WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème siècles


par Charlotte Gouillon
Université Lyon 2 - Master 2 2025
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II- Le spectacle de la mort à Lyon aux XIXème et XXème siècle

Dans un deuxième temps, nous allons nous intéresser aux rapports qu'entretenaient les Lyonnais avec la mort. Omniprésente, la mort marque le quotidien des Lyonnais qui assistent à son véritable spectacle aux XIXème et XXème siècles, spectacle qui était notamment dû aux deux cours d'eau qui traversent la ville et qui représentent un danger à chaque instant.

a) Une faible pratique de la nage

L'omniprésence de la mort à Lyon est liée aux fleuves et est causée par une raison principale : l'absence ou la mauvaise pratique de la nage. Jusqu'au XVIIIème siècle, la population a recours au « religieux » pour se protéger du mauvais sort, mais également pour éviter de se noyer. Ce recours au religieux représente alors la seule échappatoire pour éviter la noyade et la mauvaise fortune, devançant celle qui est a priori évidente à savoir la connaissance de la nage. On note la rare présence de quelques « bons nageurs » qui est justifié par le peuple comme étant soit un miracle soit un acte issu de la sorcellerie106. Dans les faits, c'est un peu différent, ces quelques bons nageurs ont généralement fréquenté la rivière dès leur plus jeune âge et parfois avec les conseils d'un maître de nage local. Jusqu'au XVIIIème siècle, même si la pratique de la baignade a lieu à Lyon, la bonne connaissance de la nage demeure quelque chose de rare en raison de « la peur insidieuse de l'eau qui paralysait les gens »107. À partir du XIXème siècle, des aménagements sont mis en place afin d'apprendre à nager à la population, aménagements que nous aurons l'occasion de traiter plus en détails au sein de notre troisième partie.

b) Une absence de secours pour les noyés

Il faut attendre la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle pour que les autorités publiques s'intéressent réellement aux cas des noyés et commencent à instituer une assistance pour les victimes. Pendant longtemps, le sauvetage ou du moins le retirement des corps des noyés de l'eau par des passants n'avait pas lieu.

106FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

107 Catherine DANYS, « La mort accidentelle à Lille et Douai au XVIIIème siècle : mesure du risque et apparition d'une politique de prévention », Histoire urbaine, vol. 2, n°2, 2000, p. 111, 112.

45

Repoussés par un possible contact avec le noyé, ou tout simplement par peur des représailles judiciaires s'ils touchaient le cadavre avant l'arrivée des autorités, l'assistance volontaire demeurait chose rare. De plus, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, les dangers de l'eau sont bien connus par la population qui accepte que les autorités ne mettent en place aucune réparation quant aux souffrances endurées108. Cependant, au cours du XVIIIème siècle, des méthodes commencent à émerger pour secourir les noyés. Comme nous avons pu l'énoncer au sein de notre introduction, l'une de ces méthodes, qui demeure pour le moins atypique provenait d'Hollande et visait à sauver les noyés à l'aide d'un soufflet et d'un peu de tabac. Ce soufflet était alors inséré dans le rectum du noyé, et faisait office de « défibrillateur ». Après l'insufflation du tabac, on tentait de réchauffer le noyé par frictions ou en écorchant un mouton pour ensuite couvrir la victime avec sa peau encore chaude. Parfois même, si une personne courageuse se désignait, il arrivait qu'elle doive se coucher nu dans le même lit de la victime, contre elle, afin de la réchauffer109. On trouvait par ailleurs un certain nombre de ces « boîtes à tabac » le long des cours d'eau Lyonnais afin de pouvoir assister une victime n'importe où et n'importe quand. Une autre méthode était également utilisée au XVIIIème siècle, celle de la pendaison par les pieds. Cette méthode consistait à pendre le noyé par les pieds ou à le placer dans un tonneau afin de le faire rouler dans tous les sens possibles110. Il n'est pas nécessaire de préciser ici que ces méthodes n'ont guère sauvé de noyés au cours de cette période. Elles seront peu à peu abandonnées à la fin du XVIIIème siècle laissant place à une meilleure prise en charge des victimes de noyade grâce à l'amélioration de la science et de la médecine.

108 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

109 Anton SERDECZNY, « Réanimer les noyés en soufflant dans leur derrière : une histoire », Retronews, publié le 26/02/2019.

Disponible sur : < https://www.retronews.fr/sante/long-format/2019/02/26/reanimer-les-noyes>

110ARCHIVES MUNICIPALES DE LILLE, « 1772 : « moyens faciles pour rappeler les noyés à la vie », Ordonnance du 14 octobre 1772. Consulté le 16 juin 2024.

Disponible sur : < https://archives.lille.fr/page/1772-moyens-faciles-pour-rappeler-les-noyes-a-la-vie->

46

c) L'omniprésence de la mort

La ville de Lyon est marquée depuis tout temps par une omniprésence significative de la mort. Il était coutume de tomber sur un cadavre dans les rues de la ville ou flottant dans le Rhône ou la Saône comme l'évoquait La Gazette des tribunaux de 1825 à 1914 en déclarant que des « pièces anatomiques » et des « fragments humains » dérivaient régulièrement sur l'eau111. Si les pêcheurs étaient les premiers témoins de la découverte de ces cadavres au sein des cours d'eau, ce genre de trouvailles pouvait toucher l'intégralité de la population puisqu'il était fréquent de tomber nez à nez avec un cadavre flottant ou un cadavre à terre. De nombreux témoignages admettent également l'idée qu'il était possible d'assister à la mort d'une personne à Lyon, que ce soit de manière accidentelle, par homicide ou par suicide en sautant du haut d'un pont par exemple. Nous pouvons citer le cas du nommé Blaise Guillaume, qui, le 28 novembre 1826, se trouvant sur le pont de l'archevêché avec l'un de ses camarades se jeta brusquement dans la Saône avant de disparaître dans les eaux sous les yeux stupéfaits des Lyonnais et de son camarade112. L'omniprésence de la mort à Lyon pouvait également se traduire par la présence d'exécutions en place publique qui attiraient de nombreux spectateurs. La première exécution par guillotine à Lyon eut lieu en 1827 sur la place Louis XVIII. Le Journal du Commerce estime le nombre de personnes présentes à cet événement à environ 10 000. Au cours du XIXème siècle, le nombre d'exécutions à Lyon est important et attire toujours autant la foule passionnée. Ces mises à mort, d'une violence extrême étaient alors marquées par la présence en abondance du sang et de la mort113. Elles seront effectives à Lyon jusqu'en 1966.

d) La morgue flottante

Lorsque les fleuves rendaient visibles au grand jour les cadavres des noyés, ces derniers étaient ensuite déposés à la morgue de Lyon afin que l'identification soit rendue possible.

111

FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

112 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

113Alexandre NUGUES-BOURCHAT, « L'exécution capitale : un spectacle populaire sous le regard des élites (Lyon, xixe siècle) ». Le peuple des villes dans l'Europe du Nord-Ouest (fin du Moyen åge-1945). Volume I, édité par Philippe Guignet, Publications de l'Institut de recherches historiques du Septentrion, 2002. Disponible sur : < https://doi.org/10.4000/books.irhis.2060>

47

La première organisation de médecine légale qui fut organisée à Lyon se trouvait sur le Rhône face à l'Hôtel-Dieu près du pont de la Guillotière. Cette morgue flottante, active entre 1850 et 1910, permettait une meilleure conservation des cadavres qui étaient régulièrement arrosés par l'eau du fleuve. Installée au sein d'un bateau-lavoir amarré, cette morgue avait la particularité d'exposer les cadavres qui l'habitaient114 . Un extrait du règlement de la morgue datant de 1900 déclare même que : « le cadavre de toute personne inconnue apporté à la morgue restera exposé aux regards du public tant que son état de conservation le permettra ». Cette morgue était gardée par un gardien dont nous avons pu par ailleurs consulter les dossiers personnels qui sont conservés aux AML. Lorsque la presse annonçait l'arrivée d'un corps à la morgue, la foule Lyonnaise se déplaçait en grand nombre afin d'une part tenter de reconnaître l'identité de la victime, et/ou d'autre part afin d'assouvir quelque peu sa curiosité. Ouverte tous les jours, l'affluence pouvait atteindre les 1000 visiteurs par jour. Une salle était également mise à disposition afin d'entreposer les corps qui s'avéraient être nombreux lors des hautes saisons. La morgue était également constituée d'une salle d'autopsie au sein de laquelle des cours de médecine légale avaient lieu comme nous aurons l'occasion de le voir dans notre partie 3115.

Pour conclure cette première partie nous pouvons dire que les Lyonnais entretiennent une relation complexe avec le Rhône et la Saône. Au fil des siècles et des époques, ils ont su développer un lien particulier en bâtissant de nombreuses constructions sur ces cours d'eau, en développant leur richesse économique grâce à la navigation commerciale mais également en amplifiant le nombre d'activités aquatiques rendues possibles par la présence de ces fleuves au centre de leur ville. Malgré une domestication fragile et complexe, en raison notamment des conditions naturelles et météorologiques qui parfois sont à l'origine de catastrophes importantes, les Lyonnais ont sur lier leur vie à celles des fleuves en essayant toujours d'en retirer le plus d'avantage tout en tentant de minimiser et contrôler les inconvénients qui peuvent en émaner.

114 TRIBUNE DE LYON, « Le jour où une morgue flottait sur le Rhône », mis en ligne le 25 septembre 2022. Consulté le 16 juin 2024.

Disponible sur : < https://tribunedelyon.fr/societe/le-jour-ou-une-morgue-flottait-sur-le-rhone/>

115Ludivine STOCK, « Histoire de la morgue flottante », Coll. Les rues de Lyon, Mensuel de bande dessinée, n°8 août 2015, Association l'Épicerie Séquentielle, Champagne-au-Mont-d'Or, 2015.

48

49

précédent sommaire suivant






Extinction Rebellion







Changeons ce systeme injuste, Soyez votre propre syndic



"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus