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Récit lovecraftien et cinéma - de la transposition à l'enrichissement du mythe

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par Fabien Legeron
Université Paris est - Master 1 2007
  

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METAMORPHOSE ET DEMENCE : ETUDES DE CAS - 2 - UN APPORT NOUVEAU DU CINEMA AU LOVECRAFTIEN

On l'a vu avec la démarche de Stuart Gordon, l'adaptation directe d'écrits lovecraftiens présente un intérêt, pour la mythologie s'entend, en tant que mortier supplémentaire pour consolider un édifice qui, à certains égards, peut s'avérer pâtir d'un certain caractère périssable1 qui réclame une actualisation, ou encore par l'injection d'éléments de contexte plus récents. Ainsi, Dagon transcende à bien des égards (immersion, cohérence esthétique et thématique, richesse méta-textuelle) la cinégénie des récits de Lovecraft.

Cependant, une adaptation si brillante soit-elle reste une adaptation (c'est-à-dire une transcription plus ou moins fidèle sur un autre medium), et n'apporte finalement que peu de sang neuf à une mythologie, qui plus est la mythologie lovecraftienne basée dès ses débuts sur l'émulation et la participation d'un nombre fluctuant de cocélébrants, au point que certaines créations de "second degré" (non initiées directement par Lovecraft) revêtent, dans le système panthéique, une importance comparable aux premières créations : c'est par exemple le cas d'entités comme YGolonak, dieu créé par Ramsey Campbell, les chiens de Tindalos de Frank Belknap Long ou Tsathoggua de Clark Ashton Smith, sans parler de la très fournie bibliothèque maudite fictive, enrichie de toutes parts comme nous l'avons évoqué dans notre présentation du matériau littéraire2.

JOHN CARPENTER ET LA TRILOGIE DE L'APOCALYPSE

THE THING (1980), PRINCE OF DARKNESS (1987), IN THE MOUTH OF MADNESS (1994)

Il semble que soit dans cette logique que se situe John Carpenter dans ce qu'il nomme luimême sa Trilogie de l'Apocalypse (il nomme ainsi ses trois films jouant avec l'idée d'une fin du monde, par exemple dans une courte interview présente sur le DVD français de In the mouth of madness3) : des films qui travaillent des thèmes et des imageries lovecraftiens, ce dont le cinéaste ne se cache pas le moins du monde, mais sans jamais mettre explicitement en avant cette approche. Jamais on n'y parle des Grands Anciens, du Necronomicon ou de Yuggoth, et pourtant il serait inconcevable d'aborder la notion d'un cinéma du lovecraftien sans évoquer The thing, Prince of darkness et In the

1 On pense avec amusement à la rétrogradation récente de Pluton au rang de planétoïde, et l'incidence que cette nouvelle peut avoir sur la lecture de Celui qui chuchotait dans les ténèbres, nouvelle tournant autour de Pluton (ciappellée Yuggoth) comme avant-poste de créatures insectoïdes nommées Mi-go.

2 Voir p.22 et suivantes.

3 Carpenter, John, L'antre de la folie, DVD distribué par Seven 7, 2006

mouth of madness, tant ces films pétrissent la pâte de la mythologie pour en tirer des récits inédits mais pratiquement inenvisageables autrement que par le prisme de celle-ci.

Comme nous l'allons voir, Carpenter, peut-être plus par persévérance que par dessein, s'est attelé sur plus de quinze ans à donner sa dimension cinématographique au mythe lovecraftien. En effet, si In the mouth of madness est considéré généralement comme le film lovecraftien définitif à l'heure actuelle (une donne peut-être vouée à évoluer avec A the mountains of madness, prévu par Guillermo del Toro, et qui pourrait bénéficier en termes de production de la nouvelle crédibilité d'un cinéma geek à Hollywood1), sa réussite formelle et conceptuelle s'est construite sur les acquis de ses deux prédécesseurs qui, en se colletant moins frontalement avec Lovecraft (ou plutôt d'une manière moins visible, reprenant plus l'esprit que le folklore, nous y revenons plus bas), en ont exploré des aspects qui font problème pour qui veut traduire le matériau avec les seuls moyens d'image, de son et de découpage dont dispose le cinéma : une imagerie de l'indicible d'un côté, et la traduction d'une hostilité cosmique, supranaturelle, d'entités non matérielles, de l'autre. Tout porte à croire que Carpenter aurait utilisé les deux premiers films de sa trilogie officieuse pour apprivoiser ces enjeux, afin de rendre au mieux un univers lovecraftien non tronqué avec le troisième. On pourra envisager alors la construction que constituent ces trois métrages comme une voûte, dont la clef, le sommet est In the mouth of madness.

MONTRER L'INDICIBLE - THE THING (1980)

A priori, La chose d'un autre monde de Christian Nyby2 (en fait une réalisation "occulte" d'Howard Hawks), histoire d'une plante extraterrestre intelligente qui imite alternativement des chercheurs scientifiques en arctique pour conquérir le monde, n'est pas lovecraftien pour deux sous, pas plus que la nouvelle originale de John Campbell, Who goes there ?. Basé sur la paranoïa (Untel ou Untel est-il la créature ?), le récit est surtout une parabole anti-communiste comme il en pullule à l'époque.

1 Il est communément admis que la décennie 2000 aura vu une prise au sérieux des geeks sur des projets onéreux : Peter Jackson avec Lord of the rings, Sam Raimi avec Spiderman, Guillermo del Toro avec Blade 2 ou Hellboy... Ces tentatives ayant été validées par des succès conséquents au box office, la tendance s'est confirmée. Voir à ce titre l'interview de Guillermo del Toro dans Mad movies n°158.

2 Nyby, Christian, The thing from another world, 1951

Lorsque John Carpenter, grand admirateur de Hawks, s'attelle au remake du film (il a déjà exprimé ce désir via une citation directe dans une séquence de son Halloween1) a partir d'un script de Bill Lancaster, il remanie suffisamment le récit pour en faire non seulement le monument de paranoïa cinématographique qu'on connaît, doublé d'une véritable leçon de réalisation2, mais surtout pour en faire un film qui flirte sans cesse avec le lovecraftien en termes esthétiques et méta-textuels.

Le film, dans sa contextualisation, apparaît en fait, non pas comme une adaptation officieuse de At the mountains of madness (le récit se développe sur sa propre ligne narrative), mais comme un récit qui reprend et réarrange ses éléments : la menace fossile qui s'éveille, le shoggoth, les chercheurs en Antarctique, la découverte d'un camp ravagé et d'un site antédiluvien, preuve d'une civilisation non humaine venue de l'espace. La trame générale du script, en tous cas, reprend peu ou prou le canevas chronologique3 de At the mountains of madness : une civilisation non-humaine s'éteint en Antarctique à cause d'une espèce protoplasmique. Des millions d'années plus tard, des chercheurs scientifiques découvrent des fossiles de l'époque sur les lieux, ainsi qu'un site de cette civilisation. Leur camp est décimé. Une seconde équipe4 constate les dégâts, mène une enquête qui revêt une menace pour l'avenir de l'humanité et rencontre le protoplasme. Il ne restera de cette rencontre que deux survivants.

L'arrivée de la Chose est ainsi montrée dès les premières images, avec un crash de soucoupe volante. L'accident d'une civilisation contaminée par la Chose, ou une arrivée de la Chose elle-même venue coloniser la Terre de son propre chef ? C'est finalement assez anecdotique. Cependant on remarquera que ce motif du "chiendent spatial" apparaît déjà chez Lovecraft, dans la nouvelle La couleur tombée du ciel, ou un mal inconnu et dégénératif se répand dans une ferme suite à la chute d'un météore5. La menace constituée par le protoplasme de Carpenter est autrement plus effrayante : Chaque parcelle de la Chose est potentiellement autonome, et l'organisme (ou les organismes)

1 Carpenter, John, Halloween, 1978. Carpenter fait passer un extrait du film à la télévision lorsque Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) garde un enfant. En effet, le projet d'un remake de The thing from another world est dans l'air depuis 1976, mais ne sera "greenlighté" que suite au succès au box office de Alien et Carpenter approuvé sur le film qu'avec l'énorme rentabilité de Halloween, justement. Voir Mad movies hors-série, collection réalisateurs n°1 - John Carpenter, p.50

2 Le découpage de la scène de dialogue autour des poches de sang détruites constitue encore un cas d'école dans sa gestion des axes lors d'échanges complexes au sein de groupes humains, et la mise en scène dans les déplacements en couloirs, par exemple, crée en soi un précédent, comme le signale Rafik Djoumi. Voir Mad movies hors-série, collection réalisateurs n°1 - John Carpenter

3 Dans ses recommandations à l'écrivain en herbe au début de son Livre de raison, HP Lovecraft recommande d'écrire deux synopsis d'une histoire avant de la rédiger : d'abord une suite des évènement dans l'ordre de leur survenue, ensuite dans l'ordre de la narration.

4 On a déjà remarqué (voir p.19) que le film présente la particularité d'avoir un all-male cast. On pointera que l'absence de femmes a motivé les critiques cinglantes qu'a essuyé le film, comme il est rappelé dans Mad movies hors-série, collection réalisateurs n°1 - John Carpenter

5 Lovecraft, Howard Philips, The colour out of space, 1927, La couleur tombée du ciel, in LOVECRAFT tome 1, collection Bouquins, ed. Robert Laffont, sous la direction de Francis Lacassin

assimile ses victimes pour les imiter dans une sorte de dévoration au niveau cellulaire1. Si elle en a le temps, la créature assume une totale ressemblance avec le modèle : apparence, intelligence, voix. Une simulation sur ordinateur faite par le biologiste de la base nous indique de plus que si la Chose atteint une zone civilisée, il suffira de 27 heures pour que la population mondiale soit infectée.

C'est tout l'intérêt d'une narration dans une temporalité seconde (la chronologie de la narration n'est ici pas la même que celle des évènements) : l'on revient ici, à l'instar de la construction du récit lovecraftien, à une narration subjective, au travers des yeux de l'un des personnages (d'abord Blair, le docteur, puis McReady, le piote), référent du spectateur au fil d'une découverte des éléments de la diégèse sous la forme d'une enquête. Ici, l'intérêt premier est bien entendu de faire partager la paranoïa qui s'empare de l'équipe au spectateur, comme le titre de la nouvelle, Who goes there ?, en donne le ton. Tout est en effet basé sur le fait que, à partir de l'assimilation de Bennings (dont Windows a été le témoin avant qu'elle soit complète, ce qui confère à la contamination humaine sa réalité dans cette narration subjective où le spectateur n'en sait jamais plus que les personnages), tout un chacun peut être la Chose. Rafik Djoumi2 remarque à ce titre très justement que Carpenter brise même la règle de l'identification en jetant le doute sur MacReady luimême, soupçonné d'être la Chose, et représenté alors par la mise en scène de manière très ambiguë, via notamment un plan de poignée de porte actionnée lentement (visualisation classique de la menace à l'écran) ou quasiment zombifié par le froid. Il faudra attendre la réanimation de Norris (et la mythique séquence de sa transformation) pour que ce sentiment se dissipe... Un peu. Privé de référent puisqu'il l'a soupçonné lui aussi, le spectateur est mis en position de paranoïa active, subissant les mêmes effets que les personnages : le doute qui ressort de la séquence finale (après une ellipse, deux survivant se font face, l'un d'eux est-il la Chose ? Et si oui, lequel ?) entérine cette peur globale.

On le voit tout au long de la Triogie de l'Apocalypse, Carpenter s'y emploie à filmer la peur : celle de John Trent dans In the mouth of madness, celle du groupe d'étudiant et du prêtre dans Prince of darkness, et celle des chercheurs de The thing. Un grand nombre de plans de fins de séquences nous montre ainsi la consternation et la terreur sur les visages : après la neutralisation des diverses manifestations de la Chose (le monstre dans le chenil, l'incinération de Bennings, la tête-araignée), mais surtout suite aux diverses phases de compréhension de son fonctionnement, qui se closent sur un plan du visage fermé et inquiet de Blair, à savoir l'autopsie et la simulation informatique. Cette monstration de la peur participe bien entendu du principe du récit lovecraftien qui choisit l'empathie

1 C'est en tous cas ce que semble indiquer la première attaque de la Chose, lorsqu'elle tente d'assimiler les chiens du camp : elle projette sur eux ce qui semble être un suc gastrique qui les dissout. On peut aussi voir quelque chose de très dévorateur dans l'assimilation de Bennings.

2 Mad movies hors-série, collection réalisateurs n°1 - John Carpenter, p.52

en montrant les effets de l'horreur sur le ou les personnages référents du lecteur, et remarqué par Francis Lacassin1. Constante héritée du film noir : le récit s'intéresse au moins autant à l'enquêteur qu'à l'enquête, puisque c'est par le prisme de la recherche du personnage que la narration avance, dans sa dimension épistémique et évènementielle. La prise à partie du spectateur, partie prenante de la peur ressentie par les membres du groupe, rejoint Lovecraft dans sa considération du récit en fonction de son effet sur le lecteur, et est en outre un procédé qui contourne la limite du récit fantastique selon Todorov, qui considère ce principe lovecraftien du fantastique comme virtuellement caduc2.

Ici, cette dialectique de l'effet est poussée d'un cran par la participation active sollicitée chez le spectateur, nous venons de le voir, mais aussi par une monstration directe de la cause : << Si vous voulez suggérer une créature de l'au-delà ou une métamorphose, il faut vous fixer une limite sur ce que vous voulez montrer. Moi j'y vais à fond sur les effets >>, déclare "Big John" à Didier Allouch3 à ce propos ; car si The thing est original dans l'aspect lovecraftien de sa démarche, c'est bien par la monstration directe, frontale, et concluante, de l'indicible.

Si la paranoïa est le point nodal du film, l'indicible est son point focal4, bel et bien au centre des préoccupations esthétiques. Le choix du titre est en soi éloquent à cet égard : "La chose", c'est-àdire une entité qu'on ne peut définir par quelque terme plus précis. Ici l'indicible EST visible, ce qui ne lui enlève pas son aspect profondément dérangeant d'un point de vue conceptuel. Cela tient grandement à la nature même de la menace : elle n'a pas de forme multicellulaire propre (en tous cas, pas qu'on le sache dans le métrage) et imite les formes de vie qu'elle absorbe, en convoquant des organes suivant ses besoins, dans une sorte de cauchemar darwinien accéléré. La profusion de formes identifiables, mais provenant d'espèces animales différentes, accolées au mépris de la logique de cohésion organique crée des adversaires successifs incompréhensibles au sens fort5. Ainsi la séquence, classique dans le film de monstre, de l'autopsie d'un spécimen (ici la "chose-chien"), est dévoyée de son but : là où une telle séquence permet généralement d'objectiver la menace6, ici, elle jette encore plus le doute quant à la nature de ce qui est donné à voir ; telle incision permet de mettre au jour quelque chose à l'intérieur de la bête, certes, mais quoi ? Cela semble avoir un

1 Voir p. 44

2 Voir p.7

3 Interview in Mad movies hors-série, collection réalisateurs n°1 - John Carpenter, p.22

4 Dans un dispositif de prise de vue, le point focal est le centre optique, et le point focal celui sur lequel est pointé le dispositif. Ce terme de "point focal" constitue un néologisme employé ici, au sein d'une dialectique métaphorique, dans un souci de clarté.

5 C'est un principe dont saura se souvenir Masahi Tsuboyama sur le design des créatures du jeu vidéo aux résonnaces lovecraftiennes Silent Hill 2 : << le joueur peut identifier son adversaire mais ne peut jamais le comprendre, pas plus qu'il ne peut être sûr de pouvoir le vaincre >> thèse de Thomas Bourgue cité dans Mad movies hors-série jeu vidéo, p.15

6 Voir à titre d'exemple The brood, de David Cronenberg (1979), ou encore Mimic, de Guillermo del Toro (1997)

squelette, être organique, mais sa forme est foncièrement inidentifiable, confusion renforcée par le fait qu'on devine, ailleurs sur le cadavre, plusieurs têtes de chiens contrefaites, mais aussi des excroissances ouvertement insectoïdes dans un magma de chairs, d'yeux et de gueules.

C'est en termes de design que la Chose se montre la plus intrigante. En effet, le travail tant technique que conceptuel de Rob Bottin, prodige des effets spéciaux, explose complètement les cadres esthétiques de la créature classique, et l'homme peut se targuer d'avoir accompli un travail de référence, une date dans l'histoire de l'effet spécial (il s'était déjà illustré un an plus tôt avec les fameuses transformations de loups-garous "à vue" dans le Hurlements de Joe Dante1) qui utilise toutes les techniques de plateau connues : latex et mousse de latex, effets de maquillage, prothèses, inversion du déroulement de la pellicule, marionnettes à main, à câbles, à systèmes hydrauliques et même à servomoteurs, mais aussi denrées alimentaires ou préservatifs2... Le maquilleur a carte blanche et se sert du film comme d'un exutoire aux visions les plus démentes : lors d'une défibrillation cardiaque, le torse entier de Norris s'ouvre sur une gueule emplie de dents, qui dévore les bras du docteur Cooper. Ensuite il en sort un gigantesque panache de chair, bordé de tentacules fins et couvert de membres humains rabougris, qui s'accroche à une gaine d'aération par un jeu de membres articulés et montre au bout d'un cou ophidien une tête aux dents pointues qui est une réplique de celle de Norris. La "première" tête de Norris, elle, s'échappe en se désolidarisant de son cou, puis fuit sous un bureau en sollicitant un tentacule généré pour l'occasion, avant de se munir de six pattes d'insecte et d'yeux pédonculés.

On le voit bien ici, l'innommable n'est pas, loin s'en faut, l'immontrable. Donner à voir ne tue pas nécessairement la peur dans l'oeuf, si la chose est faite avec une mise en scène appropriée. Ici l'innommable ne vient paradoxalement pas d'une absence d'analogie avec quelque chose de connu, mais d'une trop grande profusion d'analogies qui se parasitent entre elles (voir figure 8, page suivante). L'horreur ne peut pas plus être niée qu'elle ne peut être définie. Ici, par exemple, la Chose n'est jamais montrée dans son entier, qu'il soit spatial ou temporel ; en effet la créature reconfigure constamment son apparence physique suivant ses besoins immédiats, ce qui en fait une sorte de shoggoth "évolué", tel que ceux décrits par Lovecraft comme « certaines masses protoplasmiques multicellulaires susceptibles de façonner leurs tissus en toute sorte d'organes provisoires »3 ; la Chose est ainsi un organisme en constante évolution morphologique, ce qui ne permet pas de la circonscrire d'un point de vue conceptuel, dont le fait de la voir ne fait qu'apporter plus de confusion, dans un sentiment très lovecraftien encore une fois. Et c'est, d'une certaine façon, bien

1 Dante, Joe, The howling, 1979

2 Voir Mad movies hors-série, collection réalisateurs n°1 - John Carpenter, p.140 3 Lovecraft, Howard Philips, Les montagnes hallucinnées, J'ai lu, 1996

pire lorsqu'elle se cantonne à une forme pour se cacher sous l'apparence d'un animal ou d'une personne: elle constitue alors une menace cachée, un danger plus grand encore, hors-champ, ce qui la rend virtuellement omniprésente1.

Une créature rendue indicible par un trop grand foisonnement des référents morphologiques

1 Le film s'ouvre sur les survivants du camp norvégiens traquant un de leurs chiens de traîneau. Ils échouent et le chien est introduit dans le chenil de la mission scientifique américaine, où il s'avère vite avoir été une imitation de chien. Le fait que la mise en garde supposée quant au chien soit proférée en norvégien (langue incompréhensible pour les membres du camp américain, et non soutirée par la mise en scène) ajoute, pour le spectateur, au caractère profondément indicible, mal défini du point de vue de l'identification, de la menace.

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