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Inondation à l'embourchure du fleuve Sénégal: hydraulique fluviale et aménagements

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par Mouhamat SECK
Ecole Inter Etats des Ingénieurs de l'Equipement Rural/ B.Faso - DESS en Hydraulique et Aménagement 2003
  

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IV. HISTORIQUE ET EVOLUTION DE L'EMBOUCHURE DU FLEUVE

Le fleuve Sénégal se jette dans l'océan Atlantique par son embouchure située au sud de la ville de Saint-Louis. Cette dernière, située à l'extrémité sud de la Langue de Barbarie se termine par un relais unique avec l'océan. Cependant un phénomène artificiel s'est installé depuis l'avènement du barrage de Diama. Il consiste à un milieu du point de vue hydrologique et morpho-sédimentaire dépendant de l'ouverture et de la fermeture des vannes. Ceci s'accompagne d'un phénomène de sédimentation concernant le bief aval du barrage. Un autre fait important vient s'y ajouter : l'ouverture de la brèche de 2003.

Cependant, on peut valablement aujourd'hui retracer l'évolution spatiale du cordon sableux de 1970 à 2003. Les visites de terrain, les entretiens avec des personnes ressources de la zone et le survol des études réalisées ont permis d'identifier les contraintes majeures à la gestion du cordon littoral.

Il apparaît que les modifications du paysage dans le delta du fleuve Sénégal ne sont pas touj ours liées à la présence du barrage de Diama, même si celui-ci a quelque part contribué à l'accélération et à la perturbation de certains phénomènes hydrologiques et hydrodynamiques notamment. L'amorce des modifications observées au niveau de l'estuaire et de la langue de Barbarie est antérieure à la mise en place du barrage de Diama. Il en est également ainsi du recul des vasières à mangrove et des migrations spatiales et temporelles de l'embouchure du fleuve Sénégal.

Les données satellitaires, de par leur caractère dynamique se prêtent particulièrement bien à l'étude spatio-temporelle de l'embouchure du Sénégal. Les données anciennes et récentes ont permis l'étude de ces modifications tant spatiales que temporelles

IV. 1 MODIFICATIONS ET MOBILITE DE L 'EMBOUCHURE :

Plusieurs décennies d'aménagements et de politiques de mise en valeur, pratiquement depuis l'époque du jardin d'essai de Richard-Toll en 1824, ont entraîné de profondes modifications dans le paysage du bassin du fleuve Sénégal, et particulièrement au niveau de l'embouchure. La construction des grands barrages, Diama en aval et Manantali en amont et plus récemment l'ouverture de la brèche ont participé considérablement à ces modifications.

Les impacts du barrage de Diama sont très visibles sur la région d'étude ; on peut noter, entre autres, le rétrécissement de la zone estuarienne ; une discontinuité hydrologique et hydrodynamique par rapport au reste du bassin inférieur. La modification du régime de la salinité, la stabilité des matières en suspension, etc.

D'autres modifications notées, telles que par exemple le recul des vasières à mangrove, la recrudescence dans la formation des tannes ne sont pas directement liées à la présence du barrage. Cependant, ils contribuent à l'édification de nouveaux paysages dans la région. L'étude des migrations spatiales et temporelles de l'embouchure du fleuve Sénégal et de la Langue de Barbarie a longtemps fait l'objet de préoccupations de la part des chercheurs. C'est ainsi que des données existent sur la position de l'embouchure par rapport à l'Ile de Saint-Louis depuis le 17e siècle mais nous ne disposons que des mesures datant depuis 1970.

Années

Distance (Km)

Progressi on vers le sud (Km)

Années

Distance (Km)

Progression vers le sud
(Km)

1970

20.00

-

1983

21.00

-0.80

1971

24.30

4.30

1986

23.50

2.50

1972

25.42

1.12

1989

27.50

4.00

1973

15.00

- 10.4

1992

25.83

-1.67

1977

16.30

1.30

1998

27.86

2.03

1978

19.60

3.30

1999

28.85

0.99

1980

21.50

1.90

2002

29.98

1.13

1981

21.80

0.30

2003-04

7

-22.98

Sources : Gac et al. (1982) ; Kane (1985 et 1997) ; Lamagat, (2000), complété par SECK, (2004) Distances entre l'embouchure et l'Ile de Saint-Louis ; origine PK0 est le Pont Faidherbe

Tableau 1 : l'évolution de la mobilité de l'embouchure du fleuve Sénégal L'analyse de la mobilité de l'embouchure peut être subdivisée en deux phases (tab.1) :

Avant 1973, l'embouchure continuait sa progression vers le sud et en deux ans a connu une progression de 5.42km. Pendant cette période la largeur du cordon dunaire variait entre 600 et 200 m tandis que celle de l'embouchure était d'environ 350 m (Lamagat, 2000). Les eaux fluviales se déversent alors dans l'Atlantique à 3.60 Km de l'îlot aux oiseaux. La pointe distale de la flèche sableuse s'incurve vers la côte et semble annoncer une fermeture imminente, survenue d'ailleurs quelques mois, après au début de l'année 1973. Cette rupture de la Langue de Barbarie a été la dernière d'une longue série. Elle s'est effectuée à 15km du pont Faidherbe.

1973 à 2004, cette période correspond à une reprise de la progression de l'embouchure vers le sud de Saint-Louis et ceci durant 20 ans tantôt interrompu par des reculs dont le plus important est celui de 1992. Ces reculs peuvent être expliqués par une érosion de la partie nord liée aux courants de jusant. En 2003 face à un risque d'aggravation de l'inondation de la ville de Saint Louis, les autorités sénégalaises ouvrent une brèche au PK.7 Km, ce qui entraîna un recul de 22.98 km.

Brèche de 2003

Figure 17-Différentes positions de l'embouchure du fleuve Sénégal (image A. Niang, 2002,
complétée par M. Seck, 2004)

Figure 18-Composition colorée de l'image Landsat-MSS de 1972
et zoom sur l'embouchure (PNUE/SGPRE, 2002)

La longueur de la Langue de Barbarie mesurée sur l'image du 13 octobre 1998 est de 27.86 Km depuis le point de référence (fig.17), au droit du Pont Faidherbe, jusqu'à l'embouchure. Elle passe à 28.85 Km en 1999 à 29.98 Km en 2002. C'est dire donc la capacité de progradation du cordon littoral qui peut ainsi s'étendre d'un kilomètre vers le sud en une seule année (1998-1999). Les forts courants nord-sud sont à l'origine d'une forte sédimentation marine entraînant l'érosion de la côte et donc l'étirement du cordon sableux

L'image Landsat-MSS du 30 septembre 1972 montre un milieu très marqué par la sécheresse. Le panache turbide observé sur l'image est très << timide >> (fig. 18). La cote observée dans le fleuve Sénégal à la station de Saint-Louis le jour de la prise de vue de l'image est de 1.07 m. Il faut noter que l'année 1972 fait partie de la série d'années sèches observées dans toute la région sahélienne ; la cote journalière moyenne maximale est de seulement 1.20 m au 25 septembre. Alors que des cotes de 2 m n'étaient pas exceptionnelles en année normale.

Depuis 1973, aucun recul notable de la flèche sableuse n'a été enregistré, même si à certains endroits, la faiblesse du cordon nous semble assez critique. Cependant, le barrage de Diama a fortement réduit les << effets de chasse >> provoqués jusque là par le déversement régulier des eaux du fleuve à son maximum hydrologique.

Le tableau 1 précédemment cité ainsi que la figure 18 récapitulent l'ensemble des migrations de l'embouchure du fleuve Sénégal de 1970 à 2003 et du cordon sableux de la Langue de Barbarie entre 1972 à 1998. Cette synthèse a été établie d'après les données fournies par Gac et al. (1982), Kane (1985 et 1997), Lamagat (2000), le traitement de l'imagerie satellitaire Landsat-MSS (30-09-1972) et Spot (13-10-1998) et les mesures effectuées sur le terrain en juin 2002 et janvier 2002. Au total, le cordon sableux a avancé de quinze kilomètres vers le sud durant ces vingt neuf dernières années sans tenir compte de la situation de l'année dernière.

En 1998, le barrage de Diama, fonctionnel depuis plus de dix ans, contribue fortement à entretenir une disponibilité quasi constante de l'eau dans le delta. Les objectifs de gestion de la retenue de Diama sont clairement traduits par les hydrogrammes de la station de Saint-Louis de 1998 et 2000 (fig. 19). Le fonctionnement hydrologique naturel du fleuve n'est en effet plus respecté. Ce type de gestion se justifie essentiellement par les impératifs d'une mise en valeur agricole du delta, notamment par le biais des périmètres irrigués villageois.

C'est alors que le contexte d'artificialisation du fleuve Sénégal est bien installé. Parallèlement à cela, on observe une occupation anarchique des anciennes zones d'inondation du fleuve mais aussi des vasières à mangrove. L'extension de la ville de Saint-Louis a joué un grand rôle dans l'accentuation de ce phénomène. Ces faits ont pu favoriser les inondations récurrentes observées à Saint-Louis ces dernières années.

200 180 160

140

120

100

40 20 0

80

60

1 -mai 9-août 17-nov. 25-févr.

dates

2000-01

1998-99

Figure 19-Les hydrogrammes de la station de St-Louis de 1998 et 2000.

L'impact d'une longue série d'années sèches est très visible, notamment au niveau des forêts d'épineux et des zones à mangrove. Le développement de la ville de Saint-Louis y est également très apparente, de même que celle des eaux de surface (réserve de Saint-Louis notamment). On remarque surtout la poursuite de l'occupation de la Langue de Barbarie, généralement à des fins touristiques mais aussi du maraîchage jusqu'aux alentours de l'îlot aux oiseaux.

Sur le cordon lui-même, l'érosion a entraîné l'édification de zones de rétrécissement, d'une largeur comprise entre 120 et 150 m. C'est l'une de ces zones que Lamagat (2000) proposait de profiler pour créer un nouveau déversoir pour les eaux de la crue et éviter ainsi un stockage trop important dans le bief entre Diama et l'embouchure.

L'examen de la partie sud de la Langue de Barbarie montre un intense creusement sur la côte tandis que la pointe distale du cordon semble vouloir s'accoler au continent. Cette situation avait favorisé des hypothèses de fermeture de l'embouchure ancienne. Sur le terrain, cette réalité est bien visible, comme en témoigne l'étroitesse de l'embouchure et surtout la présence de hauts fonds émergents à marée basse. Aujourd'hui cette ancienne embouchure s'est complètement refermée.

Différentes études ont ainsi révélé que l'embouchure du Sénégal, depuis son origine, s'était acheminée très régulièrement vers le sud, avec par intermittence des replis de 4 à 5 Km vers le nord (Kane, 1985 et 1997 ; Gac et al., 1986 entre autres). Selon Kane (1997), l'évolution classique notée était la suivante : au bout d'une période, durant laquelle l'embouchure est déplacée d'une distance considérable vers le sud et que la résistance hydraulique s'est accrue avec l'augmentation de la distance jusqu'à l'embouchure, une nouvelle brèche se crée sur le cordon littoral à environ 7 à 8 Km plus au nord. En réalité, le fleuve passait à travers la Langue de Barbarie provoquant la fermeture de l'ancienne embouchure ou, au contraire, sa subsistance. Le cordon pouvait aussi se rattacher au continent par son extrémité méridionale. Aujourd'hui il s'est formé au sud de la passe une lagune dont l'étendue est peu à peu réduite par la migration de la brèche.

Par ailleurs, on note que l'embouchure n'a jamais dépassé le KM 15 depuis 1900 ; suite à l'implantation de la ceinture de filaos le long du cordon sableux.

Ces dernières années, le cordon sableux semblait atteindre sa position la plus méridionale depuis le début des observations. De sorte que l'on peut affirmer que ce milieu était en état de fragilité maximale et que des mesures d'urgence devaient être décrétées pour éviter tout dégât matériel ou humain. Car rien ne permet de prédire avec certitude si une rupture de la flèche sableuse allait survenir et si elle survenait, à quel endroit cela allait-t-il se produire. La morphologie de la pointe de distale du cordon semblait pourtant préfigurer un tel scénario.

Par ailleurs, le cordon sableux possède une capacité de progression annuelle qui peut parfois dépasser le kilomètre.

Le cordon sableux de la Langue de Barbarie poursuivait donc inexorablement sa progression méridionale. En 2002-2003, il semblait atteindre sa limite maximale et plusieurs hypothèses sont avancées quant à sa probable et prochaine rupture qu'elle soit naturelle ou d'origine anthropique. En 2003 la rupture devient artificielle.

La Langue de Barbarie apparaît aujourd'hui, malgré l'ouverture de la brèche comme un milieu fragile englobant de multiples enjeux souvent contradictoires dans leur mode de mise en oeuvre et de gestion.

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