qui utilisent les

14 Abretedatos données publiques.

Le développement de ces applications est le résultat de concours de plusieurs acteurs publics et privés dont notamment :

Tableau n° 9: Quelques acteurs du développement de l'Open Data en Espagne80.

Acteur Rôle

Access info Europe

C'est une ONG qui travaille à la promotion et à la protection du droit d'accès à l'information en Europe.

Elle a développé différents projets liés à la transparence et suit de près le travail d'élaboration de la loi sur le droit d'accès à l'information.

Elle étudie la relation entre le mouvement Open Data et les pratiques de droits d'accès à l'information.

Pro bono publico

C'est une association qui oeuvre en faveur de l'ouverture des données publiques et l'usage des nouvelles technologies.

Elle a développé et animé les premiers concours d'applications basées sur les données publiques en Espagne.

Proyecto Aporta

C'est une initiative des ministères de l'industrie, du tourisme et du commerce en faveur de la promotion de la réutilisation des informations publiques. Ces ministères maintiennent un catalogue

80 http://libertic.wordpress.com/2011/09/02/lespagne-2eme-acteur-europeen-de-lopen-data/

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officiel des sources de données publiques et organisent des rencontres sur la thématique de l'Open Data.

Elle a pour objectif d'améliorer la compétitivité managériale à travers la recherche et l'innovation technologique, et accompagne les entités privées et publiques dans l'usage des standards et technologies du web.

Fondation CTIC

Cette fondation a développé l'initiative mondiale du W3C sur l'e-gouvernement et participe activement à la normalisation des standards du web notamment sur les aspects web sémantique.

Elle a accompagné les Asturies, les Pays Basques et la Catalogne dans l'ouverture de leurs données.

L'Espagne se démarque dans sa politique d'ouverture des données publiques par les initiatives de gouvernance ouverte qui se multiplient au niveau des régions dont, notamment, la région de Castille et Leon qui a publié un guide de gouvernance ouverte.

Dans ce pays, les partis politiques avaient largement repris le terme de gouvernance ouverte aux dernières élections où plusieurs candidats, de droite et de gauche, mentionnaient des actions en faveur de son développement.

B. La France

La directive européenne n°2003/98/CE du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public a été transposée, dans la législation française, par l'ordonnance n°2005-560 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques qui modifie la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

Le 30 juin 2010, le Président français « Nicolas Sarkozy » a annoncé la création d'un portail unique des informations publiques « data.gouv.fr». Pour ce faire, une mission interministérielle «Etalab», créée par le décret n° 2011-194 21 février 2011, et dirigée par «Séverin Naudet», avait pour rôle de coordonner avec

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les administrations publiques pour faciliter la réutilisation de leurs données. Le travail de cette mission avait abouti à la mise en ligne d'un portail unique des données publiques dit « data.gouv.fr» en date du 5 décembre 2011 après 9 mois du lacement du projet. Ce portail réunit à son inauguration environ 330 000 jeux de données, c'est-à-dire des fichiers ou bases de données administratives de l'Etat, des collectivités territoriales, ou d'établissements publics, et même d'entreprises de l'Etat ou EPIC81.

Parallèlement au niveau national, des initiatives locales se multiplient au niveau des villes et régions, et plusieurs plateformes alternatives à la plateforme nationale voient le jour. Après Rennes en septembre 2010, ce sont Paris (janvier 2011), Montpellier et Bordeaux, ainsi que le Conseil général de Saône-et-Loire (septembre 2011) et Nantes (novembre 2011) qui ont ouvert leur plateforme de données. Marseille est, également, en train de suivre le mouvement82, ce qui augmente la pression sur le projet national.

La ville de Paris a ouvert son site « opendata.paris.fr» en janvier 2011 et depuis, elle ouvre progressivement des bases de données. Elle vient de mettre en ligne près de 2 millions de nouvelles informations, dont de nombreuses données d'ordre cartographique, d'autres relatives aux notices des ouvrages des bibliothèques de prêt, des horaires d'ouverture des kiosques à journaux...

En France, si le mouvement s'accélère et que les initiatives se multiplient, la qualité et la quantité des données disponibles ne sont pas satisfaisantes et le potentiel d'amélioration parait être est très élevé. La mission «Etalab», à son tour, devrait favoriser la réutilisation des données en élargissant des accès gratuits sur les données brutes pour libérer une valorisation sur les

81Les EPIC ne sont pas inclus a priori dans cette obligation d'ouverture de publication.

82Vigé (J), « L'Open Data, retour sur la genèse d'un mouvement au coeur des débats politiques et économiques », 13 septembre 2011, http://www.telcospinner-solucom.fr/2011/09/lopen-data-retour-sur-la-genese-dun-mouvement-au-coeur-des-debats-politiques-et-economiques/

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produits et services dérivés des applications développées sur cette nouvelle base83.

Section 3 : Le niveau africain

Le phénomène d'open government n'est plus l'affaire des Etats les plus développés seulement. A ce propos, une recherche au niveau du développement des dispositifs d'ouverture des données publiques permet de dégager une expérience kenyane (paragraphe 2) qui est une première en Afrique sub-saharienne et une deuxième sur le continent après le Maroc (paragraphe 1).

Paragraphe 1 : Le Maroc

Le Maroc est en train de vivre une réelle évolution dans l'utilisation des NTIC L'internet est devenu un outil efficace de mobilisation et de solidarité sociale par les plates-formes en ligne comme les blogs, et les réseaux sociaux. Ces outils sont largement utilisés par la jeune génération marocaine en tant que canaux de communication dans les manifestations sociales que connait le pays depuis février 2010.

En effet, les médias citoyens et les réseaux sociaux ont contribué à la liberté d'expression au Maroc grâce à un accès facile pour les citoyens aux réseaux sociaux. Cette accessibilité a permis aux marocains et groupes en ligne de participer à la prise des décisions par les critiques adressées au gouvernement et à l'administration publique.

Dans ce nouveau contexte, une transformation de l'action gouvernementale (A) va mettre en place une démarche participative (B) impulsée par des structures publiques développées de l'e-gouvernement (C).

83 YANNICK MAIGNIEN, « Data.gouv.fr : de l'ouverture des données à l'ouverture des possibles ? », Revue « International », web Journal www.sens-public.org , 2012/01, p 6.

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A. Transformation de l'action gouvernementale

Les pouvoirs publics au Maroc vont utiliser les nouveaux moyens de communication comme nouvelle prérogative de communication avec les gens. L'action gouvernementale s'est focalisée sur:

La mise en ligne des forums de discussions ouverts sur les sites web

du gouvernement, ce qui permet de recevoir des commentaires variés sur les stratégies et les politiques étatiques ;

Le renforcement des programmes de sensibilisation sur le rôle de
l'internet dans le lancement d'une approche participative à la prise de décision ;

L'encouragement de l'utilisation des NTIC par les citoyens en leur
offrant le soutien financier nécessaire pour mettre en place l'infrastructure numérique nécessaire ;

La garantie du droit d'accès à l'information et la liberté
d'expression en ligne comme un droit ;

Le renforcement de la notion de libre accès aux données et le
gouvernement ouvert ;

L'utilisation des NTIC pour exploiter la transparence et la reddition
de comptes.

B. Mise en place d'une démarche participative

Pour illustrer cette démarche participative, le gouvernement a lancé:

? Un site internet nommé «Fikra», lancé un an après les manifestations du 25 Février 2010 sous forme d'une boite de suggestions pour l'amélioration de l'administration publique. Cette boite offre aux citoyens des espaces de discussions et d'échanges pour leur permettre de donner leur avis et déposer leurs idées ou voter pour des idées publiées ou les commenter.

? Trois forums de partage d'idées disponibles en ligne:

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Le 1er: «Vos idées pour de nouveaux services eGov» :

Pour suggérer de nouveaux services en ligne comme la prise de rendezvous en ligne, le suivi du dossier de passeport en ligne...

Le 2ème: «Vos idées pour simplifier les démarches administratives» :

Pour suggérer des simplifications des procédures et démarches administratives, comme la mise en place d'une file d'attente express...

Le 3ème: «Vos idées pour améliorer l'Administration » :

Pour d'autres suggestions d'amélioration de l'administration publique84. C. Structures publiques de l'e-gouvernement

Conformément à la circulaire du Premier Ministre n°17/2009 du 21 Octobre 2009, le programme e-gouvernement repose sur trois structures. Ces trois structures interagissent pour une meilleure collaboration en gouvernance électronique (cf. Annexes n° 5 et 6) :

Un Comité Interministériel e-gouvernement (CIGOV), présidé par le Ministre chargé de l'industrie, du commerce et des nouvelles technologies, dont le rôle est de fixer les objectifs du programme e-gouvernement et d'en évaluer les résultats;

Les Structures de Pilotage e-gouvernement85 (SPGOV) des départements ministériels et des établissements publics concernés par les projets e-gouvernement pour piloter la mise en oeuvre des projets e-gouvernement au sein de leurs organisations;

La Direction de Pilotage du programme e-gouvernement (DPGOV), rattachée au CIGOV. Elle est composée d'experts internes et externes et est

84 http://www.egov.ma/Pages/EParticipation.aspx (consulté le 03/06/2012).

85Communiqué de presse, « Gouvernance de Maroc Numeric 2013», 9ème Session du Comité Interministériel e-gouvernement (CIGOV), Rabat, le 14/05/2012.

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L'Open Gov et l'Administration Publique

chargée d'assister le CIGOV et les SPGOV, à la mise en oeuvre du programme e-gouvernement.

Dans le rapport des Nations-unies, publié en mars 2012, relatif au classement de 193 pays en matière de développement de l'e-Gouvernement, le Maroc a gagné 48 places, entre 2010 et 2012, passant de la 104ème à la 56ème place.

Paragraphe 2 : Le Kenya

Le 8 Juillet 2011, le Président «Mwai Kibaki» a lancé le «Kenya Open Data Initiative», rendant les données clés du gouvernement librement à la disposition du public par le biais d'un portail unique en ligne.

En novembre 2011, il y avait près de 390 ensembles de données qui ont été téléchargées sur le site, avec plus de 17.000 pages vues et plus de 2500 données téléchargées et intégrées à divers sites web et portails. Avec un plan en place pour transférer davantage de données au cours de cette année, il y a maintenant plus d'une centaine de demandes du public pour les nouveaux ensembles de données, et il ya une demande claire pour que beaucoup plus de données soient mises à disposition.

L'utilité de présenter l'exemple du Kenya dans ce cadre consiste à faire preuve que l'open government ne concerne pas seulement les Etas développés mais aussi les Etats les moins développés.

Chapitre II : L'open government en Tunisie

Un aperçu historique de l'évolution de l'administration publique en Tunisie (Section 1), permet d'identifier tout un processus d'évolution de l'administration publique d'une administration classique à une administration électronique. Toutefois, avec l'ampleur du phénomène open government dans le

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L'Open Gov et l'Administration Publique

monde et suite à une initiative citoyenne (Section 2), une gouvernance ouverte s'impose, désormais, à l'administration publique tunisienne.

Dans ce contexte tunisien que pourraient être les perspectives d'avenir (Section 3) de l'open government ? Et comment l'administration publique pourrait-elle en faire face ?

Section 1 : Aperçu historique

En Tunisie, bien que la réforme du secteur public ait été à l'ordre du jour, le processus de sa mise en oeuvre a été lent. De plus, l'Etat, ne semble pas évoluer suffisamment vite pour donner au secteur privé et à la société civile un rôle plus important dans la gouvernance du pays.

Le secteur public en Tunisie se présente par son rôle important dans la planification et la mise en oeuvre de la stratégie de développement du pays. Un rôle qui devrait aller de pair avec l'évolution technologique d'aujourd'hui. Le secteur privé, par contre, parait être mieux adapté à l'usage des nouvelles technologies de l'information.

Toutefois, le programme d'administration électronique (Paragraphe 1) d'une part et l'instauration d'un e-gouvernement (Paragraphe 2) d'autre part peuvent constituer un préalable nécessaire pou un gouvernement ouvert.

Paragraphe 1 : L'administration électronique

L'administration électronique, plateforme préalable à une gouvernance basée sur le web 2.0, a passé par des étapes d'évolution depuis 1980 (A) pour atteindre des objectifs déterminés préalablement (B). Pour ce faire une unité de l'administration électronique est instaurée au niveau du premier ministère (C).

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L'Open Gov et l'Administration Publique

A. Evolution de l'Administration électronique Cette évolution a été faite en cinq phases :

1. La phase préliminaire (1980-1999)

C'est la phase de l'émergence de l'administration électronique en Tunisie, par la dématérialisation des processus administratifs dans l'administration publique à travers la création de plusieurs applications informatiques86:

2. La phase d'information (2000-2002)

Se caractérise par l'ouverture de l'administration publique sur internet dans le but d'exploiter un nouveau canal de communication à savoir les sites web qui s'ajoutent aux différents canaux d'information classiques87.

3. La phase d'interaction (2003-2005)

C'est la phase de l'émergence de la deuxième génération des sites web publics basée sur une prestation électronique de service qui utilise la messagerie électronique, les moteurs de recherche, le téléchargement des formulaires et des cahiers de charges en ligne. C'est le début d'une mise en place d'un guichet de services virtuels et d'une information publique plus personnalisée.

4. La phase de transaction (2006-2009)

Cette étape, se caractérise par le traitement de l'information qui va permettre de gérer un cycle complet d'une transaction (collecte des données, traitement et archivage). On peut citer, à titre d'exemple, l'inscription en ligne, le paiement de factures en ligne, la création d'entreprise en ligne...

86 Par exemple: La gestion des affaires administratives du personnel de l'Etat (INSAF) ; l'Aide à la Décision Budgétaire (ADEB) ; le suivi et la gestion des ordres de missions à l'étranger (RACHED).

87 Tels que : les dépliants, les centres d'appel téléphoniques, les centres de services, les fax...

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5. La phase d'intégration (Depuis 2009)

C'est la phase d'intégration des services administratifs dans une organisation structurée en réseaux, sur un même portail, grâce à l'utilisation stratégique des technologies de l'information.

Actuellement, sans besoin de se déplacer, il est possible d'effectuer certaines opérations, par le biais des applications de la certification électronique88, comme par exemple :

? La télé déclaration fiscale par le ministère des finances (e-tasrih) ;

? Le système de télé déclaration des salaires et télépaiement des cotisations de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (e-CNSS) ;

? La constitution des statuts juridiques des sociétés en ligne par l'Agence de Promotion des Investissements sur www.tunisiaindustry.nat.tn;

? Portail du gouvernement en ligne sur www.bawaba.gov.tn.

Ces opérations mises au service des usagers sur internet vont permettre à l'administration tunisienne d'appréhender une nouvelle phase d'interactivité avec ces usagers par le développement du web 2.0 et l'instauration d'un gouvernement ouvert.

B. Les objectifs du programme de l'administration électronique

Plusieurs objectifs stratégiques ont été déterminés pour développer l'administration électronique:

1. Le développement de nouveaux services en ligne

L'objectif est d'aboutir progressivement à la mise en ligne d'un catalogue de services pour chaque secteur en tenant compte de :

88L'Agence Nationale de Certification Electronique (A.N.C.E.) vise la favorisation d'un environnement de confiance et de sécurité des services d'e-gouvernement par la certification électronique.

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? La réingénierie de la procédure ;

? L'analyse de la valeur et détermination du retour sur investissement ; ? La réponse aux besoins des utilisateurs.

2. L'amélioration de la qualité des services en ligne

Le développement de la qualité des services de l'administration électronique tunisienne vari selon l'usager.

? Le citoyen exige la simplification des procédures, un accès facile aux informations et un service en ligne qui lui fait gagner du temps.

? L'entreprise veut accéder aux informations utiles et cherche à accomplir les procédures administratives dans des délais raisonnables.

? Le fonctionnaire cherche à améliorer ses compétences par la formation et l'utilisation des nouvelles technologies afin de réduire sa charge.

C. L'Unité de l'Administration Electronique

Pour réussir ce programme de l'administration électronique une unité, mise en place auprès du premier ministère depuis 2005, est chargée de coordonner et de suivre la réalisation de toutes les décisions et recommandations et tous les projets qui s'inscrivent dans ce programme.

Cette unité est, aussi, chargée d'assurer, par des coordinateurs désignés au niveau de chaque ministère, un rôle de coordination entre les différentes structures publiques impliquées dans la mise en oeuvre du programme de l'administration électronique.

L'administration électronique est, aussi, connue sous l'appellation de e-gouvernement dans lequel le pouvoir d'un pays entreprend des actions par le biais de solutions basées sur les technologies de l'information et de la

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communication pour une meilleure gestion et une meilleure administration capable de renforcer la confiance dans la relation avec les usagers.

Paragraphe 2 : L'e-gouvernement

Dans un souci de faciliter la vie des usagers un gouvernement performant doit répondre essentiellement à deux critères :

? Une meilleure qualité de services dans le cadre d'une démarche de dématérialisation.

? Une réponse rapide en évitant la longueur de certaines contraintes d'authentification pouvant présenter des freins à la qualité du service offert.

A ces deux critères répond l'e-gouvernement qui présente une nouvelle phase d'évolution dans l'utilisation des NTIC par et dans l'administration publique dans le but de rendre ses services plus accessibles à tous ses usagers.

L'«e-Gouvernement», ou gouvernement électronique, ou encore gouvernement en ligne, se base essentiellement sur les éléments suivants :

? Services publics plus accessibles, plus faciles à utiliser et plus efficaces ; ? Renforcement de l'exercice des droits démocratiques par les citoyens ;

? Un même effet de proximité pour tous par un réseau de connexions internet à haut débit couvrant tout le territoire national.

L'expression e-Gouvernement englobe généralement deux notions :

La première relative à la dématérialisation des procédures publiques par la numérisation intégrale de l'accès aux services publics de l'Etat, des collectivités locales et des entreprises et établissements publics.

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La deuxième relative à l'utilisation des NTIC dans l'administration publique par la mise en place de systèmes d'information qui permettent le traitement électronique des procédures publiques.

Ainsi, le développement du e-gouvernement doit se faire par :

? Une coordination efficace avec les différents intervenants au niveau national ainsi qu'aux niveaux régional et local.

? Une simplification de l'accès par la généralisation et l'amélioration de la dimension technologique à travers le développement des infrastructures, la réduction des coûts, le haut débit...

Ces critères ont permis à la Tunisie, selon un rapport des Nations Unies, d'occuper la première place parmi les pays africains et maghrébins en matière d'e-gouvernement. Ce rapport, intitulée « 2010 Global E-Government Readiness Survey », est le résultat d'une enquête qui a permis d'évaluer 192 pays sur la base de critères relatifs à l'utilisation d'internet par l'administration publique, les infrastructures de télécommunications et les ressources humaines.

Ainsi, dans le cadre du développement d'e-gouvernement une firme internationale de consultants voit que le concept d'e-Gouvernement ou gouvernement électronique doit évoluer vers un «Smart Government» ou gouvernement intelligent qui met en place un portail d'accès aux services croisés. Ce portail va remplacer les portails actuels, caractérisés par un accès unique offert par l'administration, par un seul portail «intelligent » qui reprend l'information saisie par le citoyen et la transmet à tous les autres services affectés en y intégrant les modifications et les répercutant sur le service rendu.

Ce changement serait, désormais, possible avec le développement du web 2.0 qui remet en question les portails web actuels des gouvernements. D'ailleurs, l'un des experts du groupe «Gartner», «Andrea Di Maio», en se basant

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sur l'exemple de la ville de «Takeo » au Japon, qui a fermé sa page web pour privilégier sa page Facebook, se demande à partir du moment où la plupart des citoyens se retrouvent sur Facebook, pourquoi les forcer à passer ailleurs pour obtenir des services ?

Pour que le gouvernement améliore ses services aux usagers «Di Maio» a avancé les arguments suivants :

w' Les citoyens utilisent rarement les services du gouvernement et se tournent préférentiellement vers leur moteur de recherche favori en cas de besoin d'information ;

w' Ceux qui sont habitués à utiliser les services gouvernementaux pour des raisons d'obligations administratives ou de réception de prestation vont directement au site du ministère concerné et ne passent plus par le portail général ;

w' Les tentatives de participation citoyenne aura plus de chance d'aboutir sur un réseau social plutôt que sur un portail gouvernemental.

De tout ce qui précède, on peut dire que si le gouvernement électronique en Tunisie est assez développé aujourd'hui, selon le rapport des Nations Unies, une évolution vers un gouvernement intelligent demeure possible. Cette évolution peut se servir, d'une part, de la popularité des réseaux sociaux en Tunisie et, d'autre part, de l'infrastructure favorable dans l'administration publique et chez les privés (particuliers et entreprises), surtout avec le développement des services des opérateurs de télécommunication en Tunisie.

Ce contexte pourrait être favorable pour une meilleure gouvernance publique dans un cadre transparent qui favorise l'échange de l'information entre l'administration et ses usagers par l'instauration d'un gouvernement ouvert.

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Section 2 : L'open government : une initiative citoyenne

Un groupe de jeunes volontaires, cherchant à transposer l'initiative d'open government en Tunisie, a lancé, en novembre 2011, le projet OpenGovTN. Une initiative citoyenne à laquelle un certains nombre de jeunes élus de la constituante a adhéré.

Ces citoyens ont formé un groupe de réflexion de plus de 250 experts qualifiés et actifs sur les plateformes communautaires, dont notamment le réseau social «facebook». Ce groupe, formé d'ingénieurs, médecins, avocats, employés de l'administration et entrepreneurs, a une conviction que l'open government est garant d'une réelle démocratie participative. Ils ne sont pas une organisation et n'ont pas de structure légale mais se sont réunis pour promouvoir cette démarche et aider à la mettre en pratique.

De surcroît, ce groupe travaille aussi sur terrain en organisant des réunions de concertation, des discussions, des cellules de travail en Tunisie et à l'étranger. Ces jeunes internautes ne ratent pas l'occasion pour défendre l'idée qu'il ne peut pas y avoir de démocratie sans transparence. La transparence, selon un jeune député, est « le maître-mot du présent et, surtout, du futur qu'on est en train de bâtir ». Ce député, lors de la séance plénière de la constituante, en date du 29 décembre 2011, a exposé des propositions telles que la création d'une chaine et d'une radio parlementaires, la publication des procès verbaux des débats et l'enregistrement obligatoire de la présence des députés, ainsi que l'instauration d'un système de traçabilité du vote des députés et la publication rapide des débats dans le journal officiel.

Par ailleurs, le groupe OpenGovTN se fixe les deux objectifs suivants:

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? Favoriser l'inscription dans la constitution de la transparence totale comme règle de gouvernance ainsi que dans toutes les lois y afférentes telle que le droit de l'accès à l'information ;

? Entamer une réforme de l'administration tunisienne par l'adoption de l'open data et l'open government.

Cette ambitieuse équipe s'est adressée au Président de l'assemblée nationale constituante (ANC), en date du 26 avril 2012, pour revendiquer l'application de la transparence dans l'assemblée et ceci en appelant « le bureau de l'assemblée constituante et son administration à mettre tous les moyens en oeuvre pour que les engagements, écrits dans le règlement intérieur de l'assemblée, soient tenus ».

Dans ce même cadre le groupe OpenGovTN entend créer un livre blanc en langue arabe et française pour sensibiliser sur l'importance de l'open government en présentant ses avantages et en donnant des exemples et expériences réelles. Ce Livre, intitulé «Hell» ou «Ouvre», a vu le jour le 13 Mars 2012 après un travail de trois mois. Il porte des réponses aux questions essentielles concernant l'open government et l'open data.

Une autre initiative citoyenne est menée par l'entreprise «Web Design», qui est spécialisée dans le domaine d'intégration d'applications web basées sur les logiciels libres et open source. Cette entreprise privée vise, par la mise en ligne d'une plate-forme des données publiques «Open Data Tunisia», la création d'un niveau « sans précédent de transparence et d'ouverture du gouvernement, et tend à développer au sein de l'Administration d'une culture basée sur les principes de la transparence, de la participation et de la collaboration »89.

89Site web dédié à la publication des données publique, www.opendata.tn, (Genèse du projet).

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Cette plate-forme se présente comme un projet destiné à rassembler et à mettre à disposition un catalogue de données publiques, issues d'autorités tunisiennes officielles chargées de service public, en téléchargement libre et sous des formats exploitables. Les responsables de l'initiative de l'«Open Data Tunisia» visent à contribuer au renforcement de l'exigence de transparence à l'égard des administrations publiques. Ils considèrent que les pouvoirs politiques sont tenus d'engager une politique d'ouverture des données publiques pour un Etat plus transparent et plus ouvert. Un tel souci trouve dans la publication du programme d'action du gouvernement 2012 une certaine satisfaction et un pas sur la voie de la bonne gouvernance et de l'open government/data.

Les rédacteurs de «Open Data Tunisia» voient que « c'est une petite victoire pour tous les fervents adeptes de ce nouveau mode de gouvernance, en attendant la grande victoire, celle de mettre en application ces mesures, particulièrement celles faisant référence à l'Open Government Data »90.

Parmi les documents publiés sur ce site web on trouve, outre le programme d'action du gouvernement 2012, le rapport de l'instance supérieure indépendante des élections de la constituante, le 26ème rapport de la cour des comptes, un rapport sur le tourisme en 2010, un rapport sur l'activité de transport aérien de la compagnie «Tunisair»...

A l'occasion d'une conférence intitulée «Open Data et e-Participation », organisée les 03 et 04 avril 2012 par la Présidence du Gouvernement avec le concours du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l'initiateur du projet «Open Data Tunisia» a assuré une présentation à ce sujet. En outre, d'autres intervenants de la société civile ne cessent de revendiquer un droit à l'information et un libre accès aux données publiques à travers les différents médias et dans les divers réseaux sociaux.

90A propos du programme d'action du gouvernement 2012, www.opendata.tn.

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Section 3 : Perspectives d'avenir

Bénéficiant de la conjoncture actuelle dans le pays et le rôle de la société civile, différents acteurs veulent faire du nouveau cadre juridique (Paragraphe1) un climat propice pour faire de l'open government en Tunisie une démarche convaincante (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : Un nouveau cadre juridique

Des prémisses d'un cadre juridique favorable à l'open government et reconnaissant un droit d'accéder aux données publiques peuvent être trouvés dans le décret-loi n° 2011-41 du 26 mai 2011, relatif à l'accès aux documents administratifs des organismes publics, tel que modifié et complété par le décret-loi n° 2011-54 du 11 juin 2011. L'article 4 de ce décret-loi soumet tout organisme public à une obligation de publier régulièrement des documents, dont notamment:

? Toute information sur sa structure organisationnelle, les fonctions et tâches ainsi que ses politiques ;

? Un annuaire regroupant les noms, coordonnées et autres informations pertinentes concernant les agents de l'information de l'organisme public ;

? Les décisions importantes et politiques qui touchent le public ;

? Des informations sur les programmes gouvernementaux y compris les indicateurs de performance et les résultats des appels d'offres publics ;

? Un guide pour aider les usagers de l'administration dans la procédure de demande de documents administratifs.

Au sens de l'article 5 du décret-loi, l'organisme public compétent doit publier régulièrement :

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? Les informations statistiques économiques et sociales y compris les comptes nationaux, les enquêtes statistiques désagrégées ;

? Toute information sur les finances publiques y compris les informations macroéconomiques, les informations sur la dette publique et sur les actifs et les passifs de l'Etat, les prévisions et informations sur les dépenses à moyen terme, toute information sur l'évaluation des dépenses et de la gestion des finances publiques et les informations détaillées sur le budget, aux niveaux central, régional et local ;

? Les informations disponibles sur les services et programmes sociaux.

En effet, aucune mention n'est faite dans ce décret-loi concernant la divulgation desdites informations par les NTIC. Deux semaines plus tard le décret-loi n° 41-2011, jugé vite insuffisant et imprécis, a été réformé par le décret-loi n° 2011-54 du 11 juin 2011 pour ajouter à l'article 22 un paragraphe troisième qui stipule que « les rapports susvisés sont publiés aux sites web des organismes publics concernés ».

Il est aussi important de remarquer que le décret-loi n°41-2011 prévoit deux procédés d'accès aux documents administratifs, pour toute personne physique ou morale, à savoir la divulgation proactive et la divulgation sur demande de l'intéressé.

Le refus de communiquer un document administratif par un organisme public sous prétexte de la protection des données à caractère personnel ou de la propriété littéraire et artistique, ou encore suite à une décision juridictionnelle ou sous prétexte de confidentialité, est pris en compte par l'article 16 nouveau du décret-loi. Mais une interprétation extensive de cet article par l'administration risque de vider le décret-loi relatif à l'accès aux documents administratifs des organismes publics de son sens.

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Il y a lieu aussi de noter qu'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du décret-loi est prévu pour que les organismes publics se mettent « en pleine conformité avec les dispositions du décret-loi». Ce délai peut être jugé un peu long surtout avec l'évolution rapide des moyens techniques et technologiques mis à la disposition de l'administration publique. En outre, prévoir un délai de deux ans à partir de l'entrée en vigueur dudit décret-loi doit tenir compte de la date de promulgation de ses textes d'application.

A ce propos, la circulaire d'application du décret-loi n°41 du 26 mai 2011 relatif à l'accès aux documents administratifs des organismes publics vient de voir le jour en date du 5 mai 2012. Dans cette circulaire on trouve une détermination de la procédure de divulgation des données par l'administration publique et les différentes obligations qui sont à sa charge. Ladite circulaire prévoit, dans une approche de divulgation proactive des informations, l'obligation à tout organisme public de créer ou actualiser un site web sur lequel doivent être publiés notamment:

? Les missions de l'organisme public, son organisation, son adresse ainsi que les adresses électroniques de ses services;

? Les décisions et politiques publiques en relation avec l'activité de l'organisme public;

? Les textes juridiques régissant l'activité de l'organisme, notamment les circulaires et notes de services ;

? Les données relatives aux programmes de l'organisme, notamment celles relatives aux marchés publics et leurs résultats.

Pour les organismes publics compétents, outre des documents que doivent fournir les organismes publics, la circulaire prévoit une obligation de publier régulièrement les données économiques, statistiques, financières ou sociales relatives à leurs domaines d'activités.

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Aujourd'hui, plusieurs membres du gouvernement sont convaincus de cette démarche. Certains parmi eux ont donné des promesses et d'autres ont mené des actions pour une gouvernance ouverte.

Paragraphe 2 : L'open government : pour une démarche convaincante

Depuis l'installation du nouveau gouvernement, les hautes autorités ont affirmé que le Président de la République, le chef du gouvernement, les ministres et les hauts cadres de l'Etat allaient se soumettre à un contrôle de leurs richesses avant et après leur exercice. Cette initiative peut-elle être considérée comme une action pour initier le principe d'open government en Tunisie?

La transparence gouvernementale que garantit l'application de l'open government devient, aujourd'hui, une exigence de la quasi-totalité de la classe politique tunisienne. Différents responsables de partis politiques, ainsi que des personnalités politiques indépendantes réclament un gouvernement ouvert et une publication des données publiques sur le web.

L'open government permettra à tout citoyen, quelle que soit sa position, d'avoir une idée de ce que font les députés, les ministres, le Président de la République et l'administration publique et de participer, par la suite, à la politique de l'Etat. Dans ce contexte, on peut remarquer une certaine conviction de la part des trois présidences de la Tunisie post-révolutionnaire, le gouvernement (A), le Président de la République (B) et l'Assemblée Nationale Constituante (C), d'engager une démarche permettant l'ouverture des données publiques aux citoyens.

A. Pour le Gouvernement

La conférence «Open Data et e-Participation», organisée à Tunis les 3 et 4 Avril 2012, s'est tenue en présence de plusieurs experts et praticiens tunisiens

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et étrangers qui se sont réunis pour débattre des modalités de mise en oeuvre des concepts novateurs au sein de l'administration, ainsi que du rôle de la société civile et du secteur privé dans la réalisation des objectifs attendus par le recours à ces concepts novateurs.

Dans ce contexte, le ministère de développement régional91 et de la planification a déclaré que plus de 780 projets régionaux sont bloqués alors que les travaux d'autres projets d'une valeur globale de 770 millions de DT n'ont pas encore commencé. Le ministre promettait de mettre en ligne toutes les données relatives à ces projets.

Au niveau du ministère chargé de la réforme administrative un site web interactif est mis en place pour lutter contre la corruption. Ce site web, www.anticorruption-idara.gov.tn, va permettre aux citoyens d'informer sur tout type d'abus remarqué au sein de l'administration. Parmi ces abus, la corruption sous toutes ses formes, l'octroi illégal de privilèges spécifiques, la médiation interdite, l'usurpation des biens publics, l'usage des biens publics pour des buts personnels, l'usage de faux papiers administratifs...

En effet, pour réussir cet effort de lutte anti-corruption, un suivi permanant de ce projet permettrait d'évaluer ses résultats, notamment le degré de familiarisation des citoyens avec ce site.

Il est à noter que le ministère chargé de la réforme administrative avait promis de 92:

- Lancer un portail open data qui contiendra toutes les données publiques ; - Mettre en ligne une plateforme sur le suivi des marchés publics ;

91M. Jameleddine GHARBI, lors des travaux de la commission des finances de l'A.N.C. en date du 20 avril 2012

92Déclaration de M. Mohamed Abou sur la chaine RTCI http://goingnext.com/opendata/2012/03/30/les-10-promesses-de-mohamed-abbou-pour-lapplication-de-lopengov-en-tunisie/

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- Publier les budgets détaillés de tous les organismes publics ;

- Publier les déclarations de patrimoine des ministres et hauts fonctionnaires.

Par ailleurs, le ministère de la réforme administrative avait permis aux citoyens de participer à la vie publique à travers une consultation nationale sur la réforme des horaires administratifs dans la fonction publique. Cette consultation a été lancée à travers un site internet pour que le citoyen s'exprime et le gouvernement assume pleinement ce choix de gouvernance.

B. Pour le Président de la République

En date du 3 Avril 2012, le groupe OpenGovTN a adressé au Président de la République une lettre ouverte à l'occasion de la conférence annuelle de l'Open Government Partnership (OGP) qui s'est tenue les 17 et 18 avril 2012 au Brésil.

L'O.G.P. est une organisation internationale dont le rôle est de promouvoir l'initiative multilatérale et obtenir des engagements forts de la participation des institutions gouvernementales. Son rôle est de promouvoir la transparence, accroître la participation de la société civile, lutter contre la corruption, et exploiter les TIC pour rendre le gouvernement plus ouvert.

Dans sa lettre le groupe OpenGovTN souhaite avoir le soutien du Président de la République sur la possibilité « d'inclure éventuellement un membre d'OpenGovTN au sein de la délégation qui participera à cette conférence pour engager un échange d'informations et d'expériences avec l'homologue Open Gov brésilien ».

Le Président de la République a autorisé trois membres de ce groupe pour représenter la Tunisie officiellement dans la conférence annuelle de l'O.G.P. au Brésil. La délégation tunisienne comptait 9 personnes dont notamment des représentants des ministères des affaires étrangères, des

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finances et de la justice, ainsi que le directeur de l'unité de l'administration électronique.

Il est à préciser que cet évènement international réunit plus de 800 hauts fonctionnaires et environ 200 acteurs de la société civile de 60 pays du monde. La Tunisie n'est pourtant pas membre de cette organisation créée en Septembre 2011 sous l'impulsion de 8 pays fondateurs à savoir le Brésil, l'Indonésie, le Mexique, la Norvège, les Philippines, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique.

Pour adhérer à l'OGP quatre critères doivent être justifiés:

- La transparence fiscale, - L'accès à l'information,

- La publication des revenus et du patrimoine des hauts fonctionnaires,

- La participation citoyenne.

La Tunisie, aujourd'hui, possède un score proche de l'éligibilité. Son adhésion à l'OGP serait une étape institutionnelle pour la mise en place d'une démocratie participative dans le pays.

C- Pour l'Assemblée Nationale Constituante

Rencontré par un groupe militant pour la transparence et la participation citoyenne, le Président de l'ANC a affiché sa volonté de diffuser toutes les données et tous les documents ayant relation avec les activités de l'assemblée et des députés. Il a affirmé que « tous les documents qui sont produits et distribués aux élus sont publiables et le seront »93. Il a nuancé son propos par les difficultés matérielles et budgétaires de l'ANC, à l'archaïsme de l'appareil administratif, et aux « obstacles culturels ».

93Déclaration de M. Mustapha BEN JAAFAR http://goingnext.com/opendata/2012/05/14/mustapha-ben-jaafar-president-de-lassemblee-constituante-rejoint-le-groupe-opengovtn/

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Conclusion de la deuxième partie :

La Tunisie, dans son nouveau contexte postrévolutionnaire, n'est plus en mesure de nier l'importance de la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques.

L'administration publique, appelée à être en adéquation avec les nouvelles orientations, constitue un facteur important pour la réussite de la mise en oeuvre du programme d'open government en Tunisie.

En effet, un open government « tunisien » serait, sans doute, un levier pour instaurer les mécanismes d'une bonne gouvernance des affaires publiques et l'instauration des mécanismes d'une démocratie participative. Cela est dit, les partenaires de ce projet sont invités à s'inspirer des expériences des pays qui ont déjà mené une politique d'ouverture comme les Etats Unis, l'Australie, la Grande Bretagne, la France et d'autres pays de l'Union Européenne.

Les chantiers de réformes administratives qu'entend engager le nouveau gouvernement doivent mettre le projet de l'open government au coeur de leur stratégie.

L'administration publique tunisienne est en train d'entamer une réelle phase d'interactivité avec le citoyen par le biais du web en offrant l'accès aux usagers à quelques données publiques, chose qui était méconnue auparavant. Dans ce cadre certains ministères et entreprises et établissements publics ont jugé utile de publier sur le web des données statistiques, des résultats financiers, et autres informations considérées auparavant «secrètes».

Ces personnes de droit public essaient, aussi, de réussir un processus de communication et d'interactivité avec les usagers à travers les réseaux sociaux,

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nouvelle plateforme favorable pour cibler un public plus large de citoyens. Toutefois, une mise en ligne d'un point d'accès central et unique aux données publiques s'avère indispensable, et n'est envisageable que si la volonté politique soit en mesure de suivre l'évolution du phénomène dans le monde.

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Conclusion générale :

Comme l'a bien signalé André Maurois « qui veut changer trouvera toujours une bonne raison pour changer ». En effet, le processus de modernisation de l'administration publique est un parcours continu et les ambitions en matière de l'amélioration des rapports administrations/administrés et de la qualité des prestations administratives fournies aux citoyens ne sont plus les seules attentes des citoyens. L'association et l'implication au processus de prise de décisions publiques sont devenues la revendication principale des citoyens et de la société civile. La réponse à cette revendication a été favorisée par l'émergence de l'approche de l'open government.

L'open government constitue en réalité un catalyseur pour la mise en place d'une bonne gouvernance publique. Il est marqué par deux atouts. D'une part, il renforce le processus démocratique à travers une démarche participative pour la gestion des affaires publiques où tous les partenaires (gouvernement, citoyens et société civile) sont impliqués. D'autre part, il favorise une conduite saine et transparente des politiques et une dynamique économique générée par la réutilisation des données publiées.

La réalisation des objectifs escomptés d'un projet open government est tributaire des efforts déployés par l'administration publique. En effet, l'administration assume un rôle important dans la concrétisation de ces objectifs sur le terrain grâce à l'adoption d'un nouvel état d'esprit qui génère un changement aussi bien de la nature des rapports administration/administrés que du mode de gestion des affaires publiques.

Ainsi, l'adoption du projet de l'open government constitue une opportunité pour l'administration afin qu'elle puisse repenser ses modes de

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fonctionnement, incarner une nouvelle culture de la gestion des données et des documents publics et initier des projets innovants qui touchent notamment le management des ressources humaines, la gestion du patrimoine informationnel et la réorganisation des entités publiques. Ces projets vont permettre notamment de surmonter les difficultés matérielles et budgétaires, l'archaïsme de l'appareil administratif et les obstacles culturels.

La réussite du projet de l'open government constitue un garant pour créer de la valeur au niveau de l'administration publique en lui permettant d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires notamment en ce qui se rapporte à la transparence et à la participation dans la prise de décision. Ainsi l'administration publique doit maintenant trouver les moyens pour exploiter les potentialités offertes par l'open government dans l'objectif de créer de la valeur pour elle-même, pour les entreprises, pour la société civile et pour les citoyens.

L'administration publique tunisienne ne peut pas rester à l'abri d'un mouvement d'ouverture des données publiques, déjà initiée par des forces de la société civile dans le pays qui réclament un accès libre et non conditionné aux documents et aux données publiques. Ces données sont jugées indispensables pour accroitre la réactivité de l'administration aux demandes et besoins des citoyens, favoriser la prise en compte des avis exprimés sur les affaires publique et favoriser d'avantage la transparence grâce à l'emploi de mécanismes de consultation du public.

Il est entendu que l'orientation de la Tunisie vers l'adoption de l'open government ne doit pas se limiter à une simple transposition des expériences comparées ou des prototypes en la matière. Une adaptation de la nouvelle démarche au contexte tunisien s'impose et « aujourd'hui et encore plus demain, ce qui est important ce ne sont pas les meilleurs pratiques, exemples ou

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références trouvées à l'extérieur, mais les meilleures questions que le réformateur aura la sagesse et le courage de se poser »94.

A cet effet, le projet d'open government en Tunisie doit être accompagné par l'application des transformations à grande échelle au sein de l'administration, plutôt que des améliorations «marginales» . Des projets novateurs devront être entamés dans plusieurs domaines afin d'offrir à l'administration les meilleurs atouts lui permettant de jouer son plein rôle dans la réussite du projet open government.

Les actions peuvent toucher les domaines prioritaires tels que le changement de culture organisationnelle, la réingénierie des procédures, l'appropriation des TIC, la formation des ressources humaines, la refonte des textes réglementaires et l'urbanisation et la bonne gouvernance des systèmes d'information de l'administration.

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94Balogun (J), Hope Hailey (V) et Viardot (E), op.cit, p 213.

ANNEXES

Annexe n° 1: Les acteurs de l'open data en France.

Source : Vigé (J), « L'Open Data, retour sur la genèse d'un mouvement au coeur des débats politiques et économiques », Sep 2009, www.telcospinner-solucom.fr.

Annexe n° 2: Le Cloud Computing.

Annexe n° 3: Historique de la politique open data au Royaume-Uni.

Source : data.gov.uk, l'ouverture des données publiques au Royaume-Uni

www.ambascience.co.uk - Science et Technologie au Royaume-Uni Mars-Avril 2011.

Annexe n° 4: Organisation de la politique open data au Royaume-Uni.

Source : data.gov.uk, l'ouverture des données publiques au Royaume-Uni

www.ambascience.co.uk - Science et Technologie au Royaume-Uni Mars-Avril 2011.

Annexe n° 5: Les Structures de gouvernance au Maroc.

Source : http://www.egov.ma/Gouvernance/Pages/Structuredegouvernance.aspx

Annexe n° 6: Interactions entre les structures de gouvernance au Maroc.

Source : Communiqué de presse, « Gouvernance de Maroc Numeric 2013», 9ème Session du Comité Interministériel e-gouvernement (CIGOV), Rabat, le 14/05/2012.

BIBLIOGRAPHIE

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Colloques :

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- Riester (F), « Des limites à la transparence », in « Quelle politique pour les données publiques ? », Colloque 10 novembre 2011 - Assemblée nationale, p 15.

- Savino (M), Le droit à des administrations publiques ouvertes en Europe : Normes juridiques émergentes, OCDE, Direction de la gouvernance publique et du développement territorial, Document Sigma n° 46, 06/07/2011.

- Vedrine (Hubert), « L'action publique face à la mondialisation », Actes du 12ème colloque international, Paris 14 et 15 novembre 2002, in Politique et management public, n°3, Sept 2003, pp 1 - 81.

Publications :

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- Ecole des Ponts Paris Tech, Rapport remis à la Délégation aux Usages de l'Internet dans le cadre du portail Proxima Mobile de services aux citoyens sur terminaux mobiles, « Les données publiques au service de l'Innovation et de la Transparence, Pour une politique ambitieuse de réutilisation des données publiques », Juillet 2011, p 5.

- OCDE, « La modernisation du secteur public : l'administration ouverte », Juin 2005, p 1.

Web graphie :

- Bléair (S), Deloitte et Touche, « Provoquer ou subir le changement, l'avenir de la collaboration gouvernementale et le Web 2.0 », 2008, www.deloitte.ca.

- Danielle Bourlange, cité in « Pourquoi mettre à la disposition de tous les données publiques », aout 2011, www.rslnmag.fr.

- Ferchaud (B), « Les logiciels libres, solutions pour la gestion de l'information? », 11 mai 2004, www.adbs.fr.

- Howard (A), cité par Robichaud(L) in « L'heure de lâcher prise », Sep 2011.

- http://www.nap.edu/readingroom.php?book=exch&page=summary.html - http://www.opendefinition.org/

- Moloney (S), « Atelier de Washington sur l'évaluation du gouvernement ouvert », 18 mai 2011, www.law.upenn.edu.

- Roberge (N), « Gouvernement ouvert : le Québec peut-il offrir ses données sur le web? », Avril 2010, in http://evollia.com/

- Servière (S-F), « Classement international 2011 "Open Data et Open Government" », 08 juillet 2011, www.ifrap.org .

- Shadbolt (N), « L'open data n'est plus une chimère », in Regards sur le numérique, 24 février 2011, www.rslnmag.fr .

- Stiegler (B), « Pourquoi mettre à la disposition de tous les données publiques », 08 mars 2011, www.rslnmag.fr

- Vigé (J), « L'Open Data, retour sur la genèse d'un mouvement au coeur des débats politiques et économiques », Sep 2009, www.telcospinner-solucom.fr.

Liste des tableaux

N° Libellé Page

1

Exemples d'applications crées à partir d'open data.

14

2

Changement vers de nouvelles formes de collaboration.

28

3

Potentiel économique de l'ouverture des données publiques.

31

4

Comparaison du Gouvernement 1.0 et Gouvernement 2.0.

37

5

Tentatives gouvernementales d'informatisation de données

 
 

personnelles : Corée de sud.

41

6

Liste de quelques applications au Royaume Uni

55

7

Quelques acteurs du développement de l'Open Data au Royaume-

 
 

Uni.

56

8

Liste de quelques applications espagnoles.

65

9

Quelques acteurs du développement de l'Open Data en Espagne.

66

Liste des figures

N° Libellé Page

1 Les stratégies d'une politique d'open data. 15

2 Evolution de la philosophie de l'open. 18

3 Exemple des formats de données utilisés au Royaume-Uni. 39

Table des matières

Page

Introduction : 01

Partie I: Présentation de l'open government 07

Chapitre I : Identification de l'open government 07

Section 1 : L'émergence de l'open government 08

Paragraphe 1 : Signification de l'open government 08

Paragraphe 2: L'open data: l'épicentre de l'open government 11

Section 2 : L'open government : aboutissement d'un processus 16

Paragraphe 1 : L'open government : aboutissement de la philosophie de

l'open 17

Paragraphe 2 : L'open government : aboutissement du processus de

modernisation de l'administration publique 18

Chapitre II : L'open government : vers une modification à la

copernicienne de l'administration publique 20

Section 1 : Les apports de l'open government pour l'administration

publique 21

Paragraphe 1 : La « démocratisation » de l'administration publique 21

A. La participation 22

1. Les formes « classiques» de l'implication des citoyens 22

a) Le débat public 22

b) L'enquête publique 23

c) Le référendum 24

2. Le Web participatif 24

B. Coproduction et collaboration 26

C. La transparence 29

Paragraphe 2 : L'open data et développement économique 30

Section 2 : Les aspects organisationnels et techniques de l'open

government 33

Paragraphe 1: Les aspects organisationnels 33

Paragraphe 2: Les aspects techniques 35

A. Le Web 2.0 36

B. Les manifestations du Web 2.0 37

1. Le Blog 37

2. Le réseautage social 38

3. Le Wiki 38

C. Les formats des données publiques ouvertes 39

Section 3: Les limites à l'open government 40

Paragraphe 1 : Limites relatives à la protection des données

personnelles et à la sécurité 40

a) Protection d'intérêts publics légitimes 43

b) Protection d'intérêts privés légitimes 44

Paragraphe 2 : Limites culturelles 44

Paragraphe 3 : Limites techniques 45

Conclusion de la première partie 48

Partie II : Une initiative tunisienne d'open government à la lumière

d'expériences internationales 50

Chapitre I : Expériences comparées de l'open government 51

Section 1 : Les pays anglo-saxons pionniers de l'Open Data 51

Paragraphe 1 : Les Etats-Unis d'Amérique 51

Paragraphe 2 : Le Royaume-Uni 53

Paragraphe 3 : Le Canada 57

A. Transparence 58

B. Participation 59

C. Collaboration 59

Paragraphe 4 : L'Australie 59

A. L'open data, un préalable à l'administration participative 60

B. Un dialogue institutionnel multilatéral 60

C. L'exploitation des réseaux sociaux 61

Section 2 : Le niveau européen 62

Paragraphe 1 : Les directives européennes 62

Paragraphe 2 : Les expériences étatiques 64

A. L'Espagne 65

B. La France 67

Section 3 : Le niveau africain 69

Paragraphe 1 : Le Maroc 69

A. Transformation de l'action gouvernementale 07

B. Mise en place d'une démarche participative 70

C. Structures publiques de l'e-gouvernement 71

Paragraphe 2 : Le Kenya 72

Chapitre II : L'open government en Tunisie 72

Section 1 : Aperçu historique 73

Paragraphe 1 : L'administration électronique 73

A. Evolution de l'administration électronique 74

1. La phase préliminaire (1980-1999) 74

2. La phase d'information (2000-2002) 74

3. La phase d'interaction (2003-2005) 74

4. La phase de transaction (2006-2009) 74

5. La phase d'intégration (Depuis 2009) 75

B. Les objectifs du programme de l'administration électronique 75

1. Le développement de nouveaux services en ligne 75

2. L'amélioration de la qualité des services en ligne 76

C. L'Unité de l'Administration Electronique 76

Paragraphe 2 : L'e-gouvernement 77

Section 1 : L'open government, une initiative citoyenne 80

Section 2 : Perspectives d'avenir 83

Paragraphe 1 : Un nouveau cadre juridique 83

Paragraphe 2 : L'open government : pour une démarche convaincante 86

A. Pour le Gouvernement 86

B. Pour le Président de la République 88

C. Pour l'Assemblée Nationale Constituante 89

Conclusion de la deuxième partie 97

Conclusion générale 92

Annexes

Liste des tableaux

Liste des figures

Table des matières






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand