INTRODUCTION GENERALE
0.1. ETAT DE LA QUESTION
Au menu de cette réflexion se cristallise la question
du rapport entre les groupes armés opérant à l'Est et les
enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des Grands Lacs
comme un défi majeur pour l'éclosion de la paix en Afrique
centrale.
Ainsi, nombreux sont les travaux qui ont traité la
question relative aux groupes armés et cela dans le monde en
général, et en RDC en particulier. Tout en n'étant pas le
premier à y avoir réfléchi, les études
ci-après, à titre exemplatif, avaient déjà
été faites :
NTUMBA BUKASA Eric1(*) estime que la sortie du cycle de violence
perpétrée par les groupes armés vers une paix durable
dans la région des grands lacs en général, et en RDC en
particulier, comme en Afrique Centrale ou sur le reste du continent, passe par
la promotion d'une identité africaine en générale, et
d'une certaine citoyenneté transfrontalière pour les Grands Lacs
en particulier.
Epinglant les fins et les moyens pouvant servir d'agir pour
les droits de l'homme auprès des groupes armés, International
Council on Human Rights2(*)
précise qu'une organisation souhaitant faire évoluer le
comportement d'un groupe armé peut faire appel à la honte et
à la persuasion, afin que le groupe armé mette fin à des
pratiques contraires aux droits de l'homme; ou engager un travail auprès
du groupe armé afin de lui donner des moyens d'agir différemment;
ou encore chercher à punir les membres du groupe.
Abordant la question de comprendre la motivation de
l'activisme des groupes armés en RDC, BERGHEZAN Georges3(*) démontre que tout en
prétendant protéger son ethnie, un groupe armé
évolue vers des comportements de plus en plus prédateurs, s'en
prenant d'abord aux communautés ethniques voisines, puis à sa
propre communauté.
Analysant la mobilisation armée en RDC, STEARNS J.,
VERWEIJEN J. et Eriksson BAAZ M.4(*) disent que si les bases sociales de chaque groupe
armé sont très diverses, il est important de noter que, depuis le
début de la Première Guerre du Congo (1996-1997), les acteurs
armés se sont détachés de leurs origines au sein des
communautés locales pour se rapprocher des élites politiques et
du secteur des affaires de la région. Cependant, même les groupes
qui font partie des réseaux d'élite restent ancrés dans
leur environnement local. Bien que certains soient apparus en raison d'une
rivalité de pouvoir entre et parmi les élites, ils se sont
également inspirés des conflits et des griefs locaux.
Traitant de la problématique de la multiplicité
des groupes armés dans la plupart des territoires du Nord-Kivu,
UFAREP5(*) constate que la
multiplicité des groupes et milices armés dans nombreux des
territoires « Nord-Kivusiens » a comme cause primordiale :
les conflits, surtout ceux à caractère ethnique et foncier.
Chacune des communautés ethniques locales en conflit a tendance à
se créer et/ou à soutenir un groupe armé/une milice en se
disant une force d'autodéfense en cas des menaces ou attaques; mais
aussi pour défendre leurs intérêts économiques, au
vu des conflits vécus entre elles.
Evaluant l'impact des guerres d'agression de la RDC sur la
propagation du VIH/SIDA, SADIKI PANDABILIMA6(*) signale que le viol des jeunes filles et femmes
congolaises tant par les troupes militaires étrangères que
nationales ainsi que les forces incontrôlées opérant en RDC
est un facteur principal de la propagation de cette pandémie en terme de
conséquences des guerres d'agression en RDC.
Insistant sur les relations de bon voisinage en tant qu'un
préalable à la paix et au développement dans la
sous-région des Grands Lacs, GANZA RURIHO7(*) explique que la promotion de la
sécurité; la relance de la coopération politique,
économique et culturelle et la préservation de l'identité
de la sous-région montrent leur importance pour ces pays qui sont en
crise de confiance; mais aussi le respect des accords et engagements
signés par les Etats de même que le changement de mentalité
acquise sont d'une grande nécessité en vue de la stabilité
politique sous-régionale.
Contrairement à tous ces travaux ci-haut
décrits, qui ont traité des aspects divers en relation
étroite avec la thématique de l'étude sous examen, ce
dernier se démarque d'eux par le fait qu'il met singulièrement
l'accent sur les groupes armés et la position géopolitique de la
RDC dans la région des grands lacs; ceci dans l'optique de
dégager les relations qui existent entre ces groupes armés et les
enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs,
mais aussi d'analyser l'impact sociopolitique des groupes armés
opérant à l'échelle régionale et ceux locaux sur la
stabilité nationale en RDC et régionale dans la région des
grands lacs.
Cette réflexion couvre l'espace de la région des
Grands Lacs en général, et celui de la RDC en particulier; sur
une période qui va de 1996 à 2014. Cette délimitation
spatio-temporelle trouve sa justification dans le fait que c'est durant cette
période que la région susmentionnée en
général, et le territoire national de la RDC en l'occurrence a
enregistré des atrocités néfastes allant du passage d'un
conflit à caractère national pour se muer en un conflit à
caractère régional et régionalisé.
Ce travail ondule entre une vision chronologique
(diachronique) et une vision analytique (synchronique), couplées
à des pistes de sortie de la crise itérative.
0.2. PROBLEMATIQUE
C'est depuis les années 1980 que le monde s'est
retrouvé embourbé dans une inextinguible atrocité des
groupes armés, tendant à le diriger vers un paroxysme d'une
violence dont on ne saurait atténuer, voire même stopper
l'ampleur.
Ainsi, les groupes armés interviennent dans de
nombreux conflits civils. Considérés par certains comme des
«terroristes» et par d'autres comme des «combattants de la
libération», ils ont été responsables de violations
graves des droits de l'homme. La plupart des conflits violents et meurtriers
qui se déroulent dans le monde ont lieu à l'intérieur des
Etats. Des groupes armés qui ne sont pas sous le contrôle des
gouvernements y participent et se rendent responsables de nombreuses violations
des droits de l'homme, ayant souvent un caractère d'extrême
gravité. En effet, la violence par les groupes armés et
terroristes s'est répandue au monde avec la création, en 1988,
sous l'impulsion d'Oussama Ben Laden en connivence avec son ami de camp Herman
Al Zawaeri, d'un groupe terroriste dénommé AL-QAIDA8(*), signifiant en arabe
« la base ou la fondation de la maison ; ou soit
encore les principes et le fondement de l'action »,
ceci a été créé avec comme objectif primordial de
mettre sur pied une brigade islamique internationale, afin d'envoyer des
combattants partout dans le monde où l'islam sera menacé.
Cependant, en guise d'analyse des faits, voici comment cet
homme d'Oussama Ben Laden fera du terrorisme une entreprise mondiale et
médiatique au service d'un islam radical et violent à travers le
monde, en créant des zones d'influence géopolitiques du
terrorisme. Ce dernier procédera par la création des groupes
terroristes régionaux en Afrique et qui, jusqu'aujourd'hui, continuent
à semer la terreur et la désolation dans le chef des populations
africaines, et cela favorisant de 2001 à 2014, le passage du Jihad
oriental au Jihad mondial, une situation que nous avons qualifié
à notre niveau de scissiparité et schisme des
groupes armés et terroristes9(*) qui vont se multiplier sur
l'entendue territoriale du continent noir sous diverses appellations par le
biais des divisions basées sur des intérêts individuels ou
groupaux.
Ainsi, l'Afrique du nord communément appelée
Afrique maghrébine ou le Maghreb sera sous le joug d'un plus grand
groupe armé et terroriste dénommé AQMI signifiant
« Al-Qaida au Maghreb Islamique10(*) »,
crée le 25 janvier 2007 par Abdelmalek Droukdel, étant sous le
leadership actuel de Djamel Okacha et possédant environs 3000 hommes, le
plus grand groupe armé terroriste islamique oeuvrant dans le Maghreb et
au Nord du Sahel.
Chemin faisant, la région du Sahel sera, quant
à elle, la matrice d'une panoplie des groupes armés
dont :
Ø le Mouvement pour
l'Unité et le Jihad en Afrique de l'Ouest11(*) : MUJAO,
crée en 2011 par Hamada Ould Mohamed Kheirou, avec comme but principal
l'instauration de la charia en Afrique de l'Ouest, et opérant
précisément dans le Nord du Mali et dans plusieurs autres pays de
l'Afrique de l'Ouest.
Ø Le Mouvement National pour
la Liberation de l'Azawad12(*) : MNLA, crée depuis octobre 2011
par Bilal Ag Acherif, et possédant actuellement environs 10 000
hommes, semant la terreur dans le Mali et au Niger.
Ø Le Boko Haram13(*) : signifiant
« l'éducation occidentale est un
péché » en dialecte d'haoussa et
possédant le nom officiel de « Jama at ahl
al-sunnah li-l-Da wah wa-al-Jihad » en arabe et qui
pourrait se traduire en français par ce qui suit :
« peuple engagé dans la propagation de
l'enseignement du prophète Mahomet et du
Jihad », crée en 2002 par Mohamed Yusuf et
étant sous le leadership actuel de Abubakar Shekau, oeuvrant sur
l'ensemble du territoire Nigérian et au Nord du Cameroun avec un
effectif de 30 000 adeptes engagés dans la violence et le
terrorisme.
Cette pandémie des groupes armés ne va pas
s'arrêter à ces seules régions d'Afrique, elle s'est faite
observer en Afrique centrale et en Afrique de l'Est à travers des
groupes comme :
Ø Al-Shabab14(*), signifiant en français
« la jeunesse », qui est un
groupe islamique somalien issu de la fraction la plus dure de l'union des
tribunaux islamiques, qui milite pour l'instauration de la charia; ce dernier
étant crée en 2006 par Aden Hashi Farah, puis dirigé
actuellement par Moktar Ali Zubeyr successeur du Cheik Muktar Robow, un groupe
armé terroriste islamique oeuvrant en Somalie et au Kenya.
Ø La Seleka15(*) en dialecte Sango, et signifiant
« sélection » en
français, était une coalition constituée en Août
2012 par des partis politiques et des forces rebelles opposées à
l'ex-président centrafricain François Bozizé,
composées en partie par des mercenaires tchadiens, libyens et soudanais;
la Seleka se caractérisait aussi par une coloration religieuse musulmane
dans une République Centrafricaine dont la population est à 80%
chrétienne. Etant sous le leadership de Michel Djotodia, son effectif
s'évaluait à plus de 20 000 personnes, bien que c'est un
mouvement qui n'existe plus depuis septembre 2013, suite à l'accession,
de son leader, au pouvoir le 24 mars 2013 par un coup d'Etat.
Ø Les Anti-Balaka16(*) : milice
créée en 2009 et oeuvrant, tout comme la Seleka, en
République Centrafricaine, dont selon une version, le terme Anti-balaka
signifierait « anti-machette »,
balaka signifiant machette en Sango, les miliciens s'affirment ainsi comme des
combattants invulnérables aux machettes et aux sabres. Selon une autre
version, le nom Anti-balaka viendrait des colliers et des gris-gris
appelés « anti-balles AK »
qui protégeraient ses porteurs contres les balles des fusils AK-47. Les
Anti-balaka sont majoritairement animistes et se distinguent par le port de
nombreux gris-gris, mais bon nombre sont également chrétiens ou
musulmans.
Ø Les ADF/NALU17(*) : « Allied Democratic
Forces/National Army of Liberation of Uganda »,
créée depuis 1987 et active depuis 1995, cette dernière
est une coalition des partis opposés au régime de Yoweri Museveni
en Ouganda. Cette milice oeuvrant à l'Est de la RDC est composée
des partis suivants : Allied Democratic Movement, National Army of
Liberation of Uganda, et par Uganda Muslim Liberation Army. Une milice ayant
à sa tête Ali Bwambale et Isa Lubega lors de sa création,
avec un effectif de plus de 1000 hommes, cette dernière est
essentiellement composée d'islamistes du mouvement Tablighi Jamaat, et
est dirigée depuis 2007 par un certain Jamil Mukulu, un chrétien
converti à l'islam radical et violent.
Ainsi, face à ces circuits des groupes armés qui
convergent vers une idéologie commune, tout en prônant une
même doctrine (musulmane) en Afrique en général; on
assistera particulièrement en RDC, à une autre
réalité paradoxale à celle susmentionnée, qui est
celle du schisme des groupes armés à caractère tribal,
ethnique, des rébellions étrangères et celles qui se
prétendent être des rebellions nationales; l'un des facteurs qui
sont à la base de la situation politique chaotique en RDC, et qui va
passer d'un problème ou conflit d'ordre national à celui d'ordre
régional voire international.
Une situation qui débute en 1996 et qui, du jour le
jour, tend vers son apogée par une extrême amplification de
l'usage de la violence politique par les groupes armés, pour reprendre
d'ailleurs le langage d'Almond et Powell dans
leur catégorisation des groupes sociaux, à savoir des groupes
d'intérêts anomiques. Eu égard à ce défi
évoqué, certaines questions méritent d'être
posées de la manière que voici :
1) Quels sont les groupes armés nationaux et
régionaux qui opèrent en RDC?
2) Quelles sont les relations établies entre les
groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la
RDC dans la région des grands lacs?
3) Quel est l'impact des groupes armés opérant
à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et
régionale?
0.3. HYPOTHESES
Une hypothèse est définie par GRAWITZ Madeleine
comme une réponse provisoire aux questions posées au niveau de la
problématique, et qui sert à formuler une relation entre les
faits significatifs, à sélectionner les faits à observer,
mais aussi à interpréter les faits en leur donnant une
signification18(*). Dans
cette même logique, ESSISO ASIA AMANI la définit comme
étant finalement une idée directrice, une tentative d'explication
des faits formulés au début de la recherche et destinée
à guider l'investigation et à être abandonnée ou
maintenue après les résultats de l'observation19(*). Pour sa part, MAINDO MONGA
NGONGA Alphonse la définit aussi comme une proposition, un
énoncé des faits qui anticipe une relation entre deux
termes20(*).
Nous inspirant des définitions ci-haut
évoquées, nous avons émis les hypothèses
suivantes :
1) L'identification exhaustive des groupes armés
nationaux et régionaux opérant en RDC serait illusoire au regard
de la dynamique de leur naissance.
2) Les relations établies entre les groupes
armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans
la région des grands lacs seraient l'établissement des
administrations parallèles dans l'optique d'alimenter l'exploitation
illicite et illégale des ressources minières; le problème
foncier et un surpeuplement tacite conduisant à la thèse
d'envahissement du territoire national par des populations allogènes
donnant lieu à la crise d'identité sociale ainsi qu'à la
quête de l'espace au compte des agresseurs.
3) L'impact des groupes armés opérant à
l'échelle régionale sur la stabilité nationale et
régionale serait multidimensionnel à analyser sous divers angles,
à la fois politique, économique et social.
0.4. OBJECTIFS ET INTERET DU SUJET
Eu égard à ces hypothèses
susmentionnées, la présente réflexion poursuit deux
objectifs essentiels suivants :
v Déterminer et identifier les deux principales
catégories des groupes armés actifs en RDC et en produire une
cartographie non exhaustive.
v Démontrer les relations qui existent entre les
groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la
RDC dans la région des grands lacs.
v Dégager l'impact sociopolitique des groupes
armés opérant à l'échelle régionale sur les
groupes armés locaux et sur la stabilité nationale et
régionale.
A la lumière de ces objectifs, le présent
travail revêt un double intérêt, à la fois
scientifique et pratique.
ð Sur le plan scientifique, cette
réflexion est un instrument de référence en termes de
contribution à la banque des données nécessaires pour tout
chercheur intéressé par le présent objet d'étude
pour y trouver son compte. Cette étude se situe au carrefour de
l'interdisciplinarité des domaines partagés entre la sociologie
politique, la polémologie, la géopolitique, la
géostratégie, la géographie politique, la gouvernance
sécuritaire, l'analyse des politiques publiques, et la prospective
politique dans une vision future de la région des grands lacs en
général, et de la RDC en particulier.
ð Sur le plan pratique, cette
étude est une contribution réelle à la prise de conscience
par les autorités politico-militaires nationales, régionales,
voire internationales dans l'optique de fournir une pérenne pacification
à la sous-région des grands lacs en général, et
à la RDC en particulier. En s'appropriant son contenu, les
bénéficiaires de ce travail trouveront leur gain de cause pour
assurer la bonne gouvernance politico-sécuritaire de la RDC et de la
sous région des Grands Lacs Africains.
0.5. CADRE METHODOLOGIQUE DE RECHERCHE
0.5.1. Méthode
La recherche scientifique recommande toujours le choix d'une
approche méthodologique devant guider l'analyse des données, leur
interprétation ainsi que la systématisation qui en
découle.
Ainsi, pour réaliser ce travail, nous nous sommes
servis de la méthode d'analyse stratégique,
utilisée à la lumière de Crozier M. et Friedberg E.,
emprunté savamment par Jean OTEMIKONGO MANDEFU21(*), qui nous a permis de se
servir des données recueillies lors des entretiens pour définir
les stratégies futures probables que les acteurs vont poursuivre les uns
à l'égard des autres. C'est à dire lister les acteurs du
processus étudié; observer et décrire les
stratégies des acteurs; repérer les enjeux de pouvoir;
déterminer les ressources des acteurs par rapport à leurs
objectifs : C'est à dire les instruments de l'influence politique;
saisir la culture des acteurs en fonction des enjeux identifiés et des
possibilités d'action; faire des hypothèses sur l'attitude future
probable ou sur la stratégie que va mettre en oeuvre l'acteur
concerné; établir le bilan : C'est à dire la balance
gains-risques; et enfin, chercher les points faibles des parties prenantes.
Ainsi, voici les neuf étapes de l'opérationnalisation de cette
méthode dans le cadre de ce travail :
1) Lister les acteurs du processus
étudié : la première catégorie
d'acteurs ciblés dans le cadre de ce travail sont les groupes
armés nationaux entre autres le CNDP, les milices MAÏ-MAÏ
(APCLS, MAÏ-MAÏ KIFUAFUA, NDC, RAÏA MUTOMBOKI, MAÏ-MAÏ
SHETANI, MAÏ-MAÏ KIRIKICHO, UPCP-FPC, MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA,
FRPI, MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA), PARECO-NYATURA, le M23, le MCRC, le
MRE.
La seconde catégorie concerne les groupes armés
régionaux à savoir les FDLR, les ADF-NALU, et les FNL.
La troisième catégorie d'acteurs
répertorie les pays impliqués directement ou indirectement dans
le système de parrainage des groupes armés à l'Est de la
RDC dont le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, les Etats-Unis, ainsi que la
Grande-Bretagne.
La quatrième catégorie identifie les
organisations régionales et internationales que nous avons
qualifiées d'anges bleus dans le fond de ce travail et qui, loin de se
soucier de la situation sociopolitique chaotique de la RDC, sont par contre
animées par la quête du lucre à savoir la MONUSCO, la SADC,
et la CIRGL.
L'avant dernière catégorie cible les
multinationales Anglo-Saxonnes impliquées dans des réseaux
mafieux d'exploitation illicite et illégale des matières
premières pour leurs industries entre autres Consolidated European
Venture de Lundin group; Barrik Gold Corporation (BGC); Anglo American
Corporation (AAC); American Mineral Field Inc (AMFI); American Diamond Bayers;
CLUFF; Bridge; et enfin Point Averseas Development of British Virgins
Island.
La dernière catégorie pointe les
personnalités internationales, régionales et nationales
impliquées dans des circuits de soutien aux groupes armés
à l'Est de la RDC dont nous pouvons citer le Général SALIM
SALEH de l'Ouganda; le Général James KAZINI; le
Général TIKAMANYIRE; Mr JOVIA AKANDWANAHO; le Colonel UTAFIRE; le
Colonel MUGENI; Mr MKAHALI; Mr ATEENYI TIBASIMA; Mr MBUSA NYAMWISI; Mr NAHIM
KIHANAFFER; Mr Roger LUMBALA; Mr Jean-Yves OLIVIER; Mr Jean-Pierre Bemba; Sir
Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN; Pour les nouveaux venus dans ces circuits de
soutien aux groupes armés régionaux : le Colonel MUYOMBO; le
Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la prison militaire de Ndolo
à Kinshasa). Du côté rwandais : Ali Hussein (transfert
d'or et diamant à Bukavu et à Kisangani); l'ex
Général et actuel ministre rwandais de la défense JAMES
KABAREBE; Sir VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport d'amnistie
internationale et de Human Rights Watch); Mr MOHAMED ALI SALEM; Mr TIBERE
RUJIGIRO; Mr AZIZA KULSUM GULAMALI.
2) Observer et décrire les
stratégies des acteurs : les premières
stratégies que nous avons constaté à ce niveau sont celles
appliquées par les pays qui parrainent ces groupes armés, mais
aussi par ces multinationales susmentionnées qui sont impliquées
dans les réseaux mafieux d'exploitation illicite des matières
premières, à savoir la stratégie des actionnaires et des
mandants22(*),
stratégie relative à la théorie de l'agence.
C'est-à-dire l'Ouganda et le Rwanda ont reçu le rôle de
mandataires ou des agents au profit des Etats-Unis et de ces multinationales. A
ce niveau, ces deux agents subissent des fortes pressions pour permettre aux
actionnaires (Etats-Unis et les multinationales) d'atteindre leurs objectifs
qui ne sont autres que le maintien d'une instabilité sécuritaire
à l'Est de la RDC pour les faciliter une acquisition des matières
premières à vil prix ceci en finançant les groupes
armés dans cette partie du pays.
Cependant, évoluant en marge de fidèles et
parfaits serviteurs à la solde des actionnaires, le Rwanda et l'Ouganda
sont animé par l'engouement expansionniste de vouloir étendre
leurs territoires au-delà de leurs frontières respectives, ceci
dans une optique d'influence sur la partie Est de la RDC et dans une
compétition pour le leadership régional. Pour concrétiser
leur engouement, ils vont à leur tour appliquer la stratégie de
la sous-traitance à partir des épopées AFDL-RCD-CNDP-M23
et bientôt dans une approche prospective le MCRC.
De son côté, recroquevillée sur
elle-même par la stratégie du cavalier seul, la RDC a beaucoup
plus tendance à appliquer la stratégie défensive
même à tort pour faire face, indirectement à travers les
groupes armés, au binôme « Rwanda-Ouganda » et
implicitement au trinôme
« Actionnaires-Rwanda-Ouganda ». Ceci étant la
résultante de son fort appui sur le dogme d'intangibilité de
frontière qui n'est du reste qu'un principe stérile et sans effet
pour ses voisins qui l'ont déjà désacralisé et
projettent des visées expansionnistes de leurs territoires respectifs.
Ainsi, les FARDC se retrouvent prises en otages dans une position
défensive et dans une méconnaissance de l'adversaire qui, lui se
bat dans la stratégie du dialogue (politique/diplomatique) et du combat
(militaire) : talking and fighting23(*). Et comme conséquence stratégique, il y
a développement d'un mécanisme de protection locale avec les
stratégies d'autodéfense : multiplication de milices
Maï-Maï qui cherchent à barrer l'oeuvre des envahisseurs
Rwando-ougandais.
3) Repérer les enjeux de
pouvoir : dans le cadre de cette étude, nous avons
identifié quatre enjeux qui mettent en collision les acteurs
susmentionnés :
· L'enjeu économique : exploitation des
matières premières,
· L'enjeu foncier : problématique
d'autochtonie, de la terre et de l'explosion démographique.
· L'enjeu socio-culturel : crise identitaire,
· L'enjeu régional : problématique de
la balkanisation de la RDC sous toutes ses formes.
4) Déterminer les ressources des acteurs
par rapport à leurs objectifs, c.à.d. les instruments de
l'influence du pouvoir : la multitude d'instruments d'influence
du pouvoir que les parties prenantes ont pu développer dans le processus
de guerres dans la région des grands lacs sont fondés d'abord sur
la parfaite connaissance du terrain par ces groupes armés, surtout ceux
locaux, au nom de l'autodéfense communautaire dans la partie Est de la
RDC, les milices locales continuent à se multiplier à une vitesse
de croisière, comme nous l'avons d'ailleurs démontré dans
la théorie de scissiparité et schisme de groupes armés,
où, tout en gardant les mêmes caractères et/ou la
même idéologie, les groupes armés procèdent à
des divisions internes souvent liées aux intérêts partisans
voire individuels, ce dernier processus étant la matrice principale de
multiplicité des groupes armés dans ce qui constitue l'Est de la
RDC.
Ensuite, cet état de choses va être soutenu et
alimenté par deux Etats de la région, entre autres le Rwanda et
l'Ouganda qui vouent leur allégeance aux anglo-saxons, par des
systèmes de parrainage régional à ces groupes
armés et par la stratégie de la sous-traitance avec les groupes
armés régionaux, et souvent avec ceux issus de leurs maquis
respectifs et auxquels ils parviennent à octroyer la stature des
rébellions nationales congolaises (AFDL, RDC-GOMA, RDC-KML, MLC, CNDP,
M23 et peut être très bientôt le MCRC). Le processus de
multiplicité des groupes armés dans la région des grands
lacs en général, et particulièrement au Kivu est un
processus qui peut s'autofinancer partant du potentiel énorme, des
richesses et de la logique de divisions internes au sein des ethnies, ainsi que
le manque de cohésion sociale.
En définitif, remarquons que les viols, les pillages et
les massacres et carnages effectués sur les populations civiles hostiles
aux projets macabres des envahisseurs bat record sur le terrain, car en
procédant par l'élimination physique des populations civiles
autochtones hostiles à leurs ambitions, ils parviennent à briser
le maillon de résistance que ces dernières leur
présentent, ainsi leur facilitant en second lieu à
procéder par l'installation des populations allogènes issus de
leurs pays respectifs qui pèseront de leur poids démographique
une fois que la thèse du référendum
d'autodétermination serait envisageable.
5) Saisir la culture des acteurs, c.à.d.
les outils conceptuels utilisés par les acteurs pour justifier leurs
objectifs : les acteurs du processus conflictuel de la
région des grands lacs ont créé, à l'Est de la RDC,
une atmosphère d'antagonisme guerrier et un territoire ouvert à
des migrations illicites lesquels, au fil de temps, ont alimenté les
désirs effrénés des milices d'autodéfense
communautaire. La recrudescence des milices d'autodéfense communautaire
serait le principal corollaire de cette situation. De ceci, va découler
la logique d'exclusion réciproque entre autochtones et allogènes,
glissant la donne régionale vers la problématique de
l'identité sociale en termes de nationalité douteuse voire
déniée.
6) Faire des hypothèses sur l'attitude
probable des acteurs ou sur les stratégies que va mettre en place
l'acteur concerné : A ce stade, remarquons que la
grande stratégie qui a élu domicile dans l'épicentre du
processus conflictuel des guerres de la région des grands lacs,
c.à.d. l'Est de la RDC, serait celle de « Leak and
Lead »24(*), c.à.d. une stratégies
où les infiltrations se multiplient à base des rébellions
illégales, où les deux pays agents (Rwanda et Ouganda) au service
des actionnaires (Etats-Unis et la Grande-Bretagne) parviennent à
infiltrer leurs agents dans les forces de l'ordre congolaises (FARDC et PNC) et
dans l'administration publique congolaise (DGDA, REGIDESO, SNEL, etc.) qui, une
fois au sein de ces institutions et occupant des postes hautement
stratégiques, travaillent au détriment de la RDC et par ricochet,
au compte de leurs pays ressortissants.
Cependant, les congolais avertis situent leur crainte au
niveau de la prise en otage du pays par ces agents infiltrés dans tous
les domaines de la vie nationale et à tous les échelons balisant
ainsi petit à petit le chemin vers le référendum
d'autodétermination susmentionné, et pouvant par la suite
parachuter vers la balkanisation du pays suite à la synergie des forces
et efforts de ces agents au service des agresseurs (Rwanda et Ouganda) et qui
militent jour et nuit pour l'accomplissement de ce projet.
7) Etablir le bilan, c.à.d. la balance des
gains-risques : Loin d'établir un bilan positif par
rapport à l'évaluation que nous avons pu dégager dans
cette étude, remarquons cependant que les risques dépassent de
loin les gains dans les guerres de l'Est de la RDC :
· Ce que le Rwanda et l'Ouganda n'ont pas obtenu par la
kalachnikov, il y a risque qu'ils l'obtiennent par la politique
(diplomatie).
· Les intégrations militaires ne parviennent
jamais, dans le processus des guerres de l'Est, à briser le cordon qui
relie chaque acteur à son ancien groupe rebelle.
· A chaque fin de guerre, lors de la conclusion des
accords, ces derniers permettent de placer des responsables politiques et
militaires, dont on n'a pas la maitrise parfaite de leurs tendances, au sommet
stratégique paralysant de ce fait les institutions du pays.
· La multiplicité des lois d'amnistie qui, depuis
le RCD jusqu'au M23, facilitent des infiltrations que nous pouvons qualifier
d'officielles, et favorisant l'impunité en RDC.
· De ce qui précède, découle le
risque de balkaniser le pays.
Quant aux gains, citons la maturité politique de la
population civile congolaise qui ne se laisse plus rouler par les agresseurs
mais aussi la possibilité de réaménager le paysage
militaire national.
8) Si le bilan est négatif, s'interroger
sur les risques : Cette étude a en profondeur
analysé les risques que la RDC court partant du bilan beaucoup plus
négatif que nous avons établi ci-haut.
9) Chercher les points faibles de l'organisation
et proposer des corrections permettant d'initier le
changement : les points faibles étant nombreux,
épinglons cependant les principaux à savoir :
· Prolifération des lois d'amnistie qui, au lieu
de punir, gratifient par contre les seigneurs de guerre à l'Est de la
RDC.
· Des divisions ethniques ne facilitant pas la
cohésion sociale et nationale.
· Absence de l'autorité de l'Etat dans plusieurs
coins de la partie Est de la RDC, facilitant ainsi la création de zones
de non droit par les seigneurs de guerre.
· L'inefficacité et l'inefficience des services de
sécurité nationaux.
Il est opportun et nécessaire voire impérieux
pour une telle étude, de s'imprégner de l'approche MOFF,
c.à.d. dans le cas externe : identifier des opportunités
à saisir et des menaces à éviter, et dans le cas
interne : épingler les forces à maximiser et les faiblesses
à combler.
0.5.2. Techniques
Cette méthode d'analyse stratégique a
été appuyée par les techniques suivantes :
ð L'entretien libre non
structuré : A travers cette technique, il a
été question d'échanger avec certaines autorités
politico-militaires et des branches ciblées de la population civile, qui
vivent au quotidien les réalités de ces conflits. Au cours de ces
échanges organisées à choix raisonné, les questions
n'ont pas été préparées à l'avance. Elles
ont plutôt été données par l'ambiance du
débat pour permettre aux enquêtés de répondre
librement.
ð L'observation extérieure
désengagée : Car d'une manière ou d'une autre,
nous avons assisté à certains moments de ces conflits qui ont mis
à feu et à sang la région des Grands Lacs en
général, et la RDC en particulier sans nous plonger dans des
préjugés prohibés par certaines règles
fondamentales de la recherche scientifique pouvant nous guider vers une
subjectivité dans un travail à la quête de
l'objectivité, minime soit-elle, mais en gardant notre
impartialité dans l'analyse du phénomène
étudié.
ð La revue de la littérature (technique
documentaire) : Grâce à elle, toutes les
informations reçues de ces techniques susmentionnées ont
été complétées par les écrits issus des
documents divers en relation étroite avec le sujet d'étude, tels
que les ouvrages, articles publiés, TFC et mémoires de licence et
de D.E.A, Thèses de doctorat, cours étudiés, rapports,
textes légaux, etc.
0.6. ARTICULATION DU TRAVAIL
En dehors de l'introduction et la conclusion, ce travail est
reparti en trois chapitres. Le premier est consacré aux
considérations générales, en revenant sur les concepts
comme groupe armé, géopolitique, la région des grands lacs
ainsi que les facteurs d'interactions entres armées et la
géopolitique. Le deuxième chapitre circonscrit la cartographie
des groupes armés opérant à l'Est de la RDC, en
procédant par une brève historique sur la naissance des groupes
armés en RDC, ensuite en épinglant les groupes armés
opérant au Kivu (Nord et Sud-Kivu et la province du Maniema) comme
épicentre des guerres de la région des grands lacs; en
repérant ceux qui opèrent dans la province Orientale, la province
du Katanga et enfin au Kasaï Oriental. Le troisième chapitre
analyse les relations et impacts sociopolitiques des groupes armes face aux
enjeux du repositionnement géopolitique de la RDC, en commençant
par la cartographie des groupes armés étrangers opérant en
RDC, ensuite en identifiant les enjeux de ces groupes armés; les
stratégies déployées par ces groupes armés, et
enfin l'impact socio-politico-économique de ces groupes armés sur
la stabilité nationale et régionale.
CHAPITRE 1 : CONSIDERATIONS GENERALES
1.1. BREVE INTRODUCTION
Avant d'aborder le vif de notre présente étude,
il nous est loisible de procéder par la clarification des sens de
certains concepts qui vont intervenir dans notre étude, afin de lever
l'équivoque et préciser le contexte dans lequel ils seront
utilisés à savoir : le groupe armé, la
géopolitique, la région des Grands Lacs, et enfin les facteurs
d'interactions entre armées et la géopolitique.
Comme le précise E. DURKHEIM : « En
réalité, les mots de la langue usuelle, comme les concepts qu'ils
expriment, sont toujours ambigus, et le savant qui les emploierait, qu'il les
reçoive de l'usage et sans leur faire subir d'autres
élaborations, s'exposerait avec plus grave confusion».
Ainsi, tout auteur est donc sensé constituer
lui-même le groupe des concepts qu'il va étudier, afin de leur
donner l'homogénéité et la spécificité qui
leur sont nécessaires pour être traité scientifiquement.
C'est pour cette raison que nous allons définir certains concepts
clés de notre étude, d'une manière plus ou moins
appropriée à notre travail.
1.2. LE GROUPE ARME
Le concept « groupe » se définit
selon Joseph FITCHER comme étant une collectivité
structurée, identifiable, continue des personnes sociales qui
remplissent des rôles réciproques conformément à des
normes sociales, à des intérêts et à des valeurs
dans la poursuite des buts communs. Il découle de cette
définition que les conditions suivantes sont requises pour qu'on parle
du groupe social, à savoir :
Ø La collectivité doit être identifiable
par ses membres et par les observateurs extérieurs, chaque membre doit
avoir une position ou statut qui est en rapport avec d'autres statuts;
Ø Les individus membres doivent remplir des rôles
individuels;
Ø L'existence des normes pour régir les
rôles;
Ø La réciprocité de relations entre
membres;
Ø L'existence de l'intérêt commun et
valeurs communes;
Ø L'assignation de certains buts vers lesquels est
dirigée la vie du groupe.
Les facteurs qui amènent les individus à former
un groupe selon ce même auteur sont : l'ascendance commune, le
mariage, le territoire partagé en commun, les caractéristiques
corporelles similaires, les intérêts communs, etc.
Pour J. STEARNS, J. VERWEIJEN et M. Eriksson BAAZ, le groupe
armé est souvent considéré comme des voyous qui s'en
prennent aux civils innocents et sans défense25(*). Certains sont toute fois des
prédateurs plus avides que d'autres, et certains
bénéficient du large soutien des communautés locales dans
lesquelles ils sont recrutés.
Quant à International Council on Human Rights26(*), le concept groupe armé
désigne un groupe d'individus qui sont armé, faisant usage de la
force pour atteindre leurs objectifs tout en échappant au contrôle
de l'Etat. En général, il fait allusion à des groupes qui
s'opposent au pouvoir en place, mais il est parfois difficile de distinguer
clairement les groupes ayant des visées politiques de ceux ayant des
objectifs criminels.
Cependant, les groupes armés, entant qu'acteurs
nouveaux de la géopolitique, ont des formes et des dénominations
multiples. Qu'on parle de guérillas, de milices, de mouvements
révolutionnaires, leurs objectifs peuvent être différents
mais leurs méthodologies souvent semblables. C'est ainsi qu'il est
difficile de distinguer entre leurs motivations réelles et
prétendues et cela rend difficile un classement.
Tout d'abord il faut préciser que certains groupes
armés sont totalement dépourvus de toute idéologie. Les
mercenaires agissent à des fins purement financières et se
vendent au plus offrant. Ils se constituent parfois en sociétés
dont on engage les services dans le cadre d'un conflit existant pour combattre,
assurer la sécurité de convois ou de personnes, pour former des
soldats, pour mener des interrogatoires. Ce sont des outils qui, certes,
peuvent faire la différence dans l'issue d'un conflit mais qui ne sont
pas en tant que tels des acteurs. Les seigneurs de la guerre fonctionnent
parfois sur le même modèle mais le plus souvent ce sont juste des
bandits organisés et lourdement armés. Ils jettent leur
dévolu sur une région et en font une zone de non-droit afin de
s'enrichir au plus vite. Dénués d'idéologie, ils
n'hésiteront pas à changer de discours pour se présenter
parfois comme des détenteurs de pouvoirs surnaturels, défenseurs
des plus pauvres ou de la liberté. En réalité, leur seul
intérêt c'est l'argent et leur propre liberté.
Certains groupes armés prétendent avoir une
dimension religieuse comme d'ailleurs mentionné dans la
problématique. Cette justification peut soit servir à couvrir un
intérêt purement personnel soit à légitimer un
objectif politique. Ca fait peu de différence. La religion est un
argument de recrutement et de légitimité mais les méthodes
sont tout aussi nuisibles aux populations victimes de leurs exactions.
D'autres groupes sont des bras armés de partis
politiques qui, soit n'obtiennent pas la représentativité qu'ils
requièrent (parce qu'ils représentent des minorités), soit
correspondent à la branche dure, radicale d'un mouvement. Si l'Etat en
vient à transiger, le groupe se dissout intégralement ou
partiellement. Dans d'autres cas, si le groupe le peut, il renversera le
pouvoir. Il peut arriver que le groupe diminue ses actions et se pose comme le
justicier lorsque les choses ne vont pas/plus dans son sens. Certains de ces
groupes portent des revendications irrédentistes ou
indépendantistes. D'autres agissent comme des « Robin des
Bois » en reversant aux populations ce qui leur revenait de droit,
selon eux et qui leur avait été volé par le pouvoir
politique ou économique. Tour à tour considérés
comme des héros, des terroristes ou des simples bandits, ils mettent
sous pression les Etats et les affaiblissent.
Leur terreau de recrutement est parfois l'idéologie
mais plus souvent les frustrations, la pauvreté et le
désoeuvrement, quand il ne s'agit pas tout bonnement de
l'enlèvement de mineurs.
Leurs ressources, quelle que soit la nature de leur mouvement,
sont assez similaires et comme ils vivent dans la clandestinité, souvent
illégales. Ils prélèvent l'impôt
révolutionnaire sur l'argument que les populations doivent soutenir
l'effort de guerre, procèdent au pillage et organisent la contrebande,
enlèvent et demandent des rançons, etc. ils disposent en effet
d'une bonne connaissance du terrain et d'une puissance armée. Aussi
sont-ils actifs dans la contrebande de produits illicites (comme la drogue) ou
licites mais habituellement contrôlés. On les retrouve dès
lors dans les régions riches en ressources naturelles et
particulièrement en minerais.
Ils bénéficient cependant souvent du soutien
financier des Etats voisins ou de ceux dont l'objectif géopolitique est
servi par la déstabilisation du pays où ils opèrent. Le
fait qu'ils soustraient un territoire à l'autorité de l'Etat,
qu'ils provoquent l'insécurité résultant en
déplacement de populations, en destruction des structures sociales et en
appauvrissement a des implications sur la politique de l'Etat. Perçu
comme affaibli, il n'offrira pas de bonnes perspectives aux investissements. Il
devra par contre consacrer une partie de ses efforts à contenir ces
groupes et les combattre ou à les démanteler en acceptant parfois
la réintégration de leurs membres au sein de l'armée
régulière, ce qui risque de faire rentrer le ver dans la pomme
à moyen ou à long terme.
1.3. LA GEOPOLITIQUE
Le terme « géopolitique » n'est
pas à confondre avec la « géographie
politique » moins encore avec la
« géostratégie ». Nombreuses sont les
définitions existantes, mais il faut a priori garder en mémoire
certains principes permettant d'en comprendre toute la
complexité :
Ø Tout ce qui est géopolitique ne se comprend
que situé dans le temps et dans l'espace.
Ø Tout y est aussi rapport de force entre les hommes ou
leurs organisations.
Cependant, ce dernier concept apparaît pour la
première fois sous la plume de Gottfried Wilhelm Leibniz dans un
manuscrit inédit de 1679. C'est en Allemagne que la notion de
géopolitique se construit, sous l'impulsion fondatrice de Friedrich
Ratzel (1844-1904).
Premièrement, la géopolitique est tout d'abord
un savoir pratique27(*).
C'est bien ainsi que l'entendent Chauprade et François Thual qui
qualifient cette dernière d'une pratique, celle de la
réalité des peuples et des Etats; elle est ensuite une
méthode à laquelle le géopoliticien doit accorder toute la
rigueur de la science sans pour autant répondre à la tentation de
dégager des lois générales. Dans le même ordre
d'idée, Lacoste lui dira qu'il s'agit de répondre à un
souci d'efficacité afin d'être en mesure d'analyser des
affrontements dont les effets sont graves et les enjeux importants, soit pour
aider à une solution de compromis, soit pour contribuer à la
victoire de la cause que l'on défend.
Quant au juriste suédois Rudolf Kjellen définit
cette dernière comme une science de l'Etat en tant qu'organisme
géographique, tel qu'il se manifeste dans l'espace.
Cette définition appelle plusieurs remarques. Il
apparaît clairement que l'acteur principal en géopolitique est
l'Etat. Par ailleurs, cet Etat est envisagé comme un être vivant
(c'est en ce sens qu'il faut comprendre ici le terme
« organisme »). Ensuite la géopolitique
s'intéresse aux manifestations de l'Etat dans l'espace, c.à.d. sa
position, sa taille, sa forme, etc.
Pour le professeur Alexandre Defay, la géopolitique a
pour objet l'étude des interactions entre l'espace géographique
et les rivalités de pouvoirs qui en découlent. Elle est le
terrain de manoeuvre de la puissance locale, régionale ou
mondiale28(*).
Quant au professeur Maryse GRARI, la géopolitique est
une science humaine, plus précisément une science dite politique.
Elle est née d'une démarche intellectuelle visant à
théoriser le rapport entre l'observation scientifique de l'environnement
géographique (espace, relief, climat, situation, accès à
la mer, voies fluviales, mais aussi ressources et population) et les
décisions politiques des acteurs et décideurs politiques de
quelque niveau que ce soit29(*).
Ainsi, dans le cadre de cette étude, nous allons
retenir la définition suivante :
La géopolitique est l'étude des enjeux
territoriaux mobilisant différents pouvoirs rivaux (étatiques,
mais aussi intra et interétatiques). C'est un savoir (une science) de la
conflictualité, celle-ci résultant de l'expression plus ou moins
violente de représentations contradictoires d'un territoire. C'est un
savoir pratique et opératoire qui a pour fondement une méthode
d'analyse scientifique reposant sur la prise en compte des multiples
échelles de temps et d'espace30(*).
1.4. LA REGION DES GRANDS LACS
Il est patent que trois termes risquent de semer des
imbroglios dans le cadre de cette étude, à savoir
« l'Afrique Centrale »,
« l'Afrique de Grands Lacs » et
« la Région des Grands
Lacs ». Cependant, il nous est impérieux de
lever l'équivoque que peut créer tel ou tel autre terme par
rapport à ce travail.
1.4.1. L'AFRIQUE DES GRANDS LACS
Le terme « Afrique des Grands Lacs » a
été employé pour la première fois au
XIXe siècle par les explorateurs britanniques partis à
la recherche des sources du Nil, entre autres Richard Francis Burton, David
Livingstone et Henry Morton Stanley. Cette région n'est pas à
confondre avec l'Afrique Centrale ou soit avec la Région des Grands
Lacs31(*).
Voici les pays qui composent l'Afrique des Grands
Lacs :
Ø La République Démocratique du Congo,
Ø Le Burundi,
Ø L'Ouganda,
Ø Le Rwanda,
Ø La Tanzanie,
Ø Le Kenya,
Ø La Zambie,
Ø Le Malawi.
Cette région de l'Afrique des grands lacs est
caractérisée par un facteur plus géographique que
politique, à savoir la présence d'un réseau, d'un
chapelet, ou d'une succession des lacs longeant cette étendue
régionale du Nord au Sud, et occupant la partie méridionale de la
vallée du grand rift, formée par l'action du rift est-africain
sur la plaque africaine, situé dans la partie orientale du continent
africain entre 30è et 35è méridien
au niveau de l'équateur, et entre 5° nord et 15° sud, dont le
lac Victoria, le lac Kyoga, le lac Albert, le lac Edouard, le lac Kivu, le lac
Tanganyika et le lac Malawi.
ð Carte des pays de l'Afrique des Grands
Lacs

Fig. 1 :
www.bv.alloprof.qc.ca
(bibliothèque virtuelle).
1.4.2. L'AFRIQUE CENTRALE
L'Afrique Centrale quant à elle, est la région
comprenant le Sud du Sahara, l'Est du bouclier Ouest-Africain et l'Ouest de la
vallée du rift.
Ainsi, d'après la définition de l'ONU, l'Afrique
Centrale comprend les pays suivants :
Ø L'Angola,
Ø Le Cameroun,
Ø Le Gabon,
Ø La Guinée Equatoriale,
Ø La République Centrafricaine,
Ø La République Démocratique du Congo,
Ø La République du Congo,
Ø Le Sao Tomé-et-Principe,
Ø Et enfin le Tchad.
Cependant, l'Angola, le Malawi et la Zambie, trois pays de
l'Afrique australe mais qui sont quelques fois considérés comme
faisant partie de l'Afrique Centrale suite à leur appartenance en 1953
et 1963 avec la Rhodésie du Sud à la Fédération
d'Afrique Centrale.
Quant au Burundi et le Rwanda qui, faisant partie jadis de
l'Afrique Orientale Allemande, sont parfois aussi considérés
comme appartenant à l'Afrique Centrale.
Notons alors que, la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique Centrale (CEEAC en sigle) regroupe dix pays, à savoir les neuf
pays cités dans la définition de l'ONU plus le Burundi.
ð Carte des pays de l'Afrique Centrale

Fig. 2 :
www.wikipedia.com
ð Les pays en couleur verte foncée sont
ceux-là reconnus comme appartenant à l'Afrique Centrale, et ceux
en couleur verte claire sont ceux-là admis à cette région
pour telle ou telle autre raison.
1.4.3. LA REGION DES GRANDS LACS32(*)
La Région des Grands Lacs est constituée de la
zone inter-lacustre comprise entre la RDC, le Rwanda, l'Ouganda, le Kenya, la
Tanzanie, le Burundi et de leurs zones d'influence frontalière (le cours
du fleuve Congo avec la République Centrafricaine, la République
du Congo, l'Angola et le Soudan). Cette région a souvent
été en proie aux aléas de conflits armés
particulièrement violents et récurrents. Les cycles de violence
s'étalent dans le cours de son histoire précoloniale, coloniale
et postcoloniale. Le pic est atteint au cours des années 1990 avec le
génocide rwandais, la guerre au Burundi et le conflit interafricain en
République Démocratique du Congo. Le conflit en RDC,
théâtre d'affrontement entre 9 armées africaines (au
minimum), est aujourd'hui considéré comme le conflit le plus
meurtrier depuis la deuxième guerre mondiale avec des estimations de
l'ordre de plus de 5 millions de victimes. Les causes des conflits dans cette
région de l'Afrique revêtent une dimension régionale et un
caractère régionalisant. On observe une propension à la
régionalisation de l'instabilité, alimentée par une
proximité de fait d'ordre ethnique, socioculturel et politique des
populations de la région. Cette proximité sous-entend la tendance
des conflits à s'exporter au-delà de leurs foyers nationaux pour
se répandre, par effet de contamination, à l'ensemble des pays
frontaliers de la région.
Les conséquences engendrées par cette dynamique
de conflit sont multiples, entre autres instabilité politique de la
région, exode des populations menacées, mortalité
causée directement ou indirectement par les conflits,
sous-développement rampant, etc.
Ces conséquences désastreuses vont pousser la
communauté internationale et les Etats de la région à
prôner une solution régionale qui tiendrait compte, de
manière concurrente, des causes internes et externes des conflits en vue
de remédier de manière efficace et durable aux effets
néfastes de cette dynamique. Le pillage des ressources naturelles est un
des facteurs nerfs de la quasi-permanence des conflits armés et d'une
instabilité presque entretenue dans la région des Grands Lacs.
Le lien entre richesse régionale, ou nationale dans le
cas précis de la RDC, et la dynamique d'instabilité a
été clairement identifié par la résolution 1653 du
Conseil de sécurité des Nations-Unies sur la situation dans la
région des Grands-Lacs. Il est aussi mis en exergue par le rapport du
groupe d'experts des Nations-Unies sur l'exploitation illégale des
ressources naturelles de la RDC du 12 avril 2001.
Voici les pays qui composent cette région :
Ø L'Angola,
Ø Le Burundi,
Ø La République Centrafricaine,
Ø La République du Congo,
Ø La République Démocratique du Congo,
Ø Le Kenya,
Ø L'Ouganda,
Ø Le Rwanda,
Ø Le Soudan,
Ø La Tanzanie,
Ø Et la Zambie.
ð Carte des pays de la Région des Grands
Lacs

Fig. 3 :
www.google.com
ð Les pays en couleur verte sont
ceux-là faisant partie de la Région des
Grands-Lacs
1.5. FACTEURS D'INTERACTIONS ENTRE ARMEES ET LA
GEOPOLITIQUE33(*)
En théorie, l'armée devrait simplement
être une des institutions, une des structures de l'Etat. C'est pourquoi,
dans beaucoup d'Etats (y compris ceux démocratiques) le Chef de l'Etat
est aussi Chef des armées. Cette structure dispose en effet, avec la
police, du droit d'exercer la violence physique légitime reconnue
à l'Etat par le droit international et repris dans la
célèbre définition de l'Etat de Max Weber.
Pourtant, plusieurs scénarios existent, au sein
desquels le rôle et le pouvoir de l'armée sont très divers.
Certains dépendent de la statogenèse de l'Etat (l'histoire de la
manière dont il s'est constitué).
L'armée est un véritable pouvoir. Normalement,
elle ne devrait avoir aucune volonté propre, mais être au service
du politique. On l'a vu, une armée est un élément de
cohésion de l'Etat si et seulement si celui-ci en garde la mainmise.
Car, bien sûr, l'armée, comme l'indique son nom, dispose d'armes
qu'elle peut retourner dans certains cas contre l'Etat et la population au lieu
de contrer leurs ennemis.
Cependant, signalons que certains Etats ont été
constitués par l'armée, à l'exemple de la Libye du feu
Colonel Kadhafi. Parfois aussi l'armée a pris le pouvoir au politique.
Lorsque le succès est total, on voit ainsi la figure la plus
charismatique monter en grade extrêmement rapidement jusqu'à se
nommer maréchal (Zaïre de Mobutu) ou commandeur en quelques mois.
Beaucoup d'Etats africains et asiatiques (Chine de Mao) ont connu ce
scénario.
En dépit de tout ce qui a été
mentionné ci-haut, on peut se poser certaines petites questions qui
attirent l'attention, à savoir :
1) Qu'est-ce qui explique qu'un Etat puisse être ainsi
renversé par l'armée?
2) Qu'est-ce qui explique la naissance de juntes
militaires?
Constatons cependant que les facteurs pouvant nous aider
à répondre à ces questions sont nombreux. Vu que c'est
traité en long et en large dans les chapitres qui suivent, il sied de
signaler que les récentes révolutions arabes donnent une bonne
illustration des différentes manières dont l'armée peut
réagir. C'est ainsi qu'en Tunisie, elle s'est mise aux
côtés de la population; en Libye, elle s'y est opposée. En
Syrie, elle s'est divisée; en Egypte, elle a soutenu la population, mais
elle s'est opposée ensuite au résultat des urnes donnant le
pouvoir à des partis islamistes.
1.6. CONCLUSION PARTIELLE
Estimant avoir clarifié les considérations
générales sur les grands concepts qui constituent le squelette de
ce travail, afin de leur donner l'homogénéité et la
spécificité qui leur sont nécessaires pour être
traité scientifiquement, il est cependant opportun d'entrer dans le vif
de notre sujet pour analyser davantage les données
récoltées par la cartographie non exhaustive des groupes
armés actifs à l'Est de la RDC.
CHAPITRE 2 : CARTOGRAPHIES DES GROUPES ARMES
OPERANT A L'EST DE LA RDC
2.1. BREVE INTRODUCTION
Il est nécessaire de signaler, avant d'aborder ce
chapitre, que les causes de l'activisme des groupes armés en RDC sont
multiples. Ainsi, retenons cependant que ces causes sont d'ordre national en
premier lieu, et d'ordre régional voire même international en
second lieu.
L'objectif du présent chapitre est de donner un
descriptif de la situation des groupes armés actifs dans l'Est du Congo,
en particulier dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema, du
Katanga, de la province Orientale et de celle du Kasaï Oriental. Elle a
également comme ambition de fournir un essai d'analyse sur ce
phénomène spécifiquement congolais de prolifération
pléthorique de groupes armés semant l'insécurité et
empêchant le relèvement économique dans la plupart des
territoires et provinces susmentionnés.
2.2. NAISSANCE DES GROUPES ARMES EN RDC
2.2.1. PERSPECTIVES CONFLICTUELLES A L'EST DE LA RDC
L'Est de la RDC a commencé à connaître
des situations difficiles d'insécurité depuis les années
1990 avec la création, au Nord-Kivu, des groupes armés à
caractère ethniques, dont l'association hutue appelée MAGRIVI
(Mutuelle des Agriculteurs de Virunga)34(*). Cette association dès sa création
avait des objectifs louables, mais ses dirigeants les avaient
déviés en les orientant dans le tribalisme violent et radical, en
vue de combattre d'autres tribus de la place telles que les Hunde, les Nande,
les Nyanga, les Tembo ; en ce moment ils n'avaient pas visé les
tutsis, étant donné que ces derniers étaient au pouvoir
à Kinshasa à l'époque du règne de MOBUTU et cela
à travers Barthélémy BISENGIMANA qui était la main
droite du Maréchal Mobutu. C'est ainsi que ces autres tribus non
« hutuphones (Rwandophones) », pour se défendre, ils
vont créer leur auto-défense populaire appelée à
l'époque NGILIMA et actuellement MAI-MAI, et ceci en territoire de
Masisi et de Walikale au Nord-Kivu.
C'est à partir de l'année 1992 que ce mouvement
NGILIMA d'auto-défense populaire commença aussi ses
opérations contre la philosophie de MAGRIVI constituée en
majorité des hutus dans les territoires de Masisi, Lubero et Rutshuru,
sans tenir compte de tutsis ou de hutus. Ces derniers ont attaqué tout
le monde qui parlait le kihutu (soi-disant kinyarwanda). La cause majeure de
ces conflits était l'accession à la terre; les hutus et les
tutsis étant considérés comme étant des
immigrés par ces autres tribus autochtones du Nord-Kivu, lesquelles ne
voulaient pas que ces « Rwandophones » occupent des grands
terrains comme propriétaires mais comme locataires en payant les
redevances coutumières comme cela est de stricte application sur toute
l'étendue de notre pays, en respectant le principe coutumier qui dit
que : « le sol ne se vend pas, mais il se
loue ». Ces conflits ont
dégénéré jusqu'à pousser les tutsi à
quitter la RDC, le Zaïre à l'époque pour aller se rallier
à la rébellion de KAGAME contre le régime de Kigali sous
le règne du feu président Juvénal HABYARIMANA à
l'époque, qui fut assassiné dans son avion en provenance de la
Tanzanie, dans une réunion avec les responsables de la rébellion
de l'APR, actuellement au pouvoir à Kigali, et ceci en 1994.
Cet assassinat fut à la base du génocide au
Rwanda et par conséquent des violents combats ont suivi, menés
par l'APR (Armée Patriotique du Rwanda) appuyés par le
régime de Yoweri MUSEVENI actuellement au pouvoir en Ouganda, contre le
régime hutu rwandais de HABYARIMANA qui était au pouvoir.
Grâce à cet appui ougandais, L'APR fut en mesure de pouvoir
chasser ce régime hutu qui était au pouvoir au Rwanda. Ces hutus
se sont réfugiés tous à l'Est de la RDC, l'ancien
ZAÏRE, précisément dans les deux Kivus, le Nord et le Sud
Kivu, c'était alors le début de la présence des groupes
armés étrangers en RDC, étant donné que ces
militaires hutus ont franchi la frontière avec leurs armes et
munitions.
En même temps, ces groupes NGILIMA créés
par les autochtones « non rwandophones » du Nord-Kivu,
actuellement appelés MAÏ-MAÏ, étaient encore dans les
maquis en territoires de Masisi, Lubero et Rutshuru. Ils s'attaquaient aux
autochtones hutus, qui après avoir créé leur mouvement
tribalo-ethnique MAGRIVI, et après avoir allumé le feu, n'avaient
plus été en mesure de l'éteindre. C'est ainsi qu'ils
furent refoulés par ces NGILIMA partout dans les territoires de Masisi
et Lubero. Ils sont allés de Rutshuru vers Kinyandonyi à plus de
20 Kms vers l'Est du territoire dans une agglomération appelée
Nyongera. Plus des 10 000 hutus congolais furent massacrés dans ce camp
des déplacés au même moment que les hutus rwandais qui
étaient amassés au nord et au sud de la ville de GOMA, dans les
localités de Kibumba, Katale, Kahindo et Kalengera, ici c'est dans le
Nord de GOMA et dans la localité de Mugunga au sud de la ville de
Goma35(*). Constatons en
bref que les conflits terriens, le tribalisme, la guerre au Rwanda de 1994, la
guerre de libération du Congo de 1996 et celle de rectification du RCD
de 1998, que ces situations sont à la base de tous les maux que la RDC
en général, et la partie Est en particulier est en train de
connaître jusqu'à nos jours.
2.2.2. L'ECLOSION EXACERBEE DES GROUPUSCULES ARMES A L'EST DE
LA RDC
La plupart des groupes armés actuellement
présents dans l'Est de la RDC sont le résultat direct des
Première (1996-1997) et Deuxième (1998-2003) Guerres du
Congo-Kinshasa et de la période de transition qui s'ensuivit
(2003-2006), se concluant par les élections de 2006. Cependant,
l'origine de nombre des groupes qui se constituèrent pendant ces deux
guerres est plus ancienne. En effet, avant 1996, il est possible de distinguer
trois grandes périodes de mobilisation armée à savoir la
période coloniale, pendant laquelle les exactions des envahisseurs
étrangers entraînèrent une résistance; la
période des rébellions Simba, dans les années 1960, qui
firent suite au processus chaotique d'indépendance et de
décentralisation; et la période des troubles du début des
années 1990, lorsqu'une tentative de démocratisation
bâclée conduisit à une mobilisation ethnique et à
des actes de violence.
2.2.3. GENEALOGIE LOINTAINE DES GROUPES ARMES A L'EST DE LA
RDC36(*)
La mobilisation armée dans ce qui constitue
aujourd'hui l'Est de la RDC est antérieure au colonialisme. En effet,
les négociants arabo-swahilis qui, pendant la seconde moitié du
XIXème siècle, contrôlaient des grandes parties de l'Est du
Congo créèrent des milices quasi professionnelles pour organiser
des rafles d'esclaves, ce qui entraîna l'organisation d'une
résistance locale. Les tendances expansionnistes du roi rwandais
Rwagubiri dans les années 1890 provoquèrent également une
contre-mobilisation qui se solda par une prolifération de milices
liées aux communautés locales. La fin de l'époque
coloniale connut ensuite certaines formes localisées et
millénaristes de résistance armée visant en
général l'Etat colonial et ses politiques prédatrices de
taxation et de travail forcé. Citons à titre d'exemples la
rébellion Binji-Binji de 1931 au Sud-Kivu, les différentes
révoltes Nyabingi à Rutshuru (1910-1930) et le soulèvement
du Kitawala (inspiré du « Watchtower », les Témoins de
Jéhovah) de 1944 à Walikale.
Ce n'est toutefois qu'à l'indépendance, en
1960, que la rébellion se propagea à grande échelle. Les
premières années du Congo indépendant virent
l'émergence de rudes rivalités politiques provoquées par
des idéologies concurrentes et une lutte autour de la
décentralisation. Les principales fractures opposèrent les
défenseurs d'un Etat centralisé puissant, regroupés autour
du Premier ministre Patrice Lumumba, aux fédéralistes
représentés par le Président Joseph Kasavubu. Petit
à petit, les partisans de l'unitarisme devinrent ouvertement
anti-impérialistes et les fédéralistes furent
perçus comme favorables aux puissances occidentales.
Mais cette dichotomie fondamentale masque la fragmentation qui
caractérisa la politique de l'après-indépendance, des
dizaines de partis surgissant dans ce nouvel espace politique, souvent en
défendant des programmes très localisés et en
bénéficiant d'un soutien ethnique bien défini. Le Kivu ne
dérogea pas à cette règle: entre 1960 et 1965, cette
province sombra dans le chaos, et les affiliations ethniques
s'imbriquèrent dans ou prirent le pas sur les clivages politiques et
autres, caractéristique de la politique congolaise qui perdure
aujourd'hui37(*).
Ces clivages imbriqués furent manifestes lors de la
principale rébellion qui éclata dans les Kivus (Nord et Sud)
après l'indépendance. Dans le territoire d'Uvira, au Sud-Kivu, le
politicien radical Musa Marandura lança un mouvement de protestation
contre le gouvernement central et les chefs coutumiers locaux, qu'il
considérait comme des conservateurs au service de l'impérialisme
occidental. Pour obtenir un appui, Marandura, dont les principaux partisans
étaient issus de la communauté Fulero, commença
également à faire campagne contre les Rundi, la communauté
voisine, affirmant que comme ils avaient émigré du Burundi, ils
n'avaient pas droit au pouvoir coutumier. Une dynamique similaire apparut dans
les montagnes des Hauts-Plateaux qui dominent Uvira, où des rebelles de
la communauté Bembe combattirent les milices Banyamulenge alliées
aux forces gouvernementales, perçues comme des immigrants venus du
Rwanda. Ainsi, les projets politiques nationaux et locaux commencèrent
à se chevaucher, se renforçant mutuellement.
Au Nord-Kivu, dans les années qui suivirent
l'indépendance, les considérations politiques d'envergure
nationale et internationale furent reléguées au second plan par
les antagonismes ethniques locaux. La « guerre Kanyarwanda », qui
progressa par à-coups entre 1962 et 1965, opposa les Hutus et les
Tutsis, venus du Rwanda pendant ou juste après la période
coloniale, aux populations Hunde, Tembo et Nyanga. Ces immigrants, qui
représentaient désormais la majorité démographique
de certaines régions des territoires de Masisi et de Rutshuru, aux
côtés des populations hutuphones qui vivaient déjà
dans ces régions avant la colonisation, se virent refuser l'accès
au pouvoir coutumier. Etant donné que les élections leur
permettraient de transformer leur poids démographique en un
véritable pouvoir politique, l'introduction de la démocratie et
la refonte simultanée des frontières provinciales conduisirent
à une escalade des tensions. On tenta de priver ce groupe de ses droits
de représentation, mais cela provoqua de rudes combats avant les
élections de 1965 qui laissèrent un souvenir amer parmi toutes
les parties38(*).
Pendant cette période, l'ouverture de l'espace
politique et la concurrence électorale alimentèrent une violente
mobilisation, en partie révélatrice des manipulations des
politiciens qui apportèrent l'organisation et les fonds
nécessaires pour transformer les griefs locaux en violence. Sous
l'influence de révolutionnaires nationaux et internationaux comme «
Che » Guevara, certaines de ces violences prirent la
forme d'une rébellion. Si, par exemple, Marandura était parvenu
à déclencher des protestations au niveau local, ce n'est qu'une
fois que les représentants du révolutionnaire Conseil national de
libération (CNL) prirent le contrôle et se mirent à
organiser les manifestants sous une forme militaire que ce mouvement populaire
se transforma en rébellion39(*). Les soulèvements de la période
postindépendance furent certes intenses, mais de courte durée.
Joseph-Désiré Mobutu, après avoir renversé le
gouvernement élu en 1965, réussit à réprimer les
insurrections dans les Kivus, même si des poches de résistance
persistèrent au Fizi (Sud-Kivu) et dans la région de Rwenzori
(Nord-Kivu). Cependant, avant de retrouver sa suprématie coercitive,
Mobutu dut attendre l'aide de mercenaires étrangers et un
généreux soutien militaire pour pouvoir redresser l'Armée
nationale congolaise (ANC), fort fragile, notamment une aide aérienne
américaine. L'instauration par Mobutu d'un régime à parti
unique et le développement d'un réseau de clientélisme
présidentiel marqué, qui dominèrent à la fois
l'administration et des composants cruciaux de l'appareil sécuritaire,
eurent pour effet d'empêcher une véritable mobilisation
armée pendant près de trois décennies.
2.2.4. PROMOTEUR DIRECT DES GROUPES ARMES ACTIFS A L'EST DE LA
RDC
Confronté à l'épuisement de ses
ressources et à de fortes pressions internationales à la fin de
la Guerre froide, Mobutu annonça en avril 1990 une transition vers une
démocratie multipartite. Toutefois, il chercha subrepticement à
faire échouer le nouveau processus de démocratisation en divisant
et affaiblissant l'opposition. L'un des moyens qu'il employa consista à
entretenir les antagonismes ethniques. Les divisions ethniques furent
aggravées par la perspective des élections, qui mirent en exergue
la question de l'octroi de la citoyenneté aux descendants d'immigrants
rwandais.
Sous Mobutu, l'érosion progressive des services
publics et l'interdiction des partis politiques avaient entraîné
la prolifération des groupes communautaires dans les Kivus. Dans les
années 1990, ce sont ces groupes d'autodéfense communautaire,
appelés « mutuelles », comme déjà
susmentionné, qui furent à l'origine de la mobilisation
électorale et de la formation des partis politiques. Plusieurs de ces
organisations, notamment la Mutuelle des agriculteurs de Virunga (MAGRIVI), une
mutuelle Hutue sous l'égide de Mr Muhozi, lancèrent leurs propres
milices, témoignant ainsi de la nature communautaire de ces premiers
mouvements de mobilisation40(*).
D'autres groupes furent constitués à la
même époque pour remettre en question l'ordre politique existant.
Au début des années 1990, les Kasindiens, un groupe armé
issu de la communauté Nande, dans la région de Rwenzori, s'en
prirent à l'autorité de chefs coutumiers. Ce
phénomène se propagea jusqu'aux régions voisines de Beni
et Lubero, où la milice Ngilima du commandant Kaganga,
mêlée à des activités de racket de protection
locale, décida de contester le pouvoir de Mobutu. Ces groupes
influencèrent la formation d'autres milices rurales, notamment les
Batiri (dominés par les Hunde de Masisi) et les Katuku, qui
oeuvrèrent d'abord dans le sud du Walikale parmi les Nyanga, puis
également parmi les Tembo de Bunyakiri41(*). C'est à cette époque que beaucoup de
commandants des groupes armés aujourd'hui actifs
débutèrent leurs carrières, notamment le
général Padiri Bulenda, Bigembe Turinkino, Akilimali Shemongo et
Robert Seninga42(*).
Ces milices furent exploitées par les pouvoirs publics
et les hommes politiques locaux dans le cadre de conflits anciens relatifs au
foncier et à l'autorité coutumière. Ces conflits furent
attisés par des développements socioéconomiques de grande
ampleur, comme l'intensification des pressions démographiques et
foncières, la hausse de la pauvreté et le déclin des
infrastructures et des capacités réglementaires de l'Etat. Des
politiciens provinciaux et nationaux prononcèrent des discours
incendiaires et lancèrent des initiatives qui revinrent à jeter
de l'huile sur le feu. Par exemple, la première vague de violence de
grande envergure qui frappa le Nord-Kivu à cette époque
éclata deux jours après que le vice-gouverneur du Nord-Kivu
eût prononcé en mars 1993 à Ntoto, dans le territoire de
Walikale d'où il était originaire, un discours destiné
à semer la discorde43(*).
Au bout de plus de six mois de violence, pendant lesquels
entre 6 000 et 15 000 personnes furent tuées et des milliers d'autres
déplacées, Mobutu ordonna à la garde présidentielle
(l'un des derniers composants de l'appareil sécuritaire à lui
obéir entièrement) de réprimer ces troubles. Si les
conflits continuèrent de couver, ce n'est qu'après la propagation
dans les Kivus des guerres civiles burundaise et rwandaise que la violence
réapparut à grande échelle.
En 1993, des dizaines de milliers de réfugiés
burundais arrivèrent au Sud-Kivu suite à la guerre civile
déclenchée par l'assassinat de Melchior Ndadaye, Président
du pays élu démocratiquement, issu de l'ethnie Hutu. Vint ensuite
le génocide rwandais de 1994, qui poussa 30 000 à 40 000
miliciens Hutus et soldats des Forces armées rwandaises (FAR), dont la
plupart avaient été impliqués dans le génocide,
à franchir la frontière, aux côtés d'un million de
réfugiés civils. Ils apportaient des armes, un esprit de
radicalisme et une mentalité axée sur la polarisation ethnique.
Regroupés dans les camps de réfugiés, ces combattants
commencèrent à lancer des attaques transfrontalières
contre le Rwanda44(*).
Cette menace sécuritaire poussa le gouvernement nouvellement
établi à Kigali, en coordination avec l'Ouganda, l'Angola et
d'autres pays de la région, à former une coalition
régionale d'insurgés pour dissoudre les camps de
réfugiés/garnisons dans les Kivus et renverser le
Président Mobutu.
2.2.5. LES GUERRES DU CONGO, MATRICE DE LA MOBILISATION ARMEE A
L'EST DE LA RDC
La Première Guerre du Congo éclata en 1996
suite à l'insurrection, appuyée par le Rwanda, de l'Alliance des
forces démocratiques pour la libération (AFDL). Elle
déclencha une mobilisation armée dans tout l'Est du pays. Tandis
que certains groupes se mobilisèrent contre l'invasion, d'autres se
mirent à soutenir la rébellion de l'AFDL. Bien que ces milices
aient provoqué une forte insécurité dans les zones rurales
et alimenté des tensions constantes au sein des communautés,
elles restèrent morcelées, de faible envergure et repliées
sur elles-mêmes, incapables d'influencer la situation au-delà de
leurs fiefs locaux.
Ce fut lors de la Deuxième Guerre du Congo qui
éclata lorsque les relations se détériorèrent entre
le nouveau Président Laurent-Désiré Kabila et ses
partisans rwandais, que ces milices se mirent à prospérer, avec
le soutien de Kinshasa et des groupes armés étrangers. Le
Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda
et l'Ouganda, occupa rapidement des grandes parties de l'Est du pays. La guerre
au front se trouvant dans une impasse, Kinshasa envoya des fonds et des armes
aux groupes armés qui opéraient dans les zones placées
sous le contrôle du RCD, nommant certains leaders Maï-Maï,
officiers supérieurs de l'armée nationale. Il forma
également des alliances avec les derniers éléments des ex
FAR et des Interahamwe (Ceux qui attaquent ensemble), une organisation
paramilitaire hutue rwandaise arrivée dans l'Est de la RDC en 1994 et
connue par la suite sous le nom de Forces démocratiques de
libération du Rwanda (FDLR), ainsi qu'avec le Conseil national burundais
pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la
démocratie (CNDD-FDD)45(*).
Petit à petit, les Guerres du Congo modifièrent
la nature des groupes armés, les milices rurales ancrées au
niveau local se retrouvant mêlées à des réseaux
dirigés par des élites des secteurs politiques et des affaires.
Ces réseaux de milices favorisèrent et, en même temps,
furent encouragés par le développement d'une économie de
guerre stimulée par la taxation illégale, la contrebande et le
racket. Si cette économie permit à certains de s'enrichir
rapidement, des millions de civils en dépendirent pour leur survie et
n'eurent souvent pas d'autre choix que de collaborer avec les groupes
armés46(*).
La montée en puissance des dirigeants militaires, qui
s'impliquèrent étroitement dans l'administration locale,
affaiblit encore davantage les structures de l'autorité et la
cohésion sociale. Alors que, dans les années 1990, les milices
s'appuyaient sur le soutien des chefs coutumiers et des communautés
locales, ces liens s'affaiblirent lorsque les leaders militaires devinrent
autonomes dans leur manière de dégager des revenus et furent
aidés par leurs relations à Kinshasa, avec des groupes
armés étrangers et des réseaux commerciaux
régionaux. En même temps, le vaste recrutement de jeunes fit
apparaître une génération militarisée de plus en
plus détachée des chefs coutumiers, des anciens des villages et
des parents. Etant désormais moins dépendants, et moins
redevables, à l'égard des autorités locales, le
comportement des groupes armés envers les civils se
détériora, et les exactions physiques, le travail forcé et
la taxation illégale devinrent légion47(*).
2.3. GROUPES ARMES OPERANT AU NORD-KIVU ET AU
SUD-KIVU
2.3.1. BREVE HISTORIQUE
En décembre 2002, les principaux belligérants
de la Deuxième Guerre du Congo signèrent un accord de partage du
pouvoir politique et militaire, l'Accord global et inclusif. Ce processus de
paix de trois ans, qui démarra en 2003, laissa sur la
société congolaise une trace indélébile, en grande
partie positive: des élections crédibles eurent lieu en 2006,
pour la première fois depuis plus de 40 ans; le pays fut
réunifié; et une nouvelle constitution entérina les droits
des citoyens comme jamais auparavant. Les postes au sein du gouvernement de
transition, du parlement et d'autres institutions de l'Etat furent
répartis entre les différents signataires, et leurs ailes
armées furent intégrées dans une nouvelle armée
nationale, les FARDC.
Mais le processus de paix introduisit également deux
nouvelles dynamiques qui allaient favoriser la mobilisation armée:
l'intégration dans l'armée d'anciens belligérants fit des
mécontents, qui recoururent à des nouvelles insurrections pour
négocier. Ils furent encouragés par la logique de la transition
axée sur le partage des pouvoirs qui, pour ainsi dire, «
tolérez » que l'on recoure à la violence pour s'arroger des
pouvoirs politiques48(*).
La seconde dynamique avait l'air anodin: l'existence des rivalités
politiques dans un contexte de la démocratie. Cependant, dans un
environnement fortement militarisé caractérisé par des
antagonismes ethniques, certains politiciens se tournèrent vers la
mobilisation armée et ethnique pour veiller directement à
maintenir leur influence. Les élections firent également des
perdants, dont certains recoururent à la violence.
Ces dynamiques se manifestèrent plus nettement dans le
parcours du très impopulaire RCD. Ce groupe, qui avait
contrôlé près d'un tiers du pays, se retrouva avec
seulement 15 des 500 sièges à l'Assemblée nationale
après les élections de 2006. Cette marginalisation se fit
particulièrement sentir parmi la communauté Tutsi, qui
était devenue extrêmement influente grâce au RCD.
2.3.2. CONGRES NATIONAL POUR LA DEFENSE DU PEUPLE/CNDP :
2007-2009
La principale insurrection de cette période
(2007-2009) fut en partie due à cette perte de pouvoir. Menée par
le général Laurent Nkunda, un dissident, et plusieurs autres
anciens officiers Tutsis du RCD qui refusèrent de s'intégrer dans
l'armée, de même que trois brigades qui leur étaient
fidèles. Vu les activités permanentes auxquelles se livraient les
FDLR et les groupes Maï-Maï, ils craignaient aussi pour la
sécurité de la communauté Tutsi, mais ils
bénéficiaient aussi du soutien de fonctionnaires à Goma et
à Kigali, soucieux de protéger leurs propres
intérêts économiques et politiques dans les Kivus.
Après avoir fait défection de l'armée en 2003, Nkunda
créa à cet effet l'Anti-Genocide Team (devenu par la suite le
Comité militaire pour la défense du peuple, CMDP) au lendemain du
massacre des Banyamulenge réfugiés dans le camp burundais de
Gatumba49(*).
Résultant de la fusion, en août 2005, entre le CMDP et l'ONG
Synergie Nationale pour la Paix et la Concorde (SNPC), le CNDP s'était
doté de statuts en juillet 2006, entérinant ainsi sa
création. Son siège politique était situé dans le
territoire de Masisi au Nord-Kivu. Son aile militaire, dénommée
« Armée nationale congolaise (ANC) » était
dirigée par le général Bosco Ntaganda50(*).
Fort enfin du soutien de Kigali, notamment en logistique et en
équipements, il représentait la composante armée la mieux
organisée et la plus déterminée de tous les
belligérants. Ses effectifs étaient évalués entre
4000 et 7000 hommes.
Dans les zones qu'il contrôlait, estimées au
tiers des territoires de Rutshuru et de Masisi, le CNDP s'organisait sur le
modèle de l'Etat. Il prélevait divers « impôts »
: dîmes sur les productions agricoles, taxes sur le charbon de bois,
péages routiers, contributions des commerçants, etc. Il
exerçait par ailleurs un contrôle sur le poste frontalier de
Bunagana où il prélevait une part des recettes douanières
de l'Office des douanes et accises (OFIDA). Ainsi, deux sites web lui servaient
de support d'information et de propagande51(*). Quant à la diaspora tutsie, celle-ci avait
participé en outre à son financement. Les objectifs de Nkunda se
sont élargis depuis 2007, tout comme le rayonnement du CNDP qui
recrutait depuis lors au delà du périmètre tutsi pour se
donner la stature d'un mouvement national. A l'agenda local protection des
Tutsis et lutte contre les groupes armés Hutus considérés
comme des acteurs du génocide de 1994, s'ajoute l'ambition de jouer un
rôle sur la scène nationale. Nkunda s'était construit un
personnage ambivalent, et inquiétant, « la Bible dans une
main, une kalachnikov dans l'autre »52(*), tantôt guerrier,
tantôt pasteur évangélique, le Général se
taillait un costume de chef militaire et de leader politique aux accents d'un
prophète.
2.3.3. LES MAÏ-MAÏ
Les Maï-Maï, ou parfois May-May, est un terme
général décrivant des groupes armés actifs au cours
de la deuxième guerre du Congo en RDC. La plupart se
constituèrent pour résister à l'invasion des Forces
Armées du Rwanda (dont essentiellement le RCD), ou parfois dans un but
de brigandage.
Le terme Maï-Maï provient de Maï ou Maji, eau
dans les langues bantoues de la région. Il fait référence
à la révolution Maji-Maji intervenue en 1905-1907 au Tanganyika,
dont les combattants étaient protégés par les
propriétés magiques de l'eau.
Les guerriers Maï-Maï se croient
invulnérables aux armes à feu. Ils s'aspergent d'une potion
magique censée faire couler les balles sur leurs corps comme de l'eau
(« Maï » en swahili). Il y a une importante
présence des Maï-Maï au Maniema, dans les deux Kivus, dans le
Nord de la province du Katanga et dans la province Orientale.
Cependant, pour leur part, les groupes Maï-Maï
rencontrèrent différents défis lors de la transition, qui
en incita beaucoup à reprendre les armes. Le gouvernement et les forces
armées étaient en grande partie dirigés par le biais de
réseaux clientélistes: pour obtenir une promotion ou
accéder à des sources informelles de revenus, il était
primordial d'avoir des connaissances parmi les leaders militaires ou politiques
influents. Or, les différents commandants Maï-Maï qui se
braquèrent contre l'intégration, y compris Dunia Lwendama,
Delphin Mbaenda et Kapopo Alunda, ne jouissaient souvent pas de telles
relations d'élite. Un grand nombre d'entre eux n'avaient reçu
qu'une formation militaire rudimentaire; certains n'avaient pas
bénéficié d'une instruction de base, ce qui
réduisait leurs chances de promotion. Par ailleurs, certains
hésitaient à quitter leur secteur vu les problèmes de
sécurité causés par des anciens adversaires qui refusaient
de démanteler leurs groupes armés53(*). Les rares commandants Maï-Maï qui
obtinrent des postes importants, comme le général Padiri Bulenda,
se servirent de leur nomination pour récompenser des membres de leurs
propres familles ou communautés ethniques, écartant ainsi un
grand nombre de leurs anciens collègues commandants. Parmi les
délégués Maï-Maï qui participèrent aux
pourparlers de paix en Afrique du Sud, les deux qui
représentèrent les groupes les plus importants, Anselme Enerunga
du mouvement de Padiri, et Bosco Swedy du groupe de Dunia, finirent par
être répudiés par leurs commandants sur le terrain.
La marginalisation des réseaux Maï-Maï
coïncida avec l'accélération de leur fragmentation, qui les
rendit vulnérables à toute tentative de manipulation de la part
du gouvernement de Kinshasa, lequel chercha à contrôler ces
groupes en cooptant certains de leurs leaders. En tout, les groupes
Maï-Maï de tout l'Est du pays reçurent 13 des 620
sièges au parlement de transition, quatre des 63 postes
ministériels, et un des 11 postes de gouverneur provincial. Mais cette
manière de distribuer les postes au compte-gouttes fit des nombreux
mécontents. Un officier Maï-Maï a ainsi expliqué:
« Nos délégués sont arrivés
à Kinshasa puis se sont mis à vendre les postes auxquels nous
pouvions prétendre. Des gens qui n'avaient rien à voir avec les
Maï-Maï ont ainsi pu acheter un des postes militaires ou politiques
qui nous revenaient. C'est notre propre faiblesse interne qui a permis de tels
agissements54(*) ». C'est ainsi que Kisula Ngoy,
qui n'entretenait que de vagues relations avec les Maï-Maï, devint
gouverneur du Katanga, tandis que Mushi Bonane, un avocat basé à
Kinshasa, reçut un siège Maï-Maï au parlement.
Du fait de ces différents développements, des
dizaines de commandants Maï-Maï dissidents regagnèrent le
maquis entre 2007 et 2009. L'insécurité permanente, due en partie
aux groupes armés étrangers comme les FDLR, et la
perpétuation des conflits locaux firent qu'ils n'eurent aucun
problème à attirer des recrues et à mobiliser un soutien.
En l'absence d'une armée solide et impartiale, le sentiment selon lequel
l'autodéfense communautaire était justifiée et
nécessaire et fut encore renforcée.
2.3.4. CONFERENCE DE PAIX DE GOMA, RECRUDESCENCE DES GROUPES
MAÏ-MAÏ
Les élections de 2006 mirent fin à la
transition mais ne parvinrent pas à éliminer la violence dans
l'Est de la RDC. Des dizaines de nouveaux groupes armés furent
formés ou réactivés, soutenus par des officiers et des
politiciens qui n'avaient pas recueilli des voix ou obtenu des postes qu'ils
convoitaient55(*),
à savoir :
1) Congrès National pour la Défense du Peuple,
CNDP ; représenté par Monsieur KAMBASU NGEVE ;
2) PARECO/FAP ; représenté par Mme Sophie
BWIZA B., Mr MATHE SIKULI et Mr SENDUGU MUSEVENI ;
3) Maï-Maï KASINDIEN ; représenté
par Mr VITA KITAMBALA ;
4) Maï-Maï KIFUAFUA (Axe Walikale) ;
représenté par Mr BIKOY MUKONGO ;
5) Maï-Maï KIFUAFUA (Axe Ufamandu/Masisi) ;
représenté par Mr Didier BITAKI WETESHE ;
6) Maï-Maï VURONDO ; représenté
par Mr KAMBILIBAYA SINDANI ;
7) Maï-Maï MONGOL ; représenté
par Mr Félicien MIGANDA GARAGA et Mr HABYARA SHOBORA ;
8) UJPS ; représenté par Mr TUMAINI
BYAMUNGU ;
9) Maï-Maï RWENZORI ; représenté
par Mr KASEREKA MATABISHI ;
10) Maï-Maï SIMBA ; représenté
par Mr Hodaf MUNGO KALINDA et Mr KAKURU KIKA.
Le gouvernement ne fit pas grand-chose pour inverser cette
tendance. Ceux qui choisirent la voie de la dissidence permanente n'avaient
pratiquement rien à craindre: les déserteurs de l'armée
n'étaient guère punis et les groupes armés étaient
rarement soumis à d'importantes pressions militaires. L'armée
étant encore en phase de construction et manquant de cohésion et
de capacités, le gouvernement à Kinshasa n'eut d'autre
possibilité que de recourir à une stratégie de cooptation,
ciblant plus particulièrement les groupes qui ne représentaient
pas une menace directe à son pouvoir56(*).
Le CNDP de Laurent Nkunda se trouva au coeur de cette nouvelle
série de mobilisation. A partir de 2006, les FARDC lancèrent
plusieurs offensives contre ce groupe, ce qui déclencha une avalanche de
contre-mobilisation d'autres groupes, notamment la Coalition des patriotes
résistants congolais (PARECO), pour deux raisons: premièrement,
les FARDC, ne sachant trop si elles pouvaient compter sur les
compétences et la loyauté de leurs propres officiers, soutinrent
dans de nombreux cas des milices ethniques en leur fournissant des armes et de
l'argent. Deuxièmement, les combats répandirent
l'insécurité jusque dans les campagnes, entraînant une
mobilisation (souvent parmi des soldats démobilisés) au nom de
l'autodéfense communautaire57(*).
Une grande partie de cette mobilisation, et de la manipulation
cynique des groupes armés, se produisit à l'approche de la
conférence de Goma de janvier 2008, dont l'objectif était
d'enrayer l'escalade de la violence. Toutefois, paradoxalement, la
conférence entraîna une nouvelle prolifération des groupes
armés. D'après un haut fonctionnaire du renseignement congolais,
« la logique du gouvernement pendant la conférence de
Goma était de créer des nouveaux groupes pour diluer le pouvoir
du CNDP58(*)
». D'autres politiciens ou leaders rebelles n'attendirent
pas que Kinshasa le leur demande: espérant bénéficier
d'une intégration anticipée dans l'armée ou des programmes
de démobilisation lucratifs, ils créèrent des nouveaux
groupes, en rétablirent d'autres qui étaient tombés en
désuétude ou accélérèrent leurs campagnes de
recrutement. Par exemple, c'est à peu près à cette
époque qu'un politicien local de Mwenga créa les
Maï-Maï Shikito. D'après un leader du groupe, des armes furent
distribuées à des dizaines de jeunes combattants dirigés
par des transfuges des FARDC59(*). Parmi les autres groupes qui furent
recréés ou ravivés pour l'occasion, figuraient les
Maï-Maï Mahoro, les Mudundu 40, les Maï-Maï Rwenzori et
l'Union des jeunes patriotes sacrifiés (UJPS). Encore une fois, un
accord visant à coopter les groupes en les intégrant dans
l'appareil de l'Etat incita à la mobilisation armée, tant parmi
ceux qui espéraient en tirer des bénéfices que parmi ceux
qui avaient été déçus par les
résultats60(*).
Le cessez-le-feu initié par le processus de paix de
Goma tourna rapidement court, préparant le terrain pour une nouvelle
escalade de la violence. Après plusieurs défaites humiliantes, le
Président Joseph Kabila décida fin 2008 de négocier
directement avec le gouvernement rwandais, que les bailleurs de fonds
observaient de très près vu le soutien qu'il avait accordé
au CNDP. En janvier 2009, les paramètres d'un accord de paix furent
annoncés: le leader du CNDP Laurent Nkunda fut arrêté par
l'armée rwandaise, qui déploya ensuite des troupes dans les Kivus
pour pourchasser les FDLR dans le cadre d'opérations menées
conjointement avec les FARDC. Un accord fut signé deux mois plus tard,
le 23 mars 2009, stipulant que le CNDP devait se transformer en parti politique
et que ses troupes devaient être intégrées dans
l'armée congolaise. Refusant d'être redéployés dans
d'autres régions du pays, de nombreux officiers CNDP restèrent
dans les Kivus, où ils constituèrent un réseau influent
qui allait jouer un rôle prépondérant lors d'une autre
série d'opérations visant les FDLR.
Cet arrangement résolut certes un problème, mais
il en créa d'autres. L'accord passé avec le CNDP suscita une
grande rancoeur. Le plus gros reproche était que des modalités
d'intégration favorables avaient été accordées au
CNDP, qui maintint des chaînes de commandement parallèles, un
service de renseignement et une logistique au sein de l'armée. En outre,
des anciens officiers du CNDP dominèrent les structures de commandement
opérationnel nouvellement créées pour les Kivus, et des
brigades contrôlées par l'ex-CNDP furent déployées
dans les sites les plus riches en ressources, ce qui leur permit
d'étendre leur influence militaire et économique bien
au-delà de leur fief traditionnel de Masisi. Cela confirma ce dont
étaient déjà persuadés de nombreux officiers FARDC
et leaders des groupes armés: les Tutsis et les Hutus
bénéficiaient d'un traitement de faveur dans
l'armée61(*).
Si les opérations lancées entre 2009 et 2011
contre les FDLR et d'autres groupes armés, appelées
successivement Umoja Wetu (Notre Unité), Kimia (Le
silence) I et II et Amani Leo (La Paix aujourd'hui), réussirent
à affaiblir les FDLR, elles eurent des effets extrêmement
préjudiciables sur les civils, entraînant une
insécurité généralisée et le
déplacement de plus d'un million de personnes. En outre,
conjuguées au ressentiment dû à la récente
domination de l'ex-CNDP, ces offensives eurent pour effet de promouvoir
d'autres groupes armés, dont la faction PARECO de Sikuli Lafontaine et
l'Alliance patriotique pour un Congo libre et souverain (APCLS) de Janvier
Karahiri Bwingo au Nord-Kivu, ainsi que les Maï-Maï Yakutumba au
Sud-Kivu62(*).
Un processus de restructuration de l'armée lancé
en 2011 pour démanteler une partie de l'influence qu'avait acquise le
CNDP dans la hiérarchie militaire provoqua une nouvelle mobilisation. Le
retrait provisoire des brigades sur le terrain en attendant qu'elles se
transforment en régiments engendra un vide sécuritaire que des
groupes armés comme les Raïa Mutomboki s'empressèrent de
remplir63(*). Qui plus
est, le mécontentement dû à la manière dont avaient
été répartis les grades dans les nouvelles unités
provoqua de nombreuses désertions, beaucoup de ces déserteurs
créant des nouveaux groupes armés64(*). Les élections générales de 2011
accélérèrent cette dynamique, les politiciens recourant
aux groupes armés pour obtenir un soutien électoral et, lorsque
leurs aspirations électorales n'avaient pas été
satisfaites, pour maintenir leur influence. A Fizi, des candidats
parlementaires comme Jemsi Mulengwa soutinrent les Maï-Maï
Yakutumba65(*), tandis que
le mwami (chef coutumier) des Fulero à Uvira, qui
s'était lui aussi présenté aux élections
législatives, mobilisa pour sa campagne sa propre milice
d'autodéfense, les Forces d'autodéfense locale et
légitime66(*)
(FALL). Ainsi, nous essayerons, dans le cadre de ce travail, d'aborder la
cartographie de certains grands groupes armés Maï-Maï, car
leur nombre n'étant exhaustif.
2.3.5. ALLIANCE DES PATRIOTES POUR UN CONGO LIBRE ET
SOUVERAIN/APCLS
L'Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain
(APCLS) est souvent décrite comme un des groupes armés les mieux
structurés du Nord-Kivu. Implantée surtout dans le territoire de
Masisi, mais aussi dans celui de Walikale et peut être dans celui de
Lubero, la majorité de ses membres sont Hunde, un des principaux groupes
ethniques du Nord-Kivu. Les quelques estimations disponibles sur ses effectifs
varient fortement, entre 500 et quelques milliers de combattants,
vraisemblablement entre 1 000 et 2 000. Elle est dirigée par le
général autoproclamé Janvier Buingo Karaïri et a pour
objectif déclaré de lutter contre « l'invasion rwandophone
», en particulier contre les Tutsi présents dans sa zone
d'opération. Elle aurait déjà été active
dans les années 90 puisque, selon son chef, elle aurait pris part
à l'offensive de l'Alliance des forces démocratiques pour la
libération du Congo (AFDL) qui a abouti au renversement de Mobutu.
Même si, en novembre 2012, après la
déroute des FARDC, elle a tenté de reprendre au M23 la
localité de Sake, voisine de Goma, son activité sur le terrain ne
correspond que partiellement à ses buts officiels. Entre février
et juin 2013, elle a combattu les FARDC dans diverses localités du
territoire de Masisi. Mais c'est avec d'autres groupes armés que l'APCLS
semblait surtout croiser le fer. Depuis la mi-2012, des combats sporadiques
continuaient à opposer, autour de Pinga, une localité à
cheval sur les territoires de Masisi et de Walikale, l'APCLS à la
Nduma Defence of Congo (NDC), un groupe majoritairement composé
de Nyanga, dirigé par un autre général
autoproclamé, Sheka Ntabo Ntaberi. Ces combats avaient tendance à
s'étendre vers l'est, gagnant les localités de Kalembe et Muhanga
(Masisi) en septembre 2013 et impliquaient également des miliciens hutus
des Forces pour la Défense des Droits Humains (FDDH)-Nyatura.
Le mois suivant, c'est une trentaine de kilomètres plus
au sud, près de la localité de Muhanga, que FDDH et APCLS
s'entredéchiraient. Sur le plan des alliances, l'APCLS semble donner la
priorité au pragmatisme. Elle paraît avoir rompu une ancienne
collaboration avec les FDLR et coopérerait actuellement avec les Nande
du Front populaire pour la démocratie (FPD), dirigé par Muhima
Shetani. En février 2013, l'APCLS a contribué à
créer une coalition regroupant divers groupes armés du territoire
de Masisi, dont les FDDH, deux factions locales des Raïa Mutomboki, les
FDC et le Mouvement d'action pour le changement (MAC), ainsi que des
déserteurs des FARDC ayant pris l'appellation FAC (Forces acquises au
changement ou Forces armées congolaises, selon les sources). Cette
coalition, dirigée par le « Général » Janvier
Karaïra, a été dénommée Alliance des patriotes
contre la balkanisation du Congo (APBC ou APCBCO, selon les sources). Si,
à l'heure d'écrire ces lignes, cette coalition ne semblait pas
s'être complètement effondrée, elle a pour le moins du
plomb dans l'aile, comme l'indiquaient les combats opposant deux de ses
composantes, FDDH et APCLS, dans le territoire de Masisi.
Par ailleurs, relevons l'échec de l'intégration
d'une partie des combattants de l'APCLS dans les FARDC. En effet, vers la
mi-2012, pour pallier au vide créé par le déplacement de
nombreuses unités des FARDC parties combattre le M23, plusieurs groupes
armés ont été invités à rejoindre les FARDC.
C'est ainsi que 300 combattants de l'APCLS ont été
regroupés à partir de janvier 2013 à Kitchanga, dans le
territoire de Masisi. L'échec de cette tentative d'intégration
semble être imputable à un commandant local des FARDC, travaillant
clandestinement pour le M23 et hostile à la présence de Hunde
à Kitchanga. Après l'exécution, fin février, par
les FARDC d'un responsable de l'APCLS, des combats ont éclaté
dans la localité, causant plusieurs dizaines de morts.
Malgré le déplacement ultérieur de ce
commandant et de son régiment, le processus d'intégration a
été enterré et les affrontements entre l'APCLS et les
FARDC se sont poursuivis pendant les mois suivants en divers lieux du
territoire.
Enfin, malgré sa relative cohésion, l'APCLS
vient de connaître une première scission, rendue publique
début septembre 2013 : une faction, dirigée par un certain
colonel Mirimo, rejette le commandement de Janvier Karaïri, lui reprochant
des « propos incendiaires » envers la brigade d'intervention de la
MONUSCO. Apparemment déployée dans la partie du territoire de
Masisi proche du lac Kivu, elle a choisi de s'appeler Alliance des patriotes
pour un Congo libre et souverain /Bord du lac (APCLS/BL) et déclare
soutenir la MONUSCO dans sa lutte contre le M23 et les FDLR.
2.3.6. MAÏ-MAÏ KIFUAFUA
C'est un groupe armé très actif du Nord-Kivu
qui a sa base à Hombo-Nord. Sous le commandement du «
Général Delphin ». Il fait la loi sur l'axe
Walikale-Itebero-Musenge-Karete-Hombo nord et Sud dans une zone à cheval
entre le territoire de Walikale et le territoire de Kalehe à quelques
mètres du commandement des FARDC Amani Leo basées de l'autre
côté du pont à Hombo-sud. C'est un groupe
réfractaire au brassage, responsable de beaucoup d'exactions envers les
populations qui fréquentent cet axe. Les plus touchés par ces
exactions sont des commerçants ambulants, les artisans miniers, les
transporteurs à moto ou à vélo et les femmes marchandes en
provenance ou en partance vers le Sud-Kivu.
Ils ont érigé plusieurs barrières sur
cette route. Lors de la fermeture du site minier de Bisiye et d'Itebero, tous
les exploitants miniers ont été contraints de quitter les sites
endéans 3 jours. Ils ont tout abandonné et certains ont
déclaré avoir enfoui sous terre leurs stocks de
cassitérite qu'ils ne pouvaient pas transporter67(*). Tous ceux qui quittaient le
site et qui prenaient la direction de Hombo-Sud étaient l'objet de
plusieurs tracasseries de la part des hommes avec armes.
Ils sont d'abord obligés de payer aux FARDC de la
8ème Région Militaire au point d'entrée 2500fc,
après une longue marche à pied en forêt dans le centre de
Musenge. Juste après, à 7 km de Musenge, ils commencent un
calvaire. Plus de 6 barrières de Maï-Maï Kifuafua où il
faut payer 2000fc par passant, ils ont leurs taxes forfaitaires sur les
vélos, les motos, l'huile de palme.
A la fin, les voyageurs doivent entrer à Hombo-Sud par
la rivière Hombo sur un pont coupé et vont rencontrer une autre
barrière des FARDC Amani Leo où on exige le droit d'entrée
au Sud-Kivu des personnes et des biens.
Chaque passant doit payer 1000fc pour lui-même et pour
chaque bidon d'huile de palme de 20 litres, ils doivent payer 500fc, et 2000fc
par colis de cassitérite et il y a un tarif forfaitaire sur le
vélo et la moto sans oublier la collecte des vivres pour les militaires.
Et pourtant, ce sont des milliers des bidons d'huiles et colis de
cassitérite qui traversent chaque jour. Lorsque l'on veut savoir
pourquoi les Maï-Maï Kifuafua posent des actes sous la barbe du
commandement d'Amani Leo à Hombo? Un capitaine chargé des
opérations répond sans retenue : « Nous, nous sommes de la
10ème région militaire et eux agissent dans l'aire
commandée par la 8ème région militaire. Il nous est
strictement interdit de faire des poursuites dans le territoire d'autrui sauf
sur ordre de la hiérarchie, ordre qui ne nous a jamais été
donné ».
Une autre fraction de cette milice des Maï-Maï
Kifuafua est opérationnelle dans les groupements de Ziralo au Sud-Kivu,
et dans ceux d'Ufamandu 1er et 2è au Nord-Kivu.
Les Maï-Maï Kifuafua, se sont engagés, sous l'égide de
leur leader le Colonel Matunguru Katamasyoko, vers le 20 août 2013,
à « cesser leur activisme », voire à désarmer.
Cependant, les négociations avec des représentants provinciaux
butaient sur leur exigence d'intégrer les FARDC et de
bénéficier d'une reconnaissance des grades qu'ils
s'étaient octroyés.
Ces régions précitées, habitées
par de nombreux Hutu, était également un bastion des FDLR, avec
lesquelles les Maï-Maï Kifuafua, un groupe armé tembo,
entretenaient une ancienne collaboration, dans une coexistence interethnique
précaire. L'arrivée des unités de Raïa Mutomboki dans
le territoire de Walikale bouleversa ce fragile équilibre. De nombreux
Kifuafua décidèrent de se retourner contre leur allié et
de créer un nouvel avatar des Raïa Mutomboki, dirigé par
leur chef, le colonel Delphin Mbaenda.
L'affaiblissement du M23 semble avoir également
entraîné celui des Raïa Mutomboki du territoire de Masisi,
comme le montrerait le retour à l'appellation Kifuafua d'une partie de
ses combattants.
2.3.7. NDUMA DEFENSE OF CONGO/NDC
Présente essentiellement dans le vaste territoire de
Walikale (Nord-Kivu), la milice Maï-Maï dirigée par le
Général autoproclamé Ntabo Ntaberi, dit Cheka, la
Nduma Défence of Congo (NDC), a commencé à faire
parler d'elle en 2010, s'illustrant par des multiples exactions, notamment des
viols massifs. Recrutant parmi les Nyanga et initialement allié aux
FDLR, Cheka, un ancien négociant en minerais du territoire de Walikale,
est devenu, vers la mi-2011, un des hommes de main de Bosco Ntaganda, alors
général au sein des FARDC. A l'occasion d'un séjour au
Rwanda, il reçoit pour mission d'assassiner son ancien allié, le
Lieutenant-colonel des FDLR, Evariste Kanzeguhera, lequel sera
exécuté le 20 novembre 2011. A la même époque, il
mène campagne en faveur de la réélection de Joseph Kabila
au scrutin présidentiel, ainsi que pour lui-même, espérant
devenir député à l'occasion du scrutin législatif
tenu simultanément. S'il n'est pas élu, son activisme choque
nombre d'acteurs congolais et étrangers. Le 28 novembre 2011, le jour
même du scrutin, Cheka est ajouté par le Comité de
sanctions du Conseil de sécurité à la liste de personnes
sous sanctions internationales, en vertu de la résolution 1533 (2004) de
l'ONU, ce qui lui interdit notamment de voyager.
En avril 2012, après que Ntaganda lui ait fait livrer
armes, munitions et matériel de communication, la NDC liquide un groupe
de militaires des FARDC, dont le Colonel Chuma, un ex-CNDP qui refusait de
rejoindre le M23, et qui l'empêchait d'accroitre son contrôle sur
les mines de la région. En août 2012, la NDC fait une incursion
dans le sud du territoire de Masisi, participant à une offensive
coordonnée par le M23 visant à détruire des villages
hutus.
Au début 2013, la NDC semblait étendre son
contrôle sur les mines du territoire de Walikale, au détriment des
Raïa Mutomboki. Le contrôle de l'exploitation et du commerce des
minerais est sans conteste la principale activité de la NDC, ce que
confirment les combats avec les FARDC ou d'autres groupes armés, dans
lesquels elle s'engage.
A plusieurs reprises en 2013, autour de Pinga, dans le
nord-est du territoire de Walikale, la NDC a affronté les FDLR, les
Nyatura et, surtout, l'APCLS, provoquant un exode massif des populations. A la
fin avril, elle a pris le contrôle de cette localité, conquise un
an auparavant par l'APCLS, suite à des défections massives au
sein des FARDC. Les combats avec l'APCLS se poursuivaient au moins
jusqu'à la fin septembre, débordant dans le territoire de Masisi.
C'est vers cette période que des accusations de cannibalisme ont
été portées à charge de combattants de la NDC, qui
dévoreraient ceux de l'APCLS. A Luvungi et Kibua, à une
quarantaine de kilomètres au nord-est de la cité de Walikale, des
combats entre la NDC et les FARDC étaient régulièrement
signalés en 2012 et 2013. A l'ouest du territoire de Walikale, dans la
région minière d'Angoa, des violents affrontements entre la NDC
et les FARDC, se produisaient en juillet-août 2013, puis, en septembre,
entre la NDC et les Simba, arrivés du Maniema voisin.
Finalement, notons que cette milice, particulièrement
brutale, compterait tout au plus un millier de combattants et qu'elle ne semble
avoir manifesté d'intention de démobiliser qu'en octobre 2012,
alors que Cheka rêvait d'un mandat de député. Aucune suite
ne paraît avoir été donnée à ce vertueux
dessein, la NDC développant au contraire ses activités au cours
des mois suivants.
2.3.8. RAÏA MUTOMBOKI
En termes de nombre de combattants, les Raïa Mutomboki
« citoyens en colère » en swahili, représentent
probablement le principal groupe armé actif en RDC. Cependant, ce groupe
présent dans les trois provinces constituant l'ancien « Grand Kivu
» (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema) apparaît comme extrêmement
disparate et éclaté.
Au cours des dernières années, il a
réussi à rallier un grand nombre de Maï-Maï mais a
aussi connu de nombreuses scissions. Les diverses factions, si elles semblent
avoir pour point commun la volonté d'éradiquer les FDLR, n'ont
pas de commandement central et privilégient parfois des alliés
considérés comme des ennemis par d'autres. Aussi, il serait sans
doute plus exact de parler d'un conglomérat de groupes armés.
Né en 2005 au sud du Shabunda au Sud-Kivu, les
Raïa Mutomboki sont apparus en 2005, en réaction aux exactions des
FDLR. Ces dernières, alliées aux Maï-Maï et soutenues
par le gouvernement de Kinshasa pendant l'occupation rwandaise,
s'étaient senties laissées pour compte après l'Accord
global et inclusif de 2002, prévoyant l'intégration des
Maï-Maï dans une nouvelle armée nationale, les FARDC, mais ne
concernant pas les groupes armés étrangers. Le départ de
ceux-ci vers des centres d'intégration a laissé un vide
sécuritaire qu'ont vite comblé les FDLR qui, dans d'autres
territoires, étaient la cible d'attaques des FARDC, soutenues par la
MONUSCO. Ce sentiment de trahison a alimenté une hargne se traduisant en
massacres de civils dans plusieurs localités des Kivus. Dans le sud du
territoire de Shabunda, un prêtre kimbanguiste, Jean Musumbu, a
prêché l'autodéfense dans les villages, nommant des chefs
et mobilisant la jeunesse rega locale. Dotés quasi-exclusivement d'armes
blanches, confortés par les « pouvoirs magiques » que leur
aurait fournis Musumbu, ces jeunes se sont constitués en milices et ont
réussi, en moins de deux ans, à chasser les FDLR, se frottant de
temps à autre aux FARDC ou à des groupes armés de
territoires voisins.
Très populaires dans cette région, bien que
passés pratiquement inaperçus ailleurs, les Raïa Mutomboki
sont entrés, à partir de 2007, dans une période de
latence. Cependant, plusieurs individus, non mandatés par Musumbu, se
sont approprié le label, que ce soit pour s'en prétendre les
représentants (par exemple lors de la conférence de Goma sur les
groupes armés de 2008) ou pour créer, avec peu de succès,
leur propre milice (Misaba Bwansolo, dit « Mwami Alexandre », et
Kyatend Dittman). Le 23 mars 2009, les Raïa Mutomboki, ainsi que 21 autres
groupes armés dont le CNDP, ont signé l'accord les
intégrant dans les FARDC et permettant à ces dernières de
concentrer leurs opérations contre les FDLR, ce qui a également
déclenché de sanglantes représailles contre les
populations civiles dans les deux Kivus.
En outre, début 2011, toutes les unités des
FARDC ont quitté le territoire de Shabunda pour y être fondues
dans des nouveaux régiments, intégrant notamment les ex-CNDP.
Profitant à nouveau de l'espace laissé vacant,
les FDLR ont refait leur apparition dans le territoire et commis diverses
exactions. Et à nouveau, Musumbu a mobilisé les siens pour y
résister. Mais, cette fois-ci, la mobilisation a trouvé un large
écho également dans le nord du territoire, où les FDLR
avaient pris le contrôle de sites miniers.
Ø Apparition d'une nouvelle branche au
nord-Shabunda et dans les territoires voisins (2011)
Un nouveau groupe des Raïa Mutomboki y a donc
été créé par Eyadema Mugugu, un jeune trafiquant de
minerais ayant combattu auparavant dans le groupe de Musumbu.
Leur succès fut aussi rapide que celui de la faction
originale : au début 2012, ils avaient expulsé les FDLR de la
région et se mirent à les poursuivre dans les territoires
voisins. Ils allaient ainsi s'étendre dans le sud du territoire de
Walikale au Nord-Kivu, communiquant par le parc Kahuzi-Biega, puis
s'implantant, fin 2011, dans celui de Kalehe, au Sud-Kivu. Quittant une zone
majoritairement rega, le groupe a reçu un bon accueil des Tembo, qui
leur ont fourni nombre de combattants afin de se protéger des FDLR.
Ceux-ci ont été effectivement expulsés du territoire de
Kalehe dans le courant de 2012, mais au prix de plusieurs massacres de civils
commis par les deux parties.
Cette succession de victoires allait naturellement engendrer,
surtout dans le territoire de Kalehe, une confrontation avec les FARDC et les
autorités politiques, considérées comme inaptes à
défendre les populations locales. Eyadema est d'ailleurs
arrêté en juin 2012 par les FARDC et emprisonné à
Kinshasa. Il est remplacé par un de ses proches, Juriste Kikuni.
Quelques mois plus tard, en novembre 2012, le groupe n'hésite pas
à s'en prendre aux autorités provinciales du Nord-Kivu, fuyant
Goma, dont venait de s'emparer le M23, et se dirigeant vers Bukavu. A leur
entrée dans la zone sous contrôle des Raïa Mutomboki, les
notables et leur escorte sont désarmés et
dévalisés.
Signalons que des responsables de cette faction dans le
territoire de Walikale, ainsi que des Maï-Maï Kifuafua, se sont
engagés, vers le 20 août 2013, à « cesser leur
activisme », voire à désarmer. Cependant, les
négociations avec des représentants provinciaux butaient sur leur
exigence d'intégrer les FARDC et de bénéficier d'une
reconnaissance des grades qu'ils s'étaient octroyés.
Par contre, dans le territoire de Shabunda,
contrôlé dans sa plus grande partie par les diverses factions
Raïa Mutomboki, l'apaisement n'est pas de mise. Malgré un accord de
pacification signé avec les FARDC en avril 2012, de nombreux
affrontements les ont opposés à la fin de 2012 et durant les neuf
premiers mois de 2013. En février, une attaque sur la cité de
Shabunda a été repoussée par l'armée
gouvernementale, qui a semblé reprendre plusieurs positions au cours des
mois suivants. Parallèlement, le soutien populaire initial serait en
train de fondre, en tout cas dans les centres urbains.
Ø Formation de deux nouvelles factions au
Sud-Kivu et dans le sud-Masisi au Nord-Kivu (2012)
Entre-temps, une troisième mouvance se revendiquant
des Raïa Mutomboki apparaissait dans le nord-est du territoire,
créée surtout par des officiers mécontents des FARDC de
l'ethnie rega, souvent d'anciens Maï-Maï, notamment le lieutenant
Musolwa Kangela. Il a été bientôt rejoint par le major
Ngandu Lundimu, puis par Wangozi Pascal, dit « Sisawa », un ancien
creuseur et proche d'Eyadema. D'autres « sous-factions »
étaient initiées par Daniel Meshe, un ancien fidèle de
Laurent-Désiré Kabila, ayant trouvé refuge en Allemagne
pendant quelques années après son assassinat, ainsi que par un
colonel autoproclamé répondant au nom de Maheshe. Cette mouvance
allait d'abord s'opposer au retour des FARDC, en particulier des rwandophones,
ex-CNDP dans le territoire de Shabunda. Elle allait aussi s'étendre dans
le territoire de Kabare, puis dans celui de Walungu. Le groupe a
continué à essaimer dans le nord du territoire de Mwenga et
même près d'Uvira, autour de la localité de Munanira
où il mène régulièrement des combats contre les
éléments FDLR et FNL.
Le sud du territoire de Masisi (Nord-Kivu) a vu l'apparition,
vers la mi-2012, d'une quatrième faction des Raïa Mutomboki. Cette
région, habitée par de nombreux Hutu, était
également un bastion des FDLR, avec lesquelles les Maï-Maï
Kifuafua, un groupe armé tembo, entretenaient une ancienne
collaboration, dans une coexistence interethnique précaire.
L'arrivée des unités de Raïa Mutomboki dans le territoire de
Walikale bouleversa ce fragile équilibre. De nombreux Kifuafua
décidèrent de se retourner contre leur allié et de
créer un nouvel avatar des Raïa Mutomboki, dirigé par leur
chef, le colonel Delphin Mbaenda. Un phénomène similaire semble
avoir affecté un autre groupe de la région, les FDC,
composées de Hunde et de Nyanga, qui auraient également
adopté le label « Raïa Mutomboki ». Une alliance au nom
de la lutte contre l'ennemi commun aurait également été
conclue avec des chefs du M23 mais, rejetée par les combattants locaux
et les factions du Raïa Mutomboki du Sud-Kivu, elle semble avoir
volé en éclats. Les attaques contre les Hutu ont favorisé
une alliance entre les FDLR et les Nyatura, une milice hutue congolaise.
Par ailleurs, de nombreuses unités des FARDC avaient
quitté la région pour combattre la rébellion du M23,
engendrant un vide sécuritaire caractérisé par le
déferlement d'une violence extrême dans cette partie de Masisi,
causant des centaines de morts et occasionnant la destruction de dizaines de
villages. La tension est quelque peu retombée à la fin 2012,
ouvrant la voie à un accord, signé le 5 février 2013, par
certains des principaux protagonistes de cette vague de violence, dont les
Nyatura-FDDH, les FDC, ainsi que l'APCLS, un groupe hunde et un autre
ex-allié des FDLR. Par ailleurs, les partisans d'une alliance avec le
M23 au sein des Raïa Mutomboki entretenaient des liens surtout avec la
faction Ntaganda. Le démantèlement de cette dernière en
mars 2013 a probablement encore davantage miné cette alliance.
L'affaiblissement du M23 semble avoir également entraîné
celui des Raïa Mutomboki du territoire de Masisi, comme le montrerait le
retour à l'appellation Kifuafua d'une partie de ses combattants.
Ø Apparition des Raïa Mukombozi
(2012)
On le constate, il est parfois difficile d'identifier et de
distinguer les Raïa Mutomboki. Si l'ennemi commun des FDLR est une
constante, les alliances varient d'une faction à l'autre et ne durent
généralement pas longtemps. La situation est encore plus complexe
avec la faction créée dans le nord-est du Shabunda par des
anciens officiers des FARDC et souvent en opposition à l'armée
gouvernementale. Cependant, un de ses leaders, Daniel Meshe, a conclu au
début 2012, une alliance avec les FARDC, apparemment surtout pour
obtenir armes et munitions afin de s'imposer face aux autres groupes
armés contrôlant le territoire de Walungu. Renforcée par la
défection du colonel Albert Kahasha, dit « Foka Mike »,
collaborateur du M23 et un des dirigeants, avec Kakule Sikuli Lafontaine, des
Forces populaires congolaises (FPC) au Nord-Kivu, cette nouvelle branche a
choisi de s'appeler Raïa Mukombozi
« citoyens sauveurs » en swahili.
Malgré le soutien des FARDC, ce nouveau «
sous-groupe » n'a pas engrangé les succès
espérés et a vite rompu son alliance. Alors que plusieurs
factions Mutomboki se muaient en Mukombozi, Meshe créait d'autres
groupes armés « anti-FARDC », dont les Raïa
Tujigomboe « citoyens, libérons-nous »
en swahili, parfois aussi appelée T.P Mazembe; et Congo uni pour la paix
et l'intégrité (CUPI). Kahasha était apparemment saisi
d'un activisme similaire, puisque son nom apparaît peu après comme
cofondateur, avec l'homme politique de Bukavu, Gustave Bagayamukwe, de
Dynamique populaire pour le changement (DPC, fondé en décembre
2012) et de l'UFRC (janvier 2013). Ce dernier a été
arrêté en février 2013 par les FARDC.
Face à un tel éparpillement, dont on peine
parfois à comprendre la succession ou la motivation, il était
inévitable que des tentatives de regroupement soient initiées.
Ainsi, en juin 2013, la création d'une « coalition
politico-militaire contre la balkanisation et le Kabilisme »,
dénommée « Coalition Raiya Mukombozi » et
composée d'une dizaine de groupes, était annoncée. Parmi
les signataires, on retrouve notamment Meshe (pour le CUPI), Sisawa (pour l'une
des 5 factions Mukombozi signataires), Maheshe (pour une autre faction
Mukombozi) et Kahasha (pour les FPC). La Coalition Raiya Mukombozi serait
basée à Isezya, dans le territoire de Shabunda et a fait du
renversement, par les armes, du pouvoir de Joseph Kabila son objectif
prioritaire. Comme d'autres alliances, cette « coalition » semble
avoir fait long feu puisque, début octobre 2013, les factions Kahasha et
Maheshe s'affrontaient pour le contrôle de carrés miniers
près de Nyalubemba dans le nord-est du territoire de Shabunda.
Par ailleurs, à intervalles réguliers, des
factions Raïa Mutomboki acceptent de s'asseoir à la table des
négociations. Ainsi, toujours au début octobre, dans le
territoire de Shabunda, les factions de Sisawa et de Kikuni négociaient
séparément un cessez-le-feu avec les FARDC et un arrêt des
attaques contre les civils. La première aurait été
prête à restituer des biens ravis à des commerçants
locaux et la seconde à libérer une vingtaine de soldats
détenus prisonniers. De son côté, la « Coalition Raiya
Mukombozi » annonçait, vers le 20 novembre 2013, son intention de
cesser les hostilités envers les forces gouvernementales, de
désarmer et d'intégrer ses combattants dans les FARDC.
Ø Extension au Maniema (2009-2010)
Passées plus ou moins inaperçues, d'autres
factions des Raïa Mutomboki ont été, ou sont encore, actives
au Maniema. Une d'entre elles, présente dans le territoire de Kabambare
pour y contrer les FDLR, a été dissoute en 2009-2010 dans le
cadre du Programme de stabilisation et reconstruction des zones sortant des
conflits armés (STAREC), soutenu par le PNUD et la MONUSCO. Plus
récemment, dans la même province, une faction Raïa Mutomboki
dirigée par le colonel Shabani Kingumba et provenant vraisemblablement
du Sud-Kivu (territoire de Shabunda) s'est emparée, en janvier, de la
localité minière de Kasese, dans le territoire de Punia, puis, en
février, de la cité de Punia. Si elle en a été
rapidement délogée par les FARDC, elle semble être toujours
présente dans le territoire où, vers la mi-juillet, des
affrontements l'opposant aux FARDC ont été signalés,
tandis que, le 25 août 2010, des éléments Raïa
Mutomboki pillaient la localité, également minière, de
Kitamuna, provoquant la fuite de la population. Le même groupe, dont
certaines actions, comme la prise de Punia, ont été
revendiquées par l'UFRC, semble être également actif dans
le nord des territoires voisins de Kailo et de Pangi. D'autres groupuscules
autoproclamés « Raïa Mutomboki » pourraient aussi y
être actifs.
Notons que, alors que dans les deux Kivu les Raïa
Mutomboki bénéficient d'un certain soutien parmi les
non-rwandophones, cela ne semble pas être le cas au Maniema, où le
pillage des minerais et des biens de la population semblent être les
principales activités de ce groupe. D'ailleurs, le prétexte de
protection contre les FDLR pourrait difficilement être invoqué,
puisque celles-ci semblent avoir été totalement
éradiquées de la province.
A l'origine une milice de protection des Rega face aux
exactions commises par les FDLR, les Raïa Mutomboki ont acquis une grande
popularité en expulsant effectivement cette milice d'une grande partie
de l'Est du Congo. Cela leur a permis de s'étendre auprès
d'autres ethnies, en particulier les Tembo. Rançon du succès, de
plus en plus d'individus ou de groupes s'y sont ralliés, de
manière spontanée ou par opportunisme, ou se sont purement et
simplement accaparés le label. D'un certain point de vue, le terme
Raïa Mutomboki est devenu un synonyme de Maï-Maï, l'un et
l'autre se basant sur l'autodéfense décentralisée et ayant
recours au patriotisme et aux pratiques surnaturelles. La multiplication des
scissions et des avatars, basée essentiellement sur des rivalités
personnelles, ainsi que le caractère éphémère et
opportuniste des alliances, ont rendu la mouvance Raïa Mutomboki de plus
en plus difficile à déchiffrer.
Au Sud-Kivu en tout cas, l'hostilité croissante envers
les FARDC perçues comme inefficaces et dont les officiers ne seraient
mus que par le désir de contrôler des carrés miniers,
entraîne une multiplication des accrochages et affrontements. Par
ailleurs, avec l'amenuisement de la menace des FDLR, il apparaît que de
nombreuses factions se retournent maintenant contre les populations locales, se
battent entre elles ou se muent en gangs purement criminels.
2.3.9. MAÏ-MAÏ SHETANI
Les Maï-Maï Shetani est une milice
d'autodéfense communautaire du Colonel autoproclamé Kakule Muhima
alias Shetani (Satan en swahili). Cette milice autrement appelée
« Force Populaire pour la Démocratie/FPD en sigle »,
était réputée très hostile à l'ex
rébellion du M23, contre laquelle elle s'était constituée
en septembre 2012.
Cependant, après la défaite militaire du M23,
chassé de tous les territoires qu'il contrôlait jadis dans le
Nord-Kivu, le gouvernement congolais avait multiplié des appels à
l'endroit de toutes les autres milices locales et étrangères pour
qu'elles déposent les armes. Allié des Forces armées de la
République Démocratique du Congo (FARDC) tout au long de la lutte
contre l'ex rébellion du M23, Shetani faisait jusque là la sourde
oreille. Les hommes de Shetani colaborent également avec l'Alliance des
patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) du Général
autoproclamé Janvier Karahiri Bwingo, un des groupes armés les
mieux structurés au Nord-Kivu selon les experts du Groupe de Recherche
et d'Information sur la Sécurité et la Paix/GRIP en sigle.
Début décembre 2012, ils ont été
soupçonnés d'avoir commis des actes de pillages dans les maisons
des civils à Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru, autrefois
contrôlé par le M23, et à ces jours étant sous leur
contrôle. Accusé d'avoir commandité plusieurs attaques
contre les populations civiles dans le Nord-Kivu, Le Colonel Shetani sera
arrêté le 23 décembre 2012 selon certaines sources
onusiennes, une information qui est restée sans confirmation directe et
officielle de la part du gouvernement RD Congolais, du fait que ce dernier
était en perpétuelle connivence avec les FARDC lors de
l'éradication de l'ex rébellion du M23.
2.3.10. MAÏ-MAÏ KIRIKICHO
Kirikicho et ses hommes qui, dans le temps, ont
régné en maîtres aux côtés des FDLR, est
aujourd'hui contraint par les opérations Amani Leo à quitter
Ziralo centre et de se retirer vers le village de Kalamo dans la
localité de Malembe à 20 km de Ziralo en pleine forêt
à la limite Kalehe-Walikale. Sur place à Ziralo, Kirikicho n'est
plus visible ou n'apparaît plus depuis 4 mois.
Il vit toujours côte à côte avec les FDLR
et dans le même axe. C'est seulement une mission du CICR qui a
rencontré pour la dernière fois Mr Kirikicho dans son
retranchement en Août 2010. Cette visite avait pour but de le
sensibiliser à l'intégration dans l'armée
régulière et pour lui demander de faciliter l'accès
à l'aide humanitaire à la population sinistrée par les
différentes guerres. C'est depuis 1995, que les réfugiés
rwandais et, avec eux, les FDLR se sont établis à Ziralo fuyant
les attaques de la coalition AFDL-Armée patriotique Rwandaise
dirigées contre les camps de réfugiés.
Leur stratégie pour survivre est d'organiser en
très petits groupes de trois à cinq hommes, des rafles, des
attaques-surprise des villages et des embuscades et puis retournent à
leur retranchement. Ils sont difficilement repérables car n'apparaissent
plus en grands groupes comme ils sont très traqués par les FARDC
de Amani Leo.
2.3.11. UNION DES PATRIOTES CONGOLAIS POUR LA PAIX/FORCES
POPULAIRES CONGOLAISES/UPCP-FPC68(*)
L'Union des patriotes congolais pour la paix/Forces
populaires congolaises est une coalition d'un bon nombre des milices sous le
leadership du Général Kakule Sikuli Vasaka alias LAFONTAINE,
ancien chef du groupe d'auto-défense populaire jadis PARECO.
Il est à signaler que le mouvement PARECO du
Général LAFONTAINE avait cessé de fonctionner au profit de
la coalition susmentionnée, dont il va chapeauter et secondé par
le Colonel Albert KAHASHA, ex commandant du 808è
Régiment FARDC, très connu sous son code de commandement
« Delta-Foca ».
En effet, l'opinion se souviendra que le Colonel Albert
KAHASHA avait fait défection des FARDC en date du 25 janvier 2012 alors
qu'il commandait ce régiment susdit, basé à ERINGETI en
territoire de Beni au Nord-Kivu.
Ainsi, LAFONTAINE qui s'était déjà
donné l'audace de quitter la brousse et de s'intégrer dans les
FARDC, explique en ces mots ce qui lui avait contraint à retourner dans
la brousse et reprendre les armes contre ce qu'il qualifie de ses ennemis ou
adversaires : « Nous avions pris l'initiative, en
2009, de rejoindre volontairement les FARDC et les autres groupes armés
qui venaient de signer l'accord de cessation des hostilités du 23 mars
de la même année pour apporter notre contribution à la
restauration de la paix dans notre province mais, visiblement, le gouvernement
congolais n'a pas voulu de nos services. Ils nous ont abandonné dans la
ville de Goma sans nous utiliser, mes hommes et moi, pendant que les FDLR
reprenaient les espaces que nous occupions et étaient en train de
perpétrer des graves exactions sur nos populations. En fait, j'avais eu
la nette impression que le gouvernement n'était pas encore prêt
pour donner une paix durable aux congolais, c'est ainsi que j'ai
décidé de rentrer dans le maquis pour protéger nos
populations ».
Rappelons que c'est en mai 2009 que le Général
Kakule Sikuli Vasaka dit LAFONTAINE avait été sensibilisé
par le gouvernement congolais pour intégrer les FARDC en vertu des
accords de paix qui venaient d'être signés, notamment, le 23 mars
2009 entre le gouvernement et l'ex mouvement politico-militaire CNDP, lesquels
accords prévoyaient, entre autres, la cessation immédiate des
hostilités de tous les belligérants afin de mener des
opérations conjointes pour traquer les FDLR et les autres groupes
armés étrangers opérant à l'Est de la RDC et ainsi
rétablir la paix et la stabilité dans cette partie du territoire
national.
Après une longue période d'attente à
Goma, le Général LAFONTAINE remarqua qu'en lieu et place de son
intégration dans les FARDC, le gouvernement congolais organisait
plutôt son arrestation. En février 2010, il décida de se
retrancher vers le secteur de Mbingi-Bunyantenge et Mihanga, dans le Sud du
territoire de Lubero, où il évolue jusqu'aujourd'hui.
Observant que les militaires FARDC basés dans la
partie nord de la province du Nord-Kivu qui faisaient défection pour
rejoindre le mouvement du 23 mars bénéficiaient de l'appui et/ou
de la complicité du Général LAFONTAINE, ce dernier le
confirma par ce qui suit : « Nous sommes content que
les autres partenaires du gouvernement congolais nous ont rejoint car en 2010,
on était marginalisé. Il est temps que tous les groupes
d'auto-défense s'inscrivent dans une même vision qui est celle de
protéger le peuple congolais et lui procurer une paix durable gage du
développement durable à laquelle aspirent nos populations qui ne
demandent que cela pour se mettre au travail ».
Et comme pour justifier la raison d'être de leur
coalition armée, il l'a fait par ces mots :
« Nous défendons désormais une même
cause et je met à défie tous ceux qui continuent à tirer
sur les ficelles de l'ethnicité et qui ne cessent de crier à un
éventuel complot contre la nation congolaise, puisque désormais
toutes les communautés du Nord-Kivu sont ensemble pour
l'auto-défense de nos populations depuis longtemps victimes des
manipulations politiciennes des hommes véreux en manque de programme
politique constructif et qui pour justifier leurs échecs à
répondre aux devoirs de l'Etat continuent à jeter leur
dévolu sur un pays étranger au lieu de trouver les solutions aux
problèmes endogènes qui rongent vraiment notre
pays ».
De tout ce qui précède, il sied de constater que
le Général LAFONTAINE ne voulait pas dévoiler clairement
le lien qui existait entre sa coalition et le mouvement du 23 mars en termes
d'alliance.
2.3.12. PATRIOTES RESISTANTS DU
CONGO-NYATURA/PARECO-NYATURA
Apparue en 2010, la milice des Nyatura est composée
des Hutus, dont des anciens membres du groupe des Patriotes résistants
congolais (PARECO), intégrés en 2009 dans les FARDC avant d'en
déserter rapidement. Dirigée par un « Colonel Kasongo
», elle est présente dans les territoires de Kalehe (Sud-Kivu) et
dans celui de Masisi (Nord-Kivu), bien qu'elle ait conduit des
opérations également plus au nord, à proximité de
Rutshuru et de Kiwanja. Sa motivation première aurait été
de protéger les agriculteurs hutus face à l'expansionnisme des
éleveurs tutsis. Mais elle semble s'être développée
surtout en 2011, en réaction aux attaques anti-hutues des Raïa
Mutomboki. Cela l'a également conduit à s'allier à
d'autres groupes hutus, comme le Mouvement populaire d'autodéfense
(MPA), ainsi qu'aux FDLR et à accueillir des transfuges de ce dernier
groupe. En outre, elle ne dispose apparemment pas de commandement central et
ses effectifs sont mal connus, mais ils ne dépasseraient pas le millier
de combattants.
Depuis 2011, les Nyatura se sont affrontés à
plusieurs autres groupes, dont les Forces de défense du Congo (FDC,
branche Hunde-Nyanga des Raïa Mutomboki), les Maï-Maï Shetani
(Nande), et l'APCLS (Hunde) faisant craindre, particulièrement au
Nord-Kivu, le développement d'une guerre interethnique. Des massacres
des civils Nande, Tembo et Hunde par des miliciens Nyatura ont
été constatés. Dans le territoire de Kalehe, une alliance
éphémère a uni ces derniers au groupe de Kirikicho, un
chef maï-maï tembo.
L'apparition du M23 a fortement influencé les Nyatura.
Le redéploiement de troupes des FARDC pour combattre le M23 a permis aux
Nyatura d'accroître la zone sous leur contrôle, parfois de
connivence avec d'autres groupes armés, avant que les nouveaux
maîtres des lieux en décousent entre eux. En outre, apparemment en
coalition avec les FDLR, les Nyatura sont partis affronter le M23 dans les
territoires de Rutshuru et de Nyiragongo, menant notamment un raid sur la
cité de Rutshuru en avril 2013. En juillet, près de Goma, ils ont
également tiré sur une patrouille de la MONUSCO qui tentait de
protéger des civils fuyant les combats qui les opposaient au M23.
Comme avec de nombreux autres groupes armés du Kivu,
les paradoxes sont nombreux avec les Nyatura. A l'instar des Raïa
Mutomboki, les Nyatura sont un groupe extrêmement fragmenté.
Ainsi, dans une seule localité du territoire de Masisi, Bashali,
située près de la cité de Kitshanga dans le territoire de
Masisi, cinq groupes armés, dont trois se revendiquant des Nyatura, y
auraient été créés en l'espace d'une année,
certains ne comptant que quelques individus. Un de ces groupes, la faction
Nyatura dirigée par le colonel Noheri, s'est allié au M23 et
occupe quelques villages près de Kitshanga. D'autres factions, dans le
territoire de Rutshuru, semblent avoir également collaboré avec
le M23. Une des principales factions, active dans le nord du territoire de
Masisi, se faisant appeler Forces pour la défense des droits humains
(FDDH), s'est alliée à l'APCLS, d'abord en créant de
concert l'APBC évoquée plus haut, puis en unissant ses forces
à cette dernière pour affronter la NDC de Sheka. Mais, presque
simultanément, dans le même territoire, des combats meurtriers
étaient signalés entre une autre faction Nyatura et cette
même APCLS. Les relations avec les FARDC sont également
extrêmement complexes. Si des affrontements ont eu lieu sans discontinuer
entre 2011 et 2013, le Général Gabriel Amisi, chef
d'état-major de l'armée de terre, a été
accusé par le groupe d'experts de l'ONU de vendre des armes aux Nyatura,
révélation qui a entraîné sa suspension à la
fin 2012. En outre, vers la même époque, dans le cadre de la
campagne de recrutement des FARDC afin de pallier au déplacement
d'unités vers le front du M23, quelques centaines de miliciens Nyatura
du territoire de Masisi ont été intégrés dans les
FARDC. Par contre, ceux du territoire de Kalehe semblent être
rétifs à toute intégration.
2.3.13. MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA
Les Maï-Maï du Général Yakutumba se
sont imposés comme le principal groupe armé dans le sud du
Sud-Kivu, autrement dit le territoire de Fizi. Depuis l'indépendance, ce
territoire bordant le lac Tanganyika, à quelques encablures de la
Tanzanie, n'a jamais pu être réellement contrôlé par
les autorités centrales. C'est là que se développa en 1964
la rébellion muleliste des Simba et que Laurent-Désiré
Kabila reçut, l'année suivante, Che Guevara. De même,
pendant l'occupation rwandaise, Kigali et ses supplétifs du RCD-Goma ne
réussirent à assurer leur mainmise que sur quelques centres
urbains, sans jamais l'étendre sur la plus grande partie du territoire.
Un groupe Maï-Maï, dirigé par un ancien combattant Simba,
Dunia Lwendama, s'y est développé, même au-delà du
territoire de Fizi. Par ailleurs, cette occupation a fortement
dégradé les relations, déjà tendues, entre les
Bembe, l'ethnie majoritaire vivant essentiellement de l'agriculture, et les
Banyamulenge, des éleveurs d'expression rwandaise et assimilés
aux Tutsi, vivant sur les hauts plateaux surplombant le littoral fizien.
Après le départ des troupes rwandaises, une
partie des Maï-Maï a été démobilisée ou a
été intégrée dans les nouvelles FARDC, à
l'instar de Dunia, nommé Général. Cependant, certains
autres, dont le capitaine William Amuri Yakutumba, un adjoint de Dunia
nommé commandant de la brigade basée à Baraka, la
principale localité côtière du territoire de Fizi, a
refusé d'envoyer ses hommes au centre de « brassage », arguant
que les milices banyamulenge (qui allaient devenir les Forces
républicaines fédéralistes, FRF, aujourd'hui dissoutes)
étaient également réticentes à ce processus.
En janvier 2007, après avoir rencontré
Raphaël Looba Undji, un politicien bembe et futur idéologue de son
mouvement, il quittait les FARDC, créait les Maï-Maï
réformés et s'autoproclamait « Général ».
Invité par le Président Joseph Kabila, il arriva à
Kinshasa en septembre 2007 en compagnie de Looba Undji, mais dut patienter six
mois avant de se voir accorder une audience d'à peine 30 minutes. Il eut
cependant largement le temps d'établir des contacts avec des politiciens
bembe vivant dans la capitale et de réfléchir à une
stratégie, passant notamment par l'établissement d'une branche
politique, le Parti pour l'action et la reconstruction du Congo (PARC).
En 2009, le déploiement de troupes rwandaises aux Kivus
pour traquer les FDLR, alliées de longue date de Yakutumba, ainsi que,
surtout, l'arrivée dans le territoire de nouvelles troupes des FARDC
commandées par des officiers provenant du CNDP et du PARECO,
c'est-à-dire de groupes armés respectivement tutsi et hutu, mit
encore plus d'huile sur le feu. Pour Yakutumba, il s'agissait d'une preuve
supplémentaire que le Président Kabila, non content d'accorder la
nationalité congolaise aux Banyamulenge, travaillait à
l'établissement d'un « empire hima », à la
dévotion de Kigali. D'autre part, alors que ses Maï-Maï
développaient de plus en plus d'activités lucratives et souvent
criminelles (réseau de soutien à Kinshasa et à
l'étranger, racket, trafic d'or, piraterie), Yakutumba renforçait
son alliance avec les FNL burundaises, dont certains membres rejoignaient son
propre groupe. A la fin 2010, il nommait la branche armée de son
mouvement « Forces armées alléluia » (FAAL). En 2011,
année électorale, Yakutumba a été
intensément courtisé par plusieurs hommes politiques bembe, dont
un autre point commun était une virulente rhétorique hostile aux
Banyamulenge.
Après les élections et l'intégration des
FRF dans les FARDC, Yakutumba fut soumis à des pressions accrues pour
qu'il en fasse de même avec ses combattants. Ces efforts semblent avoir
été abandonnés après l'insurrection du M23, les
FAAL profitant en outre des désertions au sein des FARDC pour s'emparer
de nouvelles positions. Des négociations en vue d'une alliance se
seraient tenues avec le M23, qui aurait transféré des armes aux
FAAL.
A la fin 2012, le départ des FNL vers des zones plus
proches du Burundi et la reprise des attaques des FARDC semble avoir affaibli
le groupe, qui reprenait des négociations en vue de son
intégration dans les FARDC. Malgré l'envoi d'environ 250 hommes,
environ la moitié des effectifs estimés, bien que Yakutumba
prétende en avoir plus de 10 000, dans un camp d'intégration
près de Baraka, le processus échouait à nouveau et,
à partir de juillet 2013, des combats avec les FARDC étaient
signalés en divers lieux du territoire.
Signalons enfin que les FAAL/PARC sont présentes dans
d'autres territoires, notamment celui de Kalemie (Katanga) et dans ceux de
Shabunda et d'Uvira (Sud-Kivu). Dans ces deux derniers, des alliances ont
été forgées avec des groupes armés locaux.
2.3.14. LE MOUVEMENT DU 23 MARS/M23
L'accord d'intégration signé le 23 mars 2009
s'effondra début 2012 en raison d'un différend entre Kinshasa et
le leadership de l'ex-CNDP, entraînant une énième phase de
mobilisation. Alors que les FARDC tentaient depuis 2009 de redéployer le
leadership de l'ex-CNDP à l'écart des régions des Kivus,
le fiasco électoral 2011 poussa le Président Joseph Kabila
à intensifier ces efforts. En partie du fait des pressions
internationales, il essaya aussi d'arrêter le général Bosco
Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale. Cependant,
anticipant la situation, certaines parties de l'ex-CNDP se mutinèrent en
avril 2012. Cette dissidence se transforma en une nouvelle rébellion,
qui prit le nom de M23, conduisant à une fracture au sein du
réseau de l'ex-CNDP. Environ la moitié des officiers de l'ex-CNDP
ne rejoignirent pas le M23, résistant ainsi aux pressions des
autorités rwandaises qui étaient de plus en plus
impliquées dans la gestion de la rébellion69(*).
La crise du M23 se fit sentir dans toute la région,
déclenchant la formation ou la consolidation de plusieurs groupes
antagonistes dans sa zone de déploiement de Rutshuru, notamment les
FDLR-Soki, les Maï-Maï Shetani, le Mouvement populaire
d'autodéfense (MPA) et les Forces pour la défense des
intérêts du peuple congolais (FDIPC). Cette mobilisation
croissante était également le résultat des efforts
entrepris par le M23 et ses alliés au Rwanda pour former des alliances
ou créer des nouveaux groupes dans tout l'Est de la RDC, tels que
l'Alliance pour la libération de l'Est du Congo (ALEC) à Uvira et
la Force oecuménique pour la libération du Congo (FOLC)
dirigée par le déserteur des FARDC Hilaire Kombi dans la
région de Beni, dans la partie nord du Nord-Kivu. Le M23 tenta
également d'organiser des coalitions de groupes armés en Ituri,
efforts qui pour la plupart furent vains.
Outre les déserteurs de l'armée comme Kombi, des
politiciens marginalisés jouèrent un rôle crucial dans ces
efforts de mobilisation. Dans le nord du Nord-Kivu, Antipas Mbusa Nyamwisi,
député et ancien ministre des Affaires étrangères,
organisa un soutien politique significatif en faveur du groupe de Kombi et lui
donna des armes70(*). Au
Sud-Kivu, le candidat parlementaire malheureux Gustave Bagayamukwe fut
l'initiateur d'un nouveau satellite du M23 appelé l'Union des forces
révolutionnaires du Congo (UFRC) fin 201271(*). Cependant, la plupart de ces
groupes étaient de faible envergure et le M23 ne parvint pas à
déstabiliser la région au sens large.
2.3.15. LA THESE DE LA NOUVELLE COALITION M23-RDF, PERSPECTIVES
DE PROCHAINS ASSAUTS72(*)
Pour la Société civile du Nord-Kivu, le Rwanda
et l'Ouganda n'ont jamais digéré leur défaite face
à la coalition FARDC-Brigade spéciale d'intervention de l'ONU, et
sont déterminés à perpétuer
l'insécurité pour continuer le pillage des ressources naturelles
de la RDC. Les autorités congolaises sont prévenues pour non
seulement vérifier ces informations, mais aussi prendre des mesures qui
s'imposent pour ne pas être surpris.
Des nouvelles en province du Nord-Kivu, spécialement
dans les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo ne sont pas du tout
rassurantes. En effet, la Société civile de la province du
Nord-Kivu renseigne que les ex-M23, aidés par certains
éléments de la Rwanda Defense Forces (RDF) préparent des
assauts sur le territoire congolais.
Pour la population du coin, le Rwanda et l'Ouganda n'ont
jamais accepté, voire digéré leur défaite contre la
coalition FARDC-Brigade spéciale d'intervention des Nations Unies. Pour
ce faire, toutes les stratégies sont mises sur la table afin d'atteindre
leurs objectifs. Ceux-ci consistent à semer continuellement
l'insécurité dans la partie Est de la RDC, afin d'y provoquer
mort d'hommes, violations des droits de l'homme et pillage stratégique
des ressources naturelles.
Un autre objectif et non des moindres, c'est la volonté
inavouée du Rwanda et de l'Ouganda de concrétiser leur projet de
balkanisation de la RDC déjà susmentionné et repris
d'ailleurs dans l'accord de Lemera qui donna naissance à l'AFDL. Et ce,
à l'exemple du Soudan qui a été obligé de se
diviser malgré lui en deux Etats distincts. Une solution qui ne
réussira pas en ce qui concerne la RDC, au vu de la détermination
des Congolais à demeurer ensemble, en dépit de l'étendue
physique du territoire national et d'autres spécificités comme
l'homogénéité73(*) par le langage (nos langues nationales), par
la coutume et pourquoi pas par l'histoire; sachant que tout racisme est
en fait une construction sociopolitique74(*).
Les analystes politiques de la situation de la région
des Grands-Lacs sont d'avis que le fait pour le Rwanda et l'Ouganda de ne pas
libérer les ex-membres du M23 conformément aux accords
signés, est une preuve qu'ils veulent les utiliser à d'autres
fins. Certains cadres de l'ex-M23 avaient tenté d'accuser en vain le
Gouvernement de la RDC de la lenteur dans l'application de la loi sur
l'amnistie. Mais avec les dernières libérations, cette raison ne
tient plus debout et dès lors, silence radio du côté du
Rwanda ou de l'Ouganda. Et on comprend vite qu'ils sont en train de chercher
d'autres raisons.
ð Des faits tangibles :
Pour la Société civile du Nord-Kivu qui a
été alertée par la population sur la réorganisation
des éléments ex-M23, en perspective des prochains assauts
à partir des territoires de Rutshuru et Nyiragongo, il ne fait l'ombre
d'aucun doute que la RDC doit de nouveau s'apprêter pour ne pas se
retrouver encore une fois embourbée dans des conflits sanglants.
Car en effet, en ce qui concerne le territoire de Nyiragongo,
des mouvements suspects sont en ces jours observés dans le secteur de
Busasamana, dans le District de Rubavu au Rwanda, à la frontière
avec les localités Kabuhanga et Kabagana I, dans le Groupement Buhumba,
Territoire de Nyiragongo. Ici, sont stockés des vivres et non vivres
dans le Bureau de la Rwanda Reven. Il s'agit des vivres qui transitent
nuitamment en direction du parc, du côté de Kasizi Rwanda
où sont concentrés depuis plusieurs jours des combattants ex-M23
mêlés aux militaires de la RDF (armée rwandaise).
On fait également état du renforcement de la
base logistique militaire de la RDF à la frontière, en
préparatif de prochaines hostilités. Ce ravitaillement en vivres
et équipements militaires a été également
observé la journée et le soir de vendredi 04 novembre 2014.
Dans le territoire de Rutshuru, des sources concordantes nous
ont appris également que les ex-M23 seraient entrain de s'infiltrer dans
les Groupements de Rugari, Bweza, Kisigari et Busanza. La population de ces
entités a fait part de certains indicateurs objectivement
vérifiables.
A Mwaro par exemple, dans le Groupement de Rugari, en
Chefferie des Bwisha, le dimanche 28 septembre 2014, 130 éléments
de la coalition M23-RDF habillés en uniforme de gardes parc pour se
déguiser, ont été surpris avant de prendre le large.
Alertées par la population, les FARDC du 391e régiment
avaient réussi à capturer 3 combattants parmi les
infiltrés. A Mbuzi, dans le Groupement de Bweza, en Chefferie de Bwisha,
quelques semaines après l'événement de Mwaro, un groupe
d'inconnus armés déguisés en éleveurs, ont fait des
mouvements nocturnes avec des vaches jusqu'à Kichanga, dans le
Groupement Bishusha, dans la Chefferie de Bwito, en passant par Biruma, dans le
Groupement Kisigari.
A Katale et à Buvunga, dans le Groupement de Kisigari
(Chefferie des Bwisha), la population dénonce une brebis galeuse.
L'homme est identifié comme Jean-Félix Shamba, ancien Chef de
Poste d'Encadrement Administratif de Rugari et Kisigari avant et pendant
l'occupation du M23. Lors de l'occupation du M23, Jean-Félix Shamba
avait enrôlé de force plusieurs jeunes du Groupement de Kisigari
dans la rébellion; il était l'un des très fideles du
mouvement.
A la débâcle de la rébellion,
Jean-Félix s'était enfui au Rwanda en passant par l'Ouganda. Ce
n'est que vers juin 2014 qu'il rentre au pays en passant par Gisenyi (Rwanda)
pour se réinstaller chez lui dans le territoire de Rutshuru. Ce qui
avait suscité la peur des habitants. Il avait fait sa rentrée
avec celui qui avait été Chef de Cité de Rubare pendant le
M23 et la fille de M. Tambour, ancien comptable de l'Hôpital de Rwanguba
sur l'axe Bunagana.
Comme les trois ex-M23 sont rentrés sans avoir
signé les formulaires de demande d'amnistie, les services de l'ANR
(Agence Nationale de Renseignements) ont mis la main sur eux pour les conduire
à Goma où ils étaient en détention. Après
signature des formulaires de demande d'amnistie, ces anciens M23 ont
été relâchés par l'ANR. Cependant, depuis leur
retour à Rutshuru, la population dénonce dans le chef de
Jean-Félix la sensibilisation et l'enrôlement clandestin des
jeunes en faveur d'un mouvement qui ne dit pas encore son nom mais qui,
croit-on, serait la nouvelle formule M23. Il serait en train de demander aux
jeunes qui l'écoutent de rejoindre un Camp de regroupement à
Kichanga (dans la Chefferie de Bwito).
A Shinda, frontalière avec l'Ouganda, dans le
Groupement de Busanza, dans la Chefferie de Bwisha, la relève des FARDC
avait inquiétée la population si le déploiement ne suit
pas le plus tôt. Des bruits courent que des réfugiés
déjà armés dans les Camps en Ouganda promettent de
traverser la frontière pour s'installer à Shinda.
ð De l'alarmisme au réalisme
Contacté par le Journal L'Avenir, le porte-parole de la
Société civile du Nord-Kivu a indiqué qu'en lieu et place
de considérer ce message comme alarmiste, il est plutôt important
pour le pouvoir de considérer cette information et de mener des
enquêtes fouillées. Et ce, lorsqu'on sait qu'à l'Est du
pays, tout commence par des rumeurs qui, au fur et à mesure
qu'évolue l'actualité, se révèlent comme vraies. Et
voilà qu'aujourd'hui on est en train d'enregistrer la gestation d'un
nouveau groupe armé qui, d'ailleurs, est le mariage de certains anciens
cadres du CNDP et ceux du M23, y compris une bonne partie des
éléments RDF que nous évoquons çi-bas.
2.3.16. MOUVEMENT CHRÉTIEN POUR LA RECONSTRUCTION DU
CONGO/MCRC
Comme Julien Paluku, le gouverneur de la province du
Nord-Kivu l'a dernièrement déclaré à la presse
à Goma, les ex M23 ont organisé beaucoup de réunions
à Kigali et en Uganda pour mettre en place un nouveau groupe rebelle qui
sera soutenu par le Rwanda. Selon les informations très fiables dont
nous préférons taire la source, James Kabarebe, le grand
planificateur des rébellions rwando-congolaises, a pu réconcilier
les ex M23 venant de Masisi ou dans d'autres termes, les Bagogwes, comme
Baudouin Ngaruye et ceux de Jomba, dont Sultani Makenga et Laurent Nkunda.
Pendant leur dernière réunion du 25 avril 2015, qui s'est tenue
à Bunyoni-Kabale en Uganda dans l'hôtel OVALANTE, de
11h00 à 14h00, et présidée par le
président du MCRC, le bishop KAHITARI MUMVANEZA, les participants de
cette réunion ont mis sur pied les structures politiques et militaires
de ce nouveau mouvement rebelle. Ainsi ils ont décidé que l'aile
politique du mouvement sera dirigée suivant la hiérarchie dont la
liste en annexe.
Cependant, à la fin de cette réunion, les
participants (dont leur liste en annexe) ont décidé que la
prochaine réunion aura lieu le 05 mai 2015 au couvent des prêtres
à Kisoro en Uganda.
2.3.17. CARTE DES PRINCIPAUX GROUPES ARMES FORTEMENT ACTIFS AU
NORD ET AU SUD-KIVU

Fig. 4 : G. BERGHEZAN, Les Rapports du GRIP,
« Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand
Kivu au 2ème semestre 2013 ».
2.3.1. 2.3.18. TABLEAU SYNOPTIQUE DES GROUPES ARMES ACTIFS AU
NORD-KIVU
PROVINCE DU NORD-KIVU
|
TERRITOIRE DE LUBERO
|
TERRITOIRE DE RUTSHURU
|
TERRITOIRE DE MASISI
|
TERRITOIRE DE BENI
|
TERRITOIRE DE WALIKALE
|
UPCP/FPC : Union des Patriotes pour la Paix/Forces des
Patriotes Congolais (Nande allié M23, anti-FARDC)
|
UPCP/FPC : Union des Patriotes pour la Paix/Forces des
Patriotes Congolais (Nande allié M23, anti-FARDC)
|
UPCP/FPC : Union des Patriotes pour la Paix/Forces des
Patriotes Congolais (Nande allié M23, anti-FARDC)
|
FOLC : Force OEcuménique pour la Libération
du Congo (Nande)
|
FDC : Forces de Défense du Congo, se fait parfois
appeler Raïa Mutomboki (Hunde-Nyanga anti-FDLR)
|
URDC : Union pour la Réhabilitation de la
Démocratie au Congo ou Maï-Maï Hilaire (Nande anti-Kabila et
allié au M23)
|
FPD : Front Populaire pour la Démocratie ou
Maï-Maï Shetani (Nande)
|
Nyatura (Hutu)
|
URDC : Union pour la Réhabilitation de la
Démocratie au Congo ou Maï-Maï Hilaire (Nande anti-Kabila et
allié au M23)
|
Maï-Maï Kifuafua, se fait parfois appeler Raïa
Mutomboki (Surtout Tembo anti-Rwandophones)
|
FAC : Forces Acquises au Changement ou Forces
Armées Congolaises (Composées d'ex-FAZ et ex-FARDC)
|
PRM : Patriotes Résistants Maï-Maï
|
FDL : Forces de Défense Locale Busumba (Hutu
allié au M23)
|
Maï-Maï Kenzo (Pourrait être une fraction de
l'URDC)
|
APBC : Alliance des Patriotes contre la Balkanisation du
Congo (Coalition de APCLS, FDDH-Nyatura, FDC, MAC-Raïa Mutomboki et FAC
anti-Kabila et anti-M23)
|
FPD : Front Populaire pour la Démocratie ou
Maï-Maï Shetani (Nande)
|
MPA : Mouvement Populaire d'Autodéfense (Hutu
congolais et rwandais anti-M23)
|
Mouvement du 26 Octobre (Hutu ex-Nyature)
|
MRDC : Mouvement pour la Restauration de la
Démocratie au Congo
|
MAC : Mouvement d'Action pour le Changement, se fait
parfois appeler Raïa Mutomboki (Hunde-Nyanga anti-Hutu rwandais et
anti-M23)
|
PRM : Patriotes Résistants Maï-Maï
|
FDPIC : Forces pour la Défense des
Intérêts des Peuples Congolais (Hutu anti-M23)
|
FDC : Forces de Défense du Congo, se fait parfois
appeler Raïa Mutomboki (Hunde-Nyanga anti-FDLR)
|
|
FND ou FDN : Forces Nationales de Défense ou
Forces de Défense Nationale (Nyanga)
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
|
Maï-Maï Kifuafua, se fait parfois appeler Raïa
Mutomboki (Surtout Tembo anti-Rwandophones)
|
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
|
|
APBC : Alliance des Patriotes contre la Balkanisation du
Congo (Coalition de APCLS, FDDH-Nyatura, FDC, MAC-Raïa Mutomboki et FAC
anti-Kabila et anti-M23)
|
|
MPPC : Mouvement pour la Protection du Peuple Congolais
ou Maï-Maï Kirikicho (Tembo)
|
|
|
PARECO-Fort (Hutu)
|
|
|
|
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
|
|
Tableau 1 : établi par nous même
sur base de nos recherches personnelles.
2.3.19. TABLEAU SYNOPTIQUE DES GROUPES ARMES ACTIFS AU
SUD-KIVU
PROVINCE DU SUD-KIVU
|
TERRITOIRE DE KALEHE
|
TERRITOIRE DE WALUNGU
|
TERRITOIRE DE SHABUNDA
|
TERRITOIRE DE MWENGA
|
TERRITOIRE D'UVIRA
|
TERRITOIRE DE FIZI
|
Mbabaye (Hutu anti-Kabila et pro-M23)
|
Maï-Maï Kahasha (Shi, Rega et Bembe)
|
Maï-Maï Kahasha (Shi, Rega et Bembe)
|
Maï-Maï Kahasha (Shi, Rega et Bembe)
|
RCR : Rassemblement Congolais pour le Renouveau
(Banyamulenge, Fulero, Burundais allié au M23)
|
ALEC : Alliance pour la Libération de l'Est du
Congo ou Groupe Armé Hakizimana (Banyamulenge, Burundais
indépendantistes allié au M23)
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
Maï-Maï Nyakiliba (Banyindu, Barega allié de
Raia Mutomboki)
|
MCC : Mouvement Congolais pour le Changement
(Banyamulenge et Fulero allié au M23)
|
MCL : Mouvement Congolais de Libération ou
Maï-Maï Mayele (Bembe)
|
MPPC : Mouvement pour la Protection du Peuple Congolais
ou Maï-Maï Kirikicho (Tembo)
|
|
|
UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo
(Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)
|
ALEC : Alliance pour la Libération de l'Est du
Congo ou Groupe Armé Hakizimana (Banyamulenge, Burundais
indépendantistes allié au M23)
|
Maï-Maï Kapopo/Maï-Maï La Réforme
(Bembe)
|
|
|
|
|
FRD : Front pour la Restauration de la Démocratie
Abanyagihugu (Burundais allié au FNL)
|
Maï-Maï Mupekenya (Bembe)
|
|
|
|
|
FPM-ADN : Front du Peuple Murundi-Alliance Divine pour la
Nation (Burundais allié au FNL)
|
MPDC : Mouvement du Peuple pour la Défense du
Congo (Veut fédérer Maï-Maï en vue de leur
intégration dans les FARDC)
|
|
|
|
|
Maï-Maï Baleke (Bavira et Bafulero)
|
Maï-Maï AOKI/Kashologosi (Bembe)
|
|
|
|
|
Maï-Maï Fujo (Fulero allié au FNL)
|
|
|
|
|
|
Maï-Maï Mushombe (Fulero allié aux FARDC)
|
|
|
|
|
|
Maï-Maï Mulumba (Banyindu)
|
|
|
|
|
|
Twigwaneho, FRF Résiduels (Banyamulenge allié
aux FNL et FDLR)
|
|
|
|
|
|
Groupe Armé Semahurango (Banyamulenge allié aux
FNL et FDLR)
|
|
|
|
|
|
MDP : Mouvement de Défense du Peuple ou
Maï-Maï Shikito (Fulero)
|
|
|
|
|
|
MPDC : Mouvement du Peuple pour la Défense du
Congo (Veut fédérer Maï-Maï en vue de leur
intégration dans les FARDC)
|
|
|
|
|
|
Local Defense (Fulero anti-FDLR)
|
|
|
|
|
|
Maï-Maï AOKI/Kashologosi (Bembe)
|
|
Tableau 2 : établi par nous même
sur base de nos recherches personnelles.
2.4. GROUPES ARMES OPERANT DANS LA PROVINCE
ORIENTALE
2.4.1. FORCE DE RESISTANCE PATRIOTIQUE DE L'ITURI/FRPI
La Force de Resistance Patriotique de l'Ituri (FRPI) est une
milice armée et parti politique basée dans la cité de
Tcheyi au sud-ouest de la cité de Bunia dans le district de l'Ituri au
nord-est de la RDC. La FRPI a été créée en
novembre 2002 par le groupe ethnique des Lendu de l'Ituri (Ngiti) comme
alliée du Front des Nationalistes et Intégrationnistes Lendu
(FNI).
Les Walendu Bindi (ou Indru), dirigés par leurs chefs
coutumiers, forment ainsi un contre-poids à l'Union des Patriotes
Congolais (UPC) dans le conflit d'Ituri, et sont soutenus par la faction Forces
du Renouveau repliée en Ouganda du Rassemblement Congolais pour la
Démocratie. En mai 2003, la FRPI rejoint les ougandais après une
offensive réussie contre l'UPC et occupe la ville conjointement avec le
FNI en mai 2003.
En 2005, la direction de la FRPI passe de Germain Katanga, le
leader initial, à Baudouin Adirodo, puis au Général Justin
Banaloki alias « Cobra Matata » en 2012. En 2006,
15 000 soldats de la FRPI sont démobilisés suite aux accords
de paix. En octobre 2007, Germain Katanga est arrêté et
déféré devant la Cour Pénale Internationale de la
Haye pour répondre aux accusations de crimes de guerre et de crimes
contre l'humanité. Un autre responsable de ce mouvement, Bernard Kakado,
a été condamné en 2010 à Bunia à la prison
à vie pour crimes de guerre.
2.5. GROUPE ARME OPERANT DANS LA PROVINCE DU
KATANGA
2.5.1. APERCU HISTORIQUE DES GROUPES ARMES AU KATANGA
La Coordination de l'Organisation du Référendum
pour l'autodétermination du peuple Katangais (CORAK en sigle)
était une organisation née sur les cendres du FNLC (Front
National pour la libération du Congo) de Bumba Nathanaël qui avait
tenté de s'emparer de la province du Katanga par le district du Lualaba.
C'est en 1996 et 1997 que les éléments du FNLC, dits aussi
Tigres, ont de nouveau fait leur apparition aux côtés de
l'AFDL.
Dans la nuit du 04 au 05 février 2011, la CORAK a
revendiqué l'attaque contre l'aéroport international de la Luano,
ayant fait trois morts, dont deux parmi les assaillants et un
élément de la Garde Républicaine. Plusieurs membres de ce
mouvement avaient été arrêtés, jugés pour
s'évader par la suite avec le seigneur de guerre Gédéon
Kyungu Mutanga. Dans la nuit de samedi à dimanche 27 décembre
2011, ils ont attaqué les dépôts d'armes et munitions du
quartier industriel sur l'avenue Kibati et celui du camp Major Vangu.
D'importantes quantités d'armes ont été
calcinées.
Le mouvement Kata-Katanga pour sa part, ne se reconnaît
être ni Maï-Maï, ni CORAK, non plus FNLC. Il demeure vrai
cependant que ce mouvement est non seulement trop jeune, mais aussi il recourt
aux mêmes méthodes et stratégies d'attaque que les premiers
cités à la seule différence qu'il n'est pas
impliqué dans des actes comme le cannibalisme. Son leader Ntanda Imena
est souvent entre les territoires de Pweto, Manono et Kasenga.
2.5.2. MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA/MUTANGA
La milice Maï-Maï Bakata-Katanga serait née
suite à l'invasion du pays par le Rassemblement Congolais pour la
Démocratie en 1998. Cette milice a atteint le paroxysme de ses
violences, face à la population civile, suite à l'évasion
spectaculaire du 07/09/2011, en pleine journée, à
côté d'un camp militaire, du seigneur de guerre
Gédéon Kyungu Mutanga de la prison centrale de Kasapa, sans
aucune interpellation des services de sécurité commis à la
surveillance de cette dernière. Cette fuite va, sans nul doute, raviver
le sentiment d'invulnérabilité des Maï-Maï, si bien que
quelques semaines seulement après, les miliciens se réclamant de
ce dernier ont lancé des attaques dans les territoires de Mitwaba, Pweto
et Manono.
La situation sécuritaire reste très volatile et
complexe dans cette province, en considérant la multiplicité des
acteurs et leurs commanditaires qui se recrutent parmi les dignitaires du
régime de Joseph Kabila et l'inexistence de revendication
légitime.
Cette milice du nom de « Bakata-Katanga »
en swahili, et signifiant littéralement « ceux qui viennent
couper le Katanga », est issue de la déclaration de
l'indépendance de la province du Katanga décrétée
par Moïse Tchombé le 11 juillet 196075(*).
Ø Situation du samedi 23 mars 2013 à
Lubumbashi76(*)
Le samedi 23 mars 2013 aux environs de 11h, la ville de
Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga, était le
théâtre d'une panique généralisée qui n'a
laissé personne indifférente.
En effet, une colonne des personnes, habillées en tenue
civile, avec des bandelettes de couleur verte, rouge et blanche (couleurs de
leur drapeau) autour de la tête, chantant, provenant de la commune
annexe, traversant les communes de la Ruashi et Kampemba jusqu'en plein
centre-ville avec seule référence le magasin du commerçant
Kabongo Ngoy en face de la poste. Une fois en ce lieu, ils ont fait des
cérémonies avant de hisser leur drapeau après avoir
déchiré celui de la RDC. Ces personnes se réclamant du
mouvement Kata-Katanga, étaient armées pour l'essentiel d'une
lance roquette, d'une trentaine des fusils AK47, de lances javelots, des
flèches, des lances pierres et des fétiches.
Le Kata-Katanga est une autre variante du Congrès
Progressiste du Katanga (CPK), mouvement rebelle qui serait auteur de certaines
autres attaques comme celles de l'aéroport international de la Luano, en
janvier 2011 ayant occasionné plusieurs morts. En effet, le jeudi 21
mars 2011 un groupe Bakata-Katanga qui s'étaient évadé de
l'ANR s'étaient réfugiés dans la ferme nommée
« Beijing » appartenant au Général John
Numbi, et après vérification, aucun ordre de les maitriser
n'avait été donné. Il s'en est suivi que quelques jours
seulement après, il y a eu assaut de la ville de Lubumbashi le samedi 23
mars 2013. Cependant, plusieurs assaillants interrogés par les
enquêteurs des organisations de la société civile du
Katanga, avaient avoué que leur Chef politique Ferdinand Kazadi Ntanda
Imena Mutombo était en contact régulier avec le
Général John Numbi qui le fournirait en armes et munitions ainsi
que des stratégies d'attaques. S'agissant de leur source des finances,
ils ont aussi reconnu que l'ancien gouverneur de la Banque Centrale du Congo,
Monsieur Masangu Mulongo est l'un de leurs pourvoyeurs. Ils affirment avoir
toujours reçu des nouvelles coupures de billet de banque de 10 000
et 20 000fc à titre d'encouragement pour les différentes
attaques opérées77(*).
2.6. GROUPE ARME OPERANT DANS LA PROVINCE DU KASAI
ORIENTAL
2.6.1. MOUVEMENT POUR LA REVENDICATION DES ELECTIONS/MRE
Le Mouvement pour la Revendication des Elections du Colonel
John Tshibangu est né suite à un objectif de « chasser
Kabila du pouvoir et y installer Tshisekedi ».
Chef d'état-major en second de la 4è
région militaire (les deux Kasaï), le Colonel John Tshibangu
revendiquait le grade de Lieutenant-Général avant de faire
défection des Forces Armées de la RDC le jeudi 16 août
2012. Ancien des Forces Armées Zaïroises, John Tshibangu est l'un
des « commandos » formés en Israël, dans la
lutte contre le terrorisme. Antiterroriste, il assure avoir pris la
résolution de rompre les bancs avec les FARDC après avoir pris
conscience de l'implication des plus hautes autorités civiles et
militaires dans un projet de « balkanisation » du Congo.
Après avoir parlé du « Mouvement pour la revendication
de la vérité des urnes », John sera maintenant à
la tête d'une « Armée du peuple congolais pour le
changement et la démocratie ». Objectif du mouvement :
« chasser Joseph Kabila du pouvoir et installer le (président
élu) Etienne Tshisekedi Wa Mulumba ». Voici ses propos face
à cet objectif
susmentionné : « Le mouvement que je
dirige procède de l'initiative d'un congolais à cent pour cent.
Nous espérions que le personnel politique allait trouver une solution
politique aux problèmes nés après l'élection
présidentielle chahutée du 28 novembre 2011, rien n'a
été fait. Nous nous sommes concertés avec les amis avant
de prendre notre décision. La population congolaise demande un
changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi Wa Mulumba a
été élu président de la République. Notre
objectif est de l'installer à la tête de l'Etat78(*) ».
Le « Mouvement du 23 mars » initié
par des ex-combattants étiquetés CNDP a fait des émules.
Quatre mois après le lancement de la mutinerie du CNDP-M23, un nouveau
mouvement insurrectionnel a vu le jour. Cette fois, l'initiative émanait
d'un officier congolais. Comme au début de toute organisation, il se
constate un certain tâtonnement. La dénomination définitive
semble ne pas encore être trouvée. Dans un premier temps, il a
été question du « Mouvement de revendication de la
vérité des urnes ». Dans un second, on parle de
« l'Armée du peuple congolais pour le changement et la
démocratie ».
Ø Qui est John Tshibangu le chef milicien du
Mouvement pour la Revendication des Elections?79(*)
Enrôlé dans les FAZ (Forces Armées
Zaïroises) en 1988, John a suivi par la suite une formation à l'EFO
(Ecole de Formation des Officiers) à Kananga avant d'être
affecté au Service d'Action et de renseignements militaires (SARM).
Lorsque l'AFDL prend le pouvoir le 17 mai 1997 à Kinshasa, il se
trouvait en poste à Uvira (Sud-Kivu). En 1998, il refusa de rejoindre la
rébellion pro-rwandaise du RCD. John Tshibangu aurait été
emprisonné à Munzenze à Goma, puis au Rwanda, pour avoir
tenté de détourner un avion rwandais. Il se serait
évadé du pénitencier avant de rejoindre le RDC-KML de
Mbusa Nyamwisi. A l'époque, ce dernier avait déjà
engagé des pourparlers avec le gouvernement de Kinshasa. Cet officier
connaitra plusieurs affectations à l'Est du pays. Baroudeur, disent ses
proches, l'art de la guerre n'aurait plus de secret pour lui. Il a
affronté les combattants du CNDP à Mushaki avant la
débâcle de la fin de l'année 2008. Il a participé
à des combats à Kanyabayonga (Nord-Kivu). Le dernier poste qu'il
a occupé au sein des FARDC avant de faire défection c'est celui
de Commandant en second de la 4è Région militaire
à Kananga.
Le 06 juin 2011, John Tshibangu se trouvait à Kinshasa.
En compagnie de 126 autres officiers supérieurs, il participait à
la deuxième session du séminaire sur la réforme de
l'armée à l'ex Cité de l'OUA. La rencontre s'est
terminée par une causerie morale. L'orateur n'était autre que
« Joseph Kabila ». Celui-ci avait rappelé aux
épaules galonnées qui étaient présentes
« qu'ils ont la mission sacrée d'assurer la paix et la
sécurité » sur toute l'étendue du territoire
national. Et qu'il n'y a pas de place pour des officiers indisciplinés
qui pensent qu'au sein des FARDC on peut avoir un commandement
parallèle. Enfin, a dit Joseph, « l'officier militaire
congolais ne peut pas servir deux maitres à la fois. On ne peut pas
être à la fois officier des FARDC et opérateur minier, il
faut choisir entre l'armée et les affaires ». Profitant de son
séjour kinois, John Tshibangu aurait obtenu une audience auprès
du « Commandant suprême » à qui il aurait
révélé la proposition lui faite par un « haut
gradé ». La proposition consistait à aller livrer des
armes et des munitions aux combattants du M23. Tshibangu aurait
été stupéfait et dégoûté par l'inertie
de « Joseph Kabila » à l'écoute de ce
témoignage.
Cependant, concernant le parrainage de son mouvement, il
s'exprimant en ces termes : « Je souhaiterais
bénéficier du soutien non seulement de l'Angola et de la
Belgique, mais aussi de celui de toute la communauté
internationale... ». Revenant sur la naissance de la
mutinerie du M23, il dit : « Au commencement, les
mutins étaient à peine une trentaine d'hommes, curieusement les
autorités de Kinshasa ont ordonné un cessez-le-feu alors que les
FARDC pouvaient anéantir cette action. Comment ne pas suspecter le
gouvernement d'avoir ordonné un cessez-le-feu pour permettre aux
insurgés de gagner du temps pour se renforcer en hommes et en
matériels? ». Autre grief articulé par le
Colonel Tshibangu : « Joseph Kabila devait faire une
déclaration de la guerre dès que la communauté
internationale a confirmé l'implication du Rwanda dans l'agression
contre le Congo. En ne le faisant pas, il a bradé la souveraineté
nationale en transformant le Congo en un pays de pleurnicheurs du soutien de la
communauté internationale ».
2.7. CARTE DES PRINCIPAUX GROUPES ARMES DE L'EST DE LA
RDC

Fig. 5 : J. STEARNS, J. VERWEIJEN, M. ERIKSSON,
« Armée nationale et groupes armés dans l'Est du
Congo : Trancher le noeud gordien de
l'insécurité », RVI Projet Usalama.
2.8. CONCLUSION PARTIELLE
Ne prétendant pas avoir
cartographié tous les groupes armés actifs de l'Est de la RDC,
suite à la dynamique de leurs naissances, nous estimons, par contre,
avoir épinglé les plus grands voire les plus connus et les plus
actifs parmi ces derniers de par leur influence politique tant au niveau
national qu'au niveau régional et international.
Cependant, leur nombre étant non exhaustif, signalons
qu'ils sont de deux catégories à savoir des groupes armés
nationaux (ethniques, ceux des frustrés) et des groupes armés
régionaux (rébellions étrangères).
CHAPITRE 3 : RELATIONS ET IMPACTS SOCIOPOLITIQUES
DES GROUPES ARMES FACE AUX ENJEUX DU REPOSITIONNEMENT GEOPOLITIQUE DE LA
RDC
3.1. BREVE INTRODUCTION
Rappelons que la synergie relationnelle et les impacts
sociopolitiques des groupes armés à l'Est de la RDC sont
suffisamment complexes à tel enseigne qu'il sied de les analyser avec
beaucoup plus de soin pour aboutir à un résultat objectif issu
des réflexions nourries cherchant à établir les rapports
entre l'observation du terrain et les différentes décisions des
acteurs politiques face à ces enjeux du repositionnement
géopolitique de la RDC dans la région des grands lacs.
3.2. GROUPES ARMES ETRANGERS OPERANT EN
RDC
3.2.1. FORCES DEMOCRATIQUES POUR LA LIBERATION DU
RWANDA/FDLR
Bâties sur les restes de l'armée gouvernementale
de l'ancien régime rwandais, les Forces armées rwandaises (FAR),
et des milices Interahamwe exilées au Congo après le
génocide de 1994, les Forces démocratiques pour libération
du Rwanda (FDLR) ont été fondées en 2000 dans l'Est du
Congo. Leurs objectifs principaux sont la protection des réfugiés
hutus rwandais disséminés dans cette partie du pays et la lutte
contre le gouvernement en place à Kigali. Cependant, durant l'occupation
rwandaise de la région (1998-2002), peu de combats ont opposé
directement les FDLR à l'Armée patriotique du Rwanda (APR,
actuellement la RDF). De même, les incursions des FDLR en territoire
rwandais, fréquentes durant les années 90, ont pratiquement
cessé ces dernières années, à l'exception de trois
raids menés en novembre et décembre 2012, ainsi qu'en mai 2013.
Ces attaques auraient fait, selon Kigali, des dizaines de morts parmi les
assaillants et un seul dans le camp gouvernemental. Divers observateurs
supposent que les FDLR ont profité du chaos engendré par les
combats entre le M23 et les FARDC pour s'infiltrer en territoire rwandais.
Le sigle FDLR fait en réalité
référence à la branche politique, implantée en
Occident (en Allemagne surtout), tandis que le nom officiel de la branche
armée est « Forces combattantes Abacunguzi (FOCA) ».
Cependant, parmi la population et les médias, l'appellation FDLR est de
loin la plus courante. Par ailleurs, il faut noter qu'une proportion croissante
de combattants est de nationalité congolaise, notamment des Hutus,
représentant près de la moitié des effectifs totaux de
combattants, estimés actuellement à environ 1 500,
répartis dans les deux Kivu.
Néanmoins, ce chiffre ne semble comprendre que les
effectifs de la branche principale, FDLR/FOCA, auxquels il conviendrait
d'ajouter ceux de diverses scissions apparues au cours des années. La
principale de ces scissions, se faisant appeler FDLR/RUD (FDLR/Rassemblement
uni pour la démocratie), compterait environ 500 combattants et n'a pas
été impliquée récemment dans des combats,
privilégiant la recherche de profit par des activités
illégales. La seconde, les FDLR/Soki, compterait moins d'une centaine
d'hommes et a affronté à plusieurs reprises le M23. D'ailleurs,
c'est au cours d'un de ces affrontements, en juillet 2013, que son chef Soki a
été tué. Une troisième faction, les FDLR/Mandevu,
dirigée par le Lieutenant-colonel autoproclamé Gaston Mugasa
alias Mandevu, compterait une bonne cinquantaine d'hommes et a
été, durant 2012 au moins, un allié actif du M23.
Depuis, elle semble avoir été purement et
simplement absorbée par le M23. Ces trois dissidences des FDLR/FOCA sont
implantées au Nord-Kivu, en particulier dans les territoires de Rutshuru
et Lubero. Le nombre de combattants des FDLR n'a cessé de
décroître au fil des années, en même temps que le
territoire sous leur emprise n'a cessé de se rétrécir.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Tout d'abord, l'accent
mis par la MONUC, puis par son successeur, la MONUSCO, sur le processus de
désarmement, de démobilisation, de rapatriement, de
réintégration et de réinstallation (DDRRR) des combattants
étrangers, en particulier les FDLR considérés comme les
plus déstabilisateurs. Ainsi, entre 2002 et juin 2013, plus de 12 000
combattants rwandais, essentiellement des FDLR, se sont rendus aux Casques
bleus et ont été rapatriés au Rwanda. Le taux de
désertion serait également élevé, même parmi
les officiers, dont certains, voulant échapper au rapatriement, ont fui
vers le sud, jusqu'en Zambie. D'autre part, les FARDC ont lancé, depuis
2009, de vastes offensives dans les deux Kivu pour tenter d'en venir à
bout. Ainsi, l'opération Umoja Wetu (« notre unité
») menée conjointement avec l'armée rwandaise en
janvier-février 2009, aurait permis de tuer plus de 150 combattants
FDLR.
En outre, à partir de 2005 dans le territoire de
Shabunda, et depuis 2011 dans plusieurs autres territoires du Sud-Kivu, les
Raïa Mutomboki se sont soulevés contre les FDLR et leur
cortège de violations des droits des populations locales, s'en prenant
violemment à leurs suspectés sympathisants, ce qui a permis
d'éradiquer le groupe de pratiquement tout le nord de la province. De
plus, fin 2011 et début 2012, des tueurs à gages, apparemment
commandités par Kigali, ont éliminé plusieurs chefs
militaires de la milice, contribuant à l'affaiblissement de son
commandement, encore accru par l'arrestation en Tanzanie et l'extradition au
Rwanda d'un de ses principaux leaders au début de l'année
201380(*). Enfin, des
divisions internes entre « modérés » et « radicaux
» et l'éparpillement des cellules encore actives relativisent
encore davantage l'ampleur de la menace représentée par les
FDLR.
Actuellement, les FDLR subsistent encore dans une partie du
Nord-Kivu, où ils seraient un bon millier de combattants dirigés
en principe par le Colonel Pacifique Ntawhunguka alias Omega, et
dispersés dans le nord du territoire de Walikale, dans le sud de celui
de Lubero et dans ceux de Rutshuru et Masisi. On en trouve également
dans le sud du Sud-Kivu, soit quelques centaines de combattants
commandés par le Lieutenant-colonel Hamada Habimana et
disséminés dans les territoires de Mwenga, Uvira et Fizi.
Leurs ressources proviendraient principalement de
financements de la diaspora hutue rwandaise, de l'extorsion de biens sur les
routes, des sites miniers et des marchés, et de la culture et la vente
de cannabis. Peu de groupes armés s'aventurent encore à s'allier
ouvertement aux FDLR. Au Sud-Kivu, elles collaborent avec les Hutu burundais
des Forces nationales de libération (FNL) pour affronter les FARDC
soutenues par divers groupes Maï-Maï locaux.
Par contre, au Nord-Kivu, après une forme de pacte de
non-agression conclu avec les FARDC, une alliance dirigée contre le M23
semble avoir été nouée. Selon divers témoignages
d'ex-FDLR et de soldats FARDC recueillis par le Groupe d'experts de l'ONU, des
munitions et des renseignements opérationnels auraient été
fournis par les FARDC aux FDLR. Un porte-parole de l'armée congolaise a
reconnu, le 12 septembre 2013, que, depuis la création du M23, les FARDC
avaient dû ralentir la traque des FDLR.
Par ailleurs, selon ce même porte-parole, la faction
Makenga du M23 a eu à faire recours aux FDLR lors des combats l'ayant
opposée aux fidèles de Ntaganda. Bien qu'affaiblie, la
capacité de nuisance des FDLR ne doit pas être
sous-estimée.
La population congolaise subit encore journellement les
exactions de ces combattants déracinés et sans perspective de
réintégration dans la vie civile, sinon après passage par
les « fourches caudines » de Kigali. D'autre part, les diverses
rébellions soutenues par le Rwanda, et le gouvernement lui-même,
ont souvent justifié leur action par le risque de « génocide
» que ferait courir à la population tutsi la simple existence des
FDLR. L'élimination de cette milice apparaît donc incontournable
pour mettre fin à l'ingérence du Rwanda en RDC, elle-même
en grande partie à la base de l'instabilité qui gangrène
tout l'est du pays.
3.2.2. ALLIED DEMOCRATIC FORCES-NATIONAL ARMY OF LIBERATION OF
UGANDA/ADF-NALU
A l'origine, deux groupes armés ougandais
étaient en lutte contre le pouvoir incarné par le
Président Yoweri Museveni, les Forces démocratiques
alliées (Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée
nationale pour la libération de l'Ouganda (National Army of the
Liberation of Uganda/NALU) se sont unies en 1995, à
l'instigation des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux
d'affaiblir un adversaire commun. Les ADF/NALU sont composées des
groupes suivants, Allied Democratic Movement/ADM, Uganda Muslim Liberation
Army/UMLA, et par National Army of Liberation of Uganda/NALU. Installées
dans le massif des Ruwenzori, à la frontière entre la RDC et
l'Ouganda, elles n'ont jamais réussi à s'implanter dans leur pays
d'origine, malgré plusieurs attaques contre des localités
frontalières et des attentats à Kampala. Cependant, aucune action
d'envergure en sol ougandais ne semble y avoir été
enregistrée depuis 2001, bien que les ADF-NALU y recrutent encore
régulièrement des combattants, ce qu'elles font également
dans d'autres pays d'Afrique orientale.
C'est donc en territoire congolais, en particulier dans le
nord-est du territoire de Beni (Nord-Kivu), autour des localités
d'Eringeti et Oïcha et dans la zone entre cet axe et la frontière
ougandaise, que les ADF-NALU concentrent leurs activités. L'occupation
ougandaise de la région ne semble guère avoir gêné
le développement du groupe. C'est surtout après le retrait des
forces ougandaises et le déploiement des FARDC, soutenues par la MONUC,
que les ADF-NALU ont essuyé des revers militaires, en particulier entre
2005 et 2007. Suite à ceux-ci et à des négociations, tant
avec la MONUC qu'avec le gouvernement ougandais, la branche NALU du groupe a
accepté de se dissoudre et de participer à un programme de DDRRR,
tandis que Kampala reconnaissait, en 2008, un « Royaume de
Rwenzururu » à l'intérieur de ses
frontières, la principale revendication à la base de la
création de la NALU.
Quant aux ADF, qui semblent avoir été
créées en réaction à la répression des
musulmans ougandais entreprise par Museveni après sa prise de pouvoir,
elles ne paraissent pas avoir le profil-type d'une organisation terroriste
à idéologie islamiste radicale que leur attribue le gouvernement
de Kampala. Même si, depuis la disparition de la tendance NALU, tous les
combattants des ADF doivent être d'origine musulmane ou se convertir
à l'islam, elles n'ont jamais exprimé les objectifs politiques
« classiques » des mouvements islamistes (instauration de la charia,
d'un califat, etc.).
Quoi qu'il en soit, les ADF encore fréquemment
désignées sous leur ancien sigle
ADF-NALU, semblent avoir forgé une alliance durable
avec le groupe Al-Shebab « la jeunesse » en arabe, issu des tribunaux
islamiques de Somalie et auteur d'attentats sanglants, notamment à
Kampala (74 morts en juillet 2010) et à Nairobi (au moins 62 morts en
septembre 2013 et plus de 300 en 2014). Des combattants des ADF auraient
renforcé Al-Shebab en Somalie, ou se seraient entraînés
dans ce pays, et réciproquement des combattants d'Al-Shabab seraient
présents en RDC81(*). Toujours est-il que cette situation met
particulièrement mal à l'aise la petite communauté
musulmane du territoire de Beni, soupçonnée d'être
complaisante envers les ADF et se plaignant de tensions accrues avec la
communauté chrétienne.
Contrairement à de nombreux groupes congolais, les ADF
disposent d'un commandement centralisé. Leur chef, Jamil Mukulu, est
à la tête du mouvement depuis 2007, tandis que les
opérations militaires sont dirigées par Hood Lukwago. Le taux de
désertion serait particulièrement faible, de même que le
nombre de candidats à un processus DDRRR. Elles disposent d'une grande
variété d'ALPC, y compris d'armes antiaériennes, ainsi que
d'un important réseau de soutien et de financement, implanté
notamment en Ouganda, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et au Royaume-Uni. En
outre, elles tirent des revenus en « taxant » les exploitants de
mines d'or, la production de bois et les motos-taxis dans leur zone
d'activité.
Selon des estimations minimales, leurs effectifs seraient
compris entre 800 et 1 200 combattants, dont de nombreux Congolais
d'ethnie Nande, mais pourraient avoir crû récemment en raison
d'une campagne de recrutement entamée vers la fin 2012. En tout cas, une
recrudescence des activités du groupe a été
constatée à partir de juillet 2013 : outre des combats avec les
FARDC et même avec la MONUSCO, des civils ont été victimes
de meurtres, d'enlèvements et de pillages, qui ont entraîné
la fuite de plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont une partie s'est
réfugiée du côté ougandais de la
frontière.
3.2.3. FORCES NATIONALES DE LIBERATION/FNL
Les Forces nationales de libération (FNL)
étaient un des deux principaux groupes armés, tous deux
d'obédience hutue, apparus au début de la guerre civile qui a
ravagé le Burundi à partir de 1993. Le groupe principal, les
Forces de défense de la démocratie (FDD), a déposé
les armes et s'est transformé en parti politique en 2003, avant de
remporter les élections législatives et présidentielles
burundaises en 2005. Les FNL adoptaient un itinéraire similaire,
annonçant le renoncement à la lutte armée en avril 2009,
puis participant aux élections législatives de mai 2010. Mais le
succès n'a pas été au rendez-vous : le parti au pouvoir a
renforcé sa mainmise sur le Parlement, tandis que les FNL, bien
qu'arrivées en deuxième position, ne rassemblaient qu'environ 15%
des voix des électeurs. Estimant le scrutin entaché de fraudes,
le président des FNL, Agathon Rwasa, et les quatre autres candidats
d'opposition annonçaient leur retrait des élections
présidentielles, tenues fin juin 2010. Puis, disant craindre pour sa
sécurité, Rwasa prenait le chemin de la clandestinité, se
réfugiant peut-être au Sud-Kivu, pour ne réapparaître
qu'en août 2013 à Bujumbura.
Depuis 2009, si une pacification précaire semble
prévaloir au Burundi où les FNL sont devenues la principale force
de l'opposition politique, un groupe armé du même nom a
développé ses activités en RDC. Il y est dirigé,
depuis février 2012, par le « Général » Aloys
Nzamapema et est actif dans les territoires de Fizi et d'Uvira (Sud-Kivu). Ce
groupe n'a plus guère d'activité militaire au Burundi, si ce
n'est l'un ou l'autre raid dans des régions frontalières pour y
voler du bétail ou enlever des jeunes recrues, mais y conserve un solide
réseau de soutien. Les FNL semblent également disposer de bonnes
connexions avec la Tanzanie, d'où leur parviennent
régulièrement, non seulement des jeunes recrutés dans les
camps de réfugiés burundais, mais aussi des cargaisons d'armes et
de munitions, dont certaines leur servent à entretenir et forger des
alliances avec divers groupes actifs dans la région, dont les FDLR,
divers petits groupes (hutu et tutsi) burundais et plusieurs groupes
Maï-Maï locaux, dont le principal est le groupe Yakutumba. Par
contre, d'autres groupes lui sont hostiles, notamment la branche des Raïa
Mutomboki établie en territoire d'Uvira : des combats entre cette
dernière et une coalition de combattants FDLR et FNL semblent avoir eu
lieu en mai 2013.
Cependant, les FNL apparaissent comme sérieusement
affaiblies par des dissensions internes. Tout comme Rwasa a été
démis de ses fonctions par une fraction de la branche politique au
Burundi, l'autorité de Nzamapema est contestée par une partie des
combattants FNL vivant en RDC. Une faction, basée apparemment en
territoire de Fizi, est dirigée par le « Général
» Antoine Shuti Baranyanka. En outre, les opérations militaires des
FARDC et de l'armée burundaise, cette dernière n'hésitant
pas, occasionnellement, à pénétrer en territoire
congolais, leur ont infligé de lourdes pertes.
Les effectifs actuels des FNL sont mal connus, mais ne
dépasseraient pas les quelques centaines de combattants.
3.3. ENJEUX DE CES GROUPES ARMES
L'enjeu désigne ce qu'on risque de perdre dans une
partie de jeu et que le gagnant récupère. Il s'agit de ce que
l'on peut gagner ou perdre dans une entreprise ou dans une affaire82(*).
Ainsi, les enjeux poursuivis par ces groupes armés sont
quelques fois complexes à épingler. Cependant, après
plusieurs analyses de leurs modes d'opération et leur manière de
se comporter vis-à-vis des populations dans les zones sous leur
contrôle, nous avons constaté que bon nombre d'entre eux
articulent leurs ambitions sur des enjeux de trois secteurs, à savoir
les secteurs économique, foncier et socio-culturel; et tout ceci
gravitant autour du grand enjeu régional issu des accords de Lemera qui
donnèrent naissance à l'AFDL et que nous analyserons plus tard en
marge de ce point.
3.3.1. L'ENJEU ECONOMIQUE : EXPLOITATION ILLICITE DES
RESSOURCES MINIERES A L'EST DE LA RDC
Les Kivu, à l'instar de l'ensemble de la RDC, sont
l'illustration exemplaire de la « bénédiction des
matières premières » dénoncée par maintes
ONGs. La guerre, l'exploitation des ressources naturelles et la corruption s'y
auto-entretiennent. Le secteur minier des Kivu a été
dominé par la production de cassitérite, jusqu'à
l'effondrement du marché de l'étain en 1985. Un brutal regain
d'activité minière a suivi l'explosion de la demande mondiale de
tantale83(*) à la
fin des années 1990. Ce métal se trouve en effet en abondance
dans le sous-sol des Kivu sous la forme d'un minerai composite, le colombo
tantalite, en abrégé coltan84(*). Il se trouve que la fièvre du coltan a
correspondu à la période d'occupation des Kivu par les militaires
rwandais, ougandais et burundais, période durant laquelle toutes les
ressources naturelles, bois, or, coltan ont fait l'objet d'un pillage
systématique, dénoncé à partir de 2001 par un
groupe d'experts mandatés par l'ONU85(*).
Vendu à 80$ le kilo à l'exportation en janvier
2000, il atteint 800$ en décembre la même année. Les
rebelles du RCD-Goma flairent alors l'aubaine. Le groupe armé
décréta un monopole sur l'exportation du coltan et imposa une
taxe de 10$ par kilo. Par la suite, le RCD refusa de traiter avec les comptoirs
qui ne pouvaient lui fournir plus de 5 tonnes par mois. Rapidement, le
marché tomba entre les mains de la seule Société
minière des Grands lacs (SOMIGL). En quelques mois, elle pouvait
revendre 236 tonnes soit 2,36 millions de dollars au seul profit du
RCD-Goma86(*).
Privés de revenus, les anciens exportateurs se démenèrent
pour attirer l'attention de l'opinion publique mondiale en jouant sur le sort
des gorilles des Kivu.
Mais il n'y avait pas que le coltan. Il y avait
également l'or, le diamant, le bois ou le café qui ont
constitué les ressources du conflit. Et surtout, le Rwanda et l'Ouganda
contrôlaient les recettes commerciales et fiscales
générées dans les territoires occupés par les
rebelles qu'ils soutenaient. Cependant, bien que partenaires dans l'agression
de la RDC à travers leurs armées respectives et les groupes
armés qu'ils soutenaient, le Rwanda et l'Ouganda se sont
révélés des rivaux lorsqu'il s'agissait de contrôler
les rebelles et d'exploiter les richesses congolaises87(*).

Fig. 6 : C. MUSILA, « Economie et
géopolitique de la paix dans le Grands Lacs », fiche
d'analyse, octobre 2014.
En mars 2001, le WWF (World Wildlife Fund ou le Fond Mondial
pour la Nature) et l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la
Nature), relayés par l'acteur américain Leonardo Dicaprio,
appelaient la communauté internationale à suspendre ses achats de
coltan RD-Congolais. Au même moment, un rapport de l'ONU
dénonçait le pillage illégal des ressources naturelles du
pays. Ce premier rapport en appellera d'autres élaborés par un
panel d'experts sur les ressources naturelles. Des entreprises comme Nokia et
Motorola demandèrent alors à leurs fournisseurs de ne plus
s'approvisionner au Congo-Kinshasa mais de se tourner vers le Canada, le
Brésil et l'Australie qui disposent aussi de coltan plus cher et moins
riche en tantale. Le cours de minerai s'effondrait de 2000$ (décembre
2000) à 330$ le kilo (Avril 2001)88(*).
Ces rapports, des campagnes internationales de
dénonciation du pillage des ressources naturelles pour financer la
violence armée ainsi que l'insécurité dans l'Est ont
découragé toutes formes d'investissements formels dans
l'économie minière des Kivu. L'extraction et l'exploitation sont
restées informelles et artisanales, contrôlées pour la
plupart par des groupes armés.
C'est dans ce contexte économique que se
négocièrent les accords de Lusaka. Or, comme le montre la carte
ci-haut, tout l'Est de la RDC est commercialement connecté aux ports
kenyan de Mombassa et tanzanien de Dar-es-Salaam. Les flux transitent par le
Burundi, l'Ouganda et le Rwanda qui, au passage, prélèvent sinon
les exportent comme productions nationales. Ces pays ont tiré un profit
géopolitique des avantages économiques que leur procuraient leurs
appuis aux groupes armés (principalement les différentes
rébellions soutenues par le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda) ou leur
positionnement dans les réseaux d'acheminement de ces flux pour
l'exportation. Ainsi ces rebelles contrôlant des zones minières et
les zones d'exploitation du bois ont pu peser dans les négociations pour
obtenir des positions de pouvoir. Le revenu des ressources pillées
représentaient 280 millions de dollars US89(*). Quant aux évaluations
financières, elles représentaient ½ milliard de dollars
US90(*). Forts de ce
pouvoir économique, leurs parrains quant à eux, ont pesé
de tout ce poids sur la Conférence Internationale sur la Région
des Grands Lacs (CIRGL) qu'ils ont politiquement contrôlée. Les
accords de paix et la mise en place d'un secrétariat exécutif de
la CIRGL à Bujumbura n'ont pas empêché
l'insécurité et le soutien de ces pays à des groupes
armés. Au contraire, les rébellions du CNDP de Laurent Nkunda
(2007-2009) et du M23 (2012-2013) ont vu le jour dans le Nord-Kivu et se sont
organisés avec les appuis du Rwanda et de l'Ouganda accusés de
parrains.
Quant au Katanga, naguère poumon économique de
la RDC sous le régime du président Mobutu, avait vu son poids
économique s'éroder et s'effondrer à la suite de plusieurs
phénomènes : la chute du cours de cuivre à la fin des
années 80, l'effondrement de la GECAMINES pillée et mal
gérée ainsi que la baisse vertigineuse de la production
minière. Alors qu'on estimait les évaluations financières
de l'Est à ½ milliard de US$91(*), celles du Katanga étaient estimées
entre 35 et 50 millions à peine. La flambée du cours de coltan et
de la cassitérite des Kivu au début des années 2000 se
produisait alors que le Katanga se débattait à panser les plaies
de son économie causées par la ruine de la GECAMINES. Or le
Katanga minier était contrôlé par le gouvernement
lui-même appuyé par les Etats de la SADC (Angola, Namibie et
Zimbabwe essentiellement). Il y avait donc un déséquilibre
économique et financier entre les deux pôles : les Kivu et le
Katanga, le bassin Est et le bassin Sud, l'Afrique des Grands Lacs (CIRGL) et
l'Afrique Australe (SADC). Mais dès 2006, alors que le groupe
armé de Laurent Nkunda menaçait d'hypothéquer les
élections législatives et présidentielles et les flux
commerciaux des Kivu restent stables faute d'investissements, ceux ci
reprenaient dans le Katanga autour des mines de Tenke Fungurume. En effet, le
nouveau code minier rédigé en 2004 avec l'appui de la Banque
Mondiale encourageait les investissements privés. De son
côté l'Angola, entré en guerre pour protéger
l'enclave de Cabinda92(*)
trop proche du Bas-Congo où l'armée rwandaise pensait attaquer
Kinshasa à partir de la base militaire de Kitona (dans le Bas-Congo),
réclamait ses intérêts qui se négocieront à
travers les renégociations des frontières dans les zones
frontalières minières de diamant qu'avait longtemps
occupées l'UNITA de Jonas Savimbi.
Les relations entre Kinshasa et Loanda se géraient
désormais dans des rapports de frères obligés, tandis que
les investissements dans le Katanga connaissaient un essor qui se traduisait
par des flux commerciaux sur les corridors central (via la Tanzanie) et austral
(via la Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud). L'explosion de la demande de
cuivre par la Chine dès 2007 et 2008 avait fait définitivement
décoller l'économie du Katanga qui est redevenue le poumon
économique de la RDC.
En plus de la société publique,
Gécamines, une centaine d'entreprises minières exploitent des
gisements miniers du Katanga : Tenke Fungurume Mining (TFM) exploite une des
grandes réserves du Cobalt avec un investissement de près de 2
milliards de US$, Chemical of Africa (Chemaf) basée notamment à
Lubumbashi et Kolwezi, exporte les minerais à 99% de teneur de cuivre et
de cobalt. Plusieurs petites entreprises minières détenues par
des Indiens, des Israéliens ou des Chinois exploitent des milliers des
carrés miniers.
BASSIN SUD : L'ATTRACTION DE L'AFRIQUE
AUSTRALE

Fig. 7 : C. MUSILA, « Economie et
géopolitique de la paix dans le Grands Lacs », fiche
d'analyse, octobre 2014.
Dès lors, les pays de la SADC où sont
acheminés les flux commerciaux katangais inversaient les
équilibres et prenaient avantage sur ceux du bassin de l'Est. Et, de
plus en plus, la SADC s'intéressait alors aux questions de paix et de
sécurité dans les Kivu où des sociétés
sud-africaines développent des relations commerciales.
La prise de Goma par le M23 en novembre 2012 avait
été vécue comme un traumatisme aussi bien par la RDC que
par la MONUSCO. Paradoxalement, elle a été un électrochoc
qui a invité l'armée congolaise, la CIRGL et l'ONU à
réagir. Ainsi, construite sur des rapports de force régionaux, la
CIRGL s'est vue obligée de s'ouvrir à la négociation
pendant que les pays de la SADC menaçaient d'intervenir militairement
dans la région93(*). Sous cette tension, le Rwanda et l'Ouganda
accusés de soutenir et de tirer les bénéfices
économiques du M23 s'ouvraient à leurs alliés de l'East
African Community tandis que le gouvernement RD-Congolais s'appuyait sur la
SADC qui proposait une solution militaire. La constitution de la brigade
d'intervention au sein de la MONUSCO et dont les soldats proviennent des Etats
de la SADC (Namibie, Malawi, Tanzanie et Afrique du Sud) correspondait à
cette proposition. La signature des accords d'Addis-Abeba élargissait
ainsi la part de la SADC dans la géopolitique régionale des
Grands Lacs à la suite du poids économique du Katanga vers
l'Afrique australe.
Cependant, l'économie minière est très
réactive au marché mondial. Les cours du tantale dont les Kivu ne
sont, au demeurant, qu'un petit producteur en comparaison notamment à
l'Australie, se sont effondrés après l'éclatement de la
bulle spéculative en 2000. En revanche, le minerai d'étain est
aujourd'hui fortement réévalué. Les creuseurs, les
négociants et les comptoirs d'achat, acteurs locaux d'une
activité essentiellement artisanale s'adaptent aux évolutions
d'un marché dominé par quelques grands courtiers internationaux
et industriels nord-américains, européens et asiatiques94(*). Pour Global Witness, «
la situation actuelle dans l'Est de la RDC illustre le fait que l'on ne
s'attaque pas, à l'échelle internationale, aux liens entre le
conflit armé et le commerce mondial des ressources naturelles95(*) ».
L'économie minière s'articule étroitement
avec la guerre et l'insécurité. Tous les acteurs du conflit
participent au pillage des ressources, soit pour financer l'achat d'armes, soit
pour des raisons d'enrichissement personnel. Le premier groupe d'experts de
l'ONU avait déjà mis en évidence le fait que
l'exploitation des ressources naturelles, de moyen de financement du conflit en
était devenue la finalité, et donc la cause de sa
perpétuation. Les rapports, jusqu'à celui remis le 12
décembre 2008 au Conseil de Sécurité, ne sont rendus que
partiellement publics car la dénonciation nominale des acteurs,
notamment des proches de Chefs d'Etat, est politiquement délicate. Mais
ils sont suffisamment explicites pour confirmer que l'on est toujours dans le
même schéma d'exploitation illicite qui, au fond, satisfait tous
les acteurs. Une enquête réalisée en juillet-août
2008 par Global Witness aboutit aux mêmes conclusions : « tous
les groupes militaires sont impliqués dans l'exploitation illicite des
ressources minières ».
Le dernier rapport du groupe d'experts donne des
précisions quant au partage de facto des territoires miniers entre les
groupes armés illégaux, mais aussi les militaires des FARDC. Les
FDLR détiennent les positions les plus importantes; ils comptent parmi
eux des grands commerçants qui négocient avec les comptoirs de
vente ayant pignon sur rue, y compris au Rwanda96(*). Plusieurs brigades des FARDC ne sont pas en reste et
tirent profit de l'exploitation minière, conjointement avec les FDLR ou
le PARECO. Pour ne donner qu'un exemple, les FDLR contrôlent
l'exploitation minière artisanale dans le parc national de
Kahuzi-Biéga; la production est évacuée par
l'aérodrome de Lulingu sous contrôle de la 18e brigade
des FARDC. Les acheteurs à Goma et Bukavu sont parfaitement au fait de
la provenance de ces minerais (cassitérite, coltan), d'autant plus
qu'ils préfinancent souvent les négociants qui, eux, sont au
contact direct des groupes armés contrôlant la production.
L'opacité des réseaux de commercialisation arrange beaucoup de
monde. Les circuits de l'or sont particulièrement opaques, les
activités illégales profitant aux groupes armés, aux
commerçants, aux transporteurs, aux douaniers, etc. avant que l'or
s'envole pour Dubaï, désormais sa destination de
prédilection.
Dans un contexte d'anomie généralisée,
la seule loi qui prévale sur le terrain est celle de la kalachnikov.
Mais si le conflit perdure c'est en grande partie par c'est-que beaucoup
d'acteurs extérieurs y trouvent leurs intérêts. Pour le
Rwanda, la perpétuation de la confusion aux Kivu favorise son entreprise
de peuplement, ses positions économiques dans la commercialisation des
ressources minières et son influence politique. Pour les multinationales
et plus généralement toutes les entreprises mondialisées,
les productions extraites du sous-sol des Kivu par une multitude de creuseurs
misérables sont une aubaine car mises sur le marché à vil
prix, elles permettent des bénéfices considérables tout au
long d'une chaîne de commercialisation où les activités
réputées licites frayent sans vergogne avec le monde obscur de
l'illicite.
Voici un croquis d'un cercle vicieux qui explique le
contrôle violent et instable des territoires riches en ressources
minières :

Fig. 8 : Cercle vicieux tendant vers le
contrôle violent et instable des territoires riches (Source :
Liam Mahony, « Des stratégies non militaires pour la
protection des civiles en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013,
p.11.)
3.3.2. L'ENJEU FONCIER ET L'EXPLOSION DEMOGRAPHIQUE DANS LA
REGION DES GRANDS LACS
Les questions identitaires, les ambitions politiques,
l'exploitation des ressources naturelles n'explicitent que partiellement un
conflit qui renvoie en dernière instance à des causes beaucoup
plus profondes.
Les guerres de la région des Grands Lacs peuvent en
effet s'analyser comme des violences du trop-plein. Les petits espaces du
Rwanda et du Burundi, corsetés depuis la colonisation par des
frontières rigides, sont pris au piège d'une nasse
démographique. La forte baisse de la mortalité amorcée
pendant la colonisation n'a pas été suivie par une baisse
significative de la fécondité : celle-ci est encore proche de 6
enfants par femme au Rwanda; et 6,8 au Burundi. Le taux de croissance approche
les 3% par an conduisant à un doublement de la population en 25 ans. Or,
avec près de 10 millions d'habitants au Rwanda en 2008, sa
densité atteignait déjà 380 hab/km2, ce qui est
beaucoup pour un pays rural à près de 90 %.
Chaque famille paysanne ne dispose plus en moyenne que de 40
ares de terres à cultiver. Qu'en serait-il demain? La question n'est
plus seulement de savoir comment vivront dans une génération
future de 20 millions de Rwandais, mais où? Comme les vents, les
mouvements migratoires vont des hautes pressions vers les basses pressions, ici
démographiques : la migration vers l'ouest, vers les terres moins
peuplées des Kivu s'inscrit dans l'ordre des choses et dans le temps
long. Elle n'a pas posé de problème tant qu'il y eut d'abondantes
disponibilités foncières. Ce n'est plus le cas, même si
l'acuité des problèmes est inégale du fait d'une
répartition différenciée des densités97(*) : en quelques
décennies, la saturation foncière a complètement
changé la donne, multipliant les conflits pour la terre, dressant les
autochtones contre les étrangers dans un contexte juridique confus
où droits coutumiers et droit moderne incarné par l'Etat se
chevauchent98(*).
Circonstance aggravante, les migrants tutsis sont
principalement des éleveurs qui ont besoin de vastes étendues
pour leurs troupeaux. Ils ont trouvé des conditions idéales pour
leur activité dans les pâturages d'altitude, mais la constitution
de grands domaines d'élevage réduit d'autant les terres de
culture99(*). La question
foncière constitue le fondement socioéconomique structurel des
conflits des Kivu, lieu d'une véritable « conquête
foncière » liée à une immigration mal
contrôlée depuis les indépendances100(*). La création du vaste
parc national de Virunga sous l'administration belge a, en outre, soustrait 800
000 hectares à l'activité agro-pastorale, au coeur de la zone la
plus peuplée du Nord-Kivu. Celle de Kahuzi-Biéga, 600 000
hectares au Sud-Kivu.
Pendant la guerre civile, les troupeaux ont beaucoup souffert
de la présence de militaires, quels qu'ils soient. Seuls quelques grands
ranchs protégés par des milices armées ont pu sauver une
partie du cheptel. Après des années de décapitalisation,
les éleveurs reconstituent leurs troupeaux : des convois de camions
chargés de bovins provenant du Rwanda en direction du Masisi restaurent
le patrimoine des Tutsis, réactivant par là même
l'hostilité des agriculteurs autochtones qui s'estiment privés
des terres nécessaires pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Les
restrictions au pacage imposées au Rwanda renforcent cette migration
bovine. Selon le rapport des Experts, des transactions foncières ont
lieu dans les zones contrôlées par le CNDP :
bénéficiaires, des hommes d'affaires proches des rebelles, et des
officiers. Les violences récurrentes entre Maï-Maï et Tutsis
ont pour principal fondement cette compétition pour une terre de plus en
plus rare et donc disputée : elles ne sont pas prêtes de
s'arrêter.
La question foncière, principale cause des violences
interethniques, ne date pas d'aujourd'hui, mais elle n'a cessé de
s'aggraver au rythme d'une croissance démographique qui fait de la terre
l'enjeu central des conflits sociaux101(*). Les mutuelles agricoles apparues après
l'indépendance eurent d'emblée une forte identité
ethnique. L'ACOGENOKI (Association coopérative des groupements
d'éleveurs du Nord-Kivu) était à prédominance
tutsie, tandis que la MAGRIVI (Mutuelle agricole de Virunga)
représentait les intérêts des agriculteurs hutus. On mesure
à travers ces mutuelles l'articulation étroite entre enjeux
fonciers et crispations identitaires dans un contexte de pression
démographique critique. La situation devient chaque année plus
insoutenable dans ce petit espace saturé d'Afrique centrale où la
guerre semble s'être substituée aux famines comme
régulateur démographique. La dernière grande famine, en
1943-1944, aurait fait selon certaines sources un million de victimes au
Rwanda-Urundi, dont plus de la moitié au Rwanda pour une population de
l'ordre de 2 millions des personnes. Si ces chiffres étaient exacts,
cela représenterait une énorme saignée d'environ 25 % de
la population102(*).
Famine et massacres provoquent de terribles à-coups
démographiques qui traduisent un déséquilibre structurel
entre population et ressources. Les thèses dites «
néo-malthusiennes103(*) » comme celle de l'école de
Toronto qui autour du politologue Thomas Homer-Dixon s'intéressent aux
conflits environnementaux et aux liens de causalité entre pénurie
et conflit, peuvent être sans difficulté appliquées
à la situation des Kivu. Sans une politique de population résolue
portant sur l'organisation des flux migratoires et surtout sur les moyens de
ralentir la croissance démographique dans ces hautes terres africaines
qui comptent parmi les plus prolifiques du monde, il n'y a aucun espoir
d'apaisement durable des tensions et de disparition des terribles violences
périodiques qui rythment l'histoire des Grands Lacs depuis quelques
décennies. Quand on connaît les effets d'inertie
démographique, on ne peut que s'inquiéter de l'absence des
questions de population dans les initiatives visant à restaurer la paix
dans la région. Les sommes faramineuses dépensées sans
résultat tangible par l'ONU seraient plus utiles si elles étaient
consacrées au développement socio-économique et à
la résolution de cette question cruciale qui conditionne toutes les
autres. Les politiques actuelles, qu'elles soient nationales ou portées
par des acteurs internationaux, restent malheureusement à courte vue,
car elles ne vont pas au fond en ignorant le lien étroit entre guerre et
démographie.
3.3.3. ENJEU SOCIO-CULTUREL : LA DIMENSION IDENTITAIRE ET
ETHNIQUE
Dans les mille-feuilles des identités, trois grandes
strates d'antagonismes peuvent être identifiées :
Ø Autochtonie/Allogénie
Les Kivu ont longtemps été une terre d'accueil
pour les migrants originaires du Rwanda. Moins peuplé que celui-ci, il
lui a servi d'exutoire démographique : les migrations spontanées
ou organisées par l'administration coloniale belge dans le cadre de la
Mission d'Immigration de Banyarwanda (MIB) mise en place en 1937, ont
drainé des flux de migrants estimés à 200 000 pour la
période coloniale et 100 000 pour la première décennie
d'indépendance. Bien qu'il n'y ait pas eu de recensement
démographique depuis 1984 et que les comptages ethniques soient l'objet
de manipulations, il est avéré que les territoires de Rutshuru et
de Masisi sont majoritairement peuplés de hutu
« Rwandophones ». Dans le Bwisha (au nord-est de Rutshuru)
jadis dépendant du royaume du Rwanda, leur présence a des racines
anciennes.
A Masisi, la migration n'a pris toute son importance
qu'à partir du mandat belge. Les populations réputées
« autochtones » (pour ne pas dire les premiers occupants),
c'est-à-dire installées avant l'arrivée des migrants
rwandais, se sont senti progressivement dépossédées de
leurs prérogatives foncières et des droits symboliques qui s'y
rattachent. Les tensions se sont cristallisées autour du foncier et de
la question de la nationalité. La révision en 1981 dans un sens
restrictif des critères permettant de se revendiquer comme Congolais
(à l'époque Zaïrois) a privé des dizaines de milliers
de Banyarwanda de la nationalité congolaise104(*), envenimant ainsi les
relations intercommunautaires. A partir de 1990, les perspectives d'un retour
à une démocratie électorale ont renforcé la crainte
des autochtones, là où ils sont aujourd'hui minoritaires, de
passer sous la coupe de ceux qu'ils considèrent encore souvent comme
étrangers. A Kinshasa, la Conférence Nationale Souveraine avait
d'ailleurs fermé ses portes aux Rwandophones sous prétexte de
« nationalité douteuse ». C'est dans ce contexte que les
tensions interethniques à Masisi ont
dégénéré en 1993 en violences armées
opposant les présumés autochtones (principalement les Hunde,
Nande, Nyanga, Tembo, Kumu, Kano) et les immigrants rwandais (Tutsis et Hutus);
elles ont provoqué plusieurs milliers de morts105(*).
Aujourd'hui les tensions sont à nouveau
exacerbées, la guerre ayant tendance à bipolariser les
antagonismes entre les tutsis et hutus, et les groupes ethniques autochtones du
Nord-Kivu récemment regroupés dans le « G7 » :
Nande, Hunde, Kumu, Nyanga, Tembo, Kano et Mbuti.
Ø Hutu/Tutsi
Au début de l'année 1994, un terme avait
été mis aux massacres de Masisi grâce notamment à
l'intervention des autorités coutumières. Quelques mois plus tard
une catastrophe d'une toute autre ampleur s'abattait sur les Kivu : le
déferlement massif des Hutus fuyant le Rwanda devant l'avancée
victorieuse de l'armée du Front Patriotique du Rwanda (FPR). La guerre
du Rwanda, sur fond d'exaspération des haines entre Hutus et Tutsis
jusqu'au paroxysme du génocide de 1994, étendit alors ses
métastases aux Kivu. L'installation durable de plus d'un million de
Hutus dans des camps de réfugiés situés à
proximité de la frontière rwandaise106(*) contribua à
déstabiliser une région déjà fragile,
réactivant l'hostilité des autochtones envers les Banyarwanda,
mais surtout envers les Tutsis congolais, lesquels ne cachaient pas leur
sympathie pour le nouveau régime de Kigali et cela en
référence à la théorie de
« l'opposition
complémentaire » ou
« d'anarchie ordonnée » de
l'anthropologue Edouard EVANS-PRITCHARD107(*), stipulant que la solidarité et les conflits
(fusion et fission) sont le résultat d'un jeu d'oppositions
complémentaires; c.à.d. deux groupes reliés au niveau
généalogique immédiatement supérieur peuvent
s'opposer entre eux mais s'allient contre un groupe de même niveau dont
le rattachement généalogique est plus lointain. Ainsi, plusieurs
milliers de ces tutsis congolais avaient d'ailleurs rejoint les rangs de
l'Armée Patriotique du Rwanda (APR). Beaucoup participèrent
à l'opération militaire initiée par le Rwanda pour
éliminer les camps des réfugiés hutus rwandais aux Kivu.
Ils servirent de couverture à l'offensive de l'automne 1996 et firent le
lit de l'AFDL de Laurent Désiré Kabila. Ils prirent part à
la destruction des camps et aux massacres massifs des Hutus qui l'ont
accompagné. Si les rescapés qui forment aujourd'hui l'ossature du
FDLR ont pu maintenir leur présence aux Kivu, c'est avec la
complicité de certaines autorités locales hostiles aux Tutsis.
Cette hostilité recouvre souvent des rivalités
économiques, comme c'est par exemple le cas parmi les Nande de Butembo
et de Béni dont les grands commerçants sont en concurrence avec
les Tutsis. On assiste ainsi à des recompositions des antagonismes
ethniques, les autochtones pouvant se rapprocher des Banyarwanda hutus dans des
alliances de circonstance contre les Tutsis.
Ø Est/Ouest
Dans le kaléidoscope changeant des identités,
la géographie joue aussi sa partition. Eloignés de plus de 2 500
km à vol d'oiseau de la capitale, le Nord et le Sud-Kivu entretiennent
peu de relations économiques avec l'ouest du Congo. Les échanges
sont tournés vers l'Afrique de l'Est et l'Océan Indien. La guerre
civile a, par la force des choses, renforcé les tendances centrifuges
d'une périphérie coupée de
l'heartland108(*) congolais. Les programmes de reconstruction des
infrastructures de communication ne sont pas suffisamment avancés pour
que l'Est soit à nouveau ancré à l'espace
économique Ouest. Pendant les années de gouvernement du RCD-Goma,
l'Est du Congo a expérimenté une autonomie de gestion qui a
conforté le sentiment « kivutien ». Le rétablissement
d'une administration centralisée à partir de 2003 s'est
très vite heurté à des résistances envers la
lointaine bureaucratie de Kinshasa qui paralyse plutôt qu'elle ne
favorise la gestion des affaires locales. La décentralisation, inscrite
dans la nouvelle Constitution promulguée en 2006, accorde des larges
prérogatives aux provinces, mais elle n'est pas encore en place et se
heurte à la question de la répartition des recettes fiscales dont
40 % doivent en principe revenir aux provinces. En attendant, un rejet commun
des tracasseries de l'administration centrale conforte l'identité
kivutienne. L'attachement au « pays » et une communauté
régionale d'intérêts économiques pourraient
transcender les clivages ethniques et solidariser les habitants des Kivu dans
leur revendication d'une reconnaissance de leur spécificité
à l'intérieur du Congo. A condition bien sûr que les armes
se taisent.
A ces trois couples dialectiques
(Autochtonie/Allogénie, Hutu/Tutsi et Est/Ouest), on pourrait en ajouter
un quatrième si on ne craignait pas d'apporter de l'eau au moulin d'une
certaine paranoïa concernant la francophonie : en Afrique centrale, les
Kivu en représentent le bastion avancé, aux frontières
d'une anglophonie qui progresse dans les espaces disputés des Grands
Lacs. Au Rwanda, jusqu'alors majoritairement francophone, le groupe minoritaire
qui a conquis le pouvoir par les armes est constitué de Tutsis
anglophones (conséquence de leur long séjour dans les camps de
réfugiés en Ouganda). Paul Kagame se refuse
généralement à s'exprimer en français. En octobre
2008, Laurent Nkunda, interrogé sur RFI, s'est exprimé en
anglais, alors qu'il est parfaitement francophone : est-ce un signe
d'allégeance au pouvoir tutsi-anglophone qui règne à
Kigali et à Kampala? Voici une autre question évidente et
délicate de la géopolitique sur
l'homogénéité109(*) de langage.
Ø Logique d'exclusion
réciproque
Ces premières tensions, conséquences des
migrations antérieures et de migrations plus récentes dues
à la pression démographique, ainsi que la résurgence de
plus en plus fréquente des conflits fonciers entre chefs locaux et
populations Rwandophones vont aider à exporter de manière durable
la logique politique et territoriale d'exclusion réciproque selon
laquelle fonctionne déjà le binôme Hutu/Tutsi au Rwanda et
au Burundi. Cette logique sera portée à l'échelle
supérieure et imposée comme applicable à un binôme
Bantou/non Bantou, rendant ainsi la régionalisation du conflit
possible.
Cyril MUSILA110(*) fait la même analyse : « la
systématisation des antagonismes entre Hutu et Tutsi, au Rwanda comme au
Burundi et leur régionalisation progressive sous forme
d'ethno-nationalisme à l'échelle de la région renvoie
à l'intensification des luttes agraires dans ces pays et surtout dans
les Kivu du Congo-Zaïre où il y a encore des terres disponibles.
Alors, sur les territoires des trois pays, lorsqu'une de ces ethnies est
menacée, ses congénères se sentent en devoir de
solidarité pour intervenir ».
Ø Banyamulenge et Banyarwanda
D'autres populations originaires du Rwanda, installées
dans la région d'Uvira au Sud-Kivu, bien avant la conférence de
Berlin de 1885 qui fixa les limites territoriales des colonies (limites qui
deviendront les bases des politiques d'octroi de la nationalité), vivent
depuis le 18ème siècle de manière relativement
paisible. Ce groupement ethnique dit des Banyamulenge, reste cependant absent
de toutes les cartes ethniques coloniales décrivant le paysage humain du
Sud-Kivu et cela jusqu'aux indépendances. Ceci s'explique peut
être par le fait que le terme « Banyamulenge » ne constituait
pas encore, à l'époque, une dénomination ethnique. Il fait
plutôt référence aux habitants du village de Mulenge,
situé sur le plateau de l'Itombwé à Minembwe au
Sud-Kivu.
Le terme se généralise autour de 1967, sur
l'initiative propre des Banyamulenge, dans un souci de différenciation
avec les groupes d'immigrés venus du Rwanda, dans des vagues
d'immigration plus récente, connus sous l'appellation de
« Banyarwanda ». Une problématique renvoyant encore
une fois à l'idée de Philippe Moreau DEFARGES111(*), selon quoi
« tout racisme est une construction
sociopolitique ».
Les Banyamulenge feront, comme nous l'avons décrit plus
haut et ici bas, cause commune avec les Banyarwanda une fois que leurs
intérêts seront menacés, particulièrement sur le
dossier épineux de la « congolité » tournant
autour du droit à la nationalité congolaise. (Cfr La
théorie de l'Opposition complémentaire).
C'est ainsi, tout comme les autres mouvements qui l'ont
précédé (l'AFDL, le RCD et le CNDP), le M23 aussi s'est
présenté comme un mouvement de lutte contre la discrimination
ethnique et pour la défense d'une minorité ethnique (tutsi)
menacée par des «génocidaires» (hutus) et
étiquetée comme "rwandaise" par les congolais autochtones car,
tout en affirmant son identité congolaise, en réalité elle
défend les intérêts de son pays d'origine. Cette
thèse renvoit d'ailleurs à la théorie du suicide d'Emile
DURKHEIM qui fait appel à deux variables, le taux de
suicide qui varie selon le degré d'intégration
sociale faisant appel à son tour à deux cas, à
savoir l'altruisme stipulant que plus on est
intégré dans une société donnée, plus on a
tendance à se sacrifier pour autrui, et contrairement à
l'altruisme, c'est l'égoïsme qui quant à
lui stipule que plus on est moins intégré dans une
société donnée, plus on a tendance à se
recroqueviller et se sacrifier pour soi-même, dont le cas concret dans
cette étude est celui de la tribu tutsi de la région des grands
lacs en général, et celle de la RDC en particulier.
C'est ce refrain qui, répété mille fois,
détermine la vision et les décisions de certains membres de la
communauté internationale, y compris l'envoyé spécial des
Etats Unis d'Amérique pour la région des Grands Lacs, Russel
FEINGOLD qui, dans une interview112(*) accordée à Jeune Afrique, a
déclaré que, selon les experts de la région des Grands
Lacs, «certains groupes ethniques ne se sentent pas à l'aise dans
l'Est de la RD Congo. Il se pose, donc, la question d'une éventuelle
discrimination ethnique». Sans le mentionner explicitement, Russel
FEINGOLD a certainement fait allusion au groupe ethnique tutsi, en devenant,
indirectement, son porte-parole. En réalité, cette tendance du
groupe ethnique tutsi à se poser en victime cache un évident
complexe de supériorité, qui est l'une des "causes profondes" du
conflit dans l'Est de la RD Congo et dans la région des Grands Lacs.
Si la communauté internationale veut vraiment la paix,
il faudra qu'elle commence à traiter l'ethnie tutsi de la même
manière que tous les autres groupes ethniques de la RDC, sans succomber
aux pressions de ses lobbies et sans lui accorder des privilèges (car
étant du ressort national), mais l'invitant plutôt à
s'engager pour une cohabitation pacifique avec tous les autres groupes
ethniques, dans le dialogue et la tolérance et dans le respect de la
diversité culturelle et des lois de l'Etat.
Ø De la zaïrianisation à la
congolité
La première constitution congolaise de 1964 (dite de
Luluabourg) accordait la nationalité congolaise à toute personne
dont un ascendant est ou a été membre d'une tribu
installée sur le territoire congolais en 1885. Bien que l'implantation
des Banyamulenge soit antérieure à 1885, ils n'étaient pas
répertoriés par la colonisation belge comme une ethnie
jusqu'à l'indépendance en 1960. De ce fait, le droit à la
nationalité congolaise va leur être contesté.
C'est sur ce fond que Barthélémy BISENGIMANA,
zaïrois d'origine tutsi, directeur de cabinet du président Mobutu
de 1969 à 1977, tentera de régler le problème en
conférant de manière automatique et collective la
nationalité zaïroise aux populations Rwandophones installées
dans les Kivu par une loi de 1972. Cette loi compliquera les choses, mettant
les populations installées sur le territoire de la RDC avant 1885 (donc
congolaises de droit) et celles provenant des flux migratoires plus
récents dans la même situation créant la plus grande des
confusions. Cette décision, que certains experts considèrent
comme prise dans une optique électorale, va brouiller durablement la
carte. La situation s'avère d'autant plus difficile vu qu'aucun
enregistrement précis des flux migratoires ne pouvait, et ne peut
à ce jour, prouver sans équivoque la période réelle
de l'entrée en territoire congolais de ces populations. Cette
acquisition « en masse » de la nationalité congolaise,
couplée avec les effets pervers de la loi foncière
promulguée dans le cadre de la « zaïrianisation »,
permettra à des hommes d'affaires, des politiques et des notables tutsis
de récupérer des terres, notamment d'anciennes plantations
coloniales, redistribuées par l'Etat. Ces acquisitions de terre vont
conférer un caractère légal aux implantations
foncières des paysanneries tutsies dans les Kivu, et cela en totale
opposition aux usages coutumiers locaux qui gèrent la terre en
régime de propriété clanique ou villageoise.
Cette situation provoque l'indignation des populations
autochtones qui s'estiment expropriées pour la seconde fois (la
première fois par les colons belges) d'une partie de leur territoire par
des tutsis qui demeurent venus d'ailleurs dans l'inconscient collectif.
Cette loi de 1972, a eu un impact politique
déstabilisant, surtout dans la province du Nord-Kivu, permettant en
certains endroits l'acquisition d'une majorité démographique donc
politique à des groupements rwandophones113(*), modifiant ainsi les
équilibres électoraux locaux.
Jouissant d'un nouveau statut politique, économique et
foncier, ces populations, vont peu à peu réclamer plus
d'autonomie au détriment des autorités coutumières
autochtones. Un climat de tension perdure jusqu'à ce qu'en 1981, par un
concours de circonstances facilité par la perte d'influence des
politiciens tutsis sur le régime du président Mobutu (Bisengimana
ayant dirigé le cabinet jusqu'en 1977), une autre loi reviendra aux
dispositions de 1964 et posa durablement la problématique de la «
Congolité ».
Cette loi tente de corriger les effets pervers de la loi
« Bisengimana » par une application plus orthodoxe du principe d'une
nationalité accordable à titre individuel par naturalisation.
Mais en versant dans l'extrême inverse, elle plonge dans «
l'illégalité » et la « clandestinité » une
population qui était devenue par endroit démographiquement
majoritaire, notamment des localités du Nord-Kivu114(*). Ces tergiversations
politiques et administratives vont offrir un cadre institutionnel à une
compétition politico-foncière déjà bien
engagée, et exacerber les tensions entre rwandophones et autochtones,
avec pour conséquence la pérennisation des difficultés
d'administration de la région des Kivu et l'apparition plus ou moins
ouverte d'une xénophobie locale. Celle-ci sera marquée par la
consécration du vocable de « zaïrois » à
la nationalité douteuse pour qualifier tout congolais rwandophone ou qui
parle le kihutu communément appelé kinyarwanda. Cette
incapacité à administrer les Kivu empêchera la tenue des
recensements de 1986 dans cette province (Nord-Kivu) alors qu'ils eurent lieu
partout ailleurs au Zaïre cette même année. La crise
identitaire entre hutuphones (rwandophones) et autochtones est à
l'époque d'autant plus visible que les bureaux d'état-civil ne
cesseront d'être incendiés dans le but de détruire les
documents administratifs nécessaires à tout octroi de la
nationalité. Entre 1991 et 1993, ces tensions vont resurgir de
manière violente, notamment sur le fond du problème de
représentation des Kivu à la Conférence Nationale
Souveraine, comme déjà évoqué, organisée
à Kinshasa pour instaurer un régime démocratique au
Zaïre. Elles vont conduire à la constitution de milices de jeunes,
initiant attaques et meurtres dans les Kivu. Cette situation nécessitera
l'intervention de la Division Spéciale Présidentielle, corps
militaire d'élites du régime du maréchal Mobutu, pour
qu'un semblant d'ordre soit rétabli. Cette « pacification
musclée des militaires de la Division Spéciale
Présidentielle n'a fait que retarder la déflagration
générale que l'onde de choc du génocide rwandais a
précipitée. Celui-ci, avec l'afflux des fugitifs encadrés
par les Forces Armées Rwandaises en fuite et les cortèges des
réfugiés fuyant l'avancée de l'Armée Patriotique
Rwandaise, a balayé comme un ouragan les tentatives de
réconciliation et de résolution des conflits internes aux
Kivu115(*) ».
En effet, les conséquences du génocide Rwandais
vont avoir un impact non négligeable, pour ne pas dire
déterminant, sur la suite des événements et la
régionalisation du conflit. Elles entraîneront la région
dans les affres du cercle vicieux d'où elle peine toujours à
sortir.
Ø Quelques cercles vicieux expliquant
l'intensification de la violence et celle de l'animosité
ethnique
Différents cercles vicieux attisent en permanence les
flammes de la violence au Congo. Les exemples illustrés sur ces pages
donnent une idée de la manière dont les conflits ethniques, les
conflits autour des richesses territoriales et la corruption politique se
perpétuent en s'autoalimentant. Or, il s'agit même là d'une
simplification, car ces cercles vicieux non seulement s'autoalimentent, ils
s'alimentent entre eux.

Fig. 9 : L. MAHONY, « Des
stratégies non militaires pour la protection des civils en
RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.11.

Fig. 10 : L. MAHONY, « Des
stratégies non militaires pour la protection des civils en
RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.11.
Cycle infernal de la pérennisation de la
violence politique

Fig. 11 : L. MAHONY, « Des
stratégies non militaires pour la protection des civils en
RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.12.
3.3.4. ENJEU REGIONAL DES CONFLITS DES GRANDS LACS
Le Rwanda et l'Ouganda trépignent
d'impatience à l'idée d'engager à nouveau leurs
armées sur le sol congolais. Les présidents rwandais Paul Kagame
et ougandais Yoweri Museveni ont créé une force commune
dénommée « Eastern Africa Standby Force
(EASF) » dont ils comptent se servir pour envahir
ouvertement le Congo, officiellement afin de combattre les FDLR face à
« l'inefficacité de la MONUSCO ». Parallèlement, en
dépit des démentis, ils parrainent la création d'une
nouvelle « rébellion des tutsis » sur les ruines du M23 dont
les membres se sont installés dans les deux pays après leur
défaite en 2013, entre autre « Mouvement Chrétien pour
la Reconstruction du Congo/MCRC en sigle ».
Mais quelle que soit la forme que prendra le nouvel engagement
militaire rwando-ougandais sur le sol congolais, les motivations des deux pays
n'auront rien à voir avec les justifications officielles. En
réalité, les présidents Museveni et Kagame craignent que
le départ de Joseph Kabila, leur allié à Kinshasa, soit
synonyme d'un coup d'arrêt à leurs prétentions
territoriales sur le Congo. Les deux dirigeants envisagent toujours d'annexer
les régions de l'Est du Congo en application des accords de Lemera, un
dossier qui a fait couler beaucoup d'encre et de sang, et sur lequel nous
baserons nos analyses en termes d'enjeu régional des Grands Lacs.
En effet, face aux difficultés de Joseph Kabila
à modifier la Constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir,
Rwandais et Ougandais prennent des précautions. L'arrivée
à Kinshasa d'un président issu du vote des Congolais et non des
maquis rwando-ougandais116(*) pourrait compliquer l'application des « pactes
secrets » noués entre Kabila, Kagame et Kaguta. Le nouveau
président à Kinshasa devrait considérer qu'il n'a pas de
comptes à rendre à Kigali et à Kampala. Mais en
positionnant leurs hommes sur le sol congolais alors que leur allié est
encore au pouvoir à Kinshasa, Museveni et Kagame se mettraient en
position de force. Ils pourraient perturber le calendrier électoral
à Kinshasa pour permettre à Kabila de poursuivre son règne
par la force des choses. Ils pourraient également obtenir, des
potentiels successeurs à Kabila, l'engagement qu'ils poursuivront
l'exécution de ces accords secrets. Si militairement le Congo n'est pas
en situation de s'opposer au déploiement des troupes des deux pays sur
son sol, l'affaire pourrait toutefois prendre une tournure politique
inattendue. Elle pourrait remettre brutalement dans les débats l'affaire
de la balkanisation du Congo et les accords de Lemera, un « brûlot
» sur lequel il faut revenir pour comprendre la récurrence des
évènements tragiques qui endeuillent l'Est du Congo depuis
1996.
Les accords de Lemera sont un sujet qui déchaîne
les passions mais qu'on gagne toujours à aborder parce qu'il constitue
la principale explication à l'acharnement des présidents Kagame
et Museveni sur le Congo. Il est vrai que les deux présidents tirent de
confortables rentes pour leurs régimes respectifs en parrainant le
pillage des ressources minières de l'Est du Congo. Mais leur principale
motivation est « d'obtenir l'annexion pure et simple de
l'Est du Congo à leurs pays », une
prétention dont ils ne se cachent pas117(*). En obtenant de Joseph Kabila la nomination de leurs
soldats dans les rangs des FARDC et leur cantonnement dans les régions
convoitées de l'Est, les deux présidents prennent l'option de
mettre un jour les Congolais devant le fait accompli. On estime à
environ 35 000 le nombre des soldats rwandais opérant dans l'Est du
Congo118(*), quant au
Général rwandais Kayumba Nyamwasa, ancien chef d'Etat-major de
l'armée rwandaise, aujourd'hui en exil, a reconnu que l'armée
rwandaise est toujours engagée au Congo sans fournir de chiffre
précis sur les effectifs. Avec le déploiement annoncé des
troupes rwandaise et ougandaise sur le sol congolais, la masse critique
pourrait être facilement atteinte. Les Kivus tomberaient comme un fruit
mur, Kinshasa reconnaissant ne plus avoir le contrôle des troupes
déployées dans l'Est. La méthode douce d'application des
accords de Lemera aura payé.
Pour revenir au début, les accords de Lemera sont un
document par lequel un groupe de Congolais actait le principe de la cession de
l'Est du Congo au Rwanda, à l'Ouganda et au Burundi. Il s'agit des
représentants des quatre composantes de l'AFDL, la «
rébellion » derrière laquelle les armées rwandaise,
ougandaise et burundaise ont mené l'agression contre le Congo (alors
Zaïre) en 1996. Laurent-Désiré Kabila, le
général André Kisase Ngandu, Anselme Masasu Nindaga, et le
leader tutsi Déogratias Bugera le seul survivant du groupe, qui par une
coïncidence étonnante est tutsi de père et de mère.
Les trois autres ayant été tués dans des circonstances
diverses119(*).
L'article 4 du document stipulerait : « l'Alliance s'engage
à céder 300 km aux frontières du pays, pour
sécuriser ses voisins ougandais, rwandais et burundais contre
l'insurrection rebelle ». Le document a été
révélé par l'auteure britannique Claudia Mc Elroy dans son
ouvrage intitulé « Search of Power (à la
recherche du pouvoir) » et repris par le journal «
UMOJA » dans son édition du 4 avril 2000120(*).
Les accords de Lemera seront toutefois difficiles à
faire accepter. Le principal signataire, Laurent-Désiré Kabila,
sera même obligé de les renier publiquement lorsque le 28 juillet
1998 il lance cette phrase lourde de sous-entendu : « je n'ai
pas vendu le pays ». Il venait, la veille, d'ordonner aux
soldats rwandais de quitter le Congo. Mais Kagame et Museveni n'accepteront
jamais que ce pacte ne fût pas respecté. Le 02 août 1998,
ils déclenchent la Deuxième Guerre du Congo qui sera le conflit
le plus meurtrier au monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Des milliers de
Congolais vont mourir, la moitié étant des enfants et les femmes.
L'essentiel des massacres des Congolais a lieu dans les territoires que les
deux pays ambitionnent d'annexer. La guerre va toucher à sa fin
après l'assassinat du président Laurent-Désiré
Kabila et son remplacement par un homme proche de Kagame et Museveni en la
personne de Joseph Kabila. Depuis, la politique menée par Kinshasa
confirme l'exécution « en douceur » du projet d'annexion des
territoires de l'Est du Congo par le Rwanda et l'Ouganda.
Ø Le Modus Operandi pour la conquête de
cet enjeu
Concrètement, les deux présidents, Museveni et
Kagame, créent des « rebellions congolaises » de
façade, derrière lesquelles vont opérer leurs
armées respectives. Une fois ces troupes projetées sur le sol
congolais, le régime de Joseph Kabila s'arrange pour que les soldats
congolais perdent les batailles face aux agresseurs. La plus scandaleuse de ces
défaites a été organisée en novembre 2012 lorsque
l'armée rwandaise, opérant sous couvert du M23, s'est
emparée de la ville de Goma, les soldats congolais ayant reçu
l'ordre de ne pas se battre pour ne pas gêner la progression des
agresseurs121(*).
Certaines trahisons sont toutefois lourdes de conséquences122(*), mais les enjeux sont
ailleurs. Vainqueur militairement, le Congo se présente à la
table des négociations en début décembre 2012 à
Kampala. Le principe de l'amnistie figure en tête des exigences, ce qui
permet aux agresseurs d'être continuellement à l'abri de
poursuites judiciaires pour les crimes de guerre qu'ils commettent et libres de
recommencer les attaques contre le Congo123(*). La dernière fois en date fut le 12
décembre 2013 avec la signature des accords de Nairobi. Ils
donnèrent lieu à la loi d'amnistie qu'a promulguée le
président Kabila le 11 février 2014124(*).
En plus de l'amnistie, les rebelles (des faux rebelles mais
des vrais soldats rwandais et ougandais) obtiennent du gouvernement de Kinshasa
le droit d'intégrer l'armée congolaise. La dernière vague
s'est opérée en 2009125(*). Le procédé doit être
recommencé plusieurs fois. Tout le « génie »
derrière est de permettre à Kagame et Museveni de disposer d'un
maximum de leurs soldats dans les rangs de l'armée congolaise afin que,
le moment venu, ces derniers, positionnés à des postes
stratégiques dans la hiérarchie des FARDC et dans les territoires
convoités de l'Est, mettent un jour les Congolais devant le fait
accompli en proclamant la fin du contrôle de Kinshasa sur ces
territoires. Paralysée par les infiltrations, l'armée congolaise
sera mise à genou avant le moindre combat et le Kivu tombera comme un
fruit mur. Si le Rwanda et l'Ouganda ont réussi le pari des
infiltrations, ils restent confrontés à l'hostilité des
populations congolaises. Mais grâce aux massacres
répétés et à l'impunité dont ils
bénéficient de la part du régime de Kinshasa et de la
communauté internationale, ils sont à peu près
persuadés qu'ils finiront par briser la résistance des
populations congolaises. C'est que les deux présidents ne sont pas seuls
à la manoeuvre. Le projet visant à faire perdre au Congo ses
régions de l'Est semble être déjà acté dans
plusieurs milieux occidentaux, comme en témoignent les
déclarations, parfois intempestives, de certaines personnalités
de premier plan.
La plus spectaculaire des déclarations actant la perte
de l'Est du Congo au profit du Rwanda et de l'Ouganda a été faite
en 2011 par Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d'Etat américain
aux Affaires africaines pour qui au département d'Etat,
« le Kivu fait partie du Rwanda »126(*). Quinze ans
avant Herman Cohen, c'est un autre dirigeant américain qui mettait une
croix sur les populations congolaises de l'Est. En octobre 1996, lors du Forum
pour la réglementation internationale, Walter Kansteiner127(*), a défendu la
thèse de la création d'un Tutsiland dans l'Est du Congo128(*). Sa nomination par George
Bush au poste d'assistant du secrétaire d'Etat pour l'Afrique en 2001 va
même susciter l'inquiétude chez plusieurs observateurs, dont
Cynthia Mc Kinney, représentante démocrate de Géorgie, qui
prendra l'initiative d'écrire au président George W. Bush pour
lui exprimer sa « grande préoccupation » face à cette
nomination « qui pourrait augurer une diplomatie américaine
cauchemardesque pour le règlement de la guerre tragique en RDC
»129(*). Le 11
février 2013, dans une intervention devant le Brookings Institute de
Washington, le Sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires
africaines, Johnnie Carson, a indiqué que la solution pour ramener la
paix en RDC devra emprunter les schémas de l'ex Yougoslavie ou du
Soudan, voulant dire par là que la balkanisation de ce pays était
un passage obligé130(*). Et il n'y a pas que les dirigeants
américains militant pour le démantèlement du Congo.
En janvier 2009, le président français Nicolas
Sarkozy, a affirmé au cours du voeu au corps diplomatique que
« le Congo doit partager son espace et ses richesses avec le
Rwanda »131(*). La phrase a provoqué un
tollé obligeant le président français à
modérer ses propos. En mars 2009, il va effectuer une courte visite
à Kinshasa pour tenter de calmer la colère des Congolais, mais le
mal était fait. Il effectuera une visite à Kinshasa pour tenter
de rassurer les Congolais. Voyage inutile pourtant puisqu'il s'est agi de
rencontrer Joseph Kabila dont la politique vis-à-vis du Rwanda et de
l'Ouganda consiste, justement, à faire aboutir ce projet. Mais il y a
pire. Dans son ouvrage « Le Canada dans les guerres en
Afrique centrale », l'analyste des questions
géopolitiques Patrick Mbeko pointe du doigt deux autres
personnalités de premier plan, a priori au-dessus de tout soupçon
: le Secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, et l'ancien
ministre français des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner132(*).
En gros, des « gens puissants » travaillent à
faire éclater le Congo. On sait que cette entreprise de destruction est
synonyme de catastrophe pour la population.
3.4. LES STRATEGIES DEPLOYEES PAR CES GROUPES
ARMES
La stratégie couvre deux dimensions. En premier lieu,
c'est l'art de faire concourir la force à atteindre (buts de la
politique), ensuite c'est l'art de la dialectique des volontés employant
la force pour résoudre leur conflit. Ainsi, on ne saurait pas gagner le
combat sans la mise en oeuvre des stratégies. De ce fait, la
stratégie correspond également à l'art de conduire les
armées en vue d'obtenir la victoire. C'est l'art de
réfléchir aux voies et aux moyens qui seront nécessaires
pour gagner.
3.4.1. LA STRATEGIE DU CHAOS EN RDC
Dans une région riche et convoitée, on choisit
d'abord un Etat pivot133(*). Ensuite, à partir de cet Etat, on provoque
et on entretient les conflits. On encourage les viols, on occasionne les
déplacements des populations, on génère la famine, des
maladies, bref, on engendre une atmosphère de désolation. De ce
chaos doit émerger un ordre nouveau reposant sur l'anéantissement
des peuples et permettant à la minorité des
privilégiés constituant le 1% de maintenir leur train de vie
princier134(*). Toutes
les guerres qui se produisent au Congo ont pour enjeu le contrôle des
matières premières, dont les riches gisements miniers du
pays135(*). Pour
entretenir durablement le chaos, les « stratèges » commencent
par remporter la bataille de l'information. Dans le cas du Congo, le
contrôle de l'information se traduit par une gigantesque masse des
désinformations destinées à dissimuler, non seulement les
vrais enjeux de la guerre, mais surtout les personnalités et les
multinationales qui se procurent, derrière le chaos entretenu, des
profits faramineux.
Pour que perdure cette économie du chaos qui permet
aux multinationales anglo-américaines d'engranger des profits toujours
faramineux, un dispositif politique a été mis en place. Il est
articulé autour d'un triumvirat136(*) associant les trois présidents tutsi/hima de
la région et leurs pays respectifs répondant à la formule
3K2, dont Kampala de
Kaguta dans le rôle de l'architecte,
Kigali de Kagame dans le rôle du
maître d'ouvrage et Kinshasa de
« Kabila »137(*) dans le rôle du «
cheval de Troie ». Les trois hommes, par leurs armées respectives,
ont pour mission de maintenir le Congo dans une situation permanente d'Etat
raté, avec une armée congolaise continuellement paralysée
et mise dans l'incapacité de s'imposer, même face à un
banal groupe armé. De ceci, découle la question de savoir
Pourquoi? Parce qu'un Congo qui se redresse, et dont les autorités
prennent le contrôle effectif du territoire national, serait un frein aux
intérêts des multinationales qui gravitent autour des
présidents Kagame, Kaguta et Kabila.
Mais dans le cas spécifique du Congo, à
côté des intérêts des multinationales
anglo-américaines, les désordres fomentés par les trois
présidents servent les objectifs d'une élite régionale,
l'élite tutsie rwandaise. Cette dernière, bien que n'appartenant
à aucune des tribus autochtones congolaises138(*), avaient tout de même
revendiqué, dès 1981, dans une lettre adressée au
Secrétaire général de l'ONU139(*) dont copie en annexe,
l'ambition de détacher la riche région du Kivu pour la rattacher
progressivement au Rwanda. Ce qui est quasiment en train de se réaliser
grâce au travail destructeur des trois présidents140(*). Le drame pour le Congo est
que les ambitions de cette minorité régionale coïncident
avec les intérêts de la minorité des
privilégiés occidentaux, les fameux 1%, qui maintiennent leur
train de vie en entretenant le chaos dans différentes régions
riches du monde.
Dans le cas du Congo, les présidents Museveni et
Kagame, avec l'appui des Américains et des Britanniques, «
fabriquent » des mouvements armés et utilisent leurs réseaux
auprès des médias occidentaux pour faire croire à
l'opinion internationale qu'il s'agit de « rébellions congolaises
». En réalité, il s'agit de bataillons de leurs propres
armées dont les unités sont formées dans les bases de
Jinja, en Ouganda; de Gako, de Butotori et de Gabiro au Rwanda par des
instructeurs américains et britanniques. Une fois ces bataillons ont
franchi les frontières du Congo, Joseph Kabila, qui fait partie de
« la bande des 3 » (les trois K), organise
la défaite des soldats congolais et laisse les villes congolaises tomber
entre les mains des bataillons ennemis, à travers des ordres
contradictoires au sein des FARDC, mais aussi à partir de cessez-le-feu
et des retraits stratégiques stériles. Viennent ensuite des
négociations qui, en réalité, sont une mascarade. Lorsque
Joseph Kabila arrive dans ces négociations il est tout heureux de
retrouver ses paires Kaguta et Kagame. Ces négociations aboutissent
à au moins deux « compromis » : les « rebelles »
(faux rebelles mais vrais soldats rwandais/ougandais) obtiennent des amnisties
collectives ou individuelles décidées par le gouvernement faible
de Kinshasa. Ensuite, ils sont intégrés dans l'armée
congolaise.
La dernière vague des troupes rwandaises
intégrées dans les rangs de l'armée congolaise s'est
opérée en décembre 2009, et dans les mois qui ont suivi,
en marge des opérations « Umoja wetu » et « Amani leo
». C'était en application d'un accord secret conclu par le
représentant de Joseph Kabila, en la personne du Général
John Numbi, et Laurent Nkunda sous la supervision du Général
rwandais James Kabarebe141(*). Plusieurs milliers de soldats rwandais avaient
passé la frontière congolaise, officiellement pour mener avec les
Congolais une lutte conjointe contre les rebelles hutus rwandais des FDLR, qui,
à notre humble constat, sont devenus le prétexte dont se servent
les élites occidentales et leurs médias pour légitimer
l'occupation et le pillage de l'Est du Congo par les hommes de Kagame. Deux
mois plus tard, une mascarade fut organisée à Goma pour faire
croire à l'opinion internationale que les troupes rwandaises avaient
regagné leur pays. Un de ces gros mensonges auxquels les trois
présidents et leurs parrains occidentaux ont habitué les
Congolais, Patrick Mbeko estime que plus de 12 mille soldats rwandais
arrivés sur le sol congolais avaient disparu dans la nature. Pour aller
où? Cette opération visait, en réalité, à
accroitre le nombre des agents rwandais infiltrés dans les rangs de
l'armée congolaise, pour aboutir à une autre stratégie que
nous avons qualifiée de stratégie de « LEAK AND
LEAD »142(*) ou encore de
« L'ENTRISME » voire
« DU NOYAUTAGE »; c.à.d. ce que les
forces des agresseurs n'ont pas obtenu par la kalachnikov, risque d'être
atteint par la politique, au regard des orientations stratégiques
actuelles, où nous avons constaté que les intégrations
militaires sont imparfaites et se présentent comme un amalgame de
militaires où chacun continue à protéger les
intérêts de son ancien groupe et où les infiltrations sont
encore dominantes, suite à des accords qui permettent, à chaque
fin de guerre, de placer au sommet stratégique, tant au sein des forces
de l'ordre qu'au sein de l'administration publique, des responsables politiques
et militaires dont on a pas la maitrise parfaite de la tendance et la
capacité concernant le degré de nationalisme et la défense
des intérêts de la nation. Enfin, il y a le risque d'inverser la
tendance à partir du sommet, soit par la prise en otage du pays, soit
par un manque de liberté d'action des hommes politiques congolais qui
seront dans l'obligation de jouer le jeu de l'adversaire. De tout ce qui
précède, on enregistre un taux élevé de trahison et
des infiltrations des forces congolaises par les hommes à la solde des
armées des adversaires et leurs alliés.
3.4.2. LA STRATEGIE DE PARRAINAGE DES ETATS DE LA REGION AUX
GROUPES ARMES ETRANGERS OPERANT EN RDC
Tout en opérant contre un
gouvernement, les groupes armés bénéficient, cependant, du
soutien de certains autres gouvernements.
Ainsi, commençant par les groupes armés
étrangers opérant en RDC jusqu'à ceux nationaux, voici
à travers certains passages déjà mentionnés, les
différents soutiens de gouvernements que bénéficient ces
derniers tant en termes de munitions et équipements, qu'en termes de
recrutement des éléments au compte de ces derniers à
savoir :
× Pour les FDLR, leurs ressources proviendraient
principalement de financements de la diaspora hutue rwandaise dont la
majorité vit en Allemagne. Par contre, au Nord-Kivu, après une
forme de pacte de non-agression conclu avec les FARDC, une alliance
dirigée contre le M23 semble avoir été nouée. Selon
divers témoignages d'ex-FDLR et de soldats FARDC recueillis par le
Groupe d'experts de l'ONU, des munitions et des renseignements
opérationnels auraient été fournis par les FARDC aux FDLR.
Un porte-parole de l'armée congolaise a reconnu, le 12 septembre 2013,
que, depuis la création du M23, les FARDC avaient dû ralentir la
traque des FDLR.
× Pour les Forces démocratiques alliées
(Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée nationale pour la
libération de l'Ouganda (National Army of the Liberation of
Uganda/NALU), ces dernières se sont unies en 1995, à
l'instigation des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux
d'affaiblir un adversaire commun, qui n'est autre que le président
Yoweri MUSEVENI. Elles disposent d'une grande variété d'ALPC, y
compris d'armes antiaériennes, ainsi que d'un important réseau de
soutien et de financement, implanté notamment en Ouganda, au Burundi, en
Tanzanie, au Kenya et en Royaume-Uni.
× Quant aux FNL, elles semblent également disposer
de bonnes connexions avec la Tanzanie, d'où leur parviennent
régulièrement, non seulement des jeunes recrutés dans les
camps de réfugiés burundais, mais aussi des cargaisons d'armes et
de munitions, dont certaines leur servent à entretenir et forger des
alliances avec divers groupes actifs dans la région, dont les FDLR,
divers petits groupes (hutu et tutsi) burundais et plusieurs groupes
Maï-Maï locaux, dont le principal est le groupe Yakutumba.
3.4.3. STRATEGIE DE L'ANGE BLEU APPLIQUEE PAR LES NATIONS UNIES
A TRAVERS SA FILIALE EN RDC : LA MONUSCO
L'ONU à travers la Monusco, joue à la
stratégie de « l'ange bleu ». Avec
ses effectifs de 19 815 soldats et un budget annuel d'un milliard et demi de
dollars, elle est incapable de désarmer ne serait-ce qu'un seul groupe
armé. Ceci prouve à suffisance qu'elle n'est pas au Congo dans
l'intérêt du peuple congolais. En attestent les massacres et les
viols qui se commettent à proximité des camps de la Monusco
depuis les 15 ans de sa présence dans le pays. La Monusco travaille pour
d'autres missions qui n'ont rien à voir avec la protection des
Congolais. Ses intérêts sont même tout à fait
contraires aux aspirations du peuple congolais à la paix. Au mieux,
l'action des missions onusiennes en RDC se résume à la seule
stratégie de « l'ange bleu »143(*). Au pire, elle
rend moins visible et légalise la déstabilisation du pays et
l'immixtion étrangère dans ses affaires internes144(*). Pour Patrick Mbeko et
Honoré Ngbanda, la Monusco fait partie de la stratégie du
mensonge destinée à donner aux Congolais l'impression qu'on se
préoccupe de leurs souffrances alors que la communauté
internationale poursuit au Congo des objectifs sans rapport avec les
aspirations du peuple congolais à sa souveraineté et à la
paix. Mais tous les onusiens n'acceptent pas de participer à cette
mascarade (Cfr pp101-102 de ce travail).
3.4.4. LA STRATEGIE DES ACTIONNAIRES UTILISEE PAR LES
MULTINATIONALES MINIERES ET CERTAINS INDIVIDUS
Bon nombre des soutiens que les multinationales et certaines
organisations internationales apportent aux groupes armés, c'est
basé sur des échanges des munitions contre les matières
premières que ces groupes armés exploitent illicitement dans des
zones sous leur contrôle.
Ceci, comme nous l'avons d'ailleurs démontré
à partir des cercles vicieux d'exploitation illicite des matières
premières par les groupes armés, fait à ce que ces
derniers (groupes armés) bénéficient des lobbies dans des
instances internationales à travers ces multinationales qui alimentent
leurs activités industrielles en occident par des ressources qui leur
sont fournies par ces réseaux mafieux de ces milices et groupes
armés, cherchant exutoires et subterfuges à justifier à
tort le pourquoi de l'existence de ces groupes armés, soi-disant qu'ils
sont issus des groupes ethniques marginalisés et par ricochet
frustrés (ex : l'interview de Russel FEINGOLD en faveur de l'ethnie
tutsi), présentant aussi quelques fois le non respect de certains
accords de la part du gouvernement Congolais, etc.
Ainsi, à titre illustratif, voici quelques
multinationales minières répertoriées dans le cadre du
soutien à l'exploitation minière illicite et illégale
à l'Est de la RDC par des groupes armés145(*) :
· Consolidated European Venture de Lundin group;
· Barrik Gold Corporation (BGC);
· Anglo American Corporation (AAC);
· American Mineral Field Inc (AMFI);
· American Diamond Bayers;
· CLUFF;
· Bridge;
· Point Averseas Development of British Virgins
Island;
· Etc.
Nonobstant ces multinationales ci-haut citées, certains
individus, identifiés par le groupe des experts de nations unies, ont
joué un rôle crucial en fournissant un appui, en parrainant des
réseaux ou en facilitant l'exploitation illégale des minerais des
Kivus, entre autres :
· Le Général SALIM SALEH de l'Ouganda;
· Le Général James KAZINI;
· Le Général TIKAMANYIRE;
· JOVIA AKANDWANAHO;
· Le Colonel UTAFIRE;
· Le Colonel MUGENI;
· MKAHALI;
· ATEENYI TIBASIMA;
· MBUSA NYAMWISI;
· NAHIM KIHANAFFER;
· Roger LUMBALA;
· Jean-Yves OLIVIER;
· Jean-Pierre Bemba;
· Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN;
ð Pour les nouveaux venus dans ces circuits de soutien aux
groupes armés régionaux :
· Le Colonel MUYOMBO;
· Le Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la
prison militaire de Ndolo à Kinshasa).
ð Du côté rwandais :
· Ali Hussein (transfert d'or et diamant à Bukavu
et à Kisangani);
· L'ex Général et actuel ministre rwandais
de la défense JAMES KABAREBE;
· VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport
d'amnistie internationale et de Human Rights Watch);
· MOHAMED ALI SALEM;
· TIBERE RUJIGIRO;
· AZIZA KULSUM GULAMALI;
· Etc.
3.4.5. LA STRATEGIE DES CONTRE-ALLIANCES FASTIDIEUSES ENTRE LES
FARDC ET LES GROUPES ARMES LOCAUX MAÏ-MAÏ
Cependant, en ce qui concerne les groupes armés
nationaux, nombre d'entre eux bénéficient du soutien du
gouvernement de Kinshasa, surtout pour les milices Maï-Maï, lorsqu'il
s'agit pour le gouvernement RD Congolais de mener des attaques contre l'un des
groupes qu'il qualifie d'étrangers. Ainsi, pour le cas particulier de la
rébellion du M23 qui, d'ailleurs, a évolué sous divers
noms entre autres RCD-CNDP-M23 et bientôt MCRC, et qualifié
injustement d'un groupe armé local, bénéficie, par une
évidence qui ne fait l'ombre d'aucun doute, du soutien du gouvernement
Rwandais et quelques fois pour des intérêts
politico-économiques, de celui du gouvernement Ougandais. Tandis que le
gouvernement de Kinshasa formait des alliances opérationnelles avec
certains groupes armés, il tenta d'en démanteler
d'autres146(*). A grands
coups d'instruments financiers et de généreuses promesses
relatives à l'octroi des grades et des postes, il fit des offres aux
groupes Maï-Maï placés sous les ordres de Yakutumba, Mayele,
Nyakiliba et Kifuafua; à plusieurs groupes Nyatura; à la Force de
résistance patriotique en Ituri (FRPI) de Cobra Matata; et à une
pléthore de milices à Uvira147(*). Mais fin 2013, seule l'intégration d'une
partie des combattants Nyatura semblait avoir aboutie; les affrontements avec
de nombreux autres candidats à l'intégration se multipliaient,
surtout dans les territoires de Fizi et d'Uvira et dans le district de
l'Ituri.
En août 2013, une vaste offensive FARDC contre le M23,
soutenue par la Brigade d'intervention de l'ONU, récemment mise en place
par les Nations Unies, a remporté plusieurs victoires militaires. Mais
même si celles-ci ont entraîné le
démantèlement du M23, il est probable que les nombreux autres
groupes armés présents dans l'Est du pays continueront d'attiser
la violence, surtout si les matrices de la mobilisation armée ne sont
pas identifiées et anéanties.
3.5. IMPACT SOCIO-POLITICO-ECONOMIQUE DE CES GROUPES
ARMES SUR LA STABILITE NATIONALE ET REGIONALE
La guerre qui sévit en République
Démocratique du Congo, et ses horreurs, sont souvent
présentées comme l'échec du président Kabila et de
la communauté internationale. Il s'agit, en réalité, d'une
réussite éclatante d'une stratégie dont le Congo et les
Congolais sont la cible. Le dernier ouvrage de l'analyste des questions
géopolitiques Patrick Mbeko : « Stratégie
du chaos et du mensonge », en donne une remarquable
démonstration. L'auteur analyse les enjeux qui se trament
derrière les souffrances des Congolais depuis l'acquisition du pays par
le Roi des Belges Léopold II, en 1885, jusqu'à sa mise sous
tutelle actuelle, par les milieux d'affaires occidentaux derrière le
triumvirat (3K) Kaguta-Kagame-Kabila et la Monusco.
Lorsqu'on jette un coup d'oeil sur l'holocauste qui se
déroule au Congo, avec ses millions de morts, les clichés des
reportages sur l'Afrique sont qu'il s'agit de conflits entre tribus africaines
au « Coeur des ténèbres ». Patrick Mbeko, qui
coécrit l'ouvrage avec un excellent connaisseur des enjeux du Congo, en
la personne d'Honoré Ngbanda148(*), va droit au coeur des enjeux et conséquences
de la guerre. A l'appui des enquêtes des Nations-Unies, il
démontre que l'instabilité chronique à laquelle nous
assistons est entretenue à dessein. Il s'agit d'une politique de chaos
sciemment organisée qui a pour objectif d'affaiblir durablement le pays,
d'en faire un non-Etat, réduit au simple rôle de coffre-fort
où les groupes financiers et les élites occidentales puisent
d'immenses richesses naturelles sans être importunés. Il s'agit de
la mise en pratique de la théorie longuement murie du « chaos
constructeur», chère aux stratèges américains.
3.5.1. IMPACT SUR LE BON FONCTIONNEMENT DE L'ARMEE
Il y en aurait plus de 35 milles agents149(*), issus des maquis des
agresseurs, infiltrés dans différents niveaux de l'armée,
de la police et de l'administration publique congolaise. Leur mission vise
à paralyser les actions de l'armée congolaise dans le Kivu. Ils
fournissent des renseignements à l'ennemi et détournent les
livraisons d'armes au profit du camp ennemi. Ils permettent aux « rebelles
» de tendre des embuscades réussies et d'infliger de lourdes pertes
aux soldats congolais déterminés à rétablir le
contrôle de l'Etat sur le Kivu. La plus terrible des défaites
qu'ils ont réussi à faire subir aux soldats congolais s'est
produite en décembre 2007 dans la localité de Mushake,
près de Goma. Sur les 4.500 éléments des FARDC
engagés dans l'opération, 2.300 avaient été
tués150(*) par
des combattants rwandais dirigés par le général tutsi
Laurent Nkunda. L'homme que les médias occidentaux présentaient
comme un « Tutsi congolais » avouera, de retour dans son pays, qu'il
est citoyen rwandais; un sergent de l'armée rwandaise, membre des
services de renseignements rwandais151(*).
Et lorsque, malgré le travail de sape, les soldats
congolais parviennent tout de même à prendre le dessus sur les
semeurs de troubles, les infiltrés ne désarment pas. Les soldats
congolais qui ont brillé sur les théâtres des
opérations au Kivu sont rapidement mutés et
éloignés des missions opérationnelles. Nombreux sont
assassinés quelques temps seulement après les victoires sur les
agresseurs. L'ouvrage de Patrick Mbeko cite plusieurs cas d'assassinat. Il
évoque le cas du général Mbuza Mabé qui,
après avoir libéré la ville de Bukavu des mains des
Rwandais, en 2004, a été rappelé à Kinshasa pour y
laisser sa peau152(*);
mais aussi citons, à titre illustratif, les trois cas récents
d'assassinat des Généraux Lucien Bahuma Ambamba et Mamadou
Moustapha NDALA ainsi que le Colonel BAWILI. Ce travail permanant de sabotage,
mené au coeur même de l'armée congolaise, permet à
Museveni et Kagame d'être rassurés. Les deux dirigeants peuvent
continuer à entretenir le chaos dans les régions riches de l'Est
du Congo, qu'ils ambitionnent d'annexer, sans risque d'être
confrontés à une armée congolaise aguerrie.
3.5.2. IMPACT SOCIAL ISSU DE LA DESINFORMATION DES MEDIAS
INTERNATIONAUX ET DES PAYS COMME LES ETATS-UNIS DANS CE CHAOS EN RDC
Dès le déclenchement de la guerre en 1996, les
Etats-Unis parrainaient les armées rwandaises et ougandaises qui avaient
franchi la frontière congolaise sous la fausse étiquette de
« rebelles banyamulenge » puis de « rebelles de l'AFDL ».
Pour les Américains, le Congo est un trop riche pays pour être
laissé aux seuls Congolais. Sa riche région du Kivu doit
être annexée au Rwanda, un pays petit et pauvre mais dont
l'élite est docile aux yeux des dirigeants américains. Le reste
du Congo devrait ensuite s'effondrer en petites « républiques
corvéables » et faciles à contrôler par les
intérêts anglo-américains. Depuis, les dirigeants
américains et leurs alliés soutiennent le projet de balkanisation
du Congo. Ainsi, en témoignent leurs déclarations, parfois
intempestives153(*).
Pour les Américains, les Britanniques et leurs différentes
officines, l'Est du Congo appartient ou doit appartenir aux hommes de Kagame
avec qui ils réalisent de juteuses affaires, et avec qui ils devraient
continuer à réaliser des affaires toujours plus juteuses si la
balkanisation devient officielle.
Pour ce qui est de la désinformation consistant
notamment à appeler « rebelles congolais » des « soldats
rwandais/ougandais », Patrick Mbeko fait remarquer que les principaux
médias occidentaux sont détenus par des groupes financiers dont
les investisseurs ont des intérêts dans les multinationales
impliquées dans la guerre du Congo. Une partie des noms de ces
multinationales apparaît dans les rapports des experts de l'ONU et que
nous avons susmentionnées au point traitant sur les stratégies
déployées par les acteurs impliqués dans les guerres de
l'Est de la RDC dans ce travail. Lorsque les journalistes parlent de «
rebelles congolais » alors qu'ils savent, du fond de leur conscience,
qu'il s'agit de « soldats rwandais/ougandais », ils obéissent
à la ligne éditoriale qui leur est imposée par les patrons
de leurs organes de presse. Patrick Mbeko qui est lui-même un
journaliste, ne s'offusque pas du fait que son ouvrage, bien qu'en tête
des ventes sur le site www.amazone.fr, ait été boycotté
par les grands médias.
3.5.3. IMPACTS PSYCO-SOCIAUX SUR LES POPULATIONS
CONGOLAISES
Les dirigeants tutsis rwandais/ougandais et leurs parrains
anglo-américains sont toutefois confrontés à un obstacle :
les populations autochtones de l'Est du Congo sont profondément hostiles
au projet de balkanisation. Elles continuent de résister malgré
la complicité du « président » avec les ennemis. Pour
briser cette résistance, le Rwanda et l'Ouganda auraient pris l'option
d'attaquer directement ces populations. A force de les massacrer, de les violer
et de les humilier, en assurant l'impunité aux agresseurs, ces
populations finiront par se persuader qu'elles sont définitivement
abandonnées par Kinshasa154(*). Elles n'auront pas d'autre choix que de se
soumettre à leurs oppresseurs. L'autre enjeu des massacres a des
motivations purement génocidaires. Les populations congolaises
tuées, violées et terrorisées fuient et abandonnent leurs
terres, en général des terres très fertiles ou riches en
gisement miniers. Les terres que ces populations éliminées
abandonnent sont réoccupées par des populations en provenance du
Rwanda et de l'Ouganda. Ce processus d'élimination des autochtones et
leur remplacement par des populations allogènes, devrait mener à
un rééquilibrage démographique dans l'Est du Congo. Il
devrait permettre l'organisation d'un référendum
d'autodétermination. Ce scrutin bénéficiera de l'appui des
pays occidentaux, déjà acquis au projet de balkanisation du
Congo. Les Occidentaux feront en sorte que le vote en faveur de
l'autodétermination l'emporte. Un premier pas vers la balkanisation du
pays.
3.5.4. L'INERTIE ET LA STERILITE DES DECLARATIONS DES ONGs DE
DEFENSE DE DROITS DE L'HOMME
Patrick Mbeko fait remarquer que la question des droits de
l'homme est superbement esquivée dans les instances internationales,
lorsqu'il s'agit des victimes congolaises. Les « droits de l'homme »
des Congolais doivent être sacrifiés au nom des deux objectifs
stratégiques : la balkanisation du Congo et le pillage continu des
ressources minières au profit des milieux d'affaires
anglo-américains. Arrêter et poursuivre en justice les dirigeants
rwandais et ougandais qui organisent les massacres reviendraient, pour les
dirigeants occidentaux, à se priver de précieuses mains dont ils
ont besoin pour réaliser leurs objectifs sur le Congo. Mais pour ne pas
perdre la face, les Occidentaux se partagent les rôles. Les uns
continuent d'armer le Rwanda et l'Ouganda, les autres dénoncent les
crimes, les condamnent et produisent des rapports tonitruants. Mais ils
s'abstiennent d'arrêter les criminels alors qu'ils savent où ils
se trouvent, juste de l'autre côté de la frontière, au
Rwanda et en Ouganda. Les diplomates occidentaux, quant à eux, doivent
montrer aux Congolais qu'ils apportent la paix et la démocratie alors
qu'ils travaillent pour les milieux d'affaires qui tiennent à ce que la
guerre perdure. La guerre doit perdurer parce qu'elle génère des
profits faramineux et reste le meilleur moyen d'amener le Congo à perdre
progressivement ses riches régions de l'Est au profit des pouvoirs
tutsis du Rwanda, de l'Ouganda et des milieux d'affaires occidentaux.
3.5.5. L'IMPLICITE ROLE ET MISSION DE L'ONU EN RDC
L'ONU n'est pas au Congo dans l'intérêt du
peuple congolais. En attestent les massacres et les viols qui se commettent
à proximité des camps de la Monusco depuis les 15 ans de sa
présence dans le pays. Patrick Mbeko fait remarquer qu'en 2003,
l'Opération Artémis, pilotée par l'armée
française, avec à peine 1.500 soldats, avait réussi
à rétablir la sécurité en Ituri en trois
mois155(*). La Monusco,
quant à elle, avec ses effectifs de 19.815 soldats et un budget annuel
d'un milliard et demi de dollars est incapable de désarmer ne serait-ce
qu'un seul groupe armé. En réalité, la Monusco travaille
pour d'autres missions qui n'ont rien à voir avec la protection des
Congolais. Ses intérêts sont même tout à fait
contraires aux aspirations du peuple congolais à la paix. Patrick Mbeko
citant l'ancien président tunisien Habib Bourguiba, fait savoir qu'aucun
gouvernement sérieux n'accepte le déploiement des troupes de
l'ONU sur son territoire. Au mieux, l'action des missions onusiennes se
résume à la stratégie de « l'ange bleu
»156(*). Au pire, elle rend moins visible et
légalise la déstabilisation du pays et l'immixtion
étrangère dans ses affaires internes157(*). Pour cet auteur, la Monusco
fait partie de la stratégie du mensonge destinée à donner
aux Congolais l'impression qu'on se préoccupe de leurs souffrances alors
que la communauté internationale poursuit au Congo des objectifs sans
rapport avec les aspirations du peuple congolais à sa
souveraineté et à la paix. Mais tous les onusiens n'acceptent pas
de participer à cette mascarade. C'est ainsi qu'en octobre 2008, le
Général espagnol Vincente Diaz de Villegas a
démissionné158(*) de son poste de commandant militaire de la mission
de l'ONU au Congo, choqué par ce qu'il avait vu. L'Espagne, qui ne fait
pas partie des pays impliqués dans le pillage du Congo, ne voulait pas
jouer à ce « jeu diabolique ».
3.6. PROPOSITIONS DES CORRECTIONS PERMETTANT D'INITIER
LE CHANGEMENT
Le défi stratégique de la réduction des
conflits et de la protection des civils est de démarrer ou de renforcer
les cercles vertueux pouvant accélérer le changement positif
à plus long terme, tout en freinant ou en bloquant les cercles vicieux
susmentionnés qui en sapent leur potentiel; tout en se basant sur la
noble et illustre pensée d'Emile DURKHEIM qui dit que
« la cause d'un fait social doit être
recherchée dans d'autres faits sociaux », une
pensée qui a été appuyée par celle d'Auguste COMTE
qui stipule « qu'il n'est pas possible de comprendre un
phénomène social particulier sans le remettre dans un contexte
social global ».
Cependant, dans le cadre de proposer certaines pistes de
solutions à ces problèmes conflictuels qui ont plongé
à feu et à sang la région des Grands Lacs en
général et l'Est de la RDC en particulier, il nous est loisible
de procéder par donner ces solutions en premier lieu au moyen des
croquis des cercles vertueux qui expliquent le plus facilement possible la
meilleure voie de sortir notre pays de cette crise, afin de favoriser une
cohabitation pacifique des populations à travers une atmosphère
de liesse, dont :

Fig. 12 : L. MAHONY, « Des
stratégies non militaires pour la protection des civiles en
RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.12.

Fig. 13 : L. MAHONY, « Des
stratégies non militaires pour la protection des civiles en
RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.12
En second lieu, il nous est opportun de faire aussi recours
au troisième principe parmi les six principes de la non violence,
énoncés par le pasteur noir américain Martin Luther King
à savoir : « La lutte doit être
dirigée contre les forces du mal plutôt que contre les personnes
qui font le mal159(*) », une idée qui fait
d'ailleurs référence à la technique
« SUN TZU160(*) » qui stipule, à travers plusieurs
passages de son ouvrage intitulé « Art de la
guerre », « qu'au lieu de s'affronter
directement avec votre adversaire, efforcez-vous de détruire l'arme
qu'il utilise pour vous combattre »; et soutenue
par « la théorie de la dynamique sociale qui
consiste à découvrir et analyser les forces qui président
à l'évolution d'une société ou d'une chose
donnée »; or dans le cadre de la majorité
des groupes armés qui sèment la terreur et la désolation
dans la région des grands lacs en général, et dans la
partie Est de la RDC en particulier, bon nombre sont ceux-là qui ne sont
que de simples sous-traitants, et la RDC ne doit pas seulement se contenter de
négocier avec ces groupes armés en trouvant des solutions qui
s'avèrent toujours vaines et sans effets, mais par contre, elle doit
chercher à négocier avec les parrains voire avec les multiples
mains noires se trouvant impliquées dans ce désastre politique
qui continue à alimenter son instabilité politique et
diplomatique, quand bien même cette dernière recommandation fait
directement allusion à la première question de Jeune Afrique
adressée à l'envoyé spécial des Etats Unis
d'Amérique pour la région des grands lacs, Monsieur Russel
FEINGOLD, dans une interview du 06 décembre 2013, en marge du sommet
Afrique-France, dont copie en annexe.
En définitif, la RDC doit appliquer à la lettre
la théorie de la consubstantialité de la violence à
l'Etat, qui prône le non détachement de la violence à
l'Etat, et qui du reste est soutenue par la célèbre
définition de l'Etat de Max Weber, qui reconnaît à celui-ci
le monopole de l'usage de la violence physique légitime à travers
ses multiples moyens de coercition, dont la police nationale, l'armée
nationale et plusieurs autres services de sécurité, dans le vif
souci de faire asseoir sa suprématie et rétablir
l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national,
autorité jadis bafouée par des groupes armés à
travers les administrations parallèles.
Quant à la problématique de gestion des
minorités ethniques à l'Est de la RDC, surtout celle de tutsis
Banyamulenge au Sud-Kivu, et la problématique de la gestion de
l'immigration, il serait opportun pour le gouvernement congolais de
procéder par promouvoir l'étude et la gestion rationnelle de ces
communautés au niveau national de sorte que ces dernières se
sentent mieux traitées tout en protégeant tous les autres groupes
ethniques minoritaires et majoritaires.
3.7. CONCLUSION PARTIELLE
Constatons en effet que, tout comme la
géostratégie, la géopolitique aussi repose sur la
connaissance et la maitrise des enjeux et stratégies; sachant que les
premiers poussent souvent les acteurs à déployer les secondes
pour leur contrôle. Ainsi, dans le cadre de ce chapitre, nous avons
démontré les stratégies qui sont déployées
par les acteurs, pour s'arroger les enjeux géopolitiques du
repositionnement de la RDC dans la région des Grands Lacs.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude qui a porté sur
« Les groupes armés et la position géopolitique de la
RDC dans la région des Grands Lacs »; Cette dernière s'est
beaucoup plus penché sur la problématique de la dynamique de
naissance de groupes armés à l'Est de la RDC tout en cherchant
à comprendre les relations qui existent entre ces groupes armés
et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands
lacs, mais aussi d'analyser les conséquences sociopolitiques des groupes
armés opérant à l'échelle régionale et ceux
locaux sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la
région des grands lacs. Ainsi, trois questions l'ont orientée
à savoir :
1) Quels sont les groupes armés nationaux et
régionaux qui opèrent en RDC?
2) Quelles sont les relations établies entre les
groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la
RDC dans la région des grands lacs?
3) Quel est l'impact des groupes armés opérant
à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et
régionale?
En guise des réponses provisoires à cette
problématique, les hypothèses suivantes ont été
émises :
1) L'identification exhaustive des groupes armés
nationaux et régionaux opérant en RDC serait illusoire au regard
de la dynamique de leur naissance.
2) Les relations établies entre les groupes
armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans
la région des grands lacs seraient l'établissement des
administrations parallèles dans l'optique d'alimenter l'exploitation
illicite et illégale des ressources minières; le problème
foncier et un surpeuplement tacite conduisant à la thèse
d'envahissement du territoire national par des populations allogènes
donnant lieu à la crise d'identité sociale ainsi qu'à la
quête de l'espace au compte des agresseurs.
3) L'impact des groupes armés opérant à
l'échelle régionale sur la stabilité nationale et
régionale serait multidimensionnel à analyser sous divers angles
à la fois politique, économique et social.
Cette étude a eu trois objectifs à
savoir :
v Déterminer et identifier les deux principales
catégories des groupes armés actifs en RDC et en produire une
cartographie non exhaustive.
v Démontrer les relations qui existent entre les
groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la
RDC dans la région des grands lacs.
v Dégager l'impact sociopolitique des groupes
armés opérant à l'échelle régionale sur les
groupes armés locaux et sur la stabilité nationale et
régionale.
Ainsi, pour réaliser ce travail, nous nous sommes
servis de la méthode d'analyse stratégique,
utilisée à la lumière de M. Crozier et E. Friedberg,
emprunté savamment par Jean OTEMIKONGO MANDEFU, qui nous a permis de
nous servir des données recueillies lors des entretiens pour
définir les stratégies futures probables que les acteurs vont
poursuivre les uns à l'égard des autres.
Ainsi, se basant à cette méthode, voici les
résultats auxquels nous sommes abouti : En termes des acteurs du
processus étudié, nous avons produit la cartographie non
exhaustive des groupes armés nationaux, entre autres le CNDP, les
milices MAÏ-MAÏ (APCLS, MAÏ-MAÏ KIFUAFUA, NDC, RAÏA
MUTOMBOKI, MAÏ-MAÏ SHETANI, MAÏ-MAÏ KIRIKICHO, UPCP-FPC,
MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA, FRPI, MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA),
PARECO-NYATURA, le M23, le MCRC ainsi que le MRE. La seconde catégorie a
cartographié les groupes armés régionaux à
savoir les FDLR, les ADF-NALU, et les FNL.
La troisième catégorie a
répertorié les pays impliqués directement ou indirectement
dans le système de parrainage des groupes armés à l'Est de
la RDC dont le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, les Etats-Unis, ainsi que la
Grande-Bretagne.
Quant à la quatrième catégorie, elle a
identifié les organisations régionales et internationales qui,
loin de se soucier de la situation sociopolitique chaotique en RDC, sont par
contre animées par la quête du lucre à savoir la MONUSCO
à travers ses composantes, la SADC, et la CIRGL.
Ainsi, l'avant dernière catégorie a ciblé
les multinationales Anglo-Saxonnes impliquées dans des réseaux
mafieux d'exploitation illicite et illégale des matières
premières pour leurs industries, entre autres Consolidated European
Venture de Lundin group; Barrik Gold Corporation (BGC); Anglo American
Corporation (AAC); American Mineral Field Inc (AMFI); American Diamond Bayers;
CLUFF; Bridge; et enfin Point Averseas Development of British Virgins
Island.
Pour la dernière catégorie, elle a pointé
les personnalités internationales, régionales et nationales
impliquées dans des circuits de soutien aux groupes armés
à l'Est de la RDC dont nous avons cité le Général
SALIM SALEH de l'Ouganda; le Général James KAZINI; le
Général TIKAMANYIRE; Mr JOVIA AKANDWANAHO; le Colonel UTAFIRE; le
Colonel MUGENI; Mr MKAHALI; Mr ATEENYI TIBASIMA; Mr MBUSA NYAMWISI; Mr NAHIM
KIHANAFFER; Mr Roger LUMBALA; Mr Jean-Yves OLIVIER; Mr Jean-Pierre Bemba; Sir
Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN;
Quant aux nouveaux venus dans ces circuits de soutien aux
groupes armés régionaux, nous avons identifié le Colonel
MUYOMBO; le Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la prison militaire
de Ndolo à Kinshasa). Du côté rwandais : Ali Hussein
(transfert d'or et diamant à Bukavu et à Kisangani); l'ex
Général et actuel ministre rwandais de la défense JAMES
KABAREBE; Sir VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport d'amnistie
internationale et de Human Rights Watch); Mr MOHAMED ALI SALEM; Mr TIBERE
RUJIGIRO; Mr AZIZA KULSUM GULAMALI.
Ce premier résultat n'a fait que confirmer notre
première hypothèse où on a estimé que la
cartographie des différents acteurs impliqués dans le processus
de guerres de l'Est de la RDC serait non exhaustive au regard de la dynamique
observée dans la naissance des groupes armés et la
pluralité des personnalités impliquées à
différents niveaux concernant ce chaos.
Pour les relations établies entre les groupes
armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans
la région de grands lacs, nous avons constaté que les multiples
causes de la création des groupes armés à l'Est de la RDC
sont directement ou indirectement liées aux différents enjeux que
nous avons épinglé dans ce travail dont l'enjeu
économique, qui a confirmé l'hypothèse de l'exploitation
illicite et illégale des ressources minières par les groupes
armés et soutenue, pour le cas de l'Est, par la CIRGL, et à
l'Ouest, par la SADC; l'enjeu foncier qui nous a permis de confirmer, toujours
en marge de la deuxième hypothèse, l'idée du
problème foncier lié au surpeuplement tacite et à
l'immigration illégale des populations allogènes en RDC; Ensuite,
l'enjeu socio-culturel qui a appuyé l'hypothèse de la crise
d'identité sociale donnant lieu à la nationalité douteuse
pour le cas de certaines ethnies et opposant des binômes
(Autochtonie/Allogénie, Hutu/Tutsi, Est/Ouest, et
Banyamulenge/Banyarwanda); et enfin, l'enjeu régional qui, quant
à lui, a confirmé le dernier point de la seconde
hypothèse, qui faisait allusion à la problématique de la
quête de l'espace par les agresseurs de la RDC, en l'occurrence le Rwanda
et l'Ouganda mais aussi le Burundi, animés par une politique
expansionniste, confirmant par la suite l'hypothèse de la Balkanisation
de la RDC dont beaucoup d'observateurs et citoyens congolais avertis sont
persuadés. Nous avons, en outre, annexé à ce travail
certaines lettres demeurées secrètes, qui confirment, dans une
optique qui ne fait l'ombre d'aucun doute, cette thèse de la
Balkanisation qui serait issue des « accords de
Lémera ».
Quant à l'impact de l'activisme de ces groupes
armés opérant à l'échelle régionale sur la
stabilité nationale et régionale, ce dernier, vue sa
complexité, a été analysé sous divers angles
à savoir : Impact sur le bon fonctionnement de l'armée,
impact social issu de la désinformation des medias internationaux et des
pays comme les Etats-Unis, impacts psycho-sociaux sur les populations
congolaises, l'inertie et la stérilité des déclarations
des ONGs de défense de droits de l'homme, et enfin, l'implicite
rôle et mission de l'ONU en RDC.
Tout ceci nous permettant de confirmer notre troisième
hypothèse.
Remarquons cependant, qu'à l'issu des investigations,
cette étude a débouché sur la confirmation de toutes nos
hypothèses, en ce sens que la principale cause qui continue, du jour le
jour, à favoriser la prolifération des groupes armés en
RDC, c'est la question de matières premières, de la
conquête du territoire (pour les groupes armés crées par
les agresseurs) et de l'identité sociale (pour les deux
« tribus rwandophones » : tutsi et hutu), mais aussi
des conflits interethniques (autochtones-allogènes,
Banyamulenge-Banyarwanda). Tout ceci étant la résultante du
dépérissement de la mission de souveraineté de l'Etat en
RDC, qui est incapable d'assumer la sécurité de l'ensemble de son
étendue territoriale, et d'user d'une bonne diplomatie tant sur le plan
régional qu'international.
Ainsi, sans prétendre avoir épuisé
toutes les questions relatives à cette thématique, qui a
cadré son champ de recherche sur les relations existant entre les
groupes armés et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la
région des grands lacs ainsi que l'impact sociopolitique de ces derniers
sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la
région des grands lacs, nous invitons les futurs chercheurs
intéressés par elle de nous compléter en abordant certains
aspects comme les groupes armés et la construction de l'Etat de droit en
RDC.

* 1 E. NTUMBA
BUKASA, La RDC et le processus d'intégration des pays des
grands-lacs comme voie de sortie de la crise sécuritaire
régionale, Mémoire en R.I, Ecole Nationale d'Administration/ENA
(Paris), 2008.
* 2 International Council on
Human Rights, les fins et les moyens : agir pour les droits de
l'homme auprès des groupes armés, in « Conseil
International pour l'étude des droits de l'homme », 2000,
p.15.
* 3 Georges BERGHEZAN,
Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au
2ème semestre 2013, Rapport du GRIP, 2013.
* 4 J. STEARNS, J. VERWEIJEN,
M. ERIKSSON, « Armée nationale et groupes armés dans
l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de
l'insécurité », in Institut de la Vallée du
Rift/Projet Usalama, 2008-2013.
* 5 UFAREP, Restitution
de monitoring sur l'état des conflits en territoire de Rutshuru sous
risque d'éclatement des guerres civiles, rapport de monitoring de
l'Union de Familles pour la Recherche de la Paix, 10 janvier 2011.
* 6 SADIKI PANDABILIMA, Les
guerres d'agression de la RDC et leur impact sur la propagation du VIH/SIDA
dans la province du Nord-Kivu : de 1996 à 2003, TFC en R.I, FSSAP,
UNIGOM, 2007-2008, inédit.
* 7 H. GANZA RURIHO, Les
relations de bon voisinage préalable à la paix et au
développement dans la sous-région des Grands Lacs, TFC en R.I,
FSSAP, UNIGOM, 2007-2008, inédit.
* 8 C. BRULET et S. FRESS,
Ben LADEN : le milliardaire devenu terroriste, film
visualisé à Goma le 17 janvier 2015.
* 9 Multiplication des
groupes armés et terroristes au moyen des divisions basées sur
des intérêts partisans voire individuels, tout en gardant la
même idéologie, les mêmes dogmes, les mêmes
manières d'agir et de se comporter. Cette présente théorie
est le fruit de notre humble réflexion individuelle.
* 10Al-Qaida au Maghreb
Islamique,
www.wikipedia.org,
consulté le 25 janvier 2015 à 14h.
* 11 Le Mouvement pour
l'Unité et le Jihad en Afrique de l'Ouest,
www.wikipedia.org,
consulté le 25 janvier 2015 à 14h10.
* 12Le Mouvement National
pour la Libération de l'Azawad, Op. Cit. consulté le 25 janvier
2015 à 14h15.
* 13Le Boko-Haram, Op. Cit.
consulté le 25 janvier 2015 à 14h17.
* 14Les Al-Shabab,
www.google.com, consulté le
25 janvier 2015 à 14h20.
* 15La Seleka, Op. Cit.
consulté le 25 janvier 2015 à 14h23.
* 16Les Anti-Balaka, Op.
Cit. consulté le 25 janvier à 14h30.
* 17 Allied Democratic
Forces/National Army of Liberation of Uganda, Op. Cit. consulté le 25
janvier 2015 à 14h33.
* 18 M. GRAWITZ,
Méthodes de recherche en sciences sociales, Paris, 3è éd.
Dalloz, 1976, p360.
* 19A. A. ESSISO ASIA,
Manuel de méthodologie de recherche en sciences sociale, Kisangani,
éd. De l'IRSA et Presses Universitaires de Kisangani, 2012, p.
* 20 A. MAINDO MONGANGONGA,
Méthodologie de la science politique, Cours ronéotypé
dispensé en L1 S.Po, FSSAP, UNIGOM, 2013-2014, inédit.
* 21 J. OTEMIKONGO MANDEFU,
Méthodologie et épistémologie de la science
administrative, Cours ronéotypé dispensé en L1 S.A, FSSAP,
UNIGOM, 2014, pp71-75, inédit.
* 22 D. CHIMERHE
MUNGUAKONKWA, Analyse géostratégique et polémologique des
guerres du Kivu, Mémoire de DEA en SPA, FSSAP, UNIKIS, 2013-2014, p.14,
inédit.
* 23 D. CHIMERHE
MUNGUAKONKWA, Op. Cit., p.15.
* 24 Cette dernière
stratégie (Leak and Lead : Infiltrer et diriger) est le fruit de
notre constat et raisonnement scientifique au regard de ce qui se passe
lorsqu'il y a des amnisties (lois d'impunité en RDC) qui sont
accordées aux agresseurs, leur permettant, par la suite, d'occuper des
postes hautement stratégiques au sein des institutions de la RDC, pour
afin paralyser ces dernières et les laisser succomber à leur
triste sort. Voilà pourquoi je l'ai encore qualifié de
« l'entrisme » ou du « noyautage. Cfr Moïse
Mbala Londa.
* 25 J. STEARNS, J.
VERWEIJEN, M. ERIKSSON, Armée nationale et groupes armés
dans l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de
l'insécurité, RVI Projet Usalama, 2014, p.14.
* 26 International Council
on Human Rights, les fins et les moyens, agir pour les droits de l'homme
auprès des groupes armés, in ICHR, juin 2014, p.14.
* 27F. THUAL et
CHAUPRADE, dictionnaire de géopolitique, Paris, Ellipses,
1998.
* 28 A. DELAY, La
géopolitique, Paris, PUF, 2005, p.4.
* 29 M. GRARI,
Géopolitique, Cours ronéotypé, L2 S.Po, FSSAP, UNIGOM,
2014-2015, p.6, inédit.
* 30 Y. LACOSTE,
Dictionnaire de géopolitique, Paris, Flammarion, 1993.
* 31 G. D. MOSAU MBOMBO, La
politique extérieure de la R.D.Congo face au pacte sur la
sécurité, la stabilité et le développement dans la
région des grands lacs africains, TFC, FSSAP, U.P.C, 2008.
* 32 E. NTUMBA BUKASA, Op.
Cit. p.23.
* 33 M. GRARI, Op.Cit.,
p.60.
* 34 ONGD PEREXC,
Rapport sur la présence des Forces et groupes armés
Maï-Maï et la situation sécuritaire en Territoire de Lubero et
ville de Butembo, 2007, pp.1-3.
* 35 ONGD PEREXC, Op. Cit.
p.5.
* 36 Y. CRAWFORD,
Politics in the Congo: Decolonization and Independence, Princeton, NY:
Princeton University Press, 1965.
* 37 K.
VLASSENROOT, Sud-Kivu: Identité, territoire et pouvoir dans l'est du
Congo, Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2013, pp. 25-32.
* 38 S.
BUCYALIMWE MARARO, Land, Power and Ethnic Conflict in Masisi
(Congo-Kinshasa), 1940-1994, in International Journal of African
Historical Studies, 1997, pp. 503-538.
* 39 B.
VERHAEGEN, Rébellions au Congo. Tome 1,
Bruxelles/Léopoldville: CRISP, IRES et INEP, 1966, pp. 292-295.
* 40 J-C WILLAME,
Banyarwanda et Banyamulenge. Violences ethniques et Gestion de l'identitaire au
Kivu, Bruxelles/Paris: Institut Africain-CEDAF/L'Harmattan, 1997, p.
64.
* 41 K. VLASSENROOT,
Violence et constitution de milices dans l'est du Congo: le cas des
Maï-Maï, In Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2001-2002,
éd. Filip Reyntjens et Stefaan Marysse, Paris: L'Harmattan, 2002, pp.
115-152.
* 42 Padiri devint le leader
du plus grand groupe Maï-Maï de Bunyakiri et se retrouva à la
tête d'un organisme de coordination des Maï-Maï au Sud-Kivu.
Bigembe fut le leader d'un groupe armé Hutu au Sud-Masisi où il
était chef du secteur de Katoyi. Akilimali était un Nyanga
Maï-Maï; il a rejoint Padiri et est aujourd'hui colonel dans
l'armée. Robert Seninga était en 1993 l'un des plus importants
commandants Hutus. Aujourd'hui député provincial, il participe
à la politique des milices.
* 43 J. STEARNS, Nord-Kivu:
Contexte historique du conflit dans la province du Nord-Kivu, à l'est du
Congo, Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2012, p. 26.
* 44 G. PRUNIER, Africa's
World War: Congo, the Rwandan Genocide, and the Making of a Continental
Catastrophe, Oxford University Press, 2009, pp. 24-29.
* 45 Le CNDD-FDD
était un mouvement politico-militaire dominé par les Hutu et
dirigé par Léonard Nyangoma. Peu après sa création
en 1994, son aile armée passa dans les territoires d'Uvira et de Fizi au
Sud-Kivu, un mouvement actuellement au pouvoir au Burundi.
* 46 K. VLASSENROOT et T.
RAEYMAEKERS, Introduction dans Conflict and Social Transformation in Eastern DR
Congo, éd. Gand Academia Press Scientific Publishers, 2004, pp.13-38.
* 47 K. VLASSENROOT et F.
VAN ACKER, War as Exit from Exclusion? The Formation of Mayi-Mayi Militians in
Eastern Congo, Afrika Focus 17, 2001, pp. 51-77.
* 48 D. TULL et A.
MEHLER, The Hidden Costs of Power-sharing: Reproducing Insurgent Violence
in Africa, African Affairs 104, 2005, pp. 375-398.
* 49 Massacres
perpétrés dans ce camp de réfugiés proche de la
frontière congolaise par des FDLR et leurs alliés Mai-Mai dans la
nuit du 13 au 14 août 2004.
* 50 Le 05 janvier 2009 le
Général Bosco Ntaganda avait déclaré s'être
débarrassé de Laurent Nkunda.
* 51
www.kivupeace.org et
www.cndp-congo.org
* 52 R. JEAN-PHILIPPE,
« Le Général Nkunda prêche, la Bible dans une
main, une kalachnikov dans l'autre », In Le Monde, 11 décembre
2008.
* 53 M. ERIKSSON BAAZ et J.
VERWEIJEN, Between Integration and Disintegration: The Erratic Trajectory of
the Congolese Army, New-York: Social Science Research Council, 2013.
* 54 Projet Usalama,
personne interrogée n° 814, par téléphone, juin
2013.
* 55 N. BAUMA BAHETE, Centre
pour la Paix et les Droits de l'Homme/Peace and Human Rights Center, impact de
la prolifération et circulation illégales et illicites des ALPC
et de la persistance des groupes armes nationaux et étrangers sur la
situation sécuritaire et des droits de l'homme, politico-administrative,
socioculturelle et humanitaire et socio-économique au Nord-Kivu :
quel serait le rôle de l'OIF/organisation internationale de la
francophonie. In CPDH-PHRC, Vendredi 12 au Dimanche 14 Octobre 2012,
pp.16-17.
* 56 M. ERIKSSON BAAZ ET J.
VERWEIJEN, The Volatility of a Half-cooked Bouillabaisse: Rebel-military
Integration and Conflict Dynamics in Eastern DRC, African Affairs 112/449
(2013), pp. 563-582.
* 57 J. STEARNS, PARECO:
Questions foncières, hommes forts locaux et politique de milice au
Nord-Kivu », Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2013.
* 58 Projet Usalama,
personne interrogée n° 811, Bukavu, juin 2013.
* 59 Projet Usalama,
personne interrogée n° 837, Bukavu, 26 avril 2013.
* 60 K. VLASSENROOT et T.
RAEYMAEKERS, Kivu's Intractable Security Conundrum, African Affairs
108/432 (2009), p.475-484.
* 61 Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2010/596, Rapport final du Groupe
d'experts sur la République démocratique du Congo, 29 novembre
2010, pp. 42-60; Conseil de sécurité des Nations Unies,
S/2011/738, Rapport final du Groupe d'experts sur la République
démocratique du Congo, 2 décembre 2011, p. 89-90.
* 62 International Crisis
Group (ICG), Congo: No Stability in Kivu despite a Rapprochement with Rwanda,
Nairobi/Bruxelles, 16 November 2010, p. 11-12.
* 63 J. STEARNS et AL., Les
Raïa Mutomboki: Déficience du processus de paix en RDC et naissance
d'une franchise armée, Londres: Institut de la Vallée du Rift,
2013.
* 64 Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/843, Rapport final du Groupe
d'experts sur la République démocratique du Congo, 15 novembre
2012, p. 33.
* 65 J. STEARNS et
AL., Les Maï-Maï Yakutumba, pp. 41-42.
* 66 Centre
indépendant de Recherches et d'Études stratégiques au Kivu
(CIRESKI), « Étude analytique sur la milice `FALL' »,
décembre 2012 (rapport non publié, archivé dans les
dossiers du Projet Usalama).
* 67 Observatoire
Gouvernance et Paix/O.G.P-Asbl, Le Sud-Kivu un véritable far West
en RD. Congo : la place des ressources minières dans l'organisation
économique des groupes armés nationaux et étrangers
pendant l'opération Amani Leo, rapport de janvier 2010-septembre 2010,
p.19.
* 68 Union des Patriotes
Congolais pour la Paix/Forces Populaires Congolaises : UPCP-FPC,
www.urubyiruko.wordpress.com
* 69ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/348/Add.1, Additif au rapport
d'étape du Groupe d'experts sur la République démocratique
du Congo, 27 juin 2012, pp. 11-12.
* 70ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 19-27.
* 71ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2013/433, Rapport de mi-mandat du
Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 19
juillet 2013, pp. 13-15.
* 72 Société
Civile Nord-Kivu.
* 73 M. GRARI, Op. Cit.,
pp.9-10.
* 74 P. MOREAU DEFARGES,
La Géopolitique pour les nuls, collection pour les nuls, éd.
First, p.4.
* 75 Dossier milice
Bakata-Katanga : Un collectif d'ONG vient de produire un rapport
circonstancier sur les événements du 23 mars à Lubumbashi,
www.kongotimes.info,
consulté le 13 avril 2015 à 13h30.
* 76 Idem
* 77 Dossier milice
Bakata-Katanga, Op. Cit.
* 78 Baudouin Amba Wetshi,
Objectif du Colonel TSHIBANGU : Chasser « Kabila » et
installer TSHISEKEDI à la tête de l'Etat,
www.kongotimes.info,
consulté le 13 avril 2015 à 13h33.
* 79Baudouin Amba Wetshi,
Op. Cit.
* 80 G. BERGHEZAN,Op. Cit.,
p.12.
* 81 G. BERGHEZAN,Op. Cit.,
p.20.
* 82 D. CHIMERHE M.,
Géostratégie, Cours ronéotypé, FSSAP, L1 R.I,
UNIGOM, 2013-2014, p.47, inédit.
* 83 Le tantale est
utilisé pour la fabrication des condensateurs des
téléphones portables et des consoles de jeux.
* 84 D. DE FAILLY,
Coltan : pour comprendre, in L'Afrique des Grands-Lacs, annuaire 2000-2001
, Centre d'études de la région des Grands-Lacs d'Afrique, Anvers,
L'Harmattan, Paris, 2002, pp 280-306.
* 85 Les rapports d'un
premier groupe d'experts se sont échelonnés de 2001 à
2003. Face à la dégradation de la situation en RDC, un nouveau
Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo a
été créé en 2007, et reconduit en 2008. Pourtier
Roland.
* 86 C. MUSILA, Economie
et géopolitique de la paix dans les Grands Lacs, fiche d'analyse,
octobre 2014.
* 87 N. KIBEL'BEL OKA,
Les marionnettes congolaises. Essai, Les Editions du Panthéon,
Paris, 2012, pp.68-69.
* 88 S. MARYSSE et F.
REYNTJENS, L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001,
L'Harmattan, Paris, 2001, p.100.
* 89 Information nous
fournie à la 8è Région Militaire/Nord-Kivu.
* 90 M-A
LAGRANGE,?Economie de la paix, Conférence au Café
Diplomatique - Ecole d'été de transformation des conflits, Chaire
Culture de la Paix & Ministère des Affaires Etrangères,
Kinshasa, 13 septembre 2014.
* 91 S. MARYSE et F.
REYNTJENS, Op. Cit., p.125.
* 92 Idem
* 93 Entre juillet et
août 2013, le président tanzanien Jakaya Kikwete a ouvertement
critiqué son homologue rwandais Paul Kagame pendant que d'anciens
réfugiés rwandais étaient expulsés de Tanzanie. Le
président rwandais avait répliqué qu'il était
prêt à frapper tout régime qui essayait de le
déstabiliser avant que Jakaya Kikwete lui rappelle que la Tanzanie est
prête à défaire les dictatures comme elle l'avait fait en
son temps pour Idi Amin Dada. Ces échanges avaient menacé la
dislocation de l'East African Community (EAC), car la Tanzanie menaçait
d'en sortir. La mort d'un casque bleu tanzanien en RDC dans des combats contre
le M23 avait fait monter la tension entre les deux Etats membres de l'EAC et de
la CIRGL.
* 94R.
POURTIER, L'économie minière au Kivu et ses implications
régionales, In INICA (Initiative pour l'Afrique Centrale) OCDE,
2004.
* 95 Global Witness, Le
pillage des ressources reste le moteur du conflit dans l'Est du Congo, 1er
novembre 2008, In
www.globalwitness.org,
consulté le 20 avril 2015 à 15h.
* 96 Les FDLR
contrôlent les mines d'or et de cassitérite principalement au
Sud-Kivu dans les territoires de Shabunda, Mwenga, Walungu, Uvira et Fizi.
* 97 H. NICOLAÏ, La
répartition et la densité de la population au Kivu,
Académie Royale des Sciences d'Outre-mer, Classe des Sciences
naturelles et médicales, Mémoire Nouvelle série Tome 24,
fasc.2, Bruxelles, 1998.
* 98 M. MATABARO, La
crise foncière à l'Est de la RDC, in L'Afrique des
Grands-Lacs, annuaire 2007-2008 , Centre d'études de la région
des Grands-Lacs d'Afrique, Anvers, L'Harmattan, Paris, 2008, pp.385-414.
* 99 S. BUCYALIMWE
MARARO, Pouvoirs, l'élevage bovin et la question foncière au
Nord-Kivu, in L'Afrique des Grands-Lacs, annuaire 2000-2001, L'Harmattan,
Paris, 2001.
* 100 A. GUICHAOUA,
Destins paysans et politiques agraires en Afrique centrale, tome 1,
L'Harmattan, 1989. Selon l'auteur 150 000 hectares auraient
été accordés aux Banyarwanda.
* 101 M. PAUL ET A.
MAFIKIRI TSONGO, Guerres paysannes au Nord-Kivu (République
démocratique du Congo) : 1937-1994, in Cahiers d'Etudes
africaines, n° 150-152, 1998, p.385-416.
* 102 F. TALLON,
Données de base sur la population : Rwanda, CEPED, décembre
1991.
* 103 R. POURTIER, Le
Kivu dans la guerre: acteurs et enjeux, in EchoGéo-revues, 2009,
p.38.
* 104 J.P PABANEL, La
question de la nationalité au Kivu, in Politique africaine, n°
41, mars 1991, pp 32-40. « La nouvelle loi sur la
nationalité stipule, conformément à la Constitution
votée par referendum en 2005, que les personnes résidant sur le
territoire à la date de l'indépendance étaient
congolaises, mais toutes les ambiguïtés ne sont pas levées
dans un pays dont le personnel administratif a montré une grande
capacité à fabriquer des papiers contre espèce sonnante et
trébuchante ».
* 105 En 1965
déjà un conflit violent dit du « Kanyarwanda » avait vu
les rwandophones se soulever contre le pouvoir coutumier des Hunde.
* 106 R. POURTIER, Les
camps du Kivu ou la gestion de l'éphémère,
Déplacés et réfugiés : la mobilité sous
contrainte, sous la direction de V. Lassailly-Jacob, J.Y. Marchal, A.
Quesnel, in IRD éditions, 1999, pp 451-477.
* 107 J. NZABANDORA,
Anthropologie politique, cours ronéotypé, L1 SPA, FSSAP, UNIGOM,
2013-2014, p.35, inédit.
* 108 M. GRARI, Op.
Cit., p.39.
* 109 M. GRARI, Op. Cit.,
p.10.
* 110 C. MUSILA, Les
défis de la paix dans la région africaine des grand- lacs
après les massacres de 1994, Fiche d'analyse.
* 111 M. GRARI, Op. Cit.,
p.9.
* 112 Interview
accordé par Jeune Afrique à Russ Feingold, dans le cadre du
sommet France-Afrique, le 06 décembre 2013, dont copie en annexe de ce
travail.
* 113 Cyril
Musila op. Cit.
* 114 Cyril
Musila op. Cit.
* 115 Cyril
Musila op. Cit.
* 116 Joseph Kabila est un
ancien maquisard du Front Patriotique Rwandais, le mouvement politico-militaire
à la tête duquel Paul Kagame s'empara du pouvoir à Kigali
en juillet 1994, sous le parrainage du président ougandais Yoweri
Museveni. Devenu Armée Patriotique Rwandaise, ce mouvement envahit le
Congo en 1996 sous le commandement du Général James Kabarebe,
l'actuel ministre rwandais de la défense. Dans ses rangs, un certain
« Commandant Hyppo », qui deviendra, quatre ans plus tard,
Joseph Kabila Kabange. Cfr La vérité sur Kabila, film
visualisé à Goma le 15 janvier 2015 à 16h30.
* 117 Dans son discours
devant l'Assemblée Générale de la Société de
droit de l'Afrique de l'Est (The East Africa Law Society Général
Assembly) du 04 avril 1997, le Président ougandais déclare :
« Ma mission est d'assurer que l'Erythrée, l'Ethiopie, la
Somalie, le Soudan, l'Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et
le Zaïre deviennent des Etats fédérés sous une
même nation. Cela maintenant un choix, mais une obligation que l'Afrique
de l'Est devienne une seule nation. Ou nous devenons une seule nation, ou nous
périssons. De même qu'Hitler fit pour unifier l'Allemagne, de
même nous devrions le faire ici. Hitler était un chic type, mais
je pense qu'il est allé un peu trop loin en voulant conquérir le
monde entier ». De son côté, le Rwanda a
prôné dès octobre 1996 l'organisation d'une
« Conférence de Berlin II » en vue d'un nouveau
tracé des frontières.
* 118 P. MBEKO et H.
NGBANDA, Stratégie du chaos et du mensonge-poker menteur en Afrique
des Grands Lacs, Paris, éd. De l'Erablière, 2014, p.37.
* 119
Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16
janvier 2001 dans son palais à Kinshasa. Le Général
André Kisase Ngandu a été assassiné le 06 janvier
1997 près de Rutshuru. Anselme Masasu Nindaga a été
exécuté près de Pweto le 24 novembre 2000 suite à
sa condamnation à mort par la Cour d'ordre militaire.
* 120 Ce document est
toutefois au coeur de controverses pour des raisons évidentes. Guy de
Boeck, après être interrogé sur l'authenticité de
ces accords, conclut néanmoins qu'un accord secret a pu être
conclu entre Paul Kagame et Laurent-Désiré Kabila. Cfr Guy de
Boeck, « 1996 Le Monstre du Lac Tanganyika ou les Accords de
Lemera »,
www.congoforum.be, le 04
février 2009 à 15h32.
* 121 Les FARDC avaient
victorieusement repoussé l'offensive du M23, bataille au cours de
laquelle 150 assaillants avaient été tués. Mais pour des
raisons inexpliquées, le Général Bahuma reçut
l'ordre venant de Kinshasa de laisser la conduite des opérations au
Général Gabriel Amisi alias Tango Four (un proche du
président Kabila et du Général rwandais James Kabarebe).
Celui-ci va ordonner aux FARDC de se replier à Sake, facilitant ainsi
une entrée triomphale de l'armée rwandaise dans Goma sous les
caméras du monde entier. Selon la journaliste belge, Colette Braeckman,
l'ordre d'abandonner Goma à l'ennemi fut donné par le
Général Didier Etumba, l'actuel chef d'Etat-major
général des FARDC. Quelques mois auparavant, le
Général Amisi avait ordonné cinq jours de trêve aux
soldats congolais qui étaient au point de capturer Bosco Ntaganda.
Celui-ci profita de cette trêve pour s'exfiltrer vers la frontière
rwandaise. Pour faciliter à l'armée rwandaise d'opérer
dans les Kivus, la hiérarchie de l'armée congolaise use d'une
panoplie de stratagèmes pour saboter les opérations sur terrain.
Certains stratagèmes sont toutefois lourds de conséquences. En
2012, le 322è bataillon des unités de réaction
rapide, des soldats bien formés par la Belgique et motivés, a
été envoyé au front avec les munitions et la ration pour
deux jours seulement. Résultat : la moitié du bataillon est
tombée sur le champ ou portée disparu. Pour approfondir la
question des trahisons dont les soldats congolais sont victimes dans les Kivus
de la part de leur propre hiérarchie, nous nous sommes ressourcé
sur Jean-Jacques Wondo Omanyundu, « Les Forces armées de la RD
Congo : Une armée irréformable?, Bilan-Autopsie de la
défaite du M23, Prospective, éd.
www.desc-wondo.org,
consulté le 01 avril 2015 à 9h15.
* 122Plusieurs
procédés sont utilisés pour organiser la défaite
des soldats congolais. Il s'agit notamment des ordres contradictoires et du
sabotage de la logistique. En novembre 2012, les soldats congolais ont
reçu l'ordre d'abandonner la ville de Goma à l'armée
rwandaise opérant sous couvert du M23.
* 123Les membres du RCD,
l'ancêtre du M23, sont à l'abri de poursuites judiciaires aux
termes de l'article 8 de l'accord global et inclusif sur la transition
signé à Pretoria le 17 décembre 2002 et adopté
à Sun City le 1er avril 2003. Ceux qui ont rejoint le CNDP de
Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda ont été amnistiés au
terme de l'article 3 de l'accord du 23 mars 2009 qui ouvrait la voie à
la « guerre du M23 ». Ils ont même rejoint le premier cercle de
Joseph Kabila et fait partie de la majorité présidentielle de
Kinshasa (PPRD). Ils ont ardemment milité pour la
réélection de Joseph Kabila en 2011. Ceux qui, plus tard, ont
rejoint le M23 sont, de fait, mis à l'abri de poursuites judiciaires en
application de la loi d'amnistie du 11 février 2014.
* 124 Mais le
président Kabila n'est pas le seul à « oeuvrer » pour
que les agresseurs bénéficient continuellement de la totale
impunité. On se souvient de l'activisme avec lequel le sénateur
américain Russ Feingold (envoyé spécial de Barack Obama
dans la région des Grands Lacs) et l'ancienne présidente
irlandaise Mary Robinson (représentante du Secrétaire
général de l'Onu) ont milité pour que le principe
d'amnistie (en fait, d'impunité) soit adopté dans le cadre des
pourparlers de Kampala. Il est évident que si les agresseurs sont
arrêtés et poursuivis en justice pour les crimes de guerre qu'ils
commettent, le projet de balkanisation du Congo tombe à l'eau faute de
combattants. Il « faut » donc, à chaque fois, les mettre
à l'abri de poursuites judiciaires pour qu'ils soient continuellement en
situation de reprendre les armes contre le Congo.
* 125P. MBEKO et H. NGBANDA
estiment que les 12 mille soldats rwandais arrivés sur le sol congolais
et signalés «disparus » dans la nature ont été,
en réalité, infiltrés dans les rangs des FARDC.
L'opération conjointe contre les FDLR était, en
réalité, une manoeuvre visant à accroitre le nombre des
agents rwandais infiltrés dans les rangs de l'armée
congolaise.
* 126 « Au
département d'Etat, le Kivu fait partie du Rwanda »,
www.congoforum.be,
consulté le 12 avril 2015; L'interview est disponible sur
http://www.youtube.com, Face
à la réaction des Congolais, le diplomate américain a
essayé de minimiser la portée de ses propos en faisant publier
une lettre dans la presse de Kinshasa. Cfr « Herman Cohen s'explique
à propos de ses déclarations sur le Kivu »,
www.lardc.net, consulté le 12
avril 2015 à 13h23.
* 127 Fils d'un vendeur de
coltan de Chicago, ancien assistant du secrétaire d'Etat
américain pour l'Afrique et ancien membre de la Task Force du
Département de la Défense pour les minerais stratégiques
(Dept. Of Defense Task Force on Strategic Minerais). Walter Kansteiner est,
depuis, considéré comme l'idéologue de l'holocauste de
l'Est du Congo.
* 128 «Genocide and
Covert Operations in Africa, 1993-1999» , Prepared Testimony and Statement
of Wayne Madsen, US House of Representatives, Committee on International
Relations, 2001, Centre for Research on Globalization (CRG),
www.globalresearch.ca,
consulté le 24 avril 2015 à 12h00.
* 129 K. JOONEED, Bush
nomme à l'Afrique un champion du démembrement du Congo, in
La Presse, 3 avril 2001.
* 130 L'Ambassadeur
Afro-américain Johnnie Carson sait de quoi il parle. Il fut, de 1991
à 1994, Ambassadeur des Etats-Unis à Kampala et, à ce
titre, il a accompagné la consolidation du pouvoir de Yoweri Museveni en
Ouganda, l'invasion du Rwanda par les éléments tutsi de
l'armée ougandaise et finalement la conquête totale du Rwanda par
ceux-ci en 1994. Il n'a pas quitté la région puisque de 1999
à 2003, il était Ambassadeur au Kenya, d'où il pilotait
les invasions successives de la RDC, la chasse aux anciens dignitaires rwandais
pour qu'ils ne puissent plus se positionner en opposants crédibles et la
poursuite de la partition du Soudan, une mission que le président
ougandais avait dans son cahier de charge. Ce sera chose faite en 2011. Les
troupes rwandaises y sont aujourd'hui déployées. Ayant accompli
sa tâche, Museveni charge Kagame d'accomplir la sienne, à savoir
détacher les provinces du Kivu de la RDC. Cfr Gislain Mikeno, «Paul
Kagame a une mission : la balkanisation de la RDC », 4 mars 2013.
* 131 Sarkozy
veut dépecer la RDC,
www.courrierinternational.com,
consulté le 20 janvier 2015 à 11h45.
* 132 « Nous avons par
ailleurs appris de source digne de foi que durant son séjour au Rwanda,
en janvier 2008, l'actuel secrétaire générale de l'ONU, le
Sud-Coréen Ban Ki-Moon, aurait donné son soutien à l'homme
fort du Rwanda dans sa politique d'occupation des riches territoires du Kivu.
Les mêmes sources nous ont signalé la tenue d'une réunion
à huis clos le 26 janvier 2008 entre le ministre français des
Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et les chefs rebelles
tutsis Laurent Nkundabatware et Jules Mutebutsi, au cours de laquelle le
ministre français aurait demandé à Laurent Nkunda de ne
pas s'inquiéter et de faire confiance à l'Union Européenne
et aux USA qui auraient, depuis longtemps, signé une convention avec les
tutsis, laquelle devrait rassurer tous les tutsis puisqu'elle n'est pas
à l'avantage des Congolais mais plutôt à l'avantage de la
cause des populations tutsies présentes au Congo ». Cfr P.
MBEKO, Le Canada dans les guerres en Afrique centrale :
Génocides & Pillages des ressources minières du Congo par
Rwanda interposé, Paris, éd. Le Nègre, 2012, p.
469.
* 133En l'occurrence le
Rwanda de Paul Kagame et l'Ouganda de Yoweri Museveni.
* 134 P. MBEKO et H.
NGBANDA, Op. Cit, p.601.
* 135 Idem, p.569.
* 136 Idem, pp.407-516, Les
rôles respectifs des trois présidents sont détaillés
tout au long du chapitre VII.
* 137 P. MBEKO et H.
NGABANDA, Op. Cit., Après avoir exploré les incohérences
et les contradictions entre les biographes de « Kabila » (p.453-473),
et analysé des renseignements obtenus au bout de ses recherches
personnelles, l'auteur aboutit à la conclusion que « Joseph Kabila
» est un nom d'emprunt. Il recommande de le mettre entre guillemets.
* 138 P. MBEKO
explique le pourquoi de la création de la fausse ethnie «
Banyamulenge » dite « Tutsis congolais ». Elle a servi à
prolonger, sur le sol congolais, l'histoire du génocide des Tutsis au
Rwanda pour mieux masquer les agressions que menaient les Américains et
les Britanniques contre le Zaïre. Il saisit l'occasion pour
démonter la distorsion de l'histoire des immigrations des populations
rwandaises au Congo, depuis l'époque coloniale, p.321.
* 139 Lettre du 20 juin
1981, adressée par les membres du « réseau tutsi »
établis au Zaïre au Secrétaire général de
l'ONU dont copie en annexe.
* 140 P. MBEKO ET H.
NGBANDA, Op. Cit., pp 395-398.
* 141 Idem, p. 496.
* 142 Cette dernière
stratégie (Leak and Lead : Infiltrer et diriger) est le fruit de
notre constat et raisonnement scientifique au regard de ce qui se passe
lorsqu'il y a des amnisties (lois d'impunité en RDC) qui sont
accordées aux agresseurs, leur permettant, par la suite, à
occuper des postes hautement stratégiques au sein des institutions de la
RDC, pour afin paralyser ces dernières et les laisser succomber à
leur triste sort. Voilà pourquoi je l'ai encore qualifié de
« l'entrisme » ou du « noyautage. Cfr Moïse
MBALA LONDA.
* 143 On donne l'impression
de s'occuper d'un problème alors qu'on ne s'en occupe pas.
* 144P. MBEKO et H.
NGBANDA, Op. Cit., Cette immixtion peut être lourde de
conséquences. Lumumba fut assassiné avec la complicité de
l'ONU en 1960. Laurent-Désiré Kabila a subi le même sort en
janvier 2001. « Demain, on peut se demander et savoir qui est la victime
en ligne de mire », p. 616.
* 145 P.
BARACYETSE, L'enjeu géopolitique des transnationales
minières au Congo, cité par Chimerhe Munguakonkwa dans
« Géostratégie », Op. Cit., p.83.
* 146 ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 29-33.
* 147Idem, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 32-34.
* 148HONORE NGBANDA, ancien
conseiller spécial en matière de sécurité du
président Mobutu, est l'auteur de remarquables ouvrages sur le Congo.
Entre autres, Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal
Mobutu, Éd. Gideppe, Paris, 1998 ; Crimes organisés en
Afrique centrale, Éd. Duboiris, 2004 ;... Il est le
Président de l'APARECO (Alliance des Patriotes pour la Refondation du
Congo) un mouvement qui prône la « résistance à
l'occupation du Congo ».
* 149 P. MBEKO et H. NGBANDA,
Op. Cit., pp.487-488.
* 150 Idem, p.488.
* 151 Idem, p.373.
* 152 Idem,
« Depuis, il est décédé des suites d'une longue
maladie causée, selon certaines langues par un
empoisonnement », pp.486-487.
* 153 Idem, Parmi les
déclarations citées dans l'ouvrage, celles de Johnnie Carson,
sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires africaines durant
le mandat Clinton (p.544); Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d'Etat
américain aux Affaires africaines (p.560-561), Nicolas Sarkozy
(p.531-533) et même, plus surprenant, des dirigeants belges comme Didier
Reynders et Jean-Pascal Labille (p.534).
* 154 Idem, L'auteur cite
le cas de l'Ituri et lance un cri d'alarme : « ... une bonne partie de la
région de l'Ituri est de facto sous contrôle de l'Ouganda. Sans
tambour ni trompette. Dans tout l'Ituri (Mahagi, Aru, Ariwara, Watsha...) la
monnaie officielle d'échange et de consommation est le shilling
ougandais! Certains travaux publics de réfection de route et des
bâtiments publics de l'Etat sont assumés par le pouvoir ougandais.
Les postes frontaliers d'immigration et de douane sont contrôlés
par des agents et des officiers ougandais. Des terres arables sont
cédées aux fermiers ougandais qui font venir la main d'oeuvre de
l'Ouganda pour occuper le terrain. Plus grave, de plus en plus des congolais
autochtones, pour la plupart des commerçants de la tribu Nande,
approuvent cette forme « douce » de l'occupation, s'estimant trahis
et abandonnés par le pouvoir central et leurs propres
députés », p.554.
* 155 P. MBEKO et H.
NGBANDA, Op. Cit., pp.611-615.
* 156 On donne l'impression
de s'occuper d'un problème alors qu'on ne s'en occupe pas.
* 157P. MBEKO, Op. Cit.,
Cette immixtion peut être lourde de conséquences. Lumumba fut
assassiné avec la complicité de l'ONU en 1960.
Laurent-Désiré Kabila a subi le même sort en janvier 2001.
« Demain, on peut se demander et savoir qui est la victime en ligne de
mire », p. 616.
* 158 Idem,
p.617.
* 159 J. M. WASHINGTON,
The essential Writings and Speeches of Martin Luther King, Harper, San
Francisco, 1991, pp.16-20.
* 160 SUN TZU, Art de
la guerre, Vè et VIè Siècle av.
JC, traduit « Les Treize articles de Sun-Tse » en 1772 par
Joseph-Marie Amiot.
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