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L'enseignement spécial, des "anormaux d'école" aux "anormaux d'emploi"

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par Sharon Geczynski
Université Libre de Bruxelles - Diplôme d'études spécialisées en Sciences du Travail 2003
  

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CONCLUSION

L'enseignement special destine aux « debiles legers » se presente aux familles comme une remediation aux retards scolaires. Les echecs scolaires y sont interpretes comme les signes d'une deficience intellectuelle a laquelle l'enseignement va remedier en s'adaptant a cet handicap.

Le verdict scientifique verbalise dans l'attestation du centre psycho-medicosocial (PMS) qui contient le diagnostic du « type d'anormalite » dont souffre l'enfant detient le pouvoir de sceller son destin scolaire, et donc social, des l'age de 8-9 ans. Lorsque l'objectif de remediation n'est pas atteint, et c'est generalement le cas, l'echec sera egalement impute aux deficiences psychologiques -- intellectuelles ou caracterielles -- de l'enfant.

Les criteres qui president a l'orientation vers l'enseignement special sont, a peu de choses pres, ceux qui ont ete etablis au debut du 20eme siecle par ses fondateurs, notamment Alfred BINET et Theodore SIMON.

Ils voyaient le resultat d'une deficience intellectuelle dans le retard scolaire et/ou l'indiscipline a l'ecole. L'institution de l'ecole obligatoire, en donnant acces a l'ecole aux enfants des couches les plus populaires de la societe avait revele qu'un grand nombre d'enfants etaient incapables de suivre l'enseignement qui leur etait dispense.

L'interpretation, par ces auteurs, de l'echec scolaire dans une perspective pathologique en termes d'anormalite aura une importance considerable sur les developpements ulterieurs des classes pour « anormau x d'ecole ».

Les distinctions terminologiques et les classifications qui en decoulent se retrouvent aujourd'hui encore, a quelques « modernisations » pres, dans le discours des professionnels de l'enseignement special.

Les problematiques inherentes a la classification en termes d' « anormaux d'ecole » fondent toujours l'enseignement special. Les directrices d'ecoles revelent, selon nous, la nature ideologique de la notion de debilite legere. C'est en termes medico-psychologiques qu'elles justifient et fondent le processus de remediation. L'influence du milieu social sur l'orientation vers cette filiere est integree dans cette pespective. Il y aurait, selon les directrices, de « meilleurs types », autrement dit des enfants ayant un quotient intellectuel plus eleve, dans les ecoles des quartiers aises. De plus, dans ces milieux les enfants recoivent plus d'attention en ce qui concerne leur scolarite.

Ce qui e xpliquerait, selon elles, que les remediations des quartiers aises soient differentes et correspondent aux « possibilités financieres et aux niveaux » des familles.

La notion de debilite legere mise en question dans ce travail comprend les types 1, 3 et 8 mais nous avons accorde une attention particuliere au type 8 parce qu'il s'est avere etre un bon indicateur du fonctionnement effectif de l'enseignement special en matiere de remediation.

Alors que les autres types de « debiles legers » sont orientes, en secondaire, dans la continuite de cette filiere. Les enfants categorises type 8 a l'intelligence « normale », sont senses « reintegrer l'enseignement ordinaire, soit en cours de scolarite primaire, soit a l'entree du secondaire91 » car il n'existe pas, au niveau du secondaire, d'enseignement special qui leur soit destine.

Le cas de ces enfants nous parait particulierement revelateur des mecanismes de relegation. De maniere presque generale, le Certificat d'Etude de Base (C.E.B) ne leur est pas accorde ce qui les relegue, en definitive, vers l'enseignement professionnel. Or, « en realite, le professionnel remplit le role d'instance scolaire ultime de relegation pour le general et le technique. On observe de plus cette meme permanence dans la faible proportion de diplomes par rapport aux nombres d'inscrits au debut du cycle92 ». Cela revient a « produire » -- au niveau social a « reproduire » -- des candidats au sous-emploi

La conclusion de Mateo ALALUF s'applique parfaitement a nos constatations sur l'inscription economique des debouches de la filiere d'enseignement special : « la frequentation de l'ecole professionnelle permet aux eleves d'acquerir des savoir-faire utilisables pour l'industrie, alors que l'absence de certificat rend les demandeurs d'emploi moins exigeants et plus vulnerable sur le marche de l'emploi. Si bien que l'on peut considerer comme rationnel par rapport a son environnement economique, un systeme d'enseignement professionnel dont la fonction consisterait aussi, en raison du grand nombre d'echecs scolaires, a produire des savoir-faire non reconnus socialement, parce que non certifies officiellement. Ces formations produiront alors des travailleurs utilisables a bas salaires93 ». Bref, les « anormaux d'ecole » deviennent des « anormau x d'emplois ».

En meme temps que l'entree en remediation, l'institution scolaire nous parait imposer aux membres des classes populaires, une perception d'euxmemes comme anormaux. Par l'utilisation d'un langage medicopsychologique l'ecole donne, en quelques sortes, aux remediations qu'elle impose, satut et force de prescription medicale. Il est par consequent extremement difficile aux familles populaires de mettre en question les

91Prospectus de presentation d'une des ecoles oil nous avons enquête

92 ALALUF M., Le temps du labeur. Formation, emploi et qualification en sociologie du travail , Institut de Sociologie, Sociologie du travail et des organisations, Editions de l'Universite Libre de Bruxelles, 1986, p.94

93 ALALUF M., op.cit., p.94

decisions des « experts du champ de l'enfance inadaptee ». Completement demunies face au verdict de la Science, elles l'acceptent et finissent par l'interioriser comme une confirmation de leur « inferiorite » et de leur « anormalite ».

L'anormalite conferee aux « mauvais eleves » les cantonne dans des structures de prise en charge des « malades » qu'ils sont devenus.

Leur origine sociale a ete transformee en deficience psycho-pathologique. Cette transformation constitue un plantureu x fond de commerce pour ceux qui, en vertu de leur « intelligence superieure », sont habilites a les soigner et a leurs « administrer la discipline industrielle94 »

BIBLIOGRAPHIE
Contexte social et idéolo gique de la naissance de l'ensei gnement spécial

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault