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Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème siècles


par Charlotte Gouillon
Université Lyon 2 - Master 2 2025
  

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CHAPITRE 2

LE RAPPORT À L'EAU

Depuis l'origine de sa construction à aujourd'hui, l'eau est depuis toujours intimement liée à la vie à Lyon et à son histoire. Dans un deuxième chapitre, nous allons désormais nous intéresser au rapport entretenu par les Lyonnais à l'eau.

I- Une peur de l'eau ancestrale

Dans un premier temps, nous allons nous attarder sur la peur de l'eau. Depuis tout temps, l'eau représente un danger pour l'homme. De nombreuses légendes ont émergé au fil des siècles concernant les fonds aquatiques. Aujourd'hui encore, l'eau, à travers les océans et fonds marins, représente l'inconnu et le mystère pour les Hommes. Au Moyen-Âge, les cultures païennes sont oubliées, emportant avec elles les dieux et les déesses qui étaient censées jusque-là régner sur les régions aquatiques du globe. La religion chrétienne, omniprésente en Europe, voit naître une véritable peur de l'eau et des fonds aquatiques. La peur de se noyer ou de rencontrer une des nombreuses créatures mythiques issues de la mythologie grecque tétanisent les hommes et les femmes qui ne se baignent alors que très peu dans les rivières. Durant l'époque moderne, les premiers traités sur la natation apparaissent tel que le guide de l'allemand Johann Guts Muths intitulé Petit guide de l'art de nager pour les autodidactes en 1789. Les hommes et les femmes se réconcilient alors peu à peu avec la nage, et cela est également dû à des questions d'hygiène, ces dernières étant au coeur des préoccupations au cours des XVIIIème et XIXème siècles. Nous allons nous intéresser à ce rapport à l'eau entretenu par les Lyonnais au cours des XIXème et XXème siècle.

a) Une faible connaissance des fonds aquatiques

Durant la période du Moyen-Âge, les cours d'eau ne sont que très peu fréquentés. Il faut attendre la fin du XVIème siècle pour que la population vive et travaille de nouveau de plus en plus à proximité de villes riveraines de fleuve à l'instar de Lyon. Des noyades ont lieu régulièrement, mais les autorités de l'Ancien régime ne s'y intéressent pas.

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Les noyades demeurent une disparition considérée comme malchanceuse par les Hommes et l'eau apparaît comme un milieu imprévisible qui se montre difficilement domesticable malgré son utilité. Cette faible connaissance des fonds aquatiques propulse Dieu comme ultime recours aux dangers provoqués par l'eau. Jusqu'au XVIIIème siècle, le recours au « religieux » est alors le seul recours possible pour les populations victimes des dangers aquatiques. De plus, les croyances de l'époque accentuent cette peur de l'eau : des fantasmes populaires imaginent le peuplement des eaux par des monstres marins ou des sirènes qui peuvent entrainer leur victime par le fond. Même si ces monstres sont de prime à bord davantage imaginés dans les fonds marins, les fonds des rivières et des fleuves inquiètent également93. Au début du XIXème siècle, le Rhône et la Saône ne sont ni domestiqués ni aménagés et les Lyonnais ont du mal à cerner leurs deux cours d'eau. Se métamorphosant sans cesse, leur apparence n'est que changeante si bien qu'elle peut passer d'une eau transparente à une eau opaque ou se montrer en abondance ou en carence ce qui empêche une réelle connaissance et confiance vis-à-vis de de ces fonds aquatiques94.

b) Une difficile maîtrise de l'eau

Marquée par ce manque de connaissance quant aux cours d'eau qui la borde, la ville de Lyon est également marquée par une difficile maîtrise de l'eau. Variant au fil des saisons et des années, les eaux du Rhône et de la Saône se montrent rebelles et difficilement domesticables. Sans cesse en mouvement, tantôt marquées par des eaux vives tantôt marquées par des eaux lentes, le Rhône et la Saône sont en constant mouvement. L'une des conséquences les plus importantes provoquée par les conditions climatiques et notamment les rudes hivers sur les fleuves de Lyon est la fabrication de glace. Si au cours de l'Histoire, le Rhône n'a que très peu souvent gelé, il n'en est pas de même pour la Saône, qui a depuis le XIème siècle gelé une cinquantaine de fois95. En décembre 1500, la Saône est même gelée jusqu'à Mâcon en Bourgogne96.

93 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

94 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, pp32.

95 Florent DELIGIA, « Lyon : quand la Saône et le Rhône se sont mis à geler », Lyon Capitale, mis en ligne le 23 décembre 2019. Consulté le 16 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-quand-la-saone-et-le-rhone-se-sont-mis-a-geler>

96 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, pp33.

L'hiver de 1879-1880 se montre particulièrement rude, et la France entière est plongée dans un froid intense97. La Saône à Lyon se transforme en véritable « mer de glace », atteignant à certains endroits comme à Vaise une épaisseur allant jusqu'à 5 mètres et recouvrant les quais. Le journal Le Progrès publie un article le 5 janvier 1880 dans lequel il déclare : « La Saône charrie beaucoup moins qu'hier ; il est vrai que son courant est obstrué par les glaçons qui se sont amoncelés près du pont de la gare. Pour les séparer, on est obligé d'employer la mine98 ». Au cours de nos recherches aux ADR, nous avons pu rencontrer des cas de cadavres pris par ces glaces. C'est ainsi que dans un PV dressé le 5 décembre 1816, la gendarmerie royale évoque « un cadavre gelé dans la glace, de la taille d'environ 1 mètres 625 mil, âgé d'environ 20 ans, cheveux châtains clairs99 ». Lorsque l'hiver était marqué par un froid rigoureux, le Rhône gelait quant à lui sur sa largeur et générait généralement des glaces qui bloquaient le fleuve durant 5 à 6 jours. Ces blocs de glaces représentaient un véritable danger pour les bateaux en remonte. Les lônes, ces « bras du fleuve » se transformaient alors en patinoire ce qui paradoxalement faisait le bonheur des « gones »100.

c) L'intensité des courants

Le Rhône et la Saône sont également marqués par l'intensité de leurs courants qui pouvaient s'avérer être dangereux pour la population Lyonnaise. Il faut cependant noter que la Saône se distingue du Rhône sur différents aspects. Tout d'abord, elle se montre plus docile que son compagnon, et ainsi donc plus favorable à la construction ou à l'aménagement. Les Lyonnais ont ainsi donc moins d'appréhension lorsqu'ils sont à proximité de cette rivière que lorsqu'ils sont proches du fleuve. Ses pentes sont par exemple dix fois inférieures à celles du Rhône, le courant est donc bien moins rapide. Jules César déclarait par ailleurs à son sujet au Ier siècle av JC dans le De Bello Gallico101 qu' « elle est d'une incroyable lenteur au point que l'oeil ne peut juger du sens du courant ». La remonte du Rhône est très éprouvante et peut durer longtemps : au XIXème siècle, il

97 Laurent. D, « La Saône prise par les glaces. Hiver de 1879-1880 », L'Influx, modifié le 13 novembre 2021. Disponible sur : < https://www.linflux.com/lyon-et-region/linfo-retrouvee/>

98 Le Progrès du 05/01/1880.

99 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488.

100 Guy D†RRENMATT, Le Rhône autrefois, Les Provinciales Curandera, Aubenas, 1987.

101 Jules CÉSAR, La Guerre des Gaules, Les Belles lettres, coll. Des universités de France, Paris, 1926.

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faut un mois pour monter d'Arles à Lyon alors que la descente se fait en 3 jours grâce à son débit rapide. La Saône de son côté proposant des courants très doux est plus difficilement navigable102.

d) Les crues

Un autre facteur est à prendre en compte quant à la difficile maîtrise de l'eau et dans la complexité relationnelle entretenue par les Lyonnais et leurs fleuves qui varie entre besoin et peur : il s'agit des crues. Une crue est une : « élévation du niveau dans un cours d'eau, un lac103 ». Si de prime abord la Saône se montre être une rivière calme et tranquille, les pluies peuvent rapidement entrainer le haussement de ses eaux et provoquer d'importantes inondations qui la transforment alors en plaine et en une vaste étendue aquatique104. Ce phénomène épisodique a depuis toujours rythmé la vie de cette rivière et a marqué de ses conséquences parfois dramatiques la mémoire collective. L'une des crues les plus marquantes que connu la Saône est celle de 1840 qui a donné lieu à de nombreux écrits. Si peu de victimes sont à déplorer, les conséquences matérielles sont désastreuses. On estime à plusieurs milliers la destruction d'habitations. En 1856, des pluies diluviennes provoquent une autre forte crue, mais qui demeure toutefois moins importante que celle de 1840. La ville de Lyon et notamment les quartiers bordés par le Rhône subissent alors d'importants dégâts105.

Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que le Rhône et la Saône sont des « fleuves » particulièrement difficile à maîtriser. Changeants au fil des saisons et des conditions climatiques, ils offrent aux Lyonnais une constante incertitude quant à l'avenir de la ville qui peut se retrouver compromis par l'un des nombreux caprices engendrés par ces deux cours d'eau.

102 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.

103 LE ROBERT, « Crue ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 14 juin 2024. Disponible sur : < https://dictionnaire.lerobert.com/definition/crue>

104NATURE & ENVIRONNEMENT, « Carte d'identité de la Saône. L'affluent principal du Rhône », Cap sur le Rhône. Consulté le 14 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.capsurlerhone.fr/thematique/carte-didentite-de-la-saone/>

105 Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et la Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020, pp48.

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