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Féminisme, genre et développement en Amérique latine: le cas de Novib (ONG néerlandaise )

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par Zoé Maus
Université libre de Bruxelles - DEA pluridisciplinaire 2002
  

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Chapitre II: L'autonomie comme

alternative au dispositif de

Développement

Dans ce chapitre nous allons donc nous attacher à definir dans les grandes lignes ce que pourrait etre une action de developpement qui choisirait de "sortir du dispositif" et emprunterait le chemin de l'autonomie plutTMt que celui de l'institutionnalisation ce qui permettrait une reelle integration du genre dans la "problématique de developpement".

Nous definirons d'abord brievement ce que nous entendons par institutionnalisation, que nous distinguerons de la notion de transversalisation, pour aborder finalement la question de l'autonomie. Celle-ci passe tout d'abord par une reconstruction et une reappropriation des savoirs, tant individuels que collectifs. Nous analyserons ensuite ce que l'autonomie peut representer au niveau individuel et collectif pour ensuite voir comment elle peut etre mise en Ïuvre dans le cadre des relations de developpement et plus particulierement en quoi l'autonomie peut mener à des pratiques sociales qui ne viseraient pas à permettre aux individus (femmes ou hommes) de renforcer les relations de pouvoir et de domination. Ces pratiques viseraient au contraire à augmenter la puissance des acteurs sociaux. Comme nous le verrons, la puissance implique en effet une evolution permanente, un processus qui, selon Benasayag, n'accepte aucune forme "finale". Ce serait donc un retour à un reel developpement, dans ce que ce terme a de dynamique.

1. L'INSTITUTIONNALISATION: RISQUES ET PROFITS

Nous avions dans le chapitre precedent separe les approches FED et GED en deux

categories selon qu'elles nous semblaient ou non participer à une demarche novatrice ou au contraire au maintien d'un statu quo.

Les approches que nous avons mises dans la première categorie (approches bien-etre, antipauvrete et efficience) -voir tableau p. 52 - concoivent les programmes et projets dans lÕoptique de "rendre la vie des femmes plus facile et de les aider dans lÕaccomplissement des t%oches". On travaille alors à lÕamelioration et à lÕallegement des t%oches qui leur sont assignees. C'est leur integration dans le systeme economique mondial et leur participation au developpement qui est recherchee. On incite notamment les femmes à travailler à l'exterieur, à créer des entreprises, à dépasser le caractere Ç informel È de leurs activites productives. Des trois rTMles qui sont ceux des femmes (rTMles reproductif, productif et social), il n'en est reellement promu quÕun seul: le rTMle productif. Ce sont essentiellement aux besoins pratiques que l'on tente de repondre, au detriment des rTMles strategiques.

Nous qualifierions la methode d'institutionnelle. D'une part parce que l'on observe que cette facon de travailler se retrouve essentiellement dans les institutions

internationales (Banque Mondiale, FMI, agences de l'ONU) et d'autre part parce qu'elle favorise la reproduction du systeme existant. Les femmes y sont encore, dans une large mesure, considérées comme passives ou alors comme devant s'integrer dans un système donne, avec des objectifs predefinis pas les agences de developpement ou les institutions. Nous sommes totalement dans le cadre d'un dispositif tel que nous l'avions decrit dans la première partie. Le terme d'institutionnalisation se refere dans ce cas à l'intégration, à l'absorption dans un dispositif, dans une structure figee d'un element donne, element qui en sortirait legitime mais egalement affaibli.

On peut concevoir cette institutionnalisation au niveau individuel (l'individu peut à la fois participer à l'institution, en faire partie ou bien être "géré" dans son individualité par cette structure), collectif (les groupes, organisations et associations sont intégrées ou non dans l'organisation, leurs revendications sont relayées ou encadrées au niveau structurel), et organisationnel (l'organisation des différents aspects des relations sociales est gérée au niveau des institutions et ce qui en "sort" n'est pas reconnu comme légitime). Ces trois niveaux sont pareillement utiles dès lors qu'on analyse le genre dans le développement. On pourrait donc constituer un tableau dans lequel nous verrions le "niveau d'institutionnalisation" pour les individus, les collectifs et les organisations d'une part, quel est ce niveau pour les "concepts" tels le genre d'autre part. En quelque sorte, on observerait quel est le degré d'intégration au système, au dispositif, de ces éléments.

Cette institutionnalisation des concepts peut être comparée mais pas confondue avec la transversalisation. Nous avons vu dans le chapitre précédent que le genre (et la problématique femmes) tendait à être "transversalisé" dans les institutions et ONG. Alors que la transversalisation permet d'aborder la question du genre dans tous les secteurs de la vie sociale et dans toutes les activités d'une organisation, et correspond à un processus de déconstruction - reconstruction de nos savoirs, l'institutionnalisation a un aspect statique qui laisse entrevoir, plutôt qu'une amélioration, un statu quo dans l'organisation sociale. Ce statu quo serait contraire aux aspirations féministes comme le souligne Garcia Castro. Pour elle, l'institutionnalisation signifie pour les mouvements de femmes en général et le féminisme en particulier, "le passage d'un contre-pouvoir à un pouvoir sans pouvoir, à une représentation au cÏur même du discours officiel".143 Elle poursuit en montrant que l'institutionnalisation du féminisme signifie le plus souvent lier le genre à des mesures, (É) qui n'accomplissent pas l'objectif majeur du féminisme: être une position, une critique des pouvoirs, même du féminisme comme savoir-pouvoir. Revendiquer le genre suggère transition, défi, questionnement, réinvention de la femme ou de l'être féminin dans l'humain, mais aussi se relier à d'autres langages, d'autres systèmes de refus des oppressions et à des systèmes revendiquant des manières singulières d'exister.144 Cette définition nous permet de montrer en quoi le féminisme a pour vocation la création de nouveaux savoirs ainsi que la mise en réseau avec d'autres formes de refus des oppressions.

La seconde facon de travailler sur le genre (dans laquelle nous avions inclus l'approche d'empouvoirement, l'analyse des relations sociales et la "transversalisation" du genre) serait ainsi plus à même de répondre aux aspirations féministes mais également à une réelle intégration du genre dans le développement. Nous qualifions cette méthode d'autonome. Cette facon de travailler, en abordant la question de l'inégalité entre les hommes et les femmes (par exemple via la modification des lois discriminantes ou l'augmentation de l'accès des femmes à la terre), remet également en cause l'ensemble des relations sociales et dénonce les institutions (politiques, sociales, économiques) fondées sur le patriarcat.

Nous noterons ici que le concept d'autonomie est utilisé dans certains textes d'institutions145,
notamment dans les textes de politique de développement des Pays-Bas. Lorsqu'on analyse
les critères d'autonomie tels qu'ils sont exprimés dans ces textes146, nous sommes en droit

143 GARCIA CASTRO Mary, Le pouvoir des genres à l'époque du néo-libéralisme. Line réflexion de gauche sur les féminismes en Amérique latine, in Rapports de Genre et mondialisation des marchés, in Alternatives Sud, Vol. V n° 4, 1998, p. 54.

144 GARCIA CASTRO Mary, idem, p. 52.

145 Le terme "autonomie" est apparu dans les textes relatifs au développement à la fin des années 70 pour ensuite être remplacé par le concept de "participation active"

146 et qui se base sur des textes de l'OCDE. Voir PRONK Jan, Comment mettre en Ïuvre le concept d'autonomie
(extrait de Policy and Development: Analysis and Policy, La Haye, Ministery of Foreign Affairs, 1992) in

d'être sceptiques par rapport à la convergence entre la conception d'autonomie telle qu'elle est défendue par des groupes tels DAWN et celle qui est inscrite dans les textes de la coopération hollandaise. En effet, le fait même que l'autonomie soit utilisée comme outil, comme mesure d'évaluation du projet retire une grande partie de son potentiel de changement. Il nous semble en effet que mesurer l'autonomie des femmes à l'aune de critères prédéfinis risque de transformer l'autonomie en un critère de plus à ajouter à la longue liste de critères d'après lesquels "l'intégration des femmes dans le développement" est évaluée. C'est bien évidemment d'une autre conception que nous voulons parler ici.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius