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Problématique de la retraite en Cote d'Ivoire: analyse comparative des systèmes de retraite de la CGRAE et la CNPS

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par Ibrahima DIABAGATE
Université d'Abidjan Cocody - DEA Sociologie du travail et des entreprises  2008
  

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CHAPITRE II : ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS

De l'enquête auprès des retraités et des différents entretiens qui nous ont été accordés par les responsables administratifs et techniques de la CGRAE et de la CNPS ; il ressort que la problématique de la retraite s'article non seulement autour des dysfonctionnements économiques et organisationnels, mais aussi et surtout, autour des facteurs explicatifs des retards.

I- IDENTIFICATION DES DYSFONCTIONNEMENTS

1.1 Du dysfonctionnement organisationnel

La liquidation du dossier de retraite commence par la constitution dudit dossier et s'achève par le payement effectif de la pension de retraite. De la CGRAE à la CNPS, le processus est quasiment divergent ; mais une constante demeure, il s'agit de la lenteur et lourdeur constaté et ce par le biais des étapes indispensables à un traitement efficace et efficient.

A la CNPS, le processus de liquidation parait relativement moins long qu'à la CGRAE, en ce sens que le traitement est linéaire et se réalise au sein de l'institution de prévoyance sociale. En effet, les employeurs par le biais des services compétents déposent les dossiers de employés auprès de l'institution, qui assure le traitement au niveau du service des prestations puis du service de comptabilité. Dans l'enchaînement des taches à accomplir, le facteur temps n'est pas déterminé pour traiter un dossier de retraite. C'est à juste titre qu'un service peut volontairement ou involontairement disposer d'un temps relativement long par rapport à d'autres services. Telle que se présente l'ordonnancement des taches, cela constitue un obstacle au traitement diligent dudit dossier. Ce sont donc des pratiques dysfonctionnelles individuelles et collectives qui sont décelées dans le circuit de traitement. Et c'est justement ce que Robert Merton65(*) qualifie par la notion d'anomie, empruntée à Durkheim ; ainsi en analysant les comportements non-conformes, Merton appelle anomie le décalage entre les buts de l'organisation et les moyens légitimes pour y accéder. Merton identifie alors à coté des actions « conformes » c'est-à-dire dans lesquelles les individus se conformes aux normes et valeurs de la société, quatre types d'actions anomiques : la déviance, dans laquelle l'individu cherche à se conformer aux normes mais utilise les moyens illégitimes comme la corruption dans les administrations des institutions de retraite.  Ensuite, le ritualisme, dans lequel l'individu se conforme aux normes mais à perdu les valeurs qui soutiennent ces normes, cela est perceptible dans les administrations des institutions où les règles de fonctionnement érigées en règles absolues, au risque de rendre le traitement des cas individuels impossibles, alors que les règles ont été conçues pour permettre un traitement le plus efficace possible. Enfin l'évasion et la rébellion. Cette analyse de Merton permet de montrer que les problèmes peuvent naître d'un excès, d'une absence de soumission aux règles. L'organisation ainsi que la gestion des dossiers étant logiquement et chronologiquement liées, de sorte que le dysfonctionnement d'un élément à un stade ou niveau déterminé, entraîne indubitablement une perturbation organisationnelle sur les autres éléments. Ce qui dans l'ensemble influe négativement et constitue bien souvent une source de blocage dans le processus de liquidation. On peut donc déduire qu'entre les principes, les normes et la réalités, entre les ambitions étatiques et le fonctionnement des institutions, il y un écart dont on mesure à peine l'ampleur et les conséquences sur la vie des acteurs sociaux, faute de volonté politique, d'étude et de vision prospective.

Par ailleurs, la CNPS est un lieu de travail où se rencontre, se côtoie et collabore des individus et groupes d'individus venant d'horizons divers. Les relations strictement professionnelles sont souvent conflictuelles et cela influe sur le travail, donc sur le fonctionnement de l'institution. C'est à juste titre que DAYORO Kevin66(*) soutient que «  la préoccupation des fonctionnalistes, c'est la recherche de l'équilibre entre les éléments du système social, donc la dynamique dépend du consensus social ». C'est dire que dans une institution donnée, il faut une certaine interdépendance, corrélation, collaboration harmonieuse et intégrale entre les différents éléments, toute chose qui permettra à cette organisation d'atteindre ses objectifs.

Quant à la CGRAE, le processus qui n'est pas linéaire, s'amorce, après dépôt du dossier par le retraité, un traitement est réalisé par la fonction publique, précisément par la DPRPPCE. Cette structure de la fonction publique doit délivrer un arrêté de concession de pension, mais il se trouve que la délivrance de ce document capital est relativement lent. De cette structure donc, les dossiers sont ensuite transmis à la CGRAE, qui à son tour effectue un traitement avant de les transmettre au TRESOR PUBLIC pour les formalités de financement. Enfin, les dossiers sont retransmis à la CGRAE avec des bordereaux de payement. On se rend comme que le processus parait non seulement long, mais également constitue un obstacle à chaque étape, car un omission peut apparaître, ainsi le dossier est ramener à la case de départ. Là encore, le temps n'a pas été déterminé pour le traitement, ce qui constitue un premier obstacle. Toutefois, le traitement à la DPRPPCE est relativement long, eu égard à la corruption généralisée. Pour des dossiers qui peuvent être traité en une semaine ouvrable (05 jours), cela peut prendre approximativement 3 à 4 mois. Cela est d'autant plus vrai qu'au cours de notre enquête, la majorité absolue des retraités interrogés (73%) ont reçu leur pension de retraite au-delà de 3 mois. C'est dire que les caractéristiques de lourdeur et lenteur administratives résultent d'un système administratif ultra corrompu, qui est source de dysfonctionnement organisationnel ; car non seulement l'enchaînement des étapes de traitement est relativement long, mais également s'entremêle les tares de l'administration. Toute chose ne permettant pas à l'administration de fonctionner normalement, d'accomplir pleinement et efficacement ses missions. C'est dans cette logique que Robert Merton67(*) rompt avec une vison trop intégrée et globale de la société. Il montre ainsi qu'il existe des pratiques « dysfonctionnelles », c'est-à-dire perturbant le fonctionnement d'un système social. Il note également l'existence, pour une même institution, de fonctions manifestes et fonctions latentes. Les fonctions manifestes étant celle que les individus cherchent à remplir (les pratiques formelles et missions assignées), les fonctions latentes étant les résultats non intentionnels mais tout de même fonctionnels de l'action (les pratiques informelles).

1.2 Du dysfonctionnement économique

Un constat révèle que les régimes de retraite en Côte d'Ivoire sont en proie à de fortes pressions économiques. En effet, le mode de gestion est par répartition, dans un système non contributif à prestations définies. Mais en cela et dans le cas espèce, la problématique qui se dégage principalement est le financement futur des dépenses liées aux retraites.

Au regard du mode de gestion des régimes de la retraite de la CGRAE et de la CNPS, qui est par répartition, se fonde sur la solidarité intergénérationnelle : les individus actifs payent des cotisations qui servent à financer les retraites des individus admis à la retraite, donc des inactifs et donnant droit à la perception d'une pension de retraite. C'est dire que ce sont les fonctionnaires et travailleurs qui payent les pensions des retraités.

Sous ce rapport, il découle deux facteurs explicatifs des dysfonctionnements économiques ; d'une part, le déséquilibre démographique et d'autre part, le problème du non recouvrement des cotisations sociales.

1.2.1 Déséquilibre démographique comme facteur de dysfonctionnement économique

A la CGRAE, le vieillissement de la population active fait que le nombre de retraités augmente alors que le nombre d'actifs ne connaît pas la même évolution. C'est une moyenne annuelle de 3000 individus fonctionnaires qui vont à la retraite sur un effectif de 114.000 fonctionnaires. En conséquence, le rapport démographique qui mesure le nombre de cotisants par rapport au nombre de retraités, de 8 actifs pour 1 retraité. Ce qui revient à dire qu'il faut en théorie que 8 actifs cotisent pour qu'en pratique on puisse payer un retraité. Cela met en évidence le caractère relativement faible du taux de cotisation (18 %), mais également celui du niveau de traitement salarial.

L'accroissement de l'effectif des retraités entraîne donc un déséquilibre économique, ne permettant pas de garantir le payement des pensions de retraite. Et c'est à juste titre que le régime de retraite de la CGRAE parait déficitaire, eu égard au nombre social de retraité.

Selon nos entretiens, cela résulte de résultat cumulé du manque à gagner du régime depuis sa création. En effet, les dépenses de pension ont toujours été supérieures aux cotisations contributives du régime. Et cela pour les raisons suivantes : d'abord, un départ massif des fonctionnaires à la retraite ; ensuite, le non renouvellement conséquent des effectifs et enfin, l'inadéquation des modes de calcul des cotisations et des pensions de retraite.

Il appert que la CGRAE pour faire face aux dépenses croissantes liées au payement de la pension de retraite, a recours aux subventions étatique. Mais, il faut que l'Etat, en cette période de récession économique, puisse jouir d'une disponibilité financière. C'est donc un déficit structurel qui caractérise l'institution depuis sa création. Pour l'année 2009, c'est un déficit de 47.000.000.000 f CFA, subventionné par l'Etat Ivoirien.

Aussi, faut-il ajouter l'allongement de la retraite lié à un accroissement non seulement de l'espérance de vie, mais également au progrès de la médecine. Ce qui fait que les retraités perçoivent des pensions sur une période relativement longue, nécessitant une planification et mobilisation des ressources financière sur le moyen et long terme. Cela est aussi corroboré dans les actes d'un colloque. 68(*)En effet,  la Côte d'Ivoire amorce sensiblement cette dynamique, on note déjà une légère augmentation du nombre absolu des personnes âgées qui est passé de 3.5% à 3.9% entre 1975 et 1998, « le volume des personnes âgées connaissent une forte croissance démographique du de façon certaine aux progrès enregistrés dans la lutte contre la morbidité et la mortalité »

1.2.2 Le non recouvrement des cotisations sociales comme déterminant économique du dysfonctionnement économique à la CNPS

A l'instar de la CGRAE, la CNPS se trouve confronté à l'équation du rapport démographique de l'accroissement de l'effectif des retraités. Mais en la matière, la différence montre que la situation économique difficile de la CNPS n'est que conjoncturelle, du moins en ce qui concerne déficit économique. Cette conjoncture économique relativement difficile est liée non seulement à la crise socio économique et politique que traverse le pays qui influe sur l'ensemble des activités de production économique. En effet, la crise ayant entraînée une instabilité socio économique, les employeurs ont soit déposé le bilan, soit ont réduit les effectifs employés ; cette baisse de l'effectif des employés constitue un manque à gagner quasiment important dans les comptes des cotisations sociales perçues par l'institution. Toute chose, entraînant un déséquilibre économique entre l'effectif des retraités et celui des actifs cotisants, qui par leur cotisation assure le payement des pensions de retraite. C'est dire que les cotisations sociales doivent pouvoir garantir et assurer le payement des pensions. Or, dans le cas espèce, eu égard à la situation économique du pays et de la réduction des actifs cotisants, les cotisations n'assurent pas l'équilibre des comptes.

Mais au-delà des difficultés économiques liées au nombre social des retraités, le problème crucial et actuel de la CNPS est le recouvrement total des cotisations sociales. A la différence de la CGRAE où les cotisations sont perçues automatiquement et à la source, c'est-à-dire par le TRESOR PUBLIC, la CNPS, quant à elle, se trouve dans un système déclaratif, dans lequel ce sont les entrepreneurs et employeurs qui viennent faire immatriculer leurs organisations ainsi que leurs personnels. Il en est de même pour le reversement des cotisations sociales. C'est à ce niveau que se situent les problèmes économiques de la CNPS. En effet, certains employeurs ne reversent pas toujours les cotisations auprès de l'institution ; d'autre par des manoeuvres frauduleuses, les reversent, mais inférieure à la valeur réelle. Ce qui engendre un déficit structurel dans les comptes du régime, une perte financière relativement importante à telle enseigne qu'elle ne peut garantir le payement des pensions de retraite. Le problème économique est lié aussi au fait que le taux de cotisation actuel de 8 % est relativement faible et ne couvre que 6% de la population active du secteur privé. Toute chose, ne permettant pas une mobilisation financière importante. C'est donc un système non contributif, dans lequel les retraités perçoivent les pensions sur une période relativement longue (moyenne de 14 ans post retraite) et épuisent leur investissement en terme de cotisations sociales sur au maximum 4 années. Il s'agit donc pour l'institution de leur garantir le payement des pensions sur le moyen et long terme et cela nécessite une mobilisation importante de ressources financières tant entendu que le mode des gestion est par répartition. C'est dire donc que la perspective économique est illustrée par une réflexion sur la solidarité intergénérationnelle. Pour E. COHEN69(*) «  l'économie des retraites est fonction des données démographiques, des données d'activité, des données migratoires ».pour résoudre le problèmes du vieillissement ou l'amélioration de l'équilibre à long terme du financement des retraite, l'auteur propose d' «  inventer un nouveau compromis social pour des génération qui auront une durée de vie à la retraite deux fois supérieurs à celle de leurs grands parents »

* 65 Robert K. MERTON, éléments de théorie et de méthode sociologique, Plon, 1965

* 66 DAYORO Z. A. Kevin, thèse de doctorat : parcours de vie,retraite et vieillissement réussi : étude des conditions de vie des retraités de Côte d'ivoire, 2008, IES, page 63

* 67 Idem (2)

* 68 YAPO Assi (2005), le vieillissement de la population Ivoirienne ; une analyse à partir des données des trois recensements généraux de la population ; communication du colloque « société,développement et vieillissement en Afrique :comprendre le vieillissement pour prévenir les conflits de génération,ENSEA ,Abidjan

* 69 Elie COHEN (2003) pour une retraite « durable », S L, cité par DAYORO Z. A. Kevin dans thèse de doctorat : parcours de vie, retraite et vieillissement réussi : étude de conditions de vie des retraités de Côte d'Ivoire

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