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Les enjeux géopolitiques de la "percée" chinoise au Sénégal

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par Xavier Aurégan
Institut Français de Géopolitique - Master 2007
  

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2. Une politique officielle bienveillante

Riches en nombre car ce sont les clients qui eux-mêmes sont les consommateurs sénégalais qui sont des citoyens donc des électeurs. Le second allié des Asiatiques est le gouvernement. Les consommateurs doivent se regrouper pour unir leurs forces et fédérer les mots d'ordre, les revendications et perspectives : c'est l'ASCOSEN. Ces trois groupes sont, en quelque sorte, les amis des Chinois. Ils défendent leur cause par d'hétéroclites procédés, mais, la finalité est analogue. Il ne sont pas les seuls, mais sont le véritable rempart contre les attaques du camp opposé, hostile à la présence chinoise au Sénégal.

J'ai, dans les lignes et chapitres précédents abordé le thème des consommateurs. Ici, c'est le rôle et la ou les positions de l'Etat sénégalais qui m'importe, avec l'appui de l'ASCOSEN et de son président Momar Ndao. Que dit Abdoulaye Wade à ce sujet ? Fustigeant la thèse de l'invasion chinoise en Afrique et de ses produits, il souhaite commercer avec l'État asiatique sans pour autant « écraser notre industrie pour renvoyer à l'inactivité nos milliers de commerçants ». Abordant le conflit sino-sénégalais, il déclare que son gouvernement a agi avec clairvoyance, que les commerçants chinois sont tous en situation régulière. Toutefois, il estime le nombre de ces détaillants correct, mais si à l'avenir, celui-ci augmentait « cela poserait problème ».

À un niveau supérieur, il souhaite créer une zone franche en faveur des industries chinoises, rappelant que d'autres pays y ont accès. Enfin, il condamne les protagonistes exerçant « une certaine propagande [et] des réflexes négatifs de peur », en soutenant à l'inverse la coopération entre les deux États93.

Son appréciation ne laisse pas de place au doute quant à sa représentation envers les Chinois. Mais le président reconduit dans ses fonctions laisse un goût amer aux amis de l'UNACOIS. Il leur avait en effet promis d'être intransigeant et ferme avec les futurs migrants, en contrôlant les entrées sur le territoire sénégalais. Mais ses paroles ne furent suivies d'aucun acte, exception faite des contrôles douaniers. C'est donc une politique officielle bienveillante à l'égard de la population chinoise. Une politique ouverte, réfléchie et réaliste.

93 Le discours est disponible sur le site Internet de Xinhua du 11 avril 2006.

J'aimerai, avant la description de l'ASCOSEN, proposer un résumé de la perception des consommateurs sénégalais : « si les Chinois n'étaient pas là, ce n'est pas avec mon salaire et avec les cinq enfants que j'ai que je pourrais aller dans les supermarchés ! 94». Les Dakarois sont dans leur majorité, très bienveillants quant à la présence des échoppes et de leurs patrons chinois. Si certains s'agacent sur la forme de leur implantation (regroupée et sur des artères historiques), ils apprécient tout autant leurs tarifs. Ils offrent des emplois aux jeunes, louent au prix fort les maisons et échoppes, sont discrets et honnêtes.

Les commerçants originaires d'Asie sont tout autant perspicaces, comme l'enquête l'a démontré. En annexe presse et citations, page 186, l'article de l'APS donne quelques ressentiments de ces derniers.

Les détaillants chinois sont donc réalistes et connaissent, pour certains du moins, l'instabilité de leurs statuts de commerçants étrangers non intégrés. Ils sont soutenus par plusieurs organisations dont l'ASCOSEN, la RADDHO, la CSA, la CNDPA, l'ONDH et l'UNCS95. Ces six associations et organisations ont participé à l'appel du premier, à la marche en soutien aux commerçants chinois qui répondit à la manifestation et grève, menée par l'UNACOIS début août 2004. Cette manifestation d'environ 300 personnes96 (départ à l'Obélisque et fin devant les locaux de la RTS sur le boulevard de Gaulle et intitulée contre « l'intolérance, le racisme ou la xénophobie de l'UNACOIS ») vit également le soutien de l'Association des employés de commerce des Chinois, le Regroupement des distributeurs de produits chinois et l'Amicale des dockers commis au débarquement des produits chinois. Des individus, comprenez des consommateurs sénégalais, vinrent par ailleurs soutenir leurs détaillants favoris. Si les opposants affichent indiscutablement leurs arguments et rejets envers les commerçants asiatiques, les partisans de la représentation positive, par la voix de Momar Ndao97 qui siège également à l'UEMOA sous le mandat de président des associations de consommateurs, ne manient eux non plus la langue de bois.

Premier point, la perte par les commerçants sénégalais du marché dakarois par leurs « collègues » chinois. En fait, les Chinois ont simplement investi là où les Sénégalais auraient, à terme, perdu. Car ces derniers ne disposent pas des atouts qu'un Chinois lambda possède : la maîtrise de la langue, la connaissance du terrain, de la conjoncture économique et des filières commerciales. Ils se sont donc fait, logiquement, doublé. Ceci a entraîné des rejets et une frustration

94 Phrase prononcée par un père de famille étonné de mon étude, sur le boulevard de Gaulle.

95 La RADDHO est la Rencontre africaine des droits de l'Homme ; la Confédération des syndicats autonomes (CSA) ; Conseil national pour la défense du pouvoir d'achat du citoyen (CNDPA) ; l'Organisation nationale des droits de l'Homme (ONDH) et l'Union nationale des consommateurs du Sénégal (UNCS).

96 Selon l'APS, donc d'après le ministère de l'Intérieur.

97 En annexe entretiens, page 172.

qui peu à peu peut être qualifiée de xénophobe. De plus, une vérité est apparue, celle de leurs tarifs exorbitants imposés à la clientèle : les Chinois ont divisé par deux ou trois ces marges.

Second point, la qualité. Momar Ndao l'affirme, « oui, la qualité est relative. Ça dépend de la satisfaction du consommateur. Comme c'est le paraître qui compte... Il n'y a pas de calculs sur le long terme, le consommateur sénégalais n'a pas de démarche logique, scientifique. Pour les textiles, on peut acheter un tissu de basse qualité mais bien le coudre chez le tailleur ». La qualité est donc moyenne pour ne pas dire mauvaise, mais est ce imputable aux Chinois ou aux consommateurs : c'est bien la demande qui détermine l'offre.

Donc, l'implantation des commerçants est positive : « oui avant on achetait dans des friperies, aujourd'hui pour 1000 francs [1,5 euros], on habille un enfant. [...] Ils les vendent au prix réel. ». L'accès aux produits s'est démocratisé, permettant à ces consommateurs sénégalais de pénétrer dans la société de consommation, d'entrer dans la mondialisation.

Troisième point, les accusations portant sur les conditions d'entrées et règlementations : « oui mais tout commerçant doit avoir ses documents et si le Chinois le possède c'est bon. Pareillement, tous les étrangers doivent respecter la police aux frontières et les conditions du séjour [...] les visas sont étudiés par les ministères au cas par cas. Même quand il n'y a pas d'ambassade [exemple : Chinois de la République Populaire de Chine en 2000] ». Cette position est donc la même que celle du gouvernement.

De plus, l'UNACOIS asserte la présence d'ateliers dans les villas et les échoppes chinoises : « non, les commerçants ne sont pas des fabricants ! On ne peut pas tout remettre en cause ! Par contre c'est vrai qu'ils assemblent certains produits sur place ».

La spéculation foncière leur est elle imputable ? « en moyenne c'est 20 % d'augmentation par an ! Cela dépend de la demande. Mais la réelle raison est l'arrivée des organisations onusiennes ! » et selon lui « la plupart des riverains du boulevard, étant des retraités, ils trouvent des ressources à travers la location de magasins aux commerçants chinois »98. Cette manne financière est capitale pour la grande majorité des bailleurs. Je rappelle le prix des loyers : 400 000 FCFA (600 €) pour une maison et de 500 (750 €) à 700000 (1050 €) pour les échoppes, selon M. Yin. L'APS estime à 100 000 environ le loyer du commerce et à 500 000 FCFA la maison.

Quels sont les moyens de pression ? L'ASCOSEN dispose d'une émission télévisée, en wolof, intitulée Nay Leer (que ce soit clair). Surtout, les associations de consommateurs sur l'ensemble du territoire : 30 000 membres dans toutes les régions. Les militants et relais des associations et organisations citées plus haut sont également précieux. Et leurs revendications ? « la

98APS du 11 août 2004.

qualité des produits, des services, un bon environnement, des banques de développement, la santé, l'administration, la sécurité des biens, les transports... ».

Septième et ultime point, à la question, que feriez-vous pour lutter contre cette concurrence Chinoise ?, Momar Ndao répond : « il faut influer sur les Chinois, faire des micro-industries, des usines d'assemblages, même artisanales [...] des transferts de technologie, de la valeur ajoutée. Par exemple, on a du sable et pour faire le verre il nous faut juste des fours ! ».

Cette représentation bienveillante à l'égard des Asiatiques est subséquemment soutenue par le gouvernement, la population et certaines associations de consommateurs et humanistes. Sans pour autant rentrer dans les clichés, je peux proposer une classification, en d'autres termes, les réfractaires aux marchands sont conservateurs, affichent un nationalisme économique : ce sont des réactionnaires. A l'opposé, l'ONDH, l'ASCOSEN... sont généralement des unions classées à gauche, progressistes donc. Au Sénégal pourtant, les clivages sont moins essentiels et évidents que dans les États européens (Espagne, Italie, France) : le besoin social et de service public est tel que la droite (A.Wade, I. Seck) et la gauche (O. T. Dieng) s'affrontent plus sur l'image des présidentiables que sur les programmes. Bien sûr, l'héritage politique socialiste99 de L. S. Senghor reste omniprésent au P.S. sénégalais.

Le point terminal de ce chapitre, Les conflits d'intérêts ou le rejet des responsabilités est consacré à une tentative de synthèse de la première partie et des représentations.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille