2.3 Régime foncier après
l'indépendance
Après
l'indépendance, le pouvoir reconnaissait aux communes (district) un
rôle important dans la gestion du foncier. Par la loi communale du
23/11/1963, la conservation des droits relatifs aux terres enregistrées
grevées de droits coutumiers incombe à la commune. Cependant, les
formes définies dans cette loi ont été pratiquement
annulées par le Décret-loi no 09/76, relatif à l'achat et
à la vente des droits coutumiers ou des droits d'occupation du sol.
Au début des années 1960, le
pouvoir misait sur la suppression du système de propriétés
(Ibikingi) et leur communalisation, la récupération des terrains
appartenant aux réfugiés de 1959, ainsi que l'ouverture de
nouveaux espaces qui allaient permettre notamment aux populations des zones
à fortes densités, d'émigrer et d'acquérir des
terrains. Vers les années 80, les nouvelles terres n'existaient plus et
les problèmes commencèrent à se poser crûment. Cela
donne naissance à la réduction de la fertilité et de la
taille des exploitations, des conflits d'appropriation foncière au
niveau des familles, etc. De 2 ha en 1960, la superficie moyenne de
l'exploitation agricole familiale était réduite à 1,2 ha
déjà en 1984, selon l'enquête agricole menée
à cette époque (MINITERE, 2001 : 6).
Dès le début des années 90,
le pays est en voie de l'impasse foncière : d'où une
production agricole insuffisante, une pression démographique
grandissante sur les ressources naturelles, un nombre croissant de paysans sans
terres, des conflits au niveau de l'agriculture, l'élevage et les
réserves naturelles. A travers les projets agricoles notamment les
projets forestiers et les aménagements de pâturages, l'Etat a
renfoncé son rôle dans l'appropriation de grands espaces. Les
actions de reboisement se sont constituées des facteurs importants
l'accumulation foncière par les pouvoirs publics et les privés
(MINITERE, 2001 : 7).
2.4 Situation foncière après 1994
Le génocide d'Avril à juillet 1994
a décimé une partie de la population Rwandaise estimée
à plus d'un million. Il a par conséquent entraîné
des millions de réfugiés et de déplacés. Le
départ en exil des réfugiés de 1994, le déplacement
des personnes suite à la guerre ainsi que le retour massif des anciens
réfugiés ont occasionné une nouvelle perception des
problèmes fonciers.
Le rapatriement des réfugiés de
1959 était entendu dans le cadre des Accords de paix d'Arusha. Au terme
de l'article 2 du protocole entre le gouvernement de la République
Rwandaise et le Front Patriotique Rwandais relatif au rapatriement des
réfugiés Rwandais et à la réinstallation des
personnes déplacées, il est stipulé
que « Chaque personne qui retourne est libre de s'installer dans
n' importe quel lieu de son choix à l'intérieur du pays pourvu
qu'elle n'empiète pas sur les droits d'autrui »(Accord de paix
d'Arusha, 1993 : 28).
L'article 3 du protocole précise que
« pour l'installation des rapatriés, le gouvernement Rwandais
devra disponibiliser des terres non occupées aujourd'hui par le
particuliers, après identification par la commission de mise en oeuvre
du rapatriement. La commission aura la latitude de respecter et de
sélectionner des sites d'installation sans restriction sur le territoire
national ». Par ailleurs, dans son article 4, le protocole stipule
que « le droit à la propriété est un droit
fondamental pour tous les Rwandais. Par conséquent, les
réfugiés ont droit de rentrer en possession de leur
propriété à leur retour. Les deux parties recommandent
cependant, qu'en vue de promouvoir l'harmonie sociale et la
réconciliation nationale, les réfugiés qui ont
quitté le pays il y a plus de 10 ans ne devraient pas réclamer
leurs propriétés qui ont été occupées par
d'autres individus. En compensation, le gouvernement mettra à leur
disposition des terres et les aidera à se
réinstaller ». Cette disposition revêt, de fait, le
caractère d'une expropriation pour cause d'utilité publique
(Accord de paix d'Arusha, 1993 : 29).
L'exil des réfugiés de 1994 et
le déplacement des personnes suite à la guerre, ainsi que le
retour massif des anciens réfugiés occasionnent une nouvelle
forme des problèmes fonciers. A leur arrivée, les anciens
réfugiés trouvent les propriétés vidées de
leurs occupants. Ils occupèrent les habitations, les exploitations
agricoles et récoltèrent les cultures. Le retour en 1996 des
réfugiés de 1994 posa le problème de
propriété et mit en exergue toute la problématique
foncière. Pour respect du droit de propriété exige que les
déplacés et les réfugiés de 1994
récupèrent leurs biens pour confirmer le principe d'un Etat de
droit. De manière concomitante, les anciens réfugiés
devaient recevoir des terrains pour leur permettre de produire, mais aussi pour
répondre à la recommandation relative au délai de 10 ans.
Pour ce faire, les domaines (propriétés) suivants ont
été octroyés aux anciens réfugies :
- Le domaine de chasse du Mutara, les deux tiers du parc
national de l'Akagera et le forêt de montagne de Gishwati, ainsi que les
terrains appartenant à certains projets de l'Etat.
- Les terrains communaux (districts), les boisements
localisés sur les bonnes terres, les pâturages et les zones
proches des bas-fonds.
- Dans certaines provinces, notamment la province de l'Est
(de Kibungo, d'Umutara et de Kigali-rural), beaucoup d'exploitations familiales
ont été parcellisées et subdivisées entre les
anciens occupants et les réfugiés de 1959.
- Les terres appartenant à certains ménages ont
été désignées pour accueillir les villages
imidugudu, et ceci quelquefois sans indemnités d'expropriation
(MINITERE, 2001 : 10).
Les problèmes liés au foncier au
Rwanda sont multiples et variés. Les uns ont pour origine la nature
morphologique et physiographique des terres, tandis que d'autres sont de nature
socio-démographique et socio-économique combinés à
l'inadéquation des politiques, des lois et réglementations en
matière foncière.
Les problèmes liés à la
rareté des terres, au mode d'habitat et à la protection de
l'environnement se posent avec acuité. L'évolution de
l'agriculture, longtemps considérée comme base de
l'économie nationale, est devenue aléatoire parce que le
patrimoine foncier est mal géré, alors que plus de 90% de la
population Rwandaise exploitent de la terre d'où elle tire le minimum
vital. L'érosion s'accentue suite à l'exploitation ininterrompue
des terres, à la colonisation des terres marginales et impropres
à l'agriculture, et à l'absence des pratiques fiables de
conservation des sols.
Cette situation du foncier oblige de penser à une
politique en matière foncière, qui tienne compte à la fois
de l'évolution foncière et surtout de ces nouveaux
paramètres.
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