2.1.2. Le mécanisme
d'action de la pauvreté sur la mortalité des enfants
Pour mieux faire apparaître la relation entre la
pauvreté et la mortalité des enfants de moins de cinq ans, il
faut se situer à deux niveau d'analyse : le niveau macro et le
niveau micro.
2.1.2.1. Au niveau macro
De nombreuses études ont permis de constater la
persistance d'une relation négative entre le statut social du
père ou de la mère et la mortalité infantile
(Masuy-Stroobant cité par Tabutin, 1995). En d'autres termes, ces
études montrent que plus le niveau de vie du ménage est
élevé, moins la mortalité infantile est
élevée. Abondant dans le même sens, Pierre Surault
(cité par Tabutin, 1995) relève qu'en descendant l'échelle
sociale, la pauvreté s'accroît et la santé se
détériore.
Pour Fax J. cité par Hubert Gérard (1995,
P241), « A l'inégalité sociale devant la mort se superpose
une inégalité sociale devant la vie en bonne santé :
ainsi les moins favorisés se caractérisent-ils non seulement
par une durée de vie courte, mais aussi par une vie vécue en plus
mauvaise santé».
Le premier niveau se rapporte à l'environnement
économique global. Plus spécifiquement, il s'agit de voir dans
quelles mesures, la dotation en infrastructures, leur répartition
géographique, la disponibilité du personnel et des
équipements peuvent jouer un rôle dans la santé des
enfants. La relation entre pauvreté et santé a été
observée à l'échelon international par beaucoup d'auteurs
(H. Mosley 1985, Pison et al, 1988, Magali 1991, etc.) ceci se résume
comme suit : « Ainsi, au niveau mondial, la relation est
très marquée entre pauvreté et mauvaise
santé : Dans les pays les moins avancés, l'espérance
de vie n'est que de 49 ans et un enfant sur dix n'achève pas sa
première année de vie. Dans les pays à revenu
élevé, dont la durée moyenne de la vie est de 77 ans, le
taux de mortalité des enfants est de six pour 1000 naissances vivantes
(Banque Mondiale 2002). Il faut souligner que la situation des pays africains
en matière de mortalité des enfants n'est pas homogène.
Les études portant sur la mortalité
différentielle selon le milieu d'habitat montrent qu'en Afrique, la
mortalité dans son ensemble, et la mortalité
infanto-juvénile en particulier, est en général plus
faible en milieu urbain qu'en milieu rural (Akoto et Tabutin, 1989). Ces
résultats sont confirmés par les observations faites par Evina
Akam (1990) qui affirme que « Dans la plupart des analyses des
phénomènes démographiques telles que la
fécondité et la mortalité, on observe en
général des niveaux plus faibles en milieu urbain qu'en milieu
rural ». Comme l'observe Mosley (1985), les différences de
mortalité infantile semblent moins liées aux conditions
écologiques qu'aux conditions économiques. La majorité des
infrastructures socio-sanitaires sont concentrées dans les villes. Akoto
et Hill (1988) affirment par ailleurs qu'en Afrique, l'accès et
l'utilisation des services sanitaires sont très difficiles pour une
grande majorité de la population en raison de l'insuffisance des
services et de l'inégale distribution géographique des habitants.
Cependant on peut constater avec Akoto et Tambashe (2002),
qu'en milieu urbain, la crise économique a aggravé le
chômage des jeunes, entraîné une réduction des
salaires ou une perte d'emploi pour bon nombre d'actifs suite aux licenciements
et/ou à la fermeture de certaines entreprises. Une telle situation a
entraîné une baisse du pouvoir d'achat des populations citadines.
La Banque Mondiale (2001) montre que le taux d'évolution de la
pauvreté des villes est plus élevé en zone urbaine qu'en
milieu rural. On devrait s'attendre à ce que la mortalité des
villes soit plus élevée que celle de la campagne, ou tout au
moins que les écarts de mortalité entre les deux milieux se
réduisent dans le temps du fait des effets de la crise plus ressentie en
ville qu'en campagne.
Pour Mosley (1985), l'essentiel des différences de
mortalité observées tient beaucoup plus à la connaissance
et à la disponibilité des moyens de réduire le risque
d'exposition qu'aux conditions de maladies ou de traitement efficace de ces
dernières. Dans le même sens, Adam Wasgtaff (2000) affirmait que
« les communautés pauvres sont généralement
dépourvues de centres de santé primaire, de médicaments
essentiels et de vaccins ». D'autres facteurs tels que l'instruction
maternelle contribuent fortement à la baisse de la mortalité
infantile dans les villes. Si la mortalité est plus faible en ville
qu'en milieu rural, cela n'est pas seulement dû à une
inégalité dans la répartition géographique des
infrastructures médicales, mais aussi à une scolarisation plus
élevée en milieu urbain (Caldwell, 1979), une meilleure
couverture de la population à risque par l'action curative et une plus
grande acceptabilité des traitements modernes en milieu urbain.
Dans le même sens, les travaux menés à
Ibadan, au Nigeria, par Maclean (1988) ont montré que la qualité
des soins reçus à l'hôpital dépendait du niveau
d'instruction du patient ou de ses parents en dépit de la
gratuité des services. Il note que les instruits perçoivent mieux
les symptômes et sont davantage capables d'en faire un diagnostic
rationnel.
Au niveau macro, la relation semble établie, qu'en est
t-elle au niveau micro ?
La mortalité n'est pas exogène au contexte
social, son déclin apparaît de moins en moins comme le simple
résultat de la croissance économique ou des interventions
verticales en matière médicale (Gérard, 1995). Aussi
est-elle le produit des rapports sociaux dans un environnement socio-politique
et un système donné de production, de consommation et de
distribution (Quesney, 1995).
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