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La coopération décentralisée entre la France et le Cameroun : un véritable partenariat ?

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par Cyprien BASSAMAGNE MOUGNOK
Université de Yaounde II - Soa - Master II 2007
  

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CONCLUSION GENERALE

Dans sa thèse sur la coopération décentralisée pour le développement entre la France et le Cameroun, Charles Nach Mback affirme sans ambages que« les faits ne permettent de définir la coopération décentralisée que comme un apport essentiel des collectivités du Nord (France) à leurs homologues du Sud (Cameroun) » (Nach Mback, 1994 : 177). Sans doute parce que trop pressé de remuer les cendres de l'approche dépendantiste des relations internationales, l'auteur a négligé certains détails qui, mis en exergue commandent la prudence.

Qu'il nous soit donné l'audace de penser que l'engagement international des collectivités locales françaises dans une relation de partenariat avec leurs homologues Camerounais ne se justifie plus simplement par une logique humanitaire, mais davantage par l'intérêt réciproque pour la promotion d'un développement durable de leurs territoires respectifs dans un univers relationnel essentiellement interdépendant. La "réciprocité" dont nous parlons ici exprime le fait que la coopération consiste à donner mais aussi à recevoir. On ne peut la concevoir comme une aide à sens unique du Nord vers le Sud ; c'est pourquoi la notion de réciprocité ne saurait être réduite à des opérations comptables encore moins au financement puisque la coopération décentralisée est avant tout financée par le Nord (Albine, 1999).Dans le cadre de ce partenariat, les « effets retours » sont d'une toute autre nature car les moyens et les attentes de chacun ne sont pas identiques.

Nous avons vu que l'échange social au lieu de reposer sur une obligation juridique, repose sur une obligation morale et ceci même si les conditions d'intérêt en sont partie intégrante. C'est la raison pour laquelle le partenariat France-Cameroun ne peut être réduit à l'utilitarisme qui caractérise l'échange économique. Des biens symboliques comme le prestige, l'honneur ou le pouvoir peuvent, nous le savons bien, s'échanger contre des biens matériels. Dans le cadre des jumelages Franco-camerounais, l'aide matérielle de la commune française est rendue par les habitants de la commune camerounaise sous forme de manifestations culturelles. De même, la contrepartie des collectivités Françaises dans ce partenariat peut être appréhendée en terme d'ouverture d'espaces de commerce pour les entreprises locales en France, de lutte contre le chômage en France, d'organisation d'un cadre d'exploitation des essences des forêts camerounaises dont la démarche est parfois initiée par la collectivité camerounaise en vue de constituer un appât à la formalisation des liens de coopération décentralisée.

Quoi qu'il en soit, le partenariat France-Cameroun est un pari sur la réciprocité, il doit être orienté vers des fins qui ne peuvent être réalisées que par l'interaction entre les acteurs. Ces fins peuvent être expressives ou instrumentales, selon qu'elles sont orientées vers la poursuite de récompenses immédiates ou celles des valeurs ultérieures (Médard, 1995). Mais, en sortant de l'apport concret pour entrer dans le retour immatériel, on est en droit de se demander si la réciprocité n'est pas en fin de compte « un voeu pieux ou même une expression politiquement correcte consistant à nier le caractère profondément inégal de l'échange » (Allou ; Di Loreto, 2000). Ce jugement de valeur qu'on peut ou non partager ne s'impose pas scientifiquement dans la mesure où, si la réciprocité recouvre le plus souvent un échange inégal, c'est en fonction des valeurs occidentales que l'échange inégal est alors considéré comme arbitraire. L'impossibilité dans laquelle on se trouve de pouvoir se référer à une mesure objective de la valeur introduit un flou dans l'évaluation. Ce flou peut éventuellement laisser une place à la manipulation idéologique. Mais une fois de plus, c'est le principe d'équité et non d'égalité qui fonctionne le plus souvent et si une réciprocité inégale peut être ressentie comme équitable, ce n'est pas nécessairement l'effet de l'idéologie (Médard, 1995 : 19-20).

Il serait donc périlleux de souscrire hâtivement aux thèses sommaires qui présentent la coopération décentralisée entre la France et le Cameroun comme un apport essentiel des collectivités locales du Nord à leurs homologues du Sud, comme un partenariat vide de sens du fait du déséquilibre des prestations qui donnent finalement à cette dernière une allure d'assistance (Nach Mback, 1994). Madeleine Grawitz (2000) ne nous le rappelait-elle pas déjà de façon implicite lorsqu'elle affirmait que, en sociologie le risque est grand car les hommes s'imaginent facilement connaître la société dans laquelle ils vivent ?

En tout cas, il se peut plutôt qu'il y ait dans le cadre de ces nouvelles relations internationales une démultiplication d'interactions dont le caractère complexe laisse entrevoir une réciprocité. D'ailleurs, c'est dans le cadre de ces interactions complexes que la France chercherait sinon à promouvoir son rayonnement sur le plan international du moins à disséminer l'idéologie néolibérale au Cameroun que les acteurs locaux politiquement intéressés pourraient reproduire dans une perspective réflectiviste (Roche, 2000). Il ne s'agissait pas ici de reprendre les catégories éculées de l'analyse dépendantiste, laquelle considère les réformes politiques du Sud comme totalement subordonnées à celles du Nord. Il s'agissait ici de faire une sociologie fine et détaillée des transactions objectives, voire subjectives entre les différents acteurs en évitant de surestimer ou de mésestimer l'apport de l'un ou l'autre dans le processus de la coopération décentralisée France-Cameroun.

A cet égard, la littérature sur la coopération décentralisée que nous avons produite a constamment pris en compte le principe de réciprocité. Nonobstant l'«encapsulation » de l'apport des collectivités locales camerounaises dans les différents accords de la coopération décentralisée, il y a pourtant lieu de remarquer que les intérêts des collectivités locales françaises sont moins évidents sans être moins importants. John Pilger (1998) ne semble donc pas s'être trompé, lui qui dans son ouvrage Hidden agenda rappelait aux journalistes et autres hommes de science qu'il ne suffisait pas de se considérer comme des messagers s'ils ne comprenaient pas le message diffusé et le mythe qui l'entoure, s'ils ne comprenaient pas que dans le quotidien des médias, de nombreuses informations servent la propagande des puissances occidentales, nous privant ainsi souvent de la compréhension du sens exact des événements ; événements dont les enjeux ne sont pas toujours visibles à première vue et donc qui demandent un minimum d'exploration avant d'être diffusés (Cité par Ntuda Ebode, 2000 : 365-366).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus