INTRODUCTION GENERALE
Le niveau de mortalité des enfants d'un pays est l'un
des indicateurs les plus importants du développement économique
et social. Il est en effet, l'une des composantes de l'Indice du
Développement Humain (IDH) élaboré par les Nations Unies.
La mortalité en générale, et celle des
enfants de moins de cinq ans est en particulier l'un des problèmes
cruciaux de développement que connaissent les pays en
développement et surtout ceux d'Afrique au Sud du Sahara, en
dépit des stratégies de développement sanitaires mises en
oeuvre (Dackam, 1990). Cependant, au sortir de l'indépendance, les
niveaux de mortalité infantile et juvénile dans la plupart de ces
pays ont connu des baisses considérables. A titre d'illustration, les
estimations des Nations Unies (World Population, 1994) montrent bien que dans
la plupart des pays africains, le taux de mortalité infantile est en
moyenne en dessous de 100%o, alors que le niveau moyen de cet indicateur
dépassait 150%o avant les années 1970. Cette baisse de la
mortalité des enfants peut être attribuée à
plusieurs facteurs dont l'un des plus importants est le progrès de la
médecine. En dépit de ce déclin, la situation sanitaire
des enfants en Afrique subsaharienne demeure encore précaire par rapport
à celle observée dans d'autres régions du monde.
En effet, s'il est vrai que la mortalité peut intervenir à tout
âge, son intensité est beaucoup plus importante durant les cinq
premières années de la vie. En clair, les enfants constituent le
groupe le plus vulnérable au plan sanitaire et la morbidité
pendant cette période est particulièrement élevée.
La mortalité en bas âge détermine en grande partie le
niveau de la mortalité générale. Ainsi les
décès des enfants de moins de cinq ans représentent
près de 70% de l'ensemble des décès en Afrique du Nord,
60% en Afrique Centrale et Orientale, 55% en Afrique Occidentale et 45% en
Afrique Australe (Akoto, 1985). L'ampleur du phénomène de
mortalité dans cette tranche d'âge l'a placé au coeur des
priorités de la communauté internationale. Ainsi le
quatrième Objectif du Millénaire pour le Développement
prône une réduction de deux tiers du taux de mortalité des
enfants de moins de cinq ans entre 1990 et 2015.
Depuis la Conférence d'Alma Ata (Kazakhstan, 1978), le
problème de la santé a été au centre des
préoccupations des Pays en Voie de Développement (PVD). Cette
conférence avait réitéré que « la
santé est un droit de l'homme et que les soins doivent être
accessibles géographiquement et financièrement et socialement
approprié ». Autrement dit, la recherche du bien être
social a été et demeure de nos jours un combat des instances
dirigeantes du monde, comme en témoignent les différentes
conférences internationales consacrées à cette question.
La conférence dite (Initiative de Bamako, 1987), la Conférence
des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rio, 1992),
la Conférence internationale sur la population et le
développement (CIPD, Caire 1994), et le Sommet Mondial pour le
développement Social (Copenhague, 1995).
En 1999, la Banque Mondiale et le FMI ont lancé une
initiative conjointe qui place la lutte contre la pauvreté au coeur des
politiques de développement. En effet, l'initiative PPTE (Pays Pauvres
Très Endettés) renforcée par le DSRP (Document
Stratégique de Réduction de la Pauvreté) invite les pays
en développement à bénéficier d'une aide
financière à des taux concessionnels et à alléger
leur dette. La quasi-totalité des pays à bas revenus suivent
aujourd'hui cette nouvelle approche tandis que la communauté
internationale s'est rapidement alignée sur ces orientations (Banque
Mondiale, 2002). Un des tous premiers pays d'Afrique à avoir eu
accès à l'initiative de remise de dette, (Initiative PPTE, Pays
Pauvres Très endettés), la Mauritanie place aujourd'hui son
action gouvernementale résolument dans le cadre stratégique de
lutte contre la pauvreté (CSLP). Ce document d'orientation politique et
stratégique fait toute sa place aux objectifs de réduction de la
mortalité infantile et maternelle et de contrôle de
l'épidémie de VIH/Sida qui sont au coeur du développement
dans la perspective d'atteindre les objectifs du millénaire d'ici
à 2015 (Objectifs du Millénaire pour le Développement). La
stratégie du gouvernement de Mauritanie vise est fondée sur une
dynamique démocratique renouvelée et sur les progrès
économiques et sociaux récents afin d'accélérer la
croissance du secteur privé, de réduire la pauvreté et
d'améliorer le niveau de vie des Mauritaniens. Le gouvernement de
Mauritanie s'est également engagé à développer des
mécanismes de gouvernance et de développement des
capacités institutionnelles dans le cadre de la mise en place de
réformes structurelles profondes visant à une meilleure
performance des services publics. Parmi les objectifs clés du Cadre
Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (CSLCP), un axe essentiel
est celui du développement du capital humain et de l'accès aux
infrastructures et aux services. L'action dans le secteur de la santé se
situe à la fois dans cette perspective d'amélioration des
conditions de vie et de meilleur accès aux services de santé dans
une dynamique de progrès vers les objectifs du millénaire.
Les statistiques concernant la Mauritanie sont encore plus
inquiétantes. Entre 1975-79 et 1997, soit au cours d'une période
d'environ 20 ans, la mortalité infantile aurait baissé
sensiblement, passant de 91%o à 74%o, et la mortalité
juvénile aurait baissé de façon importante, mais
vraisemblablement sur une période de 20 ans, passant de 103%o à
46%o. Globalement la mortalité des enfants de moins de cinq ans aurait
baissé d'environ un tiers entre la fin des années 1970 et la fin
des années 1990. En effet, selon le rapport de l'Enquête
Démographique et de Santé de Mauritanie 2000/2001 (EDSM,
2000-01), les taux de mortalité infantile, juvénile et
infanto-juvénile s'élèvent respectivement à 74, 46
et 116 pour 1000. Du point de vue du sexe, comme dans la plupart des
populations, on observe une mortalité plus élevée chez les
garçons que chez les filles : entre la naissance et le
cinquième anniversaire, le quotient de mortalité des
garçons est de 127%o, soit près de 20% plus élevé
que celui des filles (106%o). Au cours de la première année, la
mortalité des garçons est de 16% supérieure à celle
des filles (66%). la moyenne africaine est de 98 pour 1000 pour la
mortalité infantile et de 143 pour 1000 la mortalité
infanto-juvénile. Comment la pauvreté des
ménages agit-elle sur le niveau de mortalité
des enfants en Mauritanie ? Telle
est la question essentielle à la quelle cette étude vise à
répondre. Elle s'appuiera sur les données de l'enquête
démographique et de santé de Mauritanie (EDSM, 2000-01).
L'objectif général de cette étude est de
contribuer à la connaissance des facteurs influençant la
mortalité des enfants et de fournir aux décideurs de ce pays et
autres utilisateurs potentiels, dans le cadre de l'élaboration de la
politique de santé et du document stratégique de réduction
de la pauvreté et à la communauté scientifique pour des
besoins de recherche, les facteurs influençant la mortalité des
enfants de moins de cinq à l'échelle nationale. Plus
spécifiquement il s'agit de :
ü Montrer les inégalités sociales de la
mortalité des enfants selon le niveau de vie des
ménages ;
ü Identifier les mécanismes par lesquels la
pauvreté agit sur la mortalité des enfants de moins de cinq ans
en Mauritanie ;
ü formuler des recommandations pertinentes visant
à réduire l'impact de la pauvreté sur la mortalité
des enfants de moins de cinq ans.
L'étude s'articule autour de cinq chapitres. Contexte
général de l'étude, l'objet du premier chapitre. Le
deuxième chapitre présente l'aspect théorique de
l'étude. Le troisième chapitre traite des aspects
méthodologiques. Dans ce chapitre, nous évaluerons la
qualité des données et nous présenterons la
méthodologie utilisée. Le quatrième chapitre, traite de
l'analyse descriptive de la relation entre la pauvreté et la
mortalité des enfants en Mauritanie. La mesure de l'impact de la
pauvreté sur les risques de décès des enfants et de ses
mécanismes d'action fera l'objet du cinquième chapitre.
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