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Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs ?

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par Pheakdey VIN
Université Lumière Lyon 2 - Master Recherche 2007
  

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Section 2 : Les incitations monétaires avec la performance non vérifiable

Dans la section précédente, nous avons étudié le problème d'incitation qui commence par l'hypothèse que l'effort de l'agent est inobservable ou invérifiable mais son output ou sa performance peut être observable et mesurable. Par contre, cette section 2 considère

l'individualisation de la rémunération lorsque la performance de l'individu n'est pas facilement mesurable, par exemple parce que la performance dépend d'un effort collectif ou parce que l'individu doit effectuer plusieurs tâches et que certaines sont plus faciles à mesurer que d'autres. Nous allons ensuite aborder également les analyses théoriques considérées comme les solutions possibles pour ces situations.

1- Le travail en équipe et la situation multi-tâches 1-1- Le travail en équipe

Supposons que l'organisation considérée est composée d'un ensemble d'agents qui forme une équipe définie par Alchian et Demsetz [1972] comme la production38. Selon ces auteurs, avec la production en équipe, il est difficile, en observant seulement l'output total, de définir ou de déterminer la contribution de chaque individu à la production des inputs qui coopèrent. Par définition, l'output total, fruit de la coopération au sein de l'équipe, est produit par une équipe, et ce n'est pas la somme des outputs séparés de chacun des ses membres puisque, par un effet de synergie, la production de l'équipe est supérieure à la somme des contributions individuelles de ses membres. Dans ces conditions, le principe de la rémunération à la productivité marginale pour fournir aux travailleurs la meilleure incitation possible à l'effort productif est inapplicable et, par conséquent, l'intensité maximum du travail n'est pas garantie.

Il y a deux conséquences liées à cet état de fait : d'une part, il faudra rechercher une méthode permettant d'évaluer la contribution individuelle de chacun des membres de l'équipe à la production collective afin de les inciter à travailler efficacement. Mais la détection des performances individuelles comportera nécessairement un coût. D'autre part, l'impossibilité d'observation directe des contributions individuelles incite chaque membre de l'équipe à se comporter en passager clandestin (free-rider) en réduisant son niveau d'effort. La conséquence est une réduction de l'output total, mais les resquilleurs ne supporteront qu'une partie seulement des conséquences d'une moindre activité parce que leur rémunération n'est pas reliée à leur productivité individuelle, mais aux efforts issus de l'ensemble du groupe. Donc, la moindre valeur est à partager pour l'ensemble des membres de l'équipe.

38 La production en équipe, selon Alchian et Demsetz [1972, p. 779], est une forme de production dans laquelle « (i) plusieurs types de ressources sont utilisés, (ii) le produit n'est pas la somme des outputs séparables de chaque ressource participant à la coopération [...], (iii) toutes les ressources utilisées dans la production en équipe n'appartiennent pas à la même personne ».

La solution proposée par Alchian et Demsetz [1972] à ce problème consiste à modifier l'organisation de cette production en équipe en introduisant un agent supplémentaire dont la seule fonction est la surveillance (monitoring) des membres de l'équipe. Les efforts individuels ne sont alors plus évalués à partir du résultat global mais à partir du contrôle des comportements. Cette solution n'est pas a priori très pertinente. En effet, qui va se charger d'effectuer le contrôle des inputs ? Et comment s'assurer que cette fonction sera remplie efficacement, c'est-à-dire qui contrôlera le comportement du contrôleur ? Ce problème est résolu par Alchian et Demsetz grâce à l'introduction d'incitations appropriées pour le contrôleur qui est un membre de l'équipe se spécialisant dans cette tâche. Pour inciter le contrôleur à ne pas se dérober, il suffit de le rétribuer par les gains nets de l'équipe, c'est-àdire nets de la rémunération des autres inputs. En d'autres termes, plus le contrôleur est efficace, plus le résultat de l'équipe sera important, et donc plus le résidu, ce qui reste après paiement des autres membres de l'équipe, sera élevé. Dans ce cas, le contrôleur devient alors le créancier résiduel des résultats de l'équipe. De plus, selon Alchian et Demsetz [1972], le contrôleur doit posséder un certain nombre de droits nécessaires pour rendre crédible sa fonction de surveillance39. L'organisation ainsi définie s'apparente à ce qu'ils appellent capitaliste entrepreneuriale.

Par conséquent, grâce au mécanisme d'incitation monétaire, le contrôleur, le créancier résiduel, est incité à ne pas se dérober, il va contrôler efficacement le comportement des membres de l'équipe, et le résultat de l'équipe sera donc important. Cependant, l'attribution de la totalité du résidu au contrôleur est une solution coûteuse. Nous pouvons trouver des alternatives moins coûteuses qui se présenteront dans la sous-section 2 du chapitre.

Dans ce qui suit, nous présentons une autre situation qui pose aussi le problème d'incitation dans la firme. Il s'agit d'une situation multi-tâches.

1-2- Les activités multi-tâches

Quand l'agent a des tâches multiples, ou une tâche a beaucoup de dimensions, un autre problème surgit dans la firme. Dans une situation où l'agent doit effectuer plusieurs tâches, le contrat doit en plus allouer l'attention (limitée) de l'agent entre les différentes tâches. Nous prenons un simple exemple de Holmström et Milgrom [1991], les ouvriers de fabrication

39 Ces droits sont au nombre de cinq : (i) le droit de s'approprier le résidu de l'équipe, (ii) le droit d'observer le comportement des membres de l'équipe, (iii) le droit d'être la partie centrale commune à l'ensemble des contrats passés avec les différents inputs, (iv) le droit de modifier la composition de l'équipe, (v) le droit de vendre les quatre droits précédents.

peuvent être responsables de la production de l'output avec un volume élevé et de bonne qualité, ou ils peuvent être requis de produire l'output et de prendre soin des machines qu'ils utilisent40. Intuitivement, si nous souhaitons que le salarié conduise ces tâches assignées, il faut faire en sorte que le mécanisme d'incitation balance les incitations de ces activités. Holmström et Milgrom [1991] indiquent que les incitations dirigent l'allocation de l'effort entre les tâches, en plus d'attribuer le risque et d'induire l'effort. Les incitations fortes sur une certaine tâche mèneraient à la distorsion dans l'allocation d'effort parmi des tâches. Si une certaine tâche est très difficile à mesurer, la récompense d'autres tâches mène à une concentration d'effort sur la tâche récompensée et aucun effort n'est mis dans l'autre tâche.

Dans le premier cas, s'il est facile à mesurer le volume de l'output mais que la qualité ne l'est pas, le système des salaires à la pièce pour l'output peut mener des agents à augmenter le volume de l'output aux dépens de la qualité. Ou bien, si la qualité peut être assurée par un système de la surveillance, les salaires à la pièce peuvent mener des agents à abuser de l'équipement partagé. En général, quand il y a des tâches multiples, la rémunération incitative sert non seulement à assigner des risques et à motiver les salariés à travailler dur, il sert également à diriger l'attribution de l'attention des agents parmi leurs diverses fonctions. Ceci distingue donc la théorie multi-dimensionnelle de modèle principal-agent de la dimension unique41. Afin d'induire l'agent à attribuer le temps à toutes les tâches assignées, les mêmes incitations doivent être offertes sur toutes les tâches. Les agents réattribuent des efforts entre les activités quand les efforts sur des tâches sont substituts ou compléments. Par exemple, si le temps est limité, plus de temps sur une tâche mène probablement à moins sur d'autres. De telles opportunités de substitution contraignent la capacité de la firme à offrir le salaire à la pièce42. Si le principal souhaite que l'agent alloue un montant strictement positif de son temps aux tâches assignées, il doit égaliser les bénéfices marginaux; autrement dits les bonus devront être égaux [Holmström et Milgrom, 1991]. Dans le cas contraire, l'allocation du temps disponible de l'agent va en priorité à la tâche qui a le rendement marginal le plus important.

Selon Holmström et Milgrom [1991], il est parfois optimal de fournir des incitations nulles pour toutes les tâches qui sont en concurrence alors même que l'on dispose de mesures de performance pour certaines tâches. Alors, lorsque plusieurs activités entrent en compétition

40 Les auteurs soulignent.

41 Homström, B. et Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law, Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 25.

42 Prendergast, C. [1999], « The Provision of Incentives in Firms », Journal of Economic Literature, vol. 37, n° 1, p. 23.

dans l'allocation de l'effort de l'agent, qu'il est impossible ou très coûteux de mesurer la performance pour une des tâches, il est optimal de ne pas fournir d'incitation pour l'ensemble des tâches. L'agent sera alors payé à une rémunération fixe. Plus généralement, les auteurs suggèrent que si le principal souhaite récompenser une activité, il peut le faire de deux manières : soit en augmentant la rémunération qui récompense un effort plus important pour cette activité, soit en réduisant le coût marginal d'opportunité de l'effort pour la tâche qu'il souhaite encourager par la suppression ou réduction des incitations pour l'ensemble des activités qui lui sont concurrentes.

Il y a d'autres auteurs comme Baker, Gibbons et Murphy [1994] qui proposent d'utiliser les évaluations subjectives pour résoudre le problème de mesure de la performance dans la situation multi-tâches. Nous allons revenir sur ce point en détail dans la sous-section suivante. D'ailleurs, Fehr et Schmidt [2004] ont réalisé une expérimentation qui confirme que les incitations explicites fortes sur seulement quelques tâches dont la performance est facilement mesurée peuvent être nuisibles dans un environnement de multi-tâches. Une solution possible à ce problème est un contrat de bonus discrétionnaire où le principal peut récompenser l'agent en basant son évaluation sur des performances subjectives qui offre une image plus holistique des efforts de l'agent. Avec cette solution dans l'expérience, de nombreux agents choisissent l'effort élevé sur toutes les tâches.

En résumé, dans le modèle de travail en équipe où les employés (les membres de l'équipe) choisissent simultanément leurs niveaux d'effort, chacun aura tendance à exercer un effort trop faible (le comportement de passager clandestin) en comptant sur les contributions des autres puisque les contributions individuelles à l'output total ne peuvent pas être facilement identifiables. En outre, dans la situation multi-tâches, lorsque les mesures observables de performance existantes ne reflètent que l'effort dans une des tâches à effectuer, l'employé dont la rémunération est incitative exercera un effort trop important pour cette tâche au détriment des autres. L'allocation de l'effort présentera une distorsion. Pour régler ces deux problèmes importants, outre la solution proposée par les auteurs au-dessus, il y a d'autres solutions des analyses théoriques en s'appuyant sur les incitations monétaires.

2- Les solutions possibles des problèmes de travail en équipe et de situation multi-tâches

Dans la sous-section précédente, nous avons présenté le problème posé par la théorie des incitations standard à savoir la difficulté à obtenir des mesures objectives de la performance de l'employé. Cela pose encore le problème d'incitation au sein de la firme : le

problème de passager clandestin dans le cas de production en équipe et celui de l'allocation de l'effort de l'employé dans le cas de situation multi-tâches. Dans cette sous-section, nous avons quatre modèles pertinents pour résoudre efficacement ces problèmes. Ils sont la pression du groupe, le modèle des tournois, le modèle du salaire d'efficience et l'évaluation subjective de la performance.

2-1- La pression des pairs

La pression des pairs (peer pressure) se définit comme l'ensemble des mécanismes de contrôle mais aussi de sanction mis en place par les membres de l'équipe eux-mêmes afin de discipliner leurs pairs [Masclet, 2003 ; 2004; Prendergast, 1999]. Le modèle de la pression des pairs a été modélisé initialement par Kandel et Lazear [1992]. Selon Masclet [2004], lorsque le travail est organisé en équipe de production et que les performances sont interdépendantes, il devient de plus en plus difficile de contrôler les performances individuelles. Comme la mesure de la contribution individuelle est difficile, voire impossible, si une incitation financière est envisagée, elle ne peut l'être que sur la base du groupe [Milgrom et Roberts, 1997; Prendergast, 1999]. L'augmentation de l'intensité incitative dans la récompense du groupe accroît l'effort des membres du groupe, et donc la performance globale est également élevée [Zenger et Marshall, 2000]. Néanmoins, ce caractère incitatif est souvent remis en cause dans la mesure où chaque salarié doit partager le rendement de son effort avec tous les autres salariés de l'entreprise. Chaque salarié est alors incité à se comporter comme un resquilleur en se reposant sur les efforts de ses collègues. En effet, les pratiques de partage des profits peuvent conduire les membres du groupe à tirer avantage de leur appartenance au groupe sans toutefois participer totalement à la génération du profit. Alors, comment résoudre le problème de passager clandestin au sein d'une équipe de production avec partage de profits ?

Toutefois, si un schéma de rémunération, fondé sur le partage des profits, fournit aux agents des incitations fortes à adopter un comportement opportuniste, il peut également les inciter à se contrôler mutuellement dans la mesure où un tel comportement affecte l'ensemble de l'équipe. En effet, si un agent adopte un comportement opportuniste, il réduit la rémunération des autres membres de l'équipe puisque la rémunération de chaque membre du groupe dépend non seulement de son propre effort mais également de celui des autres membres de l'équipe [Masclet, 2003 ; 2004]. Dès lors, les membres de l'équipe peuvent être incités sous certaines conditions à exercer une pression sur leurs pairs afin de les inciter à

coopérer davantage, à encourager chacun à fournir des efforts, à se comporter convenablement et donc à accroître la rémunération de chaque membre du groupe. Ces mécanismes sont alors, du point de vue de l'incitation des salariés à l'effort, toujours aussi efficaces que ceux basés sur une rémunération de la performance individuelle [Richard, 2001]. Dans ce cas, la présence d'un agent spécialisé dans la fonction de contrôle n'est plus nécessaire lorsque les agents se contrôlent mutuellement et sont incités à le faire du fait de l'existence d'un système de partage des profits.

Masclet [2003] suggère que la pression des pairs doit reposer sur trois conditions essentielles pour être efficace. Premièrement, la pression des pairs doit reposer sur un système de partage des profits. Quand les profits sont partagés entre les membres de l'équipe, la rémunération de chaque membre du groupe dépend non seulement de son propre effort mais également de l'effort des autres membres de l'équipe. De ce fait, ce système de rémunération incitative incite les agents à se contrôler mutuellement. Le partage des profits, un mécanisme incitatif monétaire43, est donc une condition nécessaire de la pression des pairs. Deuxièmement, pour que la pression des pairs soit efficace, il faut également que les sanctions imposées par les pairs affectent suffisamment les comportements des membres. Kandel et Lazear [1992] indiquent que l'efficacité de la pression des pairs est étroitement liée à la notion d'empathie. En effet, lorsque les membres du groupe sont des amis ou des parents, l'empathie est forte et toute déviation suscite alors des sentiments de honte et de culpabilité plus forts que si le groupe était constitué d'individus ne se connaissant pas. Les cercles de qualité japonais s'appuient également sur cette notion d'empathie [Masclet, 2003]. Les entreprises japonaises n'hésitent alors pas à investir des sommes colossales afin de créer un esprit d'équipe reposant sur l'empathie. Cet esprit d'équipe canalise les comportements et peut réduire les comportements opportunistes puisque chaque membre de l'équipe doit être loyal envers l'autre et ne pas se comporter comme passager clandestin. Troisièmement, l'efficacité de la pression des pairs dépend étroitement de la taille de l'équipe. Lorsque la taille de l'équipe s'accroît, les relations deviennent plus impersonnelles et il devient dès lors plus difficile de contrôler les autres membres de l'équipe [Kandel et Lazear, 1992; Zenger et Marshall, 2000]. L'efficacité de contrôle mutuel devrait donc demeurer étroitement liée à la taille du groupe. En outre, à mesure que la taille du groupe augmente, les gains inhérents à l'exercice de la pression des pairs, en termes d'augmentation de l'output, se diluent également, ce qui risque de faire émerger un problème de passager clandestin et donc le

43 Nous soulignons.

niveau d'effort diminue. On peut dire, dans ce cas, que la diminution des incitations monétaires entraîne une baisse du niveau d'effort des membres de l'équipe. Il existerait donc une taille optimale du groupe au-delà de laquelle la pression des pairs est moins efficace et où les sanctions sont difficiles à mettre en place44.

Dans l'article de Masclet [2004], les résultats expérimentaux montrent que les membres de l'équipe n'hésitent pas à sanctionner les comportements opportunistes et que l'exercice de la pression des pairs accroît considérablement le niveau de coopération au sein des équipes de travail. Enfin, on peut conclure que les incitations monétaires jouent un rôle vital dans la mise en oeuvre de la pression des pairs. En effet, grâce à la rémunération incitative (ici, le partage des profits), les agents se contrôlent mutuellement au sein du groupe car si un agent adopte un comportement opportuniste, il va réduire la rémunération des autres membres de l'équipe. Par conséquent, les agents vont augmenter leur effort au travail, ce qui entraîne une augmentation de la rémunération de l'ensemble de groupe, et donc la rémunération individuelle va également accroître.

Dans ce qui suit, nous étudierons la mesure de la performance relative, qui est une solution alternative au problème d'incitation dans la situation où la performance absolue des individus est difficile, voire impossible, à mesurer ou quantifier. Il s'agit du modèle des tournois.

2-2- Le modèle des tournois

La littérature sur le problème « principal-agent » s'est penchée sur la nature des contrats optimaux quand il y a difficulté à contrôler tous les aspects de la performance d'un agent [Malcomson, 1984]. Le modèle de base, qui correspond à un mécanisme incitatif simple souvent utilisé dans la réalité, supposait la capacité de mesurer les contributions des agents, par exemple le nombre de pièces produites. Lorsque la mesure de la performance absolue est impossible, ou trop coûteuse, une alternative consiste à se reporter sur une mesure relative, fondée sur la comparaison. Dans le cas de la production en équipe d'Alchian et Demsetz [1972], un arrangement de paiement basé directement sur une mesure de la performance individuelle est inapplicable, et si un autre genre d'arrangement incitatif n'est pas disponible, le principal ne pourra pas obtenir la performance minimum attendue de l'agent dans sa tâche. Dans un article où le contexte d'un principal employant beaucoup d'agents était décrit, se

44 Kandel, E. et Lazear, E. P. [1992], « Peer Pressure and Partnerships », Journal of Political Economy, vol. 100, n° 4, p. 815.

présentait la solution d'un contrat avec le paiement basé sur le rang de la performance des employés. Il s'agit tout simplement de l'esprit des tournois de Lazear et Rosen en 1981. Ce contrat peut être utilisé en tant que moyen d'incitations de la performance même sous l'asymétrie informationnelle [Malcomson, 1984].

Le premier rapport des incitations basées sur la performance relative, appelé la théorie des tournois, est réalisé par Lazear et Rosen [1981] qui indique l'existence d'une relation positive entre la dispersion salariale intra-firme et le niveau d'effort fourni par les travailleurs. L'idée directrice de modèle des tournois est de payer certains agents plus que d'autres en raison de leurs performances relatives. Les concurrents sont classés selon un ordre de mérite et c'est uniquement leur rang dans ce classement qui va déterminer l'obtention ou non des récompenses mises en jeu45. Celui qui a la meilleure performance reçoit un salaire supérieur ou une prime, alors que celui qui a une performance moindre reçoit un salaire moindre. Par conséquent, l'essentiel de la théorie des tournois est que des individus peuvent être motivés simplement par comparaison avec leurs pairs ou par comparaison à une certaine norme, et la compensation (le bonus ou la promotion) dans ce cas est fixée à l'avance et dépend de la position relative de quelqu'un dans la firme. Le résultat expérimental de van Dijk et al. [2000] montre que les arrangements de paiement relatif (ou les tournois) génère un effort élevé en moyenne. En principe, l'accroissement de l'écart entre le prix de gagnant et de perdant devrait augmenter la puissance du mécanisme incitatif des travailleurs [Lazear, 1986; 2000a; Ménard, 2004]. Supposons que le prix en argent se compose de 500 000 dollars. Les prix peuvent être dédoublés également de sorte que le gagnant obtienne 250 000 dollars et le perdant obtienne 250 000 dollars. Dans ces circonstances, ni l'un ni l'autre joueur ne sera particulièrement tenté de remporter, et pas beaucoup d'effort sera consacré à l'activité. Si, cependant, le gagnant touche 500 000 dollars, et le perdant obtient zéro, beaucoup d'efforts de la part des salariés seront mis dans l'activité46. Ainsi, plus l'écart est important, plus les incitations des agents au travail sont grandes pour remporter le prix dans le tournoi. L'écart optimal incite les travailleurs à se déplacer au point où le coût marginal d'effort est exactement égal à son bénéfice marginal [Lazear, 1986].

Comme dans les tournois de golf ou de tennis, le montant qu'une personne reçoit pour une victoire dépend seulement du niveau de ses adversaires et non d'une mesure absolue de performance [Milgrom et Roberts, 1997] et est tenté d'inciter les agents à exercer l'effort productif [Harbring et Irlenbusch, 2003; 2004]. Ce dispositif présente évidemment un intérêt

45 Lanfranchi, J. [1992], « Tournois et carrières », Travail et emploi, n° 54, p. 73.

46 C'est un exemple de Lazear, E. P [1995], Personnel Economics, The MIT Press, Cambridge, p. 26 - 27.

particulier lorsqu'on ne peut obtenir une mesure absolue des performances, ou bien lorsque la mesure de ces performances serait trop coûteuse alors que le simple classement suffit ; ou encore lorsqu'une incertitude forte affecte les résultats, de sorte qu'on ne peut en faire dépendre la récompense47.

D'après Lazear [1986], il y a deux avantages à l'utilisation de la théorie des tournois. En premier lieu, les tournois requièrent seulement la comparaison relative. La seule information relative à la performance nécessaire dans un tournoi est donc l'information ordinale concernant celui qui a fait le mieux et non l'information absolue, cardinale, concernant l'écart entre la performance du salarié et un quelconque standard absolu. En beaucoup de circonstances, seule une information relative est disponible à un coût raisonnable [Milgrom et Roberts, 1997]. Il peut être tout à fait facile de déterminer qui, dans un groupe, accomplit le meilleur travail. Alors, les tournois peuvent être une méthode efficace pour fournir des incitations aux salariés dont la performance est difficile à mesurer de manière absolue. En second lieu, la compensation par le rang fait disparaître les éléments communs à l'incertitude (un état de nature) qui affecte la relation entre le choix du niveau d'effort des individus et leur performance mesurée [Lazear, 1986; Milgrom et Roberts, 1997]. Par exemple, les ventes peuvent être faibles puisque l'économie est en crise, ce qui interrompt la relation entre l'effort des travailleurs et leur performance. Cet évènement aléatoire échappe au contrôle des individus. En revanche, comme cet effondrement affecte également tous les agents en compétition, les comparaisons relatives ne sont pas affectées. Observer la performance relative peut permettre de mieux apprécier qui a le mieux travaillé. Ceci permet en retour d'offrir les mêmes incitations avec un moindre risque à ceux qui sont motivés. Le meilleur travailleur produit toujours davantage même si tous les individus produisent un peu.

En fait, le modèle des tournois est souvent appliqué dans une firme afin de fournir des incitations en promouvant les plus performants vers des postes mieux rémunérés par l'évaluation sur la base de la performance comparative par rapport à ses collègues [Milgrom et Roberts, 1997; Lazear, 2000a]. Intuitivement, la perspective d'une promotion à un poste situé à un échelon hiérarchique supérieur, assorti d'un salaire supérieur, peut avoir les mêmes capacités d'incitation qu'un niveau de rémunération, et donc avoir les caractéristiques d'une récompense dans un système fondé sur l'évaluation ordinale de la performance.

Par conséquent, le modèle des tournois qui est un type de formalisation fondée sur la récompense des plus méritants fonctionne comme un système d'incitation efficace dans le

47 Ménard, C. [2004], Economie des organisations, Editions La Découverte, Paris, Coll. Repères, p. 64.

cadre d'un contrat liant employeur et employés sur la base de la rémunération de la performance relative48. Alors, grâce aux incitations monétaires qui sont fixées à l'avance pour le gagnant et le perdant, les salariés entrent en compétition et offrent l'effort maximalement productif au travail. Même en cas de promotion, les salariés font le tournoi pour être promus puisque quand le vainqueur est promu, il va être mieux rémunéré et avoir le statut supérieur. Ainsi, les incitations monétaires ont encore pour fonction essentielle de pousser les salariés à augmenter leur effort productif afin d'accroître leur productivité.

Toutefois, le modèle des tournois apportent aussi certains désavantages. Un inconvénient potentiel de ce modèle apparaît lorsqu'il y a des opportunités de collusion entre employés. Si les primes dépendent seulement de la performance relative, alors les profits attendus de chaque individus sont les mêmes si tout le monde tire au flanc ou si tout le monde travaille dur. Bien sûr, tirer au flanc épargne aux travailleurs le coût de l'effort et représente une possibilité tentante [Milgrom et Roberts, 1997; Harbring et Irlenbusch, 2003]. Le deuxième inconvénient est que les travailleurs augmentent la probabilité de victoire, non seulement en faisant bien eux-mêmes, mais également en sabotant la performance de leurs opposants par des activités destructives [Lazear, 1986; 1995; Milgrom et Roberts, 1997; Winter-Ebmer et Zweimüller, 1999; van Dijk et al., 2000; Harbring et Irlenbusch, 2003; 2004; Grund et Westergaard-Nielsen, 2005]. Dans les organisations, une telle activité de sabotage peut prendre n'importe quelle forme pour bloquer la coopération telle que conserver activement l'information viable, transférer l'information fausse ou dégrader les outils de travail utilisés par d'autres. Ceci génère évidemment de l'inefficience.

Il existe trois solutions possibles pour atténuer les activités de sabotage dans le modèle des tournois. La première solution pour réduire la motivation au sabotage est de baisser l'incitation de tournoi en diminuant la différence entre le paiement obtenu par les gagnants et le paiement reçu par les perdants [Lazear, 1986; 1995; Harbring et Irlenbusch, 2004]. Malheureusement, la compression des salaires abaisse également l'incitation de l'employé pour exercer des activités productives49. Alternativement, le renforcement des activités de contrôle peut diminuer des activités de sabotage mais ceci peut générer des coûts potentiellement élevés. Toutefois, selon l'équité réciproque, la dernière solution, peut également diminuer des activités de sabotage. Si nous supposons que des employés sont motivés par une préférence pour la justice réciproque, des activités de sabotage sont

48 Lanfranchi, J. [1992], « Tournois et carrières », Travail et emploi, n° 54, p. 73.

49 Le résultat de l'étude de Winter-Ebmer et Zweimüller [1999], utilisant un panel d'entreprises autrichiennes durant 1975-1991, supporte cette idée, surtout pour les cols bleus.

susceptibles d'être réduites par une action amicale50 de l'employeur [Harbring et Irlenbusch, 2004]. Une intention qui est perçue comme amicale peut être répondue par une action aimable en retour. L'offre d'un employeur de salaires élevés pourrait être perçue comme amical et on pourrait supposer que les employés répondent à un tel comportement avec un effort productif élevé et que les activités de sabotage se réduisent ou soient éliminées. Par conséquent, les incitations à réduire le sabotage résulte vraisemblablement de l'équité réciproque, ce qui ouvre bien la voie à la coopération des salariés. Alors, cette dernière solution correspond bien à la théorie du salaire d'efficience qui peut aussi régler les problèmes d'incitation en cas de difficulté pour mesurer la performance individuelle comme dans la situation de la production en équipe et multi-tâches.

2-3- La théorie du salaire d'efficience

Le salaire peut avoir un effet positif sur la productivité du travail lorsque la rémunération influence positivement l'effort productif consenti par le travailleur51. La théorie du salaire d'efficience (efficiency wage) prédit que les employeurs peuvent avoir intérêt à accroître les salaires au-delà de leur niveau concurrentiel pour améliorer la productivité du travail [Cahuc, 2001]. Dans cette théorie, le résultat de production dépend du niveau de salaire qui conditionne le niveau d'effort individuel [Leclercq, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. Si l'entreprise tente de diminuer le salaire, dans l'optique soit d'être plus profitable, soit d'embaucher plus, l'effort des travailleurs déjà en place se dégradera et leur productivité diminuera52.

Dans le modèle du salaire d'efficience formalisé par Shapiro et Stiglitz [1984], on suppose que la performance n'est pas vérifiable et qu'aucun contrat incitatif n'est possible. Le salaire est alors le même pour tous les employés ayant les mêmes qualifications, et est fixe. La seule solution pour l'employeur est d'offrir un salaire supérieur au niveau de réservation de l'individu pour que le poste soit attractif et précieux, ce qui ne l'incite pas à tirer au flanc puisque si les travailleurs sont aperçus à tirer au flanc, ils risquent de perdre leur emploi, c'est-à-dire qu'ils seront mis au chômage [Prendergast, 1999; Redor, 1999; Leclercq, 1999; Aubert et Aubert-Monpeyssen, 2005].

50 Les auteurs soulignent.

51 Mouime, M. [2001], « Salaire d'efficience et alignement des salaires sur les prix », Document de travail n° 66, Direction de la Politique Economique Générale, p. 1.

52 Salais, R. [1989], « L'analyse économique des conventions du travail », Revue économique, vol. 40, n° 2, p. 211.

A la fin de chaque période, la firme contrôle les résultats de l'effort de chaque salarié. Les travailleurs qui n'ont pas été contrôlés, ou ceux qui n'ont effectivement pas tiré au flanc, sont maintenus dans l'entreprise. En revanche, les individus tire-au-flanc, qui ont été contrôlés, sont licenciés, tout en recevant cependant leur salaire sur la période où ils ont été employés [Redor, 1999]. L'incitation à l'effort provient donc de la perspective de conserver son emploi, avec un salaire élevé, et la pénalité en cas d'échec est la mise au chômage. Si les incitations sont restaurées, malgré un salaire fixe, par l'aspect dynamique de la relation, il est à noter que le degré de risque est généralement plus élevé que dans un contrat qui spécifie des différentiels de rémunération en fonction de la performance, puisque c'est ici un risque de chômage qui doit être supporté par l'employé. Le problème de risque moral est donc traité.

Par ailleurs, il convient de mentionner brièvement une version sociologique de justification du salaire d'efficience : celles qui ont été proposées par Akerlof en 1982 et qui relèvent d'une logique différente, faisant place à des considérations d'ordre collectif. Il s'agit d'une idée de don contre-don qui met en évidence le rôle central joué dans certaines entreprises par des obligations croisées entre donner, recevoir et donner en échange53. La firme fait ici un don au salarié en versant un salaire supérieur à celui du marché et en fixant une norme d'effort faible, et en échange, les travailleurs se sentant bien traités fournissent un effort au dessus de la norme de travail en vigueur54 [Gazier, 1992; Redor, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. La norme est fixée en fonction de la performance moyenne du groupe et des compensations s'opèrent entre les plus performants et les autres. De plus, chaque agent ayant le sentiment d'être bien traité adoptera une stratégie coopérative, ce qui peut réduire ou éliminer les activités de sabotage entre les concurrents présentées dans le modèle des tournois précédemment étudié.

La théorie du salaire d'efficience peut résoudre non seulement le problème du risque moral, mais également le problème de sélection adverse. Lorsqu'un employeur a une connaissance imparfaite des capacités productives des personnes qui se présentent à l'embauche, il risque de faire une erreur en embauchant des personnes dont les capacités sont relativement faibles. Pour éviter une mauvaise sélection, l'employeur peut avoir intérêt à accroître le salaire de façon à attirer les individus qui ont les meilleures capacités [Cahuc et Zylberberg, 1996; Redor, 1999; Lemistre et Tahar, 2004]. L'argument est que, avant d'être embauché, les salariés ont un salaire de réservation au dessous duquel ils ne souhaitent pas travailler. Ce niveau de salaire est une fonction croissante des compétences individuelles.

53 Gazier, B. [1992], Economie du travail et de l'emploi, 2e édition, Editions Dalloz, Paris, p. 241.

54 Le résultat de l'expérience réalisée par Falk et al. [1999] supporte également cette idée.

Ainsi, les salariés les plus performants auront également les salaires de réservation les plus élevés et l'employeur ne sera pas incité à embaucher les moins performants [Lemistre et Tahar, 2004].

En résumé, dans le modèle du salaire d'efficience, le niveau des salaires supérieur à celui de marché du travail peut inciter les travailleurs à faire des efforts dans le travail puisque si un individu est découvert à se dérober, il risque de perdre son emploi avec un salaire très élevé. Alors, le tire-au-flanc est très coûteux pour les travailleurs lorsqu'un tel comportement est détecté. Dans le sens sociologique, ce salaire élevé offert par l'employeur est considéré comme un don, et en retour de ce don, les travailleurs décident collectivement de travailler dur pour augmenter les productivités globales de la firme. En outre, le problème d'antisélection peut être également résolu par ce modèle dans lequel le versement de salaires relativement élevés permet de trier les individus.

Cependant, même si le modèle du salaire d'efficience permet d'inciter les travailleurs à offrir l'effort productif au travail, il présente néanmoins un risque très élevé pour les travailleurs déloyaux, qui peuvent être mis au chômage. Une individualisation des rémunérations en fonction d'une certaine variable de performance vérifiable aurait permis d'éviter ce risque important. Mais si cette variable de performance vérifiable n'existe pas, outre la théorie du salaire d'efficience, l'employeur peut choisir une rémunération basée sur une évaluation subjective de la performance. Nous considérons cette dernière solution ci- dessous.

2-4- L'évaluation subjective de la performance

Dans le modèle du Principal-Agent, si le niveau d'effort de l'agent n'est pas observable par le principal, le contrat optimal doit dépendre de mesure vérifiable de la performance, à savoir l'output du travail exécuté par l'agent. Alors, le salaire de l'agent va être en fonction croissante de son output. Les contrats qui attachent la compensation à la performance peuvent atténuer le problème d'incitation55. En fait, le système de paiement à la performance peut être basé sur des mesures objectives comme des ventes ou des mesures subjectives telles que la valeur estimée de l'employé à l'organisation56. Tandis que certains emplois, tels que des ventes, se prêtent à la mesure objective, la performance dans la plupart

55 Levin, J. [2003], « Relational Incentive Contracts », American Economic Review, vol. 93, n° 3, p. 835.

56 Baker, G et al. [1988], « Compensation and Incentives: Practice vs. Theory », Journal of Finance, vol. 43, n° 3, p. 597.

des emplois ne peut pas être mesurée objectivement en raison de la production en équipe et des activités multi-tâches. Ainsi, les firmes préfèrent employer des mesures subjectives, où le salaire est à la discrétion des impressions d'un supérieur57, c'est-à-dire que le bonus des employés dépend d'une évaluation subjective de leur performance par le principal (leur employeur). L'attraction de tels modes de paiement est qu'ils offrent une vue plus holistique de la performance. Lincoln Electric, le fabricant dominant d'équipements de soudure à l'arc voltaïque et de fonderie, est bien connu pour pratiquer depuis longtemps des formes de salaires à la pièce qui attachent le salaire de travailleur à son output, mais environ la moitié de la compensation d'un ouvrier est un bonus basé sur l'évaluation subjective du supérieur sur la coopération, l'innovation, la fiabilité, et d'autres aspects subjectifs de la performance de l'ouvrier [Baker et al., 1994; Gibbons, 1998].

Par conséquent, bien que la contribution des employés à la valeur de la firme ne soit pas typiquement et objectivement mesurable, il peut être souvent évalué subjectivement par les managers ou les surveillants qui sont bien placés pour observer les subtilités du comportement et des occasions des employés. Même si de telles évaluations subjectives de la contribution des employés à la valeur de la firme sont imparfaites, elles peuvent compléter ou améliorer les mesures objectives disponibles. Ainsi, un contrat implicite basé sur des évaluations subjectives de la performance peut augmenter ou remplacer un contrat explicite basé sur des mesures objectives de la performance [Baker et al., 1994].

Cependant, les psychologues et les behavioristes ont fourni une explication pour le manque de systèmes d'évaluation subjective de la performance dans la pratique. Ils concluent que les plans de salaire basés sur des critères subjectifs ont peu de chance de succès parce que les employés ne font pas confiance58 (trust) à leurs supérieurs pour évaluer correctement leur performance59. Plus la mesure est subjective, plus le degré de confiance demandé est haut, parce que, sans confiance élevée, il y a peu de chance pour l'employé de croire que son salaire soit vraiment et équitablement basé sur la performance. Il est conforme à l'idée de MacLeod [2003] sur le fait que la possibilité pour le principal de récompenser l'agent en fonction d'une évaluation subjective dépende du degré d'acceptation de l'agent sur ces évaluations. Quand les évaluations subjectives du principal et de l'agent s'entendent, alors on peut mettre en application le contrat optimal, exactement comme si les évaluations étaient objectives et

57 Prendergast, C. [1999], « The Provision of Incentives in Firms », Journal of Economic Literature, vol. 37, n° 1, p. 29.

58 Les auteurs soulignent.

59 Baker, G et al. [1988], « Compensation and Incentives: Practice vs. Theory », Journal of Finance, vol. 43, n° 3, p. 598.

vérifiables60. Par conséquent, la confiance entre les employés et les surveillants ou les supérieurs est essentielle dans l'application efficace des systèmes d'évaluations subjectives de la performance.

Pour que l'employeur puisse utiliser une mesure subjective de façon crédible, il est nécessaire d'introduire un objectif de réputation : l'employeur ne doit pas avoir intérêt à renier ses engagements implicites, sachant que s'il le fait, sa réputation sera modifiée et les employés ne fourniront aucun effort en cas de contrat implicite dans le futur [Baker et al., 1994; Gibbons, 1998; Kambe, 2005]. Dans ce modèle, la capacité de s'engager peut provenir à la fois de la répétition de la relation [Levin, 2003], et d'un souci de réputation de l'employeur. D'abord, le principal et l'agent avouent un contrat qui indique les salaires en fonction des classements du principal à l'évaluation. À l'évaluation, les différents « principaux » peuvent donner différents classements et l'agent met à jour ainsi sa croyance basée sur le classement reçu. Après que le classement ait été donné, il y a une autre transaction entre eux. Lorsque l'agent pense que le niveau d'honnêteté et de fidélité du principal sur le système d'évaluation, est élevé, l'agent exerce plus d'effort dans la deuxième transaction et l'avantage du principal est ainsi plus élevé. Au contraire, si l'agent perçoit que le principal n'est pas fidèle, c'est-à-dire que l'évaluation subjective du principal sur la performance de l'agent tombe au-dessous d'un seuil pour éviter le salaire élevé, l'agent effectuera les actions inefficaces pendant plusieurs périodes, ce qui punit en effet le principal. En raison de ces effets, le principal sera incité à donner un juste jugement sur la performance de l'agent. Ainsi, la réputation est un dispositif à induire l'évaluation honnête du principal et à rendre le modèle d'évaluation subjective de la performance efficace [Kambe, 2005]. Dans ce cas, le contrat implicite devient un contrat auto-exécutoire (self-enforcing) car le respect de ce contrat n'est pas obligé par un tiers (le tribunal), mais par le souci de la firme pour sa réputation sur le marché du travail [Baker et al. 1994].

D'après Van den Steen [2005], la mesure subjective de la performance peut être une solution optimale au problème « principal-agent » lorsque l'agent refuse d'obéir au principal. En effet, si le bonus de l'agent est accordé en fonction d'une mesure subjective, l'agent devra évaluer ses actions et ses résultats conformément à la volonté du principal. Cet alignement de croyance incitera l'agent à faire ce que le principal veut qu'il fasse, en éliminant des inversions coûteuses. D'ailleurs, le résultat de son étude prouve également que l'évaluation

60 MacLeod, W. B. [2003], « Optimal Contracting with Subjective Evaluation », American Economic Review, vol. 93, n° 1, p. 216. Selon Lemistre [2000a], un contrat incitatif explicite ou implicite n'est efficace que si les salaries concernés reconnaiseent comme légitime les modes d'évaluation. Dans le cas contraire, l'évaluation est évidemment jugée trop subjective.

subjective de la performance peut être réellement optimale, même quand la vraie performance est parfaitement mesurable.

Tant que l'évaluation n'est pas purement aléatoire, elle contient de l'information sur l'effort du salarié, malgré sa subjectivité, et peut donc être utilisée pour inciter à l'effort. La corrélation entre l'évaluation subjective du supérieur et l'effort fourni par l'employé permet toujours d'obtenir une amélioration par rapport à un salaire fixe. Si cette corrélation est parfaite, l'évaluation subjective de la performance fonctionne exactement comme la mesure objective de la performance et donc peut résoudre le problème « principal-agent » en incitant les employés à offrir l'effort maximal au travail.

En conclusion, afin de régler le problème de passager clandestin dans la production en équipe, Alchian et Demsetz proposent d'introduire un contrôleur pour contrôler le comportement des individus dans l'équipe en lui offrant un revenu résiduel et certains droits pour l'inciter à ne pas se dérober comme les membres de l'équipe. En outre, dans la situation multi-tâches, il y a une distorsion dans l'allocation d'effort parmi les tâches. Holmström et Milgrom proposent d'égaliser les incitations pour toutes les tâches, ou bien de fournir des incitations nulles pour toutes les tâches. Outre les solutions proposées par Alchian et Demsetz, et Holmström et Milgrom, il y a d'autres solutions que des analyses théoriques proposent, en s'appuyant encore sur les incitations monétaires. Celles-ci sont la pression des pairs dans laquelle le système de partage des profits incite les individus à se contrôler mutuellement; le modèle des tournois dans lequel les incitations sont basées sur la performance relative ; la théorie du salaire d'efficience dans laquelle la firme offre un salaire très supérieur à celui de marché du travail pour inciter les salariés à travailler dur ; et enfin l'évaluation subjective de la performance dans laquelle les récompenses sont payées à la performance qui est évaluée subjectivement par le supérieur et qui peut atténuer le problème d'incitation.

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