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Processus électoraux en Afrique noire francophone

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par Mazamesso WELLA
Université de Lomé - DEA - Droit public 2011
  

Disponible en mode multipage

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MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT REPUBLIQUE TOGOLAISE

SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE Travail-Liberté-Patrie

UNIVERSITE DE LOME

FACULTE DE DROIT (FDD)

MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETUDES
APPROFONDIES (D.E.A.)

OPTION: Droit public Fondamental

LES PROCESSUS ELECTORAUX EN AFRIQUE

NOIRE FRANCOPHONE

Présenté et soutenu par : Sous la Direction de :

Mazamesso WELLA Prof. Dodzi K. KOKOROKO

Agrégé de Droit Public

Directeur du Centre du Droit Public Directeur de l'Ecole Doctorale Membre de la CNDH

Année universitaire : 2008-2009

A

DIEU

LE TOUT PUISSANT,

POUR SA GRACE.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à adresser un sincère merci à notre directeur de mémoire le professeur Dodzi KOKOROKO, non seulement pour son appui et ses conseils pour la rédaction de ce mémoire, mais aussi pour son soutien inconditionnel et indispensable de toute nature depuis le deuxième cycle, sans lequel ce jour n'aurait pas lieu dans notre vie. Veuillez trouver ici monsieur le Professeur, l'expression de ma profonde gratitude.

Mes remerciements vont également à :

MM. le Président et les membres du jury pour avoir accepté de siéger dans ce jury malgré leurs multiples occupations,

M. Franck SOMALI et au professeur Alain ONDOUA pour leurs contributions, Tout le corps enseignant qui a participé à ma formation,

Mon père WELLA Kodjo qui a toujours privilégié mes études,

Ma mère AWONA Poala,

Mes frères et soeurs, et toute la famille WELLA,

Mes camarades de promotion

MM. BOUILLI, Emmanuel DZREKE et Mme KOMBATE Dodo pour leurs multiples soutiens,

M. Dassouvi SAMATY pour sa sollicitude,

Et à tous ceux qui, de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce travail. Veuillez trouver en ce travail, un motif de satisfaction.

iv

AVERTISSEMENT

La Faculté De Droit n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions
doivent être considérées comme propres à leur auteur

SIGLES ET ABREVIATIONS

ACP/UE : Afrique Caraïbe Pacifique/ Union Européenne

CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante

CEI : Commission Electorale Indépendante

CENA : Commission Electorale Nationale Autonome

CIJ : Cour Internationale de Justice

CNC : Conseil National de la Communication

DGE : Direction Générale des Elections

Ed. Edition

HAAC : Haute Autorité de l'Audiovisuel et de le Communication MONUC : Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire

OIF : Organisation Internationale de la Francophonie

ONEL : Observatoire National des Elections

ONU : Organisation des Nations Unies

PACE : Projet d'Appui Cycle Electoral

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement UA : Union Africaine

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour la Science et la Culture

1

INTRODUCTION

« On n'organise pas les élections pour les perdre »1.

Cette conception des élections, de l'ancien Président congolais, Pascal LISSOUBA, selon laquelle les élections ne constituent plus un moyen privilégié d'alternance au pouvoir, est la traduction malheureuse de l'image des élections organisées sur le continent africain. Les élections comme mode de désignation des dirigeants, n'est pas propre à l'Afrique mais l'histoire, les règles et l'ampleur des irrégularités électorales rencontrées ici ne sont pas les mêmes qu'ailleurs. Il est vrai que l'Afrique se rend effectivement aux urnes pour choisir ses gouvernants, mais dans un contexte politique et juridique radicalement différent. La problématique des élections en Afrique commence dès lors à intéresser de plus en plus des chercheurs qui n'épuisent pas pour autant l'intérêt que l'on peut porter sur un tel sujet. C'est pour céder humblement à la tentation d'apporter notre modeste contribution à cette thématique d'une actualité brûlante, que nous nous proposons de porter notre réflexion sur les élections en Afrique noire francophone.

L'élection « est un mode de dévolution du pouvoir reposant sur un choix opéré par l'intermédiaire d'un vote ou suffrage »2. Elle est conçue comme un instrument de désignation des gouvernants et apparaît comme un substitut au tirage au sort, au hasard ou aux prédictions des oracles, à l'hérédité ou à la cooptation, une alternative viable à l'auto désignation et un outil de participation des citoyens à la gestion de la chose publique.

L'élection apparaît à cet égard comme une exigence pour les régimes politiques, en tout cas pour ceux qui se réclament de l'ordre démocratique, et devient ainsi l'élément primordial d'évaluation des régimes démocratiques. Désormais des Etats seront acceptés ou exclus de la communauté internationale selon que les dirigeants soient issus des élections ou non, de la

1Cité par KOKOROKO (D.), Les élections disputées : réussites et échecs, Le Pouvoir, n°129/2, 2009, p. 115-125.

2DUHAMEL (O.)- MENY (Y.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p.1075.

régularité ou de l'irrégularité de celles-ci. L'élection se traduit dans la pratique par le vote. Celui-ci est « l'acte par lequel les gouvernés procèdent à la désignation et à la légitimation de leurs gouvernants et manifestent, à leur demande, leur approbation ou désapprobation à l'égard des projets qu'ils leur soumettent 3». Pour le Professeur Maurice HAURIOU, « le suffrage, c'est l'organisation politique de l'assentiment, c'est-à-dire de cette opération de la volonté qui consiste à accepter ou à ne pas accepter une proposition faite ou une décision prise par un autre pouvoir ; mais aussi l'organisation politique des sentiments de confiance et de dévouement d'homme à homme qui engendre le patronage et la clientèle4 ».

Aussi important et indispensable dans un monde devenu unipolaire, voter en Afrique a aussi une histoire. Contrairement à l'idée d'une importation de la démocratie et de ses procédures, hypothèse qui ne voit qu'un mimétisme maladroit dans les élections africaines, la dimension historique a ici son importance. Les strates successives d'expériences de participation et de compétitions politiques, depuis les pratiques précoloniales jusqu'aux situations actuelles en passant par les expériences de démocratie `'coloniale» et de partis uniques plus ou moins ouverts à l'expression populaire, ont tracé une voie qui délimite les trajectoires potentielles de la démocratie électorale en Afrique.

L'idée de légitimité populaire, voire démocratique, n'est pas étrangère à certains systèmes politiques africains anciens. Avant l'importation des procédures occidentales de participation, et plus particulièrement du vote, il n'était pas exceptionnel de rencontrer des formules de contrôle du pouvoir ou de prise de décision collective.5

S'agissant de l'introduction du scrutin proprement dit, il n'est pas un fait récent.
Des élections ont été organisées à Freetown dès 1787. En 1848, le suffrage

3 Voir O. DUHAMEL et Y. MENY, Dictionnaire constitutionnel, op.cit.

4 HAURIOU(M.), Précis de droit constitutionnel, Paris, Recueil Sirey, 2e éd. 1929, p.544.

5 QUANTIN (P.), Les élections en Afrique : entre rejet et institutionnalisation, www.afrilex.ubordeaux4.fr, consulté en mai 2010.

3

universel a été accordé dans quatre communes du Sénégal qui l'ont conservé jusqu'à l'indépendance. Ces collectivités, non seulement désignaient leurs édiles, mais envoyaient aussi un député à Paris. Ces expériences électorales de l'Afrique durant la période coloniale se sont poursuivies après les indépendances sous les régimes de parti unique. Mais s'il est indéniable que les élections sont régulièrement organisées sur le continent après les années 1960, celles-ci n'ont pas été compétitives et démocratiques car l'opposition était interdite et seul le parti unique organise et gagne les élections. Tel était le cas au Togo, en Côte d'ivoire et dans d'autres pays sur le continent avant les années 1990. Il est donc clair que dans ces conditions, ces élections ne peuvent pas être qualifiées de démocratiques du moins au regard des règles de droit international.

La vague de transitions démocratiques du début des années en 1990 a marqué le retour du multipartisme et du principe des élections libres et honnêtes. Elle a ainsi replacé la question du vote au centre de la politique africaine. Pourtant ce retour ne doit pas occulter la trace des expériences politiques non compétitives vécues pendant vingt ou trente ans par les électeurs africains. En tout cas l'organisation des élections libres et transparentes était devenue dans plusieurs Etats africains, une exigence depuis le renouveau démocratique des années 90. Désormais, du moins dans certains cas, les partis au pouvoir commencent à perdre les élections, l'alternance n'est plus interdite et leurs résultats sont acceptés même s'ils sont défavorables aux sortants.6 Des décisions du juge électoral sont respectées.7Ce sont là autant d'événements et d'évolutions qui attestent de la modification des comportements politiques vis-à-vis de l'élection, du droit et de son juge et d'une nouvelle vision du politique en Afrique. Si comme l'enseignent depuis longtemps les théoriciens du politique, les élections disputées ne sauraient à elles seules être un gage de démocratie, elles n'en sont pas moins, quelles que soient leurs limites, une condition nécessaire du développement démocratique.

6 Cas du Benin, Madagascar, du Sénégal et du Congo.

7 Cas du Mali où la Cours Suprême annula l'ensemble des élections législatives de 1997.

Consacré tant par les textes constitutionnels que par les prescriptions de la communauté internationale8, le recours aux élections n'est pourtant pas aujourd'hui sans rencontrer des réserves et susciter des appréhensions. Les difficultés semblent parfois empirer si l'on en juge par la gravité des crises liées à l'organisation de récents scrutins9. Les critiques des élections africaines se multiplient et, souvent exprimées en termes vifs sinon virulents, instruisent des procès sans appel.

Il se révèle alors que, dans la pratique, l'élection libre et honnête semble démentie dans nombre de pays d'Afrique noire francophone. Malgré l'avancée normative et sur le plan pratique dans une moindre mesure, il existe un écart avec la réalité. Cette situation justifie qu'on se pose la question suivante : pourquoi les élections africaines riment avec crises et violences politiques ?

A y voir de près, les élections organisées en Afrique noire francophone ne revêtent pas les mêmes aspects que celles des grandes nations démocratiques. Faites d'irrégularités et de fraudes, les élections en Afrique ne constituent pas un moyen crédible de promotion des alternances démocratiques et politiques. Dans les pays objets de cette étude, les consultations électorales se soldent généralement par des contestations parfois violentes que l'on justifie par les lacunes qui auraient entaché leur déroulement. N'entend-on pas souvent des acteurs s'écrier : "c'est la mascarade électorale" ; "il y a tripatouillage" ; "c'est la pagaille, on a volé nos voix, notre victoire" ; "c'est un hold-up électoral" ; "ce sont des élections en trompe-l'oeil" ; etc. Cette situation proviendrait des irrégularités et fraudes savamment orchestrées par le pourvoir en place pour faire échec à l'alternance par les urnes.

Les heurts et malheurs des élections en Afrique trouvent leurs justifications dans l'incohérence des normes et institutions électorales d'une part et le comportement de l'électeur africain dont le choix semble être lié à sa communauté d'origine d'autre part.

8 Déclaration sur les élections libres et régulières, Déclaration universelle sur la démocratie adoptées par le Conseil interparlementaire respectivement lors de sa 154ème et sa 161ème session à Paris le 16 mars 1994 et au Caire le 16 septembre 1997, Charte africaine de la démocratie, des élections de la gouvernance adoptée le 30 janvier 2007.

9 Les élections ivoiriennes de novembre 2010 qui ont provoqué d'énormes pertes en vies humaines en attestent largement la situation.

5

Ces vicissitudes électorales qui dégénèrent dans la plupart des cas en des violences sociales et ethniques10 et parfois sources des coups d'états militaires11, sont liées non seulement à l'imperfection du cadre normatif et institutionnel mais aussi à l'environnement socioculturel dans lequel la démocratie électorale africaine est appelée à s'épanouir. Les énormes difficultés qu'éprouve l'Afrique pour s'approprier la démocratie électorale fait penser à l'avenir des élections en Afrique.

Aujourd'hui l'organisation des élections sincères et fiables présente un enjeu primordial tant sur le plan interne qu'international. Sur le plan national, les peuples admettent aujourd'hui difficilement que leurs gouvernants soient choisis par des procédés autres que ceux électoraux12. Sur le plan international, les élections régulières et transparentes constituent un moyen par lequel on classe et déclasse les Etats dans la communauté internationale. Cette nouvelle donne oblige les Etats défaillants en matière électorale à s'inscrire non dans une perspective d'abandon des élections comme moyen de désignation des dirigeants mais dans une dynamique de réforme électorale.

Le sujet est intéressant à un double point de vue. Au plan institutionnel, il s'agit de l'analyse d'une institution fondamentale de la démocratie. « Nul gouvernement n'est légitime si son autorité et ses fonctions ne découlent pas du consentement des gouvernés »13. La manifestation de l'adhésion du peuple, titulaire de la souveraineté, à l'exercice du pouvoir politique, implique que les gouvernants soient légitimés au moyen des élections. Election en tant que moyen de légitimation, mérite d'être analysée. Au plan fonctionnel, ce travail vise à proposer des approches de solutions pour une amélioration des processus électoraux qui restent congénital à la démocratie et ceci face aux réserves qui leur sont formulées par ses détracteurs.

10 Cas du Kenya 2007, de la Côte d'Ivoire en 2000 et 2010, du Togo en 2005

11 Cas du Niger

12 Les contestations et manifestations des populations des pays Maghreb qui ont conduit à la démission des présidents tunisien et égyptien en attestent largement la situation.

13 HALLOWEL (J.-H.), cité par DAKO (S.), Processus électoraux et transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo, Thèse de doctorat université d'Abomey-Calavi, 2008, p.12

Pour une meilleure compréhension de notre étude, nous analyseront, dans une première partie, les vicissitudes électorales en Afrique noire et les perspectives dans une seconde partie.

1ère Partie :

LES

VICISSITUDES

ELECTORALES

7

« Aux urnes l'Afrique ! »14, tel est l'appel lancé par une équipe de chercheurs du centre d'Etudes d'Afrique noire de Bordeaux depuis plus de trois décennies aujourd'hui. Cet appel, appuyé par le discours de La Baule15, a été entendu car l'Afrique se rend effectivement aux urnes, surtout depuis les années 1990 et ceci dans le contexte du renouveau démocratique. Vingt ans après, quel bilan peut-on dresser de la pratique électorale dans la sphère objet de notre étude? L'analyse de la situation présente un contraste. D'un côté, la démocratie électorale africaine peut être qualifiée d'irréversible car le tissu normatif et opérationnel érigé pour l'organisation des élections ne souffre pas de reproches majeurs. Ainsi, du moins théoriquement, l'alternance n'est plus interdite, les résultats électoraux sont acceptés même s'ils sont défavorables aux sortants, les décisions du juge électorale sont respectées. Tout ceci atteste du changement du comportement politique de l'Afrique vis-à-vis de l'élection. De l'autre côté, les élections en Afrique créent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. Il suffit d'analyser les crises électorales et postélectorales pour s'en rendre compte. Les élections sont sources de violences et parfois plus meurtrières16 que les grandes pandémies au point où l'on se pose la question de savoir si cela vaut la peine. De cette oscillation il résulte que l'Afrique a connu une révolution en matière électorale (chapitre I) qui, à l'épreuve des difficultés semble être réversible (chapitre II).

14 Appel lancé par une équipe de chercheurs « aux urnes l'Afrique ! Elections et pouvoirs en Afrique noire » Centre d'Etude d'Afrique Noire de Bordeaux, Pedone, 1978.

15 Discours prononcé par le Président Français François Mitterrand le 20 juin 1990 lors du 16ème sommet France-Afrique.

16 Les différents rapports des Nations Unies sur le Togo en 2005, Kenya en 2007 et la Côte d'Ivoire en 2010 lors des élections présidentielles font part des milliers de morts et de violation des droits humains.

CHAPITRE I : UN VOLONTARISME NORMATIF

EN MATIERE ELECTORALE

L'histoire politique africaine est marquée, ces deux dernières décennies, par un progrès significatif en matière démocratique de façon générale et sur le plan électoral en particulier. Le Vent de l'Est a contraint, en complicité avec d'autres acteurs locaux, les dirigeants africains, en majorité autoritaires, à moderniser leur régime politique. Ce bond démocratique a conduit les Etats africains à adopter l'organisation périodique des élections, comme mode d'accession au pouvoir en lieu et place des coups d'Etat qui ont été privilégiés depuis les indépendances. Cette adhésion générale, du moins sur le plan normatif, au principe des élections libres, démocratiques et honnêtes (section 1), s'est accompagnée d'un mode d'organisation originale des scrutins électoraux (section 2).

SECTION I : ADHESION GENERALE AUX PRINCIPES ELECTORAUX

Si les élections ne sont pas étrangères au continent africain, il est aussi indéniable que celles organisées depuis les décennies 90 se situent dans une dynamique de démocratisation. Elles s'organisent dans un climat plus démocratique et ceci sous la pression de certains acteurs internes17 et de la communauté internationale. Des garanties minimales pour l'organisation des scrutins démocratiques ont, à cet effet, été posées. Ainsi a-t-on assisté à un retour au pluralisme politique (§ 1) et à la consécration du droit aux élections libres et démocratiques (§ 2).

PARAGRAPHE I : RETOUR AU PLURALISME POLITIQUE
Le pluralisme politique qui suppose une diversité d'opinions, de tendances,
exclut la dictature (A) qui est l'exercice sans contrôle du pouvoir absolu et

17 La société civile, les partis politiques de l'opposition, les mouvements estudiantins...

9

souverain18. Aussi l'opposition a-t-elle été admise et reconnue comme corollaire de ce pluralisme (B).

A- Rejet de la dictature

La dictature instaurée dans la plupart des Etats africains au lendemain des indépendances et surtout au début des années 1970, a été dénoncée pour plusieurs raisons. Aussi, cette dénonciation s'est-elle manifestée sous plusieurs formes.

La dénonciation de la dictature s'explique par de multiples raisons. Ces raisons tiennent à la négation des droits et libertés, à l'incapacité de ces régimes à fédérer les différentes tendances politiques dans le cadre de la politique d'unité nationale et à l'illusion de développement économique.

S'agissant d'abord des droits et libertés et particulièrement ceux relatifs aux élections, ils étaient pratiquement inexistants puisque les élections organisées dans le cadre du parti unique constituaient des « élections sans choix »19 du fait que tout était mis en oeuvre pour que le candidat du parti unique remporte le scrutin. Aussi, aucune divergence idéologique n'était-elle concevable. Or il n'y a pas de choix sans pluralité de candidats ou d'idéologies politiques. Il est donc certain que les scrutins organisés sous le parti unique ignoraient les règles minimales d'une compétition électorale et sont en parfaite contradiction avec le standard démocratique. En tout cas, comme l'écrit Jacques CADART à propos de la Chine, « Les élections n'ont pas tant pour objet de permettre au peuple de se choisir des chefs qu'aux chefs de se rappeler au bon souvenir du peuple ».20

Ensuite le parti unique, selon les promoteurs, avait pour vocation de fondre toutes les forces vives dans un même creuset national. Mais l'écoulement du temps a révélé au grand jour les incapacités d'un tel système à converger toutes les idéologies dans une même direction en termes de politique d'unité nationale. Le parti unique a, au contraire, attisé par ses politiques tribalistes et

18 Dictionnaire LAROUSSE illustrée.

21 AHADZI-NONOU (K.), Essai de réflexion sur les régimes de fait : le cas du Togo, cité par KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de l'observation internationale des élections. Thèse de doctorat ; Université de Poitiers, 2008, p.43

20CADART (J) cité par KOKOROKO (D), Contribution à l'étude de l'observation internationale des élections. Op.cit. p.44

10

discriminatoires, les dissensions qui couvaient entre les différentes régions et ethnies.

Enfin l'échec du parti unique sur le plan du développement économique justifie le retour au pluralisme politique. Les analyses statistiques démontraient, dans les années 1980 et 1990, la régression des indicateurs économiques, sociaux et les déséquilibres financiers intérieurs et externes.

De surcroît, le continent africain est apparu marginalisé dans le commerce mondial.

Tous ces facteurs justifient non seulement la faillite ou les faiblesses des régimes dictatoriaux, mais aussi constituent les causes du rejet de la dictature, un rejet qui s'est manifesté sous plusieurs formes.

Les conférences nationales initiées en Afrique au début des années 1990, à la suite de la chute du mur de Berlin et de l'effondrement des pays communistes de l'ancien bloc de l'Est, ont inauguré la « vague de démocratisation », selon l'expression de Samuel Huntington21. Il faut souligner que le processus de démocratisation avait déjà été enclenché plus tôt dans un certain nombre de pays africains (Sénégal, Gambie, Cap-Vert, Ile Maurice, Lesotho, par exemple). Mais la plupart des pays africains l'ont lancé au début des années 1990 selon deux modalités différentes.

D'une part, les conférences nationales, faut-il le rappeler, sont une invention, une contribution africaine à la théorie de la démocratisation. Ces assises politiques imposées par les mouvements d'opposition aux pouvoirs en place, composés essentiellement d'organisations de la société civile, se sont soldées par des résultats variables. Le modèle béninois de transition a influencé le dynamisme politique des pays francophones du début des années 1990. Certains pays ont adhéré à cette nouvelle forme de démocratisation avec des fortunes diverses. La conférence nationale a été souveraine dans la plupart des pays qui l'ont expérimentée, à l'exception du Gabon. L'alternance est survenue au Congo (Brazzaville) et au Niger malgré quelques péripéties. Au Togo, l'issue de la conférence a été militarisée; l'armée est intervenue dans le processus aux côtés du président pour contester certaines décisions de la conférence

21GUEYE (B.), La démocratie en Afrique : succès et résistances, Pouvoirs, N° 129,2009/2, p. 5- 26.

nationale et lui imposer sa volonté en définitive, tandis qu'au Zaïre, les manipulations politiques et institutionnelles l'ont fait perdurer et ont fini par en ruiner la crédibilité.

L'autre voie de démocratisation, moins originale, a consisté à anticiper la revendication de la tenue d'une conférence nationale souveraine « stratégie offensive » ou à réformer le système constitutionnel et politique sous les pressions nationales et internationales « stratégie défensive ». Une telle conférence a été mise en oeuvre en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Cameroun, à Madagascar, etc. La stratégie offensive, consistant pour le président de la République à prendre l'initiative de la démocratisation, a été expérimentée en Zambie, au Cap-Vert, à Sao Tomé-et-Principe, etc.

Quelle que soit la voie empruntée, le processus de démocratisation a permis, dans tous les pays, l'instauration du multipartisme, du pluralisme politique, économique et syndical, l'organisation d'élections disputées, la rédaction de nouvelles constitutions et leur adoption par référendum ; bref, l'organisation de la vie démocratique.

L'effervescence qui a accompagné ce processus était telle que certains observateurs n'ont pas hésité à annoncer le caractère irréversible de la démocratie pluraliste au plan universel, et en particulier en Afrique.22 Ce refus de la dictature a eu comme corolaire la reconnaissance formelle de l'opposition.

B- Reconnaissance de l'opposition

Le respect de l'opposition est une conséquence du refus de la dictature et de la proclamation des libertés. Elle représente une des vertus cardinales de la démocratie libérale sur le plan politique. En effet, le jeu de la liberté doit conduire à la diversité des opinions à propos de la gestion des affaires publiques. La liberté appelle donc l'existence de partis politiques destinés à se succéder au pouvoir. C'est dans cette optique que Boubacar GUEYE souligne que «l'opposition d'aujourd'hui a naturellement vocation à devenir la majorité de demain. C'est pourquoi elle doit être respectée et protégée. Elle est une

22 FUKUYAMA (F.), La Fin de l'histoire et le Dernier Homme, Flammarion, 1992, p.7-8, cité par GUEYE (B.), La démocratie en Afrique : succès et résistances, op.cit., p.12,

12

composante essentielle de la démocratie en ce qu'elle offre aux citoyens une alternative à la politique définie et appliquée par le régime politique en place. Elle assume au fond une mission de service public : contrôler et critiquer l'action gouvernementale, proposer des valeurs, des idées et un projet de société alternatif à ceux véhiculés et appliqués par le parti ou la coalition de partis au pouvoir, et briguer les suffrages des citoyens »23.

La reconnaissance de l'opposition a été, pendant plus de trois décennies une des préoccupations politiques majeures des démocrates africains. Elle a été au centre des débats occasionnés par la transition démocratique enclenchée à partir de 1990, à la suite du discours de La Baule tenu par François Mitterrand lors du sommet France-Afrique en juin 1990. Une fois le pluralisme consacré par les nouvelles constitutions africaines, des concertations entre partis politiques de la majorité et de l'opposition ont été organisées périodiquement dans plusieurs pays en vue de parvenir à une définition consensuelle des règles du jeu politique et une pacification des rapports majorité/opposition. Ainsi en est-il du Mali, du Burkina et du Sénégal. Georges Vedel enseigne que « la démocratie, dans le contexte des systèmes politiques majoritaires, renvoie à l'exercice du pouvoir d'État par la majorité sous le contrôle de l'opposition et l'arbitrage du peuple24 ». L'existence d'une minorité ou d'une opposition est une dimension constitutive de l'État démocratique. L'opposition en question ici ne désigne pas seulement le groupe politique le moins représenté à l'assemblée législative avec lequel, conformément au voeu de Kelsen, le gouvernement de l'État démocratique est susceptible de négocier des compromis25, mais surtout l'ensemble formé par les citoyens fondamentalement hostiles aux objectifs du régime en place, fussent-ils organisés ou non.

Reconnaître un statut à l'opposition constitue de ce fait une opportunité pour celle-ci d'avoir les moyens de porter son message au peuple et de conquérir ses suffrages à l'occasion d'élections pluralistes transparentes, loyales et sincères. Les nouvelles constitutions africaines ne se contentent pas de

23 GUEYE (B.), La démocratie en Afrique : succès et résistances, op.cit., p.21.

24 Cité par El HADJI (M.), « les garanties et éventuels statuts de l'opposition en Afrique », Actes de la quatrième réunion préparatoire au symposium international de Bamako « la vie politique »mai 2000, p.1 non publié et repris par GUEYE (B.), op.cit.

25 Cité par GUEYE B.), op.cit., p.17.

reconnaître l'opposition ; certaines d'entre elles affirment lui attribuer un statut formel26 destiné à assurer son expression, sa représentation dans les instances de la République, son inscription dans le débat parlementaire et sa participation à certains organes de travail. Lors des travaux de la 28ème conférence de l'Union parlementaire africaine, organisée en mars 2005 à Brazzaville, les participants se sont unanimement accordés sur la nécessité de consolider la démocratie pluraliste par la définition, entre autres, d'un statut de l'opposition. L'adoption d'un statut de l'opposition est devenue une aspiration majeure des démocraties en construction. Plusieurs pays africains l'ont érigé au profit de leur opposition politique, à l'instar du Congo27, Mali28, du Burkina Faso et du Niger. Certains pays sont allés plus loin en associant l'opposition à l'exercice du pouvoir dans le cadre de gouvernements d'union nationale (Sénégal, Afrique du Sud, Mali, Gabon, Togo...).

Ce retour au pluralisme a eu pour corollaire la consécration du droit aux élections libres et démocratiques

PARAGRAPHE II : CONSECRATION DES DROITS ELECTORAUX

On note, pour s'en féliciter, l'acceptation générale, en Afrique, du principe de l'organisation d'élections libres et transparentes à intervalles réguliers. Le citoyen africain se trouve ainsi conforté dans son droit de choisir ou de sanctionner les dirigeants au moyen de sa carte d'électeur. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à la violence ou à la désobéissance civile pour exprimer sa désapprobation. L'échéance électorale lui permet d'exprimer sa citoyenneté, de demander des comptes aux gouvernants et d'exiger la prise en charge de ses aspirations. Pour qu'il en soit ainsi, certains droits lui sont formellement consacrés dont les plus essentiels et indispensables sont l'égalité de traitement des candidats (A) d'une part et le droit de vote (B) d'autre part.

26 Article 58 de la constitution du Sénégal.

27 Loi 07/OO8 du 04 décembre 2007 portant statut de l'opposition.

28 Loi 95-073du 15 décembre 1995 portant statut de l'opposition en République du Mali. Art. 1er : la présente loi a pour objet de conférer un statut juridique à l'opposition dans un cadre démocratique et pluraliste aux fins de contenir le débat politique dans les limites de la légalité et d'assurer l'alternance pacifique au pouvoir. Art. 2: on entend par opposition politique un ou plusieurs partis distincts du parti ou de la coalition de partis politiques constituant le gouvernement ou soutenant l'action gouvernementale. Elle constitue un élément essentiel de la démocratie pluraliste.

14

A- Traitement égalitaire des candidats

L'égalité de traitement des candidats suppose, en amont, la possibilité, pour tout citoyen remplissant les conditions posées par le code électoral, d'être éligible. L'éligibilité est « la capacité juridique à se porter candidat à une élection politique ou non »29. Ces conditions tiennent souvent à l'âge, à la nationalité, au niveau d'instruction ou à la résidence continue....Les conditions d'éligibilité ne doivent pas être destinées à exclure certains du droit d'être éligible mais à garantir que le futur Chef d'Etat ou mandataire présente les aptitudes et capacités nécessaires pour diriger. Une fois éligibles, les candidats doivent être traités de façon égalitaire, ceci, lors de la campagne surtout.

La campagne électorale étant l'ensemble des activités de propagande par lesquelles les candidats, les partis politiques etc., invitent les électeurs convoqués pour un scrutin déterminé à s'y prononcer dans tel ou tel sens30, constitue une période cruciale du scrutin. C'est la période au cours de laquelle les candidats ou les coalitions des partis politiques s'adressent aux électeurs en leur dévoilant leurs projets de société, leur programme, bref la politique qui sera exécutée si le choix est majoritairement porté sur eux. Le mauvais déroulement de la campagne électorale pour quelques raisons que ce soit, aurait une incidence négative sur la fiabilité et la sincérité du scrutin.

Pour le Professeur Maurice KAMTO, « l'égalité du traitement des candidats par les médias lors de la campagne électorale est l'une des conditions essentielles de la préservation de la liberté de choix des électeurs et de l'égalité de chances des candidats. C'est donc une des pierres angulaires de la démocratie »31. Dans ce cas, la réglementation de l'accès des candidats aux médias devient un impératif du processus de désignation des délégataires du pouvoir politique.

Les législateurs africains n'ont pas échappé à ce devoir. Conscients de cet impératif, les Etats africains, du moins dans leur majorité, dans le souci d'organiser des élections crédibles, ont inséré, dans leurs législations électorales, des règles qui gouvernent l'accès aux médias surtout publics en

29 BIDEGARAY, (ch.) « L'éligibilité », Dictionnaire du vote, p. 404

30CORNU (G.), vocabulaire juridique, 1ère édition, 1987

31 KAMTO (M), « Le contentieux électoral au Cameroun », Lex Lata, n° 020, novembre 1995, p.8.

période électorale. Ainsi aux termes de l'art. 94 du code électoral du Togo, « tout candidat ou liste de candidats dispose, pour présenter son programme aux électeurs, d'un accès équitable aux moyens officiels d'information et de communication dans le respect des procédures et modalités déterminées par la Haute Autorité de l'Audio-visuel et de la Communication ». L'art. 68 de la loi 2006-25 du 5 janvier 2007 portant règles générales pour les élections en République du Bénin apporte des précisions sur les moyens dont il s'agit. On y retrouve la radiodiffusion, la télévision et la presse écrite. Les prérogatives de régulation reviennent également à la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC)32. Au Gabon, l'art. 95 de la Constitution qui traite de la question dispose qu'il est institué un Conseil National de la Communication (CNC) chargé, entre autres, de veiller au respect de l'expression de la démocratie et de la liberté de la presse sur l'étendue du territoire, au traitement équitable de tous les partis politiques et au respect des règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales. L'instance de régulation arrive, quelques fois, à faire corriger les injustices relevées dans la couverture des campagnes électorales par les médias d'Etat, ce qui constitue une avancée en matière électorale.

L'égalité de traitement des candidats implique aussi une égalité devant les moyens financiers. La « campagne électorale est une grande consommatrice d'argent »33. Elle nécessite des ressources que tous les citoyens désireux d'être candidats ne sont pas en mesure de mobiliser. Souvent les candidats au pouvoir utilisent les deniers publics pour les besoins de leur campagne électorale, possibilité dont ne disposent pas ceux de l'opposition. Ceci contribue à fausser le jeu électoral. Cette réalité ainsi que la nécessité de respecter l'égalité du vote ont conduit à l'élaboration de certaines normes relatives non seulement aux dépenses de campagne mais aussi aux ressources mobilisables afin de les couvrir.

32 Voir art.142 de constitution béninoise du 11 décembre 1990 et art.68 de la loi n°2005-14 du 28 juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, J.O de la République, 1er janvier 2006.

33 DAKO (S.), « Processus électoraux et transitions démocratiques en Afrique Noire francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo » ; Thèse de Doctorat, Université d'Abomey-Calavi, 2008, p.215.

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S'agissant du premier aspect, on a assisté à une règlementation des dépenses électorales. Dans une élection, les dépenses des candidats sont constituées par le cautionnement et les dépenses de propagande électorale. Le cautionnement électoral est défini comme « la somme d'argent que doit déposer le candidat à une élection et qui lui est remboursée s'il obtient un certain pourcentage de suffrage a pour but de décourager les candidatures fantaisistes ».34 Si les Etats comme le Cameroun et le Gabon offrent une liberté de détermination de ces dépenses35, d'autres à l'instar du Benin et du Togo, ont prévu des plafonds de dépenses pour toutes les élections36. Concernant les moyens de financement, les lois prévoient deux catégories de ressources : les ressources privées37 et le financement public38.

Somme toute les candidats à un scrutin bénéficient d'un traitement équitable, du moins théoriquement, garantissant la possibilité pour chacun d'être élu, mais encore faut-il que les électeurs disposent d'une véritable liberté de vote.

B- La liberté de vote

La question ici se pose non en termes de droit de vote, mais de la liberté de vote car les législations électorales africaines ont consacré le suffrage universel. Ainsi contrairement aux libertés d'action, la liberté de vote doit être appréhendée sous le rapport de l'intériorité. Elle vise l'autonomie de son titulaire. L'électeur opère intérieurement son choix avant de l'exprimer dans l'urne. En effet, au nom de la liberté démocratique, les nouvelles constitutions africaines permettent aux citoyens de voter ou de ne pas le faire. Ils bénéficient, en vertu de ce principe, en plus du droit de voter, d'un véritable droit à

34 Voir Lexique de termes juridiques, Paris, Dalloz, 8e éd., 1990, p.79.

35 Loi n° 2000/015 du 15 Décembre 2000 du Cameroun.

36 L'art.107 de la loi n°2006-25 du 5 janvier 2007 portant règles générales sur les élections au Bénin, fixe le plafond à cinq millions de francs de dépenses par candidat pour les élections législatives et à cinq cent millions de francs pour l'élection présidentielle.

37 Les ressources privées regroupent, en dehors des ressources propres des partis, les dons et legs, les aides provenant de personnes privées tant nationales qu'étrangères. Aux termes de l'art.35 al.3 de la loi n° 2001-21 du 21 février 2003 portant charte des partis politiques au Bénin, « le montant des dons et libéralités éventuels de source extérieure au Bénin provenant de personnes physiques ou morales et destinées à un parti politique ne doit en aucun cas dépasser le tiers (1/3) du montant total des ressources propres de ce parti ». Au Togo, l'art.19 de la charte des partis politiques précise que « le montant des ressources éventuelles provenant de l'extérieur ne doit pas excéder 25 % du montant total des ressources du parti ».

38 Voir art. 33 de la charte des partis politiques du Bénin ; art. 18 de la charte des partis politiques du Togo ; art. 20 de la charte des partis politiques du Gabon.

l'abstention. Mais la liberté du vote requiert aussi l'absence de pressions sur les électeurs. C'est pourquoi, lorsqu'ils choisissent de voter, les Constitutions garantissent le secret de leur vote.

La faculté de dire oui ou non, de faire ou de ne pas faire, est le fondement du suffrage universel et donc, de la démocratie. Nul ne doit être contraint de participer à la désignation des gouvernants. La liberté de l'électeur implique son droit de ne pas participer au vote s'il ne le désire pas. Si certains Etats occidentaux ont opté pour le vote obligatoire39 pour lutter contre l'abstention40, les Etats africains, à l'instar du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo ont choisi de ne pas rendre le vote obligatoire. Leurs constitutions ne le prévoient pas expressément mais aucune sanction ne figure dans les lois électorales à l'encontre des abstentionnistes. Les électeurs disposent donc d'un véritable droit à l'abstention car toute obligation implique une sanction. Mais lorsque l'électeur choisit de se prononcer dans tel ou tel sens, son choix reste secret : c'est le secret de vote.

Le secret du vote est sans doute l'un des principes fondamentaux du droit de suffrage car c'est ce qui en garantit une expression démocratique. En effet, le vote est un droit personnel dont l'exercice implique des procédures « individualisantes ». Quelle que soit sa catégorie sociale, l'électeur doit être le seul témoin de son vote. Ainsi, le vote secret a pour effet de protéger le faible des pressions du fort. Sa préservation suppose la prise de deux précautions. D'abord, le secret du vote requiert l'instauration du vote écrit par bulletin41 car, comparé à la déclaration orale, celui-ci permet une plus grande confidentialité du vote. En Afrique, comme dans toutes les démocraties actuelles, les électeurs expriment leurs votes sur des bulletins qu'ils déposent dans des urnes conçues à cet effet. Ensuite, la protection totale du secret du vote est-elle assurée par l'utilisation d'isoloirs. Car, comme l'a écrit GOODWIN-GILL, « le moyen le plus efficace de préserver la liberté de l'électeur est bien d'éviter que le sens de son vote ne soit connu : ainsi, il n'est plus tenu par les promesses ou engagements qui lui auraient été indûment extorqués et il est à l'abri des

39 L'Autriche et la Belgique par exemple.

40 Voir BRACONNIER (C) et DORMAGEN (J-Y), « la démocratie de l'abstention » édition Gallimard, 2007, p.27

41 MARTIN (P.), Les systèmes électoraux, cité par Simon DAKO, op.cit., p.116

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menaces de ceux à qui son vote déplairait et qui pourraient avoir prise sur lui ».42

Les droits électoraux, une fois garantis par des textes, les Etats africains ont fait dans la plupart des cas, preuve d'originalité en créant des institutions pour l'organisation des scrutins électoraux.

SECTION II : UNE GESTION ORIGINALE DES SCRUTINS ELECTORAUX

Les régimes politiques africains issus des transitions démocratiques avaient, pour la plupart, construit un système électoral qui reposait sur une sorte de corrélation quasi axiomatique entre la légitimité électorale et la conduite du processus électoral par un organe indépendant (§ 1) et impliquant toutes les forces politiques dans l'organisation des scrutins (§ 2).

PARAGRAPHE I : INSTITUTION D'ORGANES ELECTORAUX

INDEPENDANTS

Les suspicions qui ont toujours pesé sur le Ministère de l'Intérieur, ont conduit les acteurs politiques africains à remettre en cause ce Ministère de l'Intérieur (A), dans la conduite du processus électoral et en créant des commissions électorales(B).

A- Le dessaisissement du Ministère de l'Intérieur

La récusation du Ministère de l'Intérieur dans la conduite des processus électoraux constitue la véritable démarcation des Etats africains vis-à-vis de la tradition juridique occidentale dont ils ont hérité de l'époque coloniale. La méfiance nourrie à l'égard du Ministère de l'Intérieur est justifiée par son inféodation par le parti au pouvoir et les forfaitures commises par cet organe dans les pays qui l'ont expérimenté dans la conduite des processus électoraux.

En effet, membre éminent d'un gouvernement qui est l'émanation institutionnelle du parti au pouvoir, le Ministre de l'Intérieur est, dans les faits, politiquement responsable de la victoire électorale de sa famille politique.43 L'obligation de rendre compte qui pèse sur lui s'étend également à ses

42 GOODWIN-GILL (G. S.) cité par Simon DAKO, Processus électoraux et transitions démocratiques en Afrique Noire francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo, Thèse de Doctorat, op. cit. p.117

43 El Hadj MBODJ, « Faut-il avoir peur de l'indépendance des institutions électorales en Afrique ? » www.francophonie.org (consulté en février 2009), p. 16

représentants dans les circonscriptions administratives en charge du pilotage, à la base, du processus électoral. Ce noyautage de toute la chaine du processus électoral par le gouvernement et ses démembrements territoriaux a été très vite perçu comme un facteur négatif limitant l'épanouissement du jeu démocratique dans les nouvelles démocraties africaines en construction. Il n'est nullement de nature à offrir les traditionnelles garanties minimales de neutralité, d'impartialité, de transparence et de sincérité dans l'expression du suffrage. Or, l'existence d'un cadre organisationnel crédible permettant un déroulement harmonieux du processus électoral emportant la confiance et l'adhésion de tous les protagonistes du jeu électoral à des règles consensuelles est le gage minimal d'une élection régulière, transparente, sincère et loyale.

La suspicion ou la méfiance qui pèse sur le Ministère de l'Intérieur n'est pas dénuée de tout fondement. Ainsi comme précédemment souligné, l'appareil étatique en charge de l'organisation des scrutins, a, dans certains Etats, fait preuve d'imperfections, de fraudes et partialité. En effet, au Sénégal, la contestation du rôle de l'administration d'Etat dans la gestion des élections s'est engagée suite aux irrégularités et autres fraudes ayant entaché les élections régionales et locales de 1996. L'ampleur de ces dernières était telle que le Président de la République en est arrivé à s'écrier lui-même « plus jamais ça »44. Ainsi, même si le Ministère de l'Intérieur a permis lors des premières élections pluralistes du Bénin et du Mali le changement des responsables politiques, sans doute en raison des circonstances exceptionnelles et de la nature consensuelle de l'administration électorale de la transition, on considère que du fait de sa trop grande proximité avec le pouvoir et de l'inféodation de l'administration avec le parti unique ou le parti majoritaire, il est inapte à garantir la sincérité du scrutin. Ce sont ces raisons qui ont poussé les acteurs politiques, dans le cadre du renouveau démocratique, à dessaisir le Ministère de l'Intérieur de la conduite du processus électoral.

44Voir OULD AHMED SALEM (Z.), « L'observatoire national des élections au Sénégal. Une neutralité sous surveillance », QUANTIN (P.) (dir.), Voter en Afrique. Comparaisons et différenciations, Paris, Harmattan, 2004, pp.156-162

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Ce dessaisissement est partiel45 dans certains cas et total dans d'autres46. Si les nouvelles institutions créées pour la gestion des processus électoraux bénéficient de tous les pouvoirs nécessaires pour l'accomplissement de leur mission dans le cadre du dessaisissement total, elles ne jouent que le rôle de supervision dans le cas d'un dessaisissement partiel où la conduite des opérations matérielles est à la charge de l'administration étatique. Aussi, les législateurs confèrent aux nouvelles autorités administratives africaines, dans ce second cas, des pouvoirs d'injonction, de saisine des juridictions compétentes, d'information et de propositions à l'effet d'améliorer le régime électoral sur la base de leurs expériences.

Partiel ou total, le dessaisissement du ministère de l'intérieur rime avec la création des commissions électorales.

B- Création des commissions électorales

La mise en place d'institutions électorales indépendantes des gouvernements apparait comme une réponse appropriée à la méfiance manifestée à l'égard des administrations électorales formatées dans la culture du système du parti unique, de fait ou de droit, et des régimes militaires d'exception47. Qualifiées par certains comme étant la manifestation de l'imagination africaine en matière d'ingénierie juridique48, ces nouvelles institutions, quel que soit le nom qui leur est attribué49, sont venues appuyer et enrichir le décor institutionnel et politique de la troisième génération des régimes politiques africains50.

Ces institutions procèdent en théorie de la volonté de « soustraire les résultats
des compétitions à la suspicion d'illégitimité qui pesait sur les scrutins organisés

45 Au Sénégal et au Cameroun.

46 Cas du Togo, du Benin, du Gabon...

47 El Hadj MBODJ, « Faut-il avoir peur de l'indépendance des institutions électorales en Afrique ? » op. cit. p.32

48 Du BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Les élections à l'épreuve de l'Afrique » in Cahier Constitutionnel No 13 /2002.p.11

49 CENI au Togo, CENA au Bénin, CEI en Côte d'Ivoire...

50 La première génération correspond aux régimes directement hérités de la colonisation, la seconde génération aux régimes politiques monolithiques civils ou militaires, alors que la troisième génération est celle des régimes pluralistes nés de la vague de démocratisation de la dernière décade du second millénaire. Voir SOMALI (K.): « Le parlement dans nouveau constitutionnalisme en Afrique », Thèse, p.11

par le seul appareil étatique51 La création des commissions électorales correspond donc à un objectif précis, celui de l'adhésion consensuelle de tous les acteurs de la vie politique à la conduite des processus électoraux.

La décision de la Cour Constitutionnelle béninoise du 23 décembre 1994 résume bien cette philosophie. « La création de la commission électorale nationale autonome (CENA), en tant qu'autorité administrative indépendante, un organe disposant d'une réelle autonomie par rapport au gouvernement, aux départements ministériels et au parlement, pour l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des libertés publiques, en particulier les élections honnêtes, libres et transparentes (...) la création d'une commission électorale indépendante est une étape importante de renforcement et de garanties des libertés publiques et des droits de la personne ; elle permet, d'une part d'instaurer une tradition d'indépendance et d'impartialité en vue d'assurer la transparence des élections, et d'autre part de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques »52.

Les nouvelles institutions électorales ont pour vocation non seulement de garantir la confiance des électeurs et des acteurs politiques mais aussi d'assurer la sincérité du scrutin et des résultats en particulier. A l'expérience, il apparaît que ces institutions ont contribué à instaurer la confiance entre les acteurs et les protagonistes des élections53 à l'exception de quelques expériences malheureuses54. Pour assumer la mission qui leur est confiée avec efficacité et pallier, à cet effet, les insuffisances du Ministère de l'Intérieur, les commissions électorales africaines sont dotées d'une indépendance. Cette indépendance est à la fois existentielle et fonctionnelle.

Parler de l'indépendance existentielle revient à rechercher le fondement
juridique des commissions électorales. Elles sont constitutionnalisées dans
certains cas55. Même si la constitutionnalisation des commissions électorales

51 OULD AHMED SALEM (Z.), « L'observatoire national des élections au Sénégal. Une

neutralité sous surveillance », Op. Cit. p.153

52 Décision de la Cour Constitutionnelle du Benin du 23 décembre 1994.

53 Cas du CENA au Bénin, ONEL au Sénégal en 2000.

54 Togo aux élections présidentielles de 1998 et 2003, Niger en 1996.

55 Bénin, Mali, Niger, République Démocratique du Congo.

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pose certaines difficultés56, elle présente un avantage indéniable. Placées hors de la portée du législateur, les institutions électorales ne pourront, dans le futur, être modifiées ou supprimées que dans les conditions prévues par la constitution. Dans d'autres pays, ces institutions sont des actes législatifs et sont issues, dans certains cas même, des accords politiques. Dans tous les cas, ces institutions bénéficient d'une indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et des autres organes de l'Etat.

S'agissant de l'indépendance fonctionnelle, il faut relever, à ce niveau, que, dans la plupart des cas, les compétences des commissions africaines sont larges. Elles vont de l'organisation matérielle à la supervision des élections. Toutefois l'effectivité de cette indépendance dépend du bon vouloir de l'administration qui, généralement a la main mise sur le matériel.

Cet effort institutionnel est appuyé par la recherche du consensus dans l'organisation du scrutin.

PARAGRAPHE II : ORGANISATION CONSENSUELLE DES SCRUTINS

On acceptera volontiers que l'Afrique est un laboratoire en matière électorale car les périodes électorales constituent, en Afrique, des moments d'agitations politiques. Cette période constitue une occasion d'innovation et de création institutionnelle. Les partis politiques, la société civile, les ONG et les confessions religieuses y trouvent alors une occasion de donner leurs opinions sur le processus devant conduire au choix des futurs dirigeants. Afin d'instaurer un climat de confiance et donner une certaine crédibilité au processus, tous ces acteurs sont associés à la conduite du processus électoral sur le principe de « consensus ». Toutes les couches sociopolitiques participent non seulement à l'adoption des règles (A) devant régir l'organisation mais aussi à toutes les étapes de l'organisation matérielle du scrutin (B).

A- Recherche du consensus dans l'adoption du cadre normatif et

institutionnel

L'organisation des élections libres, honnêtes et crédibles repose sur la légalité
et la légitimité des textes électoraux. Si la légalité d'un texte est la conformité de

56 Problème de la tropicalisation des constitutions africaines qui deviennent des « fourre-tout » avec l'intégration des institutions trouvant normalement leur origine dans une simple loi.

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ce texte à la loi au sens large, la légitimité d'un texte renvoie à l'adhésion majoritaire des populations à ce texte. L'acception des résultats électoraux dépend mieux de la légitimité des textes sur la base desquels est organisé le scrutin que de sa légalité. Les textes électoraux adoptés par les parlements paraissent parfois moins légitimes du moment où, dans la plupart des cas, ces parlements sont peu représentatifs car eux-mêmes élus sur la base des règles peu démocratiques.

Conscients de cette réalité et dans un souci de recherche de consensus mais non de l'unanimité pour assurer la crédibilité des scrutins électoraux, les Etats africains, dans leur majorité, adoptent les dispositions électorales en marge des institutions étatiques habilitées à cet effet. Les codes électoraux adoptés par les différents parlements ne sont qu'un entérinement formel des textes issus des discussions politiques entre les acteurs politiques d'une part et la société civile et les ONG d'autre part. Les dispositions du code électoral togolais ne sont que la transcription des dispositions de l'Accord Politique Global adopté à Ouagadougou par les acteurs de la vie politique togolaise57. Il n'en est pas moins du cas ivoirien où les dispositions électorales ayant régi le scrutin de novembre 2010 sont issues de longues négociations entre les acteurs de la vie politique ivoirienne. Au Bénin si la plupart des dispositions électorales sont constitutionnalisées, il n'en demeure pas moins que celles-ci sont issues de la conférence nationale qui a réuni les forces vives de la « nation » béninoise.

Parlant des commissions électorales, Céphise BEO AGUIAR délégué du Parti Social-démocrate au séminaire international sur les structures électorales organisé par l'OIF et le gouvernement béninois le 13 janvier 2008, indiquait que « étant l'émanation de la volonté des acteurs politiques du fait de la méfiance vis-à-vis de l'administration, ces structures devront à tout prix tenir compte des acteurs politiques pour qu'à l'issue des scrutins, des contestations soient moindres et que les remises en causes soient plus faciles à gérer »58.

Il en résulte que la recherche de consensus, du moins en amont, dans
l'organisation des élections, présente un intérêt certain. Cela permet à chaque

57 L'Accord Politique Global a été signé par les acteurs de la vie sociopolitique du Togo le 20 août 2006.

58www.francophonie.org consulté en février 2009.

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acteur d'apporter son expérience et expertise pour l'amélioration de la conduite des processus électoraux en amont et d'éviter des contestations en aval car la responsabilité est partagée en cas d'irrégularités graves. L'implication de tous les acteurs dans le processus a eu des incidences positives59. Mais il faut relever que même si l'adoption consensuelle des dispositions électorales contribue à la crédibilité du scrutin, cette situation crée parfois un flou juridique60. Aussi la recherche du consensus a-t-il conduit les acteurs politiques à se partager les tâches tout le long de la chaine dans la phase pratique du scrutin.

B- Organisation participative du scrutin.

L'organisation d'un scrutin, du moins dans sa phase pratique, va de l'établissement de la liste électorale à la proclamation des résultats. Les différentes forces politiques se partagent les tâches à tous les niveaux de la chaine d'organisation du scrutin, dans le souci d'assurer la transparence des opérations électorales. Les codes électoraux précisent la composition de la structure en charge de l'organisation des élections, de ses démembrements départementaux jusqu'à ceux des bureaux de vote61.

Cette répartition est souvent paritaire Pouvoir /Opposition ou

proportionnellement à la représentation des partis ou coalitions de partis sur le chéquier politique national62. En marge de ces membres des partis politiques qui jouent un rôle actif au sein de la structure organisationnelle du scrutin se trouvent des représentants de ces partis souvent appelés délégués des partis et plus passifs, qui jouent le rôle d'observateur dans les bureaux de vote.

59 Les élections législatives d'octobre 2007 et celles présidentielles de 2010 au Togo moins contestées et approuvées par la communauté internationale du fait de l'adoption consensuelle du code électoral est l'illustration de l'hypothèse.

60 Cas ivoirien où le Président GBAGBO évoque la constitution ivoirienne alors que ses adversaires font référence aux dispositions des différents accords politiques.

61 L'opposition participe à la cogestion de la commission électorale et souvent la parité est respectée dans la composition comme au Mali et au Burkina Faso, et des fois l'opposition est majoritaire comme c'est le cas au Bénin.

62 Voir POKAM (H.de P.) : Les commissions électorales subsahariennes : analyse de leurs enjeux et de leurs usages par les acteurs politiques au cours du processus d'invention de la neutralité électorale, www.cairn.info consulté en mai 2010.

Parallèlement à cette implication de tous les acteurs dans l'organisation du scrutin, prend part de plus en plus actif, la communauté internationale dans l'organisation des processus électoraux, en Afrique, en particulier.

A l'expérience, cette pratique semble bien réussir et est donc à l'actif des hommes politiques africains63. L'implication des tous acteurs politiques a permis à chacun de mettre à contribution son expérience. Ceci a conduit à apporter des solutions, non les moindres, aux difficultés rencontrées lors des élections en Afrique même si le défi à relever reste encore immense dans certains pays.

S'agissant du gonflement des listes électorales ou des omissions sur celles-ci, l'enregistrement biométrique des électeurs a permis dans certains Etats d'Afrique francophone, de corriger cette imperfection. L'adoption des bulletins uniques séquentiels, la transmission des résultats par voie satellitaire, l'acceptation de ces résultats par les candidats perdants64 et la certification des résultats par la communauté internationale65 sont autant d'efforts consentis par les acteurs politiques africains pour l'organisation des élections libres, honnêtes et transparentes qui participent à l'enracinement de la modernité. Le Bénin et le Mali pour ne citer que ceux-là font ainsi office de meilleurs élèves en matière de la démocratie électorale sur le continent même si le scrutin présidentiel béninois de 2011 a replacé la question de l'instabilité des régimes africains au centre du débat.

Des efforts considérables sont mis en oeuvre pour assurer un déroulement honnête, régulier et impartial des élections par les pouvoirs publics appuyés par la communauté internationale, en témoignent les réformes des codes électoraux, les multiples missions d'observation des élections par les Etats partenaires et les organisations internationales.

Mais s'en tenir à ce seul aspect reviendrait à ne voir que l'arbre qui cache la forêt. Il est tout de même indéniable qu'en dépit des progrès significatifs mais variables, selon les Etats, l'organisation et la gestion du processus électoral rencontrent de sérieuses difficultés qui affaiblissent sa transparence et qui font obstacle à la réalisation de ce qui est un objectif essentiel dans la période

63 Cas du Togo lors des scrutins d'octobre 2007 et de mars 2010.

64 Cas de la Guinée Conakry et du Niger lors des élections présidentielles de 2010.

65 Accord signé entre l'ONU et la République de la Côte d'Ivoire aux termes duquel l'ONU devait certifier les résultats des élections présidentielles de novembre 2010.

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d'ancrage de la démocratie dans laquelle se trouvent les pays en transition : l'acceptation des résultats électoraux par les acteurs du scrutin. Elections comme moyen de sorti de crises deviennent source de crises au point que l'on se demande si l'irréversibilité proclamée de la démocratie électorale africaine « fondationnelle » n'est finalement pas réversible.

CHAPITRE II : UN VOLONTARISME ELECTORAL

REVERSIBLE

La mise en place de tissus normatifs et opératoires en matière électorale constitue certainement un élément de réussite dans la modernisation des régimes politiques en Afrique noire francophone. Sur le plan normatif, différents textes à portée juridique variable encadrent désormais le jeu électoral en juridicisant des concepts tels que la participation à la direction des affaires publiques, la sincérité et la périodicité des élections, l'universalité, l'égalité et le secret du suffrage. Sur le plan opératoire, la création des commissions électorales nationales indépendantes ou autonomes, à côté du Ministère de l'Administration Territoriale, constitue une étape importante de renforcement et de garantie des droits et libertés fondamentaux.

Cependant, ce décor normatif et opératoire ne doit pas masquer la réalité électorale africaine faite des graves irrégularités, de crises et de violences. Ces critiques formulées à l'encontre des processus électoraux tiennent à l'incohérence des textes et institutions électoraux (section1) qui sont tributaires de leur environnement socio-économique (section 2).

SECTION I : UN DECOR JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL INCOHERENT L'architecture normative et institutionnelle africaine en matière électorale cache souvent des imperfections qui rendent difficile voire impossible la mise en oeuvre de ces textes et institutions. Cette situation s'explique par l'importation des textes et institutions occidentaux (§ 1) d'une part et l'imprécision de l'originalité textuelle africaine (§ 2) d'autre part.

PARAGRAPHE I : UN MIMETISME OCCIDENTAL INADAPTE L'analyse du droit africain révèle, dans une large dimension, un calquage du droit du colonisateur occidental. Ce mimétisme se manifeste à plusieurs niveaux (A), et semble inadapté dans bien de cas aux réalités africaines (B).

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A- Un mimétisme manifeste

Peut-on encore, au XXIème siècle, analyser les démocraties en Afrique en termes de mimétisme et en se situant par rapport à la période coloniale? La question n'est pas surprenante car malgré des efforts de création des textes originaux, l'arsenal juridique et institutionnel africain est largement une photocopie du droit occidental et particulièrement de l'ancienne métropole.

Malgré une rupture dans les années 1970-1980, le renouveau constitutionnel africain des années 1990 illustre, à plus d'un titre, l'intérêt marqué au droit occidental par les Etats africains. On ne saurait, à cet effet, ignorer les ressemblances textuelles, les recopies d'articles de constitution, la reprise de systèmes forgés ailleurs, les conditions d'élaboration des nombreux régimes aboutissant à de véritables « copier-coller »66. Nombre de lois fondamentales adoptées au moment des indépendances apparaissent comme des textes miroirs de constitutions en vigueur au nord et plus spécialement dans les anciennes métropoles, reprenant, volontairement ou contraints et forcés, tout un dispositif institutionnel, une série de dispositions juridiques ou encore, ceci n'excluant pas cela, des modèles types d'institutions.

Cette situation illustre la permanence du facteur externe qui est un des traits de l'histoire africaine. Ces analyses, quelque peu oubliées dans les années 1970 et 1980 à une époque de remise en cause des régimes démocratiques et de rupture de l'ordre constitutionnel existant, ressurgissent avec le déclenchement des transitions démocratiques dans les années 1990.

L'Afrique est de nouveau marquée par un regain de mimétisme, avec l'établissement de régimes plus proches que jamais des modèles extérieurs, en réalité de l'un d'entre eux, la démocratie libérale et pluraliste. Les transitions ont gommé, éradiqué du constitutionnalisme africain les particularités et originalités institutionnelles qui s'étaient développées dans les années 1970. Il existe encore un discours, légitimant, des élites des pays en développement qui insistent sur la performance des modèles exogènes sans analyser les structures sociales locales effectives. Même si certains réduisent ce mimétisme à l'appartenance à une même école en se fondant sur une différence

66Du Bois de GAUDUSSON (J.), Le mimétisme postcolonial, et après ?, Pouvoirs 2009/2, N° 129, p. 45-55.

d'interprétation et d'application67, les textes juridiques africains sont largement une transplantation des systèmes juridiques occidentaux. Cette influence étrangère qui s'explique par l'universalité des valeurs démocratiques a ignoré, dans bien de cas, les réalités socioculturelles et ethniques de l'Afrique.

B- Un mimétisme inadéquat

La démarche suivie par les constituants africains se justifie par l'histoire coloniale. La dimension historique est grande dans l'influence exercée par le droit occidental sur le droit africain. En réalité l'importation du droit du colonisateur n'est pas en soi condamnable car il fallait, en tant que nouveaux Etats indépendants, se fonder sur quelque chose.

Mais la difficulté ou du moins l'impact négatif de cette situation réside non seulement dans le fait que le modèle importé n'est pas sans reproche mais aussi les facteurs socioculturels et ethniques très diversifiés du continent n'ont pas été suffisamment pris en compte. De surcroît les efforts d'adaptation présentent des faiblesses. Que les élections en Afrique soient qualifiées de non concurrentielles ne doit pas surprendre même si les irrégularités rencontrées ici ne sont pas les mêmes ailleurs car tous les systèmes européens ne sont pas concurrentiels ou pour le moins ne l'ont pas toujours été68. Il faut aussi souligner que les imperfections, du moins certaines, sont des éléments constitutifs permanents du fonctionnement des démocraties électorales occidentales et des régimes apparentés. Il paraît ainsi normal que la copie porte les erreurs de l'originale.

Toutefois analyser les élections africaines en termes de copie serait dangereux et limiterait l'intérêt du sujet. Le mimétisme africain doit être qualifié de faux mimétisme car l'Afrique ne s'est pas contenté de recopier ou d'imiter l'Occident mais a fait preuve d'originalité comme l'atteste la création des commissions électorales. Ainsi le problème se pose en des termes différents. L'originalité africaine est-elle adaptée à ses réalités ? N'est-elle pas source de plus d'irrégularités que l'invention occidentale ? A ces questions nous pouvons répondre par l'affirmative en nous fondant sur l'observation de la situation. S'il

67Du Bois de GAUDUSSON (J.), « Le mimétisme postcolonial, et après ? », op. cit. p. 49

68 Voir QUANTIN (P.) « Pour une analyse comparative des élections africaines », Politique Africaine N°69, 1998, p.12

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est vrai qu'une suspicion de partialité du Ministère de l'Intérieur justifie l'institution des commissions électorales, la création de celles-ci à quelques jours de la date du scrutin, leur composition et compétence ne sont pas de nature à rendre sincères et fiables les opérations électorales.

Comment expliquer la prise de fonctions des membres de la commission électorale guinéenne neuf jours avant le jour du scrutin? Comment la commission de la République Démocratique du Congo avec des maigres moyens logistiques pouvait distribuer le matériel électoral en une seule journée dans un pays qui fait dix fois la France?

Le vote est secret et doit l'être mais la technique du vote en Afrique, calquée sur le modèle occidental pose de sérieuses difficultés dans un environnement où la majorité des électeurs est analphabète, sans éducation civique, mettant ainsi en cause le caractère secret du vote.

PARAGRAPHE II : UNE INGENIERIE AFRICAINE LACONIQUE L'effort des acteurs politiques africains en vue de la gestion efficiente des élections n'est pas négligeable sauf aux yeux des pessimistes. Cet effort qui se justifie par la création des commissions électorales semble être remis en cause par l'issue controversée des scrutins et souvent justifiée par les dysfonctionnements de ces institutions. Ces difficultés sont d'ordre structurel et conjoncturel. La réversibilité des processus électoraux en Afrique est donc liée d'une part aux limites normatives des commissions électorales (A) et d'autre part à leur l'inféodation par le pouvoir en place (B).

A- Un cadre normatif et institutionnel limité

La création des commissions électorales indépendantes ou autonomes a été envisagée comme un palliatif aux difficultés, insuffisances et irrégularités connues par des scrutins organisés par le Ministère de l'Intérieur, sanctuaire de la cuisine électorale.

Mais l'expérience a révélé qu'elles ne sont pas, du moins dans la majeure des cas, à la hauteur de la tâche qui leur est confiée si l'on en juge de la gravité des crises liées à l'organisation des scrutins récents69. Les limites tiennent souvent

69 Exemple du Madagascar en 2001-2002, Togo en 2005, Kenya en 2007, Côte d'Ivoire en 2000 et en 2010.

à la composition, aux compétences et aux moyens matériels de ces institutions. Ces limites sont congénitales à l'existence même des structures électorales.

D'abord s'agissant de la composition déterminée par les textes, elle fait peser une suspicion sur la neutralité et l'impartialité de l'institution. Si dans certains cas la configuration des commissions est fondée sur le principe de proportionnalité ou de parité, la nomination ou l'élection des membres par les hommes politiques ou les assemblées représentatives qui ne désignent chacun que son partisan de confiance, transforme l'institution en lieu de débats politiques partisans remettant du coup l'indépendance présumée de l'institution en cause70. Les règles de nomination font parfois que le pouvoir en place se taille la part du lion71.

S'agissant ensuite des prérogatives qui leurs sont attribuées, elles sont définies de façon extrêmement imprécise. En premier lieu, la loi électorale ne définit pas clairement le calendrier électoral notamment la date de mise sur pied de la commission électorale devant organiser le scrutin en laissant le soin au pouvoir règlementaire d'en déterminer. Cette situation a conduit à la création des commissions presqu'à la veille du scrutin mettant celle-ci dans un pétrin72. En second lieu les compétences reconnues à ces instituions sont de façade dans certains pays et, dans d'autres cas, la répartition de ces compétences est source de querelles politiciennes. L'analyse du code électoral togolais en donne confirmation. L'article 4 du code électoral du Togo précise que « le Ministère de l'Intérieur est chargé de l'organisation des différentes consultations référendaires électorales. L'Autorité administrative indépendante a pour mission de veiller au respect de la loi électorale. Elle est particulièrement chargée du suivi, du contrôle et de la supervision du processus électoral en vue de garantir la transparence et d'assurer aux électeurs et aux candidats la libre expression des suffrages »73. Le texte législatif togolais définit les attributions de la

70 Les débats houleux entre le RPT et l'opposition sur cette question lors de l'APG et les tractations pour la nomination du Président de la CENI lors du scrutin du 04 mars 2010, attestent de l'importance de la question.

71 Au Zimbabwe la constitution confie la surveillance du processus électoral à une Election Supervisory Commission(ESC) dont les membres sont librement choisis par le chef de l'Etat à qui ils rendent compte uniquement.

72En Guinée la commission est créée onze jours avant le déroulement des premières élections de 1993 et les membres de la commission n'ont pu prêter serment que neuf jours avant le premier tour.

73 Cet article a été modifié en 2009 à la veille des élections présidentielles de mars 2010.

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commission nationale électorale en des termes juridiquement imprécis dont la traduction concrète est incertaine du fait du silence des textes. Il en est de même de la loi électorale malienne du 30 août 2000 qui, modifiée par la loi du 13 juillet 2001, présente le même flou juridique. Elle consacre, en effet, en son chapitre II « Des autorités compétentes », trois organes dans le cadre de la gestion des élections générales. L'ambiguïté sur les prérogatives de ces trois organes est entretenue par l'article 16 de la loi qui précise que « l'organisation et les modalités de fonctionnement de la Délégation Générale aux Elections (DGE) sont déterminées par décret pris en conseil des ministres. La DGE est dirigée par un Délégué général, nommé par décret du Président de la République »74.

Enfin les difficultés normatives qui limitent l'efficacité des institutions électorales sont d'ordre matériel. L'autonomie financière dont jouissent les structures électorales en Afrique est tributaire de l'Etat75. Ce dernier peut donc limiter les ressources financières des instituions électorales pour influencer leur efficacité. De même l'Etat ayant quasiment le monopole sur les moyens matériels et humains et qui ne les affecte qu'à son gré à la structure électorale, constitue un handicap rendant la mission des commissions électorales incertaine. Ces insuffisances des institutions électorales africaines sont accompagnées par la prise en « otage » de ces organes par le pouvoir en place.

B- Inféodation de l'administration électorale par le pouvoir en place

Qualifiées d'indépendantes ou autonomes, selon le cas, les commissions
électorales africaines jouissant d'une indépendance existentielle et
fonctionnelle, sollicitent, dans leur fonctionnement, l'intervention de plusieurs

74Si les attributions restent déterminées par le texte législatif susmentionné, il n'en demeure pas moins que cette institution, en dépit de la noblesse de la mission qui lui a été confiée, peut semer le doute dans un contexte de crise larvée ou ouverte entre les différents acteurs de la vie politique.

75 Les articles 7 et 8 du code électoral du Togo qui disposent respectivement que « la CENI élabore son budget avec le concours technique des services compétents de l'Etat » et que « l'Etat met à la disposition de la CENI les moyens nécessaires à son fonctionnement et à l'accomplissement de sa mission ». La même autonomie est consacrée par la loi électorale du Bénin. L'article 40du code électoral béninois dispose, en effet, que « la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) dispose d'une réelle autonomie par rapport au gouvernement, aux départements ministériels, au Parlement et à la Cour Constitutionnelle sous réserve des dispositions des articles 49, 81 alinéa 2 et 117, 1er et 2ème tirets, de la Constitution du 11 décembre 1990 et des articles 42, 52 et 54 de la loi 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la loi du 17 juin 1997 ».

acteurs gouvernementaux qui limitent au bout du compte, leur indépendance. Cette situation produit une influence non moins grande sur l'impartialité et la neutralité de ces institutions.

En effet la conduite des opérations électorales requiert l'intervention de plusieurs acteurs gouvernementaux: le Ministère de l'Intérieur pour la sécurité électorale et le maintien de l'ordre public; le Ministère des Finances pour la gestion des ressources financières ainsi que la tenue de la comptabilité des fonds publics alloués par le législateur ; le Ministre des Affaires Etrangères pour l'observation internationale; le Ministre de la Justice dont le personnel est très sollicité tout au cours du processus76. Les instances de régulation des médias interviennent dans le déroulement du processus électoral.

Ces organes étatiques, souvent aux compétences vaguement définies, profitent de cette imprécision des textes pour influencer, dans tel ou tel sens, selon leur connotation politique. Ils font souvent preuve de zèle administratif ou d'une passivité et portent, de ce fait, un coup dur à la transparence et la fiabilité des opérations électorales.

De fait ou de droit, le pouvoir politique en place tente ainsi de neutraliser les institutions électorales en réduisant leurs moyens logistiques à l'approche des élections nationales. Cette situation est relevée dans le cadre des élections sénatoriales du Sénégal de janvier 1999. En effet, les moyens de l'Observatoire National des Elections au Sénégal (ONEL) ont été drastiquement et brutalement limités. Par exemple, alors que ces premiers locaux s'étaient révélés insuffisants, l'ONEL s'est vu octroyer un nouveau local quatre fois moins grand. De même, il n'avait pas reçu le personnel nécessaire (administratif et ouvrier) et son Président n'avait plus de bureau dans la nouvelle structure. Cette inféodation de l'administration électorale est la manifestation de l'attitude du Chef de l'Etat Sénégalais qui, face à la crédibilité accrue de l'ONEL nomma son président comme ambassadeur en GuinéeBissau. L'opposition sénégalaise a vivement dénoncé cette tentative de porter atteinte à l'indépendance et à l'efficacité de cette institution que le Général

76 Au Togo les présidents des commissions électorales indépendantes locales sont des magistrats, présidents des tribunaux.

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NIANG avait fini par symboliser malgré la suspicion et le scepticisme du début77.

Le politique prend ainsi le contrôle des institutions électorales en ne laissant à celles-ci qu'une portion congrue de marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre de leurs compétences. Les dysfonctionnements constatés des institutions en charge de la conduite des opérations électorales et les graves crises et violences électorales rendent non seulement impossible l'alternance par la voie des urnes mais sont aussi sources d'instabilité politique sur le continent. Néanmoins une analyse objective révèle aussi que les difficultés de l'Afrique de s'approprier la démocratie électorale sont liées à des facteurs socioculturels.

SECTION II : DES PROCESSUS TRIBUTAIRES DE LEUR

ENVIRONNEMENT

Les processus électoraux africains ne sauraient être envisagés en dehors de l'environnement socioculturel et politique dans lequel ils sont appelés à s'épanouir. En effet, marquée par des décennies de domination coloniale, l'Afrique a connu des régimes politiques libéraux quelques années avant la dictature militaire ou du parti unique jusqu'en 1990. Aussi les tentatives de construction de nations africaines depuis les indépendances se sont-elles révélées vaines du fait des facteurs socio-ethniques. Tout ceci explique le sens du vote en Afrique (§ 1) et rend l'alternance souhaitée peu probable (§ 2).

PARAGRAPHE I : ABSENCE DE THEORIE ELECTORALE AFRICAINE Que signifie « voter » en Afrique ? L'analyse même événementielle et culturaliste des scrutins électoraux sur le continent laisse découvrir que le sens donné au vote n'est pas le même que sur d'autre cieux78. Le vote ici est lié à l'ethnie (A) et à l'argent (B).

77 POKAM (H. de P.), les commissions électorales en Afrique subsaharienne: analyse de leurs enjeux et de leurs usages par les acteurs politiques au cours du processus d'invention de la neutralité électorale, communication faite au centre d'Etude d'Afrique Noire de Bordeaux, www.afrilex.u-bordeaux4.fr p .11, consulté en Août 2009.

78 Le vote est un moyen de demander compte aux dirigeants, de s'exprimer et sanctionner les dirigeants malhonnêtes.

A- Un vote essentiellement identitaire

La classe sociale, l'ethnie et la religion sont des facteurs explicatifs du sens du vote en Afrique. Si l'individualité79 et la rationalité80 du vote ne sont pas totalement absentes, elles sont néanmoins loin d'être la chose la mieux partagée par la majorité des électeurs africains. Des élections tenues dans les années 1990 à celles de 2011, la carte électorale de certains pays montre que les candidats réalisent toujours leurs meilleurs scores dans leurs départements d'origine et, plus largement, dans les zones d'implantation de leurs communautés ethnolinguistiques. Quant aux partis, en dehors de l'élection des fils du terroir, leurs meilleurs résultats sont réalisés dans les communautés d'origine de leurs leaders.

Les résultats issus de ces différentes consultations attestent le caractère ethnique de la vie politique togolaise et ceci à titre indicatif.

Election présidentielle de 1998

Régions

Suffrages exprimés

GNASSINGBE E.

OLYMPIO G.

Savanes

142.954

117.092

10.220

Centrale

179.674

140.049

8.754

Kara

313.297

228.443

3.197

79 Dans le vote, l'individualisation est une croyance, celle d'agir selon des convictions politiques, d'avoir une opinion à soi. Le vote est alors considéré comme un choix individuel fondé sur un calcul en termes de coûts d'opportunité.

80 Le vote est rationnel lorsqu'il tient compte non seulement des actes posés par le sortant mais aussi de la capacité des concurrents à répondre aux attentes de l'électorat. Pour le déterminer, il faut faire appel aux modèles stratégiques d'explication du vote qui, contrairement aux modèles déterministes ou sociologiques, mettent l'accent sur l'auteur de l'acte électoral et ses motivations profondes. Ainsi, en va-t-il des modèles économétriques qui font le lien entre le vote et les variables économiques telles que l'inflation, le taux de chômage et la croissance du PNB ou politlogiques qui tiennent aux repères politiques tels que l'identification partisane, la proximité idéologique. Les études révèlent l'existence de diverses rationalités dont les plus essentielles sont la rationalité en finalité, la rationalité en valeur et la rationalité affectuelle et émotionnelle. Cette diversité se justifie en ceci que l'électeur est aussi un être social ayant ses propres logiques d'attitude et d'intérêt. Le vote est, dès lors, le résultat d'un arbitrage qu'effectue l'électeur entre différentes allégeances. Ainsi, le déterminant du vote peut être l'intérêt égoïste du votant ou l'intérêt de la communauté nationale.

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Plateaux

355.168

136.839

163.063

Maritime

355.280

39.381

269.011

Source : Tableau réalisé par nous-même à partir des résultats officiels Election présidentielle de 2005

Régions

Suffrages exprimés

Faure GNASSINGBE

Bob AKITANI

Savanes

309.396

228.977

77.834

Centrale

387.292

298.555

86.848

Kara

567.778

457.028

109.440

Plateaux

332.805

165.431

159.489

Maritime

607.076

177.546

408.186

Source : Tableau réalisé par nous-même à partir des résultats officiels

Ces deux tableaux montrent une polarisation du vote entre le nord et le sud. En 1998, le candidat au pouvoir, M. Eyadema GNASSINGBE, a obtenu ses meilleurs scores dans les régions nordiques du pays, zones d'implantation des populations Kabyè, ethnie d'origine du président, et autres, Losso et Bassar. Ainsi, à Kara, sur un suffrage exprimé total de 313.297 voix, il en a obtenu 228.443 soit 72,91%. Dans la région centrale, grâce à la présence d'une forte population rurale Kabyè qui y ont immigré à la recherche de terres cultivables, Eyadema a fait 77,94% des suffrages.

Par contre, dans la région maritime qui n'a pas reçu de migrants, le rejet de ce candidat a été cinglant car il n'y a obtenu que 11,08% des suffrages exprimés contre 75,71% pour G. OLYMPIO, candidat originaire du sud. Cette répartition géographique du vote a été maintenue en 2005 malgré l'absence des deux principaux challengers de 1998. L'opposition nord-sud a été respectée. Dans la région maritime, le candidat originaire du sud, Bob AKITANI qui a remplacé G. OLYMPIO a obtenu un score de 408.186 voix sur 606.076 suffrages exprimés soit un pourcentage de 67,34%. De même, à Kara, le successeur d'Eyadema GNASSINGBE, M. Faure GNASSINGBE, mobilise 80,04% des suffrages exprimés sur sa personne.

Il ressort des résultats des élections présidentielles que les populations du sud votent majoritairement pour les candidats de l'opposition originaires du sud. Quant aux électeurs du nord, ils portent majoritairement leur choix sur le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), parti au pouvoir et dont les leaders sont du nord. Cette logique s'observe également dans les résultats des élections législatives de 1994 et de 2007.

L'analyse de la carte électorale du Bénin, du Gabon et du Cameroun donne les mêmes résultats81.

L'autre facteur sociologique dont dépend le vote en Afrique est la religion. Au Sénégal, une étude réalisée dans la région de Saint-Louis auprès d'un échantillon de trois mille personnes inscrites sur les listes électorales montre que le lien ethnique avec le candidat est moins décisif dans le choix de l'électeur que la consigne du marabout qui rivalise avec celle du chef de famille82.

L'hétérogénéité identitaire des individus empêche la société d'adopter des institutions efficaces ou d'établir un système de conventions partagé : la division en ethnies affecte en effet le degré d'empathie ou de confiance que les individus se portent spontanément les uns envers les autres, et affaiblit donc la capacité du corps social à se définir des objectifs collectifs ou à instaurer les

81 DAKO (S.), « Processus électoraux en Afrique Noire francophone » Thèse de doctorat, op. cit. p. 400-421

82 Voir MONJIB (M.), Comportement électoral, politique et socialisation confrérique au Sénégal, Politique Africaine, n°69, mars 1998, p. 57.

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mécanismes d'autorité et de solidarité qui rendent possibles les politiques publiques83.

Ces facteurs sociologiques qui influencent le vote en Afrique font que les élections ici n'ont pas le même sens qu'ailleurs. La perversion des élections par les facteurs ethniques et religieux est accentuée par le marchandage du vote.

B- Un marchandage du vote

« Il semble aussi que le renouveau démocratique n'a pas rompu avec la politique du ventre, mais bien au contraire, a renforcé cette tendance en élargissant la participation des élites et les populations au régime de manducation politique »84. Cette analyse de Richard BANEGAS lors des élections législatives de 1995 au Bénin illustre le caractère monnayable du vote en Afrique.

La période préélectorale marquée par la campagne électorale constitue en Afrique une foire commerciale où voix et billets de banque sont échangés entre électeurs et candidats. Il est vrai, les électeurs africains attachent un prix au dépôt d'un bulletin dans l'urne mais la citoyenneté balbutiante a d'abord pour nom « vote acheté ». C'est par cette fonction d'utilité, matérialisée dans l'achat de conscience, que le vote pluraliste acquiert son sens dans le contexte africain.

En lieu et place des projets de société qui doivent être confrontés par les différents candidats pour séduire l'électorat, c'est un véritable marché d'appel d'offre où le plus offrant n'est pas celui dont la politique est plus proche des électeurs mais celui qui s'exprime par l'importance de ses moyens financiers et matériels. Cette situation fait du candidat sortant le favori de fait car utilisant le plus souvent les moyens de l'Etat ; ce qui rend incontestablement le scrutin peu compétitif. Le clientélisme électoral est très perceptible chez les électeurs pour qui, la période électorale est le moment où l'on peut reprendre, aux hommes

83 BOSSUROY(T.), Déterminants de l'identification ethnique en Afrique de l'Ouest, Afrique Contemporaine, n° 220, 2006/4, pages 119 à 136

84 BANEGAS (R.) « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », Politique Africaine, N°69, mars 1998, p.19

politiques, l'argent qu'ils ont accumulé depuis leur accession au pouvoir85. Ce clientélisme électoral est sans doute lié aussi à l'extrême pauvreté dans laquelle vit la majorité des populations africaines.

Comme le soulève si bien Michaël BRATTON : « s'il apparaît, d'un autre côté, que la stabilité démocratique à moyen et à long terme dépend du bien-être économique des citoyens, alors on pourrait s'attendre à ce que les démocraties soient particulièrement fragiles dans les régions du monde où beaucoup de gens vivent dans la pauvreté »86. Les candidats aux différentes consultations électorales ont su profiter de cette pauvreté des populations pour les corrompre au cours de la propagande électorale en distribuant les produits d'importation et des billets de banque. On assiste à ces pratiques peu orthodoxes qui consistent à échanger le bulletin d'un candidat contre un billet de banque à la sortie du bureau de vote pour justifier qu'on n'a pas voté pour ce dernier87

Le marchandage du vote et le vote du sang ou de coeur ont dépouillé les élections de leur sens en faisant de l'alternance par les urnes, une arlésienne.

PARAGRAPHE II : UNE ALTERNANCE A PRIORI INCERTAINE

Le renouveau démocratique des années 1990 est apparu dans un contexte dominé par des décennies de règne du parti unique, la personnalisation du pouvoir et l'incursion fréquente de l'armée dans les affaires politiques au mépris du caractère impartial et républicain de l'armée nationale. Le parti unique est devenu majoritaire en théorie et réfractaire aux élections (A), et l'armée politisée (B), ont fait de l'alternance à travers les urnes, une arlésienne.

A- La résurgence de l'ancien parti unique

La vie politique des Etats africains est dominée par des décennies de règne du parti unique qui était confondu avec l'appareil étatique. Le parti d'Etat qui a disparu avec le multipartisme est de fait le parti dominant dans la plupart des cas et exerce une influence non moins grande sur le fonctionnement régulier

85 BANEGAS (R.) « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », op.cit. p.21

86 BRATTON (M.), Populations pauvres et citoyenneté démocratique en Afrique, Afrique contemporaine 2006/4, n° 220, p.33-64.

87 Cette situation a été constatée et dénoncée par l'opposition togolaise lors des scrutins présidentiels de 1998 et de 2003.

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des institutions et par conséquent sur le déroulement des opérations électorales.

Il faut d'entrée souligner que les tenants du parti unique ont été très réticents à l'égard du multipartisme car ils n'entendaient pas non seulement recevoir des critiques sur la gestion dont ils font du bien public mais aussi avaient-ils peur de perdre certains privilèges. Ainsi l'ancien parti unique, en tant que parti politique parmi tant d'autres, et s'appuyant sur un parlement monocolore acquis à sa cause, fait adopter des textes électoraux peu favorables au jeu démocratique.

Les réformes constitutionnelles et institutionnelles indispensables à l'organisation d'un scrutin équitable sont donc bloquées ou faites à la mesure de la volonté de l'ancien parti unique et dans le souci de se maintenir au pouvoir. Le découpage électoral et le choix du mode de scrutin attestent l'assertion. C'est ce qui explique l'instabilité des textes et institutions africains comme l'atteste les intempestives modifications constitutionnelles et institutionnelles observées sur le continent88. Ce manque de préparation psychologique de l'ex-parti unique et de ses dignitaires à l'environnement démocratique rend quasiment impossible l'organisation des scrutins acceptable par tous.

Parlant de la culture politique africaine, Jean-Pascal DALLOZ et Patrick CHABAL estiment que ces traits témoignent de la résurgence de la longue durée d'une culture politique africaine (panafricaine ?) qui viendrait vaincre la couche superficielle d'occidentalisation déployée sur les sociétés africaines par la colonisation89. Cette mentalité réfractaire à la démocratie électorale se manifeste à trois niveaux.

D'abord les dirigeants autoritaires ne sont pas favorables à l'alternance et ne
sont pas préparés à accepter une quelconque défaite. Ils instrumentalisent à

88 En dehors des révisons constitutionnelles fréquentes qui suppriment la limitation des mandats, les codes électoraux sont toujours modifiés à la veille de chaque scrutin électoral et ceci en fonction des ambitions politiques du moment et des forces en présence.

89 Dalloz (J.-P.) et CHABAL (P.) cité par Foucher (V.), Difficiles successions en Afrique subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel, Pouvoirs, N° 129,2009/2, p. 127-137.

cet effet les normes électorales90 ou refusent de lâcher le pouvoir même en cas de défaite91. Ensuite les partisans de l'ex-parti unique notamment les « barons » par souci de conserver leurs prestiges et biens matériels acquis le plus souvent frauduleusement, et dans le but d'échapper à la justice, font tout pour soutenir et maintenir un régime illégitime et impopulaire en instrumentalisant, à tous les niveaux, le processus électoral. Le Ministère de l'Intérieur et les préfets au niveau local, le Ministère de la Sécurité avec la gendarmerie et la police chargée de sécuriser les élections et le Ministère des Finances qui affecte les fonds de l'Etat pour la campagne du président sortant, sont redoutables à cet effet.

Enfin l'avènement de la démocratie électorale en Afrique dans les années 1990 s'est produit dans un environnement socioculturel peu préparé pour accueillir un tel régime politique. Contrairement à ceux qui pensent que la démocratie du moins électorale n'est pas pour les africains92, le problème se pose en terme de préparation des populations africaines peu instruites et dont l'organisation sociale est basée sur la royauté et la chefferie avec une concentration des pouvoirs dans les mains du roi ou souverain, à s'approprier la démocratie électorale.

En effet les populations africaines sont dans l'ensemble conservatrices et redoutent les systèmes politiques d'importation même si aujourd'hui l'expérience tunisienne, égyptienne et libyenne atteste de l'évolution du comportement politique de celles-ci. Ceci dit le règne du parti unique qui a exclu pendant longtemps toute pensée contradictoire reste un facteur négatif pour l'instauration de la démocratie électorale.

Aussi faut-il ajouter la faiblesse persistante des partis d'opposition qui ont du mal à se déployer au-delà des bassins ethno-régionaux où leurs chefs peuvent parfois jouer de leur identité ou des grandes villes où la « colère » et la

90 Cas des découpages électoraux peu judicieux, des textes qui écartent les candidats de l'opposition les plus gênants, le refus d'enregistrer les électeurs acquis à la cause de l'opposition ou le gonflement de la liste électorale.

91 Le cas du Kenya en 2007 et celui de la Côte d'Ivoire en 2010 en sont évocateurs.

92 « Les élections pluralistes seraient à leur tour devenues un instrument de renforcement de pouvoirs autoritaires et même de domination inventé par les impérialistes pour retarder l'Afrique » Atsutsé AGBOBLI, cité par K. J. KOFFIGOH et repris par Du Bois De GAUDUSSON (J.) in « L'Afrique à l'épreuve des élections » Cahier constitutionnel N°13/2002.

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politisation forte de l'électorat leur facilite la tâche. Ce n'est donc bien souvent que lorsque des barons du parti au pouvoir entrent en opposition, détournant une fraction des ressources matérielles et militantes du parti au pouvoir, que l'opposition tient enfin une chance de victoire.

À rebours, tant qu'un chef d'État est décidé à rester au pouvoir, son monopole sur l'État semble souvent lui permettre de tenir le jeu politique formel et d'assurer sa réélection. A ces éléments peu favorables, vient s'ajouter l'armée.

B- La partialité de l'armée

Définie comme « un groupe ou des groupes d'hommes en armes, recrutés, entraînés et commandés par l'Etat, et soumis à une organisation et à des obligations dûment établies »93 l'armée a pour principe et valeur la neutralité et l'impartialité. Une armée républicaine doit être neutre et impartiale face au pouvoir politique auquel elle est soumise.

Mais malheureusement tel n'est pas le cas en Afrique à quelques exceptions près. Les armées africaines, du fait de leur affiliation à une tendance politique ou de l'appel des civils, s'ingèrent dans le jeu politique et porte atteinte par ricochet à la transparence des élections. L'armée est non seulement un moyen de conquête mais de maintien au pouvoir.

S'agissant de la conquête du pouvoir, l'Afrique offre des exemples inédits de coups d'Etat militaires même contre des présidents démocratiquement élus94 remettant en cause l'accession au pouvoir par voie d'élections. Même si certaines interventions militaires contre un régime devenu impopulaire et dictatorial, sont vivement saluées par les populations et la communauté internationale95, elles demeurent anti constitutionnelles. On pourra à ce sujet se poser la question de savoir si certains coups d'Etats sont légitimes alors que d'autres ne le sont pas. En tout cas même si l'intervention militaire permet dans certains cas d'instaurer une autorité civile démocratique en organisant les élections après le coup d'Etat, cela est condamnable a priori car c'est contraire

93Charles H. FAIRBANKS J. R, cité par GBEOU-KPAYILE Nadjombé G. « Armée et démocratie » mémoire de DEA Droit Public, Université de Lomé, 2005, p.28

94 Cas du Madagascar, de la Mauritanie, du Niger...

95 C'est le cas de la guinée Conakry de LASSANA Konté et du Niger de Mamadou TANDJA dont l'intervention militaire ayant renversée ces chefs d'Etats a été salués Par une partie de la communauté internationale et les populations.

aux règles et principes constitutionnels. D'ailleurs les putschistes qui dirigent la transition ont tendance à s'approprier le pouvoir96 .

Utilisées comme un moyen d'accès au pouvoir, les forces armées constituent aussi un moyen pour se maintenir au pouvoir de par leur soutien à un régime illégal et illégitime. L'immixtion de l'armée dans les affaires électorales pour permettre au régime auquel elle est affiliée de se maintenir au pouvoir n'est pas rare en Afrique. Cette immixtion de l'armée se manifeste sous plusieurs formes : elle intervient parfois dans un cafouillage électoral pour déclarer vainqueur tel ou tel en arguant que c'est dans le souci de maintenir l'ordre et éviter une éventuelle guerre97, soit dans le bourrage des urnes98. Dans d'autres cas les candidats sortant comptant sur l'armée pour réprimer les contestataires refusent d'accepter le verdict des urnes lorsque celui-ci leur est défavorable99. Cette politisation de l'armée fait d'elle du moins en fait un facteur dont dépend l'alternance en lieu et place des urnes.

Certes beaucoup de facteurs expliquent les difficultés de la démocratie électorale africaine mais il est impérieux de trouver des solutions à ces difficultés.

96 Cas ivoirien en 2000 avec Général Robert GUEI, arrivé au pouvoir après le coup d'Etat de 1999 a voulu se maintenir au pouvoir malgré sa défaite aux élections en dissolvant la CEI et se s'autoproclamant élu.

97 Cas des élections présidentielles de 1998 au Togo oü face à la démission de la présidente de la CENI, le Général Seyi MEMENE alors ministre de l'intérieur s'est donné l'autorité de proclamer les résultats en déclarant le candidat sortant EYADEMA élu et ceci à la grande surprise de tous

98 Au cours des élections présidentielles de 2003 au Togo, la chaine de télévision TV5-Monde a montré un militaire togolais qui fuyait avec une urne le soir du scrutin emportant ainsi le vote des électeurs.

99 Cas du Kenya aux élections présidentielles de 2007 où le président KIBAKI a fait réprimer les contestataires de son élection douteuse. C'est aussi le cas en Côte d'Ivoire où Laurent GBAGBO comptant sur l'armée et ses milices appelées « les patriotes » a refusé de lâcher le pouvoir malgré sa défaite aux élections de novembre 2010. Il est de même au Togo lors du scrutin présidentiel de 2005.

2ème Partie

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LES

PERSPECTIVES

ELECTORALES

Aux vues de l'analyse qui précède sur les processus électoraux, l'Afrique serait plus proche de la porte d'arrivée que de la porte d'entrée. A ce XXIème la question des élections en Afrique doit être appréhendée non en termes d'adhésion ou non à la démocratie électorale mais en termes d'adaptation et d'amélioration. Certes les pays où l'on n'organise pas les élections en Afrique aujourd'hui sont rares comme les pays où l'on ne boit pas de coca-cola dans le monde100 ; mais très peu sont ceux qu'on peut véritablement qualifier de démocratie électorale à l'instar de celle occidentale. Il se pose alors le problème d'amélioration de ces processus. Au regard des différentes difficultés que rencontrent les élections africaines, leurs sincérité et équité passent par leur « tropicalisation » (chapitre I) d'une part et le renforcement de l'assistance électorale (chapitre II) d'autre part.

100Entre 2000 et 2009, il y a eu des élections multipartites (législatives et/ou présidentielles) dans 49 des 53 pays du continent, les exceptions étant l'Érythrée, le Swaziland, la Libye et la Somalie.

CHAPITRE I : ACCLIMATATION DES PROCESSUS

ELECTORAUX

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« Il n'y a pas de mode d'organisation unique de la démocratie, (...) le respect des principes universels, les formes d'expression de la démocratie doivent s'inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque peuple »101. Cette déclaration de la francophonie sur la pratique de la démocratie dans l'espace francophone réaffirme la nécessité de prendre en compte des facteurs socioculturels de chaque Etat (section I) dans le raffermissement de la démocratie électorale. Aussi l'enracinement de la démocratie électorale en Afrique passe-t-elle par le renforcement des garanties institutionnelles (section II).

SECTION I : INTEGRATION DES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES Les processus électoraux ne peuvent s'épanouir en dehors de leur environnement socioculturel. Parmi les facteurs socioculturels pouvant influencer la fiabilité et la sincérité des scrutins électoraux figure l'ethnie qui est un tabou constitutionnel (§ 1). Aussi les électeurs africains constituent-ils un véritable « bétail électoral » à qui il faudra inculquer une culture démocratique (§ 2).

PARAGRAPHE I : INSTITUTIONALISATION DES FACTEURS SOCIO-

ETHNIQUES.

La division des sociétés africaines en ensembles ethniques est facilement invoquée pour rendre compte des troubles sociaux, de l'instabilité politique ou des retards de développement que l'on observe sur le continent. Toutefois ce facteur semble être ignoré par le constituant africain. La dévolution du pouvoir par voie électorale doit en prendre compte (B) du moment où les crises électorales en Afrique sont en réalité des crises interethniques (A).

101Titre III-2 de la Déclaration adoptée lors du Symposium international sur le "Bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone", qui s'est tenu du 1er au 3novembre 2000, à Bamako(Mali).

A- Election : un affrontement identitaire

En Afrique, la période électorale rime le plus souvent avec violences interethniques. Loin d'être un moment de confrontations politique et idéologique, elle est un temps de réactivation des conflits identitaires et de construction d'une identité nationale plurielle où les clivages communautaires resurgissent avec acuité dans l'espace public102. Les pays comme le Rwanda, la République Démocratique du Congo, le Kenya et le Nigeria illustrent bien la situation. Même les Etats apparemment calmes comme le Gabon, le Bénin, le Togo etc. ne semblent pas être à l'abri des troubles identitaires. La crise ivoirienne apparaît, à cet égard, significative du sort qui attend la plupart des pays africains, plongés dans la torpeur d'une paix artificielle, entretenue et maintenue par l'achat des consciences, le musellement de la presse, une opposition politique atone, etc.. Les périodes électorales constituent l'un des moments privilégiés de revendication identitaire.

La manipulation des communautés de base par les leaders politiques est l'une des causes de cette situation qui débouche sur des affrontements interethniques. Parfois certains candidats renoncent à faire campagne dans certaines localités.

Cette revendication identitaire qui aboutit à des violences interethniques, se justifie par plusieurs raisons : l'accession à des hautes fonctions administratives de l'Etat se fait le plus souvent en Afrique par affinité ethnique et non par mérite et il faut à cet effet se batailler pour que son frère de sang soit au sommet afin d'en tirer profit103. Aussi les différents groupes ethniques estiment que leurs intérêts ne peuvent pas être mieux garantis par un dirigeant issu d'une communauté ethno-régionale linguistique différente. C'est donc légitime de se poser la question de savoir si l'électeur africain est sous l'influence de sa communauté d'origine. En tout cas une chose est certaine : les mobilisations électorales s'effectuent pour l'essentiel sur la base des revendications d'appartenance et de conflits d'identité d'ethno-régionales. Les différences ethniques, religieuses et socioprofessionnelles, si elles sont sources de

102 Voir MENTHONG (H.-L.), « Vote et communautarisme au Cameroun : un vote de coeur, de sang et de raison », Politique africaine, No 69, p. 9

103 Voir MONDJIB (M.) « Comportement électoral, politique et socialisation confrérique au Sénégal » Politique africaine n°69, p.29

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violences électorales en Afrique, c'est parce que les hommes politiques s'en ont servi pour accéder au pouvoir et pour diriger : « diviser pour mieux régner » diton souvent. D'ailleurs n'entend-on pas des candidats mettre en garde les électeurs sur le danger qu'ils courent s'ils portaient leur voie sur l'adversaire?

De façon générale, le tribalisme détruit progressivement toute possibilité de vie en commun, sème la haine et la guerre entre les peuples, sous le signe d'un identitarisme féroce. Ces facteurs sociologiques qui agissent négativement sur les processus électoraux en Afrique doivent être exploités positivement.

B- Intégration du facteur ethnique dans la dévolution et l'exercice du pouvoir

Les revendications et crises identitaires plus visibles en période électorale, ne doivent pas être considérées comme des signes d'un échec irréversible de l'oeuvre de construction nationale.

Il suffit donc de trouver la politique appropriée pour consolider la conscience des citoyens d'appartenir à un même corps social et politique. A ce sujet, des solutions sont, à notre sens, envisageables.

En premier lieu, les dirigeants doivent rompre avec la politique de mimétisme qu'ils ont adoptée jusqu'ici. En effet, ils ont abordé la construction étatique essentiellement par reprise plus ou moins forcée de modèles exogènes, issus des sociétés industrielles de l'Est et de l'Ouest qu'elles ont artificiellement plaqués sur des structures économiques, sociales et politiques qui réclament probablement un autre type d'organisation104. A y voir de près, le choix du système de parti unique est la conséquence de l'ancienne situation coloniale. Ils ont hérité d'un pouvoir autocratique et d'une administration pyramidale et centralisée, entièrement conçue dans le sens d'un pouvoir central puissant. Le meilleur système pouvant leur permettre d'asseoir leur pleine autorité, comme le colonisateur l'avait fait précédemment, était donc le système de parti unique.

En second lieu, il est important de cesser de considérer la diversité ethnique
comme un facteur de division mais plutôt comme le socle de la modernité de
l'Afrique, car la probabilité de la remettre en cause est presque inexistante. Les

104 DJEDJRO MELEDJE (F.), « Les élections sont faites pour les hommes et si elles doivent conduire à la perte des vies humaines, cela ne vaut pas la peine », communication donnée à la Faculté de Droit de l'Université de Lomé le 18 janvier 2011 sur « les alternances politiques en Côte d'Ivoire ».

différentes communautés ethniques sont obligées de vivre ensemble. Il convient, pour ce faire, d'éviter les politiques d'exclusion. La décentralisation territoriale qui permet à l'Etat d'associer les populations à la base à la gestion des affaires publiques constitue, à cet effet, une politique à promouvoir. Aussi la répartition des postes politiques dans l'administration centrale en fonction de l'équilibre régional constitue-t-elle un facteur d'union des fils d'un pays.

De même comme l'ont préconisé certains, on pourra envisager des

candidatures tournantes par rapport aux différentes ethnies en trouvant des formules adéquates relativement aux ethnies éligibles, à la capacité de diriger etc. et ceci dans le respect de la minorité. Aussi la conversion des régimes présidentiels et présidentialistes africains en régimes parlementaires apparaît comme une des solutions. L'élection présidentielle provoquant plus de clivages en raison de l'importance de l'enjeu, la répartition du pouvoir entre différents représentants réduira les tensions lors des élections.

L'ethnie ne doit plus constituer un tabou qui joue un rôle inédit en fait, mais ignoré par les textes qui proclament l'unité nationale105. Elle constitue un atout dont l'Afrique doit se servir pour affermir sa démocratie électorale. A ces facteurs sociologiques qui vicient les processus électoraux en Afrique, s'ajoute le défaut de culture démocratique.

PARAGRAPHE II: NECESSITE D'UNE CULTURE DEMOCRATIQUE

S'il est vrai que la démocratie et les élections en particulier ne sont pas totalement méconnues en Afrique, la pratique du vote moderne et les procédures y afférentes sont quasiment étrangères aux Africains. Dans un continent le moins alphabétisé, les électeurs africains constituent en réalité un « bétail électoral » qu'il faut éduquer (A). De même, l'attitude de l'électeur africain se justifiant par sa situation économique, il faudra lutter contre la pauvreté (B).

A- Education des électeurs

L'organisation d'un scrutin libre et équitable acceptable par tous suppose avant
tout la maîtrise des procédures du vote et la finalité de l'élection par les
électeurs. Si l'on admet que la technique et la perception actuelle des élections

105Voir MENTHONG (H.-L.), op. cit. p.11

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en Afrique sont d'importation occidentale, il s'avère indispensable de préparer l'électorat afin qu'elle s'approprie les valeurs de la démocratie électorale.

L'éducation dont il est question ici n'est pas nécessairement scolaire. Il est vrai, selon l'UNESCO, que l'Afrique a fait un effort sensible ces deux dernières décennies en matière d'éducation mais il s'agit ici plus d'éducation civique que scolaire formellement. Il faut d'une part promouvoir l'éducation civique et d'autre part l'éducation formelle.

S'agissant d'abord de la promotion de l'éducation civique, il faut remarquer que la majorité de l'électorat africain est analphabète soit parce qu'elle n'a pas fréquenté soit parce qu'elle a abandonné très tôt le cursus scolaire. Il importe de renforcer la culture citoyenne de ceux-là qui constituent, du reste, la majorité de l'électorat par une éducation civique informelle. Celle-ci constitue un moyen fondamental de transformation des non scolarisés ainsi que des déscolarisés en un corps de citoyens capables de remplir convenablement leur devoir civique.

En renforçant leurs capacités, l'éducation leur procure les moyens nécessaires à la maîtrise des enjeux politiques, gage d'un choix éclairé et judicieux. Pour être efficace, cette éducation civique doit se faire selon une orientation, un contenu et des stratégies qui prennent en compte les réalités spécifiques de chaque pays car, l'homme ne peut devenir que ce que l'éducation fait de lui106. Cette formation incombe aux acteurs extrascolaires en général et en particulier aux partis politiques et autres organisations de la société civile.

Mais, dans la réalité, ce sont surtout ces dernières qui s'illustrent dans ce domaine. Nous n'en voulons pour preuve que la mobilisation des associations et autres ONG lors de l'élection législative de 2007 et présidentielle de 2010 au Togo.

Concernant l'éducation formelle, il faut relever que sans élites intellectuelles responsables et conscientes, il n'y a pas de démocratie viable. De même, sans école, il n'y a pas d'élites intellectuelles. C'est l'éducation qui assure la compétence postulée du citoyen. Les systèmes scolaires sont des moteurs de

106 Voir KANT, Traité de pédagogie, cité par LAUPIES (F.), et repris par DAKO (S.), op.cit., p.447

développement économique, social et politique. Sur le plan politique, l'école est non seulement le lieu de la construction nationale, mais aussi celui de la coercition et de la révolte. En tant que moyen de construction de l'Etat-nation, elle doit offrir à chaque individu, membre de la communauté, la chance d'accéder au statut de citoyen. Les objectifs et les orientations de l'éducation doivent donc être guidés par le modèle de citoyens dont les Etats africains en mouvement vers la démocratie ont besoin. Cette exigence d'éducation a conduit d'ailleurs certains pays à décréter la gratuité de l'enseignement primaire public107.

L'électorat une fois instruit sur le plan civique, doit posséder un minimum vital pour éviter de monnayer son vote.

B- Lutte contre la pauvreté

Une situation socio-économique favorable est-elle une pré-condition de la démocratie ? Les transitions politiques qu'a connues le monde au cours des dernières années permettent d'en douter.

Un régime politique démocratique a longtemps été considéré comme l'attribut des économies industrialisées à haut revenu. D'autres recherches ont cependant conduit à revoir cette loi de Lipset en observant que « des démocraties de troisième génération» se sont installées dans des pays aussi bien riches que pauvres (Huntington, 1991 ; Bratton et van de Walle)108. Quelles que soient les nouvelles perspectives sur la naissance de la démocratie, les analystes ont encore toujours tendance à penser que les perspectives de survie d'un régime sont meilleures lorsqu'un pays est riche et en croissance économique.

En tout cas l'analyse des vicissitudes électorales en Afrique laisse découvrir que certaines difficultés sont de façon intrinsèque liées à l'extrême pauvreté qui sévit sur le continent noir. Le marchandage du vote et les violences électorales illustrent cette assertion. Le fait que la majorité des populations vivent en deçà du seuil de la pauvreté et ceci parfois à cause de la mauvaise répartition des ressources, les électeurs non seulement pensent que la propagande électorale

107 Le Bénin, le Cameroun et le Togo par exemple. 108Bratton (M.), op. cit. p.13,

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est occasion de reprendre ce que les hommes politiques leur ont volé109, mais aussi de monnayer leur voix contre des billets de banque.

De même la violence électorale s'explique par le fait que l'accession au pouvoir est un moyen de s'enrichir110.

Au regard de toutes ces considérations, on en déduit que la régularisation des processus électoraux en Afrique passe aussi par la lutte contre la pauvreté. Cette lutte contre la pauvreté passe, elle aussi, par la lutte contre la corruption et la bonne gestion de la chose publique.

La lutte contre la corruption implique une mise sur pied d'un véritable arsenal juridique pour sanctionner les auteurs de ce crime. Aussi la lutte contre la corruption doit-elle commencer au sommet de l'Etat.

Il est vrai que nombreux Etats ont créé des institutions anti-corruption mais celles-ci n'ont pas été dotées de moyens efficaces pour démanteler les auteurs de ce fléau et les sanctionner. Les dirigeants doivent faire mieux en la matière pour dégager des ressources afin de satisfaire les besoins élémentaires de leurs populations. A cette lutte contre la corruption doit s'ajouter la bonne gestion de la chose publique.

Si l'altérité ethnique s'est radicalisée au point de devenir source de haine, cela résulte principalement des inégalités économiques et sociales dont sont victimes certaines couches des populations. En Afrique, la richesse est souvent très inégalement répartie de sorte que l'opulence de la minorité côtoie la misère de la grande masse sans situations intermédiaires le plus souvent. Or, ces inégalités créent une atmosphère de peur et de haine et rendent impossible l'organisation de compétitions politiques pacifiques, non violentes.

De plus, elles favorisent le désintérêt des couches marginalisées pour la participation électorale. Il importe donc de combattre les inégalités socioéconomiques si l'on veut avoir des élections non violentes et sincères. En réduisant les antagonismes sociaux, le développement que génère une bonne distribution des revenus nationaux transforme une société conflictuelle en une société consensuelle, seul gage possible pour la démocratie libérale.

109 BANEGAS (R.), op. cit. p.23.

110 En Afrique les mécanismes de contrôle de la gestion de la chose publique sont inexistants ou inefficaces favorisant l'enrichissement illicite des dirigeants.

Le rééquilibrage de la société passe d'abord par la réduction du train de vie de l'Etat en limitant la composition des gouvernements et les dépenses de ces derniers au strict minimum.

Ensuite, le respect de l'égalité des chances de tous les citoyens devant l'accès aux emplois publics doit être une réalité.

Enfin, la distribution des dépenses doit tenir compte des couches déshéritées. C'est le cas par exemple des diplômés sans emplois ou des chômeurs qui peuvent bénéficier d'une allocation de subsistance, d'une sécurité sociale. C'est aussi le cas des femmes et des enfants qui peuvent bénéficier, de la part de l'Etat, d'une sécurité sociale particulière. Celui-ci peut par exemple accorder à toutes les femmes enceintes et à tous les enfants d'un certain âge des soins de santé gratuits.

Somme toute, l'intégration de tous ces facteurs socio-économiques et ethniques permettra, à coup sûr, d'améliorer les processus électoraux mais encore faut-il renforcer les garanties institutionnelles.

SECTION II : RENFORCEMENT DES GARANTIES INSTITUTIONNELLES La fiabilité et la sincérité d'un scrutin électoral dépend de l'efficacité et de la crédibilité des institutions en charge de la conduite des opérations électorales. La crédibilité de l'administration électorale ne peut être garantie que si elle est affranchie des limites structurelles et conjoncturelles dont elle souffre (§ 1). De même certaines insuffisances étant congénitales à la démocratie électorale, il faut une institution efficace pour la gestion du contentieux électoral (§2).

PARAGRAPHE I : UNE ADMINISTRATION ELECTORALE PLUS CREDIBLE Les élections sont avant tout une compétition politique opposant des acteurs politiques dont l'administration électorale reste l'arbitre. En tant qu'arbitre, l'administration électorale doit être non seulement neutre et impartiale (A) mais encore faut-il que les acteurs évitent de l'instrumentaliser (B).

A- Neutralité de l'administration électorale

La création des commissions électorales en Afrique a été motivée par le souci de neutralité et de la transparence dans la conduite des opérations électorales, gage d'une alternance politique pacifique. La cour constitutionnelle béninoise a bien traduit cette aspiration dans sa décision du 23 décembre 1994 « [...] La

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création de la Commission Electorale Nationale Autonome, en tant qu'autorité administrative indépendante, est liée à la recherche d'une formule permettant d'isoler, dans l'administration de l'Etat, un organe disposant d'une réelle autonomie par rapport aux gouvernements, aux départements ministériels et au Parlement, pour l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des libertés publiques, en particulier des élections honnêtes, libres et transparentes [...] Elle est une étape importante de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne ; qu'elle permet, d'une part, d'instaurer une tradition d'indépendance et d'impartialité en vue d'assurer la transparence des élections, et, d'autre part, de gagner la confiance des électeurs, des partis et mouvements politiques ».

Si ces commissions ont connu des succès dans certains pays111, elles ont failli dans d'autres du fait des limites structurelles et conjoncturelles évoquées plus haut notamment l'insuffisante étendue de leurs compétences et leur incapacité à les exercer, l'imprécision de leurs missions, leur dépendance financière et la politisation de leur composition. Les hommes politiques africains doivent tirer les conséquences de ces dysfonctionnements pour prendre des mesures idoines.

Il s'agit d'une part d'attribuer la conduite des opérations électorales exclusivement à ces institutions car leur caractère ad hoc et le partage des attributions avec d'autres institutions portent atteinte à l'efficacité de ces commissions électorales. Leur rôle ne doit pas être réduit au contrôle ou à la supervision des opérations électorales112.

D'autre part, l'autorité administrative électorale doit être une institution

permanente à l'instar des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ou encore de la juridiction constitutionnelle et de l'organe de régulation des médias, etc. Autrement dit, les membres de l'institution seront désignés pour un mandat dont la durée doit être légalement voire constitutionnellement déterminée. La pérennité de l'administration électorale offre des avantages : d'abord elle favorise le professionnalisme des membres par la capitalisation des

111 Au Bénin et au Mali par exemple.

112 Au Sénégal, au Gabon et au Cameroun, malgré la création des commissions électorales, c'est le Ministère de l'Intérieur qui organise des élections et ces commissions sont chargées de la supervision uniquement.

expériences, ensuite elle favorise la bonne conservation du matériel électoral non consomptible capable de servir pour plusieurs consultations électorales et enfin l'administration électorale permanente offre l'avantage de garantir la fiabilité des listes électorales car cela permettra non seulement d'en assurer l'informatisation et la permanence mais aussi de les apurer régulièrement afin de les rendre toujours aptes à servir en cas de consultations électorales.

Le Togo et le Sénégal ont déjà opté pour des commissions permanentes. Les membres sont nommés pour un mandat déterminé mais qui ne siègera que lors d'une consultation électorale. Entre deux échéances, la gestion sera assurée par un Secrétariat Administratif Permanent (SAP).

La crédibilité et la sincérité des scrutins viendront de la neutralité et la permanence de l'administration électorale mais encore faut-il que les acteurs politiques changent de comportement.

B- Un changement de comportement des acteurs politiques

Les élections étant une compétition politique, le succès de l'opération dépend, dans une large proportion, de l'attitude des différentes tendances politiques en lice. Elles doivent faire preuve de bonne foi et de loyauté même si ces valeurs sont peu connues en politique.

En Afrique les compétitions électorales opposent souvent deux tendances : les partisans de la restauration autoritaire des régimes politiques et les partisans d'une véritable alternance politique113. Pour la première tendance, le droit électoral est exclusivement conçu comme la chose des gouvernants au pouvoir, et pour la seconde, les droits électoraux, propres aux peuples, doivent être garantis, objectivement à tous et subjectivement, à chacun, par les gouvernants agissant collectivement.

La confrontation semble tourner en faveur de la logique autoritaire qui amène les « élites dirigeantes de [l'Afrique noire francophone] à déployer toute leur intelligence pour fausser les élections pluralistes organisées »114. C'est ce qui explique la persistante rareté des successions et alternances en Afrique, et la

113 KOKOROKO (D.), « le réformisme électoral en Afrique», op. cit. p.1

114AHADZI-NONOU (K.), cité par KOKOROKO (D.), « le réformisme électoral en Afrique » op. cit. p.5

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longévité des chefs d'Etat115. L'anthropologue Johannes Fabian trouve une formulation parfaite de cette situation dans un proverbe congolais : « Le pouvoir se mange en entier »116. Cette conception malheureuse des élections117 est de nature à dénaturer le jeu électoral.

Pour que les systèmes électoraux africains soient compétitifs, les acteurs politiques doivent cultiver certaines vertus.

Ils doivent admettre l'idée selon laquelle l'opposition peut accéder au pouvoir et la majorité peut devenir l'opposition par le jeu des élections. Le pouvoir politique doit être dépersonnalisé. Les dirigeants africains doivent savoir qu'ils ne sont pas titulaires du pouvoir qu'ils exercent mais des délégataires, bref des serviteurs du peuple. Ainsi le peuple souverain peut le retirer à tout moment par le jeu des élections.

Cette dépersonnalisation du pouvoir politique passe par la démocratisation des partis politiques. Le fondateur du parti ne doit pas être le président à vie du parti ; le jeu démocratique doit conduire au renouvellement de la classe dirigeante sur la base des normes légalement et légitimement définies.

Les acteurs politiques doivent avoir une croyance commune en des valeurs qui constituent la base de toute société démocratique. L'acceptation des résultats, mêmes défavorables, la limitation du nombre des mandats et le respect des droits de l'homme doivent être les valeurs les mieux partagées.

L'idéal serait d'organiser des élections régulières, transparentes et honnêtes mais l'histoire nous enseigne que certaines erreurs et irrégularités sont congénitales à la démocratie électorale. Dans ces conditions il est indispensable de créer des institutions crédibles pour la gestion du contentieux électoral.

115Omar Bongo du Gabon et Eyadema GNASSINGBE du Togo sont morts au pouvoir avec respectivement 40 et 38 ans de règne. Leurs cadets suivent l'exemple : l'Angolais Jose Eduardo dos Santos est en poste depuis 1979, le Burkinabé Blaise COMPAORE depuis 1987, le Tchadien Idriss DEBY depuis 1991, le Gambien YAHYA Jammeh depuis 1994...

116Foucher (V) : Difficiles successions en Afrique subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel, Op. Cit p.23

117« On n'organise pas les élections pour les perdre » déclaration du Président congolais Pascal LISSOUBA Cité par KOKOROKO (D) : « les élections disputées : réussites et échecs » op. cit. p.1

PARAGRAPHE II : UNE MEILLEURE GESTION DU CONTENTIEUX

ELECTORAL

Le contentieux électoral est une opération qui vise à régler les litiges mettant en cause la régularité des processus électoraux. Il a pour but de vérifier la régularité des actes et la validité des résultats des élections. L'adhésion de l'Afrique au principe de l'organisation d'élections disputées à intervalles réguliers implique l'institution des mécanismes de gestion du contentieux électoral. Mais le règlement du contentieux électoral en Afrique peine à satisfaire l'opinion commune (A) d'où la nécessité de le redynamiser (B).

A- Un contentieux électoral balbutiant

L'organisation d'un scrutin compétitif passe par la maîtrise et la réussite de toutes les étapes du processus électoral. Elles vont de la détermination du cadre normatif et institutionnel, à la proclamation des résultats définitifs en passant par l'établissement d'un fichier électoral fiable, l'enregistrement des candidatures, la campagne, le vote, le dépouillement et la transmission des résultats et la gestion du contentieux éventuel.

L'élection pluraliste étant aujourd'hui indispensable pour mesurer la légitimité des gouvernants, le contentieux est incontournable pour assurer la crédibilité de la consultation électorale. Mais comme le souligne Djedjro Francisco MELEDJE, « en faisant une appréciation rétrospective du contentieux électoral en Afrique, on est saisi par une impression de vide et un fort sentiment de déception »118.

En effet sous le régime du parti unique, le contentieux électoral était souvent préalablement vide du fait du rôle du parti dominant ou simplement sans issue. Mais le renouveau démocratique a replacé la question de la justice constitutionnelle119 et le contentieux électoral en particulier au coeur des débats politiques.

118 MELEDJE (D.) : Le contentieux électoral en Afrique, Pouvoirs 2009/2, N° 129, pp. 139-155.

119 Voir HOLO (T.):Émergence de la justice constitutionnelle, Pouvoirs 2009/2, N° 129, pp. 101- 114.

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Certes on a assisté à l'institution des juridictions constitutionnelles en Afrique, qui en dehors du contrôle de constitutionnalité, gère le contentieux électoral120. Mais deux décennies après, le règlement du contentieux en Afrique est, de loin, non satisfaisant. Cette situation est liée à des difficultés structurelles et conjoncturelles.

S'agissant des difficultés structurelles, elles tiennent à la procédure ; par exemple comment comprendre le fait pour le juge électoral au Nigeria ne se prononce que plus d'une année et demie après l'élection présidentielle d'avril 2007 sur la régularité de ce scrutin ? Dans ces conditions et raisonnablement, Umaru Musa YAR'ADUA, donné comme élu et exerçant depuis un temps très long les fonctions de chef de l'État, ne peut plus voir son élection invalidée.

Il est aussi question de la composition des juridictions faite souvent en majorité des profanes du droit121. Parfois la règle de la majorité et le secret de la délibération sont de nature à rendre inefficace les décisions de ces juridictions. Les dysfonctionnements conjoncturels constituent une pesanteur qui influence les décisions en matière électorale. « Dans une démocratie, disait Jürgen HABERMAS, les citoyens doivent avoir la conviction que ce sont eux, par leurs décisions électorales, qui conservent, à certains moments cruciaux, le pouvoir d'influencer une politique par ailleurs étatisée et encapsulée »122. Oui, en Afrique, le juge électoral influence les résultats électoraux le plus souvent pas sur les moyens évoqués mais par sa gratitude à l'égard du pouvoir en place, dont il est l'émanation. N'entend-on pas des détenteurs du pouvoir chanter que la Cour leur est acquise ? Le constat fait par le Professeur Koffi AHADZI selon lequel « en Afrique, l'expérience montre trop souvent que les liens d'allégeance s'établissent entre l'organe politique et ceux qu'il désigne »123 est vérifié.

Le contentieux électoral en Afrique est loin de trouver un dénouement heureux eu égard à ces multiples vicissitudes que présentent les institutions en charge de ce contentieux.

120 Il s'agit souvent du contentieux des consultations nationales : présidentielles, législatives et le referendum. Le contentieux des élections locales est de la compétence des juridictions ordinaires.

121 Voir art.100 de la Constitution du 14 octobre 1992 du Togo

122 HABERMAS (J.), Cité par DAKO (S.), thèse de doctorat, op.cit. P.436

123 Voir K. AHADZI, Les nouvelles tendances du constitutionnalisme africain : le cas des Etats d'Afrique noire francophone, Cité par Simon DAKO, Thèse de doctorat, op.cit. P.438

123 Voir DUHAMEL- MENY (Y.), Cité par Simon DAKO, Thèse de doctorat, op.cit.p.432

Il faut trouver des solutions adéquates pour redynamiser le juge électoral, gage de la crédibilité et de la fiabilité des consultations électorales.

B- Un contentieux électoral à redynamiser.

«Beaucoup de pays non démocratiques disposent d'impressionnantes Constitutions qui garantissent les droits de l'homme et toutes sortes de valeur, mais ces Constitutions-là ne sont que des façades puisqu'il n'existe aucune magistrature indépendante susceptible de les mettre vraiment en oeuvre »124. Cette analyse pertinente de BARAK, traduit les malheurs de la justice constitutionnelle en charge du contentieux électoral en Afrique.

Il faut éperonner cette magistrature en vue d'une meilleure gestion du contentieux électoral et, par ricochet, garantir la sincérité des consultations électorales. La recherche de l'efficacité de la justice constitutionnelle, à notre sens, passe par plusieurs mesures.

D'abord, il faudra réviser la composition et le mode de désignation des membres des Cours et Conseils constitutionnels. En raison du caractère technique et de la complexité des tâches qui leur sont assignées, il serait plus bénéfique pour les transitions démocratiques africaines de confier le contentieux constitutionnel à des professionnels du droit. Pour cela, les juges constitutionnels doivent être choisis exclusivement parmi les juristes à savoir les professeurs de droit et les praticiens tels que les magistrats notamment du siège et les avocats.

Ensuite, la possibilité doit être offerte aux juges de publier leurs opinions en cas de dissidence. La pratique de l'opinion dissidente permet aux membres des juridictions constitutionnelles d'annexer aux décisions adoptées par la majorité des membres de la juridiction leur position. Pratiquée aux Etats-Unis et en Allemagne par exemple, la technique des opinions dissidentes est un facteur de transparence du droit, permet de mieux saisir le raisonnement des juges et peut être à l'origine de riches controverses doctrinales. Ainsi, la pratique de l'opinion dissidente est de nature à renforcer la qualité des décisions des juridictions constitutionnelles.

124 BARAK (A.), Cité par DAKO(S.), Thèse de doctorat, op.cit. P.438

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Enfin, afin de consolider davantage la fonction juridictionnelle et de faciliter l'harmonisation des décisions de justice, il serait indiqué de regrouper toutes les institutions juridictionnelles dans un même organe et doté d'indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif.

Aussi importe-t-il que l'actio popularis, actuellement limité à quelques pays comme le Bénin, le Gabon, l'Afrique du Sud125 et le Burundi126, puisse s'étendre à tous les pays.

Cette extension du droit de saisine aura pour conséquence d'accroître les sollicitations des juges constitutionnels. Face à cette éventualité, des solutions peuvent être trouvées dans l'allègement du domaine de compétence de la Haute Juridiction.

En tout cas il est de l'intérêt du juge électoral lui-même notamment de son honorabilité, de se délier de certaines pesanteurs en se montrant autonome et indépendant. Bref il doit se montrer ingrat comme c'est le cas dans certains pays d'Afrique127vis-à-vis de l'autorité qui l'a nommé.

Le succès de la démocratie électorale en Afrique passe par l'adaptation des normes et institutions électorales aux réalités du continent notamment la pluralité ethnique, la réduction de la pauvreté, la culture démocratique et une armée républicaine. A ces mesures qui doivent être prises au plan national, doit venir en appui la communauté internationale pour qui, la question électorale ne relève plus de compétence exclusive des Etats.

125 La question de la saisine du juge constitutionnel est réglée par l'art.167 de la constitution sud-africaine.

126 Ici le droit des personnes physiques ou morales de saisir le juge constitutionnel en vue de la vérification de la constitutionnalité des lois est prévu par les articles 151 et 153 de la constitution burundaise du 13 mars 1992.

127Dans certains États comme le Bénin, la République sud-africaine et le Ghana, les règles de la compétition électorale s'enracinent progressivement.

CHAPITRE II : RENFORCEMENT DE L'ASSISTANCE

ELECTORALE

<< Aujourd'hui, l'élection est devenue, dans les pays en transition démocratique ou tout simplement en crise, une affaire internationale, ne serait-ce qu'à travers les opérations de supervision et d'observation des processus électoraux ; elle n'est plus la seule affaire de l'État. Les actions qui sont menées dans ce cadre par les acteurs internationaux visent à améliorer l'organisation des scrutins, soit par l'allocation de ressources nécessaires à la bonne organisation pratique de l'élection ou à l'indication des principes directeurs du suffrage, soit par la dénonciation des irrégularités, soit enfin par leur implication dans le règlement des contentieux »128.

Cette analyse du professeur MELEDJE illustre, à plus d'un titre, l'appréhension faite des élections par la communauté internationale. Contrairement à la rigidité du principe sacro-saint de non-ingérence dans les affaires intérieures, l'ingérence en matière électorale est devenue une pratique internationalement admise (Section1). Mais cette pratique présente des insuffisances qui doivent être nécessairement surmontées afin de contribuer à l'amélioration des processus électoraux en Afrique (Section 2).

SECTION I : ASSISTANCE ELECTORALE : UNE PRATIQUE ADMISE
Le droit international public est, pendant longtemps, resté indifférent vis-à-vis de
l'organisation politique des Etats129 . Mais cette position du droit international a

128MELEDJE (D.), Le contentieux électoral en Afrique, op. cit. p. 8

129 Voir l'article 2 paragraphe 1 << l'organisation est fondée sur l'égalité souveraine de tous les états membres ».

Voir la résolution n°2131 du 21 décembre 1965 portant sur la déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des états, l'Assemblée Générale affirme que << tout état a le droit de choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe quel état ».

La déclaration de 1970 sur les principes régissant les relations internationales pacifique entre état dispose que << chaque état a le droit de choisir et développer librement son système politique, économique, social et culturel »

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évolué au cours des dernières décennies. Au nom de l'impératif démocratique, la forme d'organisation du pouvoir politique n'est plus exclusive à l'Etat. C'est aussi une affaire de la communauté internationale. L'ingérence de la communauté internationale dans la politique intérieure des Etats prend la forme d'assistance électorale. Cette assistance repose sur un fondement (§1) et se manifeste sous plusieurs formes (§2)

PARAGRAPHE I : FONDEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE L'assistance électorale, canal souvent utilisé par la communauté internationale pour intervenir dans la politique intérieure des Etats, est d'une part la manifestation de la souveraineté de ces Etats(A) et d'autre part une forme de coopération internationale (B)

A- Une manifestation de la souveraineté étatique

Il ne fait aucun doute que l'organisation des élections relève de la souveraineté des Etats. A cet effet la communauté internationale ne saurait, pour quelques raisons que ce soit, se mêler à ce processus à travers l'assistance électorale sans le consentement de l'Etat hôte. C'est ce que la C.I.J. a traduit en 1975, dans son avis sur le Sahara occidental, en affirmant qu' « aucune règle du droit internationale coutumier n'exige que l'état ait une structure déterminée comme le prouve la diversité des structures étatiques qui existent actuellement dans le monde ».

L'intervention de la communauté internationale dans l'observation internationale des élections se fait à la demande de l'État directement concerné. L'invitation adressée par un État à des organisations internationales ou non gouvernementales et à des entités étatiques à observer le déroulement de ses élections peut être regardée comme une ingérence étrangère sur son propre territoire.

L'observation internationale des élections n'est donc pas contraire à la souveraineté du fait que son contenu concret est accepté par l'État hôte. L'invitation à observer les élections présume l'engagement de l'État hôte de construire un État de droit, fondé sur la démocratie, le pluralisme politique et le respect des droits de l'homme. Ceci rend licite, par exemple, l'aide des Nations

Unies aux processus électoraux quand cette aide est sollicitée par l'État hôte de manière expresse.

Les résolutions de l'Assemblée générale insistent toujours sur le fait que l'assistance électorale, notamment l'observation internationale des élections, est apportée à la demande de l'État hôte130.

Ainsi la souveraineté, tout en excluant la soumission de l'État à l'ordre juridique d'un de ses pairs, est compatible avec celle relative à l'ordre juridique international produit par leur action commune. Pour Jean COMBACAU, « l'autolimitation de l'État est le mécanisme qui concilie souveraineté et obéissance au droit »131.

Au lieu de considérer que l'observation internationale des élections comme un abandon de souveraineté, il serait nécessaire de la concevoir comme une limitation volontaire de celle-ci. Cette expression de la souveraineté des Etats africains dans l'acceptation des missions d'observation des élections est fréquente au point où une présomption simple d'irrégularité pèserait sur des scrutins n'ayant pas fait l'objet d'observation internationale. Même si certaines assistances électorales semblent imposées à l'Etat hôte132, il n'en demeure pas moins que celui-ci puisse refuser mais à ses risques et périls.

Manifestation de la volonté étatique, l'assistance électorale est une forme de coopération internationale.

B- Une forme de coopération internationale

L'assistance électorale à travers les missions d'observation est appréhendée comme une forme de coopération culturelle, politique et même économique. Elle est la manifestation de l'intérêt que la communauté internationale porte à la tenue des élections libres s'insérant dans le développement démocratique, notamment le respect des droits de l'homme et la primauté du droit.

Il faut noter que l'observation électorale est le fruit de l'adhésion de l'Etat à des

130Voir les résolutions suivantes de l'Assemblée Générale des Nations Unies : AG/Rés. 49/190 du 23 déc. 1994 ; AG/Rés. 53/31 du 23 nov. 1998 ; AG/Rés. 54/36 du 29 nov. 1999 ; AG/Rés. 55/43 du 27 nov. 2000 ; AG/Rés.54/173 du 17 déc. 2000.

131 COMBACAU (J.), « Droit International Public », Montchrestien 4ème Ed. 1987

132 Le cadre politique interne conflictuel peut amener la communauté internationale à imposer une mission d'observation à l'Etat hôte. Voir à cet effet la résolution 1765 de 2007 du Conseil de Sécurité de l'ONU relative à la certification des élections en Côte d'Ivoire.

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organisations internationales ou régionales dont la mission ou l'une des missions est la promotion de la démocratie et de l'Etat de droit et par ricochet l'organisation des élections libres et transparentes. Comme le réaffirme l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1991, les régimes politiques des différents Etats doivent tirer leur légitimité des élections libres, périodiques et honnêtes133.

Les Etats africains, dans leur grande majorité, ont ratifié les différents instruments juridiques relatifs à la démocratie et à l'Etat de droit.

Sur le plan régional, l'adoption en 2007 à Addis-Abeba de la charte africaine des droits de l'homme, de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance illustre que l'organisation des élections démocratiques est l'un des fondements de la coopération entre les Etats africains.

La déclaration de la francophonie de Bamako sur le bilan de la pratique démocratique atteste cette assertion. En effet il ressort de cette déclaration que la Francophonie réitère non seulement sa conviction que Francophonie et démocratie sont indissociables mais de plus exprime clairement et pour la première fois son rejet des prises du pouvoir par la force, en se donnant les moyens de réagir vigoureusement à toute interruption du processus démocratique et aux violations graves des droits de l'Homme dans l'espace francophone.

Sur le plan économique, la convention ACP/UE signé à Cotonou, au Bénin, le 23 juin 2000 subordonne l'aide financière et économique de l'Union Européenne à la promotion des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie par les pays ACP. Elle prévoit respectivement dans ses articles 9 134 et 96135, la clause « élément essentiel » et la clause « non-

133 Résolution 46/137 de 1991

134L'article 9 de l'accord établit que « le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit [...] constituent les éléments essentiels du présent accord tout comme « la bonne gestion des affaires publiques ».

135L'article 96 prévoit « qu'en cas de violation d'un ou plusieurs éléments essentiels de l'accord (donc le respect des droits de l'homme) dénoncés par l'une des parties signataires, des `consultations' peuvent avoir lieu en vue d'examiner la situation de manière approfondie et, le cas échéant, d'y remédier [Il appartient à la Commission européenne d'engager ces consultations avec le pays visé afin de régulariser au plus vite la situation. C'est ensuite au Conseil des ministres de prendre une décision. Ce dernier établit des contacts avec le pays concerné et lui présente ses griefs. Soit le pays coopère et le Conseil décide de lever les `sanctions d'urgences' adoptées, soit il n'y a aucune coopération et le Conseil peut alors

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exécution » mais avec une procédure de consultation plus flexible136.

L'observation des élections est donc << un sésame au développement »137. D'ailleurs les institutions financières comme la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International conditionnent l'octroi des aides et prêts au respect des valeurs démocratiques surtout depuis l'effondrement du bloc communiste.

L'organisation des élections libres et transparentes constitue un élément de classement ou de déclassement des Etats dans la communauté internationale. Il s'avère donc nécessaire pour cette dernière de porter son regard sur les différentes étapes du processus électoral. Cette observation électorale revêt à cet effet plusieurs formes.

PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX FORMES

MULTIPLES

L'intervention étrangère dans le processus électoral d'un Etat se présente sous plusieurs formes selon qu'il s'agit du degré ou de la nature d'intervention. On est ainsi passé de l'observation à la certification des résultats (A) d'une part, et de l'assistance technique à l'assistance juridique (B) d'autre part.

A- De l'observation du vote à la certification des résultats

L'observation électorale qui s'est développée dans les années 80 et 90 a connu une évolution significative avec le précédent Namibien sans oublier les expériences des Nations Unies lors de la décolonisation. Elle est passée aujourd'hui à la certification des résultats en passant par l'assistance électorale.

L'observation électorale vise un objectif très précis : la régularité des opérations
de vote, et, le cas échéant, de la campagne électorale qui les précède
immédiatement. Elle est enfermée dans une période très brève : le temps du

prendre des mesures appropriées : suspension totale ou partielle de l'aide économique, réorientation des appuis directs ».

136L'article 9 de l'accord établit que << le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit [...] constituent les éléments essentiels du présent accord, tout comme la bonne gestion des affaires publiques ». Cet article, le plus abouti du genre est beaucoup plus précis et élaboré que les << clauses droits de l'homme » présentes depuis 1995 dans tous les accords liant l'UE et les pays tiers. La principale plus-value de Cotonou réside toutefois moins dans l'article 9 que dans la procédure créée pour qu'il ne soit pas une << coquille vide ». L'article 96 prévoit ainsi qu'en cas de violation d'un ou plusieurs éléments essentiels de l'accord (donc le respect des droits de l'homme), dénoncés par l'une des parties signataires, des << consultations » peuvent avoir lieu en vue d'examiner la situation de manière approfondie et, le cas échéant, d'y remédier », in, JOCE L. n° 317 du 15 décembre 2000.

137 KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de l'observation internationale des élections, Thèse, op. cit. p.383

scrutin138. Ainsi enfermée dans un délai très court, l'observation électorale ne permet pas d'apprécier la crédibilité des élections qui ne se résument pas au jour du vote mais à plusieurs étapes notamment de la détermination du cadre normatif et institutionnel au règlement du contentieux et la proclamation des résultats définitifs.

Conscient de cette limite de l'observation électorale, on est passé à l'assistance électorale. Se présentant sous plusieurs formes (technique, logistique financière, matérielle et même juridique), l'assistance électorale occupe un espace plus long et plus étendu : le temps de l'élection déborde de beaucoup le temps du scrutin.

Elle permet donc, contrairement à l'observation, d'apprécier toutes les étapes du processus électoral afin de s'en convaincre de la crédibilité. L'assistance a de nombreux mérites : elle rassure les partis politiques, les électeurs et la communauté internationale. Pour le pouvoir en place, accepter l'assistance électorale, c'est s'interdire certains comportements. Elle a donc un effet préventif.

Mais la communauté internationale, dans le souci de s'assurer que les résultats sont conformes au sentiment majoritaire du peuple, exige que les résultats soient certifiés139 par la mission d'observation. On ne se limite plus à l'appréciation des différentes étapes du scrutin mais s'assurer que les résultats proclamés sont bien le sentiment exprimé par le peuple. La certification, une expression vague aux contours mal définis, ouvre la voie à une véritable intervention internationale en matière électorale qu'il faudra, à notre sens saluer. On est passé de l' << assistance aux élections » à l' << assistance électorale » qui vise non seulement les élections en tant qu'événement ponctuel mais prend en compte tout le cycle électoral.

Certes l'intervention en matière électorale se heurte la souveraineté étatique
mais la communauté internationale doit trouver un moyen de faire respecter les
aspirations profondes du peuple à qui appartient la souveraineté. Cet

138 MASCLET (J.- C.) << Le processus électoral : permanences et évolutions » actes du colloque réuni au sénat le 22 novembre 2005 sous la direction de Owen (B.), pp.177-179.

139 Voir à cet effet la résolution 1765 de 2007 du Conseil de Sécurité de l'ONU relative à la certification des élections en Côte d'Ivoire.

interventionnisme électoral graduel s'observe également au niveau de la nature de l'assistance apportée aux Etats en déficit démocratique par les veilles démocraties, les organisations internationales et non gouvernementales.

B- De l'assistance technique à l'assistance juridique

L'assistance électorale, une véritable évolution du droit international prend différentes formes. Il faut noter que la forme de l'assistance dépend de deux facteurs : le contenu de la demande adressée par l'Etat hôte d'une part, la volonté et l'intérêt de la communauté internationale à participer à l'organisation des élections crédibles d'autre part. Les besoins exprimés par les Etats hôtes dépendent de leur niveau de développement économique, technologique, les compétences et expertises disponibles sur place. En rapport avec ces besoins les Etats hôtes sollicitent une assistance technique, matérielle et logistique.

Cette assistance consiste en la fourniture du matériel électoral tel que les urnes, les ordinateurs, du matériel roulant et autres..., à l'envoi des experts pour assister l'administration électorale.

Le Togo, à titre indicatif, avait reçu en 2007 une importante assistance en la matière pour l'organisation des législatives notamment dans l'établissement de la liste électorale informatisée. Outre cette assistance technique, matérielle et logistique, certains Etats bénéficient d'importantes aides financières pour l'organisation des élections. L'organisation des élections a un coût et le budget de l'Etat ne peut supporter. D'ailleurs nombreux sont les Etats africains qui évoquent cette raison pour repousser les élections ou modifier le mode de scrutin140.

Cette raison financière évoquée parfois est un alibi qui masque la volonté du pouvoir en place de faire échec à une éventuelle alternance par les urnes. Pour contourner cet obstacle, les partenaires n'hésitent pas à octroyer une aide financière si la demande est faite. En République Démocratique du Congo, l'assistance financière du PNUD et de la MONUC lors des élections de 2006, représente un budget total de 423 millions de dollars. Elle a permis la création d'une Commission Électorale Indépendante (chargée de vérifier la validité des

140 La révision constitutionnelle de 2010 en République Démocratique du Congo a remplacé le scrutin majoritaire à deux tours par un scrutin majoritaire à un tour au motif que les ressources de l'Etat ne permettent pas l'organisation d'un scrutin à deux tours.

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élections), la mise en place d'un système électoral fiable, le transport du matériel électoral et l'enregistrement de quelques 26 millions de Congolais sur les listes électorales informatisées.

La priorité de la Division Électorale de la MONUC consiste à mettre en place un système électoral durable pour permettre à terme la tenue d'élections crédibles sans appui extérieur. Ainsi, par souci de durabilité du système électoral, à la fin des élections de 2006, la MONUC a poursuivi son assistance dans le cadre du Projet d'Appui au Cycle Electoral (PACE), afin de renforcer le système électoral et appuyer l'organisation des élections futures.

Toutefois convaincue que le succès d'un processus électoral ne dépend pas seulement du financement et de l'assistance matérielle mais aussi d'un cadre normatif et institutionnel favorable à une compétition électorale, la communauté internationale offre une assistance juridique si besoin se fait sentir.

Cette assistance juridique qui se résume en l'expertise étrangère dans l'élaboration des codes électoraux, permet de s'assurer que les normes électorales répondent aux standards internationaux. Cet échange d'expérience est d'une grande utilité même s'il contribue parfois à un « copier-coller » inadapté aux réalités locales.

La pratique de l'assistance électorale s'est révélée efficace au fil du temps car elle a contribué à l'organisation des élections acceptables dans nombre d'Etats à l'exception de quelques-uns encore jaloux de leur souveraineté. Elle a contribué à créer des conditions juridiques et politiques nécessaires pour instaurer la confiance, la paix et la stabilité nationale.

Si les Etats hôtes expriment leurs demandes en fonction de leurs besoins, les partenaires ne répondent qu'en fonction des intérêts et enjeux que l'élection en question présente à leurs yeux. Ainsi la communauté internationale reste-elle divisée ou unie, passive ou active, selon la situation et les intérêts des uns et des autres. Cette situation est la preuve des limites de l'assistance en matière électorale, limites auxquelles il faudra à tout prix remédier.

SECTION II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX LIMITES

SURMONTABLES

L'assistance électorale, quel que soit son degré ou sa forme, est la résultante d'un compromis entre l'Etat hôte et les partenaires impliqués dans le processus électoral. L'atteinte des objectifs ultimes de cette pratique dépend de la volonté réelle et de l'attitude des acteurs en jeu. Mais certaines défaillances de l'assistance électorale constituent, dans certains cas, un frein (§1) qu'il faut desserrer pour parfaire l'efficacité de l'assistance électorale (§2).

PARAGRAPHE I : LES LIMITES DE L'ASSISTANCE ELECTORALE L'absence de lisibilité et de cohérence est l'un des grands maux qui minent l'efficacité de l'observation internationale des élections. Cette carence se trouve aussi bien dans les normes qui gouvernent la matière (A) que dans la valeur juridique des rapports et recommandations (B).

A- Les limites techniques et organisationnelles

Les limites observées ici tiennent au cadre juridique instituant l'observation des élections. La quasi inexistence et le caractère disparate des normes internationales en matière d'assistance électorale traduit les limites organisationnelles que l'on peut relever. Ces limites organisationnelles se situent à deux niveaux.

Sur le plan interne, l'observation internationale des élections demeure confrontée, d'une part, à des obstacles techniques relatifs à la mise en place des missions d'observation internationales des élections et, d'autre part, à des obstacles techniques liés à leur durée et à leur financement.

S'agissant des obstacles techniques limitant l'impact des missions d'observation internationale des élections sur le processus électoral, on signalera les problèmes relatifs au nombre et à la qualité des observateurs internationaux. Certains partenaires internationaux impliqués dans la pratique de l'observation internationale des élections ne dépêchent, en effet, parfois que quelques observateurs pour le « monitoring » des élections dans des Etats hôtes très vastes. Les quelques observateurs se placent dans les bureaux de vote de la capitale et dans un ou deux villages, et, par conséquent, ne peuvent pas observer et juger valablement la sincérité d'un scrutin électoral. A ces

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limites s'ajoute le problème de la durée et du financement. Comme le fait
observer Bangui-Rombaye, « la fragilité d'une mission d'observation vient aussidu fait qu'elle est là pour constater un événement circonscrit dans le temps,

sans forcément prendre en compte tous les éléments en amont de l'élection proprement dite (problèmes d'état civil, établissement des listes électorales, informatisation de celles-ci, délivrance de cartes d'électeurs, modalités d'accès aux médias) »141.

Les observateurs internationaux en sont souvent réduits à témoigner du seul déroulement du scrutin. Aussi le financement des missions d'observation internationales des élections demeure-t-il également une autre limite majeure du moment qu'il provient des autorités politiques ou des bailleurs de fonds non impartiaux vis-à-vis du processus électoral. La dérive de l'observation internationale des élections au titre du critère financier découle des satisfécits délivrés par certaines missions d'observation en dépit de fraudes électorales avérées et connues de tous. La prise en charge des observateurs par le gouvernement du pays hôte risque d'entraver l'indépendance de l'institution qui aurait bénéficié des faveurs des autorités locales, et, partant, la crédibilité de la mission d'observation.

Sur le plan externe, les limites proviennent tant de l'insuffisante couverture du territoire de l'État hôte que de la non-coordination des différentes équipes impliquées. En effet l'état défectueux des voies de communication terrestre, aérien et maritime réduit les capacités d'accès aux zones rurales souvent enclavées des missions d'observation des élections. Généralement, les membres des bureaux de vote sont transportés sur les lieux par l'administration un jour avant le scrutin. Ils ne sont récupérés que plusieurs jours après la clôture du scrutin. Peu d'observateurs internationaux accepteraient d'emprunter une pirogue pour atteindre l'autre rive du fleuve où siège le bureau de vote. Or, leur absence sur les lieux laisse le champ libre à toutes les manipulations électorales.

De même la non-maîtrise de certaines spécificités socioculturelles et les
barrières linguistiques constituent des limites auxquelles il faut ajouter la

141Bangui-Rombaye (A), Tchad : Elections sous contrôle cité par KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de l'observation internationale des élections, thèse, op. cit. p.423

diversité des missions d'observation car elle n'est pas sans conséquences sur les remarques ou appréciations portées sur le déroulement et la régularité des scrutins. Ces différentes limites ont une incidence sur les rapports et recommandations des observateurs dont la valeur juridique est discutable.

B- Les limites liées à la valeur des rapports et recommandations

Les missions d'observation sont souvent l'oeuvre des Etats, des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Les rapports concluant ces missions d'observation effectuées ne possèdent qu'une valeur « recommandationnelle ». Or la valeur juridique des recommandations a toujours constitué une pomme de discorde au sein de la doctrine internationaliste.

Les points de vue sont très partagés. Pour certains auteurs, elles sont juridiquement obligatoires pour les États membres de l'organisation, pourvu qu'elles soient adoptées conformément aux règles de procédure et de compétence de l'organe délibérant. Pour d'autres auteurs, elles ont uniquement une signification politique et morale, et pour d'autres encore, sans avoir de valeur juridique, elles possèdent un caractère juridique142. Il importe cependant de distinguer selon que l'on est dans le cadre d'une organisation de coopération ou d'intégration. Dans les organisations internationales de coopération143, les rapports d'observation ont valeur de recommandation et ne sont donc pas des actes juridiques contraignants pour les États auxquels ils sont destinés. Ils sont dépourvus de force obligatoire. Les destinataires ne sont donc pas liés et ne sont pas tenus de s'y soumettre. Ces rapports traduisent en fin de compte uniquement l'aptitude de l'organisation internationale à exprimer une volonté qui lui est propre.

Cependant, l'absence d'effets obligatoires des rapports émis par les
observateurs internationaux ne signifie pas qu'ils n'aient aucun effet politique
même si juridiquement, ils ne contraignent pas l'État hôte. Les États

142N'Guyenne QUOC (D.), droit international public, LDJ, 7ème éd., p.563

143« Organisation ayant pour but de favoriser la coordination des activités des États membres dans un domaine spécifique afin d'atteindre des objectifs d'intérêt commun sans transfert de souveraineté.

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destinataires peuvent être tenus, du fait de leurs obligations générales en tant qu'États membres, à prendre ces rapports en considération et à les examiner de bonne foi. C'est le cas de l'Union Européenne et les pays de l'Afrique Caraïbe et Pacifique où les rapports et recommandations sont déterminants dans le maintien des relations entre l'Etat hôte et l'organisation.

A cette absence de force contraignante des rapports et recommandations viennent s'ajouter un suivi limité de la mise en oeuvre de ces recommandations. Le suivi des rapports d'observation implique normalement l'existence de procédures, de mécanismes ou de modalités encadrant la mise en oeuvre, comme celle de procédures, mécanismes ou modalités sanctionnant leur non mise en oeuvre. Cependant, tel n'est pas véritablement le cas dans la pratique. Toutes ces imperfections rendent obsolète l'observation des élections d'où la nécessité de les surmonter afin de combler les lacunes de l'organisation interne des élections.

PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE PERFECTIBLE L'organisation des élections crédibles et compétitives est aujourd'hui au centre des préoccupations de la communauté internationale, des partis politiques de l'opposition et des populations. Il importe donc de débattre des conditions juridiques et institutionnelles qui seraient susceptibles de faire de l'observation internationale des élections un moyen légitime et efficace de renforcement de l'État de droit et des droits fondamentaux.

L'amélioration de l'assistance électorale passe, à notre sens, par une réglementation des missions d'observation électorale (A) et un changement de comportement des acteurs (B)

A- Réglementation des missions d'observation électorale

Au regard des problèmes soulevés par l'observation des élections, il convient, à titre de réglementation, de déterminer le cadre juridique des mandats des observateurs et élaborer un règlement-type en matière d'observation internationale des élections.

La détermination du cadre juridique du mandat des observateurs renvoie à la
question de savoir si le mandat confié aux missions d'observation doit être
restrictif ou général. Malgré les divergences de la doctrine sur la question, le

mandat des observateurs doit être général pour que l'observation électorale participe effectivement à l'enracinement de la démocratie électorale en Afrique. Contrairement au mandat restrictif selon lequel le rôle des observateurs internationaux est d'éclairer la communauté internationale sur la manière dont s'est déroulée une élection (cet avis n'aura pas de valeur juridique en soi, mais il permettra de renforcer ou d'affaiblir la légitimité des élus au regard de la société internationale), pour le mandat général, la validité d'un scrutin dans certains pays en transition démocratique serait liée à l'avis donné par les organismes officiels représentant les observateurs internationaux.

Cette conception extensive du mandat des observateurs leur permettra, de participer de façon active, au processus électoral en posant des questions pertinentes aux différents acteurs politiques de l'État hôte sur l'organisation du processus électoral.

A cette détermination précise du mandat des observateurs doit s'ajouter ensuite le choix des observateurs. La sélection des observateurs internationaux doit s'effectuer sur des bases rigoureuses et fiables afin d'éviter le rôle néfaste joué par certains observateurs internationaux inféodés aux autorités gouvernementales, qui discréditent ladite pratique. Aussi doivent-ils être dépêchés en nombre suffisant susceptible de couvrir tout le territoire.

Enfin, afin de pallier à l'anarchie qui règne en matière d'observation électorale, il s'avère indispensable d'adopter un règlement-type devant régir toute mission d'observation des élections. Les limites inhérentes à l'observation internationale des élections proviennent en partie de l'absence d'un règlement-type régissant une telle pratique. Certes l'élaboration d'un règlement-type soulève des difficultés et réserves dans la doctrine internationale du fait de la rigidité de la règle de droit et la diversité des faits et réalités socioculturels. Pour le Professeur KOKOROKO, seule la certitude juridique, seul le caractère obligatoire qui découle de la norme du droit, en l'occurrence une réglementation internationale en vigueur, souple et « collant » à la réalité, peuvent conférer à l'observation internationale des élections, tous les influx bénéfiques et positifs qu'elle possède politiquement.

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L'avenir de l'observation internationale des élections passe également par une adhésion ferme des États hôtes et de la communauté internationale.

B- Changement de comportement des acteurs

Certaines limites inhérentes aux missions d'observation des élections proviennent de certains acteurs qui concourent à leur mise en oeuvre. Il s'agit d'une part de l'Etat hôte et d'autre part de la communauté internationale.

S'agissant de l'Etat hôte, il doit respecter les engagements démocratiques souscrits et oeuvrer à un réel consensus politique interne en prélude au déploiement des missions d'observation internationale des élections.

Les dérives constatées dans la mise en oeuvre du droit à des élections libres et honnêtes justifient le recours à la culture de bonne foi renforcée à l'égard des États membres des organisations internationales qui les obligerait, d'une part, à ne pas agir contre les buts desdites organisations, et, d'autre part, à subordonner leurs propres intérêts à celui desdites organisations144. L'État membre doit manifester au sein de l'organisation internationale un certain comportement qui soit logique et cohérent par rapport aux buts de l'organisation.

Au-delà du respect des engagements par l'Etat hôte, l'émergence du principe de légitimité démocratique à travers l'impératif d'élections libres et honnêtes145 a pour corollaire, l'avènement d'une croyance commune aux valeurs qui doivent être la base de toute société démocratique ; ces valeurs communes sont le respect des droits de l'homme, le respect de la souveraineté du peuple et de son droit à choisir librement ses dirigeants politiques, le droit de mener librement des activités politiques, la tolérance et l'acceptation de l'opinion divergente et l'indépendance des institutions impliquées dans l'organisation des processus électoraux 146.Pour ce faire, un certain nombre de conditions doivent

144Dupuy (P.-M.), « L'obligation en droit international », cite par KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de l'observation internationale des élections, thèse, op. cit. 416

145 KPEDU (A.Y.), « Essai sur le principe de la légitimité démocratique en droit international et sa mise en oeuvre dans les accords d'aide au développement en Afrique, Thèse, Poitiers, 2007 146Ben Achour (R.), « Liberté des élections et l'observation internationale : normes de lege ferenda », cite par KOKOROKO (D.), contribution à l'étude de l'observation internationale des élections, thèse, Op. Cit. 418

être réunies telles que des mécanismes fiables pour l'organisation des élections politiques.

Relativement à la communauté internationale, elle doit adhérer à un suivi rigoureux des rapports d'observation et renouveler son engagement en faveur du droit à des élections libres et honnêtes par son élévation au rang de normes impératives. D'abord la communauté internationale doit passer au peigne fin les rapports et recommandations des différentes missions d'observations afin non seulement de sanctionner les Etats défaillants mais aussi de veiller à la mise en oeuvre des recommandations.

Ensuite il est souhaitable d'ériger l'organisation, à intervalles réguliers, des élections libres et honnêtes, en normes impératives de droit international.

Toutes ces mesures permettront, tant soit peu, d'améliorer la pratique de l'observation internationale des élections afin que celle-ci puisse contribuer à la transparence et à la sincérité des scrutins en Afrique.

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CONCLUSION

« Toute réforme s'appuie sur la dénonciation d'un abus, toute idée nouvelle repose sur l'insuffisance démontrée de l'ancienne »147. Une nouvelle politique ne se conçoit donc pas sans un bilan minutieux de celle menée auparavant.

Ce Mémoire nous a donné l'occasion de faire des analyses et des propositions en vue de contribuer à l'amélioration des processus de désignation des gouvernants en Afrique noire francophone. Pour cela, nous nous sommes attelé à faire le bilan de la pratique de démocratie électorale depuis 1990 jusqu'à nos jours. Une question fondamentale a retenu notre attention au cours de notre réflexion, celle de savoir si les élections organisées dans ces pays depuis 1990 sont de nature à favoriser l'enracinement de la démocratie.

La participation électorale est un droit politique fondamental. En effet, il a pour objet l'association des citoyens à la gestion des affaires de la cité et bénéficie d'une protection constitutionnelle. Plus qu'un droit, il s'agit d'un pouvoir reconnu aux citoyens pour leur permettre de désigner souverainement ceux qui doivent les représenter et agir en leurs lieux et places. Aussi, les nouvelles législations réhabilitent-elles les principes de la démocratie électorale, autrement dit les règles indispensables à des élections concurrentielles libres dans un système multi partisan.

Mais, à elles seules, les règles consacrées ne suffisent pas. L'enracinement de la démocratie postule des institutions capables de porter l'idéal démocratique. Qu'en est-il donc des organes électoraux ? L'analyse des dispositions des lois y afférentes laisse entrevoir un effort de création d'organes électoraux fiables.

Dans l'ensemble, l'adhésion commune aux normes internationales s'est accompagnée de la création de systèmes de gestion qui, a priori, offrent des garanties de transparence et d'honnêteté électorales. La gestion des processus électoraux incombe à des structures placées sous des contrôles aussi bien administratif, politique que juridictionnel.

147 PROUDHON (P. J.), Justice et liberté, cité par -Simon DAKO, « Processus électoraux et transitions démocratiques en Afrique Noire francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo » ; Thèse, op. cit.p.456

Cependant, il est important de relever la diversité de conceptions qui caractérise le modèle administratif. Nous en avons identifié trois. Le premier se caractérise par l'organisation et le déroulement des élections sous la supervision et le contrôle d'une commission électorale : c'est le cas du Cameroun et du Sénégal. La deuxième modalité, celle du Bénin et du Togo, consacre le retrait total de la mission d'administration électorale au Ministère de l'Intérieur. Quant au dernier système administratif électoral, il partage l'administration électorale entre le gouvernement et la commission électorale. Il ressort de ce qui précède que contrairement à la période de parti unique, il n'y a plus d'Etat confiant l'exclusivité de l'administration électorale au Ministère de l'Intérieur.

La diversité du système administratif explique celle du modèle de contrôle. Si les contrôles externes qui s'exercent sur la mise en oeuvre des processus électoraux sont les mêmes dans quelques pays, globalement le système de contrôle des élections varie d'un pays à un autre. Au Bénin et au Togo, les seuls véritables contrôles existant sont les contrôles externes. Au Cameroun, au Gabon et au Congo, en revanche, l'organe administratif subit, en plus des contrôles externes, des contrôles internes qui sont exercés par les commissions électorales nouvellement créées.

Toutefois, insuffisance des garanties administratives et juridictionnelles, l'influence négative de l'analphabétisme et de la pauvreté ont fait que la pratique électorale est loin d'être rassurante pour l'avenir de la démocratie en Afrique noire francophone. Elle est contraire aux exigences du droit de suffrage. L'universalité, l'égalité et la sincérité du vote sont massivement violées tant par les organes chargés de la mise en oeuvre des processus électoraux que par les titulaires du droit. Pire, les mascarades électorales semblent se généraliser, car les tripatouillages des résultats électoraux s'observent même dans les pays que l'on considère comme des labels démocratiques à savoir le Bénin, le Sénégal et le Mali. Ceci entraîne un désintérêt croissant des populations pour le vote.

La conséquence probable de cette pratique électorale est le reflux
démocratique car, la défaillance de la participation électorale est susceptible
d'entraîner le recours aux moyens de participation protestataire. Afin de

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renverser cette tendance peu favorable à l'enracinement de la démocratie, il est indispensable de procéder non seulement à des réformes institutionnelles au niveau de l'administration électorale et de la justice constitutionnelle mais surtout au relèvement du niveau de conscience démocratique des populations. Aussi l'assistance internationale en matière électorale si elle est harmonisée et débarrassée de ses tares, contribuera-t-il à rendre crédible et sincère les scrutins organisés en Afrique noire francophone.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION I

1ERE PARTIE: LES VICISSITUDES ELECTORALES 6

CHAPITRE I : UN VOLONTARISME NORMATIF EN MATIRE ELECTORALE 8

SECTION I : ADHESION GENERALE AUX PRINCIPES ELECTORAUX 8

PARAGRAPHE I : RETOUR AU PLURALISME POLITIQUE 8

A- Rejet de la dictature 9

B- Reconnaissance de l'opposition 11

PARAGRAPHE II : CONSECRATION DES DROITS ELECTORAUX 13

A- Traitement égalitaire des candidats 14

B- La liberté de vote 16

SECTION II : GESTION ORIGINALE DES SCRUTINS ELECTORAUX 18

PARAGRAPHE I : INSTITUTION D'ORGANES ELECTORAUX INDEPENDANTS 18

A- Dessaisissement du Ministère de l'Intérieur 18

B- Création des commissions électorales 20

PARAGRAPHE II : ORGANISATION CONSENSUELLE DES SCRUTINS 22

A- Recherche du consensus dans l'adoption du cadre normatif et institutionnel... 22

B- Organisation participative du scrutin. 24

CHAPITRE II : UN VOLONTARISME ELECTORAL REVERSIBLE 27

SECTION I : UN DECOR JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL INCOHERENT 27

PARAGRAPHE I : UN MIMETISME OCCIDENTAL INADAPTE 27

A- Un mimétisme manifeste 28

B- Un mimétisme inadéquat 29

PARAGRAPHE II : UNE INGENIERIE AFRICAINE LACONIQUE 30

A- Un cadre normatif et institutionnel limité 30

B- Inféodation de l'administration électorale par le pouvoir en place 32

SECTION II : DES PROCESSUS TRIBUTAIRES DE LEUR ENVIRONNEMENT 34

PARAGRAPHE I : ABSENCE DE THEORIE ELECTORALE AFRICAINE 34

A- Un vote essentiellement identitaire 35

B- Un marchandage du vote 38

PARAGRAPHE II : UNE ALTERNANCE A PRIORI INCERTAINE 39

A- La résurgence de l'ancien parti unique 39

B- La partialité de l'armée 42

2EME PARTIE: LES PERSPECTIVES ELECTORALES 44

CHAPITRE I : ACCLIMATATION DES PROCESSUS ELECTORAUX 46

SECTION I : INTEGRATION DES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES 46

PARAGRAPHE I : INSTITUTIONALISATION DES FACTEURS SOCIO-ETHNIQUES. 46

A- Election : un affrontement identitaire 47

B- Intégration du facteur ethnique dans la dévolution et l'exercice du pouvoir 48

PARAGRAPHE II: NECESSITE D'UNE CULTURE DEMOCRATIQUE 49

A- Education des électeurs 49

B- Lutte contre la pauvreté 51

SECTION II : RENFORCEMENT DES GARANTIES INSTITUTIONNELLES 53

PARAGRAPHE I : UNE ADMINISTRATION ELECTORALE PLUS CREDIBLE 53

A- Neutralité de l'administration électorale 53

B- Un changement de comportement des acteurs politiques 55

PARAGRAPHE II : UNE MEILLEURE GESTION DU CONTENTIEUX ELECTORAL 57

A- Un contentieux électoral balbutiant 57

B- Un contentieux électoral à redynamiser. 59

CHAPITRE II : RENFORCEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE 61

SECTION I : ASSISTANCE ELECTORALE : UNE PRATIQUE ADMISE 61

PARAGRAPHE I : FONDEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE 62

A- Une manifestation de la souveraineté étatique 62

B- Une forme de coopération internationale 63

PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX FORMES MULTIPLES 65

A- De l'observation du vote à la certification des résultats 65

B- De l'assistance technique à l'assistance juridique 67

SECTION II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX LIMITES SURMONTABLES 69

PARAGRAPHE I : LES LIMITES DE L'ASSISTANCE ELECTORALE 69

A- Les limites techniques et organisationnelles 69

B- Les limites liées à la valeur des rapports et recommandations 71

PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE PERFECTIBLE 72

A- Réglementation des missions d'observation électorale 72

B- Changement de comportement des acteurs 74

CONCLUSION 76

BIBLIOGRAPHIE 79






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway