Chapitre V : L'aménagement des berges
Les berges d'une rivière constituent l'espace
intermédiaire entre celle-ci et le sol c'est-à-dire entre la
rivière et l'espace oü les hommes sont installés. Les
usages, nombreux et variés, de la rivière de Saône à
Lyon ont été présentés. Ceux-ci nécessitent
un accès aisé, ou au moins praticable, de l'eau de la
rivière à la terre et dans l'autre sens. Le transport de
marchandises par voie d'eau et particulièrement l'approvisionnement de
la ville de Lyon en blé, par la Saône, constituent les principaux
enjeux de la circulation sur la rivière. Or, les produits qui arrivent
à Lyon par la Saône doivent être déchargés
dans la ville ce qui nécessite des structures d'accostage et d'arrimage
des bateaux et donc un aménagement des berges de la rivière.
L'entretien des rives et la fluidité de l'accès à l'eau ou
à la terre représentent donc un enjeu économique et
politique. Il s'agit ici de s'intéresser à la gestion consulaire
de ces espaces riverains et à l'évolution des structures qui les
composent, en s'attachant surtout aux travaux réalisés aux
ports.
A. Description des rives de la Saône
Avant de s'intéresser aux travaux de construction et de
réparations, effectués au cours du XVIe siècle
sur les berges de la Saône, nous allons nous pencher sur la physionomie
des structures qui bordent la rivière. Il s'agit donc de
présenter les deux rives de la Saône dans le cadre de Lyon
c'est-à-dire de Vaise, au nord de la ville, à la confluence des
deux fleuves. Pour cette description, le plan scénographique de Lyon,
réalisé vers 1550, constitue notre support principal car,
même si certaines structures ont évolué (nous le verrons
ensuite), ce plan semble suffisamment représentatif et fiable pour un
tel usage. L'image ci-dessous est une réduction de ce plan,
réalisée par Georges Braun à la fin du XVIe
siècle1. L'objet de ce développement est donc de
décrire les berges de la Saône mais aussi d'évoquer
rapidement leurs usages, les édifices qui y sont installés et
surtout les infrastructures fluviales qui les composent.
Décrire la rive droite de la Saône est assez
rapide puisqu'on constate une certaine homogénéité des
structures qui s'y trouvent. En effet, de manière
générale, des maisons sont installées tout au long de la
rivière du côté de la colline de Fourvière. Les
rares discontinuités notables sont des types d'accès à
l'eau et notamment des ports, sur lesquels nous reviendrons ensuite plus
longuement. Selon Jean Labasse, c'est une marque du
désintérêt du cours d'eau de la part de ses
1 Georges Braun, Réduction du plan
scénographique de Lyon au XVIe siècle,
in KRUMENACKER, Yves (dir.), Lyon 1562 capitale protestante,
Lyon, Editions Olivétan, 2009, page 53.
riverains. En effet, ce géographe considère
qu'il s'agit d'une illustration de la négligence des rives à la
période moderne puisque « le décor urbain leur tourne
fréquemment le dos ; les maisons plantées dans l'eau se pressent
dans un alignement compact »2. Il est aussi possible que la
présence d'édifices à la limite de l'espace constructible
soit simplement le résultat d'un rationalisation spatiale
cohérente dans cette zone urbaine dont l'expansion est
particulièrement limitée par la colline de Fourvière. De
plus, c'est également l'illustration du faible danger que semble
représenter la rivière de Saône, pour ses
riverains3, puisqu'ils ne semblent pas craindre qu'un
débordement des eaux ravage leurs habitations ou, le cas
échéant, ces dernières représentent un rempart pour
le reste de la ville du côté de Fourvière.
En ce qui concerne la rive gauche de la rivière, si
l'on met de côté les possessions propres à l'abbaye
d'Ainay, à l'extrême-sud de la presqu'île, et les abords du
pont de Saône où se trouvent des maisons, elle se
caractérise par une bande, un espace laissé vide, tout au long de
la rivière. La raison la plus logique qui explique cette situation est
probablement l'usage de cet espace pour le halage. En effet, lorsqu'il s'agit
de tirer, à l'aide de cordes, les bateaux qui remontent la Saône,
il est fondamental de disposer d'un espace suffisant sur la rive. Le halage est
nécessairement entravé par la présence du pont de
Saône, ce qui est une des explications de la présence
d'habitations de part et d'autre de ce pont. Cependant, il n'est pas certain
que cet espace reste libre pour cette raison car « la création d'un
chemin de halage en 1552-1553 entre le fossé des Terreaux, qu'on comble
le long de la rive à cette occasion, et Saint-Clair, sur la rive droite
du Rhône, fait le pendant à ce que l'on cherche à faire
depuis un certain temps le long de la Saône »4. Il est
certain que l'espace sur la rive gauche n'étant pas continu, il n'est
pas réservé au halage, cependant, on l'a
montré5, il peut servir à cet effet. De toute
manière, il est indéniable que les particuliers, comme les
marchands peuvent circuler le long de la Saône du côté de la
presqu'île.
2 LABASSE, Jean, «Réflexion d'un
géographe sur le couple ville-fleuve», in La ville et le
fleuve, actes du colloque de Lyon (avril 1987), Paris, Editions du
Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 1989, page 15.
3 Cet aspect est développé dans le
chapitre III, A et B.
4 Archives municipales de Lyon, Lyon, les
années Rabelais, Dossier des Archives municipales n°6,
catalogue de l'exposition de 1994, page 27.
5 Cf Chapitre IV, A.
Le plan scénographique de Lyon montre en effet que les
berges de la Saône, notamment la rive gauche, sont un lieu de passage et
de promenade comme il est
possible de le voir sur l'extrait de
ce plan, figuré ci-contre6. Cette
image représente des individus qui
se promènent, discutent ou tout
simplement circulent en empruntant l'espace libre sur la rive
gauche de la Saône (ici en amont du pont). Par ailleurs, les quais de la
rivière sont le lieu d'activités professionnelles puisque des
marchandises y sont chargées et déchargées voire vendues.
Dans son étude sur la répartition des métiers à
Lyon, Olivier Zeller a montré que les activités professionnelles
sont rarement concentrées géographiquement dans le ville. Il
distingue cependant plusieurs exceptions et notamment que « la
concentration des bateliers autour des ports est une donnée
répandue »7. De plus, « Lyon apparaissait ainsi
comme une ville entièrement centrée sur ses chapelets de ports
fluviaux »8 dont les activités économiques sont très
développées.
La fréquentation des quais et particulièrement
des espaces portuaires installés le long de la Saône est donc
importante. Un problème découle directement de cela. En effet, de
nombreux déchets résultent de ces activités, surtout
professionnelles, et infectent les quais. Yann Lignereux donne l'exemple de la
Pêcherie, en amont du pont sur la rive gauche de la Saône, qui est
un grand marché de poissons. Il cite un document du 15 mars 1618, qui
est un rapport réalisé par des commis du consulat ; dans celui-ci
est évoqué la « grande puanteur qui proceddoit des eaux,
poissons mortz et autres immondices que lesd. poissonniers gettoient dans la
place estant au bout dud. pont, lesquelles immondices servoient de spectable a
tous les passants et qui estoient pour infecter tout ce quartier la
»9. Même si ce document est quelque peu postérieur
à la période que nous étudions, c'est
6 CHAMPDOR, Albert (introduction), Plan
scénographique de la ville de Lyon au XVIe
siècle, Trévoux, Editions de Trévoux, 1981, extrait
de la planche XIII.
7 ZELLER, Olivier, Les recensements lyonnais de
1597 et 1636, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1983, page 181.
8 NEYRET, Régis (dir.), Lyon, vingt-cinq
siècles de confluences, Paris, Imprimerie nationale Editions, 2001,
page 94.
9 LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi ; de la "bonne
ville" à l'absolutisme municipal (1594-1654), Seyssel (Ain),
Editions Champ Vallon, Collection Epoques, 2003, page 654.
seulement à cette date que le marché aux
poissons est déplacé, ce qui implique que la situation
décrite au début de l'année 1618 s'applique pour tout le
XVIe siècle.
De plus, des particuliers déposent leurs déchets
sur les rives de la Saône ce que l'on peut sans doute expliquer par la
proximité de la rivière. En effet, en 1555, les religieux du
couvent des Augustins, situé près de la rive gauche de la
Saône, se plaignent à la sénéchaussée du fait
que des habitants de la ville déposent divers déchets à
proximité de leur monastère. Ils obtiennent d'ailleurs le soutien
du sénéchal qui interdit que soient déposés le
« fumier ny autres immondices audevant de leur esglize et couvent sous
pretexte que le port en est prochain »10. Cependant, en 1603,
le problème n'est toujours pas réglé puisque les Augustins
écrivent à nouveau au sénéchal pour se plaindre du
non-respect de l'interdiction par plusieurs personnes. Ce problème
montre que les Lyonnais déposent bien leurs déchets sur les quais
en attendant de les mettre à l'eau ou pour que la rivière les
emporte puisque, selon ce document, c'est la proximité du port et donc
de la Saône qui explique l'amoncellement de détritus.
D'ailleurs le consulat est conscient de ce problème et
tente de lutter contre cette habitude qu'ont les Lyonnais de déposer
leurs déchets sur les quais. On a montré qu'à l'inverse,
la municipalité préfère que les détritus soit
directement jetés dans la rivière11. Dans un acte
consulaire par lequel les échevins enjoignent les tanneurs de la ville
à se débarrasser de leurs déchets dans la Saône, il
est explicitement dit que cette décision va à l'encontre de ce
qui est habituellement fait. En effet, les tanneurs « gectoient
ordinairement leurs eaues et immondices par les portz et places publicques puis
au long de la riviere de saonne »12. Il est donc courant que
les déchets soient déposés sur les berges de la
Saône. Cela constitue un problème d'hygiène publique ainsi
qu'une gêne pour les habitants comme pour les personnes de passage.
Dès le XVIe siècle, le consulat s'oppose donc à
cette habitude, préférant que les déchets soient
emportés par la rivière et qu'ils ne restent pas à la vue
de tous. Les amoncellements de détritus sur les quais peuvent d'ailleurs
représenter une gêne à la circulation le long de la
rivière mais aussi aux activités commerciales qui
nécessitent le chargement et le déchargement de marchandises dans
les différents ports et accès à l'eau.
10ADR, 13 H 18, premier document, 1603, lettre des
Augustins de Lyon au sénéchal (qui évoque l'interdiction
obtenue en 1555).
11 Cf Chapitre III, C.
12 AML, BB 086, f° 98 v°, acte consulaire du
17 décembre 1566.
Les éléments les plus importants que l'on trouve
sur les berges d'une riviére
sont donc les différents accés à l'eau
qui ponctuent son cours. Ce sont en effet les structures qui illustrent le
mieux le lien entre les hommes et la riviére qu'ils côtoient ainsi
que l'importance de la navigation pour une communauté. A partir du plan
scénographique de 1550, Jacques Rossiaud a recensé les types de
ports et de débarcadères qui existent à Lyon au
XVIe siècle. Il a ainsi réalisé dix
schémas qui sont figurés cicontre13. Ces
représentations nous montrent qu'il existe à la fois des
accés à l'eau privés ou propres à un édifice
(images A, B et C) et surtout des ports. En effet, à Lyon et
particulièrement
sur les rives de la Saône, les ports sont nombreux. Ils
« s'échelonnent le long des
rives de la Saône depuis Saint-Vincent jusqu'aux
Célestins, ayant chacun sa
fonction : port aux blés, port aux vins etc.
»14. Il s'agit maintenant de présenter ces
structures qui ponctuent les rives de la Saône.
13 Ports et débarcadères urbains,
l'exemple de Lyon d'après le Plan scénographique (1550),
in ROSSIAUD, Jacques, Dictionnaire du Rhône
médiéval (1300-1550), Tome 2, Grenoble, Centre Alpin et
Rhodanien d'Ethnologie, 2002, page 276.
14 GASCON, Richard, Grand commerce et vie urbaine
au XVIe siècle ; Lyon et ses marchands, tome 1, Paris,
S.E.V.P.E.N.,1971, page 142.
B. Evolution des structures portuaires
Les ports, et les accès à l'eau en
général, sont les infrastructures principales et fondamentales
que l'on trouve sur les rives d'un cours d'eau. En effet, ils constituent le
lien privilégié entre le rivage, c'est-à-dire entre la
terre, et l'eau de la rivière puisqu'ils sont le moyen d'accès de
l'un à l'autre, et réciproquement. Le terme de « port »
renvoie à une structure d'accostage et d'amarrage des bateaux. En ce qui
concerne le XVIe siècle, il serait peut-être plus
adapté de qualifier ces lieux de « dispositifs portuaires
»15, puisqu'ils sont de nature variable et plus ou moins
sophistiqués et aboutis comme il est possible de le voir sur les
structures figurées à la page précédente.
Cependant, pour une facilité de compréhension le terme «
port », qui regroupe donc une certaine variété, sera ici
préféré.
Il ne s'agit pas ici de détailler les fonctions
précises des ports installés le long de la Saône ni leur
spécialisation marchande, d'une part parce que les documents d'archives
ne le permettent pas, d'autre part car c'est leur situation et leur
évolution structurelle qui nous intéresse
particulièrement. Les dépenses qui résultent des
différents travaux d'aménagement portuaires ne seront pas
évoquées puisqu'elles feront l'objet ultérieurement d'une
étude en soi. Il s'agit donc de présenter les ports lyonnais
installés le long de la Saône au début du siècle
ainsi que les constructions effectuées au cours du XVIe
siècle. Cependant, le contexte économique et le rôle
commercial des ports ne peut être négligé puisqu'il s'agit
de facteurs qui influent, de façon logique, sur l'importance de ces
espaces de transition entre le transport et la diffusion des produits. Ainsi,
l'évolution économique a des conséquences
indéniables sur les infrastructures portuaires.
Dès la fin du XVe siècle,
l'économie lyonnaise se développe et cette croissance,
économique comme démographique, entraîne des changements
dans les structures urbaines. D'ailleurs, « la transformation de la ville
a été telle après les années 1470, que les
données archéologiques concernant cette époque sont
15 ROSSIAUD, Jacques, Le Rhône au Moyen
Age, Paris, Flammarion, Collection Aubier, 2007, page 177.
rares »16. Selon Yann Lignereux, « Lyon
devait une partie de sa prospérité à l'important commerce
qui la traversait »17 et celui-ci se développe surtout
à partir de l'octroi des privilèges de foires par les rois de
France à la ville de Lyon, particulièrement après
l'acquisition définitive de ces privilèges en 1494. En effet,
Charles VIII rétablit cette année-là les foires de Lyon
(il y en a quatre par an) ce qui permet de faciliter les échanges
à grande échelle en réduisant les taxes
prélevées sur les marchandises. Donc, dès la fin du
XVe siècle, la ville de Lyon connaît un essor
économique important.
Ce rayonnement économique croissant entraîne une
modification des structures urbaines et notamment des ports puisqu'ils sont le
lieu de chargement et de déchargement des marchandises qui transitent
par voie d'eau. En effet, « l'ouverture de nouveaux ports sur la
Saône en 1482-1483 devant Saint-Eloi, puis en 1485-1490 derrière
le chevet de Saint-Paul montrent le développement de l'activité
portuaire, donc du trafic des marchandises. Ces nouveaux ports attestent aussi
de la paix retrouvée »18. Deux ports sont effectivement
réalisés à la fin du XVe siècle. Tout
d'abord, la construction du port Saint-Eloi, qui se trouve en amont du pont sur
la rive droite de la Saône, est prise en charge par le consulat en
148319. D'autre part, la reconstruction du port Saint-Paul
résulte, quant à elle, de la volonté des « Messieurs
de l'Eglise de Saint-Pol et leurs voisins »20 qui demandent
néanmoins l'autorisation du consulat, responsable de la voirie, pour
cela. Ce deuxième port est construit en face de l'église du
même nom c'est-à-dire sur la rive droite de la Saône,
directement en amont du nouveau port Saint-Eloi.
Ces deux nouvelles structures permettent de désenclaver
les quartiers oüelles sont construites. En effet, la rive
droite de la Saône ne comptait pas de port
entre celui des Deux-Amants (en amont de la forteresse de
Pierre-Scize donc à l'entrée nord de la ville) et le port de la
Baleine qui se situe en aval du pont de Saône.
16 NEYRET, Lyon, vingt-cinq siqcles~ op.
cit., page 86.
17 LIGNEREUX, Lyon et le roi op. cit., page
647.
18Archives municipales de Lyon, Lyon, les
années~ op. cit., page 23.
19 AML, DD 339, pièce 34, acte consulaire de
mai 1483.
20 AML, DD 339, pièce 7, premier document, acte
consulaire du 16 mars 1487.
Ces deux ports s'ajoutent aux huit qui existaient
précédemment sur les deux rives de la Saône. Ainsi, au
début du XVIe siècle, dix ports sont installés
le long de la rivière dans le cadre de la ville de Lyon, comme cela est
figuré sur le plan cidessous.
Figure 1 - Plan de Lyon et des ports sur la Saône
à la fin du XVe siècle
Trois ports sont construits à Lyon le long de la
Saône au cours du XVIe siècle ; il convient de les
présenter. Le premier port lyonnais qui est réalisé au
bord de la Saône au XVIe siècle est celui du Temple. Un
acte consulaire du 5 septembre 1508 précise le lieu où celui-ci
sera construit : « près le temple [...] entre les jardins des
frères Tourveon et le monastere Saint anthoine »21. Le
consulat décide de la réalisation de ce nouveau port parce que
« le Port de Rue chalamont de cette dite ville est mal aisé
»22. Il s'agit donc de pallier les difficultés
d'accès au port Chalamont par un second port, réalisé
à proximité. En effet, le port du Temple est construit sur la
rive gauche de la rivière, en aval du pont de Saône, entre le port
Saint-Michel (plus au sud) et le port Chalamont. Or, pour réaliser ce
nouveau lieu d'accostage, des travaux sont nécessaires. En effet, pour
faciliter la circulation aux abords de ce nouveau port, et donc l'accès
à celui-ci, le consulat décide de « faire eslargir la ruelle
qui est entre le monastere Saint anthoine d'un costé, et les maisons
appartenantes a honnorables personnes jacques et Claude Tourveon
»23. Ainsi, en 1508-1509, un nouveau port est
érigé sur la Saône et quelques aménagements sont
réalisés à proximité.
D'autre part, en 1538, François Ier offre
à la municipalité lyonnaise un jardin « questoit devant la
maison dudit seigneur appellée Roanne, pour en faire un Port sur Saonne
»24. Pour cette réalisation, le consulat demande au roi
l'autorisation de faire des travaux sur les quais, du jardin de Roanne au pont
de Saône pour « y faire rue et passaige commun »25.
François Ier, qui écrit une lettre adressée au
sénéchal de Lyon, c'est-à-dire à son
représentant, autorise la municipalité à effectuer les
travaux nécessaires à la réalisation d'un nouveau port.
L'autorisation est entérinée à la cour de la
sénéchaussée en présence du procureur de la ville
de Lyon, Jehan de la Bessée, représentant du consulat, le 12
décembre 153826. Le port de Roanne est érigé
entre 1539 et les premières années de la décennie 1540. Il
est situé sur la rive droite de la Saône, en aval du pont et
à égale distance du port de la Baleine et du port Saint-Jean et,
comme pour la réalisation du port du Temple, des travaux pour en
faciliter l'accès et permettre une fluidité du trafic sur les
quais, sont réalisés.
21 AML, DD 335, pièce 1, acte consulaire du
mardi 5 septembre 1508.
22 AML, DD 338, pièce 2, acte consulaire du 9
mars 1508.
23 AML, DD 338, pièce 2, acte consulaire du 9
mars 1508.
24 AML, DD 340, pièce 12, premier document, 30
juillet 1538.
25 AML, DD 340, pièce 12, deuxième
document, lettre royale du 25 novembre 1538.
26 AML, DD 340, pièce 12, troisième
document, acte de la sénéchaussée, 12 décembre
1538.
Enfin, un troisième port est construit sur les berges
de la rivière au XVIe siècle : il s'agit du port
Rontalon. Ce port est situé sur la rive gauche de la Saône, en
face du port Saint-Jean donc au sud de la ville. Afin de le réaliser,
Jacques Gimbre, voyer de la ville, est chargé à la fin de
l'année 1562 de détruire « la maison etant dans le tennement
de Rontalon, ensemble les murailles du côté de Bellecourt jusques
ala riviere de Saone [...afin de] faire un port et place publique pour passer
l'artillerie plus aisement [...] pour la commodité des marchands et
marchandises qui arriveront audit Port et pour l'embellissement
»27 de la ville. Ainsi, la réalisation du port Rontalon
s'accompagne de la création d'une place à proximité et
d'aménagements plus en profondeur dans la presqu'île. Ceux-ci
permettent de développer les déplacements dans le sud de la
presqu'île, au nord d'Ainay, d'autant plus que la rue de la Barre (qui
relie le pont du Rhône à la Saône) est percée par la
même occasion.
Trois ports sont donc construits le long de la Saône au
cours du XVIe siècle. Deux sont installés sur la rive
gauche dans un espace où aucune structure de ce type n'était
présente entre le port Chalamont (à proximité du pont) et
le port Saint-Michel, tout au sud de la ville. De plus, le port de Roanne,
construit sur l'autre berge, fait le pendant au port du Temple et permet lui
aussi de compléter le réseau des dispositifs portuaires. Chaque
construction de port s'accompagne d'aménagements à
proximité soit le long des rives soit plus en profondeur dans les
terres. Systématiquement, l'objectif de ces travaux est de faciliter
l'accès aux ports et donc de garantir l'utilité et
l'intérêt de ces nouvelles réalisations.
Finalement, l'important développement économique
de la ville de Lyon, quidébute à la fin du
XVe siècle et se poursuit dans les deux premiers tiers du
XVIe
siècle, correspond à la période de
construction de nouveaux ports le long des rives de la Saône. En effet,
cinq ports sont réalisés entre les années 1480 et les
années 1560. Les travaux sont donc effectués dans la
période d'essor économique puisque aucun port n'est construit
à la fin du XVIe siècle. Cependant, il convient de
préciser que la densité des ports est alors importante. Ceux-ci
sont régulièrement répartis sur les deux rives de la
Saône ; il n'est pas nécessairement utile d'en ajouter. Le plan
de
27 AML, DD 338, pièce 25, acte consulaire du 26
décembre 1562.
Lyon, figuré ci-dessous, montre que les ports
ajoutés au XVIe siècle complètent habilement le
réseau portuaire. D'autres restructurations, de moindre ampleur, sont
effectuées autour des ports de la Saône au cours du
XVIe siècle ; elles seront présentées
ultérieurement, dans le cadre de l'analyse des modalités de
financement des réparations et des constructions de ports lyonnais.
Figure 2 - Plan de Lyon et des ports construits sur la
Saône au XVIe siècle
C. Financement des travaux aux ports
Afin de déterminer l'importance de l'implication de
l'autorité municipale dans la réalisation des infrastructures
saôniennes et particulièrement dans les travaux effectués
aux différents ports, s'intéresser aux fonds qui sont
employés, ainsi qu'à leur origine, semble nécessaire. La
voirie et les dépenses qui s'y rattachent dépendent, en
théorie, du pouvoir consulaire. Cependant, ce n'est pas une règle
qui s'applique de façon systématique. Afin de présenter
les différents protagonistes qui prennent part au financement des
réparations et des constructions de ports à Lyon, nous allons
nous intéresser aux réalisations qui ont été
précédemment évoquées en y adjoignant les
entreprises de réparations. Ainsi, les structures portuaires
réalisées à la fin du XVe siècle seront
intégrées à notre analyse à titre d'exemples et
permettront une étude à plus long terme. La question du
financement de ces constructions antérieures au XVIe
siècle constitue logiquement le point de départ de notre
étude.
Il semble que pour la réalisation du port Saint-Eloi,
en 1483, le consulat prenne en charge toutes les dépenses. Dans l'acte
consulaire qui porte la décision de construction, il est indiqué
« que le devis de la paye des ouvriers et manouvriers soit faite ainsi et
par la forme et manière que l'on a accoustumé de payer pour les
autres reparations »28. En effet, le 3 août 1483, le
« recepveur [de la ville] a livré et paié de et sur les
deniers de sad. recepte »29 les artisans, notamment le
maître charpentier Estienne Chappon, qui travaillent à la
réalisation du port. En ce qui concerne le second port construit
à la fin du XVe siècle, le port Saint-Paul, le
consulat se contente de donner son accord. Comme la municipalité n'est
pas l'instigateur de cette construction, il semble logique qu'elle ne
s'acquitte pas du salaire des ouvriers et des artisans qui sont employés
à cet ouvrage. Néanmoins, les religieux de Saint-Paul et les
riverains de ce quartier, qui sont à l'origine de la construction de ce
port, demande un soutien financier du consulat à hauteur de 100 livres.
Dans un premier temps les échevins refusent car ils « n'est
à eulx possible
28 AML, DD 339, pièce 34, acte consulaire de
mai 1483.
29 AML, CC 465, f° 21 r°.
les faire bailler obstant les grandes affaires de laditte
ville »30. Ils finissent cependant par accepter de contribuer
financièrement à la réalisation du port Saint-Paul car
comme cela « touche et concerne le bien et proffit », le consulat
ordonne que « soit baillé et livré par le trésorier
et receveur general de lad. ville [...] la somme de soixante livres
»31.
Il semble donc que le consulat assume le financement des
travaux qui sont réalisés de sa volonté. De plus, son
avis, et particulièrement son accord, est requis lorsqu'il s'agit d'une
édification souhaitée par des particuliers, d'autant plus qu'elle
concerne une structure, le port Saint-Paul, dont l'utilisation ne sera pas
limitée aux personnes qui l'ont réalisée. C'est
probablement la raison pour laquelle les échevins accordent un soutien
financier à cet ouvrage dont le bénéfice sera collectif.
De plus, la réalisation de deux ports dans cette partie de la ville qui
n'en comportait pas représente un intérêt certain. Le
consulat, conscient de la nécessité que des
débarcadères soient construits en ces lieux, a, de son propre
chef, financé le port Saint-Eloi, puis, a apporté des fonds pour
la réalisation du port Saint-Paul. Il s'agit maintenant de confirmer ou
de nuancer l'implication du consulat dans la réalisation et l'entretien
des structures portuaires au cours du XVIe siècle.
Au cours du XVIe siècle, le consulat prend
parfois lui-même en charge des travaux. Il est difficile de
déterminer les raisons pour lesquelles il décide ou non de s'en
acquitter ; cela est sans doute lié à l'état des finances
de la ville et aux charges variables qui pèsent sur la
municipalité en fonction du contexte. En tout cas, la
municipalité lyonnaise finance les dépenses liées aux
démolitions nécessaires à la réalisation du port
Rontalon, puisqu'elle « enjoint a M. françois Coulaud Receveur des
deniers communs [...de] payer les journées et vacations des ouvriers qui
travailleront aux dittes démolitions »32. En ce qui
concerne la construction en ellemême du port, il semble que la ville s'en
charge également car aucun acte consulaire, ainsi qu'aucune source au
sujet de la voirie municipale, ne révèle une contribution
extérieure et les sources comptables non plus.
Il est néanmoins certain que le consulat s'acquitte
à plusieurs reprises du financement de travaux portuaires. En 1549, la
décision est prise de réparer et de
30 AML, DD 339, pièce 7, premier document, acte
consulaire du 16 mars 1488.
31 AML, DD 339, pièce 7, deuxième
document, acte consulaire du 28 septembre 1488.
32 AML, DD 338, pièce 25, acte consulaire du 26
décembre 1562.
paver deux ports sur la Saône : le port du
Temple33 et le port de la Baleine34. Pour ces deux phases
de réparations, le voyer de la ville, alors Humbert Gimbre, est en
charge de la supervision des travaux et la municipalité les finance. En
1569, le consulat décide même de vendre une boutique appartenant
à la ville car « il etoit besoin de recouvrer deniers pour la
construction et reparation d'un des ports de la Riviere de Saone [...] au bourg
Saint vincent »35. Poncet Bouvet, échevin, en est
l'acquéreur pour la somme de six cents livres. Il s'engage, avec cette
somme, à « payer et delivrer aux maçons et ouvriers qui
seront employés [...] audit Port » c'est-à-dire qu'au lieu
de donner directement l'argent au vendeur (le consulat), il est chargé
de payer lui-même les artisans qui vont réaliser les travaux. Le
consulat finance donc lui-même ces réparations mais de
façon indirecte.
La municipalité lyonnaise, c'est-à-dire
l'autorité responsable de la voirie dans la ville, n'exclue pas,
ponctuellement, de demander la participation financière de particuliers
pour les travaux qu'elle réalise. En effet, si l'on prend l'exemple du
port du Temple, réalisé en 1508-1509, dès que la
décision de construction est prise, les échevins désirent
la contribution des propriétaires des maisons situées à
proximité de celui-ci. Le consulat nomme quatre commis,
Barthélémy de Villars, Jehan de Bourges, Humbert Mathieu et Jehan
Faye, afin qu'ils déterminent « combien lesd. sieurs abbé de
St Anthoine et freres Tourveon seront intéressés à
l'affaire dud. Port en ayant regard a la commodité qu'ils et chacun
d'eux en pourront prendre, aussi les voisins qui dudit Port prendront
commodité, et de combien ils seront contribuables pour aider a survenir
ez frais »36. Les commis sont donc chargés de mesurer le
bénéfice que les différents voisins du port tireront de sa
présence, en tenant compte d'un avantage variable, probablement selon la
situation spatiale et donc la distance au port. Les religieux du couvent
Saint-Antoine et les frères Tourveon sont les seuls voisins clairement
désignés car ils doivent aménager les bâtiments
qu'ils possèdent afin de faciliter l'accès au port.
Les autres voisins du futur port du Temple comparaissent au
consulat le 5 septembre 1508, en présence de maître Denis Garbot,
procureur de la ville. Ils promettent tous de « contribuer pour faire led.
Port, chacun selon son pouvoir et
33 AML, DD 338, pièce 3, acte consulaire du 31
août 1549.
34 AML, DD 340, pièce 1, acte consulaire du 31
août 1549.
35 AML, DD 256, pièce 44, acte de vente d'une
boutique daté du 29 septembre 1569.
36 AML, DD 338, pièce 2, acte consulaire du 9
mars 1508.
faculté et ce que par lesd. commis sera ordonné
»37. Une liste des personnes qui participent au financement de
la construction de ce port figure en annexe 1. Cette procédure, le
recours à des fonds privés pour réaliser une construction
à caractère public, semble anodine. En effet, aucun des documents
consultés ne montre que cette entreprise a posé des
difficultés ou que des particuliers ont d'abord refusé de
participer pour finalement se soumettre à la volonté du consulat.
Le seul élément surprenant est que pour la construction,
précédemment évoquée, du port Saint-Eloi donc
vingt-cinq ans avant le port du Temple, la municipalité se charge de
toutes les dépenses, notamment du salaire des ouvriers comme il est
d'usage qu'elle le fasse (selon ce qui est notifié dans l'acte
consulaire à ce propos)38. Il est ainsi malaisé de
déterminer s'il est coutumier que les personnes tirant un plus grand
avantage d'une infrastructure, pourtant à usage collectif, participent
financièrement à sa réalisation. Ce qui semble cependant
certain est le fait que le critère de choix des personnes qui devront
contribuer aux travaux est fondé sur la proximité entre les
possessions de ces individus et la structure en question. Il n'est donc jamais
envisagé de demander de l'argent, par exemple, à des marchands
bateliers qui bénéficieraient pourtant de la réalisation
d'un nouveau port au moins autant que les voisins de celui-ci.
Les échevins prennent parfois leurs précautions
avant de contraindre des propriétaires à contribuer
financièrement ou à réaliser eux-mêmes des travaux.
En effet, dans le cadre de l'édification du port de Roanne en 1538-1539,
le consulat envisage de « faire rue et passaige commun »39
le long des quais, entre le pont de Saône et ce nouveau port, mais il
réclame le soutien du roi car il est nécessaire que les
propriétaires des maisons à proximité acceptent de faire
des travaux devant chez eux afin de réaliser ce chemin. Or, ces
particuliers possèdent de « belles et sumptueuses maisons » et
les échevins semblent hésiter à leur demander une
contribution, probablement car il s'agit de personnes importantes.
François Ier demande au sénéchal de Lyon de s'assurer que
les travaux soient effectués et lui indique qu'il doit, si
nécessaire, « contraindre tous ceulx [...] ayans leurd. maisons sur
lad. riviere »40 à financer la réalisation du
chemin permettant l'accès au nouveau port de Roanne.
37 AML, DD 335, pièce 1, acte consulaire du
mardi 5 septembre 1508.
38 AML, DD 339, pièce 34.
39 AML, DD 340, pièce 12, travaux
évoqués dans une lettre royale du 25 novembre 1538.
40 AML, DD 340, pièce 12, lettre royale du 25
novembre 1538.
Enfin, un dernier cas de figure est à présenter
; il s'agit du financement de travaux par des particuliers non contraints. En
effet, au début du XVIe siècle, des particuliers
souhaitant réaliser des aménagements de leurs habitations,
situées à proximité du port Chalamont, sur la rive gauche
de la Saône, obtiennent l'autorisation du consulat à condition
qu'ils réalisent quelques travaux aux abords du port. Ces
propriétaires, qui souhaitent agrandir leurs maisons, doivent ainsi
« faire une levée a niveau dudit Port de Rue Chalamont qui sera
chemin et passage Public, lesquels mur et levée seront tenus avoir fait
préalablement avant de commencer de faire leursdits Batiments
»41. Ils sont donc autorisés à faire les travaux
qu'ils souhaitent mais ils doivent d'abord aménager les accès au
port Chalamont, probablement afin de ne pas rendre celui-ci impraticable. En
1517, les mêmes voisins du port Chalamont demande au consulat « la
permission de paver ledit port, chacun devant sa maison »42 ce
qui leur est évidemment autorisé. Enfin, en 1520, Vincent
Prothonaris, habitant également à proximité de ce port,
souhaite lui aussi, comme ses voisins, agrandir sa maison. Comme pour les
autres propriétaires, le consulat lui donne l'autorisation d'effectuer
ses travaux si, en contrepartie, il aménage l'accès au port. De
plus, Vincent Prothonaris promet « donner par aulmone au Grand hospital du
Pont du Rhone la somme de vingt livres tournois »43.
Plusieurs combinaisons de financement existent donc pour les
travaux portuaires. En général, soit le consulat s'acquitte des
frais (achat des matériaux et salaire des ouvriers) soit il demande la
contribution des propriétaires des maisons qui sont à
proximité du lieu des travaux. Une seule fois au cours du siècle,
des particuliers s'opposent à ce système et refusent de
participer financièrement aux réparations d'un port, en
l'occurrence à celles du port Chalamont. Au mois d'août 1591, le
consulat fait appel au siège présidial de Lyon, expliquant que
« comme le port appellé de Rue Chalamon soit en telle ruyne que si
bien tost il n'y est pourveu il demeurera inutile non seulement pour le
publicque, Mais mesmes a ceulx qui ont maisons bouticques et magasins voysings
», il est nécessaire de procéder aux réparations. De
plus, il est précisé que ce le consulat souhaite que ces travaux
« se
41 AML, DD 335, pièce 2, actes consulaires du
17 janvier et de dernier jour de février 1510.
42 AML, DD 335, pièce 3, acte consulaire du
mardi 27 avril.
43 AML, DD 335, pièce 3, acte consulaire du
mercredi 11 janvier 1520.
facent aux despens desd. voysins et que ainsi de tous temps a
esté praticqué en ceste ville »44. Ce recours
à l'institution présidiale, dont le principal rôle est
judiciaire, implique nécessairement que la municipalité lyonnaise
est en conflit avec les propriétaires des maisons situées pres du
port. Le 27 août 1591, le différend est tranché en faveur
du consulat puisqu'il est décidé que les propriétaires de
ces maisons devront « supporter et payer les serviz des repparations quil
y conviendra faire »45.
Des le 3 septembre suivant, le consulat nomme deux commis qui
sont chargés de déterminer le prix des travaux « à
faire au port chalamont Et en apres convenir avec les proprietaires des maisons
qui sont proches »46. Il semble qu'aucun accord n'ait
été trouvé car par c'est un lieutenant du roi, le 18
septembre 1591, qui informe par lettres les vingt-huit propriétaires des
sommes qu'ils devront chacun débourser et qui en assigne vingt-cinq
à comparaître au siege présidial le lendemain47.
Les propriétaires se plaignent alors de la répartition des frais
; Jane Rochette, par exemple, est prête à contribuer « mais
Il fault que ce soit avec la raison » et elle met en avant le fait que
François Bernart, « qui tient la maison de feu daniel seguin [...]
qui en doibt plus que [...] les autres Et neanlmoings il est le moings
cottizé »48. Toute discussion est rompue le
1er octobre de la même année car les membres du siege
présidial décide que les propriétaires doivent payer ce
qui leur est demandé et un sergent royal doit, en cas de refus
d'obtempérer, les contraindre « par prinse saisye vente et
dellivrance de leurs biens »49. En 1596, les travaux semblent
avoir été effectués car les maçons et charpentiers
ont été rémunérés50 mais
l'affaire n'est toujours pas réglée car un « Estat des
restans a paier leur cottization pour la construction du port de Rue Challamon
»51 est réalisé par Dominique Dufour, receveur
des deniers de la ville ; neuf propriétaires ne se sont alors toujours
pas acquittés des sommes qui leur sont demandées depuis cinq
44 AML, DD 335, piece 8, lettre du consulat au siege
présidial daté du mois d'août 1591.
45 AML, DD 335, piece 10, acte du siege
présidial du mardi 27 août 1591.
46 AML, DD 335, piece 11, acte consulaire du mardi 3
septembre 1591.
47 AML, DD 335, piece 12, document du 18 septembre
1591.
48 AML, DD 335, piece 13, acte du siege
présidial du 19 septembre 1591, pages 6 et 7.
49 AML, DD 335, piece 17, document du siege
présidial « au premier huissier ou sergent royal requis »,
daté du 1er octobre 1591.
50 AML, DD 335, piece 40, compte de Dominique Dufour
pour les travaux du port Chalamont, pages 7 à 14.
51 AML, DD 335, piece 50.
ans. D'autres complications, qui ne concernent pas directement
notre étude, prolonge l'affaire. Celle-ci n'est résolue qu'au
début du XVIIe siècle.
Les différents travaux effectués aux ports qui
sont le long de la Saône, à Lyon au XVIe siècle
sont, en général, décidés par le consulat. Celui-ci
ne prend pas toujours en charge leur financement puisque la contribution des
Lyonnais qui résident à proximité des lieux à
aménager ou à rénover est souvent requise. A la fin du
siècle, le consulat, soutenu par les instances judiciaires, semble
appliquer systématiquement un principe que l'on peut qualifier «
d'intérêt public à tendance particulière » car,
selon lui, chacun bénéficie des nouvelles réalisations
mais surtout ceux qui vivent à proximité. Ainsi, il semble admis
par les autorités que les particuliers qui devraient tirer le plus de
profit d'une construction ou d'une rénovation de port doivent participer
aux frais qui en découlent. Le recours à un financement
privé pour des travaux dont le profit est collectif n'est pas
caractéristique des édifices fluviaux, ni du XVIe
siècle, ni de la ville de Lyon. En effet, selon Marcel Prade, le 5 avril
1399, des « lettres royales mettant à la charge des
propriétaires, même privilégiés, l'entretien du
pavé de la ville de Paris »52 sont émises. Il
semble donc s'agir d'une procédure plutôt classique.
52 PRADE, Marcel, Les ponts, monuments
historiques, Poitiers, Editions Brissaud, Collection Art et Patrimoine,
1986, page 16.
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