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La gestion de l'eau et son impact sur le droit international

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par Moussa Elimane Sall
Université Gaston Berger - DEA 2007
  

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Quoi de plus naturel qu'une cascade bondissant du haut d'une falaise, qu'un lac paisible somnolant au fond d'une dépression, qu'une rivière prisonnière de ses rives glissant le long des pentes ?

Pourtant... notre planète est la seule du système solaire à posséder de l'eau liquide, et notre pays, l'un des plus privilégiés du globe terrestre.

Quoi de plus facile aujourd'hui que d'ouvrir un robinet ? Quoi de plus normal que de prélever sans compter à cette manne quotidienne pour la satisfaction de tous nos besoins ?

Pourtant... exploitée sans mesure ni prudence, l'eau est de plus en plus polluée, et la production d'eau potable de plus en plus complexe et coûteuse.

INTRODUCTION GENERALE

Il peut paraître étrange à première vue, de voir un juriste se pencher sur une réalité aussi technique que celle de l'hydrologie (qui relève normalement de la géographie), mais à y regarder de plus prés cette immixtion du juriste que je suis dans ce domaine se justifie du fait d'abord que : « Le droit s'appliquant à l'homme, il doit partir de l'homme et de son milieu social. Le juriste doit aujourd'hui, et cette tendance est fort heureusement largement perceptible, échapper au cadre hermétique des textes. Et par ailleurs un juriste ne peut rester insensible, à la description de l'ampleur et de la complexité des bouleversements spectaculaires, occasionnés par les phénomènes naturels ; les flots marins ; les fleuves ; les vent ; les pluies ; la végétation, se donnent sans retenue pour sculpter un paysage dans lequel, comme dans un jeu de jonchets, le technicien du droit doit mettre de l'ordre. » Jean Parmentier dixit

En effet les juristes de la nouvelle génération doivent répondre à des interpellations, qui dépassent le cadre du droit stricto sensu, et élargissent en même temps le champ d'investigation du juriste traditionnelle. Le droit tend de plus en plus vers l'interdisciplinarité, s'ouvrant ainsi des perspectives nouvelles de recherche. Ainsi par exemple on note l'imbrication de la géographie et du droit jusqu'à aboutir, à l'émergence de la Géopolitique. Les éléments de la géographie apparaissent, comme importants dans la stabilité stratégique mondiale, puisque c'est elles qui, en dernière analyse offrent le contexte physique des relations Inter-Etatiques. Cette importance se voit accentuée par le fait que les ressources naturelles, ont un impact de plus en plus prononcé dans les relations internationales. Cet état de fait est corroboré par le fait que les ressources naturelles sont inégalement réparties, et constituent des lors des  éléments prépondérants dans le processus de prises de décision, des états, quant à leurs politiques étrangères. L'enjeu en est d'autant plus exacerbé, s'il s'agit de l'Eau, qui a toujours eu une dimension sociologique très importante.

En effet dans toutes les sociétés humaines, l'eau occupe une place importante tant du point physique,

que sociologique .La dépendance des communautés vis à vis de cette ressource et leur incapacité

à en expliquer le processus, a engendré de nombreux mythes et symboles aboutissant à une sacrali-

sation de cette ressource vitale qu'est l'Eau.

Depuis la nuit des temps, les hommes se sont regroupés et organisés autour des fleuves et des

rivières, dans la perspective de satisfaire des besoins vitaux liés, à la nourriture, aux échanges

(circulation des biens et des personnes), et à la construction de leur imaginaire ( représentation

sociale de l'univers).

Espaces disputés, générateurs de conflit allant de simples querelles à la guerre, les cours d'eaux

ont tout de même servi d'instruments de rapprochement et d'expression de la fraternité et de la paix.

L'histoire même des civilisations humaines fait apparaître, le lien entre l'homme et l'eau. Les

fleuves et les rivières ont été le berceau de civilisations, très tôt apparues dans l'histoire. On songe

au Nil qui a vu naître la civilisation Egyptienne, au Tigre et à l'Euphrate qui ont vu éclore la civilisa-

tion de la Mésopotamie, à l'Indus et au Gange qui ont plus où moins boosté le développement

de la civilisation Hindoue.

On a l'impression que l'eau est à la base de tout, même si on ne doit pas être absolu, dans

cette position, force est tout de même de constater que l'eau, a joué un rôle prépondérant, dans l'émer

gence de ces grandes civilisations.

A la base de l'organisation et de la structuration des sociétés humaines, de leurs comportements, de leurs rapports internes et avec la nature, se trouvent le plus souvent des mythes et des légendes associés au comportement des cours d'eaux.On peut dés lors estimer que les fleuves sont au coeur de la mythologie humaine. Les sociétés humaines partagent le besoin de vivre, et partant d'accéder à la ressource en eau, symbole de vie.En atteste la fascination exercée sur les hommes par la pluie, l'eau et ses éléments associés.

Selon les anciens, l'Eau devant l'Air, la Terre et le Feu, figure au premier rang des quatre éléments constitutifs de tous les corps de l'univers.

A la naissance du monde, l'eau figure au premier plan dans la loi Manou. Selon le code indien antique, « le monde était dans l'obscurité, méconnaissable....alors l'être auguste parait pour dissiper les ténèbres ; Voulant tirer de son corps les créatures, il produisit d'abord par la pensée les eaux et y déposa sa semence.»

Dans le coran les références à l'eau sont nombreuses.Comment aurait il pu en être, autrement dés l'instant où comme le souligne si bien ce verset : « Nous avons de l'Eau, fait toute chose vivante» (le coran XXI ; 30), ceci rejoint la célèbre assertion de Marcel Griaule ; qui dans son ouvrage intitulé : Dieu d'eau ; déclare que « La force vitale de la terre est l'eau. Dieu a pétri la terre avec de l'eau, de même il fait du sang avec de l'eau. Même dans la pierre, il y'a cette force »

En terre d'islam, l'eau est par excellence, l'élément purificateur pour le corps, et les matières. Utilisée les ablutions et les purifications corporelles, l'eau est également utilisée pour les toilettes funèbres. L'eau joue à peu prés les mêmes rôles, dans les religions hébraïques et chrétiennes.

Cette revue très succincte, de la dimension des relations très étroites que, l'homme entretient avec l'eau, met en évidence comment cette ressource a meublé les plus grandes représentations de l'univers, de l'au-delà et des mythologies.Cela nous montrent à quelle point, l'or bleu est empreinte de connotations religieuses et sociologiques.

Toutefois ces rapports, quelques importants qu'ils puissent paraître, n'expliquent pas à eux seuls la densité des relations de l'homme avec l'eau.

Ces rapports transcendent le cadre des mythes et des systèmes de représentations, pour embrasser d'autres aspects, plus vitaux et plus terrestres, et comme diraient certains plus humains, parce que commun.

Dans les faits, l'eau offre plusieurs usages et le concept de l'eau au coeur de la vie, trouve son expression la plus éloquente dans la pensée d'Antoine De Saint Exupery, qui rescapé d'un accident d'avion en plein Sahara, et suite à plusieurs jours de marche, ponctues des affres de la faim, de la chaleur et surtout de la soif, découvre in extremis un point d'eau. Sa soif étanchée a volonté, le pilote écrivain frôlant l'extase, décrit et sanctifie les vertus et les merveilles de l'eau en ces termes : 

« Eau, tu n'as ni goût, ni couleur, ni arome, on ne peut pas te définir, on te goûte sans te connaître. Tu es nécessaire à la vie, tu es la vie. Tu nous pénètres d'un plaisir, qui ne s'explique point par les sens. Avec toi rentrent en nous, tous les pouvoirs auxquels nous avions renoncés. Par ta grâce, s'ouvrent en nous toutes les sources taries de notre coeur.

Tu es la plus grande richesse qui soit au monde ...toi si pure au ventre de la terre...tu n'acceptes point de mélange, tu ne supportes point d'altération. Tu es une ombrageuse divinité...Mais tu répands en nous un bonheur infiniment simple. » (In Terres des hommes).

On saisit à travers ce saisissant plaidoyer, la valeur vitale de l'eau. A coté de cette fonction vitale subsiste, d'autres réalités et d autres impératifs, qui font que l'eau est devenue une question politique et géostratégique majeure. Elle fait l'actualité dans les sommets mondiaux et les forums alternatifs. En fait, cette ressource vitale commande le développement des sociétés humaines, raison pour laquelle les sociétés humaines, lui accordent la place dont nous décelons toute l'importance, a travers l'évolution de ces sociétés.Cette importance se justifierait si, a l'instar de l'or ou du pétrole, l'eau existait en quantité très en deca des besoins de l'homme.

Or tel ne semblait pas être le cas, car jusqu'à une période plus ou moins récente, on s'imaginait mal, voir un individu être confronté à une pénurie d'eau.

Cet perception est tout a fait justifiable car, vue de l'espace, la Terre ne semble pas manquer d'eau, la planète bleue comme on aime a l'appeler, regorge de cette ressource vitale.Pour en avoir le coeur net, il suffit de regarder les photos satellites prises de l'espace, ou alors zoomer sur cette carte fournie par la médiathèque de Futura-Sciences ;

http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/images/622/geoeau_011bb.jpgEt jusqu'à une période plus ou moins récente, il était quasi inconcevable de trouver une quelconque zone de la terre en proie a une véritable pénurie d'eau.Les Anglo-Saxons préfère parler le cas échéant, d'incapacité de management de la ressource.Ainsi pour Hubert Saveniije : Thirst is not a problem of water scarcity ; it is a problem of water management.There is enough water,virtually everywhere in the world, to provide people with their basic needs : drinking, cooking, and personnal hygiène.

Depuis ma tendre enfance, telle est l'impression que j'avais par rapport a cette fascinante ressource qu'est l'eau, et ceci d'autant plus que dans mon entourage immédiat, on avait juste à tourner le robinet pour obtenir ce liquide vital.Je me délectais, tout en en ignorant la valeur ; la facilité avec laquelle je l'acquerrais, ne me permettais pas de m'imaginer que, c'était là une ressource précieuse et rare pour certains au point, qu'on la surnomma l'or bleu.

A onze ans pourtant, suivant un documentaire sur la chaîne française : PLANETE, une prise de conscience soudaine me frappa : En effet au Yémen Nord, des femmes devaient dévaler 26 kilomètres par jour, sous le poids d'énormes baquets, pour obtenir ce liquide que j'obtenais d'un tournemain.

Depuis lors je me suis rendu à l'évidence, la réalité que je me faisais de cette ressource était toute autre : La ressource la plus précieuse de cette planète-l'eau- disparaît à une vitesse alarmante. Sans l'ombre d'un doute, la menace d'une pénurie mondiale d'eau plane sur nous, et elle risque de donner naissance à la crise écologique, économique et politique la plus grave du prochain siècle.

La question de l'eau, se trouve au coeur même de la vie ; de Los Angeles a Gaza, de Damas au bassin du Murray Darling en Australie, la marge entre survie et catastrophe est très étroite.

On a vu les mots « Donnez nous de L'Eau » gribouillés en arabe, sur les flancs d'une montagne au Nord de la Mauritanie .Qui n'a pas vu cette image paru dans ce documentaire sur Odyssée, montrant une femme afghane et son fils, avec une pancarte où étaient transcrits : « Mon dieu, apportez nous de l'eau. ».

Nantie de propriétés originales, présente sur Terre depuis sa formation, en mouvement permanent entre ses différents réservoirs, indispensable à l'éclosion de la vie et à son maintien au sein des écosystèmes aquatiques et sur les continents, nécessaire à nombre d'activités et de réalisations humaines, l'eau est une substance essentielle à la survie et au développement de l'humanité.

Et comme disait Kamran Iman (ministre turc d'avant 1990) : « Si vous interrompez l'alimentation en pétrole, ce sont les moteurs qui s'arrêtent ; mais si vous interrompez l'alimentation en Eau, c'est la vie qui s'estompe. ».

Cette prise de conscience est de plus en plus etendue, et ceci se justifie par les études qui font l'état des lieux et des projections quant à la disponibilité de la ressource : Eau.

Les astronautes voient une planète bleue mais, en dépit des apparences, l'eau douce est une ressource finie. 98 % de l'eau sur terre est salée et 2 % seulement est de l'eau douce.

De plus, l'eau des rivières met seize jours pour être entièrement remplacée, celle des marais cinq ans, celle des lacs dix-sept ans et l'eau des aquifères mille quatre cents ans. Chiffres à méditer pour comprendre la gravité de nos actes et pour avoir présente à l'esprit l'échelle des temps.A coté de ces paramètres, un autre tout aussi déterminant, se profile et nous pousse à plus de rigueur dans notre considération par rapport à cette ressource.

En effet, au cours des cinquante dernières années, si la population mondiale a triplé, les surfaces irriguées ont été multipliées par six et la demande en eau multipliée par sept.

Au cours des dix dernières années, la consommation d'eau dans le monde a quadruplé.

En fait, la demande croît à une vitesse double de celle de la croissance démographique et, dans le même temps, la pollution diminue du tiers les réserves à notre disposition. Ainsi, l'Ogallala, l'aquifère fossile sous les Grandes Plaines du Sud, aux États-Unis - qui fournit à lui seul le cinquième de l'eau utilisée pour l'irrigation dans tout le pays - a été non seulement réduit de 50 %, mais de plus, certaines de ses zones sont irrémédiablement polluées par les produits agrochimiques et industriels. Bien que riche de quatre trillions de tonnes d'eau, à la vitesse d'exhaure actuelle, cet aquifère pourrait se vider en 140 ans. Par ailleurs, lors de la guerre du Golfe, l'aquifère fossile de l'Arabie du Centre a été pollué par les solvants utilisés sur les tanks et les avions des armées occidentales. Les pollutions de ces aquifères, immobiles et très âgés, sont bien plus préoccupantes que celle des cours d'eau en mesure de se nettoyer grâce à leur débit. Le cas de la mer d'Aral - véritable brouet toxique du fait de la culture intensive du riz et du coton (pour respecter le sacro-saint Plan soviétique), réduite par l'irrigation au tiers de sa surface - est bien connue. Moins connu peut-être est le cas du lac Owens que 85 ans de détournement pour alimenter la mégapole de Los Angeles ont transformé ses 300 km2 en cuvette désolée et poussiéreuse. Voilà dix-huit ans que la municipalité de la ville esquive ses responsabilités pour prendre les coûteuses mesures de remédiation en faveur des riverains et de l'environnement. Au cours des élections pour le poste de gouverneur de Californie en novembre 1998, la question des besoins en eau de l'État est qualifiée de « sujet explosif » puisque le candidat démocrate plaide non seulement pour l'économie de l'eau plutôt que pour la construction de nouveaux barrages allant jusqu'à admettre le recyclage des effluents sur les fermes, mais, de plus, il se propose, en cas de victoire, d'abaisser les impôts des agriculteurs qui irrigueront au goutte à goutte. De plus, il demande plus de sévérité vis-à-vis des industriels peu respectueux de l'environnement. La question de l'eau mobilise l'opinion aux États-Unis au point que, en dépit de ses problèmes avec la justice et en pleine affaire Monica Lewinsky, le président Clinton a trouvé le temps, le 30 juillet 1998, de se rendre en Caroline du Nord pour lancer le projet environnemental « Save The Rivers » (Sauvons les cours d'eau) et déclarer « American Heritage » (Inscription à l'inventaire des sites nationaux) la New River dans cet État. Le 30 mars 2002, The Los Angeles Times, consacrait un éditorial à la pénurie d'eau qui s'installe à... New York, et après avoir rappelé la situation critique chronique de la Californie du Sud, soulignait que la situation de la mégapole, à cet égard, « vient rappeler que l'eau ordinaire restera une question extraordinaire sur le plan national ».

Si le lac Owen a été dévasté en Californie pour alimenter des millions d'habitants, au Maroc, le joli petit lac de montagne Dayat Aoua, à une trentaine de kilomètres de Fès, jadis un lieu de villégiature avec un charmant hôtel, a vu, en très peu de temps, disparaître ses eaux par la volonté de Hassan II. Le sultan a en effet ordonné le détournement de la source alimentant ce lac pour utiliser l'eau dans son château d'Ifrane... où il ne séjournait que quelques semaines par an.

La demande mondiale pour l'eau ayant été multipliée par six au cours du XX° siècle, les disputes autour des questions transfrontières liées à l'eau ne connaissent pas de relâche, poussant certains experts à prédire que les guerres du XXI° siècle seront livrées autour de l'eau. Ainsi l'eau douce contribue à tendre les relations entre les pays, faisant fréquemment la une des journaux a grand tirage (litige franco-espagnole à propos du lac lanoux ;).

Conscientisés par les organismes de protection de l'environnement sur le fait que, les eaux superficielles et souterraines sont des ressources renouvelables certes, mais ayant une une capacité limitée, à se remettre des impacts préjudiciables sur le plan quantitatif et qualitatif, des activités humaines ; les hommes en général et leurs états en particuliers ont commencé à être plus regardants, quant à la gestion des cours d'eaux qu'ils ont en partage avec d'autres états.(Surveillance des quantités utilisées par chacun , surveillance des politiques internes de l'eau).

Mieux, on assiste à l'intérieur même des frontières d'un état, un durcissement de la législation quant aux questions afférentes à l'eau. Le cas de l'Australie est significatif à cet égard, puisque on a vu se mettre sur pied des brigades anti-vol d'eau, fonctionnant 24h/24, et tout contrevenant est passible d'une amende de 20000$ us pour moins de 20litres d'eaux volées ; aux Etats-Unis, on a vu le gouvernement fédéral arbitrait des conflits de vol de nuages (affaire Dakota du nord vs Montana ; affaire Idaho vs Wyoming ;) ;c'est dire que peu de sources d'eaux sont suffisamment insignifiantes pour ne pas représenter une source de conflit. Là où il y'a un cours d'eaux, il y'a des frictions, faut il dés lors s'étonner du fait, que le mot « Rival » vienne du latin « RIVALIS » qui désigne les habitants des rives opposées d'un même cours d'eaux.

Les 214 plus grands bassins fluviaux de la planète, où vivent environ 40% de la population mondiale, sont tous utilisés par plusieurs pays.L'eau, n'obéissant pas à la logique des frontières, il est clair que c'est une ressource qui va être, un catalyseur de conflits entre ces états.

Hassan II roi du Maroc, avait dés lors raison de dire que «  A l'instar du pétrole, l'eau deviendra commerciale à l'échelle mondiale »

Certains spécialistes la considèrent, comme une source de conflits futurs, mais ces conflits ne semblent pas appartenir qu'à l'avenir. Ils sont déjà présents dans le monde et touchent l'ensemble des continents ; Yitzhak Rabin par exemple, affirmait à propos du Golan, qu'Israël avaient besoin des garanties les plus solides « car pour les israéliens, l'eau est beaucoup plus importante que la paix » c'est dire l'importance qu'à prise cette ressource dans les décisions capitales des dirigeants de ce monde.

Le contrôle des eaux fluviales devient rapidement un enjeu stratégique et un objet majeur du droit international. Les digues qui fragilisent les terres voisines deviennent des enjeux militaires à défendre ou à conquérir, elles sont aussi des armes ultimes par sabotage. Il en va de même des ports fluviaux qui deviennent des objectifs militaires. L'eau peut devenir un instrument de pression ou de domination d'un état ou d'un peuple sur un autre. Tout peut arriver, y compris le pire, car les besoins en eau sont de plus en plus élevés, tant pour la consommation humaine que pour les activités économiques (irrigation agricole par exemple).L'existence de réserves en eau prend une nouvelle dimension. De cette répartition de l'usage des eaux, dépendent des équilibres stratégiques. Le fleuve, source de vie, est aussi source de conflits et donc de morts. Les eaux calmes cachent parfois des ambitions guerrières ou territoriales de l'un ou de l'autre des riverains. En effet on l'a tantôt soulevé, contrôler l'eau, est désormais une source de pouvoir, car elle permet à l'état détenteur de cette manne, de pouvoir l'utiliser contre ses voisins par rapport à la conjoncture politique du moment, surtout quand il s'agit du contrôle d'un cours d'eau transfrontalier. L'eau, peut être utilisée comme une arme commerciale, un moyen de pression ou comme arme économique.L'eau est devenue à l'image du pétrole un vrai outil de pression sur les états qui en sont déficitaires, d'où le  fondamental problème de la conciliation des exigences des états, suivant qu'ils soient en amont ou en aval.

La rareté de l'eau a des incidences sur tous les habitants de la planète -- elle menace notre bien-être, met en péril notre gagne pain et, parfois même, met notre vie en danger. Dans les pays les plus prospères, elle freine la croissance économique et diminue la qualité de vie. Déjà, dans les pays en développement -- particulièrement parmi les populations pauvres -- le manque d'eau potable en quantité suffisante a des conséquences dramatiques. Elle engendre des maladies, ralentit le développement, exacerbe les inégalités de revenus, limite les possibilités, et compromet la survie de sociétés tout entières.

Partout dans le monde, la pénurie d'eau -- et les démarches peu judicieuses entreprises pour la contrer -- sont désastreuses pour le milieu naturel.

Certes, les pénuries d'eau ne sont pas nouvelles dans l'histoire de l'humanité. La Bible, le Coran et d'autres textes sacrés font abondamment mention de l'eau. Mais les pénuries actuelles et futures importent plus que jamais, et pour un plus grand nombre d'entre nous. La croissance démographique, l'industrialisation et l'urbanisation épuisent et polluent irréversiblement les lacs, les rivières et les aquifères. Les nouvelles technologies nous donnent le pouvoir de capter l'eau plus rapidement qu'elle ne peut réalimenter les nappes souterraines. Il en résulte à l'échelle planétaire des dommages environnementaux catastrophiques, inimaginables jusqu'à présent. L'intégration étant indissociable de la mondialisation, nous participons tous aux difficultés des autres, si éloignées soient-ils.

Le coeur de la question, c'est que rien ne remplace l'eau. La biosphère tout entière survit autant grâce à l'eau que par un réapprovisionnement constant d'oxygène. Contrairement à d'autres ressources déjà rares ou qui s'amenuisent, l'eau ne peut être remplacée par une invention ou la découverte d'un autre produit. Nous avons besoin d'eau; et elle n'a pas de substitut.

Des réalités comme celle-ci portent en elles leurs propres conséquences, et la rareté de l'eau, comme celle de toute ressource, soulève des questions incontournables : que va devenir cette fragile ressource ? Quelles sont les modalités de sa préservation ? Quels sont les risques de pénurie encourus par notre planète ? Le manque d'eau est-il susceptible de générer de nouveaux conflits entre états ?

Ce sont là des questions parmi d'autres. Considérées conjointement toutefois, elles façonnent l'économie politique de la pénurie d'eau. Elles mettent à l'épreuve notre capacité collective -- comme communautés, comme pays et comme participants au système international -- de concilier les intérêts divergents et les prétentions de groupes rivaux.

Il est désormais intègre par tous, que l Eau a pris une dimension nouvelle dans les décisions des états, il devient des lors impérieux de jauger son poids dans les relations interétatiques. De l'avis de beaucoup d'experts, l'eau est devenue un catalyseur important au point que, certains d'entres eux parlent d'ores et déjà d'hydro stratégie ou alors d'hydro politique.

En effet la question fondamentale, a laquelle notre étude devra apporter une réponse, est celle, qui pose la problématique de l'impact de la gestion de l'eau dans les rapports entre Etats ?

Il est clair que la question de l'eau exacerbe les relations interétatiques, car à l'image de l'or et du pétrole dans le passé, l'eau a acquis une dimension stratégique nouvelle.

Cette dimension nouvelle acquise se justifie, par le fait que le scénario tendanciel retenu par la majorité des experts en relations internationales stratégiques, est celui qui prophétise l'imminence de conflits, car Il est de notoriété publique que l'eau, source vitale est, depuis des siècles, une cause principale de tension ou de conflit - à l'intérieur ou entre les pays. La demande mondiale pour l'eau ayant été multipliée par six au cours du XX° siècle, les disputes autour des questions transfrontières liées à l'eau ne connaissent pas de relâche, poussant certains experts à prédire que les guerres du XXI° siècle seront d'eau, ou ne seront pas

Hélas, ces conflits ne semblent pas appartenir qu'à l'avenir, ils sont déjà présents dans le monde et touchent quasiment l'ensemble des continents.Les questions les plus récurrentes, et qui a notre avis semblent pertinentes a plus d'un égard, sont celles qui sont relatives a la question, du comment naissent ces conflits autour de l'eau, ce qui revient a dresser une certaine typologie de ces conflits et a en déterminer la localisation ? L'eau, ressource rare et déclinante est aussi irremplaçable, faisant d'elle un enjeu géopolitique majeur sur la scène des relations internationales. A ce titre, les ensembles fluviaux en général, révèlent une importance essentielle de par leurs potentiels.En effet, ils inscrivent le plus souvent les états qui les ont en partage, dans des dynamiques conflictuelles, qui peuvent certes variées quant a l'intensité, mais qui tout de même ont l'eau comme fondement. Avant toute repertoriaton des types de conflits, il nous faudra disséquer ce qui de manière fondamentale, inscrit les états dans des dynamiques conflictuelles, quant à la gestion des eaux, qu'ils ont en partage avec d'autres états ?

Avec plus de 260 bassins d'eau dans le monde transcendant les frontières nationales, il n'est pas surprenant que la situation soit largement perçue comme étant matière à hostilité. D'un côté, comme le font valoir les experts de l'ONU, étant donné l'importance de l'eau pour pratiquement chaque aspect de la vie - santé, environnement, économie, bien-être, politique et culture - chaque pays individuellement à bien du mal a voir un autre état, sinon la déposséder du moins amenuiser la quantité d'eaux qui lui revient de droit, ce qui généralement pose l'éternelle divergence d'intérêts entre pays en amont et états en aval. Paradoxalement le Droit International en la matière demeure fort ardu, et ceci n'est pas pour faciliter les rapports entre ces états, ce qui d'une certaine manière justifie la forte propension des états à s'engager dans une dynamique conflictuelle quant au contrôle de leur alimentation en eau.

Toutefois aussi alarmistes et pessimistes, que puissent être les prévisions des experts en la matière, la communauté internationale a vite compris que la ressource en Eau était trop vitale et très importante pour être gâchée dans des conflits. Alors que l'eau douce contribue à tendre les relations entre les pays, faisant fréquemment la une des medias, le revers de la médaille - l'eau en tant qu'agent de coopération - obtient rarement une attention suffisante. Néanmoins, la recherche a montré bien plus souvent, dans l'histoire, que l'eau jouait un rôle de catalyseur en vue d'une coopération, plutôt que de moteur de conflits. Il existe des exemples d'accords praticables qui ont été signés par des Etats qui étaient même en conflit sur d'autres questions, notamment l'Inde et le Pakistan ou Israël et la Jordanie.

Comme le font valoir les experts de l'ONU, étant donné l'importance de l'eau pour pratiquement chaque aspect de la vie - santé, environnement, économie, bien-être, politique et culturel - chaque pays individuellement à bien du mal à résoudre nombre de problèmes afférents à l'eau de manière unilatérale. Cela offre l'occasion de transformer une situation de conflit potentiel en une ouverture en vue de trouver des solutions mutuellement avantageuses.

Conscients de la complexité du problème de la gestion de l'eau, les états ont tant bien que mal voulu inscrire leurs rapports dans une dynamique cooperationnelle.

Neamoins on n'est pas sans savoir que, choisir la dynamique cooperationelle, requiert aussi un certain nombre de conditions indéniables, car il s'agit en dernière analyse, pour les états de diluer de manière conséquente, leurs aspirations au respect de principes aussi fondamentaux en droit international que, ceux de La Souveraineté Territoriale Absolue et de L'Intégrité Territoriale Absolue.Comment concilier les intérêts parfois contradictoires, entre les états en amont et ceux en aval ? En deca même de la sphère supranationale, il se pose au niveau interne, le problème de la hiérarchisation entre les différents usages de la ressource ? Pour répondre à ces interrogations, il s'agira pour nous de voir sur le plan juridique, quel est l'effort d'encadrement entrepris, par la communauté Internationale, quant à la question de l'eau.Quelles sont concrètement les dispositions prises au plan politique et/ou socio-économique, pour une plus efficiente prise en charge de la gestion de l'eau ? Sachant que les pollutions sont à la base du phénomène de la rareté et partant du stress hydrique qui accroît la vulnérabilité hydrique des états, qui influe d'une manière certaine sur leurs décisions, il nous faut dés lors nous pencher, sur la question de la dimension environnementale, dans les instruments juridiques, et les procédés politiques de gestion de l'eau.Il s'agira entre autre pour nous de dresser un tableau plus ou moins exhaustif des divers instruments juridiques a même de juguler les conflits, avec des causes liées a l'eau.

Il incombe donc aux états d'instaurer des textes juridiques, qui soient a même de prévenir ces conflits ,et si jamais ces conflits venaient a exploser de pouvoir, mettre a la disposition des états parties aux différends, tout un panel de procèdes pour la résolution des conflits en question.

Au-delà des procèdes juridiques de règlements des conflits, il s'est érige d'autres procèdes qui sont plutôt politiques et socio-économiques. Il s'agira pour nous de dresser un certain répertoire des moyens politiques de résorption des différends qui peuvent surgir sur la scène internationale et qui ont pour soubassement principal l'eau.

Apres ce succinct survol, des enjeux que peut comporter la question de l'Eau sur les rapports interétatiques; nous pensons que, pour une plus efficiente prise en charge de notre problématique, il serait judicieux d'élaguer un plan général de travail qui nous permettra, sinon d'épuiser la question de l'impact de l'eau sur les rapports interétatiques, du moins d'en saisir l'acuité et la prégnance dans une plus ou moins large proportion.

Cela saute aux yeux cette étude est loin d'être exhaustive, elle comporte de grandes et graves lacunes dont je suis plus ou moins conscient.

Tout d'abord, sur le plan synthétique et analytique, n'étant que ce que je suis, c'est-à-dire ni ingénieur hydro lycien, ni géographe, encore moins expert en relations Internationales, mais simple apprenti juriste qui, débute dans la sphère de la recherche universitaire. Je ne prétends pas avoir saisi, l'entière complexité des enjeux de la question, la n'est même pas la question d'ailleurs : il s'agit pour moi d'ouvrir un débat et, peut être, de l'orienter un peu dans un domaine qui, me parait insuffisamment investi par les chercheurs et experts en sciences sociales ; et pourtant dieu sait combien importante, est la question de l'eau pour l'homme et les sociétés humaines. `Sans eau, je suis moins qu'une mouche, un amas de pierres" chantait l'illustre poète Louis Aragon, c'est pour dire que sans eau, il n'y a point de vie.

Malgré les imperfections et les lacunes tantôt relates, nous estimons tout de même avoir fait un travail de recherche assez pointu, une ressource assez forte pour pouvoir soutenir un débat sur la question de l'Impact de la question de l'Eau dans les rapports entre Etats.

Pour des besoins de lisibilité et, surtout pour des impératifs de visibilités des objectifs à atteindre dans notre étude, nous pensons faire arborer à notre travail, la charpente suivante :

INTRODUCTION GENERALE

CHAPITRE PREMIER : L'EAU AU CENTRE DES CONFLITS INTER-ETATIQUES

v LE POTENTIEL CONFLICTUEL DES RESSOURCES HYDRIQUES

SECTION PREMIERE: DES CONFLITS MULTIFORMES : TYPOLOGIE des CONFLITS

PARAGRAPHE PREMIER : LES CONFLITS D'USAGE ET DE POLLUTION

A. Le Conflit d'usage : définition et caractéristiques

B. Le Conflit de Pollution: Traits Distinctifs

PARAGRAPHE SECOND : LES CONFLITS DE DISTRIBUTION RELATIVE OU ABSOLUE

A. Qu'est ce qu'un conflit de distribution relative ?

B. Quand peut on Parler de conflit de distribution Absolue ?

SECTION DEUXIEME : ETUDES DE CAS POUR CHAQUE TYPE DE CONFLIT 

PARAGRAPHE PREMIER : CAS PRATIQUES DE CONFLITS D'USAGE ET DE CONFLITS DE POLLUTION

A. Le SENEGAL, un Long Fleuve Pas Tranquille

B. Litiges a Propos de La Qualité des Eaux du RHIN

PARAGRAPHE SECOND : CAS PRATIQUES DE CONFLITS DE DISTRIBUTION RELATIVE OU ABSOLUE

A. Le TIGRE, L'EUPHRATE et Le NIL ; Fleuves de Toutes Les Discordes

B. Le JOURDAIN, Point d'Achoppement Du Contentieux ISRAÉLO-ARABE

CHAPITRE SECOND : VERS UNE DYNAMIQUE COOPERATIONNELLE

v RECAPITULATIF DU REPERTOIRE DES SOLUTIONS ENVISAGEABLES

SECTION UNE : Quelles instruments pour la régulation des conflits

PARAGRAPHE PREMIER : LES PROCEDES JURIDIQUES DE REGULATION DE LA GESTION DE L'EAU

A. Le Corpus Juridique International et la Gestion des Conflits Lies à L'Eau.

B. Quels Textes Pour une Plus Efficiente Prise en Charge De La Question Des Conflits Hydriques

PARAGRAPHE SECOND : LES APPROCHES POLITICO-ECONOMIQUE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE L'EAU

A. La Gestion Intégrée Des Ressources En Eau : La GIRE 

B. Vers La Consécration D'un Marche Public De La Ressource Eau

C. La Gestion Locale de L'Eau, Alternative a une Gestion Conflictuelle

CONCLUSION GENERALE

o Les Guerres de l'Eau n'auront peut être pas lieu

o Perspectives Environnementalistes, dans les politiques de gestion de l'eau

o L'Environnement, Enjeu du Millénaire

CHAPITRE PREMIER : L'EAU AU CENTRE DES CONFLITS INTER-ETATIQUES

L'eau peut être une question de vie ou de mort. Y avoir accès en qualité et en quantité satisfaisante constitue donc un droit humain fondamental à ne pas marchander. Comme le rappelle M. Chemillier-Gendreau, "la protection de l'humanité et de ses conditions de survie est un absolu sur lequel aucune transaction n'est admissible" [1]

Toutefois, l'eau est aussi, depuis toujours, au coeur d'enjeux majeurs ayant pour noeud la détermination de son statut : À qui appartient l'eau ? Quelle est la quantité que chaque état est autorise à prélever dans ces eaux partagées? De quelle marge de manoeuvre disposent les états du bassin quant a l'érection d'ouvrages hydrauliques sur les eaux du fleuve ?

Voila autant de questions qui d'une manière ou d'une autre, mettent en exergue toute la dimension conflictuelle de la question de l'Eau dans les rapports Interétatiques.

Il s'agira des lors pour nous, de saisir le potentiel conflictuel de l'eau d'abord, avant de dresser une typologie sommaire des différents conflits, qui peuvent naître autour de la question de l'eau. En effet il nous faudra répondre, à la question de savoir quelles caractéristiques l'Eau détient-elle, pour amener les états à adopter des positions belliqueuses quant a la question de l'eau.

Au préalable (pour des nécessites de visibilité et surtout de rigueur scientifique), il nous faudra procéder a la définition du vocable même « Conflit » qui nous semble centrale dans la question ; nous le distinguerons de certaines notions plus ou moins voisines 

Qu'est ce qu'un conflit dans les faits .Il nous faut tout de même définir ce concept.

Bien souvent on emploie confusément les termes « Guerres », « Conflits », « Différend ».Certains vont jusqu'à les employer de manière interchangeable.Afin d'aboutir a une certaine clarté conceptuelle, nous nous attèlerons a répertorier tout un panel de définitions a même de nous permettre d'appréhender, avec plus ou moins d'exactitude la notion de conflit.La définition empruntée au Heidelberg Institute for International Conflict Ressearch est : « Clashing of interest (positional différences) on national values of some duration and magnitude between at least two parties ( organized groups, states, groups of states, organisations) that are determined to pursue their interest and their case » Un conflit peut être latent, prendre des formes de tensions diplomatiques, de crises Internationales, de crises régionales ou locales.

Il peut aussi prendre la forme d'une confrontation armée générale ou ponctuelle.Trois chaînes causales sont à l'origine des conflits ; ces trois causes ne sont pas nécessairement dissociables.Quelque soit l'époque et le lieu ,les ressources ont toujours été l'objet de convoitises et donc catalysatrices de conflits ; le conflit peut aussi être générer par la volonté des états d'acquérir une précellence géostratégique ; ou enfin le conflit peut émaner d'antagonismes idéologiques.Toujours est il qu'un conflit est une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts politico-économiques entre deux états. Selon le dictionnaire de droit International de Jules Basdevant le conflit international serait: « opposition graves de vues et d'intérêts entre états, donnant lieu ou risquant de donner lieu a l'emploi par ces états de mesures de forces en vue de faire prévaloir leurs prétentions  respectives» Voila autant de définition qui nous permettent de parler avec plus ou moins de certitudes de l'objet de ce présent chapitre et de disséquer justement sa relation avec l'eau. Qu'est ce qui fait que l'eau justement est si cristallisatrice de tensions ? La réponse à une telle interrogation se retrouve en ce que nous avons appelé :

Le potentiel conflictuel de la ressource Eau :

La rationalité derrière le potentiel conflictuel de l'Eau, repose sur l'importance capitale de cette ressource sans substitut pour les sociétés humaines, et sur sa demande en forte croissance a l'échelle planétaire.alors que la disponibilité par habitant est en baisse constante, (le stock d'eau douce mondiale est au même niveau aujourd'hui, qu'a la préhistoire).Des caractéristiques particulières des ressources hydriques viennent préciser le potentiel conflictuel de l'Eau.Quelles sont ces caractéristiques qui en dernière analyse sont les causes profondes des conflits autour de la question de l'Eau ?

Trois facteurs jouent généralement de manière décisive, dans l'exacerbation des relations interétatiques, quant a la question de l'eau :

o Une Mauvaise Répartition de La Ressource :

La Ressource est très inégalement repartie a la surface de la terre, ce qui fait que bien que la planète renferme assez d'eaux douces, pour subvenir aux besoins de tous les hommes, certains états sont déjà aux prises avec des pénuries, alors que d'autres font figures de châteaux d'eaux.

A cela s'ajoute de grandes différences, dans la fiabilité de l'approvisionnement : des pluviométries changeantes (entre les saisons, les années, ou les décennies), l'aridité de certains climats (causant des pertes par évapotranspiration et asséchant les sols agricoles), et la faible accessibilité de certaines ressources (parce que éloignées des centres de population, ou alors difficile d'accès) font qu'un mètre cube d'eau annuel dans un état, peut soutenir d'avantage d'activités économiques, que le même volume d'eau ailleurs dans le monde.

o La Mobilité de La Ressource :

L'Eau douce est une ressource en partie fugitive,c'est-à-dire qu'une fraction  importante des ressources mondiales , se déplace naturellement du territoire d'un état a un autre, a l'intérieur d'ensembles hydrographiques auxquels on refere sous l'appellation `Bassins Versants Hydrographiques'. Dans un bassin, les états peuvent être positionnes en amont et en aval, les uns par rapport aux autres. Parce que l'eau circule sur leurs territoires en premier, les prélèvements effectues par les états d'amont, diminuent la quqntite d'eaux disponibles pour les états d'aval.En Fait un état en amont peut théoriquement coupes complètement l'accès a la ressource commune aux états en aval (a dessein ou conséquemment par surpompage). Donc à mesure que leur demande intérieure grimpe, les états d'amont risquent de réduire la disponibilité hydrique des états d'aval, eux aussi potentiellement aux prises, avec la même montée du besoin s en eaux exprimées par leurs populations.

Puisque l'usage que fait un état de l'eau s'écoulant sur son territoire peut affecter celui d' autres états, il y'a clairement dans la mobilité de la ressource eau un risque de conflit supplémentaire par rapport a des ressources naturelles statiques comme les minerais et les forets.

o La Symbolique de La Ressource :

Dans plusieurs cultures le poids de la représentation qui y sont attaches font du partage de l'eau, une question politiquement très sensible.De plus l'importance culturelle peut être multipliée lorsque associée a la survie même d'un peuple ou d'une nation, par exemple lorsque l'altération de l'accessibilité a la ressource, peut être synonyme d'une mise en danger directe de la sécurité alimentaire.C'est dire, qu'il n'y a pas que les caractéristiques moléculaires et objectives de l'eau comme ressource, qui jouent un rôle prépondérant dans le potentiel conflictuel de la ressource. Il nous faut dépasser cette vision étroite de la question, pour prendre en compte la dimension sociologique et son poids dans le potentiel conflictuel de l'eau.En effet l'eau est souvent l'objet d'une représentation, qui la lie intrinsèquement au territoire,ce qui fait que ses représentations varient, selon les aires et sont parfois même opposées, et peuvent ainsi stimuler des conflits, menaçant potentiellement la sécurité environnementale.Dit autrement l'acceptabilité ou non de certains usages de l'eau ,diffère d'une culture a l'autre, heterogeneite de vues qui en définitive, peut faire germer des conflits sur les modes de gestion de la ressource partagée.

Avec la fin de la guerre froide, la notion de sécurité nationale des états, qui est selon la théorie réaliste, la référence ultime des gouvernements dans le choix de leurs politiques, a été l'objet de nombreuses reconceptualisations, principalement dans le but d'en élargir le sens, jusqu'alors exhaustivement politico-militaire.Cette redéfinition a donne naissance a la théorie de la sécurité environnementale, comme composante de la sécurité nationale.Dans ce cadre analytique s'est developpee, une théorie posant la relation entre la dégradation de l'Environnement, et la fragilisation de la sécurité des états, ce qui dans une certaine mesure justifie le postulat de la centralité de la ressource Eau dans les conflits Inter-etatiques.

Toutefois il ne nous faut pas perdre de vue que quelque importante, que puisse être la place de l'eau dans les conflits, son impact sur ces différends varie d'un conflit à l'autre ce qui pose la nécessite de dresser une certaine typologie de ces conflits.

SECTION PREMIERE: DES CONFLITS MULTIFORMES : TYPOLOGIE des CONFLITS Liées a la question de l'eau

Devoir dresser une typologie des conflits relatifs a la question de l'eau requiert de notre part des choix qui seront plus ou moins arbitraires, mais qui permettent tout de même d'étudier dans le détail sinon la quasi totalité des différends a même de surgir, du moins d'en saisir l'essentiel et de restituer la réalité des conflits interétatiques qui naissent autour de la question de l'eau.En effet il s'offre au chercheur tout un panel de critères qu'on peut valablement utiliser pour faire une typologie de ces conflits.Ainsi on pourrait bien consacrer une classification selon les usages et on s'inscrirait alors dans une perspective Sectorielle ; il nous serait tout aussi loisible de faire une typologie selon le critère Spatiale ,on aura alors deux sous catégories : les oppositions entre états de la rive gauche et ceux de la rive droite ; ou alors les frictions entre pays en amont et états en aval .

Pour notre part on a juge plus pertinent de dresser une typologie, selon le critère de la Cause du conflit.Cette pertinence se justifie pour deux raisons : d'abord il nous parait être au carrefour des deux premières classifications qui se recoupent en elle ; et secundo elle permet d'inscrire la quasi totalité des conflits lies a l'eau dans une grille de typologisation.

Ainsi au regard de cette classification nous avons deux types de conflits :

§ Les Conflits d'Utilisations

§ Les Conflits de Distributions

PARAGRAPHE PREMIER : LES CONFLITS D'UTILISATIONS

Par conflits d'utilisations, il faut comprendre les tensions qui peuvent naître quant à l'utilisation des eaux, qui généralement sont partagées par plusieurs entités étatiques.Dans cette catégorie, il faut retenir les conflits d'usages et les conflits de pollutions. Nous allons en ce qui suit, en faire le Distinguo.

A. Le Conflit d'Usages de L'Eau

Le conflit d'usage peut être cause par l'érection d'un barrage ou encore le détournement d'un fleuve a des fins d'irrigation au profit exclusif d'un seul des états du bassin.A l'échelle du bassin, on ne manque pas d'eau, mais les usages que veulent en faire les états riverains sont différentes et parfois contradictoires.Cette contradiction peut surgir même en deca du niveau interétatique, c'est-à-dire au niveau interne, ou une hiérarchisation des usages de l'eau n'est pas fixée de manière rigoureuse.Et on est pas sans savoir que les divers usages s'impactent mutuellement, vu que il s'agit de la même source utilisee.Ainsi par exemple pour ce qui est du niveau interne dans certains villages du Fouta ,ou l'agriculture et l'élevage sont les principales activités économiques ,on assiste a de violentes altercations entre pasteurs et agriculteurs quant a la question de l'Eau.Sur la scène Internationale,tout le monde se rappelle de ce qui est advenu entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie a propos de la construction de la centrale de Gabcikovo/Nagymaros sur le Danube,qui impliquait un détournement du cours du fleuve.La Hongrie inquiète des possibles retombées du projet abrogea le traite de 1977 qui réglementait la gestion commune de ce projet avec la Tchécoslovaquie, mais celle-ci puis la Slovaquie( succession d'Etat) après ce qu'on appela le divorce de velours de 1993,poursuivirent les travaux, ce qui déclencha de vives protestations de la part de Budapest qui en appela a la Cour Internationale de Justice et consulta la CSCE.Les relations entre Budapest et Bratislava se deteriorerent rapidement et des rumeurs d'interventions militaires vinrent aggraver les tensions entre les deux pays.Pareille escalade surgit entre le Senegal et la Mauritanie a propos des eaux du Senegal, que le pays du même nom voulait utiliser a des fins de revitalisation de ses vallées fossiles, ce qui eu le don d'exacerber la partie mauritanienne qui s'est sentie menacée.Nous verrons dans les détails ce qui advint dans ce conflit dans les pages a venir.

B-- Le Conflit de Pollution:

Par conflit de pollution il faut comprendre, les différends qui peuvent naître à propos de l'utilisation des eaux communes, avec la spécificité que cette utilisation est mauvaise sur le plan environnemental. Le conflit de pollution est en fait causé par les externalités négatives, qui ne sont pas supportées par l'État pollueur parce que le courant apporte avec lui les déchets d'un pays vers un autre. Ce qui forcément fait du tort au pays qui supporte cette pollution, et peut potentiellement mener au conflit si l'état pollueur n'offre pas une contrepartie, pour permettre à l'état lésé de supporter les coups de la dépollution. Ceci est particulièrement bien illustré dans le cas du Rhin, où la Hollande, qui est l'état le plus en aval, supporte les pollutions des eaux de ce fleuve qu'il utilise à des usages humains. Les risques de conflits à propos de la pollution des eaux communes, est devenu assez important, et ne se limite pas seulement au cas du Rhin. En effet aussi bien le Danube que la Mer d'Aral, mais également le lac Kootenay ont fait l'objet de graves pollutions qui ont été à l'origine de frictions entre les états qui les ont en partage. Nous verrons ces divers cas de manière assez succincte, pour saisir toute la pertinence de la nécessité d'une gestion plus raisonnable des eaux communes.

PARAGRAPHE SECOND : LES CONFLITS DE DISTRIBUTIONS

Dans cette catégorie, nous distinguons deux variétés de conflits de distributions : l'une dite de distribution relative, et l'autre dite de distribution absolue.

A--Le Conflit de Distribution Relative

On parle de conflit de distribution relative, lorsque à l'échelle du bassin, on est soumis à un manque relatif de la ressource en eau. Il survient lorsque par exemple un des états du bassin détourne trop d'eau vers ses terres et pour son seul usage, généralement il s'agit d'un état en amont. Il est clair qu'avec une gestion équitable et donc commune de la ressource, ce problème ne se poserait en ces termes. Mais l'abus de l'état en position de force crée un manque pour les autres états du bassin, ce qui pousse les états ainsi lésés, à réagir et la dynamique conflictuelle est toute indiquée pour essayer de rétablir à leur avantage le rapport de force à l'échelle bassinale.A titre d'exemple on peut relever les bassins du Tigre et de l'Euphrate, mais aussi le bassin du Nil. En effet ces cours d'eaux sont caractérisés, par l'importance de leurs cours en amont du bassin, mais cours qui drastiquement réduit à son arrivée dans les pays d'aval, puisque les états d'amont auront fait une utilisation intensive des eaux en question sans prise en compte aucune des intérêts des pays d'aval, qui pourront difficilement satisfaire leurs besoins en eaux de plus en plus importants. Cette situation se manifeste surtout dans des situations où les états d'amont, mettent sur pied d'ambitieux ouvrages hydroélectriques, notamment des barrages. Nous verrons des cas pratiques pour étayer nos postulats théoriques.

B--Les Conflits De Distribution Absolue 

Il s'agit là sans doute de la plus complexe des quatre prototypes de conflit.hydrique.En effet il s'agit de celui dont la résolution est la plus problématique. Ici il est au départ clair pour tous les protagonistes que la ressource disponible, n'est pas à mesure de satisfaire de manière efficace les besoins légitimes et raisonnables des divers états du bassin.Ces conflits sont des plus sévères et prennent des proportions insoupçonnées, car de la maîtrise de la manne céleste dépend la survie des états, ce qui emmène ces derniers à adopter des comportements très extrêmes en ce qui concerne la disposition ou le contrôle de la ressource. Ces conflits deviennent d'autant plus compliqués, que les économies au niveau du bassin se trouvent à des stades de développement fort différenciés.

Le cas qui renvoie le plus à cette définition est sans nul doute, celui du bassin du Jourdain.

En effet les rapports au sein de ce bassin, sont des plus problématiques. Déjà que les rapports entre Israël et ses voisins sont des plus conflictuels, l'eau du Jourdain et son partage vient constituer une autre pomme de discorde entre les éternels frères ennemis. Nous verrons dans les détails la dimension de l'eau, dans l'histoire des relations Israélo arabes.

SECTION DEUXIEME : ETUDES DE CAS POUR CHAQUE TYPE DE CONFLIT 

PARAGRAPHE PREMIER : CAS PRATIQUES DE CONFLITS D'USAGE ET DE CONFLITS DE POLLUTION

A. Le SENEGAL, un Long Fleuve Pas Tranquille

Bayart en parlant de la vallée du Fleuve Sénégal et des conflits qui y surgissent entre les etats riverains du Sénégal et de la Mauritanie, a utilisé une expression qui rend compte à plus d'un égard, des réalités profondes qui sous tendent les diverses frictions qui surgissent entre ces deux états fréres.En effet il a parlé en y faisant référence de Conflit Tectonique.Tectonique ce conflit l'est à plus d'un titre, car ses causes fondamentales remontent parfois à des réalités coloniales, mais aussi il trouve des fondements dans la récente évolution de la vallée du fleuve, fleuve que Céline Vanvermotten qualifie de « Flots de la Discorde »dans son livre paru, récemment aux éditions Harmattan.Avant d'en venir aux conflits à proprement parlé, il nous parait judicieux de poser le décor géographique du fleuve et ses caractéristiques hydrologiques afin de saisir la pertinence de la valeur de l'eau dans ce conflit qui oppose si souvent les etats du bassin ,en l'occurrence le Sénégal et la Mauritanie.

Le Fleuve Sénégal est formé par la réunion de deux cours d'eau, notamment le Bafing et le Bakoye (en langue Manding, Bafing veut dire fleuve noir et Bakoye, fleuve blanc), dont la confluence près de Bafoulabé au Mali se trouve à environ mille quatre vingt trois (1.083) Km de l'Océan Atlantique. Après avoir traversé la partie occidentale du Mali, il constitue, sur le reste de son parcours, la frontière entre les territoires du Sénégal et de la Mauritanie.

Long de 760 Km, le Bafing prend sa source à une altitude de 800 mètres dans le Fouta-Djalon en Guinée et se dirige vers le nord en traversant les plateaux de la région soudanienne avant d'atteindre Bafoulabé. Il amène plus de la moitié du débit total du fleuve Sénégal avec 430 m3/s de débit moyen annuel. Son parcours se caractérise par la présence de chutes et de rapides.

Long de 560 Km, le Bakoye prend source à proximité de la limite méridionale du plateau mandingue en Guinée, à une altitude de 706 mètres. A sa confluence avec le Bafing, le Bakoye a un débit moyen annuel de 170 m3/s. Cette rivière passe également un assez grand nombre de petites chutes et de rapides.

En aval de Bafoulabé, en rive droite, les principaux affluents du fleuve Sénégal sont la Kolombiné, le Karakoro et le Gorgol.

Sur la rive gauche, la Falémé est l'affluent le plus important. Longue de 650 Km, elle prend sa source dans la partie nord du Fouta-Djalon, à une altitude de 800 mètres. Elle se jette dans le fleuve Sénégal à 30 Km en amont de Bakel. Son débit annuel, à son débouché dans le fleuve Sénégal, est de l'ordre de 200 m3/s.Tout autour de ce plus ou moins long fleuve s'étend le bassin du fleuve Sénégal, qui couvre une superficie totale de 289.000 Km2. Il comprend trois régions principales : le Haut Bassin, la Vallée et le Delta. Ces régions se différencient fortement par leurs conditions topographiques et climatologiques.

Le Haut Bassin, qui va du Fouta-Djallon jusqu'à Bakel, fournit la quasi -totalité des apports en eau car il est relativement humide, les précipitations annuelles étant de 700 à 2.000 mm. Les pluies tombent entre avril et octobre dans la partie montagneuse de l'extrême sud du Bassin et provoquent la crue annuelle du fleuve qui a lieu entre juillet et octobre.

La Vallée, qui s'étend de Bakel à Dagana, est une plaine alluviale encadrée par des régions semi -désertiques. Elle constitue une zone d'inondation dont la largeur varie entre 10 et 20 Km, mais peut atteindre 25 Km Ce pays agricole est fertilisé chaque année par la crue du fleuve qui, sous une pente très faible, présente de nombreux méandres, forme tout un système de défluents et remplit en sortant de son lit mineur, large de 200 à 400 m, de nombreuses cuvettes argileuses appelées Walos. Les fonds du lit principal sont coupés par une quarantaine de seuils rocheux ou sableux gênant la navigation en eaux basses.

Le Delta, partie terminale du fleuve, en aval de Dagana, est apparemment un Delta avec de multiple bras, mais il n'y a qu'une seule embouchure. Cette vaste zone est complètement plate et est envahie par les eaux salées de l'océan pendant la saison sèche. Dans cette partie, le fleuve Sénégal est large de 400 à 500 m et est relativement profond. L'influence de la marée s'y fait sentir de façon assez sensible.Les limites du bassin versant du fleuve Sénégal sont assez mal définies au nord du 15e parallèle. En effet, l'aridité du climat et l'uniformité du relief font disparaître progressivement le système hydrographique.

Quant au régime du fleuve il est fort complexe. Le régime d'écoulement du fleuve Sénégal dépend essentiellement des précipitations dans le Haut-Bassin. Il est caractérisé par :

- une saison de hautes eaux, de juillet à octobre,

- une saison de basses eaux à décroissance régulière, de novembre à mai/juin.

La saison des hautes eaux culmine en fin août ou début septembre et s'achève rapidement dans le courant d'octobre. A la fin de la saison sèche, en mai ou juin, il ne subsiste en général qu'un très faible débit d'étiage dans les grands cours d'eau ou dans les plus favorisés de leurs petits affluents.

A Bakel, qui est souvent considéré comme la limite entre le Haut Bassin et la Vallée, et comme la station de référence du fleuve Sénégal parce que située à l'aval du dernier affluent important qu'est la Falémé, le débit moyen annuel du fleuve est d'environ 676 m3/s, correspondant à un apport de l'ordre de 24 milliards de m3. Les débits moyens mensuels évoluent entre les valeurs extrêmes de 3.320 m3/s en septembre et de 9 m3/s en mai.

Une autre caractéristique importante du régime du fleuve Sénégal est son irrégularité inter- annuelle. Pour la période 1903-1904 à 1995-1996, l'écart entre le débit moyen annuel de l'année la plus humide et celui de l'année la plus sèche peut être dans la proportion de 6 à 1, avec:

- Pour l'année 1923/1924, un débit moyen annuel de 1.265 m3/s et un volume annuel de 39.5 milliards de m3.

- Pour l'année 1987/1988, un débit moyen annuel de 216 m3/s et un volume annuel de 6,8 milliards de m3.

Les modules annuels des principaux cours d'eau s'établissent comme suit :

*Bafing : 18 m3/s à Manantali ;

*Bakoye : 149 m3/s à Oualia ;

*Falémé : 134 m3/s à Gourbassi ;

*Sénégal : 676 m3/s à Bakel.

Cette irrégularité inter-annuelle des crues a, pendant longtemps, constitué un des principaux handicaps dans la Vallée, en ce sens qu'elle réduisait les possibilités d'une production agricole garantie dans cette zone étroite, encadrée par deux déserts. En outre, la superficie des zones cultivables après la crue pouvait varier entre 15.000 ha et 150.000 ha suivant l'importance, la durée et la date de la crue.

Les hautes eaux exceptionnelles provoquaient des dégâts importants comme en 1890, 1906 et 1950. Les années de crues extrêmement faibles sont aussi catastrophiques puisqu'elles ne permettent pas d'obtenir une production agricole suffisante dans la vallée. Tout récemment, la sécheresse des années 1972-73 a été particulièrement désastreuse pour les populations et l'économie des États de l'O.M.V.S.

Pendant la période d'étiage, comprise entre novembre et mai juin et au cours de laquelle aucune précipitation importante n'est enregistrée, les débits du fleuve et de ses affluents diminuent progressivement. La faiblesse du débit d'étiage en période sèche se traduisait par une intrusion profonde des eaux salées de l'océan par le lit du fleuve. Au cours des années 1970, la langue salée a dépassé Dagana, et s'est avancée à plus de 200 Km en amont de Saint-Louis, atteignant presque le marigot de Fanaye.

Le fleuve Sénégal, en Afrique de l'Ouest, arrose quatre pays (Guinée, Mali, Mauritanie, Sénégal) et draine un bassin versant de 340 000 km2, il subsiste dans une région où la ressource est plus ou moins rare ce qui fait de ce fleuve, la principale source de ravitaillement en eau, pour les états de son bassin. Depuis l'accès des colonies du Sénégal et de la Mauritanie, à la souveraineté Internationale, les rapports entre ces deux etats sont emmaillés, de discordances et d'incidents sur fond d'hydro politique.

En effet que ce soit aussi bien pour le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la guinée, ce fleuve est source de vie et par delà cet aspect , elle est pourvoyeuse de pouvoir stratégique d'où le constant effort de ces divers états à s'identifier à ce beau fleuve, et notamment le Sénégal et la Mauritanie, qui ont toujours eus des rapports belliqueux quant à la question du partage des eaux du fleuve Sénégal.En effet chacun des deux nations avait des visées réelles sur les eaux de ce fleuve, mais à la faveur de la colonisation, ce fleuve s'est retrouvé dans un seul et unique ensemble qu'on appelait :l'AOF, incluant les colonies de la Mauritanie et du Sénégal. La mésentente entre les deux pays atteint son paroxysme en 1989, lorsque des incidents de frontiéres conduisent les deux états à rompre toute relation diplomatique, suite aux incidents meurtriers d'avril 1989 ;mais aussi cette mésentente ressurgit également en Juin 2000, lorsque le gouvernement vote la loi sur la revitalisation de ses vallées fossiles, ce qui amena le Président Mauritanien , à inviter les ressortissants sénégalais à quitter dans un délai de quinze jours son territoire et demanda à ses nationaux au sénegal , de rentrer au bercail ;menaçant de rompre tout rapport diplomatique avec le sénegal ; Ces deux événements mettent à nues les divergences qui ont toujours existés, entre ces deux pays et que vinrent exacerbés certains facteurs nouveaux.

Les événements d'avril 1989 furent relatés comme un conflit à forte teneur raciste, ce qui à notre avis est assez loin de la réalité, même si à tort ou à raison, on accuse la République Islamique de Mauritanie d'avoir profiter de ce conflit, pour régler sa question nationale. En effet les tenants de cette thèse, justifient leur position par la difficile cohabitation entre négro mauritaniens et Maures-berberes dans l'aire géographique de la Mauritanie, mais aussi et surtout par le fait que lors des événements de 1989, l'état mauritanien a déporté hors de leurs pays environs 80000 négro mauritaniens, qu'on appelle pudiquement, les réfugiés, ou de manière cru les refoulés. Si la thèse d'un conflit à forte connotation raciste est brandie par certains observateurs en vertu de ces deux justifications, il nous parait tout de même spécieux de vouloir ramener cette opposition à une question strictement raciale.

En effet l'analyse de la longue histoire de ces deux pays montre, que ce conflit a toujours existé même si c'est de manière latente, et qu'il était prévisible qu'un jour ou l'autre on en vienne à la situation de 1989.

Le conflit de 1989 résulte de la corrélation de plusieurs raisons, qui ont été tout aussi déterminantes les unes que les autres .Si les faits tragiques mais relativement banals du 9 avril 1989 opposant éleveurs et agriculteurs de la vallée du fleuve sénegal, ont pris une ampleur , c'est parce qu'en réalité tous les ingrédients du dérapage étaient réunis et couvaient depuis longtemps.Des entités s'étaient créées dés 1988 ( notamment le comité du 18juin) pour prévenir le gouvernement Sénégalais, de la situation de plus en plus conflictuelle qui sévissait au sein de la vallée. Les facteurs ayant joué le rôle de détonateurs dans ce conflit sont d'ordres : historique, politique, conjoncturel et surtout géographique, mais également économique.

o Les crises internes des deux pays : Si l'animosité, dont on fait preuve aussi bien les sénégalais que les mauritaniens, est l'élément saillant de cette crise, ses causes sont à chercher plus loin, car en effet les deux pays traversaient des crises internes très délicates et ceci n'est en fait qu'un exutoire pour toues ces populations meurtries par les difficultés et l'incapacité de leur gouvernants à répondre à leurs attentes.

Ainsi le sénegal était miné par une crise économique profonde, s'expliquant par la stagnation voir le recul de sa production agricole, un recul de ses exportations, une baisse de sa production dans le domaine de la pêche, la chute du cours de l'arachide et du phosphate, un taux de chômage très élevé du fait des faillites des sociétés et des banques nationales, qui se trouvent juxtaposés à une croissance exponentielle de sa dette extérieure, et rendaient ainsi insoutenable l'atmosphère économique du pays Sur le plan sociale sévissait une crise sans commune mesure( compression et suppression d'emplois, grèves cycliques), crise accentuée par les politiques austères d'ajustement structurel imposée par les institutions de Brettons Woods, qui limitait les recrutements et les investissements dans la fonction publique et provoquait dés lors un dramatique accroissement du taux de chomage.Le Sénégal était aussi éclaboussé de plein fouet, par une crise politique , au lendemain des élections très contestées de février 1988, outre cela la crise universitaire qui a conduit à l'année blanche de 1988, voilà autant de problèmes auxquels été confrontés l'état sénégalais et pour qui il fallait coûte que coûte trouver un bouc émissaire pour détourner les revendications d'un peuple qui a faim et qui à soif.

Quant à la Mauritanie sa situation n'était guère plus reluisante.En effet au lendemain de l'Indépendance la Mauritanie s'est attelé à la construction d'une économie forte et compétitive.Au début des années 1960 soutenu par une forte production de fer et de ressources halieutiques, le pays `est dotés d'une économie plus ou moins jusqu'à ce que la crise pétrolière, combinées au manque structurel de cadres dans ce pays pour impulser la diversification d'une économie jusqu'ici rentière,mais également la grande sécheresse de 1968-1973,ont fragilisés l'économie de la mauritanie.Ajouté à cela la création de la monnaie Ouguiya, qui marquait ainsi sa volonté de se départir du néo-colonialisme.

Au même moment le pays ployait sous une dette extérieure faramineuse, ce qui rendait les efforts fournis dans le secteur minier et halieutique, sinon nul du moins quasi insensible sur la balance de paiement qui était largement déficitaire.

Sur le plan politique la Mauritanie se caractérise par une instabilité chronique avec une kyrielle de coups d'état militaire entre 1978 et 1986, Cette instabilité ferma la porte de beaucoup de bailleurs qui exigeait un minimum de démocratie, avant tout rééchelonnement des dettes mauritaniennes.

La crise interne mauritanienne se manifeste également par, le problème de la question nationale sur laquelle bute toute tentative d'édification d'un véritable état et partant de politique économique efficiente.En effet la question der la situation des negro-mauritanioens a toujours posés problème dans ce pays Il n'y a pas cette intégration des populations négro mauritaniennes de la vallée, dans les instances de décisions du pays. C'est comme qui dirait un apartheid vis à vis de ces populations, qui pourtant recèlent de cadres, à même de prendre en main les destinées du pays.Le président Ould Daddah décida d'abord de réduire la présence des négro mauritaniens, dans l'administration et la fonction publique, ce qui donna lieu à la publication du « manifeste des dix neufs » qui tirait la sonnette d'alarme sur la tendance à la berberisation de l'administration et des appareils d'etats au profit des Beydanes.Ce manifeste n'eut aucun écho, auprès des autorités qui poursuivirent leur politique, et posent un acte majeur dans l'évolution de la Mauritanie, à savoir l'arabisation presque complète de l'enseignement, ce qui fut perçu par les n »égro-mauritaniens comme une tentative d'isolation de la part de l'état. Avec les putschs successifs cette tendance à la beydannisation, se poursuivit et même s'accrue en instaurant de manière quasi légale l'inégalité des chances entre Maures blancs et négro mauritaniens ; frustrés ces derniers mettent sur pied des cadres de réflexion et d'action, afin de pallier à la tentative de marginalisation dont elles sont victimes de la part des maures blancs qui se sont accaparés de l'appareil d'état, pour la satisfaction de leurs seuls intérêts. Ce qui donna naissance d'abord à l'UDM (Union Démocratique Mauritanienne) puis à l'ODINAM (Organisation de Défense des Intérêts des Négro-africains en Mauritanie) et enfin le MPAM, le plus extrémiste, simpliste, développant des thèses racistes et introduit au sein de l'armée.Ces trois partis fusionnèrent en 1983 pour créer ce qu'on appelle le FLAM (Front de Libération Africain de la Mauritanie).Maouya à son accession s'attela à une extermination de ce mouvement d'activistes , et les poussa à l'exil , ce qui ne fit qu'exacerbés encore plus les négro-africains, qui se révoltèrent et tentèrent à plusieurs reprises de déstabiliser le gouvernement de Maouya.Ce dernier engagea une vraie chasse aux sorcières en procédant à une série d'arrestation de négro mauritaniens envoyés au bagne d'Inal dans le mouquaata de Oualata au hodh el Gharbi,ou alors sommairement exécutés par les soldats de Taya.Cet état de fait prévalait encore à la veille des événements du 09 avril 1989.

o Les évènements sont également liés à un vieux et persistant différend frontalier entre les deux pays, résultant du flou frontalier hérité de la colonisation Depuis la fin du XVIIIe siècle, le développement du trafic de la gomme à destination de Saint Louis et la traite atlantique des esclaves, a provoqué l'émergence et le renforcement des émirats maures du Trarza et du Brakna, qui ont prospérés le long du fleuve et occupés une grande partie de ses berges sur la rive droite du Sénégal et du Walo. A aucun moment ces entités ne se dotèrent de limites précises entre elles ; les lignes de partage pouvant variées, au gré des conquêtes qui ne connaissaient pas de répit dans cette région.Aucun traité, encore moins un accord ne donnait une délimitation précise l'actuelle Mauritanie et le Sénégal d'aujourd'hui.

L'administration mettra tout de même fin à ce vide juridique.En effet les nécessités d'une délimitation sont apparues, dés les premiers années du XXe siècle.Coppolani, alors secrétaire général de l'AOF, avait la ferme volonté de conquérir les terres au nord du fleuve, afin d'en faire une nouvelle colonie.Ainsi une commission spéciale fut créée pour examiner les situations frontalières en Algérie et en AOF ; sur la base de ce rapport un décret donna une délimitation sommaire entre ces deux colonies, c'était en 1903.Du fait de l'imprécision mais aussi de la non-conformité du décret en question avec la réalité, il fut procéder en 1905 à la promulgation d'un autre décret, plus précisément le 25 mars 1905 :

DECRET

Le Président De La République Française

Sur la proposition du Ministre des Colonies ;

Vu le décret du 18octobre 1904, portant réorganisation du

Gouvernement général de l'Afrique occidentale française ;

Vu le décret du même jour, réorganisant le conseil de Gouverne-

nement de l'Afrique occidentale française ;

Vu le décret du 13février 1904 portant modification des traités entre le

Sénégal et la Sénégambie-Niger :

Décrète :

Article premier. --Les limites entre la colonie du Sénégal et le territoire ci-

vil de la Mauritanie sont déterminées, au sud de ce territoire, par la banlieue

de Saint Louis, telle qu'elle est fixée par l'article 2 du décret du 18février

1904, et par le fleuve Sénégal, à partir du marigot de Kassack jusqu'au

marigot Karakoro.

Art 2 -Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du présent décret,

Qui sera inséré au Journal officiel de la République Française, au Bulletin

Des lois et au Bulletin officiel du Ministre des Colonies.

Fait à Paris, le 25 février 1905

Emile LOUBET

Par le Président de la République ;

Le Ministre des Colonies

CLEMENTEL

Ce décret ne résorbera pas les problèmes pour la France, du fait de sa non clarté manifeste, mais aussi et surtout du fait du caractère vague de sa délimitation, qui se réfère à des marigots dont on a du mal à situer l'emplacement. Pour pallier à cette imprécision le gouverneur général d'alors, Monsieur Fournier constate « qu'aux termes du décret de 1905, et à défaut d'une identification plus précise, les limites devaient suivre la ligne médiane du fleuve....... » Cette position laissait tout même non résolue, la question de savoir, quel était le bras du fleuve à choisir pour en déterminer la ligne médiane ; le même fournier pour régler la question de manière simple et définitive, propose cette fois de ramener la frontière sur la rive droite et d'attribuer toutes les îles à la colonie du Sénégal. Cette proposition est soumise au Ministre des Colonies, qui dans le décret du 08 décembre 1933, publié par le Journal officiel du Sénégal et repris par celui de la Mauritanie en 1967 :

Le Président De La République Française ; 

Sur le rapport du Ministre des Colonies ;

Vu l'article 18 du sénatus consulte du 03mai1854 ;

Vu le décret du 18octobre 1904, portant réorganisation du Gouver-

Le Président De La République Française ; 

Sur le rapport du Ministre des Colonies ;

Vu l'article 18 du sénatus consulte du 03mai1854 ;

Vu le décret du 18octobre 1904, portant réorganisation du Gouver

nement général de l'Afrique occidentale française ;

Vu le décret du 13février 1904, portant modification des limites

entre le Sénégal et la Sénégambie-Niger ;

Vu le décret du 25février 1905, portant délimitation du territoire

Civil de la Mauritanie et du Sénégal ;

Vu le décret du 04 décembre1920, portant transformation en colonie

du territoire civil de la Mauritanie, modifié par les décrets des

02décembre 1924 et 20mars 1925,

DECRETE :

Article premier. --Les limites entre la Colonie du Sénégal et la Colonie

de la Mauritanie sont et demeurent déterminés de la manière suivante :

Par une borne à construire sur la cote de l'Océan Atlantique, prés de

l'immeuble en ruine dit « Maison Gardette »à 1kilometre environ

au sud de la tuyauterie de pompage de l'usine de Salsal.De cette borne

jusqu'au confluent du marigot S-E, du village de Thiong et du marigot

de Tenedas, par la ligne la plus courte laissant l'île de Salsal au Sénégal.

De ce confluent, par une ligne rejoignant le marigot de Mambatio et suivant

la rive droite de ce marigot jusqu'au fleuve Sénégal (feuille Saint Louis à

100.000e).Par la rive droite du bras principal de ce fleuve jusqu'à un point

situé au Nord de l'embouchure de la rivière Falémé, l'Ile aux bois appar

tenant à la Colonie de la Mauritanie (feuille Saint Louis au 1.000.000e et Bakel

au 500.000e)

Art.2--Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 8 décembre 1933.

ALBERT LEBRUN--

Par le Président de la République :

Le Ministre des Colonies,

Albert Dalimier

Le décret de 1933 même, s'il n'abroge pas explicitement le décret de 1905, le principe de la Lex Posteriori dérogat, principe de droit interne mais applicable au droit International, peut avoir ici toute sa pertinence. « En fait cette règle s'applique, à chaque fois que le dernier traité fait la loi des Etats parties au premier traité, le dernier traité n'est pas res olios inter acta et il y'a donc abrogation tacite ou expresse du premier traité »Cette règle est consacrée au paragraphe 3 de l'article 30 de la convention de Vienne. C'est dans ce contexte de flou juridique, que les deux pays accèdent à la souveraineté Internationale en 1960.Tout deux membres de L'OUA, et donc souscripteurs aux principes de la Charte fondatrice de l'organisation, et notamment au principe d'intangibilité des frontières héritées de la colonisation, les deux états se gardèrent bien de mettre à jour leurs discordances sur le tracé de la frontière qui les sépare.C'est au nom de ce principe, que le Président Senghor resta sourd aux revendications fédéralistes des originaires de la vallée du fleuve, et s'attacha à reconnaître le Jeune Etat Mauritanien, qui offrait d'autre part une garantie de sécurité pour la république du Sénégal face aux prétentions territoriales du Maroc.Cette entente de façade dura quelques années, et les nuages n'apparurent dans cette relation qu'à partir de 1975.En effet cette année surgit à propos de la souveraineté sur quelques îlots du fleuve Sénégal notamment celui de Todd prés de Rosso.Depuis lors , la question frontalière fut au centre des relations entre ces deux pays.En effet le différend subsistait quant à la référence légale sur laquelle il fallait s'appuyer pour déterminer la frontière entre ces deux pays, et partant pouvoir spécifier auquel des deux etats appartenaient les îlots objets du litige . A travers plusieurs correspondances secrètes, le Président Daddah, contesta la validité juridique du décret de 1933, fixant la limite entre ces deux anciennes colonies au niveau de la rive droite du bras principal du fleuve Sénégal. Pour la partie Mauritanienne l'instrument Juridique de référence, reste et demeure le décret de 1905 qui fixe la frontière sur la ligne médiane du fleuve Sénégal.

La partie Sénégalaise quant à elle tenait mordicus, à l'application du décret de1933 et pour preuve de la validité juridique de ses allégations, il fait référence à la reconnaissance implicite de la Mauritanie dudit décret.En effet la Mauritanie valide ce décret en le publiant dans son journal officiel de juin 1967, et mieux lorsqu'on procéder au bornage de la frontière dans un secteur situé au nord de la ville de saint louis, on s'est appuyé avec l'aval de la Mauritanie sur le dit décret.Ceci montre à l'évidence que la partie Mauritanienne reconnaissait, même si c'est de manière implicite la validité juridique du décret du 08 décembre 1933. La partie sénégalaise fera référence au principe d'intangibilité des frontières coloniales, consacré par l'OUA, invite la partie Mauritanienne à soumettre leur différend à la Cour Internationale de Justice, invitation à laquelle la mauritanien ne donnera pas suite, ce qui d'une certaine manière représente un aveu de la faiblesse de sa position.

Cette situation litigieuse à propos du tracé de la frontière se résorbera, quant le président Senghor déclare en juin 1975 dans un discours fort conciliant : « Les limites frontalières entre les deux états, fixées au temps de la colonisation, étaient floues.Mais il ajouta que le problème était dépassé dans le cadre de L'OMVS qui stipule, l'Internationalisation du Fleuve » Cette internationalisation semblait pouvoir résoudre la question de la frontière , mais c'est sans compter avec les réalités profondes de la vallée, où subsistent des frustrations et discordances entre les populations des deux rives du Fleuve.La prégnance été la persistance des dissensions, entre les populations nomades de la rive droite et celles paysannes sur la rive gauche, aboutit à cet escalade pourtant si anodin au début, mais qui atteint des proportions insoupçonnées, avec notamment ce qu'on appelle les événements d'avril mai 1989.Le 9 avril 1989 un incident à priori anodin, mais qui allait constituer le déclenchement d'un conflit qui fera des émules.En effet des agriculteurs soninké du Sénégal du village de Diawara, se trouvèrent confrontés à des éleveurs peuls de la Mauritanie du village de Sonko notamment, le point de discorde étant une divagations d'animaux mauritaniens sur les aires de cultures des sénégalais.L'incident se déroula sur l'îlot de Doundé Koré, en amont du fleuve prés de Bakel. Cet îlot fait partie du territoire sénégalais, mais est souvent envahis par des troupeaux venant de la Mauritanie. Déjà le 30 et 31 mars de la même année, des altercations du même genre surgirent entre les deux parties, mais des pourparlers entre responsables des deux collectivités avaient permis de calmer le jeu. Le 09 avril, les choses prennent une toute autre tournure ; les populations de Diawara, averties que leurs champs sur l'îlot étaient encore une fois envahis, se rendent sur les lieux pour récupérer le bétail et le mettre en fourrière conformément à l'arrangement convenu une semaine auparavant..Les habitants de Sonko venus à la rescousse de leurs enfants avec des gardes Mauritaniens armés, s'y opposent farouchement. Devant l'acharnement des populations sénégalaises, pour mettre le bétail en fourrière, les discussions s'embrasent et sur le coup un garde mauritanien tire et tue sur le coup un sénégalais et en blesse deux autres (dont l'un sera froidement descendu sur la rive droite), treize autres personnes sont capturés et emmenées et emprisonnées à Sélibaby pendant 72h, c'est-à-dire le 11 avril. Le lendemain 12 avril des boutiques de mauritaniens sont saccagées à bakel, en réaction aux supplices et aux morts de leurs compatriotes lors des incidents du 09 avril ; tout de même il faut noter que les autorités sénégalaises déploient leurs forces armées, pour assurer la protection des biens des mauritaniens à bakel. Des troubles similaires surgissent dans plusieurs localités du pays.Les Ministres de l'Intérieur des deux pays se rencontrent à Nouakchott d'abord et puis à Dakar le 19 avril.Un communiqué conjoint est fait, annonçant la mise sur pied d'une commission mixte pour la date du 22avril, et les deux gouvernements prennent l'engagement solennelle de protéger les ressortissants des uns et des autres. Cependant la déclaration du Ministre de L'intérieur Mauritanien est perçue par la population sénégalaise comme accordant plus d'intérêts au pillage des biens mauritaniens, qu'aux vies sénégalaises.Ce qui choquait évidemment les parents des victimes et par delà eux tout le peuple sénégalais.Aussi des émeutes éclatèrent sur toute l'étendue du territoire sénégalais, et notamment à Dakar.Malgré l'interposition des forces de l'ordre sénégalaises, et malgré l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir participé aux émeutes, des ressortissants sénégalais furent lynchés à Nouakchott et à Nouadhibou du 24 au 25 avril.Ce sont principalement les harratines( anciens esclaves affranchis) qui se sont attelés à cette violente réaction, faisant selon certains entre 200 et 400 morts. Dans ce climat délétère, le gouvernement sénégalais protesta vigoureusement contre les exactions et les violations massives et flagrantes des droits de l'homme commises en Mauritanie, contre les Sénégalais et les Négro mauritaniens, en rappelant que les pillages au Sénégal n'avaient faits aucune victime.Le 28 avril alors que la première vague des rapatriés foulait le sol sénégalais, les événements sanglants prirent naissance au Sénégal, ce vendredi fut qualifié par le livre blanc de La Mauritanie de « Vendredi de l'Horreur » ces événements coûtèrent la vie à une soixantaine de ressortissants mauritaniens, dont la majorité à Dakar.

La communauté internationale, et notamment le Maroc, l'Espagne, la France et l'Algérie, pour éviter d'alourdir les pertes civiles de part et d'autres dressèrent un pont aérien pour évacuer les ressortissants des deux pays. 70000 personnes furent rapatriés au Sénégal an moins de dix jours , ajouté à cela entre 40 et 50000 négro mauritaniens expulsés de leurs pays ; le Haut commissariat des réfugiés dénombre 120000 rapatriés mauritaniens venant du Sénégal. Plusieurs médiateurs intervinrent pour ramener les deux parties, qui ont rompues leurs relations diplomatiques depuis le 21 août, à de meilleurs sentiments.

Ainsi aussi bien Robert Mugabé alors Président du mouvement des non alignés, que Mr Javier Pérez de Cuellar secrétaire général des Nations Unis d'alors, mais également Hosni Moubarak président en exercice de l'OUA.Toutes ces interventions s'avéreront infructueuses ,d'autant plus que les deux parties campent sur leurs positions. Le Sénégal réclame le bornage de la frontière sur la base du décret de 1933, qui situe la totalité du fleuve dans le territoire du Sénégal, mais aussi la déportation des négro mauritaniens sur son territoire.La Mauritanie quant à elle s'en tient au dédommagement des rapatriés Mauritaniens, et le rétablissement de la libre circulation des biens et des personnes entre les deux rives du fleuves. Trois ans durant cette situation perdura, et c'est finalement en 1992, par l'entremise du mali principal médiateur, de la Gambie et de la Guinée, les deux parties se mirent à la table de la négociation et finalement il fallut attendre le 23 avril 1992, pour que les relations diplomatiques entre les deux états soient rétablies, bien que les dossiers les plus délicats, tels le retour des populations négro mauritaniennes, la question du tracé frontalier ou celle de l'indemnisation, soient toujours loin d'être réglés.

Des voix s'étaient élevés, pour attirer l'attention des pays sur les questions essentielles à résoudre : «  La question épineuse reste celle de la délimitation de la frontière, qui pourrait être un abcès de fixation dés l'apparition de la moindre difficulté.Un tel cas surgira forcément, car les transformations engendrées par la construction des barrages déstabilisent une société : les gains ne sont pas assurés et les avis divergent toujours sur les conséquences positives ou négatives de ces grandes constructions.Par ailleurs la volonté de faire du fleuve une frontière figée est elle compatible avec une tradition, qui en fait au contraire un espace de rencontre, de mélange et d'échange, renforcé par le statut de international du Fleuve ?La crise très grave qui a eu lieu n'était pas une bataille de l'eau, mais une bataille pour la terre que l'eau rend enfin plus facilement habitable » ; C'est ce que nous avons appelés les conflits d'usage dans notre typologie sommaire. Bertrand Degoy ne croyait pas si bien dire car ce qu'il craignait se matérialisa avec le conflit qui éclata à nouveau en Juin 2000 à propos cette fois non pas de la question des terres et donc des frontières mais bien un conflit spécifiquement hydrique.

En effet à peine une décennie après les événements macabres de 1989, d'autres turbulences surviennent dans les relations des deux pays.Ainsi en juin 2000, six mois après l'arrivée au pouvoir du légendaire opposant Sénégalais Abdoulaye Wade.En effet l'histoire retient que cette homme, (qui 26 ans durant aura lutter pour accéder à la magistrature suprême de son pays) est celui qui avait tenu à ce que son pays aille en guerre, contre le voisin Mauritanien quant à la question du tracé frontalier entre les deux pays, mais aussi à propos de la disposition des eaux du fleuve Sénégal. Aussi dés son accession à la magistrature suprême, certains observateurs mauritaniens pensèrent à la possibilité de la résurgence du conflit de 1989. Il n'en fut rien, du moins jusqu'en juin 2000, lorsque le parlement sénégalais adopte un projet de loi sur la construction sur le fleuve Sénégal, d'un projet financé par Taiwan.En effet ce projet qui fut conçu sous le magistère de Diouf, mais que Wade s'est mis un point d'honneur à réaliser durant son premier septennat en faisant un projet phare.En effet dans la logique de son concepteur( Diouf) de plus en plus de vallées, du fait de la non alimentation en eau, se sont asséchées.Les terres adjacentes arrosées par ces vieilles vallées, sont désormais condamnés à la stérilité. Ces valeurs étant de vieux lits, donc il suffirait d'y faire revenir de l'eau, pour que ces vallées recouvrent la vitalité qui était la leur et que les terres tout autour deviennent arables.Pour cette mise en eau de ces vallées, le gouvernement sénégalais, compter utiliser les eaux de ruissellement ou celles des crues des fleuves Sénégal, Sine, Saloum et Gambie, dont une grande partie se déversait en mer, et constituait ainsi une manne perdue. Les premiers tests furent entrepris en 1988, le projet pilote « L'eau à Linguére » fut un très convaincants.Par ce procédé le gouvernement était convaincu de la possibilité de la remise en culture des zones sahéliennes du Ferlo et du Baol, et par conséquent cela permettrait à terme de relancer la culture arachidiére.La réussite de ce test fut à l'origine de la mise sur pied de deux autres projets :celui « Du projet sectoriel Eau » et celui « du Canal du Cayor », qui devait servir à l'alimenter Dakar en eau douce. Face à l'onérosité de ces projets jugés irréalistes par les bailleurs de fonds, et dangereux pour l'Environnement par les écologistes, ces projets ne virent jamais le jour.

Quant au projet des vallées fossiles il fut arrêté à cause des inquiétudes de la Mauritanie, qui accusait ainsi le Sénégal de détournait des eaux qui leurs étaient communes.La relance du projet par Wade n'eut guère de meilleur sort. Puisque Nouakchott considérait que tout détournement des eaux du Fleuve, hypothéquait de fait son secteur agricole qui dépendait fondamentalement des eaux de ce fleuve. En effet depuis la réforme foncière en Mauritanie, les problèmes agricoles sont devenus centraux pour la Mauritanie.

Ainsi en 1983 avec la nouvelle loi domaniale et foncière, l'état mauritanien s'est doté de l'instrument juridique nécessaire pour le contrôle des terres de la vallée, jusqu'ici détenu par des particuliers négro mauritaniens en général. Il s'agissait pour cet état de mettre la main sur des terres qui au lendemain de l'érection du monumental barrage de Diama, avec ses capacités de rétention pour permettre le développement de l'agriculture irriguée dans la vallée. Il devenait impératif pour les deux états de mettre la main sur les terres de ce qui semblait devenir La Californie des deux états, tellement les perspectives post-barrage sont prometteurs.Ainsi l'état mauritanien devient le principal détenteur des terres, et par conséquent principal investisseur dans l'agriculture sur la rive droite, d'où tout le sens du refus par la Mauritanie, de laisser le Sénégal utilisait ces eaux communes à des projets exclusivement nationaux.Le gouvernement pour faire prévaloir sa position sur la question, s'appuie la charte fondatrice de l'OMVS.En effet ce dernier stipule que tout projet concernant les eaux du fleuve doit faire l'objet d'une discussion et d'une avalisation par tous les membres de L'OMVS, condition que ne semblait pas remplir le projet sénégalais de revitalisation des vallées fossiles.En sus du manque de concertation du Sénégal avec les autres membres, ce projet de l'avis des experts Mauritaniens allait de manière systématique asséché plusieurs milliers d'hectares sur la rive droite.Ce qui ne semblait être partagé par les techniciens sénégalais de la Mission d'Etude et d'Aménagement des Vallées Fossiles(MEAVF), qui expliquaient  depuis longtemps plusieurs milliards de m3 d'eau ont été perdues dans la mer. Même si depuis l'érection des barrages 60% de ces eaux est maîtrisée, il reste que les 40% sont toujours perdues.Selon le MEAVF entre 1986 et 1994, 6 à 18 milliards de m3 ont été perdue en mer. L'idée consistait à récupérer ces eaux perdues pour les réutiliser dans la revitalisation de ces vallées fossiles.

En plus de cela, le gouvernement sénégalais estime pouvoir utiliser ces eaux de plein droit car selon la charte ils ont droits à l'aménagement de 240000ha sur les 375000 irrigables sur la rive gauche ; or jusqu'ici le Sénégal n'a même pas aménagé le tiers de ces terres.On ne peut donc logiquement pas prétendre que le Sénégal, a épuisé son quota en eau au point de puiser l'eau de ses voisins.

Pourtant ces justifications ne semblèrent pas au goût de Nouakchott, qui à peine la loi sur la relance du projet sur la revitalisation des vallées fossiles votées, pris des mesures spectaculaires pour montrer son désaccord avec la manière sénégalaise d'agir.

D'abord le Haut Commissaire Mauritanien de l'OMVS, Baba ould Sidi Abdallah, qui était jeté en prison pour haute trahison, puis la communauté sénégalaise résidant en Mauritanie qui s'était vu signifier un délai pour quitter le territoire mauritanien, et enfin la concentration d'unités de l'armée à la frontière avec le Sénégal ; Dakar réagit par un communiqué qui informe les Mauritaniens qu'il leur est loisible de rester au Sénégal ; le premier ministre est envoyé  en Mauritanie histoire de calmer le jeu, afin que ce qui s'est passé en 1989 ne se réitère. Les populations paniquées n'attendent pas les fruits de ce chassé croisé, et plient bagages pour rejoindre chacun son pays d'origine.

Les états du Mali et de la France alertés par le Sénégal, jouent leurs partitions afin de calmer la Mauritanie qui commençait à se sentir politiquement isolée.Ainsi le Sénégal fait chuter la tension en annonçant purement et simplement, la mise en veilleuse du projet des vallées fossiles.

La sagesse Sénégalaise permet d'éviter un remake des événements de 1989.Mais cela montre encore une fois combien les relations entre ces deux pays, sont fragiles et forts problématiques surtout en ce qui concerne l'utilisation des eaux de ce fleuve, qui se veut un trait d'union entre ces deux peuples frères, et par delà eux les peuples de la guinée et du Mali. En effet il est temps que le Fleuve Sénégal joue, son rôle d'intégration entre les quatre peuples, comme le lui assigne la charte de création de L'OMVS, dont les récents développements sont forts intéressants et tendent de plus en plus à être pris comme référence dans les politiques de gestions intégrées des ressources en eaux.

B--La Pollution des Eaux du Danube, du Rhin et de la Mer d'Aral : Source de Litiges

de sécurité environnementale, si couramment usitée de nos jours. En effet la pollution des cours d'eaux est devenue monnaie courante dans nos sociétés industrielles et agricoles, alors que les ressources terrestres disponibles se réduisent de manière drastique. Ces pollutions sont l'une des causes fondamentales de la réduction des eaux douces de la planète, rendant une grande quantité de ces eaux impropres à la consommation humaine. La pollution des eaux internes pose des problèmes, mais des problèmes d'une ampleur moindre par rapport aux problèmes, qui peuvent émerger dans le cas d'une pollution d'eaux transfrontières.

En effet ces rapports mettent en conflit des entités souveraines et souvent très dépendante de ces eaux polluées, ce qui peut d'une manière ou d'une autre contribuer rendre conflictuels, les rapports entre ces états. A titre d'exemples nous pouvons zoomer sur les pollutions du Danube, du Rhin et de la mer d'aral. Nous verrons l'impact de la pollution, sur les rapports entre ces divers états.

Parmi les grands fleuves européens, le Danube se situe au deuxième rang, après la Volga, par sa longueur (2.850 Kms), son débit moyen de l'ordre de 6.500 m3/sec au niveau du delta, la surface de son bassin versant (800.000 km2).

Son profil longitudinal est irrégulier, il présente une série de bassins d'effondrement séparés par des défilés. La charge sédimentaire importante que le fleuve et ses affluents transportent à partir des massifs montagneux qui entourent le bassin danubien (Alpes, Carpates, Monts Dinariques..) s'étale dans ces grands bassins et contribue à la formation de larges plaines alluviales dépassant souvent dix kilomètres de largeur. Là, jusqu'au début du vingtième siècle, le fleuve s'y étalait largement, se ramifiait, méandrait, changeait fréquemment de cours en

interagissant avec sa plaine alluviale. Par exemple, à l'aval de Bratislava, là où s'est

implanté l'aménagement de Gabcikovo, se situait le plus grand delta intérieur européen

constitué par les plaines alluviales du Szigetköz hongrois et du Zitny Ostrov slovaque

s'étalant sur plus de 50 Kms de longueur et plus de 10 Kms de largeur. Il s'agit là de

zones humides patrimoniales d'intérêt international. On remarquera en passant que le

Danube présente la particularité de posséder les deux types de deltas (intérieur et

maritime) ayant les plus fortes valeurs patrimoniales au niveau européen.

Au niveau des défilés qui séparent ces grands bassins alluviaux, la largeur du fleuve est au contraire très réduite, parfois considérablement, comme dans la région de Cazane où elle n'est que de 165 m mais où la profondeur atteint par contre 70 m! C'est dans cette région, zone frontalière entre la Yougoslavie et la Roumanie, qu'a été implanté l'aménagement hydroélectrique dit des Portes de Fer, également destiné à améliorer les conditions de navigation. Ces zones de défilés avec des variations importantes de niveau d'eau et des chutes d'eau créent des obstacles à la navigation.

La position géographique et climatique du bassin danubien, continentale et bordée de massifs montagneux, induit une hydrologie contrastée, caractérisée par des étiages d'été très sévères, des crues de printemps et de début d'été très fortes, sans compter les périodes de gel hivernal et de débâcles printanières.

La particularité géographique la plus originale du Danube vient de sa situation au coeur de l'Europe, unissant l'Europe occidentale à l'Europe orientale jusqu'à la Mer Noire. Le Danube est donc un fleuve international, transfrontalier, dont la majeure partie de cours, s'écoulait pendant plus de 40 années, jusqu'au début des années 1990, dans des pays soumis à des régimes politiques centralisés, autocratiques, sous domination soviétique. Il est bien connu que les politiques menées dans ces pays n'avaient pas de sensibilités environ-

nementales marquées et qu'il en est résulté entre autres un niveau de pollution des eaux élevé.

Il s'agit à la fois de pollutions ponctuelles et de pollutions diffuses. Les premières sont dues à l'absence de systèmes d'assainissement et d'épuration efficaces tant pour les rejets des collec-

tivités et agglomérations que de l'industrie, situation qui était générale dans les ex-pays communistes, heureusement atténuée dans le cas du Danube par l'effet dilution des polluants grâce aux débits importants du fleuve. Il en résulte que souvent la qualité des eaux du Danube lui même, malgré une charge polluante plus forte, est meilleure que celle de ses affluents

aux débits évidemment plus modestes. Par contre, sur l'axe danubien lui-même, des "points noirs" existent à l'aval des grandes agglomérations dont les eaux usées ne sont pas ou que partiellement épurées, par exemple à l'aval de Budapest, de Sofia ou de Bucarest. Quant aux pollutions diffuses, elles émanent surtout d'une agriculture productiviste, elle aussi peu soucieuse des problèmes environnementaux. Même si les charges en éléments nutritifs sont conséquentes, les pollutions les plus inquiétantes sont celles dues aux micropolluants, aux métaux lourds, aux pesticides, aux résidus miniers, aux hydrocarbures et aux contaminants microbiologiques. Les mêmes problèmes se retrouvent pour les eaux souterraines des plaines alluviales danubiennes et quel que soit le pays considéré. Actuellement, après les changements politiques intervenus en Europe au cours de la dernière décennie, le bassin danubien est "partagé" par 17 pays: Allemagne, Suisse, Autriche, Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, République Tchèque, Pologne, Slovaquie, Hongrie, République Fédérale de Yougoslavie, Albanie, Bulgarie, Roumanie, Ukraine, Moldavie. Ce nombre peut

paraître élevé puisque ce sont 12 Etats qui sont essentiellement concernés, les autres

n'apportant qu'une faible contribution hydrologique quantitative au bassin danubien.

Cependant, la récente pollution au cyanure de janvier 2000 (sur laquelle nous

reviendrons plus loin) est là pour nous rappeler qu'il suffit d'un "gros" problème sur un tout "petit" sous affluent, même très éloigné du fleuve lui-même (plus de 1000 kms) pour polluer encore fortement les 1500 kms restant de l'axe fluvial, jusqu'à la Mer Noire! Cette dure réalité est là pour nous rappeler que c'est bien l'ensemble du bassin versant d'un fleuve qu'il faut considérer et gérer, et non pas seulement son cours principal. Il n'est donc pas exagéré de dire que ce sont bien 17 Etats qui doivent (ou devraient.) "partager" ces ressources naturelles aquatiques que représente le bassin danubien, même si la contribution hydrologique essentielle ne provient que de 12 pays, ce qui est déjà considérable...

L'axe danubien lui-même et ses principaux affluents, Inn, Drave, Save, Morava, Tisza, Olt, Siret, Pruth, sont densément peuplés (de l'ordre de 80 millions d'habitants); le Danube traverse 10 villes de plus de 100.000 habitants. Leurs rives sont bordées de complexes industriels tant chimiques que métallurgiques, de raffineries, tandis que l'agriculture dispute l'espace et les richesses naturelles des grands bassins alluviaux successifs (zones humides en particulier) aux autres usages, et ceci jusqu'au delta lui-même, gigantesque réservoir de richesses patrimoniales dont la surface excède 5.500 km2. Sur un cours de 2600 kilomètres, un quart du Danube coule actuellement dans le territoire de l'Union européenne (Allemagne et Autriche), et dans la perspective d'élargissement, le Danube ne peut pas ne pas intéresser l'Europe. Le bassin hydrographique du Danube représentera à terme un tiers du territoire de l'Union européenne. Une raison pour s'intéresser dès à présent à son aménagement et à son environnement. . Plusieurs pays candidats sont en effet riverains de ce fleuve : la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Roumaine et la Bulgarie. Par la même occasion, la Mer Noire, dans laquelle il se jette, deviendra un jour une mer côtière de l'Union, puisqu'elle borde la Roumanie et la Bulgarie. Les problèmes environnementaux du Danube sont donc appelés à devenir une préoccupation majeure de l'Union européenne.

Majeure n'est pas un faible mot. Le bassin du Danube est en effet le plus international du Monde. Large de deux millions de km², il couvre un tiers du territoire de l'Europe continentale, englobe 17 états et réunit 80 millions de personnes de cultures très diversifiées et de niveaux de vie très différents. Les eaux du Danube et de ses affluents sont utilisées à des fins économiques très variées : fourniture d'eau potable, agriculture, industrie, pêche, tourisme, transport fluvial, électricité. De plus, le Danube et ses zones humides sont le berceau d'une riche biodiversité. Hélas, cette biodiversité est actuellement en danger.

Pour montrer ce danger nous verrons, deux cas de pollutions majeures des eaux du Danube :

D'abord en 2000, un litige explose, puisque on a retrouvé des traces de cyanure dans les eaux du danube. Ainsi le 30 janvier 2000, un autre type de catastrophe écologique s'est produit dans le bassin du Danube. Un barrage retenant des déchets toxiques de la mine d'or de Baia Mare Aurul, au nord-ouest de la Roumanie, a cédé et déversé 378 500 litres d'eaux usées, lourdement contaminées par du cyanure, dans le Lapus et le Somes, affluents de la Tisa, qui est elle-même un affluent du Danube. Cet accident a provoqué ce que l'Agence européenne pour l'environnement a appelé le «pire scénario pour les rivières de la région» et peut-être la pire catastrophe écologique depuis Tchernobyl.

Les informations provenant de cette région indiquent que l'écosystème et la faune du fleuve ont subi des dommages importants. Le ministère hongrois de l'Environnement a déclaré que dans la zone de Tiszafüred et Szolnok, 80 à 100% du stock de poissons a péri. D'autres animaux sauvages ont été touchés, notamment des cygnes tuberculés, des cormorans noirs, des renards et d'autres carnivores. Plus de 400 000 oiseaux migrateurs sont également menacés.

En février, le ministère hongrois de l'Environnement a indiqué que le lac de Tisa, dans le Parc national de Hortobágy, récemment inscrit au Patrimoine mondial, a été touché, de même que certaines zones protégées par la Convention de Ramsar.

Outre les atteintes à l'environnement, la pollution au cyanure de la rivière Tisa est une menace considérable pour la santé humaine, puisque dans le cours supérieur de la rivière, la concentration en cyanure était 100 fois supérieure à la limite admise pour l'eau potable. Dans les régions affectées, plus de 2,5 millions de personnes sont menacées par une contamination de l'eau potable.

Un accident tout à fait semblable s'est produit en Roumanie peu après, le 10 mars 2000, dans la zone minière proche de Baia Mare. L'accident en question a été provoqué par le déversement de boues provenant d'un bassin de décantation appartenant à une mine désaffectée de Baia Borse. Résultat: la rivière Visheu, un autre affluent de la Tisa, a été gravement polluée par des métaux lourds, et en particulier d'importantes concentrations de plomb et de zinc.

Pour l'heure, on ne peut guère prévoir l'impact que ces accidents auront à long terme sur l'environnement. Les écologistes mettent en garde contre une contamination durable des chaînes alimentaires du fait de l'utilisation des eaux souterraines et des eaux de surface pour l'irrigation ; par ailleurs, ils attirent l'attention sur les concentrations dangereuses en métaux qui persistent dans les biotopes.

Etant donné que 80% de la pollution de la mer Noire est due aux eaux du Danube, les deux catastrophes font peser une menace sérieuse sur les écosystèmes marins de la mer Noire, de la mer de Marmara, mais aussi de la Méditerranée.Ce qui éleva des voix, qui réclamèrent une indemnisation des etats responsables, selon le principe du Pollueur payeur.

Au lendemain de leur adhésion au sein de la désormais large famille Européenne, la Roumanie et la Bulgarie se trouvent confrontés à un problème de leurs berges danubiennes.Il fallait trouver une solution pour gérer le désastre écologique qui les frappait : en effet une nappe de pétrole de quelques centaines de tonnes, pollue le Danube, fleuve qui démarque leur frontière commune.

La nappe polluante a été signalée d'abord par les autorités bulgares le 2 octobre 2006. La Bulgarie a lancé un appel aux pays riverains du fleuve pour « identifier la source de cette nappe de pétrole de près de 140 kilomètres de long » qui avançait sur ses eaux. Sous la pression bulgare et roumaine, le Ministère serbe de l'agriculture a reconnu officiellement le 3 octobre « la fuite d'une quantité non déterminée de pétrole dans le Danube » depuis un entrepôt de la Compagnie pétrolière serbe (NIS) situé à Prahovo, dans le sud-est du pays, en précisant qu'il s'agirait d'une fuite « longue de 300 mètres et large de 50 mètres ».

Le Premier ministre roumain, M. Popescu- Tariceanu, a annoncé le 5 octobre la décision de son gouvernement d'accorder à Sofia « une aide en régime d'urgence pour l'intervention visant à stopper la nappe de pollution du Danube dans le secteur bulgare », consistant en matériel absorbant et barrages flottants, d'un montant de 50,000 euros. Cette aide fait suite aux appels bulgares lancés initialement envers la Commission internationale pour la protection du Danube. Le Ministre bulgare de l'Environnement, M. Dzhevdet Sakarov, avait déjà annoncé le 4 octobre devant les journalistes que son gouvernement, en action commune avec la Roumanie, allait demander des « dédommagements financiers à la Serbie responsable de la pollution pétrolière qui frappe le Danube sur ses rives », en soulignant que « [...] la demande est basée sur le principe pollueur payeur ».

Concernant l'implication de la Serbie dans ce désastre écologique, le chef de l'exécutif roumain avait déclaré avoir « [...] demandé à l'ambassadeur de Serbie de faire connaître d'urgence aux autorités serbes de prendre toutes les mesures qui s'imposent dans le cadre d'une relation de bonne coopération. Je lui ai expliqué que, si la Serbie a des objectifs concernant l'adhésion à l'UE, elle doit se conduire comme un Etat européen. Les obligations primaires sont celles d'informer et d'oeuvrer pour la limitation des effets et, si elle a besoin d'aide, nous sommes prêts à lui mettre à disposition tous les moyens dont nous disposons ».

Le 6 octobre, le Ministre serbes des investissements, M. Velimir Ilici, cité par la presse bulgare, dénonçait l'idée des dédommagements, en déclarant que «[...] It is true that the oil slick came to Romania from Serbia, but we will have to identify first the origin of the pollution [...] it is still arguable where the oil spill came from originally». L'ambassadeur bulgare à Belgrade considérait le même jour que « c'est trop tôt pour évoquer la question des dommages ».

Sofia et Bucarest ont mis en place un plan d'urgence, à l'aide des navires, agent dispersant et barrages flottants, destiné à éviter la propagation de la pollution plus en aval et notamment vers le Delta du Danube, grande réserve naturelle, classé patrimoine mondial de l'UNESCO. En effet, les autorités roumaines se déclarent « [...] très préoccupés des effets que cette pollution pourrait avoir, notamment pour ce qui concerne le risque de l'arrivée de ces produits dans le Delta du Danube ».

Cette catastrophe écologique intervient une douzaine de jours après la Conférence paneuropéenne sur le transport par voie navigable, qui s'est tenue à Bucarest à mi-septembre. A cette occasion, le Président roumain, M. Traian Basescu, avait affirmé que « la Roumanie prêtait une attention particulière à l'application de la Directive cadre dans le domaine de l'Eau de l'UE surtout quant à la responsabilité envers le Delta du Danube, qui deviendra le Delta de l'Union européenne dès le 1er janvier 2007 ». Il est important de rappeler que cette directive impose aux Etats membres de parvenir, à l'horizon 2015, au «bon état écologique» des milieux aquatiques (cours d'eau, lacs, eaux souterraines, littoral). La notion de « bon état écologique », dont une définition commune est envisagée pour 2009, est composée de deux volets : l'état biologique, caractérisé par la santé de la flore et de la faune, et l'état chimique, déterminé par le degré de pollution due aux substances chimiques

A coté de la pollution du légendaire Danube, il faut noter les dommages causés par les utilisations des eaux du Rhin.

En effet le Rhin est un exemple patent de la pollution à grande échelle, des cours d'eaux transfrontières. Le Rhin - en allemand Rhein - naît dans les Alpes suisses et se jette dans la mer du Nord, après un cours de 1 325 Km qu'alimente un bassin versant de 160 000 km2 de superficie. Fleuve complexe, le Rhin supérieur naît dans les Alpes des Grisons, de la réunion du Rhin antérieur (Vorderrhein), émissaire du lac Toma (massif du Saint-Gothard) à 2 341 m d'altitude, et du Rhin postérieur (Hinterrhein), qui sort du glacier du Rheinwaldhorn (massif de l'Adula) à 2 216 m d'altitude. Les deux torrents confluent à Reichenau, où la pente du fleuve atteint encore 4 °/°°. Coulant vers le nord, il reçoit l'Ill à droite, et se jette dans le lac de Constance (Bodensee) à 395 m d'altitude, qui lui sert de régulateur et de bassin de décantation. Il en sort à l'ouest et conserve une forte pente jusqu'à Bâle, notamment à Schaffhouse, où il franchit une barre de calcaire jurassique par une brusque chute de 25 m ; il coule alors entre les collines du Mitteland et les chaînons du Jura, au sud, et le rebord méridional de la Forêt Noire, au nord. Son affluent principal est l'Aar, qui draine les Alpes bernoises. A Rheinfelden, en amont de Bâle, le Rhin présente un régime nivo-glaciaire marqué par des basses eaux au mois de février (rétention nivale) et par de haute eaux de printemps et d'été, périodes où la fonte des neiges et des glaciers assure un écoulement abondant ; son débit moyen atteint alors 1 050 m3/s.

A Bâle (277 m d'altitude) le Rhin moyen s'infléchit brusquement vers le nord, puis vers le nord-nord-est et coule alors en plaine, dans le fossé d'effondrement remblayé qui s'allonge entre les Vosges et le massif du Hardt, à l'ouest, et la Forêt Noire et l'Odenwald, à l'est. Il y reçoit l'Ill, sur la rive gauche, et le Neckar et le Main, sur la rive droite. En aval de Mayence (82 m d'altitude), il se détourne vers l'ouest, longe le massif du Taunus, puis, à Bingen, il reçoit la Nahe et prend une direction nord-nord-ouest à travers le Massif schisteux rhénan où il s'est frayé une "Trouée héroïque" ; il y est rejoint par la Lahn, sur la rive droite, et par la Moselle, à Coblence, sur la rive gauche ; il en sort à Bonn (43 m d'altitude) et entre alors dans le bassin de Cologne où il reçoit, à droite, la Sieg, la Wupper, la Ruhr et la Lippe. De Bâle à Cologne, la pente du fleuve diminue mais elle n'est pas exempte, localement, de brusques raidissements. Les pluies d'origine océanique qui s'abattent en saison froide sur cette partie du bassin modifient le régime du Rhin : l'apport pluvial ou nivo-pluvial de ses affluents compense le déficit hivernal du cours supérieur, aussi le régime du fleuve est-il ici abondant et régulier toute l'année ; le débit moyen, très soutenu, est de 1 625 m3/s à Kaub.

En aval de la confluence avec la Lippe, le Rhin inférieur est un fleuve de plaine, dont le débit moyen atteint 2 200 m3/s à Rees ; son régime conserve les mêmes caractéristiques que dans la partie moyenne de son cours, avec une accentuation du maximum d'hiver imputable aux pluies océaniques ; il est donc exactement l'inverse du régime du cours supérieur. Sur le territoire des Pays-Bas, le fleuve s'achève par un vaste delta que parcourent ses trois bras principaux, Wall puis Merwede au sud, Lek au nord, qui se jette dans la Mer du Nord, et Ijssel au nord-est, qui alimente l'Iljsselmeer (ancien Zuiderzee).

Cet étalement géographique sur l'Europe industrielle, permet à ce fleuve de jouer un rôle d'artère économique. Ce rôle accentue la sensibilité de la question des eaux de ce fleuve. Jadis "route des soldats et des moines", qui conquirent et évangélisèrent la Germanie, lien beaucoup plus qu'obstacle, puisque de multiples invasions le franchirent, fleuve dont la puissance et le rôle ont été magnifiés, dès le Moyen Age, par les légendes allemandes de l'Or du Rhin et de la Lorelei, le Rhin est la première voie de circulation de l'Europe occidentale et l'une des plus grandes artères économiques du monde. En effet, sa vallée relie les régions industrielles de la Suisse, du Nord-est de la France, de l'Allemagne et du Benelux à la mer du Nord, et cette dernière à la mer Méditerranée, par la ligne du Saint-Gothard et par le sillon rhodanien, prolongements méridionaux de l'axe rhénan.

Le Rhin ne fut d'abord navigable que sur son cours inférieur, en aval de Coblence, aménagé dès le XVIIIè siècle (digues, épis...). Au milieu du XIXè siècle, il acquit une importance croissante due au transport du charbon. Son aménagement pour la navigation fut entrepris au XIXè siècle : construction de digues, correction de méandres, dragage de zones humides, etc. Le Rhin devint alors voie d'eau internationale, utilisable par des bateaux de 3000 tonnes. Depuis 1986, les grands travaux d'équipement sont terminés sur le fleuve lui-même, mais la baisse du niveau d'eau provoquée par les enlèvements de sables et de graviers et la réduction de la charge solide (sédiments) transportée par le cours d'eau dus aux aménagements provoquent la diminution de la profondeur du chenal. La canalisation du Neckar, du Main, de la Moselle puis de la Sarre (1987), l'achèvement du canal d'Alsace de Bâle à Strasbourg, la construction du canal de la Marne au Rhin et du canal Rhin Lippe, la liaison avec le Rhône par la Trouée de Belfort et la Saône, font du Rhin un véritable bras de mer qui pénètre sur 800 Km à l'intérieur des terres. Le trafic empruntant cette voie d'eau a atteint un record historique en 1978 avec 141,5 milliards de tonnes transportées à la frontière entre l'Allemagne et les Pays-Bas.

Le Rhin est le fleuve le plus intensément utilisé pour la navigation intérieure dans le monde. Enfin, le trafic rhénan entre pour une grande part dans les activités des grands ports de la mer du Nord : Rotterdam (1er port maritime du monde), Anvers (2e port européen) et Amsterdam auxquels le Rhin est relié soit directement, soit par l'intermédiaire de canaux ; ces débouchés maritimes confirment et amplifient son rôle de fleuve européen. Les navires n'ont cessé de s'agrandir ; de Coblence à Rotterdam circulent des convois poussés formés de dix barges déplaçant, ensemble, 12 500 tonnes ! Depuis 1992, le Rhin est relié au Danube par la liaison Rhin Main Danube.

A l'image du Danube, le Rhin est un fleuve qui traverse plusieurs pays européens. Toute nuisance aux eaux, du fleuve est forcément ressentie sur le plan économique, ou purement humain notamment pour un pays en aval comme la Hollande, qui utilise les eaux du Rhin à des fins de breuvages et des besoins agricoles, et ce nonobstant la forte pollution que subit ce fleuve. Pour preuve en 1986, la catastrophe de Sandoz avait été un véritable électrochoc : le Rhin était, sinon mort, du moins dans un coma profond. .........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

On voit au travers de cette lecture strictement, que toute mauvaise utilisation des eaux du fleuve par l'un de ces 17 états, est susceptible de menacer la qualité des eaux du fleuve à l'échelle du bassin tout entier, ce qui n'est pas sans conséquences sur les intérêts des autres états. En effet pour l'essentiel, ces états ont besoin de ce fleuve pour des fins industrielles ou agricoles, qui souvent constituent les épines dorsales de leurs économies fragiles, d'autant plus que ces pays, pour la plupart appartiennent plus ou moins au tiers monde. Il est clair dés lors que toute pollution, peut avoir des impacts graves sur l'évolution des rapports entre ces divers états.

A la différence peut être des autres catégories de conflits, où les états vont jusqu'à prendre les armes pour régler leurs différends à propos de la ressource Eau ; les conflits de pollutions ne dépasse guére le stade de tension diplomatique, avec un ton acerbe de revendication allant jusqu'à une rupture des relations diplomatiques. Cette attitude laisse la question de la pollution irrésolue ; conscients du fait qu'ils ont besoin de coopérer, pour résoudre les problèmes de pollutions qui concernent leurs eaux communes ; les états sont donc condamnés à se mettre sur la table des négociations pour trouver une solution à leur mal..

PARAGRAPHE SECOND : CAS PRATIQUES DE CONFLITS DE DISTRIBUTION RELATIVE OU ABSOLUE

A--Le TIGRE, L'EUPHRATE et Le NIL ; Fleuves de Toutes Les Discordes

Parler du Tigre de l'Euphrate et du Nil, nous emmène indubitablement à nous remémorer les brillantes civilisations Pharaoniques et Mésopotamienne, qui se sont développées sur les berges de ces magnifiques cours d'eaux. En effet ces fleuves ont vu naître et grandir des civilisations qui font encore parler d'elles prés de trois millénaires après leurs émergences. C'est dire combien ces civilisations, ont été importantes pour l'histoire de l'humanité.Si ces civilisations ont eu l'aura qui est la leur, cette aura a déteint sur ces longs et beaux Fleuves qui les ont vus naître. Fort malheureusement ces fleuves sont de plus en plus associés, à des situations belliqueuses entre les divers etats qui les bordent, et ceci pour le contrôle de la précieuse ressource dont, sont porteuses ces cours d'eaux à savoir : l'Eau.

En effet aussi bien le Nil, le Tigre que l'Euphrate sont en proie à des convoitises, qui aboutissent souvent à des conflits ouverts entre les états, qui leur sont contiguës ou qu'ils traversent. Cette compétition s'explique par le fait, de la valeur qu'à désormais l'eau sur les aspirations de développement de ces divers états, mais aussi et surtout de la dimension qu'elle acquiert dans ce que les spécialistes appellent : « la Sécurité Environnementale » Aussi parle t'on souvent en ce qui concerne ces cours d'Eaux de Fleuves de toutes les Discordes.

En effet le Nil est un fleuve international au débit contrasté. Il se forme avec la confluence du Nil Blanc qui prend sa source sur les pentes du Mont Moujoumbiro dans la région des Grands Lacs de l'Afrique orientale (Burundi, Rwanda) et du Nil Bleu issu du lac Tana (Ethiopie). Le Nil Bleu fournit 84 % des ressources fluviales.

Le Nil, le fleuve le plus long du monde, parcourt 6671 kilomètres avant de rejoindre la mer Méditerranée. Son immense bassin qui s'étend sur 2850 000 kilomètres carrés est partagé entre dix pays : le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la république démocratique du Congo (ex-Zaïre), l'Ouganda, le Kenya, le Soudan, l'Ethiopie, l'Erythrée, et enfin l'Egypte.

Le cours du Nil traverse trois zones climatiques : équatoriale, tropicale et désertique qui expliquent entres autres la répartition inégale de son débit « naturel ». A son entrée en Egypte, il n'est plus que de 84 milliards de mètres cube.

On comprend dès lors l'enjeu du problème. Les trois pays situés en aval du Nil, c'est-à-dire ceux qui sont dépendants, du fait de leurs prélèvements des pays riverains localisés en amont, sont également ceux dont la ressource est la plus faible. Or, pour ces pays au climat semi-aride ou aride, ce fleuve allogène constitue l'unique ressource. Au rang de ces pays fortement dépendant du Nil on peut dénombrer qui est la puissance régionale mais qui du fait de sa position géographique se trouve dans une situation de dépendance totale du bon vouloir des etats d'amont.

Et pourtant l'Egypte s'est toujours identifiée au Nil, ou disons le en plus simple le Nil a toujours été associé à l'Egypte, ceci se trouve corroboré par le fait que, pour envisager les problèmes du fleuve il faut partir de ce pays et y revenir, parce qu'il a été le seul utilisateur des eaux du fleuve durant quatre millénaires. Aujourd'hui, s'il en reste le principal usager il n'en a plus le monopole et de plus en plus il en perd le contrôle, alors que ses besoins en eau ne cessent de croître, ce qui n'est pas sans conséquence sur ses rapports avec ses voisins.

Le Nil est un fleuve complexe, ne fut-ce que par sa longueur (6 671 Km) et par la superficie de son bassin versant (2 850 000 km2), deux données qui contrastent avec la médiocrité de son débit mesuré à Khartoum, soit 2 500 m3/s. En fait, l'apport moyen annuel évalué à 84 km3 sur ce même site, peut varier de 34 (1947) à 120 km3 (1878) selon les années de faible ou forte hydraulicité. Et comme l'essentiel des débits s'écoule entre août et novembre avec un maximum marqué correspondant au mois de septembre, ces écarts se traduisent très vite par des étiages et des crues également catastrophiques. Ce régime contrasté dont les débits mensuels moyens mesurés à Khartoum varient entre 520 m3/s en mai et 8 500 m3 en septembre tient au fait que l'essentiel des débits se forme sur les hautes terres éthiopiennes qui, sont soumises à un régime tropical et alimentent le Nil bleu sans subir de déperdition, alors que le Nil blanc issu de la zone équatoriale dissipe l'essentiel de ses eaux par évaporation dans les vastes marais du Bahr el Ghazal, de Kenamuke et de Machar. Du moins, son maigre débit résiduel joue-t-il un rôle essentiel dans le maintien de l'écoulement entre les mois de février et de juin. Dans un bilan établi à l'échelle du bassin, le fait essentiel, celui qui prête à de multiples spéculations, est la déperdition de 53 km3 pour un apport théorique annuel de 137 km3, ce qui ne laisse au final que 84 km3 mesurés à l'entrée du territoire égyptien. Encore faut-il observer que bien avant la zone de confluence, la traversée de la zone désertique se traduit par une constante déperdition de sorte qu'à l'état naturel, on ne mesurerait que 63 km3 à l'apex du delta.

Analysé sous cette angle on voit que, le Nil ne peut pas ne pas être, catalyseur de conflits. En effet la forte nécessité pour ces pays de subvenir à leurs besoins en eaux de plus en plus volumineux, imposée par des impératifs de développement agricole et donc économiques, est un facteur qui ne facilitent pas une répartition raisonnable des eaux du fleuve. Voilà toute la problématique du partage des eaux du nil.

Ce problème que pose la gestion des eaux du Nil défini comme un fleuve international traversant dix États, n'est apparu que récemment et ceci dans la foulée de l'accession à la souveraineté internationale des etats de l'aire. La question centrale étant désormais la position de l'Egypte vis-à-vis de l'eau du Nil et de son partage.

Aussi bien le problème d'ensemble ne peut-il être abordé qu'en fonction de sa composante principale, l'Égypte qui est l'État le plus peuplé, le plus riche - encore que cette richesse soit toute relative - dans une cohorte de pays pauvres, le plus important par sa position stratégique qui lui confère le contrôle du Canal de Suez, celui dont l'armée est la plus puissante, celui qui utilise les eaux du Nil depuis plus de 4 000 ans et dont l'existence dépend totalement du fleuve, celui pourtant qui est non pas l'un des plus pauvres s'agissant de la dotation en eau par habitant, mais celui dont la position est la plus menacée du fait de sa situation en aval du bassin et sans autre ressource que les eaux venues d'amont et donc contrôlées ou du moins contrôlables par d'autres États. D'où l'acuité du problème des relations politiques de l'Egypte avec les autres etats du bassin nilotique.

En fait, dans l'imaginaire des Égyptiens, la représentation du Nil s'arrête aujourd'hui comme autrefois, à la seconde cataracte, celle d'Assouan, comme si ce qui se passe à l'amont, terres et hommes n'existait pas ou n'était que de minime importance. Cette représentation héritée de la tradition pharaonique et longtemps valable est pourtant devenue caduque à la fin du XIXe siècle, lorsque les Anglais ont introduit la culture irriguée du coton au Soudan et prélevé pour le système d'irrigation de la Djézireh une dotation de 2 km3 portée à 4 km3 en 1929 dans le cadre du Nile Water Agreement qui laissait à l'Égypte dans l'état des aménagements réalisés à l'époque, 48 km3.

À partir de 1956, le Soudan devenu un État indépendant a développé une politique de mise en valeur par grandes fermes mécanisées qui couvrent 2 millions d'hectares en 2002. Si l'intérêt économique de ces fermes n'est pas évident, elles n'en demandent pas moins de fortes dotations hydrauliques, d'où un conflit soudano égyptien, résolu provisoirement par les accords de 1959 conclus sur la base d'un partage annuel entre 18,5 km3 pour le Soudan et 55,5 km3 pour l'Égypte. Ces accords conclus entre les deux États d'aval et sans consultation des Etats d'amont ont été immédiatement dénoncés et tenus pour nul par ceux-ci. Par ailleurs, le nouveau partage de l'eau n'a été rendu possible que grâce à la construction d'ouvrages de stockage et de régulation des eaux permettant d'accroître les dotations initiales : Owen Falls (Lac Victoria) et Djebel Aulia sur le Nil blanc, Roseires et Sinnar sur le Nil bleu, Kashm-el-Djirba sur l'Atbara. Ces ouvrages dont certains ont été réalisés dans le cadre de l'administration britannique ce qui facilitait les prises de décision, ont tous été programmés avec l'accord de l'Égypte sous réserve d'un accroissement de sa dotation en eau. Il n'en va pas de même pour le barrage de Hamdab, en cours de réalisation à hauteur de la quatrième cataracte sur initiative soudanaise, sans accord avec l'Égypte et destiné à produire de l'énergie. Les modalités de son exploitation pourraient perturber la gestion du Haut barrage.

Depuis les accords de 1959, l'Égypte constate qu'elle utilise plus que sa dotation, soit près de 57 km3, alors que le Soudan a porté unilatéralement ses prélèvements à 20 km3. Le conflit potentiel résultant de cet état de fait rendu possible par quelques années de bonne hydraulicité, pourrait être réglé par la récupération des eaux perdues par évaporation dans les grands marais tropicaux, soit un total théorique de 45 km3 à prélever sur les bassins du Bahr el Djebel (14 km3), du Bahr el Ghazal (14 km3) et du Sobat-Machar (19 km3). Ces projets et les volumes qu'ils évoquent alimentent en Égypte des fantasmes de grandeur, mais leur mise en oeuvre s'avère illusoire. Sans parler du désastre écologique que représenterait l'assèchement de marais qui constituent les sites d'hivernage de l'avifaune européenne, il faut compter avec les implications politiques de projets comme celui du Jongleï. Il s'agit d'un canal à large section qui drainerait les eaux perdues dans le Sudd et le Bahr el Ghazal et les conduirait vers l'aval en recoupant la boucle du Nil entre Bor et Malakal. Entre autres avantages, cet ouvrage permettrait à des canonnières venues de Khartoum et du Nord islamiste, de gagner les provinces chrétiennes et insurgées du Sud tout en mettant la main sur les gisements pétroliers de ces lointaines régions. C'est pour parer à cette éventualité que les chrétiens du Sud, sans doute aidés par les Éthiopiens, ont saboté le chantier à deux reprises et mis fin à la réalisation du canal.

En tout état de cause, les projets et ouvrages réalisés dans le cadre des relations entre l'Égypte et le Soudan n'ont jamais été avalisés par les États d'amont, notamment l'Éthiopie qui fait valoir non sans raison, que sa population est passée de 17 à 68 millions d'habitants entre 1950 et 1962, qu'elle passera le cap des 100 millions avant 2025, et que l'accroissement de sa production vivrière constitue un enjeu vital pour son avenir immédiat. Or, dans l'état actuel des aménagements, l'Éthiopie qui fournit 86% des débits mesurés à Khartoum, n'utilise en l'an 2000 que 0,3% de cette eau pour arroser moins de 200 000 hectares. Ce constat l'autorise à concevoir de vastes aménagements portant sur 1,5 M°/ha en aval du lac Tana. Simultanément, le Soudan et l'Éthiopie s'accorderaient pour réaliser d'autres aménagements dans le cadre d'une Organisation pour l'aménagement du Nil bleu sans tenir compte des intérêts égyptiens. Ces projets soutenus par la Banque Mondiale et des donateurs parmi lesquels figurent l'Italie et Israël sont considérés comme autant de casus belli par l'Égypte qui, pour affirmer sa position, a organisé à plusieurs reprises des manoeuvres militaires près de la frontière soudanaise. Il ne semble pas pour autant que l'Éthiopie ait renoncé à sa politique de grands équipements qui mobiliseraient à terme de 4 à 8 km3 soustraits au contrôle des États d'aval. Afin de réduire la tension, la Banque Mondiale a proposé en 2001, de surseoir à la réalisation des grands projets et d'aider à l'aménagement, sur les cours supérieurs - donc éthiopiens - du Nil bleu et de l'Atbara, de petits réservoirs desservant des périmètres conçus à l'échelle des villages. Savoir ce que sera la durée de vie de ces petits réservoirs retenant des eaux boueuses ? Savoir également ce que sera la réaction égyptienne face à cette politique de grignotage d'une ressource sur laquelle elle maintient à tort ou à raison ses droits supposés?

L'Éthiopie n'est pas seule en cause, l'augmentation de la population et le désir de développement économique amènent ainsi les pays plus en amont à envisager d'exploiter à une plus grande échelle leurs ressources en eau : la Tanzanie, notamment, considère la possibilité de pomper d'importants volumes dans le lac Victoria pour irriguer 250 000 ha sur ses terres; l'Érythrée qui n'irrigue encore que 28 000 hectares, fait état de projets utilisant les eaux de l'Atbara ; en Ouganda, le gouvernement a fait appel à l'aide Israélienne, comme en Éthiopie, pour mettre en place des projets d'irrigation afin de contrer les effets de sécheresses si récurrentes dans cette aire. Avec le temps, les projets de mise en valeur des ressources du Nil se multiplient chez les pays riverains, au grand désarroi de l'Égypte, qui est certes la puissance dominante du bassin du Nil, mais aussi le pays le plus en aval, donc dépendant des décisions des pays d'amont. Force est de constater, dans les pays des Grands Lacs comme au Soudan et en Éthiopie, la très petite part des surfaces irriguées dans la surface agricole totale. On constate une tendance à l'augmentation des surfaces irriguées dans les pays du sud du bassin du Nil blanc :

Surfaces irriguées, en milliers d'ha au Sud du Nil Blanc

 

Kenya

Tanzanie

Ouganda

Burundi

1980

40

120

6

53

1985

42

127

9

66

1990

54

144

9

70

1995

73

150

9,1

74,4

1997

62

440

-

32

1999

67

157

9,1

74,4

Part dans la surface cultivée en 1999, %

1,8

2,4

0,2

9,3

Variation moyenne annuelle, 1980-1999

2,8%

1,4%

2,2%

1,8%

 
 
 
 
 

Sources : FAO Stats, 2001; pour 1997 : P. Howell et J. Allan (dir.), The Nile, Sharing a scarce resource, Cambridge University Press, Cambridge, 1994, p.132; Council of Ministers of Water Affairs of the Nile Basin States, Nile Basin Initiative, Shared Vision Program : Efficient water efficient water use for use for agricultural production, Entebbe, mars 2001;

L'Égypte voit avec inquiétude ces projets de mise en valeur foisonner depuis quelques années.Au total, ce sont près de 2,9 millions d'ha que les gouvernements des pays d'amont envisagent d'irriguer à moyen terme, près de 4,5 millions d'ici 10 à 15 ans, à partir de surfaces insignifiantes en 1980 et encore peu étendues en 1997. De tels projets, en supposant que des techniques d'irrigation plus efficaces soient introduites, nécessiteraient environ 25 milliards m.La désormais célèbre assertion de l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Égypte, Boutros Boutros-Ghali, trouve tout son sens dans un pareil contexte et à le don de résumer clairement la position officielle de l'Egypte : « La sécurité nationale de l'Égypte repose dans les mains des huit autres pays africains du bassin du Nil », aurait-il précisé au Congrès américain en 1989. Le Caire est pourtant, et de loin, le principal utilisateur des eaux du fleuve, alors que cette eau ne provient pas, pour l'essentiel, de son territoire. Au contraire, argumentent les éthiopiens, l'essentiel de l'eau du fleuve provient des hauts plateaux d'Éthiopie qui n'en retire pourtant qu'une faible partie : il ne serait que juste, selon Addis-Abeba, que la part de l'Éthiopie augmente quelque peu.Cette revendication éthiopienne a le don d'exacerber encore d'avantage la relation déjà explosive entre ces deux états; ce qui amena Boutros Boutros ghali à affirmer que : « La prochaine guerre dans notre région sera livrée pour de l'eau » Il faut tout de même noter que si une guerre devait advenir dans cette région, elle opposerait à priori les trois etats qui constituent ce qu'on appelle le bas bassin du Nil, à savoir l'Egypte-le Soudan- et l'Ethiopie. En effet les relations hydriques sont très tendues au sein de ce complexe du bas bassin du Nil. L'Égypte, nous l'avons vu, dépend des eaux du Nil à 97% et utilise déjà presque toute l'eau que lui apporte le plus long fleuve du monde (en provenance du Soudan, où le Nil bleu éthiopien s'unifie au cours du Nil blanc pour ne plus former qu'un seul fleuve). La crainte de voir ses deux voisins d'amont mettre davantage en valeur les eaux du bassin sur leur territoire respectif, et d'ainsi réduire la quantité d'eau traversant les frontières égyptiennes, a incité Le Caire à concevoir de nombreux projets d'intervention militaire contre l'Éthiopie (plan AIDA) ou contre le Soudan (plan Crocodile) et à montrer clairement qu'aucune menace à la sécurité hydrique égyptienne ne serait tolérée.

Ainsi en 1958, l'Égypte a entrepris une brève incursion militaire au Soudan. Vers 1985, des raids aériens auraient été planifiés par Le Caire contre le Soudan du fait de menaces perçues sur les eaux du Nil. En 1994, le Soudan s'est proposé de construire un nouveau barrage sur le cours du Nil. De grandes manoeuvres militaires à la frontière avec le Soudan ont signifié l'irritation égyptienne quant à l'implication de Khartoum dans la tentative d'assassinat du président Moubarak, mais aussi à l'endroit des projets d'aménagement hydrauliques soudanais. Des incidents de frontière ont en outre opposé les deux pays en 1998

L'Éthiopie quant à elle, si elle n'a pas été mise sous pression aussi concrètement et directement que le Soudan, c'est essentiellement parce qu'à ce jour elle n'a guère constituée une menace pour la sécurité hydrique égyptienne : Ceci peut s'expliquer par le fait, que l'Ethiopie depuis des décennies fait face à des guerres et des soubresauts internes, et qui l'ont jusqu'ici mis à genoux. Seulement depuis quelques années , l'Ethiopie semble doucement mais sûrement sortir de la spirale de conflits qui l'empêchait, jusqu'ici de mettre en exergue sa capacité d'impulser une économie forte, basée en premier ressort sur ses ressources naturelles , dont l'eau est l'une des plus importantes. En effet le Nil bleu prenant ses sources dans ce pays, il est clair que les autorités de ce pays mettront tout en oeuvre, pour valoriser cette précieuse ressource, par la mise sur pied de vastes programmes d'aménagements hydro agricoles. Ce qui à coup sur aura des conséquences sur les disponibilités hydriques des pays d'aval, notamment l'Egypte. Les tentatives de mise en valeur et de détournement des eaux du Nil bleu par l'Ethiopie a toujours constitué une pomme de discorde entre l'Egypte et l'Ethiopie.En effet le ton diplomatique entre ces deux pays concernant l'Eau, est extrêmement belliqueux, particulièrement venant de la partie éthiopienne.Dans un interview de mai 1997, le premier ministre éthiopien Méles Zenaoui déclarait que : « Nous nous servirons des eaux du Nil, qui sont sur notre territoire à notre guise et selon nos intérêts et capacités du moment ; nous n'irons en guerre à propos de ces eaux que lorsque des pays d'aval, (notamment l'Egypte) s'avisaient à vouloir conditionner l'utilisation qu'on fait de ces eaux. » Cette position est largement admise par l'opinion en Ethiopie, où l'hebdomadaire privé « Addis Tribune » a encouragé le gouvernement éthiopien, à développer tous les projets basés sur les eaux du Nil Bleu, mais aussi à maintenir en permanence une armée nationale entraînée et efficiente, pour protéger le pays contre une éventuelle agression liée à la question des eaux du Nil bleu. On voit dés lors la tension qui sévit au sein de ce bassin entre les trois états, qui constituent ce qu'on a appelé : « le complexe du bas bassin du Nil. »

Le Nil offre le cas exemplaire des difficultés auxquelles se heurtent les pays pauvres en mal de développement : une ressource limitée dans son potentiel, des problèmes alimentaires urgents et même dramatiques dans des pays en voie d'explosion démographique, des moyens financiers octroyés par des bailleurs de fonds étrangers, une dépendance très forte vis-à-vis des techniques importées depuis les pays riches, le tout induisant des conflits larvés qui pourraient bien devenir des conflits ouverts.

L'Égypte se situe au coeur de ces tensions multiples : ce pays est sans doute le seul parmi les États riverains du Nil, à disposer d'un corps de techniciens de très haut niveau, le seul également dont la paysannerie est théoriquement rompu aux techniques de l'irrigation, le seul enfin à disposer d'une armée qui surclasse celles des autres pays en compétition. Or, qu'en est-il au terme d'une quarantaine d'années durant lesquelles le pays a fourni un effort considérable pour maîtriser le fleuve et conquérir de nouvelles terres ? Les nouveaux rapports entre la terre et les hommes sont difficilement maîtrisés comme en témoignent le gaspillage de l'eau et la salinisation des sols ; l'autonomie alimentaire ne sera jamais acquise ; la dépendance vis-à-vis de l'étranger, institutions internationales, techniciens de tous ordres ou donateurs arabes génère des situations difficiles si ce n'est intolérable. On conçoit de reste la somme des frustrations qui affligent ce pays et l'incitent à revendiquer, sa longue tradition hydraulique aidant, un rôle prépondérant dans la gouvernance des eaux. En dépassant le cadre des données matérielles du problème, il apparaît enfin qu'aucun des autres pays riverains du Nil n'entretient avec le fleuve ce lien fusionnel qui est spécifiquement égyptien. La formule classique aut Nilus aut nihil est toujours valable et il se pourrait que l'Égypte mette en jeu son existence pour défendre ce qu'elle considère comme ses droits imprescriptibles. Aussi alarmistes que puisent paraître les prévisions des spécialistes, pour l'avenir de la ressource dans cette région, il est clair que cette région a conscience du fait, que pour utiliser de manière optimale la ressource commune et permettre à chacun des ayants droits d'avoir accès à la part qui est sienne sur les eaux du Nil, il faudra pour eux s'inscrire dans une dynamique de paix et trouver un terrain d'entente quant à la question des eaux du Nil. Forcément ils devront réussir là où les etats des bassins du Tigre et de L'Euphrate ont jusqu'ici échoué ; ils y sont économiquement et politiquement contraints pour relever les défis du développement qui à eux se posent ; il est impérieux pour les etats du Nil de créer une ambiance bassinale, autre que celle qui sévît dans ceux du Tigre et de l'Euphrate, qui sont des fleuves jumeaux du Nil.

La situation du bassin mésopotamien est différente de celle du bassin nilotique puisque la puissance économique et militaire dominante, le rôle tenu par l'Égypte dans le cas du Nil, est ici la Turquie, c'est-à-dire l'État le plus en amont. Conséquemment, bien qu'ils soient en conflit avec la Turquie, la Syrie et l'Irak ne peuvent sérieusement prétendre menacer militairement la Turquie. L'Euphrate et le Tigre, nés en Turquie dans les montagnes arrosées d'Anatolie orientale et leurs affluents venus de la chaîne du Zagros apportent l'eau et la vie dans les plateaux et plaines steppiques ou désertiques de Syrie et d'Irak. Ils permettent l'extension du "Croissant fertile" dans des zones où règne l'aridité. Dans cette région du Moyen-Orient, en plein accroissement démographique où la quête de l'eau a toujours été une préoccupation majeure, la lutte pour le développement implique un contrôle du débit des grands fleuves dont les apports sont capricieux, tumultueux, irréguliers. L'Euphrate, long de 2 700 Km, naît au nord du lac de Van. En fait, il résulte de la confluence de deux rivières: le Kara Sou (450 Km) qui prend sa source au mont Kargapazari à 3290 m. d'altitude et le Murat Sou (650 Km), qui a pour origine le mont Muratbasi à 3520 m. Après leur confluence, le fleuve dessine une grande courbe de 420 Km parsemée de gorges et de rapides et pénètre en Syrie où il s'encaisse légèrement dans un plateau désertique qu'il parcourt sur 680 km. Il n'y reçoit, en rive gauche, que deux affluents le Balikh et le Khabour. Puis il pénètre en territoire irakien qu'il va parcourir sur 1235 Km et, rapidement, c'est l'entrée dans la plaine mésopotamienne: il n'est plus alors qu'une artère d'évacuation et ne reçoit aucun affluent jusqu'à son embouchure dans le golfe Arabo-persique. En Basse Mésopotamie à partir de Samarra le fleuve se perd dans tout un réseau de marécages.

Le Tigre long de 1899 Km, prend naissance au sud du lac de Van coule en Turquie en franchissant comme l'Euphrate toute une série de gorges. Il ne pénètre pas en Syrie: il est fleuve frontalier sur 44 Km entre la Turquie et la Syrie. Il s'écoule ensuite directement en Irak où il reçoit en rive gauche de très nombreux affluents bien alimentés issus des monts Zagros notamment le Grand et le Petit Zab (392 et 400 Km), l'Adhaïm (230 Km) la Diyala (386 Km). Le Tigre arrose Bagdad qui n'est qu'à 32 mètres d'altitude alors qu'il lui reste 550 Km à parcourir. En Basse Mésopotamie, en aval de Kut, il s'étale en d'immenses marécages avant de rejoindre l'Euphrate à Garmat Ali.

Les eaux mêlées des deux fleuves constituent sur 170 Km environ le Chatt el Arab qui débouche dans le golfe Arabo-persique. Le Chatt el Arab reçoit en rive gauche, les eaux abondantes, tumultueuses et limoneuses du Karun (16 milliards de m3), au parcours entièrement iranien.

Les régimes des deux fleuves sont très comparables: ils sont de type pluvionival, marqués par les pluies méditerranéennes de saison froide et la fonte des neiges des montagnes du Taurus en Turquie orientale et du Zagros. Partout un étiage marque la fin de la saison chaude (juillet, septembre), la montée des eaux se situe en automne et en hiver dès novembre et on enregistre de très hautes eaux de printemps (fin mars ou avril). Ces données hydrographiques sont très différentes de celles du Nil: les hautes eaux sont moins abondantes et surtout ce sont des crues printanières, trop tardives pour les cultures d'hiver, trop précoces pour les cultures d'été. D'une façon générale, il y a déphasage entre les périodes de hautes et basses eaux et les phases de cultures. Les hautes eaux du printemps gênent les moissons des céréales (blé et orge) et les ravagent parfois dans la plaine mésopotamienne. Elles entravent aussi les travaux agricoles des cultures d'été. Par contre la période des basses eaux de juillet à novembre correspond à celle où l'agriculture a le plus grand besoin d'eau.

Les écoulements du Tigre et de l'Euphrate présentent trois grandes caractéristiques :

ü Leur irrégularité est très forte et revêt un double aspect.

L'irrégularité est saisonnière. 53 % des écoulements s'effectuent en trois mois (mars, avril, mai). Les étiages estivaux sont très prononcés: 300 m3/s pour l'Euphrate à l'entrée en Irak alors que le débit moyen est de 830 m3/s et pour le Tigre à Bagdad respectivement 360 m3/s et 1410 m3/s. Inconvénient majeur, ces étiages se placent à la fin de l'été (août et septembre) alors que les besoins en eau pour l'agriculture sont encore élevés. A la différence du Nil, le Tigre et l'Euphrate n'opèrent pas ce miracle d'apporter une eau étrangère dans le désert au moment où il est le plus chaud, le plus desséché. L'irrégularité est aussi interannuelle. Déjà, en amont, en Turquie, le module annuel peut varier dans le rapport de 1 à 4 aussi bien pour le Tigre que pour l'Euphrate. Plus en aval, les écarts sont à peine atténués. Le débit moyen annuel peut varier dans de fortes proportions. A son entrée en Syrie l'écoulement annuel moyen de l'Euphrate est de 28 km3 (certains auteurs turcs avancent le chiffre de 31 km3). Au cours des périodes de sécheresse 1958/1962 et 1970/75, l'écoulement annuel n'a été respectivement que de 15 km3 (49% de l'écoulement moyen) et 16 km3 (62% de l'écoulement moyen!). Par contre, au cours de l'année humide de 1969 le débit annuel s'est élevé à 58 km3. A Hit, en Mésopotamie les deux extrêmes enregistrés sur les rives de l'Euphrate ont été de 12 km3 en 1930 et 35 en 1941.

Des constatations analogues peuvent être enregistrées pour le Tigre à Bagdad avec 16 km3 en 1930 et 52 en 1946. En outre, d'une année à l'autre, hautes eaux et étiages peuvent être décalés. Les hautes eaux peuvent être avancées dès janvier; en fait, elles peuvent se placer durant une période de 5 mois. De même, les étiages peuvent s'étaler jusqu'en décembre.

ü L'ampleur et la brutalité des crues sont spectaculaires.

Alors que le débit moyen du Tigre est de 1410 m3/s à Bagdad, le fleuve a enregistré des crues de 13 000 m3/s. La crue maximale théorique est de 26 000 m3/s après le confluent du Tigre et de la Diyala. Les crues du Tigre sont particulièrement redoutables car il peut y avoir simultanéité entre les hautes eaux du fleuve et celles de ses affluents. Pour l'Euphrate à Hit, ces valeurs sont respectivement de 775 et 5 200 m3/s. La crue maximale théorique est estimée à 8 000 m3/s. Ces crues sont très supérieures aux possibilités d'évacuation des lits qui ne dépassent pas 2 000 m3/s pour l'Euphrate et 8 000 pour le Tigre. La gravité de ces crues est renforcée par le fait qu'elles se produisent dans un véritable delta intérieur où les chenaux des fleuves sont sujets à des variations constantes et où il n'existe aucune vallée au sens topographique du terme. Les fleuves charrient des quantités énormes de matériaux: pour le Tigre l'alluvionnement annuel est estimé à 50 millions de tonnes.

Nous sommes bien loin des conditions égyptiennes où une vallée très nettement encaissée guide, canalise l'écoulement de la crue. Aussi déviations et changements de cours apparaissent-ils comme la norme. L'insécurité est le lot des fellah mésopotamiens: les ravages des fleuves peuvent réduire à néant le travail humain, digues et canaux d'irrigation. On garde le souvenir de la crue de 1831 du Tigre qui en une nuit emporta Bagdad et anéantit 7 000 maisons.

ü Le débit décroît de façon notable d'amont en aval, notamment en Mésopotamie.

A l'entrée en Syrie, le débit annuel moyen de l'Euphrate est, on l'a vu, de 28 km3. Le débit diminue légèrement pendant la traversée syrienne, les apports du Khabour (1,6 milliards de m3/an) et du Balikh (150 millions de m3/an) ne compensent pas l'évaporation durant la traversée, il n'est que 26 km3 à la frontière irakienne. Il s'affaiblit considérablement en aval en raison de l'évaporation et de la difficulté de l'écoulement: il n'est plus que de 14 km3 à Nasiriya.

Le Tigre, lors de son entrée en Irak, a un débit annuel de 18 km3 mais, à l'inverse de l'Euphrate, il s'enrichit considérablement avec les apports des affluents venus du Zagros: Grand Zab: 13,1 km3, petit Zab: 7,2 km3, Adhaïm, Diyala: 5,4 km3 (Figures 1 et 2). Ces apports marquent très fortement le régime du Tigre: cours d'eau montagnards à forte pente, ils transportent une très importante charge alluviale et comptent des crues fréquentes, brutales et violentes. En aval de Bagdad le débit annuel moyen s'élève à 46 km3 mais pour les mêmes raisons que l'Euphrate, il n'est plus que de 7 km3 à Amara en Basse Mésopotamie et 2,5 km3 à Qalat Saleh.

L'examen de ces données hydrologiques de base fait bien apparaître la difficulté à mobiliser les eaux. L'harnachement du Tigre et de l'Euphrate s'impose si l'on veut non seulement se protéger des inondations mais aussi assurer l'alimentation d'une population qui pour les trois pays concernés a plus que triplé en 50 ans passant de 29 millions d'habitants en 1950 à 104 millions d'habitants en 2000. Il est indispensable de mettre en valeur des terres incultes jusqu'alors faute d'eau. Il est nécessaire de maîtriser les écoulements, de régulariser les débits si l'on veut fournir à l'agriculture l'eau nécessaire au moment souhaitable.

Par ailleurs les aménagements hydrauliques ont progressé de l'aval à l'amont ce qui ne simplifie pas les rapports entre pays riverains. Les pays d'aval souhaitent que les aménagements amont les plus récents ne compromettent pas les réalisations antérieures, bref que leurs "droits acquis" soient sauvegardés, et ce d'autant plus les réalisations en question ne sont pas des ouvrages communs aux trois états.

En effet chaque état s'est inscrit dans une dynamique chauvine d'aménagement de ces deux grands fleuves, sans concertation aucune avec les autres états du bassin.Chaque état a mis sur pied des projets gigantesques, pour la maîtrise des eaux de ces capricieux fleuves, projets qui ont pris des décennies pour se matérialiser. Et dans cette course à l'aménagement l'Irak a la primauté, puisque ses efforts d'aménagements sont moins récents, que ceux de la Syrie ou encore de la Turquie.

L'aménagement hydraulique de la Mésopotamie remonte à un passé ancien. Sous l'empire arabe abbasside la maîtrise de l'eau était assurée mais par la suite l'abandon fut la règle. Ce n'est qu'au début du XXième siècle que l'on envisage sérieusement de discipliner définitivement le Tigre et l'Euphrate. La première tentative remonte à la période ottomane quand, en 1911, la Sublime Porte fait appel à un expert britannique William Willcocks qui avait acquis une solide expérience aux Indes et en Égypte. Sous le Mandat britannique, un département de l'irrigation est créé; les premiers travaux inspirés des plans de Willcocks sont entrepris. En 1950 le Bureau de l'équipement qui bénéficie des premiers financements d'origine pétrolière impulse une réelle dynamique à l'entreprise. L'Irak moderne tout au long de la deuxième partie du siècle écoulé n'a cessé de poursuivre et d'amplifier l'oeuvre ainsi initiée. On peut distinguer trois périodes dans ce chantier de longue haleine.

Dans un premier temps, entre les deux guerres, des barrages de dérivation sont édifiés: ils orientent les eaux vers des canaux d'irrigation. Le barrage d'Hindiya sur l'Euphrate est construit de 1911 à 1913 et modernisé en 1927. Sur le Tigre on réalise le barrage de Kut de 1937 à 1939 et celui de Muqdadiya sur la Diyala (Figure 2). De ces barrages partent toute une série de canaux qui permettent l'extension de l'irrigation. Les progrès de l'occupation du sol sont rapides: on passe de 1 700 000 hectares irrigués à 3 000 000. Dans cette phase de l'expansion une place capitale est tenue par les procédés d'irrigation individuels: machines élévatoires (norias) et surtout les pompes à moteur qui en 1950 ont en grande partie supplanté les engins traditionnels.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le dispositif se complète: on veut protéger la plaine des inondations. À partir du barrage de Ramadi (achevé en 1956), les crues de l'Euphrate sont détournées vers les dépressions naturelles d'Habbaniyya et d'Abu Dibis dont les capacités de stockage s'élèvent à 6,7 milliards de m3 (Figure 1) Les eaux du Tigre sont orientées vers l'immense dépression endoréiques de l'oued Tharthar (85 milliards de m3) grâce au barrage de Samara (1956) (Figure 1). Le contrôle des eaux du Tigre et de l'Euphrate est désormais assuré. La dernière crue destructrice date de 1954.

Dans une nouvelle phase, on cherche à lutter contre l'irrégularité interannuelle en construisant des barrages de retenue en dehors de la plaine mésopotamienne soit sur le plateau de la Djézireh irakien, soit dans les régions montagneuses parcourues par les affluents de rive gauche du Tigre. Un stockage de 40 milliards de m3 est prévu grâce à 6 barrages qui sont aussi producteurs d'électricité. Tel est le cas du barrage d'Haditha sur l'Euphrate, achevé en 1985. Sur le Tigre avait été construit antérieurement le barrage d'Eski en amont de Mossoul. Dans les montagnes du Zagros, le long des affluents du Tigre, 5 sites ont été retenus : 2 sur la Diyala (Muqdadiya, Hamrin, Darbadikhan), un sur le Grand Zab (Bakhma), un sur le petit Zab (Dukan) Il est bien difficile de faire le point. Il semble que seuls quatre de ces barrages soient actuellement achevés. Dans la même perspective, le canal Tharthar-Euphrate permet depuis 1976 de réutiliser les eaux accumulées dans le lac Tharthar et de pallier dans une certaine mesure la faible alimentation de l'Euphrate après les travaux entrepris en amont en Syrie et en Turquie. L'aménagement des deux grands fleuves du Moyen-Orient, dans leur partie irakienne, est donc en passe de s'achever. Près de 90 % des eaux mobilisées sont destinées à l'agriculture dont les besoins n'ont cessé de croître au rythme de l'accroissement démographique d'un pays : 4,5 millions d'habitants en 1947, 10 en 1972, 24 actuellement ! 19 milliards de m3 ont été prélevés en moyenne annuelle pour la période 1940-49, 28 entre 1950 et 1959, 49 actuellement !

Ces deux dernières décennies la Syrie d'abord et la Turquie ensuite ont entrepris la construction d'importants barrages en amont sur l'Euphrate qui entraînent des incertitudes sur les disponibilités en eau dont pourra disposer l'Irak. Le barrage de Tabqa sur l'Euphrate et l'équipement du Khabour. Opération symbole à laquelle s'identifie le régime alaouite, la construction du barrage de Tabqa en Syrie a été conduite de 1968 à 1976 avec l'assistance soviétique. Ce barrage-poids crée une retenue, le lac Assad, qui couvre 640 km2 et emmagasine 12 milliards de m3. La puissance installée permet de produire 5,6 TWh, mais l'intérêt principal du barrage est d'augmenter les superficies irriguées en Djézireh. Le barrage régulateur al Bath complète le dispositif tandis que, plus en amont, le barrage de Tichrin (1991) a une finalité purement énergétique.

L'irrigation en Syrie

Le projet, dont la mise en oeuvre souffre de nombreux retards, prévoyait l'irrigation de 640 000 ha nouveaux répartis en six grandes zones, le long de l'Euphrate jusqu'à la frontière irakienne et le long des deux affluents de rive gauche, le Balikh et le Khabour. On vise à irriguer 450 000 hectares de terres sèches sur la steppe et à bonifier le long des rives de l'Euphrate 160 000 hectares de terres déjà irriguées. Ainsi, les superficies irriguées syriennes pourraient être doublées. Le système agricole de la vallée de l'Euphrate pourrait être intensifié. Les rendements des cultures traditionnelles (blé, orge et coton) devraient être améliorés, de nouvelles cultures introduites : plantes fourragères, légumes, riz et surtout betterave à sucre (AYEB 1998).

Après quinze années d'efforts, le bilan des réalisations n'est pas à la hauteur des espérances initiales. L'intensification des systèmes de culture est lente à venir. La mise sous irrigation se heurte à de très sérieux problèmes techniques: salinisation des terres due au surpompage, trop forte concentration de gypse dans le sol, affaissement des canaux d'irrigation, pertes d'eau d'irrigation en réseau de l'ordre de 50%! 240 000 hectares sont, en principe, bonifiés mais l'irrigation effective concerne seulement 100 000 hectares actuellement. L'objectif fixé ne sera certainement pas réalisé. Les nouveaux colons, qui sont astreints à un système contraignant de coopératives, se recrutent avec difficulté: une nouvelle paysannerie a du mal à s'enraciner.

L'aménagement de la haute vallée du Khabour doit compléter le dispositif mis en place dans la vallée de l'Euphrate. Le plan vise à l'irrigation à terme de 360 000 hectares (moins de 100 000 le sont actuellement). Il repose sur deux types d'intervention. D'une part une dizaine de petits barrages et de prises d'eau ont été réalisés le long des petits affluents de la section amont du Khabour. La retenue globale pour cet ensemble est de 100 millions de m3. Par ailleurs, l'aménagement de la haute et de la moyenne vallée du fleuve se poursuit actuellement à une autre échelle. Trois ouvrages de moyenne capacité sont achevés: le barrage d'Hassaké-ouest a une capacité de retenue de 91 millions de m3, celui d'Hassaké-est 232 millions de m3 et celui du Khabour en moyenne vallée a une retenue beaucoup plus importante: 665 millions de m3. Au total c'est plus du milliard de m3 qui sont ou vont être mobilisés dans cette vallée du Khabour.

Enfin le long du cours frontalier du Tigre, les Syriens envisagent l'aménagement de stations de pompage pour la fourniture d'eau potable des villes de la région.

Au total, les infrastructures réalisées au cours de ces deux dernières décennies par la Syrie le long de l'Euphrate et de ses affluents autorisent une mobilisation d'au moins 13 milliards de m3. Tout ne sera pas utilisé pour l'irrigation mais plusieurs milliards de m3 viendront en déduction du débit actuel de l'Euphrate à son entrée en Irak. En même temps, symétriquement les Turcs, plus en amont, procèdent à la mobilisation d'énormes volumes d'eau ce qui ne sera pas sans effet sur le débit de l'Euphrate à son entrée en Syrie et par voie de conséquence en Irak. En effet la Turquie a compris que désormais la valeur acquise par l'eau, dans les rapports internationaux est fondamentale, et que sa position géographique dans le bassin du Tigre et de l'Euphrate était pour elle une clef pour ses velléités hégémoniques dans cette partie du Moyen-orient, aussi à l'instar de l'Irak et de la Syrie, la Turquie met sur pied un projet ambitieux d'aménagement et de contrôle des eaux du Tigre et de l'Euphrate ;ce projet surnommé le GAP (Güneydogu Anadolu Projesi) L'Euphrate représente, à lui seul, environ 45% du potentiel hydroélectrique de la Turquie. A partir d'un aménagement hydraulique du Tigre et de l'Euphrate, le Programme Régional de Développement de l'Anatolie du Sud-est vise à un développement intégré d'une vaste zone de 75 000 km2 incluant 6 départements d'Anatolie orientale peuplés de 6 millions d'habitants. La phase de réalisation est déjà largement entamée (MEHMETCIK 1997-OLCAY ÜNVER 1997-NAFF & HANNA 2002). Ce projet colossal est illustré à la figure ci suite :

Le Güneydogu Anadolu Projesi (GAP)

Sur l'Euphrate, le barrage de Keban -le plus en amont- dont la retenue est de 30 milliards de m3 est terminé depuis 1974; il fournit exclusivement de l'électricité (1,2 TWh). Le projet global, en aval de Keban, est beaucoup plus ambitieux. Une gigantesque opération hydraulique se décompose en treize sous projets: sept sur l'Euphrate et ses affluents et six dans le bassin du Tigre. Une dizaine de centrales hydro-électriques produiront 26 TWh, dont 8,1 pour Atatürk et 7,3 pour Karakaya.

Le barrage Atatürk, la pièce essentielle, (48 milliards de m3, soit deux fois le module moyen annuel du fleuve) est entré en service en 1992 et, depuis, ont été achevés d'autres barrages notamment Karakaya.et Birecik sur l'Euphrate, Ilisu sur le Tigre.

L'eau ainsi mobilisée doit allier la production d'énergie et l'irrigation. Sur une superficie cultivée de 3 000 000 hectares, 1 700 000 seront irrigués et consommeront 22 milliards de m3 d'eau/an. A partir de la retenue Atatürk, le tunnel hydraulique le plus long du Monde permettra l'écoulement de 328 m3/s (le tiers du débit de l'Euphrate) et l'irrigation de la plaine d'Urfa-Harran. Des canaux assureront, en outre, un transfert sur plusieurs dizaines de kilomètres de l'eau nécessaire à l'irrigation des régions limitrophes de la Syrie et notamment la plaine de Mardin-Ceylanpinar. Des pompages à partir de retenues le long du Tigre permettront la conquête de nouvelles superficies irriguées plus à l'est. Actuellement, la production électrique atteint 16 TWh et 120 000 hectares sont effectivement irrigués et 200 000 prêts à l'être. Quand tous les projets (22 barrages capables de stocker 110 milliards de m3: 101 sur l'Euphrate, 9 sur le Tigre et 19 centrales) qui intéressent aussi bien la vallée de l'Euphrate que celle du Tigre viendront à terme, on estime qu'entre 17 et 34% du débit sera absorbé. Si tout se passe comme prévu le débit de l'Euphrate en Syrie devrait être réduit de 11 milliards de m3 et celui du Tigre de 6. En outre, les risques de pollution en aval sont prévisibles (NAFF & HANNA 2002). Les eaux usées du GAP vont se déverser dans la zone où se forme la source du Khabour, l'affluent syrien de l'Euphrate. On peut deviner la vigueur des réactions syrienne et irakienne.

La politique gouvernementale en faveur de l'Est s'est concentrée sur ce projet gigantesque, érigé en véritable mythe du développement national. Le GAP est pour les autorités turques conçu comme une solution au sous développement de la partie kurde du pays et une réponse économique aux demandes d'autodétermination de ses habitants. Les effets d'impact sont assez spectaculaires. Le projet, qui inclut le transfert de la population de plusieurs centaines de villages et de la petite ville de Samsat, l'antique Samosate, et plusieurs dizaines de chantiers de fouilles archéologiques de sauvetage, est considérable. Le coût total est estimé à 32 milliards de $ US, soit le 1/5 du PNB annuel du pays. On souhaite donc rentabiliser au mieux ces investissements, en substituant à la céréaliculture extensive une agriculture irriguée intensive tournée vers les cultures industrielles, en premier lieu le coton. L'irrigation permettra aussi l'augmentation du rendement des céréales et des vergers et l'introduction de nouvelles cultures: soja, maïs, arachide, riz. L'électricité des barrages doit alimenter de nouvelles usines sur place au lieu d'être expédiée vers l'Ouest industrialisé. L'amélioration de l'habitat rural et le développement d'activités touristiques sont également programmés. Le but de ce plan ambitieux est d'arrêter le flux d'émigration en fixant la population avec des activités économiquement efficaces. Son achèvement est prévu pour 2013.

On devine aisément que tous ces aménagements viennent perturber le partage traditionnel des eaux entre les trois pays, déjà ceci préfigure un partage très difficile des eaux des deux fleuves.En effet Avec la poursuite des aménagements hydrauliques dans les cours syrien et turc du Tigre et surtout de l'Euphrate, les relations entre Etats, déjà fort délicates dans cette partie du Moyen Orient, se compliquent dangereusement. La question du partage de l'eau se greffe sur les autres questions en suspens (question kurde, non reconnaissance de certains tracés frontaliers) et contribue sérieusement à aggraver le contexte géopolitique. Les deux pays arabes d'aval: la Syrie et l'Irak se trouvent placés dans une inconfortable position de dépendance à l'égard de la Turquie (tableau 1). L'Euphrate, le Tigre et ses affluents coulent bien en Irak mais ils sont alimentés par des précipitations extérieures: 70% de l'alimentation est turque, 7% iranienne et 23% seulement irakienne. Cette situation ne posait pas de problème jusqu'alors dans la mesure où l'Irak était, de fait, le seul utilisateur. Il n'en est pas de même aujourd'hui avec les réalisations syriennes et turques.

 

Répartition de la superficie des bassins et du volume des débits (en %) entre les pays riverains du Tigre et de l'Euphrate (Beschomer 1992)

Cette situation n'est pas sans conséquences ; ainsi on dénombre pas mal de frictions entre non seulement la Turquie et les deux etats d'aval, à savoir la Syrie et l'Irak, mais également entre ces deux etats qui se disputent les eaux de l'Euphrate.Ainsi les crises interétatiques sont légion.

Elles ont été fort nombreuses depuis une trentaine d'années. Elles opposent évidemment la Turquie aux deux autres pays arabes. Mais les frères arabes ennemis (Syrie et Irak) s'opposent aussi violemment entre eux. Les premières discussions entre États riverains remontent à la décennie 1960. Une réunion tripartite de 1965 aboutit à un échec.

La construction du barrage de Tabqa a provoqué une vive réaction de la part de l'Irak d'autant plus, qu'au même moment, la Turquie mettait en eau le barrage hydroélectrique de Keban. L'Euphrate fournit en effet 37% des eaux d'irrigation de l'Irak. Le remplissage du lac Assad priva temporairement l'Irak d'une partie des eaux de l'Euphrate mais les évaluations des deux pays diffèrent. L'Irak prétendait n'avoir disposé en 1975 que de 9,4 milliards de m3 (moins du 1/3 du débit habituel) alors que la Syrie avançait le chiffre de 12,8 milliards de m3 l'équivalent de la consommation annuelle de l'Irak à l'époque. Devant la détérioration des relations entre les deux pays une médiation saoudienne fut tentée mais le projet saoudien de répartition proportionnelle des eaux n'eut jamais de suite. Il fallut l'intervention soviétique pour que la Syrie accepte de laisser s'écouler une quantité d'eau supplémentaire. Pendant la période de sécheresse des années 1980, l'Irak accusa plusieurs fois la Syrie de retenir les eaux de l'Euphrate. Les tensions entre la Turquie et ses voisins arabes sont récurrentes. Avec la Syrie, elles sont les plus fortes. La Turquie établit un lien avec le problème de l'Oronte. Entre la Turquie et la Syrie il existe, en effet, un contentieux de fond lié à l'annexion du Sandjak d'Alexandrette devenu le Hatay turc. En 1939, la France, puissance mandataire en Syrie, céda le Hatay à la Turquie pour s'assurer sa neutralité dans le conflit à venir avec l'Allemagne. La Syrie n'a jamais reconnu cette annexion du Sandjak d'Alexandrette parcouru par la partie aval de l'Oronte. L'eau de l'Oronte est actuellement, dans la partie amont du fleuve, mobilisée par la Syrie à plus de 90%. Depuis 1964, la Turquie propose à la Syrie un accord sur tous les cours d'eau communs aux deux États, en particulier sur l'Oronte, ce qui reviendrait à une reconnaissance syrienne indirecte de la souveraineté turque sur Alexandrette. Damas qui persiste dans sa revendication du Sandjak d'Alexandrette n'obtient pas de règlement satisfaisant à propos de l'Euphrate.

Plus récemment la décision unilatérale de la Turquie d'entreprendre le GAP a été perçue par ses voisins d'aval comme agressive et indélicate. La construction du barrage de Keban suscite, en 1972, des protestations officielles de la Syrie non pas à cause d'une baisse effective du débit (le barrage produit de l'électricité et doit régulariser le fleuve) mais parce que la Turquie démontrait qu'elle était capable de contrôler l'Euphrate en amont. L'affrontement le plus sérieux qui opposa la Turquie et ses deux voisins eut lieu lors du remplissage du lac de retenue du barrage Atatürk au début de 1990. La Turquie est accusée non sans raison de ne pas avoir honoré les engagements antérieurs (celui de 1987). Il y a eu effectivement rupture de l'alimentation en eau de l'Euphrate durant le mois de janvier 1990. En Irak, l'interruption de l'écoulement a conduit à une perte de 15% des récoltes. Récemment le désaccord a été manifesté à propos de la construction du barrage de Birecik (figure 4)

L' " arrangement " de 1987

Il n'existe aucun traité tripartite sur l'exploitation et la répartition des eaux entre les États riverains du bassin du Tigre et de l'Euphrate. Le traité de Lausanne de 1923 contenait une clause stipulant que la Turquie devait consulter l'Irak avant d'entreprendre des travaux hydrauliques. En 1962, la Syrie et l'Irak créèrent une commission mixte mais son rôle resta limité du fait de l'absence de travaux hydrauliques importants. Vers 1972/73 les deux mêmes pays firent des tentatives infructueuses pour négocier un accord sur l'Euphrate. L'imprécision du droit international en ce domaine ne facilite pas les choses.

Le seul arrangement consenti par la Turquie, en 1987, est un accord bilatéral avec la Syrie portant sur les quotas, la Syrie reçoit 500 m3/s (soit 15,75 milliards de m3-an) alors que le débit naturel de l'Euphrate à l'entrée en Turquie est de 28 milliards de m3-an. Un autre accord bilatéral syro irakien (avril 1990) prévoit une répartition proportionnelle des eaux de l'Euphrate entre les deux pays (42% pour la Syrie, 58% pour l'Irak) quel que soit le débit du fleuve soit en année "normale" 6,6 milliards de m3 pour la Syrie et 9 pour l'Irak.

Toutefois les crises ont été nombreuses entre les trois pays concernés que ce soit avant ou après la signature de ces accords.

B--Le JOURDAIN, Point d'Achoppement

Du Contentieux ISRAÉLO-ARABE

L'avènement de l'Etat d'Israël le 14 mai 1948 donna lieu à une violente réaction de la Ligue des Etats arabes qui passa à l'offensive dès le lendemain et entreprit une invasion du territoire israélien laquelle se termina par une large défaite des assaillants : au soir de l'armistice du 7 janvier 1949, Israël avait consolidé son assise territoriale, désormais étendue au Néguev dans le sud, et à la Galilée dans le nord. Lors de cet affrontement, Israël s'est d'autre part rendu maître des sources du Dan, du triangle du Yarmouk et de la rive occidentale du Jourdain, excepté en Palestine centrale (Cisjordanie), occupée et annexée par la future Jordanie. Cet événement majeur, outre la portée politique et la charge symbolique qui l'ont accompagné, a provoqué un bouleversement démographique et hydro stratégique sans précédent dans le bassin du Jourdain.Depuis lors certains spécialistes ont commencé à penser cet affrontement israélo-arabe, non plus simplement en termes politiques, mais aussi et surtout en un conflit qui à de forts relents hydrostratégiques.La question étant alors pour nous de savoir : Quel est le rôle politique de l'eau dans les relations entre les pays de la région moyen-orientale ? Autrement dit quelle est la place qu'occupe l'Eau dans la géopolitique de la région ? Il nous faut jauger le poids de la ressource eau, dans le conflit Israélo-arabe.

Pareil labeur requiert de nous, le recours à plusieurs approches toutes aussi différentes les unes que les autres ; mais qui se trouvent toutes enchevêtrées et qui ne peuvent rendre compte de la complexité de la question, que combinées les unes aux autres.

Ainsi sans aucune équivoque on peut affirmer que le conflit Israélo-arabe a des relents politiques, économiques, geoplitiques, religieux et culturels, d'où la nécessité de recourir à ces analyses pour pouvoir saisir les données fondamentales de ce conflit, et les profondes raisons de sa persistance

La réalité est que l'eau est sinon l'enjeu fondamental, du moins l'une des questions incontournables dans l'explication de l'exacerbation et de la persistance du conflit Israélo-Arabe.Le contrôle du Jourdain a toujours été au centre des aspirations du peuple juif et ce avant même la naissance de l'Etat d' Israél. En effet au cours de la première guerre mondiale, dans le cadre des réflexions engagées pour la création d'une entité territoriale juive en Palestine, les sionistes anglais multiplièrent les tractations secrètes avec des représentants du gouvernement britannique afin d'obtenir que cette future entité intègre à l'intérieur de ses frontières les lits de l'ensemble des affluents du Jourdain. Pour ce faire, la frontière Nord devait être marquée par le cours EST-OUEST du Litani. La Déclaration Balfour de 1917 entérina bien l'idée d'un « foyer national juif en Palestine », mais la question des frontières resta en suspens et à la conférence de San Remo, le 25 avril 1920, les frontières Nord furent tracées en respectant les relevés des cartes d'état major du corps d'occupation français : le futur foyer juif n'avait alors aucun droit sur le Litani. De même, il fut décidé à San Remo, que le Jourdain formerait la frontière entre la Palestine et le futur Etat arabe autonome de Transjordanie, ce qui a constitué une nouvelle désillusion pour les sionistes, soucieux depuis lors de préserver leurs ressources hydriques et d'assurer leur sécurité alimentaire.

Si l'importance de l'eau et les difficultés qu'il y aurait à la partager équitablement furent évoquées officiellement pour la première fois en 1919 lors de la Conférence de la Paix de Paris, plusieurs études furent entreprises dès le XIXe siècle, pour déterminer les conditions dans lesquelles un partage territorial pourrait s'opérer au regard des ressources disponibles.

Sur le plan géographique, une lecture objective permet de saisir le pourquoi de la prégnance de ce conflit. Ainsi Raya Stephan donne une lecture limpide des enjeux de la question sous l'angle géographique : « Le Jourdain est situé dans une zone aride et semi-aride appelée par les hydrologues Water Stress Zone, ou tranche critique, c'est-à-dire une zone de fort déficit hydrique.Il trouve sa source dans trois affluents : le fleuve Hasbani du Liban, le fleuve Banias du Golan et enfin le fleuve Dan d'Israël ; Les trois fleuves se rejoignent dans le bassin du Huleh. De là, le Jourdain poursuit son chemin en territoire Israélien avant de se jeter dans le lac Tiberiade.A la sortie du lac, le Jourdain est rejoint par son principal affluent, le Yarmouk, qui vient de Syrie et qui forme une frontière naturelle entre la Jordanie et la Syrie d'abord, et ensuite une frontière naturelle entre Israël et la Jordanie.Avant 1967, le Jourdain poursuivait son cheminement en territoire jordanien, pour terminer sa course dans la Mer Morte. Depuis la guerre des six jours en 1967, il constitue la frontière entre la Jordanie et les territoires occupés. Outre le fleuve lui même et ses affluents, le bassin du Jourdain comprend d'autres sources d'eau : le lac Tibériade et le fameux aquifère de la montagne située au coeur de la Cisjordanie. Ce bref descriptif géographique montre que le bassin du Jourdain regroupe quatre Etats : Israél, la Jordanie, le Liban et la Syrie auxquels il faut rajouter les palestiniens qui sont riverains sans être encore vraiment souverains »

Pour la Jordanie, le Liban, la Syrie mais aussi pour la Palestine et surtout pour Israél, le bassin du Jourdain est un enjeu vital car il constitue pour tout ces états, la principale source de ravitaillement en eau.Cet état de fait est corroboré par Ythsak Rabin qui dans l'un de ses derniers discours estiment que : « Israél a besoin des garanties les plus solides quant à la question de l'eau ; car précise t-il pour les Israéliens, l'eau est beaucoup plus importante que la paix »

La prégnance des conflits autour de la question de l'eau dans cette région s'explique par plusieurs raisons ; en effet le pire des scénarios peut se produire si l'on considère l'équation :croissance démographique plus tarissement des sources, la population de la région aura doublé d'ici 25ans , les sources aquifères ne sont pas renouvelables , le niveau pluviométrique diminue et l'évaporation s'intensifie,alors l'agriculture qui consomme entre 75% et 90% de l'Eau disponible est soit trop archaïque et trop dispendieuse, ou alors trop ambitieuse ( produire dans le désert).Ce qui est particulièrement inquiétant , c'est que dans cette région , l'interaction entre la question de l'eau et les facteurs géopolitiques ( ambitions territoriales, impératifs de politiques de l'autosuffisance agricole, absence de marché commun et d'approche commune de développement) empêche le recours à des solutions techniques et developpementale.

Le défi hydro politique majeur à surmonter dans cette région est sans nul doute, celui de remédier à la pénurie croissante :

Tous les pays de la région sont caractérisés par un déséquilibre structurel entre le capital en eau et l'accroissement de la consommation, ce qui fait que les besoins ne sont pas satisfaits par les ressources conventionnelles. Les politiques de développement agricole menées par ces pays ont aggravé ce déséquilibre puisque 70 % de l'eau consommée est destinée à l'irrigation et a pu provoquer le tarissement des rivières en aval de ces périmètres agricoles.La qualité de l'eau se dégrade en raison de la surexploitation des nappes phréatiques, ce qui entraîne une salinisation de celles-ci.La pénurie est enfin aggravée par la déperdition de l'eau transportée en raison du mauvais état du réseau d'adduction et par l'ampleur de l'évaporation qui peut atteindre la moitié du liquide. Ainsi, pour ces pays, le problème de l'eau se pose davantage en terme de gestion de la distribution que de la conservation des ressources hydrauliques.

En effet le stress hydrique est tel qu'il est souvent à la source de violences interétatiques, le cas du bassin du Jourdain est particulièrement marquant et difficile à gérer, d'autant plus que les conflits qui y surgissent, relèvent de ce qu'on a appelé « les conflits de distribution absolue », c'est-à-dire une situation où la quantité d'eau disponible n'est pas à mesure de satisfaire efficacement, les besoins de tous les ayants droits.Le Bassin du Jourdain est reconnu comme le bassin cristallisant le plus fort potentiel conflictuel, certains chercheurs avançant même, à l'instar de John Cooley, que « la constante compétition pour l'appropriation des eaux du Jourdain,du Litani, du Banias, du Yarmouk, et des autres fleuves et rivières du Moyen Orient, est la principale cause de la guerre de 1967 entre Israël et ses voisins arabes.»

Partagées entre quatre pays (Israël, Syrie, Jordanie et Liban - cf. . la carte du bassin en annexe) aux frontières mouvantes depuis la création de l'État hébreux en 1948, les ressources hydriques du bassin du Jourdain sont sans doute celles qui sont les plus disputées au monde et une multitude d'évènements jalonnant l'histoire du conflit arabo-israélien, pourraient être expliqués, sinon en totalité du moins en partie, par la compétition entre les belligérants pour la rare et précieuse eau du bassin du Jourdain. Le fleuve qui donne son nom au bassin est nourri par quatre affluents principaux, le Dan, le Hasbani, le Banias et le Yarmouk. Les sources du Dan se trouvent en Israël; celles du Hasbani, au Liban, et celle du Banias en Syrie. Plus précisément, le Banias passe sur le plateau du Golan annexé en 1981 par Israël et réclamé par la Syrie. Ces affluents s'écoulent vers le sud pour former le haut Jourdain en Israël, lequel se jette dans le lac de Tibériade. Le Yarmouk prend sa source en Syrie et rejoint le Jourdain dans son cours inférieur, en aval du lac. Dès 1951, Israël, la Jordanie et la Syrie entrent en conflit ouvert, alors que la Jordanie rend publique son intention d'irriguer la vallée du Jourdain en mettant en valeur le Yarmouk; Israël réplique en drainant les marais du Huleh, situés dans la zone démilitarisée entre la Syrie et Israël. De nombreux accrochages, des échanges de tirs d'artillerie et de blindés en résultent. En 1953, Israël et la Syrie s'affrontent à nouveau violemment quand le projet israélien du National Water Carrier, qui devait initialement détourner l'eau du bassin du Jourdain depuis le nord de la mer de Galilée (lac Tibériade) vers le Néguev, provoque de nouveaux heurts frontaliers qui conduisent Israël à installer la prise d'eau plus au sud, dans le lac. En novembre 1964, les projets israéliens d'endiguement des sources du Dan déclenchent de violents incidents de frontière.L'eau a également joué un rôle important «quand Israël en Mars, Mai, et Août 1965, 1966, attaque les travaux Syro-Jordano-Libanais de diversion des eaux du Jourdain, avec tanks et des avions de guerre. Ce projet nommé «the Headwater Diversion Plan» devait en fait essayer de contenir les eaux du Hasbani au Liban, ceux du Banias en Syrie, two of the sources of the Jordan River, around Lake Tiberias through Syria to the Yarmouk River where the water would have been regulated by a Jordanian dam at Mukheiba. »

Ces derniers évènements auraient créé ce qu'un analyste politique de l'Université de Harvard du nom Nadav Safran appelle une longue chaîne de réaction de violence des riverains lies directement aux événements qui ont conduit à la guerre de l'eau de 1967 plus connu sous le nom de guerre des six jours.En effet dans cette guerre, Israël détruisit un barrage Jordanien sur le Yarmouk, le plus important du Jourdain. Israél en occupant le plateau du Golan a accru sa position hydrostrategique pour le contrôle du haut Jourdain. L'occupation du Golan a rendu, quasi impossible tout détournement des affluents du Jourdain par les états arabes voisins d'Israël. Ainsi la troisième guerre israélo-arabe de 1967 fut à bien des égards un conflit pour le contrôle des sources du Jourdain. Une grande partie de la tension qui a provoqué le déclenchement des hostilités trouve son origine dans les efforts d'Israël et des pays arabes visant à détourner et à exploiter à leur profit exclusif le cours du fleuve historique. Pour preuve, comme le note la Revue Sagascience du CNRS « l'une des premières dispositions prises par Israël après la guerre de juin 1967 a été d'appliquer aux territoires occupés, la loi Israélienne sur l'eau. »

En fin de compte, la guerre des Six Jours aura rapproché, la configuration hydrographique du bassin du Jourdain de celle du système Tigre-Euphrate-Chatt-el-Arab: la puissance économique et militaire du bassin, Israël, est désormais l'État en aval des ressources hydriques. Si cet état de fait peut d'une certaine façon stabiliser les relations hydriques dans le bassin, les États d'aval n'ayant pas les moyens de contester sérieusement les politiques de gestion de la ressource de l'État d'amont, il n'est pas pour autant de nature à faire diminuer la tension. Le conflit est désormais asymétrique, ce qui bloque toute perspective de règlement durable à l'échelle bassinale : Israël n'a plus besoin de traité de partage des eaux. La domination hydrique de l'État hébreux peut avoir pour effet de faire grandir le ressentiment à son égard, comme cela semble être le cas de sa politique concernant l'utilisation de l'eau des aquifères de Cisjordanie par les Palestiniens

Cette politique stipule que les puits et sources des Palestiniens, pris individuellement, ne doivent pas être mis à contribution pour un plus grand volume d'eau que celui enregistré en 1967 au moment de la conquête du territoire par l'armée israélienne. La rareté hydrique marquant les villages palestiniens aurait d'ailleurs été une des raisons du déclenchement de la première Intifada. Autre signe de l'intransigeance d'Israël : en mars 2001, dans ce qu'un chercheur du Jaffe Center for Strategic Studies de l'Université de Tel-Aviv qualifiait « d'hystérie collective», le gouvernement israélien s'est fortement opposé à un projet d'adduction d'eau pompée depuis le Hasbani pour alimenter un village libanais, menaçant de représailles toute mise en service de l'aqueduc, avant de finalement accepter son ouverture, devant la modestie du projet libanais.

Ainsi la centralité de la question hydrique dans la persistance du conflit Israélo-arabe se justifie et s'éprouve par le fait que politiquement ces etats sont en permanente opposition et ce qui n'est pas pour faciliter le partage de la ressource eau rare dans la sous région; mais aussi et surtout le fait que l'état hébreu s'inscrit dans une dynamique d'accaparement de la manne bleue et instaurant ainsi du fait de ses capacités économiques et militaires ce que Mohamed Larbi Bouguerra appelle : « un véritable apartheid hydrique »

En effet tant les jordaniens que les palestiniens souffrent des pénuries qui sont imposées par l'état d'Israël, qui applique des politiques iniques en matière d'approvisionnement en Eau. Que ce soit aussi bien avec la Syrie, la Jordanie qu'avec la Palestine, la technique Israélienne est la même, « assoiffer pour mieux régner ».Les rapports d'Israél (sur la question de l'eau) avec ces trois pays est fort complexe et varie selon l'état en question. Ainsi on va d'une relation où l'apartheid hydrique est instauré de fait, rapport Israélo-palestinien ; à une relation de négociations plus ou moins équilibrée avec la Syrie, en passant par ce que Christian Chesnot appelle «  un chantage hydraulique vis-à-vis de la Jordanie »

Sans mystère aucun, Sharon, sûr de l'impunité, déclarait dans le Monde du 24 avril 2001 : "Ce n'est pas par hasard que les colonies se trouvent là où elles sont. Il faut conserver la zone de sécurité ouest en Cisjordanie, la zone de sécurité est, les routes qui relient Jérusalem et, bien sûr, la nappe phréatique d'où vient le tiers de notre eau". Deux nappes souterraines alimentent Israël : l'une sous les collines de Cisjordanie (660 millions de m3), l'autre sous Haïfa et Gaza (330 millions de m3). . C'est dire l'attrait de l'occupant pour les territoires palestiniens ! Le même Sharon a tenu à préciser, en connaisseur un point d'histoire, en précisant que : " Les gens pensent d'habitude que le 5 juin 1967 marque le début de la guerre des Six- Jours. En réalité, cette guerre avait commencé deux ans et demi plus tôt, le jour où Israël a décidé d'agir contre le détournement des eaux de la rivière Jourdain » De fait, 69,5% du territoire d'Israël est en zone désertique. Il a mis la main sur 70% des eaux du Jourdain et accapare 86% des eaux de la Cisjordanie.On voit à l'aune de ces chiffres l'importance de la ressource eau pour cet état.Cet importance pousse l'état hébreu à imposer un veitable injustice à l'égard des palestiniens. Israél a la responsabilité exclusive dans la distribution de l'eau. Cette distribution se fait sur la base du principe israélien quant à la distribution de l'eau dans ce pays. Ce dernier pose que tout Palestinien doit se contenter du tiers voire du quart de la quantité que consomme un Israélien, alors que les eaux Israéliennes sont avant des eaux palestiniennes. Amira Hass, correspondante de Haaretz dans les territoires palestiniens occupés, décrit dans le New York Times du 02 septembre 2001, sous le titre "Séparés mais inégaux sur la rive ouest" les multiples injustices qu'Israël fait subir aux quatre millions de Palestiniens vivant sous sa botte et estime que, pour comprendre la Seconde Intifada, il faut examiner "la réalité morale, économique et sociale que la politique de colonisation israélienne a créée au cours des 34 années écoulées". La journaliste note, à propos de la question de l'eau : « L'accès à l'eau est un exemple flagrant d'inégalité. Depuis 1967, Israël contrôle la ressource et sa distribution dans la rive ouest et à Gaza. Ce qui a donné une différence frappante dans la consommation domestique par tête entre Israéliens et Palestiniens- une moyenne de 280 litres par jour contre 60 à 90 litres par jour. Aucun colon israélien n'a à se faire du souci pour l'eau alors que des milliers de Palestiniens habitant les villes et les villages n'ont pas l'eau courante, en été, des jours durant d'affilée »Ceci montre à plus d'un égard la validité du concept, de Larbi Bouguerra dit de « l'Apartheid hydrique » subit par les palestiniens.

Quant à la Jordanie, elle a conclu avec l'état hébreu un accord pour le partage des eaux, mais cet accord est resté inopérant ou alors opérant au gré des intérêts d'Israel.En effet au fur et à mesure l'état hébreu, s'est adonné à une diminution des quotas d'eau destinés à la Jordanie et ce sans prise en compte aucune des intérêts de cet état, qui a un besoin de plus en plus important en eau. Israél utilise la question de l'eau pour mettre la pression sur Amman. Ainsi ils arrivèrent à pousser le Roi Hussein de Jordanie, à expulser les membres de l'OLP de Yasser Arafat du territoire jordanien, d'où ils préparaient leurs attentats contre le territoire hébreu. Ceci montre la prise par Israél de la ressource comme instrument de pression sur le gouvernement Jordanien et justifie le terme de « Chantage hydraulique » de Christian Chesnot. Mais ce « chantage hydraulique » a été amèrement ressenti dans un royaume qui n'a pas tiré les fruits escomptés du traité de paix signé avec le voisin hébreu. L'article 6 stipulait pourtant : « Plus d'eau devra être fournie pour leurs besoins [des deux Etats] par différents moyens, incluant des projets de coopération régionale et internationale. » Ou encore : Israël et la Jordanie coopéreront « pour trouver les moyens de fournir à la Jordanie 50 millions de mètres cubes d'eau potable supplémentaires par an » (annexe II, article Ier, paragraphe 3) et « pour construire un barrage de diversion et de stockage sur le fleuve Yarmouk juste à l'aval du point 121 / Diversion Adassiya » (annexe II, article II, paragraphe 1).Cinq ans après, aucun projet d'infrastructure hydraulique commune (barrages, réservoirs, usines de dessalement) n'a vu le jour. Président de la commission parlementaire sur l'eau et l'agriculture, M. Salameh Al Hiary juge très sévèrement le traité de paix qui n'a, selon lui, « pas restitué à la Jordanie tous ses droits sur l'eau ; et continue de lui appliquer ses politiques iniques de partage d'eau, avec ses voisins.

Avec la Syrie, la position israélienne apparaît beaucoup plus vulnérable. Le Golan syrien fournit 770 millions de mètres cubes d'eau par an à Israël, soit un tiers de sa consommation annuelle. L'eau du plateau se déverse dans le lac de Tibériade, qui constitue la plus grande réserve pour Israël. Cette ressource est ensuite distribuée dans tout le pays, notamment vers le Sud, par le biais du National Water Carrier. Sur cette question de la « fontaine » du Golan, deux conceptions opposent radicalement Israéliens et Syriens.

Les premiers justifient leur accès à cette ressource en arguant d'un droit d'usage, droit qu'ils ont cependant acquis par la force en annexant illégalement le Golan. Pour Israël, il est désormais inconcevable de se voir privé de tout ou partie d'une ressource exploitée depuis plus de trois décennies maintenant. « Avant la guerre de 1967, nous avions des problèmes car la Syrie détournait les sources d'eau du Golan, et le premier ministre estime que nous devons nous assurer que cela ne se reproduira plus », a déclaré à la reprise des négociations israélo-syriennes le porte-parole de M. Ehoud Barak, M. Gadi Baltiansky

De leur côté, les Syriens s'appuient dans les négociations avec Israël sur une doctrine de souveraineté nationale classique. Comme le note un journaliste arabe, « le président Hafez El Assad, pour des raisons nationalistes, idéologiques et historiques, n'est pas prêt à accepter moins que ce qu'avait obtenu Anouar El Sadate, c'est-à-dire la paix en échange des territoires. Ce précédent de la restitution par Israël à l'Egypte de tout le Sinaï, y compris l'enclave de Taba, reste la référence». Bref, l'eau comme la terre du Golan appartenant à la Syrie, c'est à elle et à elle seule que revient le droit de déterminer son usage.

Entre ces positions, apparemment inconciliables, des solutions pragmatiques peuvent être envisagées dans le cadre d'un accord de paix entre les deux pays. La plus probable est une reconnaissance de la souveraineté syrienne sur les eaux du Golan par Israël, Damas s'engageant en contrepartie à ne pas « couper les robinets » qui alimentent le lac de Tibériade. Des volumes de fourniture d'eau de la Syrie à Israël seraient alors négociés, à l`instar de ceux prévus dans le traité de paix israélo-jordanien. Dans ce cadre, un comité technique bipartite pourrait être chargé de contrôler les transferts, mais également d'étudier une exploitation commune de l'eau du Golan au profit des deux parties. Mais un tel cadre ne emble pas être à l'ordre du jour, Israél ne connaissant que le langage de la force. Tel semble du moins être son credo, à la question de l'eau et cette doctrine est bien résumée par la célèbre phrase de Shimon Pérez : « L'eau est plus importante pour Israël, que la terre ».

Ces quatre ou cinq bassins, sur lesquels nous avons zoomé, nous on permis plus ou moins de cadrer l'importance de la question de l'eau dans les rapports entre les etats. Les conflits ayant pour cause fondamentale ou incidente l'eau ne se limitent pas à cette liste sommaire ; aussi avons-nous sentis la nécessité de dresser une liste plus ou moins exhaustive des cas récents de conflits hydriques. La source du tableau sur lequel nous nous référons est : Paul Samson et Bertrand Charrier, International Freshwater Conflict: Issues and Prévention Stratégies, http://www.hindunet.org/ saraswati/brahmaputra /greencross.htm

Conflits hydriques interétatiques : quelques cas récents

Continent

Freshwater Body

Countries

Important issues

Conflict intensity

Africa

Chobe River

Botswana, Namibia, Angola

Chobe-Vaal Project launched by Botswana to divert water to South Africa; implications for riparian countries.

Tension

 

Komati River

Swaziland, South Africa, Mozambique

Joint construction by Swaziland and South Africa of two dam projects (Driekoppies and Maguga Dams) decided in 1992.

Informal mechanism

 

Nile River

Sudan, Ethiopia, Egypt, Uganda, Tanzania, Kenya, Zaire, Rwanda, Burundi

Egypt's heavy reliance on the waters of the Nile River; it uses its regional power to prevent upstream countries from developing the basin; Sudan has attempted to create a canal to go around a large swamp area, and several dam projects exist on the Blue Nile.

Diplomatic action

 

Okavango River

Botswana, Angola, Namibia, Zimbabwe

Namibia currently plans to withdraw large amounts of water from the river, which threats the survival of an important inland delta in Botswana.

Tension

 

Saharian fossil aquifers

Lybia [ sic .], Egypt, Chad, Niger, Sudan

Libya's [sic.] proposal to create an artificial river by diverting surface waters and by exploiting fossil aquifers (1991); other riparian countries are opposing the project.

Open dispute

 

Senegal River

Mali, Mauritania, Senegal, Guinea

Dispute between Mauritania and Senegal in 1989 after years of cooperation over the control of river banks.

Tension

 

Volta River

Burkina, Ghana, Togo, Côte d'Ivoire, Benin, Mali

Droughts.

Informal mechanism

Asia

Ganges & Brahmaputra Rivers

India, China, Nepal, Bangladesh, Bhutan

Treaty of 1977 where India guarantees minimum flow to Bangladesh downstream from the Farakka Dam; dispute after 1982 and new treaty in 1996. India's proposal to divert the Brahmaputraa [sic.] River across to the Ganges. Pollution in the Ganges. Floodings in Bangladesh.

Institutional mechanism

 

Jordan River

Israël, Jordan, Syria, Lebanon

Israel's current occupation and use of the waters, of the West Bank area and the Golan Heights. Israel's opposition to Jordan and Syria's plans to build a dam on the Yarmuk River. Lack of basin wide [sic.] assessment of water rights. 1994 Israeli-Jordanian peace treaty.

Diplomatic action /

Open dispute

 

Mekong River

Laos, Thailand, China, Cambodia, Vietnam, Myanmar

Laos's dam project (Nam Thuen II); China's intention to build 18 dams upstream; Thailand's project to divert the river upstream.

Tension

 

Tigris & Euphrates Rivers

Iraq, Iran, Turkey, Syria

Anatolia Dam projects in Turkey; downstream opposition.

Diplomatic action

Europe

Danube River

Romania, former Yugoslavia, Hungary, Austria, former Czechoslovakia, Germany, Bulgaria, former USSR, Switzerland, Italy, Poland, Albania

Nagymaros/Gabcikovo dam project: 1977 agreement between Hungary and Slovakia, but current dispute brought to the International Court of Justice.

Tension (frozen)

 

Rhine River

Germany, Switzerland, France, Netherlands, Austria, Luxembourg [sic.], Belgium, Liechtenstein

Several commissions created for dealing with navigation, overflow, and pollution issues (1868, 1963, and 1968).

Institutional mechanism

North America

Columbia River

United States, Canada

Issues of endangered fish and wildlife, water pollution, and hydropower generation regulated by treaties (1961, 1980).

Institutional mechanism

 

Great Lakes

United States, Canada

Agreements to reduce water pollution (1972, 1978).

Institutional mechanism

 

Rio Grande River

United States, Mexico

Despite a treaty of 1944 the United States accuse Mexico of creating major pollution problems in the basin.

Institutional mechanism

(tension)

South America

Cenepa River

Equador [sic.], Peru

Armed skirmishes because of disagreement [sic.] over the control of headwaters (1995).

Armed conflict

 

Pilcomayo River

Argentina, Paraguay, Bolivia

Several treaties with few results [.] Major pollution problems from industrial activities.

Tension

CHAPITRE SECOND : VERS UNE DYNAMIQUE COOPERATIONNELLE

Il est de notoriété publique que l'eau, source vitale est, depuis des siècles, une cause principale de tension ou de conflit - à l'intérieur ou entre les pays. La demande mondiale pour l'eau ayant été multipliée par six au cours du XX° siècle, les disputes autour des questions transfrontières liées à l'eau ne connaissent pas de relâche, poussant certains experts à prédire que les guerres du XXI° siècle seront livrées autour de l'eau. Alors que l'eau douce contribue à tendre les relations entre les pays, faisant fréquemment la une, le revers de la médaille - l'eau en tant qu'agent de coopération - obtient rarement une attention suffisante. Néanmoins, la recherche a montré bien plus souvent, dans l'histoire, que l'eau jouait un rôle de catalyseur en vue d'une coopération, plutôt que de moteur des conflits. Les problèmes liés à l'eau, qui touchent aujourd'hui tant les pays riches que les nations pauvres, sont des signaux d'alarme qui doivent nous rappeler notre devoir de protéger la nature, source de toute l'eau dont nous avons besoin. Le bien-être matériel et la multiplication des infrastructures ne mettent pas à l'abri contre les pénuries ou les pollutions, pénuries et pollutions qui d'une manière ou d'une autre, inscrivent nos états dans une hydro politique de guerre. D'abord objet de ces guerres, la ressource Eau est passée dans certaines circonstances, instrument de ces affrontements.Tout de même les sociétés humaine ont tôt fait de comprendre que, la ressource Eau est trop précieuse et rare pour gaspiller par des guerres. Aussi ces états se sont ils rendus à l'évidence, comme quoi que l'eau, arme politique dans une géopolitique de guerre peut l'être aussi dans une géopolitique de paix, pouvant favoriser une coopération entre les états. Une fois débarrassé de l'hypothèque des velléités d'autosuffisance hydrique et sous les pressions d'une nécessité dictée par les bouleversements de la donne internationale, les prémices d'une coopération se dessinent, et permettent aux états de mettre sur pied des modes de régulation tant des conflits, que des modalités d'accès à la ressource par des procédés très divers et efficaces. Selon les dernières estimations, il existe 261 bassins versants internationaux dont 60 en Afrique, 53 en Asie, 71 en Europe et 77 en Amérique, couvrant 45,3% des terres dans le

monde. La pression croissante sur la ressource en eau rend urgent le développement de

principes et d'outils capables de gérer les conflits entre usages et Etats et de préserver la

ressource et le milieu aquatique Dans cette perspective la communauté Internationale a réagi par l'émergence de tout un panel de solutions, allant des procédés juridique de régulations et de préventions des conflits, à des procédés Politico-économiques permettant une meilleure répartition des ressources disponibles, mais aussi permettant une consommation raisonnable des ressources en question. Les principes généraux récemment codifiés peuvent soutenir la mise en place de ces solutions qui doivent s'adapter aux différents contextes hydrologiques et institutionnels locaux. L'analyse des conventions existantes permet par ailleurs d'identifier les démarches fondamentales à une bonne réussite.

PARAGRAPHE PREMIER : LES PROCEDES JURIDIQUES Et/OU ECONOMIQUE DE REGULATION DE LA GESTION DE L'EAU

A. Le Corpus Juridique International à l'épreuve de la Gestion des Conflits Lies à L'Eau.

La conscience selon laquelle l'eau porte sa part de responsabilité dans les désordres socio-économiques qui se développent quand la ressource vient à manquer, se manifeste pour la première fois lors de la conférence de Mar del Plata en 1977. A cette occasion, les Etats proclament l'eau "ressource planétaire". Au centre du débat qui naît alors dans la communauté internationale, il est surtout question de moderniser, de re-qualifier et en un sens de revivifier le droit pour en faire un matériau qui puisse s'adapter à chaque bassin fluvial et participer à la résolution des litiges entre riverains. La matérialisation de ces débats fut sans nul doute la mise sur pied de procédés juridiques relatifs à la gestion des cours d'eaux et des potentiels conflits et problèmes, qui peuvent les concerner. Par procédés juridiques de régulation de la gestion de l'eau , nous entendons l'ensemble des règles mis sur pied au plan international, pour palier aux difficultés liées à la gestion de la rare ressource en eau.Pour ce faire il nous faut dans une première phase, déterminer les diverses sources de ce droit international relatif aux cours d'eaux transfrontières ou internationaux et son évolution ; avant de voir dans un second mouvement le contenu de ces textes ou conventions majeurs en matière de gestion des ressources en eaux de la planète.

1) Sources et Evolution du Droit International de L'Eau ou des Cours d'Eaux

Le concept exprimé par les mots ressources d'eau «internationales», «partagées« ou «transfrontières», est synonyme. L'expression peut renvoyer aux eaux partagées, atmosphériques, superficielles ou souterraines entre deux ou plusieurs États. Il existe de par le monde plus de 240 bassins fluviaux internationaux et un nombre indéterminé de cours d'eau partagé entre deux ou plusieurs États souverains. Toute interférence considérable dans les eaux de tels bassins ou cours d'eau, pourrait avoir des conséquences bénéfiques ou nuisibles sur le territoire d'un autre État d'amont ou d'aval. Le Droit International des ressources d'eau, en tant que partie du Droit International, réglemente les relations entre les États en ce qui concerne l'utilisation des ressources d'eau «partagées», »communes» ou «transfrontières». Le fleuve peut être considéré international du point de vue géographique et juridique. Au niveau géographique, si ce fleuve coule à travers ou entre les territoires d'États souverains. Au niveau juridique, si l'État perd tout contrôle sur les eaux de ce fleuve.

En effet à l'image des autres branches du droit International, se caractérise par son contentieux faiblement juridictionalisé, et la faiblesse de sa capacité de contrainte, ce qui dans une certaine mesure conduit à sa faible application et pose donc le problème de son effectivité. Tout de même c'est pas parce que un droit n'est pas juridictionalisé et qu'il n'est pas contraignant qu'il cesse pour autant d'être du droit ; c'est en ce sens que la communauté  internationale s'est depuis fort longtemps déjà, inscrit dans la perspective de la codification de l'usage des ressources en eaux, ce qui a crée la branche du Droit International fluvial. Quelles sont ses sources ? Et quel est l'historique de ce droit à priori nouveau ?

Pour les sources du droit International fluvial, elles ne font pas exception par rapport aux sources classiques du droit International en général, et sont déterminés par la charte instituant la Cour Internationale de Justice. En effet Selon l'article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice qui arbitre les conflits entre les Etats souverains, les sources du Droit International sont les suivantes:

(1)- Le Droit conventionnel International ou le Droit des traités.

(2)- Le Droit Coutumier International ou la Pratique des Etats.

(3)- Les principes généraux du Droit, reconnus par les nations civilisées.

(4)- Les décisions judiciaires ou la Jurisprudence Internationale et les enseignements des publicistes les mieux qualifiés, en tant que source subsidiaire.

Ces sources qui sont selon une certaine lecture de cette charte, citées par ordre de préséance, sont aussi les sources fondamentales du droit International de l'environnement en général, et donc du droit spécifique des cours d'eaux. Il faut tout de même noter que la technicité liée à l'environnement et par delà aux cours d'eaux, rend forcément ce droit international très techniques et devant évoluer de manière permanente en rapport avec l'état de la civilisation du moment, ce qui nous emmène à retracer l'historique de ce droit international fluvial. Mais auparavant passons en revue ces diverses sources au regard du Droit international fluvial :

a. Les conventions et les traités internationaux

En la présence d'un ou de plusieurs traités, multilatéraux ou bilatéraux, les dispositions relatives à l'eau constituent la loi applicable par les signataires. Jadis, les fleuves étaient considérés «internationaux» s'ils sont «navigables». Ces fleuves pouvaient être alors successifs ou contigus selon qu'ils traversent ou séparent deux ou plusieurs États. Les préoccupations majeures étaient:

la délimitation de la frontière dans le cas des fleuves contigus. Cela peut avoir lieu:

- Sur les rives, l'eau étant «res comunis omnium», c'est-à-dire commune à tous.

- Sur une seule rive, dans le cas où le fleuve appartient à un seul État.

- Sur la ligne médiane, c'est-à-dire la ligne imaginaire équidistante des deux rives, ou

- Sur le plus profond canal navigable.

(2).Le principe de la liberté de navigation sur ces fleuves. Bon nombre de traités bilatéraux concernant ces questions furent signés.

L'Internationalisation des fleuves et des lacs partagés à des fins de navigation a été proclamée en 1815 au Congrès de Vienne, lors de la constitution de la commission du Rhin. L'Oder et le Niémen en 1918, l'Elbe en 1921 et la Weser en 1923 ont été successivement proclamés internationaux à des fins de navigation. En 1856,le traité de paris a internationalisé le Rhin et le Danube. Quant à l'Acte de Berlin en 1885,il a étendu l'internationalisation aux fleuves Africains: (le Congo, le Niger, le Zambèze, etc.).

Le traité de Versailles de 1919 et la convention de Barcelone de 1921 ont mené ce processus à bonne fin. Plus tard, le développement de l'énergie hydraulique a abouti à l'adoption de la convention de Genève en 1932, convention relative au développement de l'énergie hydraulique dans maints États.

Durant les 50 dernières années, le développement de l'utilisation des eaux internationales en dehors de la navigation, de la génération hydroélectrique et en particulier à des fin consomptives comme l'irrigation et l'approvisionnement en eau, a abouti à l'adoption d'autres traités relatifs à l'eau sur de nombreuses ressources d'eau internationales ou partagées.

Le nombre et l'étendue de ces traités restent limités. La plupart d'entre eux ne sont pas respectés. Nous citons à titre d'exemple : le Nil, le Sénégal, la Gambie et la Kagera; le lac Tchad en Afrique ; les bassins du Mékong, de l'Indus, de la Sapt Kosi et du Gange en Asie ; le Rio Grande et le Colorado, deux fleuves frontaliers entre le Canada et les États-Unis et le Rio de la Plata en Amérique. D'autres traités ont été également conclus en Europe, parmi lesquels figurent des traités relatifs au Rhin et au Danube.

Plusieurs conflits éventuels ou réels ont éclaté entre les Etats qui partagent les eaux fluviales internationales.

b. Le Droit Coutumier International (ou Pratique des ÉTATS)

En l'absence des traités obligatoires, le Droit Coutumier International fournit d'importantes règles pour l'utilisation des eaux partagées.

(1)- L'obligation de coopérer et de négocier en bonne foi et dans une intention sincère de parvenir à un accord.

(2)- L'interdiction des pratiques de gestion pouvant causer un préjudice considérable et durable aux autres États, sur la base du principe latin : (sic utere tuo ut alienum non laedas) ou : abstenez-vous de causer un préjudice aux autres.

(3)- L'obligation de la consultation préalable.

(4)- Le principe de l'utilisation des ressources d'eau partagées. Il s'agit d'un des principes - clés reconnus par la Communauté Internationale.

c. Les principes généraux du Droit de l'eau (puisés des systèmes juridiques)

En l'absence d'accords écrits, sont appliqués les principes généraux du Droit de l'eau, tels qu'ils sont exprimés dans les législations nationales des différents systèmes juridiques. Ils stipulent que :

(1) L'utilisation des ressources d'eau par un seul État ne doit pas porter atteinte aux droits et aux intérêts des autres pays.

(2) Il ne faut pas abuser des droits.

(3) Les États du même bassin doivent favoriser les relations de bon voisinage.

(4) Les lois de l'eau interne de chaque Etat du bassin seront formulées et appliquées de nature à ne pas engendrer des conflits.

d. La Jurisprudence Internationale et La Base Doctrinale

La Cour Internationale de Justice, certains tribunaux d'arbitrage et les décisions des Cours entre États dans les pays fédéraux, ont également élaboré quelques principes souvent limités à la résolution de conflits spécifiques. Ces décisions engagent tous les États concernés. Certains de ces principes sont relatifs au «partage équitable», «l'utilisation équitable» ou la «répartition équitable» des ressources d'eau partagées. Quant à la doctrine elle renvoie à un ensemble de théories et systèmes juridiques mis sur pied par des érudits du droit, reconnus comme tels par la communauté scientifique. Notons ainsi qu'auparavant, les bases doctrinales comprenaient des théories juridiques:

(1).de la souveraineté territoriale absolue, selon laquelle un État a le droit absolu d'utiliser l'eau de son territoire comme bon lui semble. Cette doctrine connue sous le nom de «la doctrine Harmon» fut introduite par le ministre de la justice des États-Unis à la fin du 19ème siècle lors d'un conflit avec le Mexique sur les droits de l'irrigation.

(2).de l'intégrité territoriale absolue selon laquelle les États riverains ont le droit absolu au flux naturel et non diminué ni en quantité ni en qualité.

Ces deux théories ne sont plus admises étant donné qu'elles sont extrémistes et irréalisables c'est-à-dire qu'elles protègent les droits d'un seul État.

De nouvelles théories comprennent «la communauté des intérêts» entre les États riverains et «la souveraineté territoriale limitée» sur les ressources d'eau partagées afin de fournir à chaque État riverain une part raisonnable et équitable des eaux. Nous reviendrons sur ces diverses théories en abordant l'évolution du droit international fluvial. Plus de 3800 actes et déclarations sur l'utilisation des cours d'eaux internationaux se sont succédés depuis l'an 805, leur objet suivant une claire évolution historique .La délimitation des frontières et la liberté de navigation ont été les premiers objets de ces traités, notamment en Europe et en Afrique par transposition pendant la période coloniale. Par exemple, le traité de Vienne de 1815 internationalise un certain nombre de fleuves en Europe. Par contre au Moyen-Orient et même en Asie le droit de navigation a été bien moins développé et beaucoup de conventions concernent le partage des eaux pour des usages tels que l'irrigation. Au début du 20ème siècle c'est la production d'énergie hydroélectrique qui a requis une réglementation internationale. Depuis la seconde guerre mondiale, la dégradation de la qualité de l'eau, due à la croissance démographique et au développement économique et entraînant des effets dommageables sur l'environnement et le développement économique lui même, a été une préoccupation supplémentaire considérée dans les conventions. A l'évolution des besoins s'ajoute une évolution des principes évoqués dans l'établissement des accords entre Etats. Le principe de la souveraineté territoriale absolue - selon lequel chaque Etat a tout droit sur le tronçon de fleuve qui traverse son territoire - et le principe de l'intégrité territoriale absolue - selon lequel l'Etat d'aval a le droit de bénéficier d'un débit naturel sans détournement par l'Etat d'amont - ont souvent été évoqués pour défendre les droits des pays à l'amont et à l'aval. Ils ont ensuite été remplacés par la reconnaissance de la souveraineté territoriale limitée, selon laquelle tout Etat a le droit d'utiliser les eaux coulant sur son territoire à condition de ne pas porter préjudice aux intérêts des autres Etats. Cette évolution apparaît clairement dans le cas du traité du Lac Lanoux (1958). La France, en se rapportant au principe de la souveraineté territoriale absolue, proposa de détourner l'eau de la rivière Carol pour produire de l'énergie électrique et de compenser économiquement l'Espagne vers laquelle la rivière s'écoulait naturellement. L'Espagne s'y opposa, en se rapportant au principe de l'intégrité territoriale absolue pour défendre ses besoins d'irrigation. Il fallut une sentence judiciaire pour nier les deux principes absolus et aboutir à un accord qui respecte de façon raisonnable les intérêts des deux parties. L'eau est détournée, mais une quantité égale est restituée avant que la rivière entre en Espagne. Le principe de souveraineté territoriale limitée a été détaillé en s'appuyant sur la notion de ressources naturelles limitées et partagées, qui s'est imposée au cours des années '70. Lors de la conférence des Nations Unies à Mar de la Plata en 1977, la communauté internationale a adopté cette notion en ce qui concerne l'eau, ainsi que l'exigence de coopérer pour sa gestion.

Le respect de l'unité de bassin s'impose pour la gestion des ressources en eau. Selon le

principe de l'usage équitable et raisonnable, les usages des ressources en eau à l'intérieur des

bassins internationaux doivent répondre à des compromis pour préserver les intérêts de chaque

partie. Néanmoins, comme on le verra dans la suite, l'application de ce principe est très

complexe : toute hiérarchie entre usages est relative et évolutive et il n'existe pas d'autorité qui

peut prendre et imposer des décisions aux Etats souverains.

Ces principes généraux ont été de plus en plus codifiés dans des conventions internationales, et ont finalement abouti à la mise sur pied des conventions historiques de Helsinki 1992 relative à la protection des cours d'eaux et lacs internationaux, et de la convention onusienne de 1997 relative à l'utilisation des cours d'eaux à des fins autres que la navigation. Nous verrons en ce qui suit, en quoi ces conventions sont porteuses d'éléments de prévention et de régulation des conflits liés à la ressource Eau.

2 Les grandes Conventions de Gestion des Eaux Transfrontières

La prise de conscience de la nécessité de mettre sur pied, des instruments juridiques à même de régler les différends qui pouvait éclater entre les diverses nations, à propos de la rare ressource en eau qu'elles ont en partage, s'est faite de manière lente et évolutive.Ce long processus a abouti à l'émergence de deux conventions cadres , que nous allons voir en ce qui suit : Il s'agit de la Convention de Helsinki de 1992 ; et de la convention de New York de 1997 relatives aux cours d'eaux internationaux.

.

o La Convention de Helsinki de 1992, relative à la protection et à l'utilisation des cours d'eaux et lacs internationaux

Cette convention,conclue à helsinki , sous l'égide de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, le 17 mars 1992 a été le premier traité à codifier de maniére génerale les régles gouvernant les cours d'eaux la protection et l'utilisation des cours d'eaux internationaux.La convention s'appuie à maint égards sur le projet d'article de la CDI ,qui aboutira à la mise sur pied de la convention de New York de 1997.Le but de la convention de Helsinki est de creer un cadre de référence aux accords régionaux et sub régionaux qui seront conclus entre les états.Cette convention est trés large et pose des principes concernant tant la pollution, les utilisations équitables et raisonnables mais aussi la coopération entre les riverains.La convention de Helsinki met d'avantage sur l'accent sur la protection des fleuves transfrontaliers, que sur leur partage, ce qui montre son caractére tres environnementale.En effet la région à laquelle doit s'appliquer est une aire fortement polluée.La question de la pollution des eaux interpelle au premier chef l'Europe , qui est une aire fortement industrialisée et où l'environnement n'est pas toujours au centre des préoccupations des décideurs.Contrairement aux autres aires où le probléme de l'eau se pose en termes de partage et d'accés , ce probléme s'analyse en termes de pollution.Néamoins le probléme de la pollution combiné à la hausse de la demande, fait peser sur l'Europe la lourde menace des pénuries d'eaux que vivent les autres aires géopolitiques.Raison pour laquelle les décideurs ont tot fait de prévoir des modes de gestion, pour pallier à la pollution trés prononcée des cours d'eaux europeens.Cette volonté transparait à travers le texte de helsinki , qui est trés sensible à la protection de l'environnement. Le texte requiert une gestion de l'eau, écologiquement rationnelle et traite de la conservation et de la restauration des ecosystémes deja endommagés.De plus elle fait référence aux principes de prévention et du polueur payeur dans la mise en oeuvre des mesures prévues dans le but de parvenir à un developpement durable des ressources en eaux.(chapitre 1).Elle fournit également une définition , prudemment rédigée, de la notion de " meilleure technologie disponible" permettant une prise en compte des avancées technologiques.

La convention de Helsinki est spéciale en ce sens qu'elle prone l'émergence de régles procédurales et d'institutions.En effet cette convention dispose d'u nmécanisme destiné à actualiser ses dispositions (partie III) lui permettant une capacité d'adaptation aux fluctuations temporelles et technologiques.Il faut tout de meme noter que, meme si il est recommandé et méme fortement conseillér de recourir à la coopération en matiére de gestion des cours d'eaux internationaux, cette orientation n'a pas encore pris place de maniére suffisante et effective au sein de la politiquedes etats.

Voilà en gros les originalités de la convention de helsinki de 1992 relative à la protection et à l'utilisatin des cours d'eaux et lacs internationaux.Il faut tout de meme noter que c'est une convention qui ressemble à quelques principes prés , de la convention cadre qui naitra cinq années plus tard à savoir , la convention onusienne de 1997, adopté à New York et relative à l'utilsation des cours d'eaux à des fins autres que la navigation

o La Convention Onusienne relatives à l'Utilisation des Cours d'Eaux à Des Fins autres que la Navigation de New York 1997.

Les Règles d'Helsinki sur l'utilisation de l'eau des fleuves internationaux, rédigées parL'Association de Droit International en 1966, représentent la première codification du principe de

l'usage raisonnable et équitable et de celui de l'unité de bassin Il faut attendre 1997 pour que ces principes généraux soient reconnus par les Nations Unies dans la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eaux internationaux à des fins autres que la navigation.

Cette lenteur témoigne de la difficulté de concilier les principes légaux et hydrologiques, de faire

accepter la limitation de la souveraineté territoriale impliquée par l'unité hydrologique et de

codifier l'application du principe d'équité. Un autre témoignage de cette difficulté est le fait que trois pays (Chine, Turquie et Burundi) ont voté contre la convention et qu'elle n'est pas encore en vigueur, n'ayant été ratifiée que par six pays.

La partie I de la Convention définit la notion de cours d'eau international adoptée au lieu de

celle de bassin versant international utilisé dans les Règles d' Helsinki. Un cours d'eau

International comprend les eaux superficielles et souterraines, mais ne comprend pas le

territoire. Ce terme a été donc préféré par plusieurs Etats parce qu'il n'implique pas des liens

entre législation sur l'eau et administration du territoire.

La partie II de la Convention énonce des principes généraux en particulier celui de l'utilisation

équitable et raisonnable, précisant sept facteurs à considérer dans son application, l'obligation

de ne pas causer de dommage significatif et l'obligation de coopération et d'échange de

données.

La partie III de la Convention explicite le processus de notification, consultation et négociation

sur les mesures qui peuvent être dommageables pour d'autres Etats.

La partie IV aborde le problème de la pollution et celui de la protection des écosystèmes

aquatiques ; elle souligne la nécessité d'établir des mesures et des méthodes communes et

l'importance de coopérer dans la gestion des bassins et des ouvrages de régulation du débit.

La partie V définit les dispositions à suivre en cas d'urgence. La partie VI indique les mesures

pour la résolution de conflits : en cas de conflit, les pays doivent négocier un accord, si

nécessaire avec l'aide d'un médiateur, ou accepter de se présenter à la Cour Internationale de

Justice de La Haye ou à un tribunal expressément établi.

Enfin, comme spécifié dans la partie VII, la Convention ne s'appliquera qu'aux Etats qui l'auront

ratifiée. Les principes énoncés dans la Convention ne sont pas univoques et faciles à transcrire dans des cas spécifiques. Néanmoins, vue la multiplicité des situations existantes, ces principes

universels ne peuvent qu'être très généraux . La convention est un point de référence

essentiel pour donner une stabilité au processus d'établissement d'accords régionaux et locaux.

Réciproquement, ces accords sont nécessaires à la mise en application des principes généraux

énoncés par la convention et indispensables pour faire accepter la limitation de souveraineté

que son adoption implique

En cas de relations fortement conflictuelles, l'application des principes établis par la Convention

devient très difficile. C'est le cas du conflit entre la Turquie, la Syrie et l'Irak pour la répartition

de l'eau du Tigre et de l'Euphrate. La Turquie ayant voté contre la Convention des Nations

Unies, elle refuse toute référence à cette convention. Ce cas montre les limites de

l'application des principes codifiés dans le droit international, leur application nécessitant le

consensus des parties concernées. Il faut enfin remarquer que les seuls acteurs reconnus dans le droit international sont les Etats ; d'autres entités politiques ou ethniques qui peuvent réclamer leur droit à l'eau comme les Palestiniens sur le Jourdain ou les Kurdes sur l'Euphrate, ne sont pas représentés dans le système du droit international. Voilà en substance ce qui de manière globale ressort des articles de cette convention cadre. De manière plus spécifique cette convention, énonce des principes, très largement admis dans les relations inter etats, en ce qui concerne la gestion de l'eau. Les principaux concepts et principes des articles de la CDI (CDI 1997) se résument comme suit. Les articles cherchent, d'une part, à assurer un équilibre entre l'utilisation « équitable et raisonnable » d'un fleuve international par tout État riverain (article 5) et, d'autre part, à éviter que les États riverains qui se servent déjà du fleuve (article 7) ou qui pourraient un jour s'en servir soient victimes d'un « préjudice significatif ». Les articles insistent sur l'obligation qu'ont les États riverains de protéger les fleuves internationaux et les écosystèmes connexes (articles 5, 8, 20 et 21). Ils obligent les États riverains à coopérer en vue de l'utilisation et de la protection optimales des fleuves qui sont partagés (article 8) et à accepter que les accords entre les États riverains puissent couvrir tout le bassin fluvial ou une partie de celui-ci (article 3). Dans le dernier cas, toutefois, l'accord ne devrait pas avoir d'«effets négatifs considérables » sur l'utilisation des eaux du bassin par les États riverains. Le premier paragraphe de l'article 7 stipule : « Les États liés au cours d'eau doivent, lorsqu'ils utilisent un cours d'eau international sur leur territoire, prendre toutes les mesures appropriées pour éviter de causer un préjudice considérable aux autres États liés au même cours d'eau. » L'article 10, qui porte sur les rapports existant entre les divers usages, stipule : « En l'absence d'entente ou de coutume contraire, aucune utilisation d'un cours d'eau international ne comporte de priorité d'utilisation qui lui est propre en rapport à d'autres. » Il ressort de l'étude de ces grandes conventions quelques principes généraux, qui constituent aujourd'hui les épines dorsales de la législation internationale concernant la question de l'eau. Cet état de fait se trouve exprimé avec une clarté exemplaire par le Docteur Allisoutin qui estime que : «  La domanialité et la protection environnementale dans l'ordre interne d'une part et la gestion rationnelle et équitable dans l'ordre international d'autres part, sont les grands principes qui gouvernent le droit positif de l'eau » Ces principes à eux seuls ne semble toutefois pas, à mesure de résorber les conflits autour de la question de l'eau, les raisons en sont multiples.

Ces deux grandes conventions ont des imperfections congénitales disent certains, et très ancrées.En effet d'abord les réalités physiques et hydrologiques, des divers bassins sont très différentes, d'où que la réglementation issue des conventions par trop générale, ne pourra pas encadrer avec la précision requise, les diverses situations qui peuvent se poser au niveau des bassins. En sus de cette généralité des règles issues de ces conventions, il ne nous faut pas aussi occulter que les conventions en question, et donc les règles qu'elles édictent ne s'appliquent qu'aux états qui les ont valablement ratifiés. Vu que certains états inscrits dans des dynamiques conflictuelles fortes, à propos de la gestion leurs ressources en eau partagées, ont refusés de les ratifier, rendant ainsi quasi inopérantes les dites conventions, qui du fait déjà de leur caractère internationale ont une faible obligatoriété. Ce qui poussa certains à envisager un autre mode de régulation des conflits liés à la question de l'eau.

B. Vers la Consécration d'un Marché Public de L'Eau

En effet les adeptes du capitalisme à outrance, estiment que l'eau pose problème parceque, on en a pas fait un bien marchand.De leur avis une marchandisation de la ressource eau, résoudrait les problèmes de répartition et militerait même pour une consommation raisonnable de la ressource.En effet selon cette théorie on est toujours plus raisonnable dans l'utilisation de ce qu'on paye, et donc payer l'eau rendrait les hommes plus responsables et limiterait ainsi les gaspillages de la ressource. Cette vision est celle de la plupart des multinationales, qui ont à coeur de contrôler le secteur stratégique de l'eau. La politique de l'eau promue par ces groupes se base sur trois principes :

Primo, l'eau doit être traitée principalement comme un bien économique, où par « économique » on entend tout ce qui est relatif à l'économie capitaliste du marché. Comme le pétrole, le blé et d'autres marchandises, l'eau peut être vendue, achetée, échangée. Ce principe a été affirmé, de manière formelle la première fois, avec le consentement de tous les Etats membres des Nations Unies, à la conférence des Nations Unies sur l'eau à Dublin en 1992 en préparation du premier sommet mondial de la terre à Rio de Janeiro de la même année. Depuis, il a été répété à l'occasion des multiples autres conférences mondiales et sommets qui, ces dix dernières années, ont proliféré dans le domaine de l'eau. Selon nos dirigeants, l'eau cesse d'être un bien commun à partir du moment où elle est captée, prélevée et utilisée pour l'irrigation en agriculture, pour être transformée en eau clinique pour un hôpital ou pour être bue à la maison ou mise en bouteille sous forme d'eau minérale. Dans ces cas, soutiennent-ils, il y a émergence de coûts, de coûts financiers, monétaires. Ces coûts doivent être couverts par des prix. Des prix-vérité fondés sur le principe de la récupération des coûts totaux de production, y compris la rémunération des capitaux investis aux taux mondiaux du retour sur l'investissement. Dès lors, l'eau, bien économique, est surtout vue comme une matière première, un bien de consommation intermédiaire ou un bien de consommation finale. Elle n'est plus un bien commun « sans prix » mais elle devient un bien marchand « avec prix ». C'est la thèse de la marchandisation de l'eau. En outre, disent-ils, il n'y a pas de raison pour que la propriété, la gestion et le contrôle soient ou restent de nature publique. Pour eux, ce qui compte le plus pour l'Etat et qui devrait intéresser davantage les pouvoirs publics est le maintien du pouvoir de régulation et de contrôle. Ce pouvoir doit être ou rester un pouvoir d'Etat, des institutions publiques. La propriété et la gestion peuvent, en revanche -affirment-ils- être privées. Il est préférable que la propriété et la gestion soient confiées à des sujets privés sur la base d'un contrat de délégation de services car -assurent-ils- les gestionnaires privés auront tout intérêt à valoriser au mieux les biens/services qui sont pour eux les outils de production de leur richesse. Cela se traduirait par des bénéfices pour l'ensemble de la société. C'est la thèse de la privatisation des services hydriques.

Secundo, l'accès à l'eau doit être considéré comme un besoin vital et non pas comme un droit humain. La satisfaction du besoin est du ressort de chaque individu. Les êtres humains sont des consommateurs/clients d'un bien/service qui doit être rendu accessible à travers les mécanismes du marché. Il revient à l'Etat de pendre des mesures sociales visant à garantir aux distributeurs d'eau la couverture des factures non payées par les catégories sociales à faible revenu.

Tertio, l'eau doit être traitée comme une ressource précieuse (« l'or bleu »). Elle est destinée à devenir toujours plus rare et donc stratégiquement importante. La sécurité hydrique « nationale » est un problème politique central. Les conflits à cause d'usages alternatifs concurrents au sein des pays et entre pays vont s'intensifier et se généraliser. Dés lors la politique de la marchandisation s'avère être à leurs yeux, une bouée de sauvetage pour les sociétés humaines.

Sur cette base, les objectifs prioritaires poursuivis par les dominants ont été et demeurent les suivants :

-promotion de la gestion des ressources en eau de la planète suivant le modèle appelé IWRM (Integrated Water ressources Management), élaboré par la Banque Mondiale au début des années quatre-vingt-dix et fondé sur le principe déjà cité du full cost. recovery;

-interventions su l'offre d'eau, en mettant en valeur les ressources non encore utilisées, en favorisant le transport de l'eau sur de longues distances et en essayant d'augmenter la quantité d'eau douce rendue disponible grâce, en particulier, au dessalement de l'eau de mer;

-actions sur la demande, en promouvant les usages solvables plus rentables et en espérant réduire les gaspillages et les prélèvement excessifs par des manoeuvres sur les prix (marché de la pollution, application du principe «pollueur payeur » Voilà en gros les bases de ce substitut proposé par les multinationales. Cette vision n'est pourtant pas arriver à résorber les pénuries et les gaspillages de la ressource, en effet malgré l'expérimentation de cette alternative, les problèmes restent patents :

-2,4 milliards de personnes vivent encore sans accès aux services hygiéniques;

-1,5 milliards vivent sans accès à l'eau potable saine;

-par conséquent, 30 000 personnes meurent chaque jour de maladies dues à l'absence d'eau potable et de services hygiéniques;

-600 000 agriculteurs blancs en Afrique du Sud consomment pour l'irrigation 60% des ressources hydriques du pays, alors que 15 millions de citoyens de couleur n'ont pas accès à l'eau potable;

-la moitié des villages palestiniens n'ont pas d'eau courante, alors que toutes les colonies israéliennes en sont pourvues;

-85% du volume des eaux des fleuves de France sont pollués;

-la consommation quotidienne moyenne de la population des pays « en voie de développement » est d'environ 20 litres. En Italie, elle est de 213 litres et aux Etats-Unis, de 600 litres (en Californie de 4 100 litres);

-le Brésil représente 11% des ressources en eau douce de la planète, mais 45 millions de Brésiliens n'ont pas encore accès à l'eau potable;

-les gaspillages d'eau sont énormes dans le monde entier : 40% de l'eau employé pour l'irrigation se perd par évaporation; les pertes en eau dans les aqueducs sont de 30 à 50%, même dans les pays dits « développés »; un lave-linge standard consomme en moyenne 140 litres par cycle, la chasse des toilettes utilise 10 à 20 litres à chaque usage, un lave-vaisselle 60 litres;

Ces chiffres parlent d'eux-mêmes, et justifient la ferme opposition des ONG de protection des consommateurs à la privatisation et à la marchandisation de la ressource en eau. Ainsi d'éminentes personnalités militent pour que l'eau, ne soit pas un bien marchand car ce serait encore une fois, une injustice qu'on fera subir aux pauvres qui n'auront pas accès à la ressource , faute de moyens. Pour pallier à une telle situation, il est proposé tout un panel de préalables qui concernent tout aussi le statut juridique de la ressource, que les modalités de sa distribution et donc de sa répartition. Ainsi pour les tenants de cette politique, l'eau est la vie, l'eau est à l'origine de la vie, elle est essentielle, insubstituable à la vie. Pour cette raison, elle doit être considérée comme un bien commun, plus précisément un bien public mondial. L'eau fait partie du bien commun. Et cette considération a pour conséquence l'accès à l'eau est un droit humain universel, indivisible, imprescriptible ; L'eau est un bien commun public mondial appartenant non seulement à l'humanité mais aussi à l'ensemble des espèces vivantes. Il n'y a pas de rivalité ni d'exclusion pour l'eau. Personne ne peut être exclu de l'accès à l'eau. Elle est disponible pour tous. Il ne faut pas la mériter en termes de pouvoir d'achat, parce que l'eau n'est pas achetable L'eau doit faire partie des biens qui échappent aux logiques marchandes, et pour ce il faut qu'on puisse la considérer comme bien commun public .Le bien commun public ayant pour caractéristiques fondamentales, l'essentialité et l'insubstituabilité pour la vie, pour le vivre ensemble, pour la sécurité collective. L'eau est, à cet égard, un exemple plus qu'évident. Cette essentialité et cette insubstituabilité confère au bien public une dimension « sacrée », en net contraste avec la tendance actuelle à réduire tout à des marchandises. Dans toutes les traditions culturelles du monde, l'eau a été considérée comme sacrée, elle a été identifiée avec la vie, source, de vie, et comme le disent les tradition latines elle est « La Sorella Aqua » (Mère de la vie). . En raison justement de son essentialité et de son insubstituabilité, seuls les pouvoirs publics peuvent en être responsables, dans un contexte de solidarité.Dés lors il es impératif pour assurer une équité dans l'accès à la ressource, que cette manne soit gérée par une autorité publique dépositaire de pouvoir public. Aussi bien la détermination des régimes de propriété, de gestion, et de contrôle, doit de fait revenir à l'autorité publique. L'intégration des trois régimes sous la responsabilité des pouvoirs publics est logique et inévitable pour que l'autorité et la souveraineté du peuple puissent être exercées effectivement, afin d'assurer l'équité dans la répartition de la ressource.

Ricardo Petrella soutient que : « La privatisation de l'eau signifie la privatisation du politique, c'est-à-dire le transfert du pouvoir de décision en matière d'allocation des ressources hydriques à des sujets privés. La croyance nourrie par les sujets publics de conserver un pouvoir de contrôle, sur les entreprises privées, par exemple en matière de fixation des tarifs et de contrôle des flux d'investissements et de la valeur ajoutée, s'est révélée ce qu'elle est : c'est-à-dire une illusion. » Aussi Petrella prône t'il à ce que l'eau soit considérée comme, un bien Fondamentale Total, qui ne peut être laisser à la merci des multinationales, qui à force de viser le profit, finiront par instaurer des situations iniques, et ne feront qu'exacerber encore plus les relations des états en proie à une forte vulnérabilité hydrique.

A défaut d'être juridiques ou économiques, les solutions peuvent être politique ou alors institutionnelles.

PARAGRAPHE SECOND : LES APPROCHES POLITICO INSTITUTIONNELLE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE L'Eau

A. La Gestion Locale de L'Eau, Alternative à une Gestion Conflictuelle

Partons du constat de marginalisation, du savoir local en matière de gestion de la ressource Eau. En effet les politiques étatiques, ont au fur et à mesure pris en charge la totalité de la question, et pourtant les entités communautaires continuent encore de subir de plein fouet, les rigueurs du stress hydrique. Comme le souligne le professeur Samba Traoré  « Une législation ne peut être adaptée, que si elle tient compte des droits vécus par les populations qui sont essentiellement sinon exclusivement coutumiers » Cela pour dire que toute politique, pour être efficiente doit impérativement intégrer la dimension locale afin de permettre aux populations de pouvoir s'y identifiés et assurer une plus grande efficience à la dite politique.Il ne faut pas perdre de vue que les conflits, qui éclatent entre les diverses entités étatiques autour de la ressource, sont d'abord locaux avant de devenir interétatiques. L'exemple du conflit sénégalo-mauritanien peut servir de référence, en ce sens que c'est l'opposition entre deux villages, qui conduisit les deux états à s'affronter pour donner les conséquences que nous savons. Il est acquis (et fondé) de dire que, généralement, la question de la pénurie d'eau déborde les frontières communautaires et politiques; c'est un problème qui touche tous les pays de tous les continents. Jusqu'ici les solutions proposées, s'inscrivent, dans des perspectives de coopération nationales ou supranationales. Force est tout de même de constater que les stratégies nationales et supranationales ne suffisent pas. Partout dans le monde, l'expérience prouve que la gestion locale est essentielle à l'exploitation durable de ressources en eau d'autant plus précieuses qu'elles sont rares.

1. Fondements de la Nécessité de la Gestion Locale de L'Eau

Il s'agit pour nous de disséquer, les raisons objectives qui incitent à la gestion locale des ressources en Eaux. De chercher les fondements de ce regain d'intérêts, pour les modes locaux de gestion des ressources. D'abord, dans bien des pays, les programmes de gestion, centralisés et à grande échelle, sont allés aussi loin qu'ils le pouvaient. Il n'existe plus, dans ces pays, de grands fleuves où construire des barrages; les aquifères sont épuisés; les vastes projets d'irrigation ont atteint leurs limites; même la prise de décisions est devenue une procédure lourde et déconnectée. Les grands projets d'ingénierie, qu'ils soient productifs ou non, deviennent eux aussi de plus en plus coûteux. Ils causent des dommages considérables, dans certains cas intolérables, à l'environnement. Souvent, ils provoquent une crainte et une résistance légitimes (par exemple, lorsque des mégaprojets sont imposés dans les territoires des peuples autochtones). Certes, les conflits d'envergure internationale sur l'eau sont rares, mais les antagonismes nationaux et intercommunaux ne le sont pas. Les pays ne se déclarent pas la guerre à cause de l'eau, mais des gouvernements tombent parce qu'ils n'ont pas réussi à fournir assez d'eau salubre à leurs citoyens. Cette situation impose, de repenser la politique de gestion jusqu'ici privilégiée.

La gestion communautaire et donc locale des ressources naturelles, et plus précisément la gestion de l'eau, doit faire partie intégrante des vastes approches adoptées pour résoudre les problèmes de pénurie.Il faut l'échelon local soit impliquée et mis à contribution pour aboutir à une gestion plus saine et plus spécialisée de la ressource en eau. Ceci se trouve d'autant plus justifier que la gestion locale, permet une démocratisation et une décentralisation de la prise de décisions, au niveau local. Bien orchestrée, la politique de gestion locale donne aux populations (surtout aux pauvres et aux défavorisés) une place centrale dans le processus de prise de décisions, surtout que ces décisions façonnent d'une manière ou d'une autre, leur avenir. Et elle encourage l'intégration du savoir traditionnel aux avancées scientifiques afin de favoriser une gestion efficace et équitable des ressources. Ces moyens devraient permettre que la pénurie d'eau et la dégradation de cette ressource puissent se transformer en approvisionnements durables. Il s'agit de responsabiliser les institutions locales, en revivifiant les règles traditionnelles, pour les mettre au service de la protection et de l'utilisation rationnelle de la ressource. Dés lors on peut poser, que la gestion ou la gouvernance locale de l'eau renvoie à l'intervention combinée d'acteurs variés sur un territoire et à la capacité de ce système d'acteurs de produire des politiques publiques cohérentes. Elle fait appel à la fois à une coordination des actions entreprises par les acteurs, ce qui nécessite donc un processus de synchronisation tel que la planification, mais aussi une cohérence qui sous-entend la reconnaissance des finalités communes à atteindre.

La gouvernance renvoie non seulement à des actions collectives, mais aussi à une responsabilisation des différents acteurs et aux relations de partenariat entre ceux-ci, dans le cadre de la promotion économique et sociale du territoire, qui passe nécessairement par une saine gestion de la ressource Eau. Voilà pour les raisons qui sous tendent la nécessité de recourir à la gestion locale de la ressource eau.

2. Les Modalités de La Gouvernance Locale de La Ressource Eau.

Ces modes peuvent varier d'une zone à une autre, mais les principes de base qui les r régissent, ou les sous tendent sont quasiment les mêmes.Les politiques sont toujours impulsées et gérées par les institutions communautaires, avec l'aide et l'assistance de l'état (par le biais de ses services déconcentrés et décentralisés) et des ONG et autres organismes privés ou publics. Ces politiques peuvent être très variées, mais nous pouvons retenir quelques unes d'entre elles pour leur pertinence et surtout pour leur applicabilité au niveau des communautés en question: approvisionnement en eau à petite échelle; épuration et réutilisation des eaux résiduaires; systèmes d'irrigation et aménagement des bassins hydrographiques, gestion locale de la fourniture d'eau potable en zones rurales.Voilà autant de modes de gestion qui peuvent etre trés opérants et efficaces, encore faut il que les instances en charge de leur mise en oeuvre soient responsabilisées.Ce qui requiert au préalable la détermination d'un certain régime juridique de la ressource, d'autant plus que ce régime a d'importantes incidences sur la perception de ce bien pour le consommateur et sur les stratégies de gestion.En fonction du sujet détenant le droit de propriété, trois régimes différents peuvent être distingués:

Le régime de propriété privée : un agent économique a le contrôle absolu sur la ressource (droit d'usus, de fructus et d'abusus).

Le régime de propriété publique :l'Etat a le contrôle absolu sur la ressource, et définit (directement ou via une agence publique) ses conditions d'usage.

Le régime de propriété commune,il est le régime qui le plus sied à la stratégie de gestion communautaire des ressources.Un ensemble d'individus engagés contractuellement a le contrôle absolu sur la ressource (dont le droit d'exclure les non membres), et peut nommer un arbitre extérieur qui doit faire respecter le contrat. Avec ce régime, les services collectifs de fourniture d'eau potable en zone rurale, sont soumis à un régime de propriété commune. Les équipements de fourniture d'eau (forages, réseaux d'adduction villageoise, postes d'eau autonome,...) constituent des propriétés collectives des usagers locaux. L'initiative de l'aménagement de ces équipements doit venir de ces usagers. Dans la mise en place des équipements, ces derniers doivent apporter collectivement leurs participations. Ils sont en outre responsables de l'entretien et de la gestion durable des équipements.

Géneralement c'est cette troisieme qualification qui, est retenue, et ceci notamment dans certains pays comme le Burkina Faso, le Niger et le Bénin.Ceci permet aux instances locales et traditionnelles de prendre des mesures de conservation et de rationnalisations des usages de la ressource, parmi celles ci , les quatres modes que nous avions relevés:

· L'approvisionnement en eau à petite échelle

Les procédes d'approvisionnement en eau à petite échelle, peuven s'averer trés productives en termes de quantité d'eau disponible, mais également ils permettent une optimisation des usages de la ressource.On peut repertorier quelques modes opératoires d'approvisionnement en eau à petite echelle:Les capteurs de brouillard, Ils s'agitent doucement à la cime des montagnes côtières, ces longs et fins filets en polypropylène, scintillants de gouttelettes humides, qui transforment les brouillards en une eau précieuse pour les villages assoiffés installés à flanc de montagne, en contrebas. Les capteurs de brouillard sont au fond une idée toute simple, mais ingénieuse : un filet à mailles fines, tendu pour recueillir, au passage des nuages portés par le vent, des vapeurs d'eau qui, une fois condensées, tombent dans des gouttières et des conduites amenant l'eau là où on en a besoin. Cette technique surtout utilisée en zone de haute altitude notamment au Perou et en équateur où elle fut expérimentée par les collectivités locales de ces pays.Pourtant, malgré leur fine technicité, les capteurs de brouillard n'ont pas eu autant de succès dans la pratique. Les raisons de cet échec sont instructives: fragilité des capteurs, utilisation trop technique des appareils ont fait que les communautés les ont relégués au second plan , malgré cela il resten des modes pertinernts de disposition de l'eau. Le captage des eaux de pluie sur les toits existe depuis des siècles : dans les villages poussiéreux de la vallée du Jourdain, dans les hautes plaines de l'Afrique orientale, dans les rizières de l'Asie du Sud-Est et même dans les premières concessions agricoles de l'Amérique du Nord. La pratique est certes plus répandue dans les régions arides et semi-arides, mais elle est commune aussi dans les climats de mousson, où les pluies diluviennes sont saisonnières, et sur les îles où il n'y a jamais d'eau douce en abondance. Selon les coutumes locales et les matériaux disponibles, les toits peuvent être en pente ou plats, en dur ou en chaume. Mais les véritables innovations -- et les défis qu'elles posent à la recherche -- ont trait au transport et à l'entreposage de l'eau. C'est là que surviennent les grandes difficultés techniques : garder l'eau propre et trouver un moyen rentable de l'emmagasiner.Le captage des eaux de pluie est une technologie éprouvée. Sa mise en oeuvre requiert cependant une volonté communautaire et un réel souci d'organisation.La collecte d'eau d'irrigation. Le recyclage et la collecte d'eau de pluie dans les régions où elle est rare, pour irriguer les jardins, abreuver le bétail ou même pour la consommation humaine, sont des activités auxquelles se livrent les collectivités depuis des milliers d'années. La collecte d'eau dans les champs a surtout lieu dans les régions semi-arides où la perte d'eau par évapotranspiration peut être de quatre à cinq fois supérieure à la pluviosité annuelle. En règle générale, la méthode est la plus efficace là où il n'y a pas assez de pluie pour mener à bien les activités agricoles sans intervention, mais suffisamment pour garantir une production végétale au moins épisodique.Au fil des ans, les collectivités locales ont mis au point une foule de techniques, allant de simples digues et fossés aux systèmes compliqués de tunnels souterrains qu'on trouve en Syrie -- les « qanats » sont construits pour acheminer l'eau sur plusieurs kilomètres, à partir d'une source au pied des montagnes jusqu'aux champs des paysans et aux villes. Palmyre, métropole syrienne du monde antique, n'existait, comme les autres cités de la région, que grâce à sa capacité de recueillir, transporter et entreposer l'eau douce. Trop souvent, et pour diverses raisons, ces méthodes traditionnelles de collecte d'eau ont été abandonnées ou n'ont pas réussi à répondre à la demande en hausse

· Traitement et réutilisation des eaux usées et résiduaires

Longtemps, pour faire face aux pénuries d'eau, on a, pour des raisons évidentes, recyclé l'eau après usage. Cela pourrait vouloir dire la réutilisation, après épuration, des « eaux grises » provenant des douches et baignoires, de la lessive et de la cuisine; il s'agit aussi, mais avec beaucoup plus de précautions, du recyclage des « eaux noires » provenant des cabinets d'aisances. En certains endroits, le recyclage des eaux usées est une tradition locale franchement admise. Ailleurs, il s'agit d'une nouvelle et urgente nécessité (à laquelle d'aucuns résistent). Déjà, étant donné le tarissement des sources d'eau douce, plusieurs pays ont recours aux eaux usées épurées et recyclées pour leurs activités agricoles. Mais il est coûteux de traiter l'eau pour qu'elle satisfasse aux normes requises pour l'agriculture, surtout si elle doit servir à irriguer les cultures vivrières Les pays en développement ont adopté deux approches classiques de l'évacuation des eaux usées : soit des répliques, coûteuses, des systèmes privilégiés par les pays industrialisés, soit des variantes primitives d'égouts à ciel ouvert et de puisards. Ce qui est fort préjudiciable à l'homme et à son environnement:Aussi ne faut-il pas s'étonner des démarches intensives entreprises présentement afin de trouver des systèmes de recyclage des eaux usées spécialement conçus pour les pays, villages et quartiers à faible revenu, plusieurs procédés sont mis à jour pour pallier aux nuisances à l'environnement et à la santé de l'homme.

· Irrigation et gestion des bassins hydrographiques

Étonnamment, il faut presque 100 fois autant d'eau pour les cultures vivrières que pour l'approvisionnement en eau potable. Partout dans le monde, l'irrigation représente les deux tiers de toute l'eau douce utilisée par les humains, et les terres irriguées produisent environ 40 % de toute la nourriture que nous consommons. C'est dire comme l'irrigation est vitale à notre survie.Ces seuls faits suffiraient à faire valoir la nécessité de gérer soigneusement l'eau d'irrigation, qu'elle soit recueillie en surface ou pompée dans le sous-sol. Pourtant, d'autres facteurs expliquent pourquoi l'irrigation -- et, de façon plus générale, la gestion des bassins hydrographiques -- exige que l'on trouve de nouvelles manières, plus judicieuses, de gérer localement. Premièrement, la somme des terres irriguées, par personne, diminue. Non seulement la croissance démographique devance-t-elle l'expansion de l'irrigation, mais de vastes régions de terres agricoles sont soustraites à l'irrigation pour éviter la salinité et la contamination ou en raison de la prolifération urbaine. Deuxièmement, d'énormes volumes d'eau d'irrigation, très coûteuse, sont gaspillés. Dans les pays en développement, au moins 75 % de l'eau dérivée ou pompée pour l'irrigation est perdue par suite de l'évaporation, de fuites, de l'infiltration ou simplement de mauvaise gestion. Troisièmement, la majeure partie de l'eau qui s'écoule dans les systèmes d'irrigation sert à diverses fins. Un canal d'irrigation, par exemple, peut être utilisé pour la pisciculture, laver des animaux ou du linge, éliminer des déchets et parfois (bien que ce soit déconseillé) comme source d'eau potable. La conservation de l'eau d'irrigation pour ces autres usages contribue à la productivité et à la santé publique. Améliorer la gestion des bassins hydrographiques et l'irrigation soulève d'épineuses questions d'équité et d'efficacité ainsi que des problèmes techniques d'hydrologie et d'agronomie. Les grands projets d'irrigation et le pompage onéreux des aquifères et des nappes souterraines exigent habituellement d'importants investissements, ce qui favorise ceux qui ont de l'argent. Les fermiers pauvres, les collectivités éloignées et les minorités autochtones auront sans doute à faire face à des obstacles particuliers s'ils veulent avoir voix au chapitre dans de telles décisions de gestion -- et partager les profits.Ce qui pousse indubitablement les instances locales à réfléchir à des modes de gestion des eaux d'irrigation, afin d'en réduire les imapcts dévastateurs pour la resoource.

· . Gestion locale de la fourniture d'eau potable en zones rurales

L'implication active des populations bénéficiaires dans la gestion des équipements hydrauliques, constitue actuellement une sérieuse option, visant à favoriser leur accès durable à l'eau potable. Cette implication passe, dans une large mesure, par l'émergence au sein de ces populations, de structures de gestion chargées de l'entretien et de la maintenance des équipements. Ces structures constituent aussi des instances représentant les populations dans toutes les affaires relatives au service d'accès à l'eau potable. Elles ont par ailleurs pour tâches de mobiliser la participation financière des populations à la construction des ouvrages, la fixation du prix, le choix des vendeurs d'eau, l'entretien et la maintenance des équipements, etc. Pour un ouvrage simple comme un puits moderne ou un forage équipé de pompe à motricité humaine, aménagés pour desservir des populations de petite taille (un peu plus de 250 habitants), la structure de gestion reste légère. Elle prend la forme de comité de gestion, structure de petite taille, constituée de personnes désignées par la population des usagers du point d'eau. Pour un ouvrage complexe comme une Adduction d'Eau Villageoise (AEV) ou un Poste d'Eau Autonome (PEA), qui sont aménagés pour une population beaucoup plus nombreuse (1000 à 1500 personnes pour un PEA et plus de 1500 personnes pour une AEV), la structure de gestion prend la forme d'une Association des Usagers d'Eau (AUE). Dans une localité villageoise où il y a à la fois une AEV ou un PEA et en plus, des puits modernes ou des forages de pompe à motricité humaine, la gestion de l'ensemble des ouvrages est assurée par une AUE.

Aprés ce bref survol des diverses politiques de gestion de la resource eau, impulsé par des structures locales, une tendance lourde se dégage: qu'un pays soit riche ou pauvre, que sa population soit satisfaite ou non, la décentralisation de la gestion des ressources naturelles a sa raison d'être. Cette remarque n'est pas un dogme, ce n'est qu'une observation de ce qui fonctionne. L'expérience enseigne que, plus souvent qu'autrement, gérer localement donne des résultats qui ne sont pas seulement économiquement efficients mais aussi socialement équitables et respectueux de l'environnement. Il nous faut touefois savoir que le succès de la gestion locale de l'eau exige, et mérite, une étroite collaboration entre les collectivités et les gouvernements. L'information recueillie partout dans le monde en développement démontre que gérer localement les ressources en eau comporte de grands avantages. Les résultats des recherches obligent également à une autre conclusion : les collectivités qui optent pour la gestion locale de l'eau ont besoin de l'appui des plus hauts échelons de gouvernement.Dans les formes de gouvernance de la ressource, L'Etat et les collectivités locales assument, aux côtés des communautés, leurs missions d'acteurs publics dans le cadre d'un partenariat public/privé. Ainsi, par exemple, l'Etat conserve toujours dans le domaine sa responsabilité en matière de planification, de gestion de la ressource et de réglementation du secteur au plan national. Quant aux communes, les textes de lois sur la décentralisation prévoient leur réelle implication dans la mise en place des infrastructures hydrauliques sur leurs territoires. Dans les plans de développement que viennent d'élaborer ces communes, les priorités relatives à l'approvisionnement en eau potable des populations ont émergé dans beaucoup de cas. Cela est particulièrement (mais pas uniquement) important dans la gestion des bassins hydrographiques et des aquifères qui doivent être partagés avec d'autres. Comme le pose certains chercheurs dans ce domaine , harmoniser la gestion locale et les programmes de gestion des bassins, de plus grande envergure, est au coeur même d'une saine gestion des ressources en eau. Ce qui nous emmene aux procédés institutionnels de gestion de la ressource eau.

B. Les Politiques de Gestion Intégrées Des Ressources en Eau : GIRE

Reconnaître le caractère de ressource commune aux eaux internationales ainsi que l'intérêt commun des États d'un bassin impose de se doter de mécanismes et d'institutions propres à mettre en oeuvre cet intérêt commun.






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway