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Féminisme, genre et développement en Amérique latine: le cas de Novib (ONG néerlandaise )

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par Zoé Maus
Université libre de Bruxelles - DEA pluridisciplinaire 2002
  

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ii. autonomie et institutionnalisation

Cette opposition entre féministes et mouvements de femmes joue un grand rTMle dans la manière de socialiser et d'organiser leur lutte. Les femmes dont les objectifs étaient de contribuer à l'amélioration des conditions matérielles des femmes et dont la politique est plus pragmatique ont eut moins de réticences à s'inscrire dans une démarche institutionnelle ancrée dans une utopie réaliste comme la qualifie Virginia Vargas.198

Elle parle de glissement stratégique du mouvement féministe. Un des changements important selon elle a été la modification d'une posture anti-étatique et le changement à partir d'une autonomie défensive et une logique et dynamique de confrontation, caractéristiques de la décennie antérieure, tant par besoin de s'affirmer comme mouvement que par l'existence de dictatures sur le continent, à une logique de négociation et d'autonomie "dialogante" et propositive. 199


· Institutionnalisation et rapports avec la coopération au développement200

Le changement stratégique s'est fait sur deux fronts parallèles: l'intégration dans les structures existantes et la création d'ONG et d'associations spécifiques.

Si cette participation des femmes aux institutions n'est pas à rejeter, il faut cependant constater qu'elle s'est parfois faite au détriment de la réalisation des objectifs féministes. Le risque que le mouvement ne se soumette à des exigences et à des logiques qui ne seraient pas les siennes, et ne se convertisse en "technocratie" de genre est réel.

Ximena Bedregal, résume bien le dilemme auquel est confronté le mouvement féministe:

le "quehacer" et les objectifs institutionnels ne peuvent se confondre avec le devenir et le développement de l'ensemble du mouvement politique féministe parce qu'elles ont des logiques, des temps, des rythmes et des dynamiques différentes et parce que leurs ob jectifs et intérêts de vie et survie, lointains et immédiats, ne co
·ncident pas et ne doivent pas le faire.201

198 VARGAS Virginia, Reflexiones en torno a los procesos de autonom'a y la construcci--n de la ciudadan'a femenina en la regi--n, http://www3.rcp.net.pe/FLORA/reflex/ index.htm.

199 VARGAS Virginia, opcit, p. 3.

200 Parmi les nombreux aspects de l'institutionnalisation, nous avons choisi de ne développer que ceux étant en rapport avec la coopération internationale puisque c'est le sujet qui nous occupe ici.

201 BEDRAGAL Ximena, Pensar de un modo nuevo, in Hacia el VII encuentro feminista Latinoamericano y del Caribe, La Correa feminista n°16-17, CICAM, Mexico, 1997, p. 54-58.

Autant que sur la forme c'est également sur le fond que se crée le désaccord, qui ne fait qu'illustrer les tendances générales que nous avions ébauchées dans les deux premières parties.

Les ONGL202 créées par les femmes latino-américaines servent souvent de relais avec les institutions et organisations de la coopération internationale, que ce soit dans le cadre de mécanismes de solidarité et d'échanges d'expériences ou pour canaliser des demandes de fonds. Certaines de ces ONGL ont, en grandissant, tendance à se bureaucratiser et à laisser de côtés les objectifs qui étaient les leurs. Maria Galindo met notamment en garde contre certaines pratiques qui selon elle sont caractéristiques de l'institutionnalisation du féminisme. Elle dénonce le fait que l'action féminisme soit devenue un travail salarié, exécuté dans le cadre de relations hiérarchisées, bureaucratisées et entretenant des liens clientélistes et utilitaires avec les autres secteurs du mouvement de femmes. Dans le cas la recherche de financement cette tendance est plus regrettable que les ONGL prétendent, dans certains cas, être représentatives de l'entièreté du mouvement de femmes, devenant à la fois bénéficiaires (recevant les fonds) et bienfaitrices (redistribuant les fonds auprès des autres secteurs).203 Dans son introduction au compte rendu de la rencontre féministe de 1996,204 Edda Gaviola montre cette "usurpation":

le féminisme latino-américian se trouve dans un processus d'institutionnalisation accéléré, un discours médiatisé par les négociations et le lobbying qui, sans être discutés dans aucun espace du mouvement, se fait au nom de toutes et fragmente en thématiques les femmes et la vision du monde et la rébellion féministes qui nous avait caractérisées depuis des années.205

Le fait que ces ONGL soient responsables auprès des bailleurs de fonds mais ne se sentent pas obligées de rendre des comptes à leur base sociale est également vivement critiqué. Cette critique est d'autant plus justifiée que la conception (choix des thématiques et priorités) et l'évaluation des projets se fait généralement en cercles fermés, entre experts de genre et membres des "réseaux".206 La question de la représentativité mais également de la légitimité est donc posée. En se convertissant en interlocutrices privilégiées de la coopération internationale, les ONGL entrent dans la dynamique du dispositif de développement. Elles facilitent l'instrumentalisation et la cooptation du discours féministe par les instances internationales, ôtant de la perspective de genre toute velléité de critique du système patriarcat. Dans une certaine mesure, elles évacuent la représentation et la démocratie syndicale construite au sein du mouvement de femmes et refusent le droit à la "dissidence", selon le principe féministe du "Personne ne représente personne" .207

Les pratiques et stratégies évoquées ci-dessus ne sont bien sftr pas, heureusement, celles de toutes les ONGL latino-américaines. Nous les avons évoqué parce qu'il nous semble qu'elles constituent des menaces réelles pour tous les mouvements sociaux, en Amérique latine mais également ailleurs. En outre ils illustrent la complicité qu'il peut y avoir, dans la constitution du dispositif de développement, entre les Etats, les organisations de la société civile et les

202 ONGL: Nous indiquons ainsi les ONG locales, pour les différencier des ONG occidentales.

203 GALINDO Maria, Tiempo saboteado en que nos toca vivir, in Permanencia voluntaria en la Utopia: El feminismo autonomo en el VII encuentro feminista latinoamericano y del Caribe, Colecci--n Feminismos Complices, Editorial La Correa Feminista, Mexico, 1997, p. 13

204 En 1996 la rencontre bisannuelle des féministes latino-américaines a été marquée par un important clivage entre féministes et autonomes, clivage qui est exprimé dans l'ouvrage de synthèse de la rencontre: Permanencia voluntaria en la Utopia: El feminismo autonomo en el VII encuentro feminista latinoamericano y del Caribe, Colecci--n Feminismos Complices, Editorial La Correa Feminista, Mexico, 1997.

205 Permanencia voluntaria en la Utopia, op. cit., p.2

206 GALINDO Maria, opcit.

207 idem, p. 15.

ONG (du Nord ou du Sud). Il est donc, si l'on veut créer les conditions d'un développement basé sur l'autonomie et la participation de tous, rechercher des voies et des voix alternatives.


· L'autonomie telle qu'elle est concue par les féministes autonomes latino-américaines

Les féministes "autonomes" latino-américaines, même si elles ne constituent pas une part majoritaire du mouvement de femmes du continent, font quelques propositions que nous trouvons intéressantes dans la Déclaración del Feminismo Autónomo, faite lors de l'Encuentro au Chili en 1996. Dans cette déclaration, elles mettent l'accent sur la nécessité de faire le lien, dans toute action, entre l'intime, le privé et le public et réitèrent leur volonté de lutter contre toute forme de pouvoir patriarcal. Prônant une critique et une remise en question permanente de l'Etat et de ses institutions, elles ne prétendent pas constituer une liste de revendications mais bien "repenser le monde, la réalité, la culture" en se réappropriant les idées qui étaient les leurs. En outre, elles refusent de négocier avec les institutions supranationales telles la Banque Mondiale ou le FMI et entendent discuter et analyser les mécanismes financiers inhérents à la coopération internationale.208 L'autonomie est selon elles une limite et une possibilité définissant leur rapport au monde (É) nous sommes présentes dans le processus historique, dans sesfaits et luttes quotidiennes d'oIs nous alimentonst et approfondissons notre critique du système et ols nous entendons installer notre subversion quotidienne, ce que nous faisons avec et à partir de notre histoire.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984