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La transgression du Sacré (XIIème- XIIIème siècle)

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par Jean-François POISSON-GUEFFIER
Paris III Sorbonne Nouvelle - Master 2 2012
  

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B. COPULA CARNALIS ET DEMESURE : LASSATA SED NON SATIATA (JUVENAL)

Plus que tout autre écrit, les fabliaux et récits d'animaux figurent un érotisme démesuré, à l'image du sexe féminin, véritable tonneau des Danaïdes73. Le désir inextinguible est particulièrement sensible dans les ramifications du Roman de Renart, à travers le couple adultérin que forment Renart et Hersent. Comme le rappelle Georges Bataille, la transgression érotique s'accomplit dès « qu'un être humain se conduit d'une manière qui présente avec les conduites et les jugements habituels une opposition contrastée »74.

L'absence de mesure se joint à une conception du monde toute entière portée vers le bas matériel et corporel (prédation, réplétion, copulation). La disculpation ambiguë d'Hersent sert de base à un portrait en négatif de la louve, mot

73 Cf. Jean R. SCHEIDEGGER, Le Roman de Renart ou le texte de la dérision, op. cit., p. 307 : « nul « vit (...) gros et dur » ne saurait tenter cette plaie qu'est la « nature » de femme, « puis qu'on ne puet au fons ataindre ».

Le Roman de Renart, Branche III, « La Confession de Renart », v. 514 et 529

74 Georges BATAILLE, L'Erotisme, op. cit., p. 116

dont il convient de rappeler les connotations lubriques (lupa) : « Ne fis de mon cors licherie / Ne malvaisté, ne puterie / Ne nesun vilain afaire / C'une nonains ne peüst faire » (Ia, v. 175-178). Les termes de la perversion sont en effet démentis par les paroles d'Hersent devant l'émasculation d'Isengrin : « Qu'ai-je mais a faire de lui / Fole est qui mais o lui se couce / Qu'autant li varroit une çouce », (Ic, v. 2731-2733). Le mariage se réduit, dans la parole contemptrice de la lupa, aux plaisirs procurés par « l'andoille / Qui ici endroit soloit pendre » (Ic, v. 2679-2680). Avec l'émasculation, Isengrin « perdue a toute sa valour » (Ic, v. 2743).

La branche consacrée à la mort de Renart contribue également à établir l'image d'une dévergondée : « Que maintez foiz en privé leu / L'a Renars tenue adossee (...) / Maudite soit tele fendace / Ou cop ne pert que l'en i fiere ! » (XVIII (fin), v. 981-982). Dame Fière rejoint Hersent dans l'expression d'un désir insatiable : « Onques son cul, s'entendu l'as / Pour cop de coilles ne fut las » (XVIII (fin), v. 886-887). La jactance de Renart dans l'épisode de sa confession manifeste la toute-puissance de l'éros viril : « Je fout bien dis fois prés a prés / Et neuf foiees tout adés » (II, v. 667-668).

Les fabliaux exposent, dans une perspective différente, la démesure du désir érotique ; « La Sairenesse » atteste de l'extraordinaire vitalité de la femme du vilain et du pautonier, venu en consultation pour soigner sa « gout es rains molt merveillouse » (v. 37) : « le pautonier le prend esrant / en un lit l'avoit estendue / Tant que il l'a trois foiz foutue », v. 42-44. Si le désir adultérin de la saineresse connaît un terme (« Quant ils orent assez joué / Foutu, besié et acolé », v. 45-46), celui de Richeut paraît à l'inverse sans limites : « Fame sor cui tex pueples monte / Conmant savroit tenir lo conte / de ses enfanz ? / Ne sai de cui conçoi ne qanz » (Richeut, v. 668-671). L'hyperbole, « tex pueples monte », exprime la profusion des relations sexuelles, tandis que « de cui » et « ne qanz » suggèrent la pluralité des combinatoires, en termes de partenaires comme de repères temporels. L'interrogation appelant une réponse négative (« conmant savroit (...) ? ») achève de donner l'image d'une sexualité dévorante, perpétuelle et insatiable.

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