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Du fondement de l'avortement thérapeutique en Droit positif congolais

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par Nephtaly ABASSA BYENDA
Université libre des pays des grands lacs RDC - Graduat en droit 2011
  

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Chapitre I

LE DROIT A LA VIE DU FOETUS : UN DROIT LEGALEMENT GARANTI

Le droit positif congolais assure le respect des droits fondamentaux. Parmi tous ces droits, le droit à la vie est non seulement le plus indispensable, parce qu'il est inhérent à la personne, mais encore il est la condition d'acquisition des autres droits attachés à la personne.10(*) Le principe du droit à la vie des personnes est énoncé au deuxième alinéa de l'article 16 de la constitution congolaise. La question qui se pose est celle de savoir si le foetus faisait partie de personnes dont la constitution reconnait affirmativement le droit à la vie. La réponse à cette question est donnée par le principe « infans conceptus pronato habetur, quoties de comodi ejus agitur » qui veut dire que l'enfant, tout simplement conçu est considéré comme né chaque fois qu'il en va de son intérêt.11(*) Ce principe se trouve complété par l'article 211 du code de la famille qui déclare que toute personne ne jouit des droits civils dès sa conception à condition qu'elle naisse vivante.12(*) Les doctrinaires, quand ils analysent l'article 211 susmentionné, ont tendance à reconnaitre au foetus ou à l'enfant à naitre uni-quement le droit à la succession et à exclure sa personne car, estiment-ils, que la personnalité juridique court à partir de la naissance.13(*) Pendant que dans les procédés techniques d'inter-prétation de texte législatif, il est une maxime d'interprétation Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus signifiant qu'il est défendu de distinguer là où la loi ne distingue pas. C'est-à-dire que l'interprète n'a pas le pouvoir de restreindre l'application d'une loi conçue en termes généraux. Autrement dit, si un texte est rédigé en termes généraux, il n'appartient pas à l'interprète d'en limiter l'application à certaines hypothèses seulement.14(*) Et pourtant si le législateur dit que toute personne jouit des droits civils, c'est parce qu'il lui reconnait un droit à la vie lequel ne peut être atteint que s'il est accompagné d'un droit à la protection contre l'atteinte à l'intégrité physique de nature à entraver son développement normal.

Cependant, le droit à la vie de l'enfant à naitre, du foetus ou de l'embryon quel que soit le terme utilisé, est le droit d'une « personne en devenir » que l'on doit protéger, voir même jusque dans le sens de la dignité de la personne humaine.15(*)

Heureusement que le droit positif congolais a pris position contre l'avortement dans le souci d'assurer la protection de l'enfant avant même sa naissance (section 1) en insérant dans le code pénal des dispositions y afférentes. Mais le droit à la vie du foetus ou de l'enfant à naitre ne peut être envisagé de manière absolue mais plutôt de manière relative parce qu'il faut également prendre en considération le droit égal de la mère à la vie. C'est un droit à la vie qui revêt un caractère relatif (section 2).

Section 1. DE LA PROTECTION DE L'ENFANT AVANT SA NAISSANCE

Dès la conception, le législateur intervient pour garantir cet enfant en formation contre toute atteinte de nature à compromettre son intégrité physique ou son développement normal. Sa volonté protectrice à l'égard de l'enfant tout simplement conçu, est si forte qu'il complète son action répressive par une action préventive placée loin en amont des manoeuvres abortives proprement dites en interdisant toute propagande anticonceptionnelle.16(*)

Ainsi, la répression et la prévention constituent les deux faces d'une politique criminelle qui tend à concilier les antagonismes virulents17(*) et parfois irréductibles qui surgissent en matière de protection virtuelle de l'enfant et à réaliser un difficile équilibre entre la morale et la liberté. L'action répressive enseigne le respect à la vie, mais la propagande anticoncep-tionnelle postule le droit pour la femme de disposer librement de son corps et même de désirer une naissance au moment qu'elle choisit. On se rend vite compte des multiples considérations éthiques, philosophiques, religieuses, économiques ou politico-sociales, natu-rellement fluctuantes qui dans le temps et dans l'espace, peuvent influencer la politique criminelle en matière d'avortement et de protection de la natalité.18(*)

Avant de parler de la protection de l'enfant sur le plan international, intéressons-nous à cette question sur le plan national (§1).

§1. De l'incrimination de l'avortement

Les articles 165 et 166 du code pénal congolais incriminent l'avortement sans le définir. Si bien qu'il se pose à l'égard de cette incrimination un problème réel de définition, qui est rarement perçu (A). Ainsi convient-il de révéler ce problème avant d'analyser les éléments constitutifs de l'infraction considérée et son régime répressif (B).

A. Problème de definition

Pour suppléer au silence de la loi, la doctrine et la jurisprudence s'accordent pour caractériser l'avortement par l'utilisation des procédés destinés à provoquer artificiellement l'expulsion prématurée du produit de la conception.19(*) En d'autres termes, l'avortement consiste dans des pratiques ou des manoeuvres abortives tendant à interrompre la grossesse en provoquant l'expulsion avant terme du foetus, quel que soit le stade de développement de celui-ci et indépendamment de sa volonté.20(*)

De notre part, nous constatons que cette définition restreint la portée réelle de la protection pénale de l'enfant à naitre. En effet, aux termes de la formulation doctrinale et jurisprudentielle de l'avortement, celui-ci est matériellement caractérisé à partir du moment où l'interruption de grossesse, réalisée au moyen des procédés artificiels, chimiques ou mécaniques, se trouve en quelque sorte attestée par l'expulsion du produit de la conception, c'est-à-dire par l'évacuation de celui-ci hors du corps de la mère.21(*) Autrement dit, le résultat poursuivi par l'agent est atteint dès que l'interruption de grossesse est manifestement consommée par l'expulsion du produit de la conception,22(*) peu importe que le foetus soit mort avant les pratiques abortives, puisque celles-ci ont pour finalité non seulement la destruction de l'être germé mais encore l'expulsion de celui-ci du corps de la mère. Dans cette hypothèse, on se trouve en présence du cas du délit impossible. Il en est de même lorsque le produit de la conception survit à celles-ci.

Il peut également arriver qu'à la suite des pratiques abortives, le foetus meurt mais reste dans l'utérus. Que dire? Logiquement il ne peut s'agir que d'une tentative d'avortement puisque l'expulsion n'a pas eu lieu. Ainsi, celui qui tuerait le foetus sans obtenir son évacuation ne serait poursuivi que pour la tentative d'avortement tandis que celui libérerait la mère de l'objet de sa grossesse encourrait la prévention de l'avortement même si le foetus évacué vivant.23(*) Cette solution ne peut que choquer même si dans l'état actuel de notre législation, la tentative est punie de la même façon que l'infraction consommée.24(*) Mais en droit comparé la tentative punissable équivaut au délit impossible qui est réprimé comme le délit interrompu ou le délit manqué tout simplement parce qu'ils satisfassent aux mêmes conditions à savoir un commencement d'exécution et un désistement involontaire.25(*) Il suffit que ces deux conditions soient réunies, pour se convaincre de l'existence de la tentative punissable.26(*) On peut également envisager le cas de celui qui tue un foetus évacué vivant ou qui le laisse mourir. Dans cette hypothèse aussi la définition doctrinale et jurisprudentielle est inopérante.

Apparaissent ainsi des distorsions, importantes entre la volonté du législateur de protéger la vie en gestation et la mise en oeuvre doctrinale et prétorienne de cette volonté. Ces distorsions trouvent sans doute leur origine dans laquelle les auteurs et les tribunaux ont considéré qu'un foetus mort est évacué forcement27(*). Ce qui ne se vérifie toujours pas.

Le projet de loi présenté par la sous-commission chargée de la reforme du droit pénal essaie de concilier la définition de l'avortement avec la pensée du législateur dans la mesure du possible, sans pour autant faire obstacle aux possibilités de progrès scientifique qui restent, dans le domaine de la natalité, nombreuses.28(*) En effet, l'article 2 de ce projet assimile à l'avortement le fait de détruire ou de porter atteinte à l'intégrité physique de l'enfant en gestation, de même que le fait de compromettre gravement son développement normal. Il vient ainsi non seulement combler les lacunes de l'actuelle législation qui a omis de définir l'avortement, mais aussi corriger la compréhension doctrinale et prétorienne qui restreint la portée réelle de la protection pénale de l'enfant à naitre en caractérisant l'avortement par l'utilisation de procédés de nature à provoquer artificiellement l'expulsion du produit de la conception ou du foetus.29(*) L'imprécision terminologique de l'avortement n'est pas seulement le fait de la doctrine et de la jurisprudence, mais elle résulte aussi de la loi elle-même, en l'occurrence de l'article 166 du CPC, qui incrimine « l'avortement sur soi-même »30(*). Il est inconcevable d'envisager « l'avortement sur soi-même », car l'incrimination de l'avortement ne victimise pas la mère mais bien l'enfant tout simplement conçu. La doctrine soutient qu'il serait plus juste de parler de « l'avortement commis par la mère ».31(*)

L'article 166 du CPC nous plonge dans une confusion qui tient au phénomène de la « dualité victimale » résultant de l'essence même de l'infraction, laquelle donne en effet lieu à une double victimisation atteignant à titre principal et final l'enfant en gestation et, à titre secondaire et modale la mère. L'avortement ne peut seulement pas résulter des pratiques abortives mais également de l'administration de coups et blessures portés sur la femme et qui atteignent indirectement l'enfant in utero. Ou encore de l'administration de substances nuisibles faite directement sur la femme. Dans ce dernier cas, l'enfant est indirectement atteint.

De cette analyse, nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

1. Lorsque la femme commet elle-même des manoeuvres abortives, elle est à la fois victime de coups et blessures ou de l'administration de substances nuisibles32(*) et délinquante parce qu'elle commet l'acte expressément prévu et puni par la loi. Cette victimité ne prête pas à conséquence puisque, elle ne peut être poursuivie comme auteur pour les infractions qui l'ont victimisé. En revanche sa délinquance sera sanctionnée ;

2. Lorsque la femme a simplement donné son consentement à l'avortement mais sans pratiquer elle-même les manoeuvres abortives incriminées, sa victimité n'entraine aucune suite pénale à son propre égard mais elle doit être considérée comme co-auteur à l'égard des auteurs de l'acte prohibé contre lesquels le cumul idéal avec l'avortement sera retenu. En revanche la criminalité de cette femme peut être établie en qualité de co-auteur dans la mesure où elle a recherché librement et activement cet avortement ne fut-ce que parce qu'elle a due se déplacé librement jusqu'au lieu où l'acte a été commis. Puisque la femme est poursuivable comme co-auteur, il est normal que l'homme, auteur de la grossesse l'ayant incité à avorter soit aussi poursuivi non pas comme complice mais comme co-auteur, mettant aussi l'accent sur sa double responsabilité à l'égard de sa compagne et à l'égard du fruit de leur union. Doivent également être poursuivis comme co-auteurs par provocation ou incitation, toutes personnes qui exercent une certaine ascendance ou une certaine autorité sur la femme.33(*) En dehors de ces cas, l'incitation à l'avortement devrait être poursuivie comme une simple complicité ;

3. Dans ces cas, l'avortement obtenu est intentionnellement recherché, parce que les coups et blessures donnés et substances nuisibles administrées constituent des infractions-moyens par rapport à l'avortement qui est l'infraction-fin34(*). Mais il peut se faire que l'avortement résultant des coups et blessures intentionnellement donnés ou des substances nuisibles administrées soit en réalité tout à fait involontaire.

Lorsque l'auteur de coups et blessures volontairement portés sur la femme enceinte ou celui de l'administration de substances nuisibles, était au courant de l'état de grossesse de la femme, le droit devrait assurer la protection de l'enfant de même que celle de la mère, par une aggravation particulière de la situation de l'auteur dans la mesure où celui-ci connaissait l'état de la grossesse de la victime.

Après l'émission des critiques et observations aux textes qui, actuellement en vigueur répriment l'avortement sur soi-même à l'article 166 du CPC et l'avortement par autrui, à l'article 165 du CPC, examinons-en d'une part les éléments constitutifs et d'autre part le régime répressif de ces infraction.

* 10 La constitution du 18 février 2006, J.O. R.D.C, n° spécial du 18 février 2006.

* 11 F.TERRE, D.FENOUILLET., Op.cit, p.23.

* 12 Il semble que dans le droit contemporain, le foetus ne soit pas un sujet de droit c'est-à-dire une personne au regard de la loi. Ce qui amène à penser que c'est un objet ? tas de cellules? dont la qualité exige une protection par la loi. C'est pourquoi, nous sommes d'avis qu'un éclaircissement sur le statut juridique du foetus est important, car de son statut découle l'autorisation ou l'interdiction de l'avortement. Cependant, il relève d'un statut légal spécifique, parce qu'au terme de l'article 211 du code de la famille, le foetus est un sujet de droit dans certaines limites et conditions qui le différencient d'une personne à part antière.

* 13 M.L. BORDENAVE, M. BRUNTZ, F. CHEVALIER., Droit, édit Nathan, Paris, 1991, p.71.

* 14 C.T C.KIBAMBI VAKE. Introduction générale au droit, ULPGL, Goma, 2009-2010, p. 51. Inédit.

* 15 L. FAVOREUX., Droits et libertés fondamentaux, Paris, Dalloz, 2000, p.190.

* 16 LIKULIA BOLONGO, Op.cit, p.294

* 17 Ibid.

* 18 Ibid.

* 19 LIKULIA BOLONGO., Op.cit, p. 294.

* 20 Ibid., p. 295.

* 21 Ibid.

* 22 Ibid.

* 23 LIKULIA BOLONGO, Op.cit, p.295.

* 24 L'article 4 du Décret du 30janvier 1940 portant code pénal congolais tel que modifié et complété à ces jours. Mis à jour au 05 octobre 2006, 47ème année, J.O RDC, n° spécial du 05 octobre 2006.

* 25 M. E. CARTIER, G. CONFINO., Droit pénal : exercices pratiques, 4è édit, Montchrestien, Paris, 1997, p.94.

* 26 Ibid., p.94.

* 27 CSJ, cassation 20 décembre 1978, arrêt TSHIDIBI, B.A CSJ, année 1978, Kinshasa 1979, p153.

* 28 LIKULIA BOLONGO, « Les problèmes juridiques actuels », UNAZA, Kinshasa, in R.J.Z, 1973-1974, p.17.

* 29 LIKULIA BOLONGO, Op.cit, p. 295.

* 30 Article 166 du Décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais tel que modifié et complété à ce jour, 47è année, J.O RDC, n° spécial du 05 octobre 2006.

* 31 LIKULIA BOLONGO, Op.cit, p.296.

* 32 Nous pouvons considérer que l'avortement intervenu après émission criminelle de rayonnement radioactif dirigé vers l'enfant en gestation est opéré par « l'administration des substances nuisibles »

* 33 LIKULIA BOLONGO, Op. cit, p. 296.

* 34 Sur la notion d'infraction-moyen et d'infraction-fin, voir Charles KAKULE KALWAHALI, Droit pénal spécial, G3 Faculté de droit, ULPGL, Goma, 2011-2012, p.7.

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