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L'influence des principes de la doctrine sociale de l'Eglise sur les politiques de ressources humaines des entreprises

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par Ranim EL-HAGE
Université Paris 1 Pantheon Sorbonne - M2 Recherche Economie des ressources humaines et des politiques sociales 2007
  

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Conclusion

Avec persévérance et régularité, les souverains pontifes, de Léon XIII à Benoît XVI, ont été les grands défenseurs d'un ordre économique et social basé sur la vérité, la justice, la charité et la liberté. Ils ont enseigné que la personne humaine est un sujet de droits et de devoirs, et qu'il représente la fin dernière de la société, qui lui est ordonnée. Ils ont soigneusement explicité les recommandations de l'Eglise en matière d'organisation d'une société qui place le respect de la dignité humaine au coeur de ses mutations continuelles. Ils sont intervenus pour la réconciliation des peuples et des classes en conflit, pour une expansion économique à visage humain, et se sont particulièrement intéressés à l'homme dans son cadre de travail quotidien.

« L 'Eglise s'est efforcée avec ténacité d'obtenir qu'on tienne compte de l'homme plus que des avantages techniques et économiques », avait proclamé Pie XII.81 La personne humaine doit être prise en compte sous tous ses aspects afin que ses besoins primordiaux, matériels et spirituels, soient satisfaits. Son travail doit lui permettre de se nourrir, de se loger, de se soigner, mais aussi d'aller à la rencontre d'autres personnes et de promouvoir avec eux le bien commun, qui leur permet de se réaliser ensemble. Le travail doit permettre à toute personne de choisir librement ce qui convient à son développement personnel et à celui de sa famille. Ceci est assuré par une politique salariale appropriée et par un nombre réaliste d'heures de travail. Le temps extraprofessionnel doit permettre au travailleur d'élargir ses horizons dans les domaines qu'il souhaite, de se reposer, de rester avec ses proches, et de nourrir, seul ou en communauté, sa vie sociale, culturelle et spirituelle. Quel que soit l'usage dont il en fera, ce temps est son droit.

Chaque pape s'est, à un moment donné de l'histoire, prononcé sous un angle particulier sur le droit du travailleur. Léon XIII a pris la défense de l'ouvrier victime au moment où les tensions entre libéralisme et socialisme étaient à leur apogée. Pie XI a

81 Cité dans Benjamin Guillemaind, Libéralisme-socialisme : deux frères ennemis face à la doctrine sociale de l'Eglise, Téqui Editeur, 2001, p. 23.

abordé la notion d'un salaire qui aille au-delà du salaire de subsistance. Il a recommandé une politique salariale qui implique désormais le travailleur dans les bénéfices de l'entreprise au moment où sa créativité est sollicitée pour faire face à la concurrence et pour que l'entreprise puisse augmenter ses chances de se tailler une part de la demande, désormais de plus en plus diversifiée.82 Dans Laborem exercens, Jean-Paul II intervient dans les premières phases du chômage de masse et condamne les profits non réinvestis dans la recherche en vue de créer de nouveaux débouchés et de nouveaux emplois. Dans Sollicitudo rei socialis, il prône l'importance de la diversité des personnes et le respect de la contribution de chacun à la prospérité et au développement du bien commun. Dans Centesimus annus, il critique le socialisme, lui reprochant la déresponsabilisation des personnes et la dévalorisation de l'initiative privée, et prône un ordre social de coresponsabilité qui dépasse aussi bien le socialisme que le capitalisme et aspire à la promotion du bien commun et à la défense des droits de la famille et de l'environnement. Benoît XVI, quant à lui, n'a pas encore apporté de contribution précise à la doctrine sociale, mais a invité les patrons et les détenteurs de capitaux, dans Deus caritas est, à aider les pauvres et les démunis et à investir une partie de leurs bénéfices annuels dans les associations sociales, environnementales et humanitaires.

Ces recommandations ont été formulées sous forme de principes orientant les comportements humains et esquissant les fondements d'un modèle de management type que les entrepreneurs chrétiens sont appelés à suivre à leur manière et selon des marges de manoeuvre variées. Ce modèle de management se base sur un leadership délégateur qui co-responsabilise ses parties prenantes et les réunit solidairement autour d'un bien commun qu'elles essaient de fructifier ensemble en participant aux justes bénéfices de leur travail.

* * *

82 Dan le même ordre d'idées, François Michelin a précisé, au cours de son intervention dans le cadre du colloque « Humaniser le travail dans une société libre » organisé le 10 mars 2007 à Paris par l'Association des Economistes Catholiques, que « c'est le client qui commande, pas moi. Le travail voit sa finalité dans l'oeuvre » de l'ouvrier, qu'il nomme « oeuvrier », et cette oeuvre n'a et ne crée de la valeur que grâce aux clients. Une politique salariale plus élargie et complexe s'impose donc indépendamment de l'avis de l'employeur.

A la lumière de cette rétrospective, on voit que l'Eglise ne prétend jamais s'octroyer une expertise bien précise en matière économique ou gestionnaire. Elle ne fait que souligner les grands principes assurant la bonne régulation de ces domaines. Bien qu'assaillie de toutes parts par les idéologies politiques et le monde agressif des affaires, qui essaient de lui ôter toute compétence dans ce domaine, l'Eglise n'est jamais revenue sur ses positions, et aucune instance n'a pu étouffer son discours. Elle a eu le mérite de continuer courageusement à se prononcer sur les démarches et les stratégies en matière entreprenariale, dénonçant au besoin toute dérive. Cependant, les souverains pontifes ont pris soin de souligner qu'ils n'entendent point proposer de solutions techniques aux dirigeants ni intervenir dans l'élaboration de leurs plans. L'Eglise ne se mêle pas de leurs affaires. Mais, dans l'absolu, elle ne leur concèdera point le dicton : « Les affaires sont les affaires », car « il y a des affaires qu'on ne fait pas ».83

L'Eglise et les souverains pontifes ne tirent leurs sujets de réflexion que de la vie économique concrète. Celle-ci est si riche en développements qu'aucun pape ne pourra manquer d'y repérer des faiblesses, des effets pervers ainsi que les douleurs des victimes. Xavier Fontanet, PDG d'Essilor, a d'ailleurs lui-même dit en substance, au cours de son intervention dans le cadre du colloque « Humaniser le travail dans une société libre », cité ci-dessus, qu'aucun responsable ne pourra par la ruse estomper les maladresses qu'il a commise envers ses parties prenantes, car de nos jours les médias sont là pour détecter et divulguer tout abus, surtout dans les pays démocratiques et économiquement développés, où ces médias jouissent de la liberté d'expression.

Par ailleurs, il faut espérer que l'Eglise puisse enrichir sa réflexion sur les justes politiques de gouvernance managériale en s'ouvrant sur des contributions proprement laïques en matière d'éthique d'entreprise, et ce dans une sorte de dialogue social éternel à double sens. En effet, si à travers ses encycliques pontificales et les principes de sa doctrine sociale l'Eglise a elle-même lancé le débat et influencé les dirigeants et entrepreneurs de tous bords, ce sont bien ces derniers qui peuvent élargir la pensée de l'Eglise par de nouvelles problématiques concrètes sur lesquelles elle peut réfléchir et

83 Philippe De Weck, Les Eglises face à l'entreprise, Ed. du Centurion, 1991, p.234

déboucher sur de nouveaux développements doctrinaux en harmonie avec les enjeux grandissants de l'éthique d'entreprise.

Il est réconfortant de constater que les principes de la DSE ont démontré une grande fertilité, et que des milliers de dirigeants et entrepreneurs à travers le monde les ont fait siens dans leurs politiques de gouvernance. Ils se sont regroupés en associations légales et reconnues au niveau international (UNIAPAC) ainsi qu'au niveau national (les EDC, MCC et autres associations pour la France) pour diffuser leur pensée éthique des affaires. De tels groupements peuvent susciter, entre autres, des recherches académiques intéressantes qui viendraient enrichir la pensée sociale chrétienne, et ce mémoire se veut modestement dans ce sillage. Je me permets de constater, sur une note personnelle, que si j'avais eu à faire mon mémoire de master au Liban par exemple, je n'aurai eu ni la matière première ni les témoignages de première main pour l'achever correctement, et il y a lieu d'espérer que les choses changeront bientôt dans mon pays, car il y a déjà quelques ébauches intéressantes pour réunir une fédération d'entrepreneurs chrétiens libanais qui rejoindrait l'UNIAPAC.

Mais parler d'outil adéquat pour une recherche académique reste quand même secondaire par rapport à l'importance d'avoir effectivement de telles communautés de personnes qui se déclarent chrétiennes et pratiquent leurs convictions et principes dans la gestion de leurs affaires au service du bien commun. Et il est certain que de telles associations sont d'autant plus aisément instituées et acceptées que le pays hôte adopte une politique nationale respectueuse des libertés religieuses fondamentales, comme c'est bien le cas en France, et au Liban jusqu'à présent.

Comme nous avons pu le constater plus haut dans le paragraphe où il avait été question de l'éthique d'entreprise laïque, les lignes directrices de la DSE en matière de gestion d'entreprise ne sont pas étrangères à d'autres confessions et idéologies populaires. Le Japon, dont le patrimoine culturel et spirituel est très éloigné du catholicisme, est le premier pays à avoir légiféré et instauré ce qu'on appelle les « cercles de qualité » dans la majorité de ses entreprises. De même, à partir de 2009, la norme ISO

26000 devrait, en principe, être universellement imposée aux entreprises afin de labelliser le respect de la responsabilité sociale de l'entreprise telle que stipulée dans cette nouvelle norme.

Il reste que, « en ce qui concerne la question sociale, personne n 'a présenté un programme qui dépasse la doctrine sociale de l 'Eglise en sécurité, consistance et réalisme,»84 étant entendu que «l'Eglise n'a pas de modèle à proposer.»85 La DSE, qui n'est pas une idéologie, peut se révéler d'une grande force inspiratrice pour résoudre les nouveaux problèmes dus à la mondialisation grandissante de l'économie et des nouvelles industries transfrontalières du vice et du crime. Et lorsque la communauté humaine aura reconnu, avec le pape Jean XXIII dans son encyclique Pacem in Terris (1963), que la sauvegarde de l'ordre moral universel exige, au-delà de la fragmentation des Etats, la constitution d'une autorité publique de compétence universelle, elle-même respectueuse du principe de subsidiarité vis-à-vis de ces Etats, alors elle réalisera que la DSE est un corpus doctrinal lucide qui fonde l'ordre mondial juste et qui répond au plus profond besoin des hommes d'aujourd'hui.

* * *

84 Benjamin Guillemaind, Libéralisme-socialisme : deux frères ennemis face à la doctrine sociale de l'Eglise, Ed. Pierre Téqui, 2001, p.34

85 Jean-Paul II, Centesimus annus, n.43

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams