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Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème sièclespar Charlotte Gouillon Université Lyon 2 - Master 2 2025 |
PARTIE 2 : LES NOYÉS AUX XIXÈME ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DUXXÈME SIÈCLE DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE . 49 CHAPITRE 1 : LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE DESMORTS RECENSÉES .É51 CHAPITRE 2 : LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS 74 CHAPITRE 3 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADE 89 PARTIE 3 : LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE LUTTE CONTRE LESNOYADES EN FRANCE AU XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES 109 CHAPITRE 1 : UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES 111 CHAPITRE 2 : LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET D'ÉDUCATION AUX XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES À LYON 123 7 CONCLUSION GÉNÉRALE
8 INTRODUCTIONDans la nuit du mercredi 17 avril au jeudi 18 avril 2024, un étudiant Lyonnais aurait disparu dans la Saône à Lyon après une soirée arrosée1. Aujourd'hui encore, la noyade demeure la première cause de mortalité par accident de la vie courante chez les moins de 25 ans en France. On comptabilise en France 253 noyades suivies de décès entre le 1er juin et le 20 août 2023, un chiffre non négligeable. À l'échelle mondiale, la noyade est la troisième cause principale de décès par traumatisme non intentionnel, représentant environ 236.000 de décès par noyade par année2. À l'échelle de la métropole de Lyon, les pompiers du SDMIS 69 réalisent chaque année environ 125 interventions nautiques pour 85 personnes, entraînant alors une dizaine de décès. Le lieutenant-colonel Pascal Pache, chef du groupe centre et responsable des spécialités nautiques, la Saône et le Rhône, déclarait que ce : « sont deux cours d'eau avec des mouvements d'eau importants et des effets de siphon par endroits qui entraînent les personnes au fond de l'eau ».3 Aujourd'hui, nous nous intéresserons à l'histoire des noyades ayant eu lieu à Lyon et dans le département du Rhône au cours du XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle. 1 LE PROGRÈS, « Disparition d'un étudiant de 22 ans : un corps retrouvé dans la Saône », publié le 20 avril 2024. Consulté le 12 juin 2024. Disponible sur : < https://c.leprogres.fr/faits-divers-justice/2024/04/20/disparition-d-un-etudiant-un-corps-apercu-dans-la-saone> 2 SANTÉ PUBLIQUE FRANCE, « Surveillance des noyades suivies de décès sur le lieu de noyade durant l'été 2023. Point de situation au 25 août 2023 », publié le 25 août 2023. Disponible sur : < https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/traumatismes/noyade/ documents/bulletin-national/surveillance-des-noyades-suivies-de-deces-sur-le-lieu-de-noyade-durant-l-ete-2023.-point-de-situation-au-25-aout-2023> 3 LE FIGARO, « Noyades à répétition à Lyon : pourquoi les eaux du Rhône sont-elles si dangereuses? », 2023. Consulté le 2 avril 2024. Disponible sur : < https://www.lefigaro.fr/lyon/noyades-a-lyon-pourquoi-les-eaux-du-rhone-sont-elles-si-dangereuses> 9 PRÉSENTATION DU SUJET Le verbe « noyer » provient de l'ancien français « neier » et du latin « necare » signifiant tuer et qui a pris le sens spécialisé de « tuer par immersion » et de « faire mourir dans l'eau » 4 . Il est aujourd'hui complexe de donner une seule et universelle définition de la noyade, il est nécessaire d'avoir une vue d'ensemble de ce que représente la noyade selon les domaines dans lesquels elle est traitée afin de comprendre la complexité représentée par celle-ci. Selon la World Health Organization, la noyade est : « un processus d'altération de la fonction respiratoire résultant d'une submersion ou d'une immersion dans un liquide ». 5 Elle précise également qu' « une personne est victime de noyade dès qu'il y a présence de liquide à l'entrée de ses voies respiratoires, l'empêchant ainsi de respirer de l'air. Ainsi, la noyade n'entraîne pas nécessairement la mort; elle peut être mortelle, non mortelle avec séquelles ou non mortelles sans séquelles ». Le Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine définissait quant à lui la noyade en 2024 comme une « asphyxie par la pénétration broncho-alvéolaire d'un liquide, le plus souvent de l'eau (eau de mer, eau douce, eau chlorée des piscines). Parfois suicidaire, le plus souvent accidentelle, la noyade « primitive » peut se produire par épuisement musculaire du nageur, par accident de plongée ou par suffocation d'un sujet tombé à l'eau accidentellement, alors qu'il savait mal nager. La noyade « secondaire » peut aussi succéder à une hydrocution6 par syncope cardiorespiratoire, par réflexe (irritation des muqueuses du carrefour aérodigestif), par réaction émotive (peur), allergique (plancton, algues, eau très froide) ou surtout thermodifférentielle (souvent après un exercice physique prolongé, une longue exposition au soleil ou un repas copieux) » 7 . Aux XIXème et XXème siècles, la définition de la noyade variait quelque peu de la définition que l'on en fait actuellement. Selon le dictionnaire Littré, publié entre 1863 et 1873 par Émile Littré8, la noyade était l' « action de noyer plusieurs personnes à la fois ». 4 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, p 37-38. 5WORLD HEALTH ORGANIZATION. Global reporting on drowning. Preventing a leading killer. Genève, 2014, p.7. 6 Syncope réflexe déclenchée par un bain dans l'eau froide, pouvant entraîner la noyade. 7DICTIONNAIRE MÉDICAL DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE, « Noyade ». Consulté le 22 mai 2024. Disponible sur : < https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=noyade> 8 Lexicographe français du 19ème siècle. 10 Le dictionnaire de l'Académie française dans sa 8ème édition de 1932 à 1935 confirmait cette idée d'une noyade multiple puisqu'il la définissait ainsi : « Action de noyer plusieurs personnes à la fois. Il se dit surtout en ce sens en parlant des Exécutions ordonnées à Nantes en 1793 par le représentant Carrier. Les noyades de Nantes. Il signifie aussi Action de se noyer et se dit habituellement de plusieurs personnes qui se noient à la fois9 ». Les Noyades de Nantes mentionnées dans cette définition font référence à une série de noyades de masse sur des « contre-révolutionnaires » qui eurent lieu sur la Loire pendant le règne de la Terreur sous la direction de Jean-Baptiste Carrier, représentant en mission de Paris. Les informations concernant ces noyades demeurent imprécises, on estime le nombre de victimes à un nombre variant entre 1800 et 4800. Ces victimes étaient en majeure partie des résidents des prisons de Nantes constitués de « rebelles capturés pendant la guerre de Vendée, de prêtres et de religieuses catholiques réfractaires, ainsi que d'autres suspects emprisonnés en vertu des lois imposées par la Terreur10 ». Pour le bon déroulement de notre étude, nous étudierons tous les types de noyades rencontrés au cours de nos dépouillements, à savoir des noyades multiples comme des noyades individuelles. Nous allons maintenant voir une approche médicale de ce que représente une noyade. Les scientifiques se sont mis d'accord pour définir la noyade en quatre stades distincts. Tout d'abord, nous avons l'étape dite de l'aquastress qui renvoie à une première perte de contrôle ainsi qu'une première présence d'eau dans l'estomac, la personne étant plongée dans un état d'angoisse. Ensuite, nous retrouvons le stade hypoxique, ou « petite noyade », la respiration du nageur s'accélère, l'état d'angoisse s'amplifie et la victime connaît durant cette phase une sensation de froid avec une hypothermie. Le troisième stade de la noyade est quant à lui qualifié de stade grand hypoxique11 ou « grande noyade » et se résume à une amplification de la seconde phase. Une grande quantité d'eau est alors présente dans l'estomac de la victime et cette dernière peut perdre connaissance du fait d'une somnolence ou d'un coma provoqué par une faible oxygénation du sang. Enfin, la dernière phase de la noyade est le stade anoxique, au court duquel on observe la présence en grande quantité 9 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 8ÈME ÉDITION (1932-1935), « Noyades ». Consulté le 3 juin 2024. Disponible sur :< https://dvlf.uchicago.edu/mot/noyade> 10Harrison W. MARK, « Noyades de Nantes ». Dans World History Encyclopedia, publié le 2 novembre 2022. Consulté le 4 juin 2024. Disponible sur : < https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21165/noyades-de-nantes>
11 d'eau dans l'estomac ainsi qu'une obstruction des alvéoles pulmonaires. C'est durant ce dernier stade que la victime peut décéder, ses capacités respiratoires étant sérieusement mises en danger.12 CADRE SPATIO-TEMPOREL Désormais, attardons -nous un instant sur le cadre spatio-temporel dans lequel nous situons notre étude. Notre sujet porte sur les noyades ayant eu lieu au XIXème siècle et au XXème siècle à Lyon dans le Rhône et la Saône. Notre étude s'étendra plus précisément de 1808, année durant laquelle nous recensons notre premier décès au sein des procès-verbaux des Archives départementales du Rhône et s'étendra jusqu'en 1950, année durant laquelle nous recensons nos derniers cas de noyades au sein des registres d'entrée de morts à la morgue issus des Archives municipales de Lyon. Notre étude couvre donc une période longue de 142 ans. Il nous faut préciser que certaines périodes sont plus fournies que d'autres en terme d'archives et de documentations, mais nous reviendrons sur ce point plus tardivement. Le cadre géographique est plus complexe à définir. En effet, de prime abord notre étude se situe au sein de la ville de Lyon et plus précisément dans le fleuve du Rhône et la rivière de la Saône. Le Rhône est un fleuve dont le nom provient probablement de son nom grec, à savoir « Rhodanos », ou romain, « Rhodanus »13. Il s'étend en Suisse et en France et mesure 812 kilomètres, dont environ 522 se trouve en France. Le Rhône tire sa source à 1900 mètres d'altitude, au glacier de la Furka, situé à l'extrémité inférieure du glacier du Rhône, sur les pentes du massif de l'Aar-Gothard, en Suisse, dans un massif surnommé le « château d'eau » de l'Europe. Avec un débit annuel moyen estimé à 1032 mètres2 par seconde, il est le premier fleuve français par son débit. 14 En aval de Lyon, le Rhône devient, grâce à la Saône, un fleuve plus puissant et régulier15. La Saône, est une rivière située en France, mesurant 482 kilomètres et se jetant dans le Rhône à Lyon au niveau du quartier de Confluence. Appelée « Arar » dans l'Antiquité, son nom se mue au fil du temps devenant Saucona, Saogouna, puis Sone, Sogne, Soine, Soène, et Soosne au XVème 12 ORDRE DE MALTE FRANCE, « Sauvetage en cas de noyade : les gestes qui sauvent ». Consulté le 23 mai 2024. Disponible sur : < https://www.ordredemaltefrance.org/actions/sauvetage-en-cas-de-noyade-les-gestes-qui-sauvent> 13 Jean PELLETIER, Ponts et les Quais de Lyon, Editions Lyonnaises d'art et d'histoire, Lyon, 2013. 14MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021. 15 LAROUSSE, « Rhône ». Dans Dictionnaire en ligne, consulté le 3 mai 2024. Disponible sur : < https://www.larousse.fr/encyclopedie/riviere-lac/Rhône/140848> siècle16. Elle prend sa source à 405 mètres d'altitude dans les Vosges à Vioménil et est caractérisée par la lenteur de son débit. Par exemple, à Lyon, lorsque la Saône déverse 30 mètre2 d'eau en une seconde, le Rhône en déverse 1700.17 Si la Saône, qui le rejoint dans la partie sud de la ville de Lyon est considérée comme une rivière paisible, le Rhône est quant à lui bien plus tumultueux, possédant de forts courants. Nous aurons également l'occasion de revenir sur ces différences entretenues entre ces deux cours d'eau au cours de notre étude. Lyon est la seule ville au monde, avec la ville de Pittsburgh en Pennsylvanie aux États-Unis à être construite autour de la confluence de deux cours d'eau. Sa construction date de l'Antiquité, période durant laquelle la ville était située sur la colline de Fourvière. C'est en 43 avant JC que la colonie de Lugdunum est fondée au sein de l'Empire romain par Lucius Munatius Plancus, gouverneur de la Gaule. Au Moyen-Âge, on observe un développement du bourg médiéval au niveau de la rive droite de la Saône, au pied de la colline. Peu à peu, la ville se développera jusqu'à gagner la presqu'île. Aux XIXème et XXème siècles, période durant laquelle nous situons notre étude, c'est sur la rive gauche du Rhône que Lyon va rapidement se développer18. Les échelles utilisées au sein de notre étude seront amenées à varier. En effet, nous étudions des cadavres de noyés au sein de cours d'eau, ce qui intègre des déplacements au sein de ces mêmes cours d'eau, pouvant parfois même représenter des centaines de kilomètres. Nous utiliserons donc principalement l'échelle de la Métropole de Lyon, mais également celle du département du Rhône, celle de la Région Rhône-Alpes19, et lors de quelques rares exceptions l'échelle nationale française mais également suisse, un tiers du Rhône étant situé en Suisse. Nous étudierons l'intégralité des noyades recensées dans le département du Rhône durant cette période, intégrant donc les noyades ayant eu lieu au sein des affluents du Rhône et de la Saône tels que la Brévenne ou la Turdine, mais également les noyades ayant eu lieu à divers endroits en dehors 16PATRIMOINE DE LYON, « La Saône et ses ponts », Patrimoine-Lyon.org. Disponible sur : < https://www.patrimoine-lyon.org/accueil/les-fleuves/la-saone> 17ART ET HISTOIRE EN AUVERGNE RHÔNE-ALPES, « La Saône ». Consulté le 22 mai 2024. Disponible sur < https://vpah-auvergne-rhone-alpes.fr/ressource/la-saône> 18 André PELLETIER, Jacques ROSSIAUD, Françoise BAYARD, Pierre CAYEZ, Histoire de Lyon des origines à nos jours, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, Barcelone, 2007. 19 Jusqu'en 2016, la région Rhône-Alpes est une région à part entière et n'intègre pas, comme actuellement, la région Auvergne. Nous parlerons donc uniquement de la région Rhône-Alpes pour cette étude. 12 du Rhône et de la Saône, à savoir dans des rivières, des lacs, des fossés, des étangs, des mares, des réservoirs, des citernes, des lavoirs, des écluses, des cuves ou des pièces d'eau. HISTORIOGRAPHIE Après avoir introduit notre sujet, nous allons nous attarder un instant sur son historiographie. L'historiographie de la noyade et des noyés est assez complexe et demeure peu étudiée et traitée par les historiens et historiennes, probablement en raison de son caractère morbide mais également du fait de sa complexité. Pourtant, l'étude historique des noyades soulève encore aujourd'hui des enjeux fondamentaux, à savoir connaitre leur passé et leurs caractéristiques afin de mieux agir sur leur présent, prévenir le futur et améliorer les techniques d'assistance et de secourisme aux victimes. Un ouvrage sert de référence en la matière, il s'agit du livre intitulé Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours publié en 2007 sous la direction de Frédéric Chauvaud. Dans cet ouvrage collectif, de multiples travaux de recherche en histoire et en anthropologie sur la figure du noyé sont exposés. De la période de l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui, cet ouvrage expose la figure du noyé dans toutes les grandes périodes de l'Histoire mais également la représentation de cette figure dans le monde artistique et les mentalités de l'époque. Durant la période de l'Antiquité, Pierre Cordier, maître de conférences en histoire ancienne à l'université de Poitiers parvient à établir une histoire des noyés en s'appuyant sur l'épigraphie funéraire mais également à partir de la littérature antique au sein desquels il établit la conclusion suivante : « toutes les eaux tuent, à commencer par celles de l'espace domestique, bain, puitss ou viviers (piscinae)20 ». Ainsi, les inscriptions funéraires retrouvées ont permis aux archéologues et aux historiens d'identifier les causes des morts, et notamment les causes des noyades, évoquant la plupart du temps les circonstances de la noyade, par exemple si celle-ci a eu lieu dans un bain, dans une piscine ou dans un puits. On recense plus particulièrement un taux élevé de noyades attribuées à des enfants durant cette période. Concernant les noyades en mer, deux catégories de victimes dominent durant l'Antiquité : les adultes de sexe masculin et les jeunes filles. 20 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, pp.23. 13 Un autre type de noyade est évoqué par Pierre Cordier, il s'agit de l'utilisation de la noyade comme « mode de mise à mort ». À noter que la noyade demeure en Grèce, avec la pendaison, l'un des moyens les plus courants de mise à mort des jeunes filles lorsqu'il représente à Rome un outil important dans la pratique de l'infanticide. La mort par noyade demeure durant l'Antiquité un outil de l'homicide réservé : « aux traitres, aux adultères, aux brigands et aux tyrans21 ». L'historien Dominique Briquel évoque également cette utilisation de la noyade durant l'Antiquité à Rome dans son article intitulé « Formes de mise à mort dans la Rome primitive : quelques remarques sur une approche comparative du problème » publié en 1984. En effet, il déclare que divers moyens étaient mis en place à Rome afin d'éliminer les criminels, tels que la « crémation, précipitation, suspension, noyade22 ». Les parricides également étaient punis par la sentence de la noyade. Nous allons maintenant nous intéresser aux noyades durant le Moyen-âge. Laurence Moulinier-Brogi, maîtresse de conférence en histoire médiévale à l'Université Paris VIII soulève au sein de l'ouvrage Corps submergés, corps engloutis, une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours diverses interrogations qui sont toujours d'actualité concernant les noyades à savoir : « la mort est-elle due à la submersion, ou le décès était-il antérieur à la plongée du corps dans le liquide? Et si c'est vraiment l'eau qui est venue à bout de cette vie, est-on en présence d'un accident ou d'une mort intentionnelle, et en ce cas, donnée par un autre ou voulue par le noyé?23 ». Dans la même lignée que les noyades intentionnelles établies lors de l'Antiquité, les noyades comme châtiment étaient monnaie courante durant le Moyen-Âge. Elles représentaient avec la pendaison, la décapitation et le bûcher, l'un des moyens les plus courants pour éliminer les condamnés à mort. Nous pouvons citer comme exemple la mise à mort par noyade en 1425 de Pierre de Giac, favori de Charles VII. Quant à Richard Coeur de Lion, il mit en place lors des croisades une doctrine selon laquelle tout meurtrier responsable d'une noyade en mer serait également noyé et attaché à sa victime. 21 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, p26-27. 22 Dominique BRIQUEL. « Formes de mise à mort dans la Rome primitive : quelques remarques sur une approche comparative du problème ». In: Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Table ronde de Rome (9-11 novembre 1982) Rome : École Française de Rome, 1984. pp. 225-240. (Publications de l'École française de Rome, 79) Disponible sur : < www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_79_1_2536> 23 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, p35-36. 14 Les noyades accidentelles étaient également très répandues durant cette même période et concernaient majoritairement les enfants. Laurence Moulinier-Brogi poursuit son étude en déclarant que la noyade représentait près d'un tiers des accidents responsables de la mort d'un enfant. Enfin, la noyade comme outil de suicide était également omniprésente durant l'époque médiévale. Avec la pendaison, elle constituait le moyen le plus répandu pour se suicider. Ayant la particularité de ne que très rarement permettre de donner une sépulture à sa victime, le suicide par noyade constituait alors la représentation du désespoir ultime. Intéressons-nous désormais aux noyades durant les Temps Modernes. Au sein de l'ouvrage de Frédéric Chauvaud, c'est Sébastien Jahan, maître de conférences en histoire moderne à l'Université de Poitiers qui traite les noyades durant cette période. À partir de cette période, un autre terme vient qualifier ce qu'on appelle la noyade, il s'agit de la « submersion ». Son utilisation ne fera que d'accroître pour atteindre son apogée en 188024. L'époque moderne est marquée par l'accroissement des techniques de secours aux noyés. Les médecins de l'époque élaborent et testent différentes techniques de sauvetage, techniques qui pourraient aujourd'hui sembler irréelles. Par exemple, l'une des techniques qui a le plus retenu notre attention et provoqué notre étonnement est celle du tabac. Au XVIIIème siècle, ces savants fous recommandaient l'insufflation de fumée de tabac dans l'anus des victimes afin de les réanimer. Cette invention hollandaise se faisait en plusieurs étapes : « Premièrement, il faut souffler dans le fondement du noyé, au moyen d'une pipe ordinaire, d'un tuyau, d'une gaine de couteau ou d'un fourreau d'épée, dont on aura coupé le bout, ou d'un soufflet. Plus cette opération sera prompte, forte et continue, plus elle sera avantageuse ; elle deviendra encore plus efficace, si l'on se sert d'une pipe à fumer, ou d'un fumigateur, pour introduire dans le corps du noyé, au lieu d'air simple, la fumée chaude et pénétrante du tabac. On ne peut mettre trop de célérité dans cette première opération qui peut avoir lieu au moment même où le corps est tiré de l'eau, soit sur un bateau, soit sur le rivage et en quelque lieu que le noyé soit posé25 ». Un événement majeur du XVIIIème siècle marque un tournant dans l'historiographie de la noyade, il s'agit des noyades de Nantes. Si jusque-là, la figure du noyé et les noyades n'intéressaient guère les historiens, cet épisode traumatisant sera à de multiples reprises étudié par les historiens. 24LA LANGUE FRANÇAISE, « Évolution historique de l'usage du mot « submersion » depuis 1800 ». Dernière mise à jour le 26 avril 2024. Consulté le 2 mai 2024. Disponible sur : < https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/submersion> 25 Anton SERDECZNY, « Réanimer les noyés en soufflant dans leur derrière : une histoire », Retronews, publié le 26/02/2019. Disponible sur : < https://www.retronews.fr/sante/long-format/2019/02/26/reanimer-les-noyes> 15 16 Les sources premières de cet événement sont les documents d'époque, notamment les rapports écrits par son principal acteur Jean-Baptiste Carrier, mais également les registres des tribunaux révolutionnaires, les correspondances officielles, ainsi que les témoignages. À partir du XIXème siècle, des historiens se penchent sur l'étude de ces noyades. L'historien français Jules Michelet évoque cet épisode de l'histoire française dans son ouvrage intitulé Histoire de la Révolution française, au sein duquel il a recueilli de nombreux témoignages sur Carrier26, qu'il surnomme par ailleurs « le missionnaire de la Terreur ». Un autre historien du XIXème siècle s'intéresse de près à cet épisode de la Terreur, il s'agit de l'historien français Alfred François Lallié. Originaire de Nantes, il publie de nombreux ouvrages sur l'histoire de cette ville et notamment Les Noyades de Nantes en 1878 dans lequel il s'appuie sur de nombreux documents d'archives afin d'étudier chaque noyade ayant eu lieu lors de cet événement27. Durant le XXème siècle, les historiens continuent à s'intéresser à cet épisode de la Terreur. L'historien G. Lenotre publie en 1912 un ouvrage s'intitulant tout bonnement Les noyades de Nantes28 qu'il dédit par ailleurs à Alfred François Lallié. Il offre une perspective détaillée et humaine des Noyades de Nantes en soulignant notamment la brutalité et l'inhumanité de ces actes commis entre 1793 et 1794. Plus récemment, c'est l'historien Jean-Clément Martin qui s'est intéressé aux Noyades de Nantes. Spécialiste de l'histoire de la Vendée et de la Révolution française, tournant ses recherches sur des thématiques comme la compréhension de la violence ainsi que le rôle de la religion et de la religiosité dans le processus révolutionnaire, il adopte un point de vue opposé à ses prédécesseurs, en défendant l'idée que cet événement n'est pas à proprement parlé un génocide. Il publie de nombreux ouvrages sur l'histoire de la Vendée et les Noyades de Nantes tels que Nantes et la Révolution29 paru en 2018 ou La Guerre de Vendée, 1793-1800 en 2014. 30 Nous allons désormais nous intéresser à l'historiographie de la nage qui constitue elle aussi une approche intéressante pour notre étude. Une nuance est à préciser concernant les termes de « nage » et de « natation ». Si la nage est « l'action de se déplacer à la surface de l'eau », la 26 Jules MICHELET, Histoire de la Révolution française, Éditions de Gérard Walter, Coll. Folio Histoire, Gallimard, 2007. 27 Alfred François LALLIÉ, Les Noyades de Nantes, Éditions Pays & Terroires, Cholet, 1879. 28 G. LENOTRE, Les Noyades de Nantes, 1 vol. In-8, Perrin, Paris, 1912. 29 Jean-Clément MARTIN, Nantes et la Révolution, Nantes, Château des Ducs, 2017, 130p. 30 Jean-Clément MARTIN La Guerre de Vendée, 1793-1800, Points-Seuil, 2014, 368p. 17 natation désigne quant à elle « la nage en tant que sport ou loisir »31. Nous évoquerons ici la natation en tant que loisir mais également en tant que sport. L'histoire de la natation remonte à la période de la Préhistoire. Si nous n'avons aucune preuve archéologique de son utilisation, les historiens Jean Granat et Jean-Louis Heim dans leur article intitulé « Le sport aux temps préhistoriques, mythe ou réalité » publié en 2002 supposent que les hommes préhistoriques pouvaient savoir nager : « pour survivre, [ces hommes] devaient être avant tout bons marcheurs ou coureurs, bons grimpeurs, peut-être nageurs, être capables de ramper et de transporter de lourds fardeaux. Ils devaient réfléchir pour trouver des parades à tous ces pièges et en premier entretenir leur corps à faire des exercices physiques. Cela ne pouvait pas être autrement sinon ils n'auraient pas survécus32 ». Aujourd'hui encore, cette hypothèse n'a pas été vérifiée mais on peut supposer que les hommes préhistoriques possédaient des connaissances en matière de natation afin de survivre, comme énoncer précédemment, face à une crue ou à un animal féroce par exemple ou tout simplement pour accéder à des territoires nécessitant le franchissement d'une étendue d'eau, ces derniers étant essentiellement des peuples nomades. Durant la période de l'Antiquité, la pratique de la natation se développe considérablement au sein des civilisations égyptiennes, grecques et romaines. De nombreuses traces telles que des peintures, des sculptures ou des sites archéologiques témoignent de cette pratique de la nage. Un dicton circulait même à ce sujet durant l'Antiquité, à savoir « il ne sait ni lire, ni nager ». Cette expression désignait les hommes avec un manque d'éducation, les hommes de bonne famille devant savoir maîtriser la natation dès leur plus jeune âge. On peut par ailleurs observer l'utilisation de cette expression au sein des Lois33 du philosophe grec Platon, rédigé vers 348 et 347 avant JC. Suétone, auteur romain de nombreux ouvrages et notamment de la Vie de Jules César à Domitien34 au début du IIème siècle qui confirme cette pratique de la nage durant l'Antiquité en déclarant dans son ouvrage : « Cet homme, qui apprenait si aisément tant de choses, ne savait pas nager! ». Toutefois, aucune trace ne laisse penser que la natation était un sport pratiqué lors des Jeux Olympiques. 31 Élise GAUDETTE, « Nager ou faire de la natation, quelle est la différence? », Eaudace, Approche humaine pour apprivoiser l'eau, publié le 13 novembre 2016. Disponible sur : < http://eaudace.ca/capsule-no-3-nager-faire-de-natation-difference> 32 Jean GRANAT, Jean-Louis HEIM. « Le sport aux temps préhistoriques, mythe ou réalité ? », Biométrie Humaine et Anthropologie - revue de la Société de biométrie humaine, 2002, 20, (1-2), 139-149. Granat J., Le sport aux temps préhistoriques, mythe ou réalité ? 33 PLATON, Les Lois, Livres I à VI, Flammarion, 2006. 34 SUÉTONE, Vie des douze Césars, traduction de Théophile Baudement, Éditions Flammarion, 2008, 416p. 18 Durant le Moyen-Âge, la pratique de la nage demeure récréative plutôt que sportive. Dans son ouvrage intitulé Usages de l'eau: dans la vie privée, au Moyen-Âge, à travers l'iconographie des manuscrits à peintures de l'Europe septentrionale (XIII-XVIème siècles) paru en 2001 35 , l'historienne Catherine Gouédo-Thomas démontre cette pratique de la nage en s'appuyant sur des textes de l'époque. L'apprentissage de la natation était intégré aux formations des chevaliers, des textes relatent par ailleurs le fait qu'il fallait savoir nager pour être sacré chevalier, mais la nage en tant que savoir au sein de la population demeurait très limitée. Si la nage en pleine mer n'était pas pratiquée en raison des peurs superstitieuses liées à l'eau, les moments de détente dans des cours d'eau comme des rivières pouvaient avoir lieu36. Au début des Temps modernes, la pratique de la nage en Europe connaît une décroissance importante. C'est à partir de la Renaissance que la natation connaît un regain de popularité, avec la publication des premiers traités sur la natation tel que celui de Nikolaus Wynmann publié en 1538 et intitulé Colymbetes.Sive de Arte Natandi. Au sein de ce traité, Nikolaus Wynmann donne notamment des techniques pour apprendre à nager et pour lutter contre la peur des eaux profondes qui demeure très importante et très paralysante durant cette période. Jusqu'à la fin du XIXème siècle, les techniques de nage sont imprécises. Cependant, selon le professeur des universités Patrick Pelayo dans son article intitulé « De l'art de nager à la science de la natation37 » publié en 2010, l'Europe connaît à la fin du siècle une multiplication des compétitions ainsi qu'une institutionnalisation de la natation sportive. La France connaît alors une évolution majeure en terme de natation, qui demeurait au début du XIXème siècle essentiellement une pratique sociale réservée aux bains et aux loisirs, et qui atteint au cours du XXème siècle le niveau de professionnalisme que l'on lui connaît aujourd'hui. Nous aurons l'occasion de traiter cette thématique au sein de notre première partie qui évoque le rapport à l'eau aux XIXème et XXème siècle en France et plus particulièrement dans le département du Rhône et dans la ville de Lyon. 35 Catherine GOUEDO-THOMAS, Usages de l'eau : Dans la vie privée, au Moyen-Âge, à travers l'iconographie des manuscrits à peintures de l'Europe septentrionale (XIII-XVIe siècles), Thèse soutenue le 8 juin 1995, Presses Univerisitaires de Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2001. 36 UNIVERSITÉ DE RENNES, « Histoire de la natation », 2024. Consulté le 12 mai 2024. Disponible sur : < https://apprendre-a-nager.univ-rennes.fr/histoire-de-la-natation-0> 37 Patrick PELAYO, « De l'art de nager à la science de la natation », La revue pour l'histoire du CNRS, 26, 2010, p18-23. 19 SOURCES Désormais, nous allons voir quelles sources ont été utilisées afin de mener à bien ce travail. Pour construire notre étude, nous nous sommes appuyés sur l'utilisation de quatre sources distinctes. Premièrement, nous avons utilisé les procès-verbaux issus des archives départementales du Rhône situées près de la Part-Dieu à Lyon. Ces archives sont issues de la Série M, qui répertorie les archives concernant l'administration générale et l'économie de 1800 à 1939 et la côte 4M plus précisément qui est quant à elle réservée aux archives de la police. Nous avons dépouillé les côtes 4M488 à 4M495 qui concernent les procès-verbaux d'accidents, d'homicides, de suicides qui eurent lieu au cours du XIXème siècle et jusqu'en 1939 dans le département du Rhône. Pour ces archives, nous avons classifié l'intégralité des morts dans deux tableurs distincts, l'un consacré uniquement aux cas de noyades et l'autre contenant toutes les autres morts mentionnées tels que les pendaisons, les chutes ou les accidents de la circulation. Nous recensons alors pour cette période 852 cas de noyades et 1126 cas de morts hors noyade, ce qui représente un total de 1978 morts répertoriées dans les procès-verbaux. Cependant, pour des raisons qui nous sont inconnues mais probablement par égarement certaines côtes sont moins complètes que d'autres. À partir de la côte 4M494 et 4M495 qui couvre les années 1864 à 1940, on note un changement dans la conservation des PV puisque beaucoup d'incendie sont désormais relatés avec les conséquences matérielles de ces derniers, alors que de 1870 à 1901, aucun cas de noyade n'est recensé et qu'après 1937, seul des accidents de train non-mortels sont signalés. Dans un deuxième temps, dans un souci de prolonger temporellement l'étude des noyades qui ne sont que presque pas évoquées dans les PV concernant le début du XXème siècle, nous avons également dépouillé des archives présentes aux archives municipales de Lyon situées près de la gare Perrache à Lyon. Nous avons dépouillé les côtes 2764W/1 à 2764W/3 qui correspondent aux registres d'entrées des corps des victimes à la morgue à Lyon de l'année 1939 à l'année 1950 incluse. Pour ce dépouillement et par manque de temps, nous avons répertorié uniquement ici les cas de noyades, et non pas l'intégralité des morts recensées, comme nous avons pu le faire pour les archives des procès-verbaux. Nous répertorions ici 219 cas de noyades. Il nous faut préciser que les noyades recensées au sein de ces archives ne concernent que la découverte des noyades. Ces registres ne mentionnent ni la date ni le lieu de disparition de la victime. À la différence des PV, nous avons rencontrer plusieurs cas de noyade retranscrite et illustré par la photo du cadavre du 20 noyé. Pour des raisons de qualité et de petite taille, nous n'utiliserons pas ces photos au sein de notre étude. Troisièmement, nous avons utilisé pour cette étude des archives de presse issues du site internet Retronews. Nous avons classifié 115 articles de journaux évoquant des noyades ayant eu lieu dans le département du Rhône, datant pour le plus ancien du 6 avril 1825 et pour le plus récent du 28 juillet 1935. Ces 115 archives de presse sont issues de trois grands journaux Lyonnais de l'époque : la Gazette de Lyon, le Journal du commerce de la ville de Lyon et du département du Rhône et Lyon républicain. Enfin, dans un dernier temps, nous avons eu un accès « inédit » à des archives iconographiques du médecin légiste français Edmond Locard et de son équipe grâce au soutien des Archives municipales et plus particulièrement celui de Nicolas Delestre. Ces archives comportent 28 000 plaques iconographiques exploitables qui proviennent de l'INPS datant de 1910, date à laquelle ce laboratoire a été fondé et jusque dans les années 50. Ces photographies représentent diverses choses, telles que des photos personnelles, des corps repêchés ou des photos d'enquêtes judiciaires. Nous avons pu récupérer quatorze photos représentant des cadavres de noyés qui nous permettront d'illustrer et de représenter ce à quoi ressemble un cadavre de noyé au début du XXème siècle. MÉTHODES DE TRAVAIL Pour construire notre étude et comme nous avons pu l'énoncer auparavant, nous avons classifié nos archives dans trois tableurs Excel , l'un consacré aux noyades ayant eu lieu de 1811 à 1950 dans le département du Rhône, recensant 1064 noyés, un deuxième consacré à toutes les autres catégories de morts, comprenant des homicides, des suicides, des morts naturelles et accidentelles et qui comporte 1126 cas s'étendant de l'année 1808 à l'année 1937, et enfin un dernier dans lequel nous recensons 115 archives de presse qui évoquent des cas de noyade ayant eu lieu entre 1825 et 1935. 21 Grâce à l'élaboration de ces bases de données nous avons pu construire par la suite divers statistiques sur les noyés et les circonstances des morts recensées et notamment des statistiques nous permettant d'élaborer le profil des noyés afin de répondre à diverses questions : -qui sont les noyés? -à quel endroit et dans quelles circonstances se noient-ils? -à quel endroit et à quel moment sont-ils retrouvés? -quel est le nombre des noyades et comment varie-t-il dans le temps? -quelle est l'importance relative de la noyade parmi l'ensemble des causes de décès accidentels recensés? Nous avons produit différents types de statistiques, à savoir des chiffres, des pourcentages et des graphiques grâce au logiciel Excel et à nos bases de données. Nous avons également produit des cartes géographiques afin de localiser les cas de noyades que nous avons étudié grâce au logiciel QGIS. L'enjeu de cette étude est d'apporter une dimension historique au projet de recherche ARCO qui vise à proposer des solutions contre les noyades ainsi que de nourrir par un contrepoint sur la longue durée la thèse de Célia Maghakian intitulée « Noyade dans les cours d'eau urbains : de l'épidémiologie à l'aide à la recherche subaquatique de victimes dans le Rhône et la Saône à Lyon ». L'autre enjeu est de venir nourrir une thématique, à savoir l'histoire des noyades en France, et plus particulièrement l'histoire des noyades dans le Rhône et la Saône durant l'époque contemporaine, sujet qui n'a été que très peu étudié par les historiens. L'intérêt personnel de cette étude est de gagner en connaissances sur d'une part l'histoire de la ville de Lyon, des noyades et des circonstances sur les morts qui eurent lieu à Lyon de manière générale aux XIXème et XXème siècles, et d'autre part d'avoir l'opportunité de travailler dans une équipe très hétérogène sur un projet original qui sort de l'ordinaire et qui de ce fait, me plait. PROBLÉMATIQUE Comment se caractérisent les noyades dans le Rhône et la Saône dans la ville de Lyon et dans le département du Rhône aux XIXème et XXème siècles? Quelles évolutions connaissent-elles parmi l'ensemble des morts recensées durant cette même période? Quelles solutions sont finalement mises en place par l'État et les autorités publiques afin de lutter contre les noyades? PRÉSENTATION DU PLAN L'enjeu de notre étude est d'établir une sociologie des noyés à Lyon et dans le Rhône aux XIXème et XXème siècles afin de fournir une réponse avec des statistiques à des enjeux qui demeurent actuels. Pour répondre à notre problématique, un plan chronologique aurait pu s'avérer être efficace pour traiter un sujet couvrant une si longue période, mais nous avons finalement opter pour un plan thématique qui nous permettra d'exposer l'ensemble des thèmes qui nous intéressent de manière pertinente, ainsi que pour des questions pratiques. Nous avons ainsi choisi de construire un plan en trois parties. Dans la première partie, nous nous intéresserons tout d'abord au rapport au fleuve entretenu par les Lyonnais et aux risques créés par ce dernier aux XIXème et XXème siècles, en proposant dans un premier temps de développer ce rapport au fleuve, et dans un deuxième temps le rapport à l'eau et à la mort de manière générale. Dans une seconde partie, nous allons entrer dans le coeur de notre sujet en développant les noyades à Lyon et dans le département du Rhône durant cette même période. Nous nous intéresserons dans un premier chapitre à la représentation des noyades dans l'ensemble des morts recensées à Lyon aux XIXème et XXème siècles, dans un second chapitre nous nous attarderons sur la prise en charge effectuée quant aux noyés, et enfin, dans un dernier temps, nous étudierons plus en détail les différents types de noyades en prenant soin de donner des statistiques pour illustrer chaque catégorie de noyé afin de pouvoir fournir des comparaisons qui soient les plus précises possibles. Notre troisième partie sera quant à elle consacrée aux aménagements et aux outils de lutte contre les noyades qui furent mis en place du début du XIXème siècle jusqu'au XXème siècle. Pour cette partie, nous parlerons de ces actions de lutte du point de vue de la ville de Lyon, mais nous proposerons également de les observer à l'échelle de la France en démontrant qu'une politique et des structures sont mises en place dans l'intégralité du pays, le fléau des noyades n'étant pas qu'uniquement présent dans le département du Rhône. Nous consacrerons également un chapitre à 22 23 la presse locale Lyonnaise dans cette partie afin de démontrer que celle-ci représente un outil de prévention et d'éducation aux XIXème et XXème siècles à Lyon de part la croissance de ses moyens techniques et de sa diffusion. 24 |
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