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Les publications des violations des droits de l'homme dans la presse écrite au Burkina : Essai d'analyse éthique

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par Mahamadou Soré
Université de Nantes - Diplome universitaire de troisième cycle en Droits Fondamentaux 2008
  

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1.2.2.2. Le contexte sociopolitique

A coté des menaces que fait peser le pouvoir d'Etat sur les journalistes, il y a les pesanteurs d'ordre sociologique. Dans cet ordre d'idées on citera :

· Le fort taux d'analphabétisme de la population qui atteint plus de 75 % des adultes. Dans son rapport sur le Développement durable 2006, le PNUD estimait à 21,8%, le pourcentage des adultes alphabétisés au Burkina Faso. A ce sujet, est-il important de rappeler que dans le préambule de la déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, [ont considéré] que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements... »

· Le consensualisme propre aux coutumes traditionnelles qui veut que l'autorité du chef ne soit pas récusée même s'il est en faute.

· La perception des défenseurs la promotion et de la protection des droits de l'homme comme des opposants politiques

· L'impunité des violations des droits de l'homme ; les lynchages publics de présumés délinquants, les exécutions extrajudiciaires des prétendus bandits font rarement suivies de poursuites. Et pour les populations, ces actes s'apparentent aux meilleures méthodes de rendre justice.

Bien que l'Etat ait ratifié un certain nombre de textes protégeant les DH, la situation de facto montre peu d'entrain au respect des règles contenues dans ces instruments. On peut dire qu' « au regard de l'arsenal juridique « démocratique » existant au Burkina Faso, il n'est pas abusif de prétendre que l'Etat de droit existe, mais son effectivité reste sujette à caution dans la mesure où se pose la question de l'application des textes en vigueur »69(*). Dans ces conditions, les individus, les journalistes qui promeuvent ces valeurs sont souvent perçus comme des personnes subversives. Car intervenir pour la promotion des droits de l'homme équivaut en général à rappeler aux Etats et par delà les gouvernants leurs obligations conventionnelles. C'est pourquoi de nombreux journalistes préfèrent au mieux traiter des questions des droits de l'homme dans les sens souhaité par les Etats et du milieu social. Il est important de souligner qu'en plus de l'Etat qui dont la responsabilité est engagé dans les violations des droits de l'homme, il y a un contexte sociopolitique peu favorable à la promotion des valeurs des droits de l'homme. A ce propos, le doyen Réné Dégni-Ségui écrit que « la presse devient en effet désormais une des cibles privilégiées des pouvoirs publics, parce qu'elle entend jouer le rôle qui est le sien, à savoir le vecteur transducteur des aspirations profondes et des revendications légitimes des citoyens »70(*).

En plus de ce qui précède, il n'est pas vain de noter que le fait que le Président du CSC, instance de régulation de la presse au Burkina Faso, soit nommé par le Président du Faso, place celui-ci dans une situation de potentielle subordination directe à l'exécutif. N'est-ce peut-être pas cette position qui justifie la propension de cet organe à réagir lorsque le chef de l'Etat est cité dans un article de presse. Comme ce fut le cas récemment concernant sa maladie71(*). Autant, la presse doit être indépendante pour être impartiale, autant les institutions de régulations doivent également l'être.

La conjugaison de cet ensemble de facteurs fait du contexte social un espace très peu favorable à la publication des violations des droits de l'homme comme telles. Dès, lors, le journaliste membre de la communauté est tenté de s'accommoder à ces perceptions. Il écrit et commente les faits dans le sens attendu par son audience, sa communauté. Il doit être dans l'air du temps. C'est pourquoi à juste titre, « This reactivity to something that is in the air also explains what the militants of a cause often deplore as a lack of consistency in the media coverage of their cause. Since the real motivation of the news people in treating a story with a human rights content is not generally to redress a wrong but to share in a collective sensitivity over a particular issue at a given time, they do not feel the necessity to pursue the coverage when they feel that the public attention wanes on that issue. »72(*)

Le journaliste traitant des questions de droits de l'homme est donc confronté à deux courants d'hostilités, l'un provenant de l'Etat et des pouvoirs publics et l'autre lié au l'environnement social défavorable. Avec autant de risques réels, on peut avancer que l'environnement sociopolitique actuel n'offre pas suffisamment de garanties incitatives à un traitement éthiquement approprié des violations des droits de l'homme ; le journaliste risquant de se retrouver tout seul face aux pouvoirs politiques dans un environnement social lui même hostile.

En definitive, la presse est libre au Burkina Faso, elle peut traiter de tous les sujets, sous tous les angles, même en portant atteinte aux valeurs des droits de l'homme. Les deux seules conditions à observer seraient seulement :

· Etre, au minimum, conforme aux mentalités, aux façons de voir de la majorité de la population ;

· éviter, au maximum, d'évoquer des cas de violations dans lesquels la responsabilité des autorités étatiques peut être engagée.

Alors, que faire pour contribuer à ce que la presse burkinabé qui est une sentinelle des droits de l'homme continue, en tant que acteur clé de l'Etat de droit, à révéler les violations des droits fondamentaux dans le respect de ces mêmes droits ?

* 69 International IDEA, La démocratie au Burkina Faso, , Stockholm, 1998, P.10

* 70 Réné Degni Ségui, Les droits de l'homme en Afrique Noire Francophone : théories et réalités, CEDA, P 268,

* 71 Recommandation n°001/2008/CSC/SG/CAB du CSC, op cit

* 72 Notre traduction « Cette réactivité aux faits qui sont dans l'air du temps explique aussi ce que les militants d'une cause déplorent comme un manque de consistance dans la couverture médiatique de leur cause. Dès lors que la vraie motivation des journaux traitant de faits relatifs aux droits de l'homme n'est pas généralement de corriger un tort mais de partager la sensibilité collective sur un sujet particulier à un moment donné, ils ne sentent pas la nécessité de poursuivre le traitement dès qu'ils sentent un manque d'intérêt du public pour ce sujet. »

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