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Le parcours de soins coordonnés

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par Céline PERRUCHET
Université Paris II Panthéon-Assas - Master 2 - Droit Social (Recherche) 2013
  

Disponible en mode multipage

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Céline PERRUCHET

Master 2 Recherche Droit Social

Université Paris II Panthéon-Assas

LE PARCOURS DE SOINS COORDONNÉS

Sous la direction de Monsieur Patrick Morvan

Professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas

Promotion Avosial

Année universitaire 2013-2014

REMERCIEMENTS

À Monsieur le Professeur Patrick Morvan, pour sa disponibilité et ses conseils.

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Art.

ACS

AT/MP

Article

Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé

Accidents du travail / Maladies professionnelles

AME

Aide médicale de l'État

CMU

CMU-C

Couverture maladie universelle

Couverture maladie universelle complémentaire

CNAMTS

Caisse nationale de l'Assurance maladie des travailleurs salariés

C. civ.

Code civil

CSP

Code de la santé publique

CSS

Code de la sécurité sociale

Conv.

Convention

Cass. 1ère civ.

Première chambre civile de la Cour de cassation

CC

Conseil Constitutionnel

CSMF

Confédération des syndicats médicaux français

CE

Conseil d'État

D.

Décret

DMP

Dossier médical personnel

Dr. soc.

FMF

Droit social

Fédération des Médecins de France

HCAAM

Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie

IRDES

Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé

L.

Loi

Obs.

Observation

Préc.

Précité

RDSS

SMG

Revue de Droit sanitaire et Social

Syndicat des Médecins Généralistes

SML

SNMG

Syndicat des Médecins Libéraux

Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes

V.

Voir

SOMMAIRE

INTRODUCTION 7

PARTIE 1 : LA MISE EN PLACE PARADOXALE DU PARCOURS DE SOINS 15

Titre 1 : La volonté d'une réforme 16

Chapitre 1 : La décision d'agir dans le domaine de l'accès aux soins 17

Chapitre 2 : Les obstacles à une réforme 26

Titre 2 : L'avènement de la réforme 31

Chapitre 1 : Les fragilités de la réforme 32

Chapitre 2 : La mise en place effective du parcours de soins 38

PARTIE 2 : LE BILAN CONTRASTÉ DU PARCOURS DE SOINS 45

Titre 1 : Un dispositif qui ne tend pas vers une meilleure coordination des soins 46

Chapitre 1 : Un parcours qui n'atteint pas son objectif comptable 47

Chapitre 2 : Un parcours qui n'a pas bouleversé les comportements 52

Titre 2 : Un dispositif qui ne tend pas vers une meilleure qualité des soins 58

Chapitre 1 : Un parcours qui remet en cause les grands principes de la médecine 59

Chapitre 2 : L'impact sur la qualité et l'organisation des soins 66

CONCLUSION 73

BIBLIOGRAPHIE 74

INDEX ALPHABÉTIQUE 80

TABLE DES MATIÈRES 81

INTRODUCTION

« Taisez-vous ignorante ; ce n'est pas à vous de contrôler les ordonnances de la médecine » Molière, Le malade imaginaire, Acte I, scène II

Et pourtant, en France, on ne peut que constater que les mesures visant à contrôler les actes médicaux s'étoffent continuellement.

La meilleure illustration réside dans la loi Douste-Blazy n°2004-810 du 13 août 2004, mettant en place le parcours de soins coordonnés. Cette dernière énonce que tout assuré ou ayant droit d'au moins 16 ans doit choisir un médecin traitant, le plus souvent généraliste, ayant pour compétence d'adresser le patient aux autres médecins, le plus souvent spécialistes. L'assuré qui n'a pas choisi de médecin traitant ou qui s'adresse directement à ces autres médecins est sanctionné financièrement, par une augmentation du ticket modérateur et un dépassement d'honoraires.

Cette loi constitue ainsi d'une part, l'aboutissement du contrôle étatique de la médecine, et d'autre part, la cristallisation de la scission des professions médicales en généralistes et spécialistes.

§1. Un contrôle de la médecine en progression constante

1- Une règlementation visant d'abord à protéger le malade et à distinguer le médecin du charlatan. Le médecin, qualifié de « prêtre du corps » par Michel Foucault1(*), a une emprise sur le fonctionnement du corps de l'homme. Il soigne, mais aussi conseille, oriente, et trace le chemin du malade au sein du système de santé. Ce pouvoir du médecin sur l'homme nécessite donc un contrôle, une délimitation, afin de protéger le patient.

2- Cet objectif de protection du malade se remarque d'ailleurs dès les premières sociétés organisées2(*). En Mésopotamie, au XVIIIe siècle avant notre ère, des règles imposent déjà aux médecins de prêter serment, précisant leurs compétences, stipulant leurs responsabilités et les peines encourues en cas d'échec à leur mission. Au Ve siècle avant notre ère, en Grèce, la démocratisation progressive de l'accès à la médecine fait craindre les pratiques de charlatanisme. Hippocrate pose donc dans ses divers ouvrages les préceptes d'exercice de la médecine, basés sur le respect du malade et la recherche du soin le plus adapté. La médecine doit poursuivre deux buts selon lui : Soulager le malade et ne pas lui nuire. Le Serment énonce ainsi tous les éléments de l'éthique médicale occidentale depuis cette époque : le primat de l'intérêt du malade ; le secret professionnel et le respect de son intimité ; le refus d'accomplir des actes dangereux. Plus tard, sous l'Empire romain et le règne de Julien, l'exercice de la médecine est désormais subordonné à la délivrance d'un permis après un examen obligatoire devant un jury de médecins réputés. Cette alliance de l'éthique et du contrôle se retrouve également dans le monde musulman. Au XIIe siècle de notre ère, la profession de médecin est contrôlée et supervisée par un haut fonctionnaire, al-Muhtasib, et l'exercice de l'art soumis à la prestation d'un serment.

3- En France, la règlementation est d'abord passée par la formation à la profession de médecin : En 1220, le cardinal Conrad, légal du pape Honorius III édicte des statuts organisant durablement le cursus des études dans une véritable école de médecine. Ces études deviennent par la suite la seule voie possible à l'exercice de la médecine.

Le contrôle de la profession en elle-même se développe plus particulièrement au XVIIIe siècle, quand au mois de mars 1707, Louis XIV ordonne que soit rédigé un Édit afin de réformer entièrement la médecine et d'en fixer l'état à l'avenir3(*). L'objectif était encore une fois de délimiter juridiquement les rôles des médecins, et plus particulièrement de distinguer le médecin attitré du charlatan.

4- A l'heure actuelle, l'exercice de la médecine est subordonné à l'obtention d'un diplôme d'État de docteur en médecine, ainsi qu'au Code de déontologie médicale, entré en vigueur avec le décret du 27 juin 1947, dont l'application est contrôlée par l'Ordre des médecins. La protection du patient et son droit à des soins de qualité sont ainsi pleinement assurés. Mais le contrôle de la médecine ne vise plus seulement à protéger le malade : Il est, depuis quelques dizaines d'années, dicté par une nécessité d'économie.

5- Une règlementation visant ensuite à limiter les dépenses de santé. Ce nouvel objectif est pleinement lié à l'avènement de la notion de sécurité sociale.

6- La sécurité sociale est entendue comme un système d'assistance pris en charge par un État qui se considère officiellement comme le débiteur des indigents, eux-mêmes considérés comme créanciers d'un droit de subsister ou de travailler4(*). Alors qu'à son avènement, au XVIIIe siècle, elle reposait principalement sur l'épargne individuelle ou l'assistance, elle repose désormais sur la solidarité nationale et un financement par des cotisations sociales. La loi du 30 avril 1930 sur les assurances sociales fait ainsi prendre en charge par un organisme assureur ou des caisses départementales les risques de maladie, de maternité, d'invalidité, de vieillesse et de décès. L'ordonnance-cadre du 4 octobre 1945 finalise la mise en place d'un véritable système de Sécurité sociale en formant un régime professionnel, comprenant une Assurance maladie, géré par une pluralité de caisses et financé par les cotisations sociales. Les soins dispensés par les médecins sont ainsi remboursés par l'intermédiaire des caisses de sécurité sociales, elles-mêmes financées par le travail des cotisants.

7- Ce mode d'organisation s'est considérablement développé durant les Trente glorieuses, mais a ensuite montré ses failles. La combinaison de la crise de l'emploi, provoquant une perte des cotisations, du vieillissement de la population, et du développement du progrès médical provoquant une augmentation des dépenses de santé a conduit le gouvernement à encadrer la prise en charge des soins médicaux dans les années 1980. Les déficits ont cependant continué à se creuser d'années en années, celui de la branche maladie, deuxième branche la plus déficitaire après la branche vieillesse, atteignant 5,9 milliards d'euros en 20125(*).

8- Le médecin étant le vecteur de la mise en oeuvre de l'offre de soins, de par ses activités techniques et de prescription, les tentatives de contrôle des dépenses de la branche maladie de la Sécurité sociale se sont concentrées sur lui. Ainsi, l'article L.162-2-1 du Code de la sécurité sociale énonce que « les médecins sont tenus, dans tous leurs actes et prescriptions, d'observer, dans le cadre de la législation et de la règlementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité, et l'efficacité des soins ».

9- La mise en place d'un système de conventions médicales par un décret du 6 janvier 1966 a été la première grande mesure de contrôle des dépenses résultant de soins médicaux : Le médecin qui décide d'adhérer à ce système est alors lié à l'Assurance maladie, et en échange de tarifs régulés pour ses actes, une partie de ses cotisations et charges est supportée par la Sécurité sociale. Le médecin qui refuse d'adhérer à ce système dispose d'une liberté tarifaire totale, mais les soins dispensés ne sont alors plus remboursés à l'assuré par la Sécurité sociale. Il va sans dire que la plupart des médecins ont donc choisi le conventionnement6(*).

10- La mise en place du parcours de soins coordonnés a constitué la seconde grande mesure de contrôle des dépenses résultant de soins médicaux. Un de ses justificatifs était que les médecins spécialistes pratiquent plus souvent des actes techniques pouvant entraîner un coût plus important, selon la Sécurité sociale. Ainsi, réguler leur accès semblait présenter un avantage au plan économique.

11- C'est également la désunion constante du corps médical qui a permis cette cristallisation de la séparation de la médecine en deux branches, la médecine générale et la médecine spécialiste, au service du contrôle des dépenses de l'Assurance maladie.

§2. Un corps médical marqué par les scissions

12- Une première distinction est faite entre médecins et chirurgiens. En Mésopotamie, le médecin, asû, formé à l'école des scribes et premier à examiner le malade, est ainsi opposé au barbier-chirurgien, gallabu, praticien déclassé, spécialisé en petite chirurgie. La Grèce antique a ensuite été témoin de l'apparition d'une véritable caste de praticiens, les Asclépiades. Dans le courant du XIIe siècle avant notre ère, les Asclépiades transmettaient leur savoir médical par apprentissage familial, faisant de l'accès à la fonction de médecin une voie fermée à tout personnage extérieur. Ce n'est qu'au Ve siècle avant notre ère qu'un mouvement d'admission plus ouvert commença à se répandre, participant à la création des premières écoles de médecine. Sous l'Empire romain, encore une fois, une opposition s'organise entre les médecins, nobles et théoriciens, et les chirurgiens, perçus comme inférieurs et cantonnés aux actes techniques.

13- Cette distinction perdure jusqu'au Moyen-Âge, séparant les médecins formés dans les facultés et les barbiers-chirurgiens. Ce n'est qu'en 1311 que, constatant que la chirurgie était pratiquée par nombre de gens, Philippe le Bel la réglemente par un édit, soumettant sa pratique à un examen par les chirurgiens jurés du roi. Le 2 avril 1743, Louis XV proclame ensuite la Déclaration royale, accordant aux praticiens une véritable charte de leurs droits et de leurs devoirs, les séparant formellement des barbiers.

14- Une brève scission entre docteurs en médecine et officiers de santé se forme ensuite. Le rétablissement d'un cursus universitaire en médecine, après sa suppression, le 10 mars 1803, bouleverse l'échelle des grades. Deux catégories de praticiens viennent à être distinguées, les docteurs en médecine et les officiers de santé. Dans cette dernière catégorie se retrouve la figure du médecin de campagne, personnifié par le personnage de Charles Bovary, dans le roman de Flaubert Madame Bovary. Ce corps est cependant rapidement mis en extinction par la loi du 30 novembre 1892.

15- La distinction finale est faite entre médecins généralistes et médecins spécialistes. La notion de spécialités apparait dès l'Égypte ancienne, le médecin généraliste, sounou, étant différencié des praticiens spécialisés. Étaient ainsi représentés les « médecins des deux yeux » ou les « médecins du ventre ». Dans l'Empire romain du IIe siècle de notre ère, la plupart des médecins sont généralistes, mais des spécialités officielles commencent à apparaître : Les trois grandes subdivisions en sont les traitements des maladies, des blessures, et des yeux. Cette spécialisation progressive s'explique par le développement des connaissances médicales, qui rend difficile à un seul homme de les maîtriser toutes.

16- En France, les médecins du XVIIIe siècle abandonnent finalement le concept de maladie comme un désordre général du corps et admettent la notion de lésion locale, en commençant à segmenter le savoir médical en champs de spécialités. L'une des premières à s'individualiser est la cardiologie, le coeur étant depuis l'Antiquité et les travaux d'Hippocrate et de Galien l'un des organes les mieux connus. Richard Lower publie ainsi en 1669 le Traité du coeur (Tractatus de corde), premier vrai traité de cardiologie. Dès le XIXe siècle la distinction sépare désormais la médecine quotidienne, généraliste, de la médecine anatomo-clinique, spécialiste, fondée sur les grandes réformes hospitalières et la création des écoles d'internat en 1802.

17- Les grands changements apparaissent au lendemain de la 2ème guerre mondiale. L'essor économique combiné à l'essor scientifique enclenché par la loi Debré du 30 décembre 1958 rapproche les facultés de médecine des hôpitaux de haut niveau, valorisant les soins hospitaliers et favorisant ainsi la recherche scientifique de spécialité. C'est le triomphe des « médecines d'organes », spécialisées en cardiologie, oto-rhino-laryngologie, ou encore neurologie. De ce fait, la médecine générale se trouve exclue de l'enseignement et de la recherche française.

18- Dans les années soixante-dix, les études s'organisent en dissociant les cursus généralistes et les cursus spécialistes. Les futurs généralistes effectuent six années d'études en commun avec les futurs spécialistes et n'ont pour formation spécifique qu'un stage interné, en septième année, correspondant à un stage hospitalier d'une année sans réel contenu théorique ni pratique.

19- Ainsi, c'est le 1er Juillet 1970, que le Conseil national de l'Ordre souligne l'intérêt d'une réforme des études médicales afin d'améliorer la formation de l'omnipraticien.
Le 5 juillet 1973, le gouvernement forme la commission FOUGERE qui propose le 1er avril 1975 la création d'un 3ème cycle de médecine générale dont elle précise en mars 1977 les modalités : « une formation hospitalière de dix-huit mois, un stage extra-hospitalier sous la forme de vingt à quarante demi-journées réparties sur trois à six mois et un enseignement théorique de 150 heures ».

20- Les futurs spécialistes ont aussi été témoins d'une évolution dans les conditions d'accès à leur métier. Jusqu'en 1984, un étudiant pouvait devenir spécialiste de deux façons : soit par la voie hospitalière sélective du concours de l'externat puis de l'internat, soit par la voie universitaire non sélective des certificats d'études spécialisées (CES). La réforme des études médicales de 1984 supprime les CES médicaux, exige le passage de l'internat obligatoire pour l'accès à la spécialité, et interdit toute conversion ou toute évolution de carrière : Il est désormais impossible, en dehors des capacités acquises en une ou deux années, d'obtenir une qualification sous forme de compétence ou de s'orienter secondairement vers une spécialité. Seule la réussite du concours de l'internat permet l'accès à la spécialité. A l'inverse, l'étudiant qui se destine à la médecine générale poursuit ses études, après le 2ème cycle commun à tous, par un 3ème cycle de formation à la médecine générale appelé résidanat, dont l'accès est direct pour les étudiants. Le futur médecin généraliste est ainsi sélectionné par l'échec ou l'absence de présentation au concours de l'internat.

21- La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 apporte une évolution majeure à l'enseignement de la médecine générale. Elle impose à tous les étudiants en médecine de 2ème cycle, futurs généralistes comme futurs spécialistes, de se présenter aux épreuves classantes nationales de l'internat. De plus, l'arrêté du 22 septembre 2004 fixant la liste des diplômes d'études spécialisées reconnait désormais la médecine générale au même titre que les autres disciplines spécialistes. La médecine générale devient ainsi une spécialité à part entière et une discipline universitaire sanctionnée par l'obtention d'un diplôme d'études spécialisées (DES), conférant au médecin diplômé à partir de 2007 le titre de « praticien spécialiste en médecine générale ». La loi du 13 août 2004, plaçant le médecin traitant, souvent généraliste, au centre du parcours de santé, participe également à cet objectif de revalorisation de la médecine générale.

22- Après avoir exploré le placement historique de la réforme du parcours de soins coordonnés, le présent mémoire a pour objet d'exposer la mise en place du parcours de soins, avant d'en présenter un bilan.

23- La mise en place du parcours de soins présentait des paradoxes (I). Sur le plan économique, la décision d'agir dans le domaine de l'accès aux soins témoignait d'une certaine logique, l'Assurance maladie étant la deuxième branche la plus déficitaire de la Sécurité sociale. Cependant, les réformes similaires mises en place des années auparavant ont montré qu'aucune n'avait eu pour conséquence les résultats attendus. De plus, sur le plan de la qualité des soins, les objectifs de la réforme étaient flous, et la solution de l'encadrement du choix des assurés paraissait être peu justifiée.

24- Le bilan du parcours de soins a confirmé ces craintes (II). L'objectif d'économies n'a pas été rempli : En revanche, les assurés ont vu leur reste à charge augmenter. L'objectif d'une meilleure qualité des soins n'a pas été rempli non plus : Bien au contraire, les retards de diagnostics se sont avérés être de plus en plus fréquents. Ces failles sont, en outre, d'autant plus inquiétantes que les réformes annoncées risquent de les accentuer.

PARTIE 1 : LA MISE EN PLACE PARADOXALE DU PARCOURS DE SOINS

25- Depuis la volonté de la réforme (Titre I) jusqu'à son avènement (Titre II), des contradictions ont jalonné le chemin de la mise en oeuvre de la loi n°2004-810 du 13 août 2004.

TITRE 1 : LA VOLONTÉ D'UNE REFORME

26- La décision d'agir s'est d'abord portée sur le domaine de l'accès aux soins (Chapitre I), et a continué dans cette direction malgré les obstacles (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA DÉCISION D'AGIR DANS LE DOMAINE DE L'ACCÈS AUX SOINS

27- La décision de réformer l'accès aux soins s'est construite à partir d'un bilan de la situation française (Section 1), en comparaison avec les situations étrangères (Section II).

SECTION I : L'ACCÈS AUX SOINS EN FRANCE

28- L'organisation de l'accès aux soins en France avant la loi n°2004-810 du 13 août 2004 reposait sur le socle des grands principes de la médecine libérale (§1). Les déficits récurrents de l'Assurance maladie ont cependant été les déclencheurs d'une volonté de réformer le parcours des assurés sociaux (§2).

§1. Les grands principes de la médecine libérale

29- C'est la Charte médicale du 30 novembre 1927 qui a d'abord consacré les principes fondamentaux de la médecine libérale. Ces derniers sont actuellement la liberté de choix du médecin par le malade ; la liberté de prescription ; le respect du secret professionnel ; le paiement direct des honoraires par le malade ; la liberté d'installation du médecin. Ces principes sont aujourd'hui codifiés à l'article L.162-2 du Code de la sécurité sociale7(*), et la jurisprudence administrative leur a reconnu le caractère de principes fondamentaux de la Sécurité sociale8(*).

30- La liberté de choix du médecin par le malade. Cette énonciation signifie que tout assuré doit pouvoir choisir librement son médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste. Ainsi, avant la réforme du 13 août 2004, aucun parcours n'était à respecter pour les assurés, qui pouvaient consulter les médecins de leur choix. Ce choix n'affectait pas le niveau de leur prise en charge, dès lors qu'ils consultaient un médecin sectorisé. Ce principe est le plus important, d'ailleurs placé en première place dans l'énumération faite par l'article L.162-2-1 du Code de la sécurité sociale, et qualifié de principe fondamental de la législation sanitaire par l'article L.1110-8, alinéa 1er du Code de la santé publique9(*). Le Conseil d'État a également qualifié ce droit de principe général du droit10(*). C'est cependant le principe qui a été le plus affecté par la réforme opérée en août 2004.

31- La liberté de prescription du médecin. Ce principe va de pair avec l'indépendance professionnelle et la liberté du médecin, mais cette notion a évolué. La liberté de prescrire est d'une part soumise aux données acquises de la science, et d'autre part confrontée à des restrictions quant à sa mise en oeuvre. Elles tiennent en premier lieu à des raisons de sécurité et au développement de médicaments nouveaux, qui incitent à la prudence dans leur utilisation, afin d'éviter notamment des incompatibilités médicamenteuses. Elles tiennent en second lieu à des considérations économiques, le médecin étant tenu d'observer « la plus stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement », comme énoncé par l'article L.162-2-1 du Code de la sécurité sociale11(*).

32- Le respect du secret professionnel. En application de ce principe, le médecin ne doit rien révéler de ce qu'il a connu ou appris sur son patient. Ce principe a d'abord été sanctionné par le Code pénal, désormais à l'article 226-1312(*), avant que la notion ne soit précisée par les Codes de déontologie médicale successifs, puis par l'article L.1110-4 du Code de la santé publique13(*), introduit par la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 consacrant différents droits du patient.

33- Le paiement direct des honoraires par le malade. Ce principe signifie que le médecin est payé directement par le patient, sans intermédiaire. Il se rattache également à celui du paiement à l'acte, qui implique que le praticien soit payé à la fin de chaque consultation. La règle du paiement direct s'applique différemment selon le statut des médecins : Un médecin conventionné en secteur 1 doit veiller à ce que ses honoraires respectent le tarif fixé par l'Assurance maladie. Un médecin conventionné en secteur 2 peut en revanche pratiquer des dépassements d'honoraires, dans une certaine limite. Enfin, un médecin non conventionné fixe ses honoraires librement. C'est le second principe à avoir été le plus affecté par la réforme du 13 août 2004, qui a notamment introduit une possibilité de dépassement d'honoraires pour les médecins conventionnés en secteur 1. Plus largement, les difficultés de maîtrise des dépenses de santé et la crise économique ont conduit depuis plusieurs années à un encadrement de plus en plus poussé des honoraires demandés par les médecins.

34- La liberté d'installation du médecin. Ce principe, selon lequel les médecins libéraux peuvent créer un cabinet sans restriction géographique, est aussi grandement débattu depuis plusieurs années. L'invocation des « déserts médicaux » existant dans certaines régions de France (dont on peut se demander s'ils ne sont pas tout simplement des « déserts », tant au niveau populationnel et commercial qu'au niveau médical) a conduit les pouvoirs publics à mettre en place diverses mesures pour contrôler l'installation des jeunes médecins.

§2. La confrontation aux déficits de l'Assurance maladie

35- Ces différents principes sont articulés avec la prise en charge des soins médicaux par l'Assurance maladie. Les prestations en nature prennent ainsi la forme d'un remboursement partiel ou total des frais engagés, si l'assuré peut justifier à la date des soins de certaines conditions d'activité14(*). Jusqu'en 1998, pour se faire rembourser un acte médical, il fallait obligatoirement envoyer une feuille de soin à une caisse primaire d'assurance maladie. L'apparition de la carte vitale en 1998 a permis l'instauration d'un système dématérialisé. La procédure permet ensuite à l'Assurance maladie de transmettre une demande de remboursement complémentaire à la mutuelle de l'assuré.  

36- Les déficits de l'Assurance maladie se sont cependant creusés d'année en année. La croissance des dépenses de santé n'a pas pu être suivie par les recettes de l'Assurance maladie, les cotisations sociales ne progressant pas au même niveau. Cette combinaison d'un secteur soumis au vieillissement de la population et aux progrès techniques, et d'une sensibilité des ressources de la protection sociale à la croissance économique ont nécessairement conduit à une détérioration des comptes sociaux. Alors que le secteur de la santé représente plus de 10% du PIB, en 2003, le déficit s'élevait à 11,1 milliard d'euros, et en 2004, à 11,6 milliards d'euros15(*). Une augmentation drastique du déficit a eu lieu entre 2002 et 2003, poussant alors les pouvoirs publics à agir.

37- Le choix d'agir dans le domaine de la santé. Si la loi du 13 août 2004 constitue la mesure phare des tentatives de contrôle des dépenses de l'Assurance maladie, diverses actions l'ont précédée dans le domaine des soins. Dès 1945, un ticket modérateur était créé, laissant une part à la charge de l'assuré après le remboursement des soins par l'Assurance maladie. L'autre levier d'action portait sur les remboursements en eux-mêmes, qui ont été fortement réduits sur les médicaments, frais dentaires et optiques depuis les années 1960, notamment par le plan Juppé de 1996. La réforme Douste-Blazy du mois d'août 2004 s'est donc inscrite dans cette tendance de retrait de l'Assurance maladie quant à la prise en charge des soins, tout en allant plus loin que toutes les mesures précédemment adoptées.

SECTION 2 : L'ACCÈS AUX SOINS A L'ÉTRANGER

38- Les différents systèmes de santé. Une première distinction peut se faire entre pays de tradition bismarckienne et pays de tradition beveridgienne, ou universelle. Les pays de tradition bismarckienne, comme la France ou l'Allemagne, se caractérisent par un risque couvert par les assurances sociales. Ils optent généralement pour le paiement à l'acte. En revanche, dans les systèmes universels, comme le Royaume Uni ou l'Espagne, la médecine de ville est intégrée au service public de santé. Ils optent généralement pour la capitation (une somme annuelle allouée par patients) ou le paiement au forfait. Une seconde distinction peut se faire entre trois modèles : Dans le modèle professionnel non hiérarchisé, comme la France, l'Allemagne, ou le Canada, l'organisation des soins primaires est laissée à l'initiative des acteurs. Dans le modèle professionnel hiérarchisé, comme au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, ou en Australie, le médecin généraliste est le pivot du système de santé. Enfin, dans le modèle normatif hiérarchisé, comme en Espagne, en Finlande ou en Suède, le système de santé est organisé autour des soins primaires et régulé par l'État.

39- Tous les pays ont fait face aux mêmes questionnements concernant le financement des soins des usagers. La persistance des déficits, alimentés par une augmentation constante de la part des dépenses de santé dans les PIB, l'amélioration des traitements, les progrès technologiques, l'augmentation de l'espérance de vie mais également le creusement des inégalités dans les conditions d'accès aux soins ont conduit à s'interroger sur l'organisation et la rémunération de la médecine de ville. Dès le début des années 2000, le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore l'Allemagne avaient déjà mené des réformes en la matière16(*).

40- Le levier d'une plus grande coopération entre professionnels. Tous les pays développés ont cherché à développer une approche plus coordonnée des soins. Certains pays ont opté pour le regroupement des professionnels autour de pratiques de médecine générale. Ainsi, au Royaume-Uni, les cabinets de groupe se sont fortement développés, et en Allemagne, il en a été de même pour les centres de santé et les polycliniques. Au Canada et en Australie ont été créés des projets expérimentaux dans les provinces pour des Réseaux de soins de première ligne, ou Family Health Networks en Ontario, et Groupes de médecins de famille au Québec. Au Royaume-Uni, un nouveau contrat a été introduit, le New General Practitioner Contract, rationalisant des éléments du contrat traditionnel entre les médecins généralistes et le National Health Service. Enfin, certains ont opté pour le développement de rôles infirmiers ou de métiers nouveaux pour compenser la pénurie de médecins dans certaines spécialités, comme en Finlande ou en Suède.

41- Le levier de l'introduction de modes mixtes de rémunération des médecins. En Suède et en Finlande a été développé dans les années 1990 un nouveau mode de rémunération pour les médecins référents exerçant dans les centres de santé, associant une part salariale, une part à la capitation selon le nombre de patients du cabinet, et une part de paiement à l'acte.

42- Le levier de la régulation de la demande. Ce levier comporte en premier lieu un versant financier. Outre le ticket modérateur, introduit en France dès 1945 et en Allemagne en 2004, la franchise et la participation de 10 ou 20% en Suisse reporte une partie du coût des soins sur le patient. En second lieu, il comporte un versant éducatif. L'éducation à la santé, l'idée de responsabilisation du patient, vise à développer son autonomie et a pour but de freiner la demande de soins.

43- Le levier de la régulation de l'offre : Le système du « gatekeeping ». Selon ce système, des médecins généralistes pilotent le patient dans un parcours de soins, et sont chargés de l'orienter vers d'autres professionnels de la santé, notamment spécialistes. Le médecin généraliste, « gatekeeper », garde en main les clefs de l'accès à d'autres professionnels. Ce système est pratiqué tout d'abord au Royaume-Uni : Le patient doit choisir son médecin généraliste, un choix encadré par une sectorisation géographique. Il doit ensuite passer par ce dernier pour pouvoir consulter un autre praticien. Ce mode d'organisation des soins est également pratiqué en Suède et en Espagne. Dans ces trois pays, les praticiens exercent au sein de cabinets regroupant d'autres professionnels de santé, généralistes ou spécialistes, ce qui permet une véritable coordination des soins entre professionnels. En revanche, en Allemagne ou en Italie, si les soins primaires sont également assurés par des médecins généralistes chargés d'orienter les patients pour la suite des traitements, le regroupement en cabinets collectif n'est pas aussi poussé.

44- Les résultats mitigés du système. Selon de nombreuses analyses, les systèmes étrangers ayant recours à une telle organisation dépensent moins pour la santé17(*). Mais ces mêmes auteurs soulignent toutefois que ces résultats doivent être considérés « avec précaution et validés par de futures études ». Il est également important de mettre en relation toutes les variables d'un système de santé afin d'évaluer correctement la qualité du gatekeeping : En premier lieu, il ressort que le système de gatekeeping et la capitation sont étroitement liés. En second lieu, il ressort également que les conséquences de sa mise en place varient fortement selon les incitations et contraintes adressées aux généralistes : Le généraliste anglais, dans le cadre des Primary care trust, est notamment incité à réduire les recours à la médecine spécialisée puisqu'il gère un budget de soins secondaires. Dans d'autres systèmes, l'absence d'une prescription du généraliste se traduit par une absence totale de remboursement. En troisième lieu, dans de nombreux systèmes de santé, le gatekeeping a pour fonction, non de maîtriser les dépenses, mais de rationaliser l'utilisation d'un système de soins secondaires où l'offre est limitée. Ainsi, la mesure n'aura pas la même portée s'il existe une offre généreuse de médecine spécialisée en ville (comme c'est le cas de la France) ou si, au contraire, celle-ci est cantonnée à l'hôpital et n'est accessible qu'au prix d'une attente plus ou moins longue. Enfin, ce système présente une plus grande efficience dans les pays où sont organisés des regroupements de médecins au sein de cabinets collectifs, comme c'est le cas au Royaume-Uni.

45- L'abandon du système du gatekeeping, l'exemple américain. Aux États-Unis, ce système a été mis en place à partir des années 1990 par des organismes d'assurance. Cependant, dès le début des années 2000, l'utilité du gatekeeping quant à la maîtrise des dépenses de santé a été questionnée. Une étude montrait notamment que les dépenses médicales n'étaient pas nécessairement inférieures, pour le même réseau de médecins, selon que les assurés étaient soumis à un filtrage strict ou à de simples incitations à passer par un médecin généraliste18(*). Une autre a montré des changements de comportements minimes lors de l'abandon par un groupe d'assurance santé de son système de « gatekeeping »19(*). Ces résultats, combinés à un mécontentement grandissant des spécialistes et des patients et à un accroissement considérable des tâches bureaucratiques des généralistes, ont conduit à l'abandon de ce système20(*).

46- En France, un rapport d'enquête de l'Inspection générale des Finances rendu en mars 2003 quant aux expériences étrangères concernant le gatekeeping a d'ailleurs pris acte de ces renonciations, en précisant qu'au « vu des expériences étrangères, il est difficile de conclure sur l'efficacité économique et sanitaire de ce dispositif. De plus, la mise en oeuvre d'une telle mesure apparaît peu pertinente en France aujourd'hui »21(*).

CHAPITRE II : LES OBSTACLES A UNE REFORME

47- La volonté française de mettre en place une réforme de l'accès aux soins, sur le modèle des réformes étrangères, s'est d'abord heurtée à l'incohérence des objectifs affichés (Section 1), ainsi qu'à la résistance de la médecine libérale (Section 2).

SECTION I : DES OBJECTIFS LOINTAINS

48- Le premier but affiché était une meilleure coordination des soins. Il s'agissait tout d'abord de promouvoir une meilleure organisation du parcours suivi par le patient dans le cadre de ses différentes consultations. Était alors mise en avant une organisation plus structurée du système de santé, afin de développer l'efficience du traitement et d'éviter tous soins redondants ou inutiles.

49- Le second but était la responsabilisation des patients. Terme grandement utilisé par le Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie22(*), il signifie qu'afin de rentabiliser l'utilisation du système de santé, il faudrait que les patients soient conscients des conséquences de leurs consultations sur les finances de l'Assurance maladie. Il s'agissait notamment d'éviter le « nomadisme médical ».

50- Le nomadisme médical correspond à des comportements consistant à multiplier les consultations et examens portant sur le même sujet ou à changer fréquemment de médecin, cumulant ainsi les consultations médicales. Cette notion renvoie à la vision d'un patient errant dans le système de santé, allant volontairement d'une consultation à une autre sans que celles-ci ne soient nécessaires. Cette image a été critiquée comme étant trop éloignée de la réalité : Les études ont révélé que le nomadisme est d'ampleur limitée, voire très marginal. Ainsi, il n'y aurait que 0,47% de présumés nomades parmi les assurés sociaux23(*).

51- Mais le but principal d'une réforme était de limiter les dépenses de l'Assurance maladie, face au creusement du déficit entre 2002 et 2003. Les mesures prises dans les années précédentes s'étaient axées sur la régulation de la demande, par voie financière, via les diverses augmentations des tickets modérateurs et la baisse des remboursements de médicaments. La seule régulation de l'offre passait par l'instauration d'un numerus clausus dans les facultés de médecine. La solution choisie par la réforme était alors de jouer à la fois sur l'offre et la demande : La régulation de l'offre impliquait un passage obligatoire par le médecin traitant, et la régulation de la demande impliquait des pénalisations financières en cas de non-respect du parcours.

52- Or, ces objectifs ont tous été formulés de façon floue : Aucune définition n'était donnée des termes utilisés, et aucune étude n'était avancée pour justifier ces choix. Les termes en question (« meilleure coordination », « responsabilisation du patient », « efficience du parcours de soins ») avaient d'ailleurs été régulièrement utilisés dans les réformes précédentes, leur signification véritable s'adaptant ainsi à la volonté du législateur. La marge de manoeuvre a, par conséquent, été très étendue dès le départ, permettant la justification de toute nouvelle mesure par un objectif volontairement flou.

SECTION II : LA RÉSISTANCE DE LA MÉDECINE LIBÉRALE

53- L'ordonnance du 19 octobre 1945 a d'abord retenu le principe d'une convention définissant des tarifs opposables aux praticiens, dans un cadre départemental. Devant les refus de signature des syndicats médicaux départementaux et les non respects fréquents des tarifs conventionnels, un décret du 22 mai 1960 a tenté d'augmenter le nombre de départements conventionnés. Désormais, à défaut de convention départementale, chaque médecin pouvait adhérer à la convention-type qui accompagnait le décret, élaborée à l'échelon national, des avantages sociaux étant prévus pour inciter à l'adhésion. Ainsi, les cotisations étaient partiellement prises en charge par les organismes d'assurance maladie.

54- Sous l'influence du syndicalisme médical, un régime conventionnel à l'échelon national a ensuite été mis en place par une loi du 3 juillet 1971. Une convention nationale déterminait alors les rapports entre caisses nationales d'assurance maladie et organisations de médecins, engageant tous les praticiens, sauf ceux manifestant leur refus de s'engager. Une convention du 29 mai 198024(*) a ainsi tenté sans succès d'harmoniser les dépenses ayant trait aux honoraires et les recettes de l'Assurance maladie via la fixation d'une « enveloppe globale ». Elle a également permis aux médecins de conserver la libre fixation de leurs honoraires sans justification de compétence particulière, même conventionnés, les malades étant alors remboursés sur la base du tarif retenu par l'accord : Ce fut l'avènement de la distinction entre médecin conventionnés à part entière (secteur 1), médecins conventionnés à honoraires libres (secteur 2), et médecins bénéficiant d'un droit permanent à dépassement, non conventionnés.

55- La convention nationale du 1er juillet 1985 a quant à elle introduit des programmes d'actions en faveur d'un « bon usage des soins ». En cas de non-respect des règles conventionnelles, une procédure de mise « hors convention » entrainait alors la suppression de certains avantages sociaux pendant une période donnée.

56- La convention du 9 mars 1990 ne fut signée par l'ensemble des caisses nationales d'assurance maladie qu'avec une seule organisation syndicale représentative de médecins, et fut ainsi privée d'effet par suite de l'annulation par le Conseil d'État de son arrêté d'approbation25(*). Mais cette convention montrait une volonté d'innover. Elle faisait notamment la promotion de la médecine générale, invitait à l'essor de la formation médicale continue, et témoignait de l'apparition d'une volonté de maîtriser de concert l'évolution des dépenses de santé, introduisant les « références médicales nationale d'évolution ».

57- La loi du 4 janvier 1993 relative à la maîtrise des dépenses de santé, puis la convention médicale du 21 octobre 1993 ont introduit les premières grandes mesures de réduction des dépenses de santé, via la notion de « maîtrise médicalisée des dépenses ». En premier lieu, il s'agissait de limiter le remboursement des dépenses de santé aux seules dépenses qui apparaissaient nécessaires, d'un point de vue médical, au moyen de recommandations et de références médicales, ces dernières étant opposables aux médecins, sous peine de sanctions financières. En second lieu, fut introduit le codage des actes médicaux. Dès les premières conventions, le risque de contentieux était donc élevé. La plupart des conventions signées n'ont jamais été appliquées.

58- Une scission entre médecins généralistes et spécialistes a été opérée par les conventions distinctes du 12 mars 1997, en application de la loi du 23 janvier 1990. L'une s'appliquait aux généralistes, l'autre aux spécialistes, remplaçant ainsi la convention du 21 octobre 1993, dénoncée par les caisses nationales.

59- La réforme Juppé de 1996, entraina cependant une multiplication des actions contentieuses.  Cette réforme, qui promouvait l'encadrement des dépenses de santé par l'action combinée de la loi et de la convention, conçue comme une mesure d'application, via un dispositif de sanctions financières à l'encontre des médecins, a inauguré une ère de résistance. Les contentieux se sont multipliés, et les conventions signées depuis 1993 ont été privées d'effets par annulation des actes d'approbation de l'autorité de tutelle. L'approbation ministérielle des accords était ainsi régulièrement contestée par les médecins, à titre collectif (actions syndicales en annulation) ou individuel (recours en excès de pouvoir). Une ultime convention fut signée le 26 novembre 1998, relative aux seuls médecins généralistes et conclue avec seulement un syndicat représentatif de la profession.

TITRE 2 : L'AVÈNEMENT DE LA RÉFORME

60- Malgré les fragilités initiales (Chapitre 1), la réforme de l'accès aux soins a finalement vu le jour, introduite par la loi Douste-Blazy n°2004-810 du 13 août 2004, mettant en place le parcours de soins coordonnés (Chapitre 2).

CHAPITRE I : LES FRAGILITÉS DE LA RÉFORME

61- Les finalités contradictoires de la loi (Section 1), ajoutées à son assise peu légitime (Section 2), n'ont cependant pas empêché la réforme de se mettre en place.

SECTION I : DES FINALITÉS CONTRADICTOIRES

62- Un renforcement de la qualité des soins passant par un blocage de l'accès aux spécialistes. Le concept de « maîtrise médicalisée » utilisé par le HCAAM renvoie à l'idée selon laquelle l'amélioration de la qualité des soins et la maîtrise des dépenses doivent être l'affaire conjointe de l'Assurance maladie et des professionnels de santé26(*) : La qualité des soins est ainsi qualifiée de « force supérieure », devant permettre de dompter l'évolution des dépenses, et donc être présente dans chaque réforme27(*). C'est ainsi que dans son rapport de 2005, le HCAAM précisait que la réforme ouvrait la voie à « une amélioration des performances du système, tant en termes de qualité que d'efficience »28(*). Dans l'exposé des motifs de l'article 5 du projet de loi relatif à l'Assurance maladie qui l'instituait était affirmée l'idée que la liberté totale des usagers au sein du système de soins pouvait être en contradiction avec la nécessité de coordination des soins, « une des conditions de la qualité des soins ». Dans le cadre de la réforme du 13 août 2004, la régulation du recours au spécialiste a donc été choisie comme le gage d'une meilleure prise en charge du patient. Le passage préalable par un médecin traitant, le plus souvent généraliste, devait permettre une meilleure qualité des soins. C'est ici le premier paradoxe qu'il faut relever : Il parait difficile de voir en quoi un recours à un médecin spécialiste en premier lieu serait inapproprié. Ce praticien a, a fortiori, plus de connaissances et de compétences dans son domaine de spécialisation qu'un médecin généraliste, et semble donc au contraire être plus à même de soigner le patient de façon efficiente. Ces interrogations sur la logique même du socle de la réforme n'ont cependant aucune réponse : Le dispositif du médecin traitant a été bâti sans aucune expertise réelle sur la fréquence des recours injustifiés aux spécialistes, et sur leurs éventuels effets négatifs sur les patients.

63- Une responsabilisation du patient passant par un frein à sa liberté. La notion de « responsabilisation » du patient a fait partie de l'un des axes accessoires de la réforme envisagée en 2004. Selon le dictionnaire Larousse, la responsabilisation renvoie au fait de responsabiliser, c'est-à-dire « rendre quelqu'un, un groupe, conscient de ses responsabilités ». Peu de précisions étant données quant aux responsabilités en questions, il semble qu'il s'agissait ici de faire prendre conscience au patient des conséquences de son cheminement dans le parcours de soins sur les finances de l'Assurance maladie. Le « nomadisme médical » était d'ailleurs fréquemment cité à l'appui : Selon cette notion, les déficits de l'Assurance maladie seraient en partie dus aux consultations inutiles et multipliées chez divers praticiens par les patients. Si l'idée n'est en soi pas mauvaise, un second paradoxe est à relever : Le parcours de soins repose sur le frein à la liberté du patient, en ce qu'il l'empêche de consulter directement un médecin spécialiste (sauf exceptions) sans avoir d'abord été adressé par son médecin traitant. Il paraît difficile de voir le lien entre une prise de conscience de ses responsabilités et le contrôle du trajet du patient au sein de son parcours de soins.

64- Un meilleur accès aux soins pour tous passant par un renforcement des contraintes budgétaires. La problématique de l'accès aux soins pour tous les patients est présente depuis l'avènement de la Sécurité sociale. L'objectif d'une amélioration de l'égalité dans l'accès aux soins a sous-tendu chaque réforme depuis 1945 : Tous les assurés doivent pouvoir se faire soigner dans les mêmes conditions, mais les différences de situations financières empêchent la réalisation de cet objectif, causant des inégalités dans l'accès aux soins. Malgré la mise en place de la CMU ou de l'AME, les populations n'ayant pas un haut niveau de revenus peuvent être freinées dans leur accès aux soins par le remboursement seulement partiel des consultations et traitements. Le troisième paradoxe apparait ici : Le dispositif du parcours de soins a dès l'origine été dessiné par des pénalisations financières. Le patient qui ne respecte pas ce parcours doit subir une réduction de son taux de remboursement, et un possible dépassement d'honoraires. Le dispositif semble donc plus susceptible de creuser les inégalités dans l'accès aux soins que de les résoudre. 

65- Des notions floues. Ces différents paradoxes ont été en partie portés par la plasticité des idées sous-tendant la réforme. La notion de coordination des soins a d'ailleurs été décrite comme « le pouvoir mobilisateur d'un concept mou »29(*). Son origine a été importée du concept de « managed care » aux États-Unis, mais surtout du concept de « gatekeeping ». Or, comme cela a été évoqué plus haut, les résultats du gatekeeping n'ont pas toujours été concluants. La reprise du concept s'est donc faite en surface, sans véritables études sur sa viabilité dans le système français.

66- Un manque d'expertises. La décision de mettre en place le système du médecin traitant est remarquable du fait du peu de données sur lesquelles elle s'est basée, et du peu de débats organisés autour des mesures à mettre en place. Ainsi, aucune étude n'a porté sur l'utilité ou la non-utilité des recours directs chez les spécialistes : En revanche, un rapport de l'Inspection générale des Finances s'appuyant sur les expériences étrangères concluait que confier au médecin généraliste une fonction d'orientation dans le système de soins ne paraissait pas une solution à privilégier30(*). Aucune étude n'a porté sur le système même du médecin référent, mis en place peu avant celui du médecin traitant : La Cour des comptes soulignait en 1999 qu'il devait faire l'objet d'une étude approfondie, qui n'a jamais été effectuée, alors même qu'il s'agissait ici de renforcer ce dispositif. Enfin, aucune étude n'a porté sur le nomadisme des patients : Au contraire, une étude de la CNAMTS en 2003 concluait que la majorité des actes autres que ceux réalisés par le médecin traitant étaient justifiés au plan médical ou par l'inaccessibilité du médecin traitant31(*), et une étude de l'INSEE concluait que le nomadisme était d'ampleur limitée32(*).

67- Au vu des finalités paradoxales de la réforme, il parait difficile d'envisager qu'elle ait pu être mise en place : Son avènement ne pouvait reposer ni sur des objectifs cohérents, ni sur des études solides. En revanche, il a pu reposer sur les conflits au sein de la profession, et sur l'affirmation de la spécificité de la médecine générale au niveau politique.

SECTION II : UNE LÉGITIMITÉ DOUTEUSE

68- L'idée du passage par un médecin généraliste avant l'accès à un spécialiste a été portée sur la scène publique par un syndicat de généralistes, MG France, dans les années 1980. Le contexte d'une opposition entre médecine générale et médecine spécialiste commençait à s'affirmer. D'une part, des revendications tendaient à faire reconnaitre les spécificités du mode d'exercice en médecine générale, les promoteurs du nouveau syndicat MG France estimant qu'elles étaient insuffisamment prises en compte par les structures confédérales, notamment la CSMF, où prédominaient les spécialistes. D'autre part, une certaine inquiétude des médecins généralistes commençait à percer, face à la peur d'une concurrence dans la médecine de spécialité de ville. Le syndicat MG France cherchait dans ce contexte à affirmer le statut du généraliste à l'égard tant des patients que des spécialistes : Le système du gatekeeping semblait approprié à ces revendications, et devint alors le fer de lance de l'activité du syndicat.

69- L'opposition s'est cristallisée en 1991 quand la CNAMTS s'est tournée vers MG France, mettant en place un accord conventionnel visant à introduire un « contrat de santé ». Ce contrat représentait la première ébauche du médecin traitant, présenté comme matérialisant une relation de fidélité entre le patient et son médecin généraliste. Mais la CSMF s'est opposée au dispositif, rejointe par FO, et l'accord n'a jamais pu être appliqué. La notion de gatekeeping ne revint pas dans les débats jusqu'en 1996, la CSMF étant alors le partenaire des caisses et du Gouvernement.

70- Lorsque les alliances se sont modifiées dans le cadre du plan Juppé, en 1996, le syndicat MG France n'a accepté de participer à une politique de régulation des dépenses que sous la condition de la promotion du gatekeeping. Le système du médecin référent a alors été mis en place : Sur la base d'un volontariat des praticiens et des patients, un usager pouvait déclarer un médecin comme référent, et s'engager à passer par sa consultation avant de se tourner vers un spécialiste, en échange du bénéfice du tiers payant mais sans sanctions en cas de non-respect du dispositif. Cette introduction prudente du gatekeeping a été particulièrement combattue par une partie du corps médical, représenté par la CSMF. Le syndicat de spécialistes s'appuyait sur l'opposition entre la filière et le réseau : La filière renvoie à une disposition verticale, avec comme porte d'entrée et pivot du système de santé un praticien, en l'occurrence le médecin généraliste. En revanche, le réseau renvoie à une disposition horizontale, avec comme pivot du système le patient, qui garde sa liberté de choix33(*). Le gatekeeping est ainsi d'autant plus contesté qu'il place le médecin généraliste en position hiérarchique face aux confrères, sans qu'un bénéfice en termes de qualité de soins ne soit prouvé.

71- Une alliance s'est finalement formée lorsque se sont liés le gatekeeping, revendication généraliste, et l'espace de liberté tarifaire, revendication spécialiste. Les spécialistes étaient à l'époque partagés entre le secteur II (38%) disposant d'honoraires libres, et le secteur I (62%), contraints de respecter les tarifs de la Sécurité sociale. L'accès au secteur II ayant été fermé, les spécialistes revendiquaient un espace de liberté tarifaire. Cette revendication a ainsi été liée par la CSMF et la SML à la thématique de coordination des soins, cet espace de liberté pouvant alors servir de sanction au non-respect du parcours de soins. Ce revirement en totale contradiction avec les oppositions précédentes a donc permis l'instauration du mécanisme du médecin traitant. La loi du 13 août 2004, si elle n'a pas eu de bases solides, a ainsi été portée par un accord inédit entre deux bords du corps médical.

CHAPITRE II : LA MISE EN PLACE EFFECTIVE DU PARCOURS DE SOINS

72- La loi du 13 août 2004, mettant en place le dispositif du médecin traitant (Section 1), a d'abord été validée dans les mois suivant sa mise en place (Section 2).

SECTION I : LA LOI DU 13 AOUT 2004

73- Le dispositif médecin traitant résulte des dispositions de la loi du 13 août 2004 relative à l'Assurance maladie et de la convention conclue le 12 janvier 2005 et agréée le 3 février entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et trois syndicats médicaux (CSMF, SML et Alliance).

74- Chaque assuré de plus de 16 ans doit s'inscrire auprès d'un médecin traitant de son choix, généraliste, spécialiste, médecin hospitalier, libéral ou salarié (art. L.162-5-3 CSS). S'il consulte son médecin traitant et que ce dernier est généraliste, le tarif conventionnel de base de la consultation est alors de 23 euros depuis le 1er janvier 2011. Le taux de remboursement de l'Assurance maladie est de 70%, la part non remboursée constituant le ticket modérateur, auquel s'ajoute la contribution forfaitaire de 1 euro : Cette consultation lui est donc remboursée 15,10 euros. Si le médecin est un praticien spécialiste, la consultation en Secteur 1 ou Secteur 2 avec « option de coordination » étant fixée à 25 euros, elle sera donc remboursée 16,50 euros34(*).

75- Le médecin traitant peut envoyer le patient chez ses confrères pour une demande d'avis ponctuel. Le médecin « correspondant » peut alors facturer sa consultation au tarif . Cet envoi n'est cependant possible qu'une fois tous les six mois, dans le cas contraire il faut prévenir le service médical. Le médecin traitant peut également envoyer le patient à un médecin correspondant pour des soins itératifs. Ces soins relèvent alors d'un plan de soins défini entre les deux médecins, ou d'un protocole « affection longue durée ».

76- S'il ne choisit pas de médecin traitant, ou consulte un médecin autre que son médecin traitant, le patient subit des pénalisations financières. Il subit en premier lieu une majoration du ticket modérateur, fixée par l'UNCAM dans des limites déterminées par décret. La part non remboursée par l'Assurance maladie passe alors de 30% à 70% de la consultation. Si le médecin consulté est un généraliste, la consultation ne sera donc remboursée que 5,90 euros à l'assuré. Si le médecin consulté est un spécialiste, la consultation ne sera remboursée que 6,50 euros. En second lieu, si le médecin consulté en non-respect du parcours de soins est un praticien spécialiste, l'assuré pourra en plus se voir imposer un dépassement de 17,5% de la valeur de l'acte, même si le spécialiste est en Secteur 1 (art. L.162-5, 18° et L.162-26 CSS).

77- Les pénalisations ne sont pas prises en charge par les organismes complémentaires d'assurance maladie : Les contrats qui prévoiraient une telle prise en charge ne seraient alors pas considérés comme des « contrats responsables », et subiraient une taxe égale à 7% de la prime ou cotisation acquittée. Ce dispositif permet de s'assurer que les pénalisations sont bien supportées directement par l'assuré.

78- Les diverses pénalisations ne s'appliquent pas dans certains cas. D'une part, dans les cas d'urgence ou les cas « d'éloignement du domicile », ainsi que pour les soins itératifs et les consultations d'un médecin remplaçant, ou de médecins appartenant au même centre de santé ou groupe que le médecin traitant, pour les consultations prévues dans le cadre du protocole de soins ou dans le cadre de la permanence des soins, ou dans le cadre d'une consultation hospitalière de tabacologie, d'alcoologie ou de lutte contre les toxicomanies, et enfin lorsqu'un militaire consulte sur prescription d'un médecin du service de santé des armées (art. D.162-1-6 et art. L.162-5-3 CSS). D'autre part, le spécialiste consulté en non-respect du parcours de soins ne pourra pratiquer son dépassement si le patient est atteint d'une affection de longue durée ou suit un protocole de soins.

79- Le dispositif du médecin traitant ne s'applique pas pour certaines spécialités. La gynécologie, l'ophtalmologie, la psychiatrie, la neuropsychiatrie, ou la stomatologie sont ainsi restées en accès direct, sans pénalisations, pour certains actes. Les soins dentaires en général ne sont pas non plus concernés par le dispositif. Enfin, il est possible de consulter un médecin généraliste installé depuis moins de 5 ans en exercice libéral sans passer par le médecin traitant.

80- Le Dossier Médical Personnel. Afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, a été institué un dossier médical personnel pour chaque bénéficiaire de l'Assurance maladie : Le dossier doit comporter « des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins » ainsi qu'un « volet spécialement destiné à la prévention ». Afin de favoriser la continuité de cette mise à jour, le législateur a subordonné le niveau de prise en charge des soins à l'autorisation donnée par le patient aux professionnels de santé d'accéder à son dossier et de le compléter (art. L.161-36-1 CSS). Le dossier doit cependant être élaboré dans le respect du secret médical : Le renvoi à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique signifie ainsi que l'hébergement des données et la possibilité d'y accéder seront subordonnés au consentement de la personne concernée, et le traitement des données sera soumis au respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978. Ce dossier doit également être créé auprès d'un hébergeur de données de santé à caractère personnel agréé. Enfin, l'accès au dossier médical en dehors des cas prévus par la loi est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal. Ce système n'est cependant opérationnel que depuis avril 2011, dans une version expérimentale.

81- La création d'une Haute Autorité de Santé. Cette autorité a pour mission de procéder à l'évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu'ils rendent, ainsi que de contribuer par ses avis à l'élaboration des décisions relatives à l'inscription, au remboursement, et à la prise en charge par l'Assurance maladie des produits, actes, ou prestations de santé (art. L.161-37 CSS). Ce dispositif ne sera cependant pas étudié dans le cadre de ce mémoire.

SECTION II : UNE PREMIÈRE VALIDATION

82- Une validation par le Conseil Constitutionnel35(*). Dans sa décision du 12 août 2004, le Conseil Constitutionnel a validé le système du médecin traitant.

83- Les requérants estimaient en premier lieu que les dispositions étaient contraires au principe fondamental du droit de la Sécurité sociale selon lequel le malade a le libre choix de son médecin, qu'elles entraîneraient une rupture d'égalité devant les charges publiques et porteraient atteinte au onzième alinéa du Préambule de 1946 qui garantit le droit à la protection sociale pour tous. Le Conseil a cependant estimé que le principe du libre choix était respecté : D'une part, le patient peut changer de médecin traitant chaque fois qu'il le souhaite, par le simple envoi d'un nouveau formulaire à la caisse, rendant caduque la désignation précédente. D'autre part, sous réserve, selon le cas, d'une majoration de sa participation ou d'un dépassement du tarif conventionnel de base, il peut consulter directement un médecin autre que son médecin traitant et, notamment, un médecin spécialiste. Il a également admis la possibilité de majoration de la participation de l'assuré en cas de consultation hors parcours de soins, sous réserve du respect des prescriptions de l'article L. 162-2-1 du Code de la sécurité sociale qui imposent aux médecins d'observer, dans leurs actes et prescriptions, « la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins ».

84- Les requérants estimaient en second lieu que la mise en place d'un dossier médical contenant des données à caractère personnel méconnaissait le droit au respect de la vie privée, et que la loi subordonnait l'exercice du droit du patient à refuser l'accès à son dossier personnel à une réduction du remboursement des soins. Le législateur aurait donc selon eux porté atteinte au droit à la protection sociale garanti au titre du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Le Conseil a cependant estimé que le législateur était tenu de concilier, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, les exigences de valeur constitutionnelle s'attachant tant à la protection de la santé, qui implique la coordination des soins et la prévention des prescriptions inutiles ou dangereuses, qu'à l'équilibre financier de la Sécurité sociale. Il en a conclu « qu'eu égard aux finalités des dispositions contestées, qui sont, d'une part, d'améliorer la qualité des soins, d'autre part, de réduire le déséquilibre financier de l'Assurance maladie, et compte tenu de l'ensemble des garanties qui viennent d'être rappelées, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles en cause, une conciliation qui n'apparaît pas manifestement déséquilibrée ».

85- Une validation par le Conseil d'État le 27 juillet 200536(*).  Dix médecins généralistes, membres de MG France, du SNMG, du SMG ou de la FMF, ont déposé en février 2005 un recours en annulation devant le Conseil d'État concernant le formulaire du médecin traitant en invoquant le défaut d'information du patient et du médecin lié à une présentation partielle du dispositif, et la non-conformité aux principes généraux applicables aux relations contractuelles.
Par décision du 27 juillet 2005, le Conseil d'État a rejeté ce recours en affirmant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que ces documents rappellent l'ensemble des textes régissant le choix du médecin traitant effectué par les assurés sociaux et, d'autre part, que le formulaire complété a pour seul objet d'informer les caisses d'assurance maladie afin de mettre en oeuvre des dispositions du Code de la sécurité sociale. De plus, la contestation de la validité de la réforme ayant déjà échoué devant la juridiction constitutionnelle, elle ne pouvait prospérer devant le Conseil d'État, comme le suggéraient déjà les conclusions du commissaire du gouvernement.

86- Une seconde validation par le Conseil d'État, le 30 novembre 200537(*). Cette décision portait sur la légalité de l'arrêté du 3 février 2005 approuvant la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes signée le 12 janvier 2005. Comme l'avait déjà jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, le Conseil d'État a estimé que le dispositif du médecin traitant n'est pas contraire au principe du libre choix du médecin par le patient. Se référant directement à cette réserve d'interprétation, le Conseil d'État a considéré que « les signataires de la convention ont apporté aux possibilités de dépassements tarifaires des limites qui assurent le respect des dispositions de l'article L. 162-2-1 ». L'arrêté a cependant été annulé en tant qu'il approuve, d'une part, une disposition à caractère rétroactif, d'autre part, des stipulations dans lesquelles les parties à la convention ont excédé leur compétence : La Haute juridiction a relevé en effet que la tarification des actes médicaux « résulte, d'une part, du code et du coefficient qui lui sont attribués dans la liste établie en application de l'article L. 162-1-7 et, d'autre part, du tarif alloué à ce code par voie conventionnelle ; que les partenaires conventionnels ne sauraient, sans excéder leur compétence, définir des actes médicaux non prévus par la liste établie par voie réglementaire [...], ni établir des tarifs ne respectant pas la hiérarchisation des actes résultant de cette liste ». Toutefois, ils peuvent « définir des majorations de rémunération visant à satisfaire l'objectif défini au 8° de l'article L. 162-5 [«valoriser une pratique médicale correspondant à des critères de qualité»], dès lors que ces majorations ne sont pas fixées à un niveau tel que la hiérarchie résultant de la liste des actes serait remise en cause ». En application de ce principe, ont été jugées entachées d'incompétence une partie des dispositions du paragraphe 1-2-2 de la convention relative à la rémunération des médecins correspondants et l'avant-dernier alinéa du paragraphe 1-5 majorant le tarif des consultations des généralistes auprès d'enfants de deux à six ans.

87- Une validation par les usagers38(*). Dès le mois de mai 2006, 80% des assurés du régime général avaient déclaré un médecin traitant, ce nombre passant à 89,7% en décembre 2011. Ainsi, à la mi-2006, 8 français sur 10 avaient déclaré un médecin traitant39(*) : Sur les 22% qui n'en avaient pas déclaré, 14% ne l'avaient pas fait en raison d'une absence d'occasion ou d'un manque de temps, 5% pour garder la liberté de changer de médecin, et 3% car le médecin ne l'avait pas proposé.

PARTIE 2 : LE BILAN CONTRASTÉ DU PARCOURS DE SOINS

88- Dix ans après la mise en place du parcours de soins coordonnés, il a été constaté que, d'une part, ce dispositif ne tend pas vers une meilleure coordination des soins (Titre 1), et d'autre part, que ce dispositif ne tend pas vers une meilleure qualité des soins (Titre 2).

TITRE 1 : UN DISPOSITIF QUI NE TEND PAS VERS UNE MEILLEURE COORDINATION DES SOINS

89- En premier lieu, le parcours de soins n'a pas atteint son objectif de réduction des dépenses de l'Assurance maladie (Chapitre 1), et en second lieu, le parcours de soins n'a pas changé les comportements des usagers (Chapitre 2).

CHAPITRE I : UN PARCOURS QUI N'ATTEINT PAS SON OBJECTIF COMPTABLE

90- Du côté de l'Assurance maladie, le parcours de soins n'a pas abouti à la réalisation d'économies (Section 1), mais a augmenté le reste à charge pesant sur les usagers (Section 2).

SECTION I : L'ABSENCE DE RÉALISATION D'ÉCONOMIES

91- L'objectif escompté. La réforme du parcours de soins coordonnés avait pour objectif de mieux structurer le système de santé français en agissant sur l'accès et sur l'offre de soins, et en faisant en sorte que, pour une pathologie précise, le patient ne multiplie pas les consultations. Le HCAAM, dans son rapport du 23 janvier 2004, précisait que des économies devaient en résulter40(*). Mais depuis la mise en place du nouveau système d'accès aux soins, les dépenses de l'Assurance maladie ont augmenté. En 2007, le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'Assurance maladie, créé en 2004, a d'ailleurs pour la première fois déclenché la procédure d'alerte en raison d'un risque sérieux de dépassement de l'ONDAM de plus de 0,75%.

92- Selon la CNAMTS, cet accroissement des dépenses était principalement dû à la politique de revalorisation des honoraires médicaux41(*) : La loi du 13 août 2004 n'a fait sur ce point que fixer le cahier des charges, laissant les modalités de coordination des soins et les conditions permettant les dépassements d'honoraires être déterminés par convention (art. L.162-5-3 CSS). Le HCAAM a précisé de son côté que la politique de maîtrise médicalisée ne produisant d'effets que lentement, il fallait attendre que les modifications des comportements s'installent, et a ajouté que le dispositif, pourtant salué lors de son élaboration, peinait à « trouver un contenu réel »42(*).

93- La mise en oeuvre de compléments de rémunération ciblés pour les généralistes43(*). Les préoccupations des syndicats médicaux de voir revaloriser le tarif des actes se sont conjuguées avec le souci de l'Assurance maladie de mieux cibler son effort financier et d'en faire un levier pour renforcer la maîtrise médicalisée des dépenses. Le montant de la consultation du généraliste a augmenté de 20 euros à 21 euros au 1er août 2006, puis à 22 euros au 1er juillet 2007, et enfin à 23 euros au 1er janvier 2011. A ces revalorisations s'est ajouté le réajustement à la hausse du « forfait ALD », servant à faciliter l'élaboration du protocole de soins d'un patient entrant dans le dispositif de prise en charge des affections de longue durée (art. L.322-4 CSS). Le surcroît de rémunération correspondant a entrainé un surcoût net de 285 millions d'euros en 2011 pour l'Assurance maladie.

94- L'avenant conventionnel n°8 du 25 octobre 2012 a de plus généralisé un « forfait médecin traitant » d'un montant annuel de 5 euros par assuré, étendant à l'ensemble de la patientèle le dispositif initialement prévu pour les seuls patients en ALD. Le coût de cette nouvelle mesure a été évalué à 135 millions d'euros.

95- La mise en oeuvre de rémunérations complémentaires pour les spécialistes. Les partenaires conventionnels ont donné la préférence à des compléments de rémunération à prise en charge modulable, c'est-à-dire en fonction du respect du parcours de soins par le patient ou du secteur du praticien. Les médecins correspondants ont ainsi bénéficié de rémunérations complémentaires significatives. En 2011, le supplément de rémunération net qu'ils ont reçu au titre des avis ponctuels de consultants peut être estimé à 183 millions d'euros, celui des majorations de coordination s'élevant à 118 millions d'euros. En revanche, les rémunérations supplémentaires liées aux dépassements autorisés sont plus faibles, elles n'étaient que de 8,8 millions d'euros en 2011. Au total, selon le rapport annuel de 2013 de la Cour des Comptes, l'effort financier annuel de l'Assurance maladie s'est réparti entre 324 millions d'euros pour les spécialistes, et 271 millions d'euros pour les généralistes.

96- La superposition de plusieurs consultations. Dans le cas où le médecin traitant estime que le patient doit être envoyé chez un spécialiste, deux consultations devront être prises en charge par l'Assurance maladie. En outre, les renvois vers un spécialiste se font, sauf exceptions, après plusieurs consultations chez le médecin traitant, qui prescrit à chaque fois des traitements différents au patient. En résulte ainsi une multiplication des consultations et des traitements, source de dépenses pour l'Assurance maladie.

SECTION II : L'AUGMENTATION DU RESTE À CHARGE

97- Franchises médicales et participations forfaitaires. La loi du 13 août 2004 a introduit une contribution de 1 euro, participation forfaitaire de l'assuré pour chaque consultation et chaque acte de biologie. Par la suite, une franchise de 0,50 euros par médicaments, 0,50 euros par acte d'auxiliaire médical, et 2 euros par trajet a été introduite. C'est l'application du tiers payant par les pharmaciens et les laboratoires qui oblige l'Assurance maladie à imputer ces participations forfaitaires et franchises, qui ne sont pas prises en charge non plus par les assurances complémentaires.

98- Une prise en charge très partielle par l'Assurance maladie obligatoire. L'Assurance maladie prend en charge l'intégralité des forfaits ALD versés aux médecins traitants. En revanche, pour les avis de consultants et les majorations de coordinations spécialistes, l'assuré doit prendre en charge le ticket modérateur et les dépassements d'honoraires du Secteur 2. La majoration du ticket modérateur et la possibilité accrue des dépassements d'honoraires se sont ainsi traduits par un transfert des dépenses de l'Assurance maladie obligatoire vers les ménages. Cette part assumée par les ménages s'élève ainsi à 305 millions d'euros, supérieure à celle assumée par l'Assurance maladie44(*).

99- L'exclusion d'une prise en charge par les assurances complémentaires. La loi du 13 août 2004 a subordonné la prise en charge des frais de santé au respect d'obligations, instaurant ainsi des mécanismes de responsabilisation individuelle. Or, ces derniers n'auraient pu réaliser leurs objectifs si leurs conséquences financières pouvaient être neutralisées par l'ajustement des prises en charge proposées par les organismes complémentaires. Ainsi, le législateur a subordonné l'octroi de certaines aides fiscales et sociales au respect par ces organismes d'interdictions et d'obligations minimales de prise en charge, faisant d'eux des « contrats responsables » (art. L.871-1 CSS). Un nouveau titre a d'ailleurs été introduit dans le Code de la sécurité sociale intitulé « Contenu des dispositifs d'assurance complémentaire bénéficiant d'une aide ». Le décret n°2005-1226 du 29 septembre 2005 a ainsi précisé les modalités de définition de ces contrats responsables : D'une part, les organismes complémentaires ne peuvent prétendre aux aides qu'à la condition de l'exclusion du champ de leurs prestations de la prise en charge de la majoration du ticket modérateur, de la minoration du remboursement en cas de refus d'accès au DMP, et du dépassement d'honoraires en cas de consultation hors du parcours coordonné. D'autre part, les organismes complémentaires ne peuvent prétendre aux aides qu'à la condition de l'extension plafonnée du champ des prestations prises en charge. Ils doivent ainsi assumer celles liées à la prévention et résultant de la consultation du médecin traitant et de ses prescriptions. Les organismes avaient contesté cette dernière mesure devant le Conseil d'État, qui a rejeté leur demande. Selon la haute juridiction, le décret n'a pas violé la loi, et toute dépense ordonnée par le médecin traitant ou dérivée de sa consultation, à quelque degré que ce soit, est réputée se rattacher au parcours coordonné45(*).

100- La loi du 13 août 2004 a donc suivi à la lettre le principe qu'elle proclamait à son article 1er : « Chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources consacrées par la Nation à l'assurance maladie » (art. L.111-2-1 CSS).

CHAPITRE II : UN PARCOURS QUI N'A PAS BOULEVERSÉ LES COMPORTEMENTS

101- Le changement des comportements attendu de la part des assurés ne s'est pas réalisé : D'une part, le dispositif du parcours de soins n'a fait que reprendre des pratiques déjà adoptées par les patients (Section 1), et d'autre part, le dispositif est longtemps resté incomplet, du fait du retard dans la mise en place du dossier médical personnel (Section 2).

SECTION I : LA SURVIVANCE DE PRATIQUES TRADITIONNELLES

102- Le médecin traitant existait déjà avant la loi du 13 août 2004. Le Code de déontologie médicale y faisait tout d'abord référence : Ainsi, l'article 58 proscrit la captation de clientèle au détriment de la relation avec le « médecin traitant », l'article 60 dispose que le « médecin traitant » doit si nécessaire proposer la consultation d'un confrère ou accepter celle qui est demandée par le malade ou son entourage, et l'article 62 prévoit que le consultant doit informer le « médecin traitant » de l'évolution des soins prescrits par ce dernier. Avant la loi de 2004, le Code de déontologie médicale se préoccupait donc déjà d'organiser la coordination des soins autour du médecin traitant.

103- De plus, avant la réforme, la plupart des patients avaient un médecin de famille, qui les adressait ensuite vers d'autres praticiens à une fréquence variable selon la spécialité : La radiologie (66% des séances), la rhumatologie (47%), la gastro-entérologie (46%), la chirurgie (41%), et la cardiologie (40%)46(*). Ainsi, parmi les personnes ayant choisi un médecin traitant, 93% ont déclaré avoir déjà un médecin habituel ou de famille47(*). Le dispositif semble donc s'être dans la grande majorité superposé à l'existant.

104- Le précédent du dispositif du médecin référent. La précédente convention médicale des médecins généralistes du 26 novembre 1998 approuvée par arrêté interministériel du 4 décembre 1998 donnait à l'assuré social la possibilité de choisir un médecin généraliste « référent » : Moyennant divers engagements relatifs au suivi de ses patients (prévention, recours au médecin spécialiste, etc.), le praticien bénéficiait d'une rémunération forfaitaire (initialement fixée à 150 francs par an), versée en deux fois, pour chacun de ses patients ayant adhéré à la formule. L'assuré devait alors souscrire un acte d'adhésion formalisant son engagement auprès d'un médecin référent librement choisi, son engagement valant pour une durée d'un an. Les praticiens devaient quant à eux formaliser leur entrée dans le mécanisme par le biais d'un formulaire.

105- La loi du 13 août 2004 a quant à elle donné naissance au parcours de soins coordonnés, plus étendu et plus contraignant : Si la finalité des deux dispositifs était proche (instaurer une relation de fidélité entre le patient et le médecin, et faire jouer au généraliste un rôle de filtre pour l'accès à la médecine de spécialité), le mécanisme du médecin référent reposait sur le volontariat, alors que celui du médecin traitant est obligatoire. De plus, le médecin référent était un dispositif plus fermé que le médecin traitant, car il se limitait aux seuls généralistes alors que le nouveau mécanisme est ouvert à tous les médecins.

106- C'est pourquoi les organismes d'assurance maladie et les organisations représentatives des praticiens ont entendu substituer, lors de la négociation de la nouvelle convention commune aux généralistes et aux spécialistes, signée le 12 janvier 2005 et approuvée par arrêté interministériel du 3 février 2005, à l'ancienne formule du médecin référent la nouvelle formule du médecin traitant, la convention ne faisant sur ce point que transcrire les prescriptions découlant de la loi (art. L. 162-5-3 CSS). Mais si elle a mis fin à la formule du médecin référent, la convention a opté en faveur d'une convergence avec la nouvelle formule du médecin traitant. L'article 1.1.5 de la convention renvoyait à un avenant à intervenir avant le 15 novembre 2005 le soin de définir les modalités de la convergence entre l'ancienne option « médecin référent » et le nouveau régime du médecin traitant, mais a limité à une seule fois à compter de l'entrée en vigueur de la convention le renouvellement de l'adhésion annuelle des assurés au régime du médecin référent. De plus, au cas où le patient ferait porter son choix sur un autre praticien, le médecin référent ainsi délaissé perd, de même que l'assuré, les avantages attachés à la formule du médecin référent (art. L. 162-5-3, al. 4 CSS). Enfin, la convention a procédé à la clôture de la formule de médecin référent pour ceux qui ne l'avaient pas choisie avant la date d'entrée en vigueur du texte.

107- Cependant, la date butoir n'a pas été respectée. La convergence entre les deux dispositifs a finalement été faite par l'avenant n°18 signé le 7 février 2007 réputé approuvé, faute d'opposition des ministres chargés de la Sécurité sociale et de la Santé, conformément aux dispositions de l'article L. 162-15 du Code de la sécurité sociale.

108- Les assurés ayant choisi l'option du médecin référent avant la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004, ou ceux qui avaient déjà un médecin de famille n'ont donc pas modifié leurs comportements.

SECTION II : LE RETARD À LA MISE EN PLACE DU DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL

109- Afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, a été institué un dossier médical personnel pour chaque bénéficiaire de l'Assurance maladie (art. L.161-36-1 CSS). Ce système n'est cependant opérationnel en médecine de ville que depuis avril 2011, dans une version expérimentale.

110- Un dispositif complexe. Le Comité consultatif national d'éthique avait qualifié les dispositions relatives au DMP de « très complexes »48(*) : Elles combinent en effet les dispositions issues de la loi du 13 août 2004, les dispositions législatives du Code de la santé publique relatives au secret des informations de santé issues de la loi du 4 mars 2002 et leurs décrets d'application, ainsi que les dispositions législatives du Code de la santé publique relatives aux hébergeurs des données de santé issues de la loi du 4 mars 2002 également, modifiée par une loi du 30 janvier 2007 et leurs décrets d'application, et enfin celles de la loi « sécurité et liberté » du 6 janvier 1978. Plusieurs organismes administratifs et instances techniques avaient déjà été saisis quant à l'opportunité de mettre en place ce type spécifique de dossier médical électronique, et avaient mis en évidence une complexité organisationnelle, qui, selon le Comité national d'éthique, « n'avait pas été évaluée à sa juste mesure au moment de sa conception ».

111- Des incertitudes inhérentes au DMP. Le DMP était à l'origine baptisé dossier médical « partagé », avant de devenir dossier médical « personnel ». La conception même du DMP était donc divergente : Tantôt prévu perçu comme un instrument au service des professionnels de santé dans l'intérêt du malade et de la société, tantôt appréhendé comme un outil au service des patients afin d'améliorer la coordination entre leurs soignants.

112- Des fonctions mal précisées. Pour certains professionnels, il ne pourra être qu'un document technique, qui négligera des éléments majeurs de la santé, notamment en matière de prévention. Il ne devra pas non plus se substituer au « dossier métier » du médecin, ni être redondant49(*).

113- Pour les patients, se posent en premier lieu des questions concernant leur connaissance des données. Le Conseil constitutionnel avait estimé que l'hébergement du DMP et sa consultation étant subordonnés au consentement de la personne concernée, ils n'étaient pas contraires à la Constitution50(*). Cependant, certains patients préféreront peut être rester dans l'ignorance d'un diagnostic de maladie grave ou du détail trop technique d'un examen complémentaire : Le DMP pourrait sur ce point se révéler source anxiogène. En second lieu se posent des questions concernant la confidentialité des données : La crainte principale est que les données puissent être récupérées par des assureurs ou des employeurs potentiels. Le droit au « masquage », c'est-à-dire la possibilité du patient de masquer certaines informations, suscite également des interrogations : Cette option sera moins susceptible d'être utilisée si une certaine confiance est placée dans le DMP, mais ce dernier suscite de nombreuses réticences. Le Comité proposait ainsi que le DMP ne soit pas imposé à tous, mais proposé uniquement à ceux qui le souhaitent. La loi HPST du 21 juillet 2009 a alors consacré le caractère facultatif du DMP.

114- Enfin, il n'est pas sûr que la mise en place de ce type de dossier permette de faire des économies, d'autant que sa mise en place nécessite l'usage de ressources de temps et d'argent. Or, aucune étude n'a permis de prouver que le DMP pourrait, d'une part, participer au rééquilibrage des finances de l'Assurance maladie, et d'autre part, participer à l'amélioration de la qualité des soins. Dans un rapport spécifique au DMP, la Cour des comptes déplorait d'ailleurs « l'absence de suivi financier précis et l'impossibilité de consolider le montant des fonds publics considérables consacrés »51(*). Selon le Conseil national de la qualité et de la coordination des soins, 500 millions d'euros ont été versés depuis 2004 par l'Assurance maladie, sans que les objectifs du DMP ne soient atteints. Mis en service en janvier 2011, le DMP n'a pour l'instant été testé que dans certains bassins de santé, au cours d'une phase d'amorçage et d'une phase pilote. Or, début 2014, à peine 400 000 dossiers avaient été créés sur les 5 millions prévus.

115- Il est d'ailleurs à préciser que le coût du DMP en médecine de ville est entièrement à la charge du praticien : Il nécessite une informatisation, une connexion internet, qui ne sont pas la règle chez tous les médecins. Le coût des logiciels de traitement est aussi à prendre en compte. De plus, il y a un alourdissement des charges administratives, surtout quand le patient a déjà un dossier ancien, ou qu'il y a une reprise de clientèle, ce qui nécessite une réorganisation de toutes les informations.

TITRE 2 : UN DISPOSITIF QUI NE TEND PAS VERS UNE MEILLEURE QUALITÉ DES SOINS

116- Le parcours de soins a remis en cause les grands principes de la médecine (Chapitre 1), ses failles étant de plus susceptibles d'être accentuées par les réformes à venir (Chapitre 2).

CHAPITRE I : UN PARCOURS QUI REMET EN CAUSE LES GRANDS PRINCIPES DE LA MÉDECINE 

117- A la restriction à la liberté du patient (Section 1), s'ajoutent les restrictions aux libertés des médecins (Section 2).

SECTION I : LA RESTRICTION A LA LIBERTÉ DU PATIENT

118- Le principe du libre choix du médecin est le premier cité dans l'ordre des principes de la médecine libérale, et apparait à plusieurs reprises dans la législation sanitaire. Il a été qualifié de principe fondamental de la législation sanitaire, et de principe général du droit (V. supra). Le préambule de la convention médicale du 12 janvier 2005 énonce d'ailleurs que « la liberté de choix du patient doit être préservée ».

119- Le libre choix dans la loi du 13 août 2004. Le libre choix du praticien par le patient demeure, en théorie. Mais, dans le cas où il n'a pas désigné de médecin traitant ou décide de consulter un autre médecin sans prescription du médecin traitant, il s'expose à une majoration de sa participation aux frais. Concernant le médecin généraliste, s'il veut en changer, il faut que le nouveau médecin accepte son choix (art. L.162-5-3 CSS). Concernant le médecin spécialiste, s'il veut consulter, il devra obligatoirement passer par le médecin traitant, sauf exceptions. Dans le cas contraire, il subira un dépassement d'honoraires et une diminution du tarif de remboursement.

120- Le Conseil constitutionnel a cependant écarté le grief de l'atteinte au libre choix de la personne52(*). Saisi de la conformité à la Constitution des articles relatifs au médecin traitant et au dossier médical personnel, il a estimé que ces articles ne méconnaissaient ni la liberté de choix de l'assuré social, ni le droit au respect de la vie privée : En effet, il a relevé que l'assuré social choisit librement son médecin traitant et qu'il pourra en changer lorsqu'il le souhaitera. Cependant, il ne s'est pas interrogé sur la compatibilité entre ces majorations et l'idée de libre choix. Seul le principe de protection de la santé l'a conduit à préciser le standard que l'autorité administrative devra respecter, lors de la mise en oeuvre des dispositions légales : « le montant de la majoration de la participation de l'assuré devra être fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences du 11e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ».

121- Le choix n'est pas libre pour autant. Au plan juridique, le libre choix se reconnait à la neutralité de la règle de droit. Or, la loi du 13 août 2004 a institué des conditions de remboursement et des tarifs d'honoraires différents selon la décision prise par l'assuré. Cette mesure est destinée à infléchir le comportement des assurés sociaux. Elle a d'ailleurs été qualifiée de « mesure négative d'incitation »53(*). L'atteinte au libre choix des assurés est donc faite sciemment.

122- Une limitation de la liberté liée à une présomption d'irresponsabilité. Le libre choix du patient est soupçonné d'engendrer un nomadisme médical coûteux. Les patients sont suspectés de déambuler dans le système de santé, tels des consommateurs nomades, et les soignants soupçonnés de prescrire inutilement des traitements coûteux et de distribuer sans compter les arrêts de travail54(*). Les caisses estiment donc nécessaire de « responsabiliser » davantage les malades, accusés d'être à l'origine d'une dérive du libre choix, en organisant une procédure de coordination des soins. Le HCAAM estimait d'ailleurs, en 2004, que « le patient n'est pas, sauf exception, le bon juge de ce qui est médicalement nécessaire pour lui, attendre qu'il oriente ou limite spontanément sa consommation de soins remboursables c'est l'obliger à des arbitrages pour lesquels il n'est, le plus souvent, pas compétent », et que « la liberté de choisir son ou ses soignants est une liberté paradoxale si elle aboutit à faire peser sur l'usager du système de soins l'obligation d'organiser lui-même la succession des intervenants dont il a besoin ». Le patient semblant ainsi incapable d'utiliser sa liberté correctement, la loi du 13 août 2004 l'a donc encadrée.

123- Une limitation de la liberté intrinsèquement liée au paradoxe de la combinaison entre assurance sociale et médecine libérale. Le fonctionnement de l'assurance maladie ne peut s'accommoder de la liberté inhérente à la médecine libérale, pour assurer la viabilité financière du système. La loi l'exprime dans ces termes : « chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources consacrées par la Nation à l'assurance maladie » (art. L112-2-2 CSS).

SECTION II : LA RESTRICTION A LA LIBERTÉ DU MÉDECIN

124- Rares sont les interdictions et obligations expressément formulées quant à l'exercice de l'activité médicale. Les seules à être relevées correspondent à l'interdiction d'exercer la médecine sous un pseudonyme, de la pratiquer comme un commerce, ou encore d'en faire la publicité. Les obligations restent également marginales face à l'organisation d'une médecine sur un modèle très libéral. Cependant, un resserrement obligationnel sur les praticiens s'observe depuis plusieurs années. La liberté de prescription est ainsi contrée par l'obligation de ne prescrire que le nécessaire, avec tact et mesure, par les articles 8 et 9 du Code de déontologie et l'article L.162-2 du Code de la sécurité sociale, par les investigations de la Haute autorité de santé quant aux « soins et prescriptions médicalement inutiles et dangereux », pour le domaine du médicament par l'Agence du médicament, et enfin par le droit de substitution reconnu aux pharmaciens à l'article 5125 du Code de santé publique. La liberté d'installation est également contrée par les diverses mesures prises pour combattre les « déserts médicaux ». Mais il semble que la loi du 13 août 2004 ait aussi contribué à introduire d'autres obligations pour les praticiens.

125- Le médecin traitant a désormais pour mission d'être le premier contact médical de chaque patient. La désignation du médecin traitant passe par le formulaire intitulé « Déclaration de choix du médecin traitant »55(*) qui a été adressé massivement courant 2005 à l'ensemble des assurés sociaux par les caisses de sécurité sociale. Par ce formulaire, l'assuré social déclare choisir tel médecin traitant qui, de son côté, accepte cette désignation en paraphant le document. Il s'agit donc d'un engagement mutuel par lequel patient et praticien acceptent de rentrer dans le dispositif.

126- La question du refus du médecin de la désignation faite par le patient. En principe, le médecin sollicité par un patient pour être son médecin traitant peut toujours refuser dès lors que ce refus ne s'appuie pas sur des motifs discriminatoires. Il lui suffira d'expliquer au patient les raisons de son refus, en lui précisant bien qu'il ne s'agit pas d'un refus de soins, mais d'un refus d'être médecin traitant, avec les sujétions administratives que cela suppose. Cependant, dans les « déserts médicaux », le médecin qui oppose un refus risque de voir sa responsabilité engagée : L'article R. 4127-50 du code de la santé publique (CSP) dispose que « le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit ». Pourrait-il être considéré qu'en refusant d'être médecin traitant alors qu'aucun autre praticien n'est disponible, le médecin prive son patient des avantages sociaux auxquels il peut prétendre, en l'occurrence la prise en charge sans majoration du prix des consultations ?

127- La question de la révocation de sa désignation en tant que médecin traitant se pose également. Selon l'Assurance maladie le praticien peut toujours révoquer son acceptation à condition d'en expliquer les raisons au patient et de lui laisser le temps de désigner un autre médecin. Le médecin devra également écrire à la caisse pour l'informer de sa décision. Le médecin reste donc dépendant de la réactivité du patient et de sa rapidité à choisir un autre médecin traitant.

128- Le processus de désignation et de révocation apparaît donc quelque peu inégalitaire quant aux droits qu'il confère aux uns et aux autres, le médecin étant plus « lié » par le dispositif de la loi du 13 août 2004 que le patient.

129- Une obligation d'information renforcée. Le patient qui ne suit pas les conseils d'orientation de son médecin traitant est pénalisé financièrement dans la prise en charge de ses frais médicaux : Il doit donc recevoir une information préalable sur les conséquences de son choix. La loi prévoit ainsi que le médecin traitant doit préciser à son patient que le praticien consulté en dehors du parcours de soins pourra pratiquer des dépassements et que le taux de prise en charge sera réduit. Cette obligation d'information sur les modalités de remboursement des soins n'est pas nouvelle puisque la loi du 4 mars 2002 sur les droit des malades avait déjà inséré dans le Code de la santé publique un article L. 1111-3 selon lequel : « Les professionnels de santé d'exercice libéral doivent, avant l'exécution d'un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d'assurance maladie ». Mais dans les faits, les médecins devront assurer une information d'autant plus précise que les caisses, censées elles aussi être redevables de l'information du patient assuré social, ont quelque peu failli dans cette mission. En effet, il n'y a aucun rappel des dispositions applicables au remboursement des actes dans le formulaire de désignation du médecin traitant qui constitue pourtant le premier pas du patient dans le parcours de soins coordonnés. Le médecin traitant devra donc particulièrement respecter ce devoir d'information sous peine d'engager sa responsabilité.

130- La responsabilité de la rédaction du protocole de soins pour les affections de longue durée. Selon l'article L. 324-1 du Code de la sécurité sociale, « Le médecin traitant (...) et le médecin conseil établissent conjointement un protocole de soins (...). Ce protocole périodiquement révisable, notamment en fonction de l'état de santé du patient et des avancées thérapeutiques, définit en outre (...) les actes et prestations nécessités par le traitement de l'affection et pour lesquels la participation de l'assuré peut être limitée ou supprimée ». La loi fait donc du médecin traitant le rédacteur principal du protocole de soins, les médecins correspondants et le médecin conseil de la caisse n'ayant qu'un rôle accessoire. Cette rédaction n'est pas anodine puisqu'elle permettra de demander l'ouverture du droit à bénéficier des dispositions relatives aux affections de longue durée et autorisera le patient à accéder directement aux médecins correspondants sans passer par la case « médecin traitant ». De plus, le protocole est susceptible d'engager la responsabilité du médecin traitant si ce dernier préconise une prise en charge inadaptée ou non conforme aux données acquises de la science. Ainsi qu'a eu l'occasion de le rappeler le Conseil national de l'Ordre des médecins56(*), il est donc recommandé au médecin traitant de s'adjoindre un ou plusieurs tiers compétents pour l'assister, et en particulier le médecin correspondant, spécialiste de l'affection en cause. En outre, une fois le protocole rédigé, il doit ensuite être régulièrement actualisé pour tenir compte à la fois de l'évolution de l'état de santé du patient et des données scientifiques relatives à sa pathologie, sous peine d'engager la responsabilité du médecin traitant. Enfin, une difficulté risque de surgir si le patient change de médecin traitant, ou si le médecin traitant décide de révoquer sa désignation. Dans ce cas, le protocole risque-t-il d'être remis en cause ? La rédaction d'un nouveau protocole par le nouveau médecin traitant est-elle obligatoire ? Le nouveau médecin traitant pourrait-il être tenu responsable du contenu d'un protocole qu'il n'a pas personnellement rédigé ? Ce sont autant de questions qui pour l'instant demeurent sans réponse claire.

131- Un durcissement général des responsabilités médicales du médecin traitant. La qualité de médecin traitant peut augmenter le risque de condamnation des praticiens en cas d'accident médical, en raison des obligations accrues que la loi du 13 août 2004 a fait peser sur ceux. Au centre de la chaîne de soins, le médecin traitant se trouve ainsi particulièrement exposé au risque de mise en cause et de condamnation, bien que l'obligation de moyens reste le principe en matière de responsabilité médicale. Déjà en 1971, un médecin de famille avait été condamné lorsque sa patiente avait décédé des suites d'une anémie et d'une infection insuffisamment prise en charge dans les suites de son accouchement, la Cour de Cassation ayant estimé qu'en « sa qualité de médecin traitant, le Dr G. connaissait parfaitement les antécédents de la malade et il lui appartenait d'assurer la continuité des soins »57(*). Ainsi, selon le Sou Médical, société de la MACSF spécialisée en responsabilité civile médicale, la sinistralité des médecins traitants généralistes est en constante augmentation chaque année58(*).

132- Les obligations du médecin correspondant. Lorsque le médecin traitant oriente son patient, si son état de santé le justifie, vers un spécialiste, ce dernier est alors dénommé médecin correspondant dans le cadre du parcours de soins. Le médecin correspondant doit oeuvrer en suivant les demandes du médecin traitant, généralement formalisées dans une lettre amenée par le patient. Il doit ensuite remettre ses observations, les résultats de ses analyses au médecin traitant, dans le cadre de la coordination des soins. Le contrôle de ces obligations est cependant peu développé, si ce n'est en contrôlant de façon aléatoire les échanges de courriers, ce qui oblige le médecin à stocker des quantités astronomiques de lettres.

133- Quand un patient consulte un médecin spécialiste hors parcours de soins, le praticien doit normalement le signaler à l'assurance maladie, en cochant la case « hors parcours » sur la feuille de maladie ou la télétransmission. Lorsque le médecin relève du Secteur 1, il gagne un avantage à signaler le patient, car cela lui permet de pratiquer un dépassement d'honoraires. Mais en revanche, lorsque le médecin relève du Secteur 2 et peut déjà pratiquer des dépassements, même dans le cadre du parcours de soins, il n'a pas d'intérêt à le faire, hésitant naturellement à pénaliser sa clientèle. De plus, tous les médecins traitants ne joignent pas une lettre quand ils renvoient leurs patients à un médecin correspondant, ce dernier devant se reposer sur la parole du patient. Il est donc impossible de vérifier si tous les patients présentés comme ayant respecté le parcours de soins ont bel et bien consulté leur médecin traitant au préalable.

CHAPITRE II : L'IMPACT SUR LA QUALITÉ ET L'ORGANISATION DES SOINS

134- L'un des objectifs de la loi du 13 août 2004 était d'améliorer la qualité des soins, par le biais du renforcement de la coordination des soins. Cependant, le parcours de soins a au contraire entrainé des conséquences négatives sur la qualité des soins (Section 1), conséquences susceptibles d'être accentuées par les réformes à venir (Section 2).

SECTION 1 : UN IMPACT NÉGATIF SUR LA QUALITÉ DES SOINS 

135- Le passage obligatoire par un médecin, le plus souvent généraliste, n'a pas été prouvé comme renforçant la qualité des soins, hormis les cas où le patient a besoin d'une aide pour trouver le spécialiste adéquat. Comme il a été exposé plus haut, aucune étude n'a été faite sur les effets des recours directs aux spécialistes, ni sur les effets des recours préalables aux généralistes. Sans étude, il est ainsi permis de douter de l'utilité de faire passer automatiquement tous les patients par un généraliste avant de les rediriger vers un spécialiste. De plus, un omnipraticien sera toujours moins compétent sur un sujet précis qu'un praticien spécialisé dans le domaine en question. L'automaticité d'un recours à un généraliste pour toute constatation médicale semble donc peu pertinente dans les cas, nombreux, où le problème est ciblé.

136- Certains examens techniques ne sont accessibles qu'aux spécialistes. D'une part, les médecins généralistes ne peuvent avoir tout le matériel nécessaire. Ainsi, seul un oto-rhino-laryngologiste peut pratiquer un audiogramme, le matériel nécessitant des investissements qu'un médecin généraliste n'a pas l'utilité de faire. D'autre part, les médecins généralistes n'ont pas compétence pour faire tous les examens. La nécessité de performer un examen technique oblige ainsi le patient à être redirigé automatiquement chez un spécialiste, lui faisant ainsi perdre un temps parfois considérable avant d'être traité.

137- La surcharge de travail des médecins généralistes est une conséquence à ne pas négliger. Le nombre de consultations chez le médecin traitant a augmenté, puisque des patients qui se rendaient auparavant directement chez certains spécialistes (tels les dermatologues) doivent désormais consulter au préalable leur médecin traitant s'ils veulent bénéficier de conditions de remboursement favorables. Il risque d'en résulter une surcharge de travail pour certains médecins ayant déjà une patientèle importante, ou pour ceux qui exercent dans des régions où l'offre médicale est insuffisante. De façon indirecte, cette augmentation du nombre d'actes pourrait avoir des conséquences en termes de qualité des soins, et donc de responsabilité. Le passage obligé par un médecin traitant comme premier contact a ainsi nécessairement augmenté les consultations des médecins généralistes, qui sont en majorité désignés comme médecins traitants. Or, dans un contexte de démographie difficile, les départs à la retraite n'étant pas toujours remplacés et le numerus clausus étant toujours bas, la question de l'aptitude des médecins généralistes à assumer leur rôle de « gatekeeper » est primordiale. Ainsi, en 2007, près de neuf généralistes interrogés sur dix estimaient que leur charge administrative avait augmenté suite à la mise en place de la réforme relative au médecin traitant, ce qui peut avoir un impact sur le temps passé lors des consultations et sur la capacité à accueillir de nouveaux patients59(*). Selon les résultats du baromètre Santé Humanis 2013, six personnes sur dix témoignaient ainsi de difficultés à trouver un « bon médecin généraliste ».

138- Enfin, le problème des retards de diagnostics et de la perte de chance d'être soigné est prééminent. Même avant la réforme de l'assurance maladie, le médecin généraliste avait coutume de « passer la main » à un spécialiste lorsque cela lui semblait nécessaire. Dans ce cadre, il pouvait être tenu pour responsable d'une absence ou d'un retard d'orientation, ou d'une orientation inadéquate (par exemple vers un psychiatre alors que le recours à un neurologue aurait été nécessaire). De même, il pouvait lui être reproché l'absence de prescription d'investigations complémentaires (tels que des examens biologiques ou radiologiques), ou encore une prescription trop tardive. Dans le dispositif instauré par la loi du 13 août 2004, même si le médecin juge le recours à un spécialiste inutile, rien n'empêche le patient qui y tient absolument de consulter, à charge pour lui de supporter le coût de cette initiative. Or, le médecin traitant a été présenté comme le symbole d'une relation de confiance avec le patient. S'il n'oriente pas vers un spécialiste ou ne prescrit pas d'examens complémentaires, il semble naturel que le patient suive son avis.

139- De plus, lorsqu'une orientation vers un spécialiste est nécessaire, elle est souvent faite avec retard. Un médecin généraliste va généralement faire revenir son patient au moins une fois avant de l'envoyer consulter un spécialiste, pour contrôler son traitement. Ainsi, des semaines peuvent s'écouler avant que le patient puisse finalement consulter le second praticien. En outre, l'avis d'un médecin correspondant n'est pas toujours demandé, car l'omnipraticien, ayant moins de connaissances ciblées qu'un spécialiste et ne pouvant faire certains examens, n'en voit pas toujours l'intérêt. Ces retards ou même absences de diagnostics peuvent entraîner une aggravation des pathologies. Or, dans de nombreux cas, comme les cancers, la rapidité est primordiale dans le diagnostic. Une évaluation du CHU de Grenoble a ainsi montré une augmentation de 50% des complications tardives des angines entre 2008 et 2011, en raison de traitements non adaptés60(*). Le Pr. Reyt, président de la branche spécialiste de la CSMF, tirait également la sonnette d'alarme quant aux obstacles aux diagnostics spécialistes : Selon lui, 40% des patients souffrant d'insuffisance cardiaque sévère ne consultaient pas leur cardiologue une fois par an, tendance renforcée par l'instauration d'un médecin traitant61(*).

140- Il parait donc étrange que l'Assurance maladie ait voulu prendre ce risque, alors même que l'un des objectifs de la loi était de concilier réduction des dépenses de l'Assurance maladie et meilleure prise en charge des patients.

SECTION II : DES FAILLES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ACCENTUÉES PAR LES RÉFORMES À VENIR

141- Le projet d'étendre le parcours de soins aux moins de 16 ans (§1), et l'instauration du tiers payant (§2) sont susceptibles d'accentuer les effets néfastes du parcours de soins, tant sur le point de la qualité des soins que sur le point financier.

§1. Le projet d'étendre le parcours de soins aux moins de seize ans

142- Le syndicat MG France a récemment fait savoir qu'il y avait une « faille » dans le dispositif du médecin traitant, en ce qu'il « oublie » les patients de moins de seize ans. Le Dr Lefèvre estimait ainsi que l'extension du mécanisme aux enfants permettrait « la reconnaissance » du travail effectué par les généralistes, 80% des enfants étant suivis par un omnipraticien. Le dernier verrou à faire sauter serait alors uniquement « financier »62(*).

143- L'extension du système du médecin traitant risque cependant de poser des problèmes. En premier lieu, il n'est pas sûr que financièrement, il soit rentable d'ouvrir le parcours de soins à toute la population. Comme il a été exposé plus haut, le parcours de soins, de par les rémunérations complémentaires qu'il apporte aux praticiens, a engendré plus de dépenses que de bénéfices à l'Assurance maladie. Ainsi, le coût potentiel de cette généralisation du forfait médecin traitant est estimé entre 65 et 70 millions d'euros par an63(*). De plus, le risque de multiplication des consultations et des traitements serait accru par cette extension. En second lieu, il est encore moins sûr qu'au niveau de la qualité des soins, il soit nécessaire d'ouvrir le parcours de soins aux plus jeunes. La problématique des retards de diagnostics et de traitement risquerait de se poser beaucoup plus vivement : Les impacts négatifs de ces retards se feraient beaucoup plus sentir chez des sujets jeunes que chez les adultes, l'état de santé d'un enfant se dégradant beaucoup plus rapidement que celui d'un sujet plus âgé.

§2. Le projet de généralisation du tiers payant

144- Le principe du paiement direct des honoraires par le malade et ses dérogations. L'article L.162-2 du Code de la sécurité sociale pose le principe du paiement direct des honoraires par le malade. Cependant, des dérogations existent, assimilées à la notion de tiers-payant : Dans ce cas, le patient ne paie que la partie non remboursée de sa consultation chez le médecin, qui envoie alors sa facture à l'organisme d'assurance maladie qui le paie directement. La dispense d'avance de frais est actuellement accordée à certaines populations, comme les bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS, de l'AME, les victimes d'AT/MP, et pour certains actes, comme les actes supérieurs à 120 euros, les actes de préventions réalisés dans le cadre d'un dépistage organisé, le recours au médecin de permanence suite à la demande du médecin régulateur, et les actes dispensés dans les centres de santé ou dans les établissements de santé au sein des services d'urgence ou des consultations externes. En revanche, le tiers payant est la règle pour tous les assurés en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en Israël, au Canada et au Japon. Quant à la France, la ministre de la santé a annoncé la généralisation du tiers payant pour tous les patients d'ici 2017.

145- Ce mécanisme pourrait relever d'une certaine logique. Il correspond tout d'abord à la logique de l'assurance sociale, et permettait également de résoudre une partie des problèmes d'accès aux soins, c'est-à-dire ceux liés à la situation financière du patient.

146- En revanche, dans le contexte financier de l'Assurance maladie, cette logique est mise à l'épreuve. Il parait périlleux de l'envisager alors que l'Assurance maladie est victime d'un déficit toujours plus grand, et que des tentatives d'économies sont à l'oeuvre depuis plusieurs années. De plus, la gratuité des soins tend à pousser les patients à surconsommer. À titre d'exemple, la mise en place de l'Obamacare aux États-Unis a doublé les dépenses de santé par rapport à l'année précédente, d'après le Bureau of Economic Advisers64(*).

147- Enfin, sa mise en oeuvre risque de se heurter à différents obstacles. En premier lieu, des obstacles techniques restent à être réglés : Le remboursement ne serait plus à demander auprès des seules caisses d'assurance maladie, mais auprès de plus de 400 complémentaires-santé, dotées de leur propre système de paiement. En second lieu, de nombreux médecins craignent un retard dans le paiement de leurs honoraires65(*) : Il a été récemment révélé que plus de 900 médecins ayant pris part au mécanisme de rémunération sur objectifs de santé publique n'ont pas été payés pour l'année 2012-201366(*). Les médecins craignent donc de subir un retard considérable dans le paiement de leurs revenus en cas de mise en place d'un tiers payant généralisé. Un tel retard risquerait ainsi d'entrainer des faillites et de ne pas inciter les jeunes médecins à s'installer en cabinet. Les syndicats de médecins s'opposent alors naturellement à ce projet, craignant une perte de revenus et des charges administratives supplémentaires.

CONCLUSION

148- La réforme du parcours de soins coordonnés introduite par la loi du 13 août 2004 reposait sur des bases peu solides. D'une part, les objectifs préconisés, c'est-à-dire la réduction des dépenses de l'Assurance maladie, la responsabilisation du patient, et une meilleure coordination des soins, n'étaient pas en adéquation avec les mesures proposées, c'est-à-dire un bouleversement dans la rémunération des praticiens et un passage obligé par un médecin traitant pour les patients. D'autre part, le manque d'études sur les mesures à mettre en place, et les enseignements non retenus des expériences étrangères ont fragilisé la base de la réforme du médecin traitant.

149- La mise en place même du parcours de soins coordonnés a également montré ses failles. La concrétisation des mesures a été laissée aux mains des partenaires conventionnels, contribuant ainsi à l'inadéquation des objectifs avec les mesures proposées. La mise en marche du projet était, de plus, incomplète en l'absence du dossier médical personnel, pourtant présenté comme l'un des principaux leviers d'une meilleure coordination des soins.

150- Les conséquences du parcours de soins ont ainsi été à la mesure de sa préparation et de sa mise en place. Du point de vue financier, le mécanisme a occasionné plus de dépenses à l'Assurance maladie que de bénéfices, et a entrainé un alourdissement des charges financières pesant sur les patients. Du point de vue de la qualité des soins, il a entrainé des retards de diagnostics et de traitements, grandement préjudiciables aux assurés. Le désengagement progressif des assurés face au parcours de soins en est le témoignage.

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II - Ovrages collectifs, actes de colloque

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Rapport du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie, 2004

Rapport du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie, 2005

Rapport du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie, 2006

Rapport du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie, 2007

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Codes

Code de la sécurité sociale

Code de la santé publique

Sites internet

lequotidiendumedecin.fr

ladocumentationfrancaise.fr

risque-medical.fr

securite-sociale.fr

INDEX ALPHABÉTIQUE

C

Compléments de rémunération, 93 et s.

Conventions médicales, 53 et s.

D

Dossier médical personnel, 80, 109 et s.

E

Extension du parcours de soins, 142 et s.

F

Franchises médicales, 97.

G

Gatekeeping, 43 et s.

L

Liberté de choix

- du patient, 118 et s.

- du médecin, 124 et s.

M

Médecin

- généraliste et spécialiste, 12 et s.

- référent, 104 et s.

- traitant, 73 et s., 102 et s.

Médecine

- histoire, 1 et s.

- principes, 29 et s.

- systèmes étrangers, 38 et s.

O

Objectifs de la réforme, 48 et s., 62 et s.

Obligations du médecin, 129 et s.

P

Parcours de soins coordonnés, 73 et s.

Pénalisations financières, 76 et s.

Q

Qualité des soins, 135 et s.

S

Sécurité sociale

- définition, 6 et s.

- déficit, 35 et s.

T

Tiers payant, 144 et s.

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES ABRÉVIATIONS 4

INTRODUCTION 7

PARTIE 1 : LA MISE EN PLACE PARADOXALE DU PARCOURS DE SOINS 15

Titre 1 : La volonté d'une réforme 16

Chapitre 1 : La décision d'agir dans le domaine de l'accès aux soins 17

Section 1 : L'accès aux soins en France 18

§1 : Les grands principes de la médecine libérale 18

§2 : La confrontation aux déficits de l'Assurance maladie 20

Section 2 : L'accès aux soins à l'étranger 22

Chapitre 2 : Les obstacles à une réforme 26

Section 1 : Des objectifs lointains 27

Section 2 : La résistance de la médecine libérale 29

Titre 2 : L'avènement de la réforme 31

Chapitre 1 : Les fragilités de la réforme 32

Section 1 : Des finalités contradictoires 33

Section 2 : Une légitimité douteuse 36

Chapitre 2 : La mise en place effective du parcours de soins 38

Section 1 : La loi du 13 août 2004 39

Section 2 : Une première validation 42

PARTIE 2 : LE BILAN CONTRASTÉ DU PARCOURS DE SOINS 45

Titre 1 : Un dispositif qui ne tend pas vers une meilleure coordination des soins 46

Chapitre 1 : Un parcours qui n'atteint pas son objectif comptable 47

Section 1 : L'absence de réalisation d'économies 48

Section 2 : L'augmentation du reste à charge 50

Chapitre 2 : Un parcours qui n'a pas bouleversé les comportements 52

Section 1 : La survivance de pratiques traditionnelles 53

Section 2 : Le retard à la mise en place du dossier médical personnel 55

Titre 2 : Un dispositif qui ne tend pas vers une meilleure qualité des soins 58

Chapitre 1 : Un parcours qui remet en cause les grands principes de la médecine 59

Section 1 : La restriction à la liberté du patient 60

Section 2 : La restriction à la liberté du médecin 62

Chapitre 2 : L'impact sur la qualité et l'organisation des soins 66

Section 1 : Un impact négatif sur la qualité des soins 67

Section 2 : Des failles susceptibles d'être accentuées par les réformes à venir 70

§1 : Le projet d'étendre le parcours de soins aux moins de seize ans 70

§2 : Le projet de généralisation du tiers payant 71

CONCLUSION 73

BIBLIOGRAPHIE 74

INDEX ALPHABÉTIQUE 80

TABLE DES MATIÈRES 81

* 1 M. FOUCAULT, Naissance de la clinique, PuF, 2009.

* 2 R. DACHEZ, Histoire de la médecine - De l'Antiquité à nos jours, TEXTO, 2e éd., 2012.

* 3 G. BARROUX, « L'invention du médecin traitant : un regard philosophique et historique sur un concept paradoxal », RDSS 2005, p.919.

* 4 P. MORVAN, Droit de la protection sociale, LexisNexis, 6e ed., 2013.

* 5 Chiffres clefs de la Sécurité sociale 2012

* 6 En 2006, il n'y a eu que 500 médecins non conventionnés pour 115 000 médecins conventionnés : « Démographie et honoraires des médecins libéraux en 2006 », Points de repère, décembre 2008, n° 23.

* 7 « Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 71-525 du 3 juillet 1971 » (art. L.162-2-1 CSS).

* 8 CE, 13 juill. 1962, RDP 1962.739. Mais le Conseil constitutionnel refuse de se prononcer sur la valeur constitutionnelle de ces principes (CC, 18 janv. 1978, n°77-92 DC ; CC, 22 janv. 1990, n°89-269 DC).

* 9 « Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire. Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu'en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l'autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux » (art. L.1110-8 al. 1er CSP).

* 10 CE, 18 fev.1998 Section locale du Pacifique Sud de l'ordre des médecins, req. n°171851.

* 11 « Les médecins sont tenus, dans tous leurs actes et prescriptions, d'observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins » (art. L.162-2-1 CSS).

* 12 « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » (art. 226-13 CSP).

* 13 « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant (...)» (art. L.1110-4 CSP).

* 14 Excepté pour la CMU et l'AME.

* 15 « Les chiffres clefs de la Sécurité sociale », 2010.

* 16 R. MARIÉ, « L'évolution des techniques de rémunération des médecins de ville : approche de droit comparé », RDSS 2012, p.1049.

* 17 U.-G GERDTAM, B. JÖNSSON, M. MAC FARLAN, H. Oxley, « The determinants of health expenditure in the OECD countries » in P. Zweifel (ed.) Health, « The medical profession and reulation », Kluwer Academic Publishers, 1998.

* 18 J.-J ESCARCE, K. KAPUR, G.-F JOYCE, K. A. VAN VORST, « Expenditures for physicians services under alternatives models of managed care », medical Care Research and Review, vol.57, n°2, 2000.

* 19 T-G. FERRIS, Y. CHANG, D. BLUMENTHAL, D.-D PEARSON, « Leaving gatekeeping behind, effects of opening access for adults in a health maintenance organization », New England Journal of Medecine, November 1, 2001.

* 20 P-L. BRAS, « Le médecin traitant : raisons et déraisons d'une politique publique », Dr. soc. 2006, p. 59.

* 21 « Rapport d'enquête sur la régulation et l'organisation de la médecine de ville : Les enseignements des expériences étrangères », n°2002-M-023-02 - Inspection générale des Finances, mars 2003.

* 22 Rapports annuels du HCAAM pour 2004, 2005, 2006.

* 23 P-L. BRAS, « Le médecin traitant : raisons et déraisons d'une politique publique », Dr. soc. 2006, p. 59.

* 24 Privée d'effets par le CE, 2 décembre 1983 (Dr. Soc., février 1984, concl. LABETOUILLE et note PRETOT), puis validée par la loi du 8 janvier 1984.

* 25 CE, 10 juill. 1992, CSMF et autres, RJS 8-9/92, n°1032 ; concl. G. LE CHATELIER, Dr. soc. avril 1992 ; obs. MAUGUE et SCHWARTZ, AJDA, 20 octobre 1992 ; chronique M. HARICHAUX, RDSS 4/1992.

* 26 Rapport 2009 du HCAAM.

* 27 Définition du Littré : Maîtriser c'est « dompter par une force supérieure ».

* 28 Rapport 2005 du HCAAM.

* 29 M. ROBELET, M. SERRE, Y. BOURGUEIL, « La coordination dans les réseaux de santé : entre logiques gestionnaires et dynamiques professionnelles », Revue Française des Affaires Sociales n°1, janvier-mars 2005.

* 30 B. COZZAROLO, E. JALON, G. SARLAT, « Rapport d'enquête sur la régulation de la médecine de ville : les expériences étrangères », Inspection générale des Finances, mars 2003, p.109.

* 31 « Faits marquants », CNAMTS, édition 2003, p.72.

* 32 P. BREUIL-GENIER, F. RUPPRECHT, « Comportements opportunistes des patients et des médecins : l'apport d'analyse par épisodes de soins », Economie et Prévisions, n°142 2000-1, p.177.

* 33 Dr. C. MAFFIOLI, entretien paru dans la revue Communication Partenaires Santé, 1999, p.61.

* 34 P. MORVAN, Droit de la protection sociale, LexisNexis, 6e ed., 2013.

* 35CC, 12 août 2004, n°2004-504 DC, Loi relative à l'Assurance maladie.

* 36 CE, 27 juill. 2005, M. Sopena et autres, req. n° 278147 : P. LOKIEC, « La contestation du formulaire de déclaration de choix du médecin traitant devant le CE », RDSS 2005, p.927/

* 37 CE, 30 nov. 2005, req. n°278291.

* 38 Cour des Comptes, rapport public annuel de 2013, « Le médecin traitant et le parcours de soins coordonnés : une réforme inaboutie ».

* 39 Point d'information mensuel de la CNAMTS, 6 juin 2006.

* 40 Rapport du HCAAM du 23 janvier 2004 ; La Documentation française, 452 p.

* 41 CNAMTS, Point mensuel du 23 janvier 2007.

* 42 Rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie de 2007.

* 43 Cour des Comptes, rapport public annuel 2013, « Le médecin traitant et le parcours de soins coordonnés ».

* 44 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, Etudes et résultats n°809, sept. 2012.

* 45 CE, 10 janv. 2007, FNIM, req. n°287643 : F. MEGERLIN, « Remboursement par les assurances complémentaires des soins dispensés en dehors du parcours coordonné », RDSS 2007 p.345.

* 46 Étude de l'IRDES, questions d'économie de la santé n°106, « Modes d'accès aux spécialistes : état des lieux avant la mise en place du parcours de soins coordonnés », avril 2006.

* 47 Étude de l'IRDES, questions d'économie de la santé n°124, « Les assurés et le médecin traitant : premier bilan après la réforme », juillet 2007.

* 48 Avis du Comité Consultatif National d'Éthique, « « Le dossier médical personnel » et l'informatisation des données de santé », n° 104, 29 mai 2008.

* 49 Code de déontologie médicale, article 45 : « Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques ».

* 50 CC, 12 août 2004, n° 2004-504 DC préc.

* 51 Rapport de la Cour des comptes, « Le coût du dossier médical personnel depuis sa mise en place », juillet 2012.

* 52 CC, 12 août 2004, n° 2004-504 DC préc.

* 53 En ce sens, V. J.-J. DUPEYROUX, M. BORGETTO, R. LAFORE, R. RUELLAN, Droit de la sécurité sociale, Précis Dalloz, 15e éd. 2005, n° 713.

* 54 M. BADEL, « Liberté et système de santé », RDSS 2005 p. 951.

* 55 Formulaire Cerfa n° 12485*01.

* 56 Avis du 28 janvier 2005 sur la convention nationale des médecins libéraux.

* 57 Civ. 1ère, 25 mai 1971, pourvoi n°69-14266.

* 58 http://www.risque-medical.fr

* 59 Bournot, Goupil et Tuffreau, 2008.

* 60 Le Quotidien du médecin, édition du 19 septembre 2013.

* 61 Le Quotidien du médecin, édition du 20 octobre 2013.

* 62 Le Quotidien du médecin, édition du 13 janvier 2014.

* 63 Le Quotidien du médecin, édition du 19 mai 2014.

* 64 Le Quotidien du médecin, édition du 22 mai 2014.

* 65 Selon un sondage Ifop réalisé en janvier 2014 pour le Quotidien du médecin, deux médecins sur trois s'opposent au projet ministériel.

* 66 Le Quotidien du médecin, édition du 24 avril 2014.






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