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La transposition dans l?ordre juridique national des directives cemac : une analyse sous le prisme de la pratique europeenne

( Télécharger le fichier original )
par GABRIEL CEDRIC MBOGNE CHEDJOU
Université de Yaoundé II/ Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master en relations internationales option intégration régionale et management des institutions communautaires 2012
  

Disponible en mode multipage

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LA TRANSPOSITION DANS L'ORDRE JURIDIQUE NATIONAL DES
DIRECTIVES CEMAC : UNE ANALYSE SOUS LE PRISME DE LA PRATIQUE

EUROPEENNE

UNIVERSITE DE YAOUNDE II
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II

INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CAMEROUN B.P.: 1637 Yaoundé Tel: 22 31 03 05 Fax: (237) 22 31 89 99

www.iricuy2.net

INTERNATIONAL RELATIONS INSTITUTE OF CAMEROON

P.O Box: 1637 Yaoundé

Tel: 22 31 03 05

E-mail:

iric@uycdc.unicet.cm

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention
du Master en Relations internationales,

Option : Intégration régionale et management des institutions communautaires
PAR :
MBOGNE CHEDJOU GABRIEL CEDRIC
Sous la direction de :

Dr KENFACK Jean
Chargé de Cours à l'IRIC

Sous la supervision de :

Pr. OLINGA Alain Didier

Maître de Conférence en Droit public

Chef de département de Droit international à l'IRIC

Année académique 2011-2012

i

DEDICACE

A vous qui avez toujours cru en moi et veillé à ce que je dispose du nécessaire pour suivre sereinement mes études : Mbogne Fidèle, Tchinda Emmanuel, Tchatagne Sop Eugène.

II

REMERCIEMENTS

Nous adressons nos sincères remerciements :

- Au professeur Alain Didier Olinga, Chef de département de droit international à l'IRIC, notre « véritable maitre » académique, pour avoir accepté de superviser ce travail. Sa grande rigueur et son exigence scientifique auront été pour nous tout au long de notre séjour à l'IRIC des exemples et défis à relever.

- Au docteur Jean Kenfack, enseignant à l'IRIC, pour avoir accepté de diriger ce travail. Ses conseils, orientations, recommandations et avis gracieusement prodigués, tant à l'endroit de l'étudiant que de l'individu, auront largement contribué à faire de nous le juriste et l'homme que nous sommes aujourd'hui.

- Au docteur Atanga Fongue, enseignant à l'IRIC, dont l'aide à été déterminante pour notre travail de recherche, et dont les conseils ont toujours été très encourageants.

- A monsieur Isaac Richard Ngolle V, chef Cellule de la législation et des Relations Fiscales Internationales à la Direction Générale des Impôts.

- A monsieur Tchouata Ervice, chargé d'étude assistant à la Cellule des Relations Fiscales Internationales de la Direction Générale des Impôts.

- A monsieur Etitane, Inspecteur Principal des télécommunications Hors Echelle, en service à la sous-direction de la réglementation des télécommunications du ministère des postes et télécommunications (MINPOSTEL).

- A monsieur Mohamadou Djafarou, Chef service de la législation et de la règlementation interne à la Direction des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale de l'Agence de Régulation des Télécommunications (ART).

- A tous mes camarades de promotion, particulièrement au trio des chés et aux membres du CERAIMCA, pour les encouragements, le climat de franche camaraderie et la saine émulation durant nos années d'études et même après.

- A tous ceux que je ne peux nommer ici individuellement, et qui ont tous oeuvré à faciliter notre séjour et nous ont accompagné tout au long de nos études.

Que tous daignent trouver ici l'expression de notre totale et infinie gratitude.

III

LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS

AFDI : Annuaire Français de Droit International.

DGI : Direction Générale des Impôts

c/ : contre

CE : Conseil d'Etat français

CECA : Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier

CEEA : Communauté Européenne de l'Energie Atomique

CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CJC : Cour de Justice Communautaire de la CEMAC

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes

CRC Conseil Régional de la Concurrence

COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale

dir. : Sous la direction de

Ibid. : Même auteur, même texte

IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun

MINEPAT : Ministère de l'Economie de la Planification et de l'Aménagement du Territoire

MINPOSTEL : Ministère des Postes et Télécommunications

MINREX : Ministère des Relations Extérieures

MNE Mesures nationales d'exécution

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Op. Cit. : Opere citare / cité plus haut

p. : Page

pp. : Pages

PUF : Presses Universitaires de France

RCADI : Recueil de Cours de l'Académie de Droit International

SGAE : Secrétariat Général des Affaires Européennes

SGG : Secrétariat Général du Gouvernement

UDEAC : Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale

UE : Union Européenne

UEAC : Union Economique de l'Afrique Centrale

UMAC : Union Monétaire de l'Afrique Centrale

Vol. : Volume

iv

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE EXIGENCE

DE L'ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE 17

CHAPITRE I : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE OBLIGATION

POUR LES ETATS MEMBRES 19

SECTION I : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'OBLIGATION DE

TRANSPOSITION 19

Section II : LA SIGNIFICATION DE L'OBLIGATION DE TRANSPOSITION DES

ETATS MEMBRES 32

CHAPITRE II : LA MECANIQUE DE TRANSPOSITION DES DIRECTIVES

COMMUNAUTAIRES 42

Section I : LES PRINCIPES DIRECTEURS 42

Section II : ILLUSTRATION DE LA PRATIQUE CAMEROUNAISE DE

TRANSPOSITION 48

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 60

DEUXIEME PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES

COMMUNAUTAIRES, UN EXERCICE COMPLEXE 61

CHAPITRE III : LES CONTRAINTES DE L'EXERCICE 63

Section I : LES CONTRAINTES D'ORDRE EXTRA-JURIDICTIONNEL 63

V

Section II : LA FAIBLE JURIDICTIONNALISATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE 70

CHAPITRE IV : LA TRANSPOSITION, UN EXERCICE EN VOIE

D'AMELIORATION AU REGARD DU TRAITE CEMAC REVISE 77

Section I : L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE : LE RECOURS EN

MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4 77

Section II : LES IMPLICATIONS DU NOUVEAU MECANISME DE CONTROLE 83

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 94

CONCLUSION GENERALE 95

BIBLIOGRAPHIE 98

TABLE DES MATIERES 105

vi

RESUME

Le démarrage des activités de la CEMAC en 1999, marque un tournant décisif pour la construction communautaire, mais surtout pour l'érection en Afrique Centrale d'une « Communauté de droit ». En effet, la CEMAC impulse par le Traité du 16 mars 1994 une nouvelle dynamique juridique concrète, en matière de droit de l'intégration ou droit du marché commun et qui se manifeste par exemple par l'adoption le 17 décembre 1999 de la première directive communautaire de la CEMAC : la directive TVA et droits d'accises. La directive communautaire est un acte juridique assez original, c'est une norme singulière dont l'exécution est indissociable du concours des autorités nationales. Bien plus que l'application des directives communautaires par les Etats membres, notre travail se donne pour objectif d'évaluer la capacité d'adaptation de l'ordre juridique camerounais, à un droit communautaire qui se veut le cadre d'expression des intérêts communs de tous les Etats membres.

Par une triple démarche, descriptive, analytique et comparative, notre étude porte sur la présentation de la transposition des directives communautaires comme obligation communautaire nécessaire à la construction du marché commun. Il en découle que la transposition des directives en zone CEMAC, si elle est effective, elle ne reçoit pas encore l'implication de tous les acteurs nécessaires à sa réalisation.

L'exercice se révèle alors assez contraignant, car si les administrations nationales agissent en première ligne, leur action ne pourra être contrôlée et améliorée que par le concours indispensable de la Commission de la CEMAC, de la CJC, des juges nationaux, et enfin des particuliers, comme le montre l'exemple européen.

VII

INTRODUCTION

1

I- CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE

Le concept d'intégration régionale renvoie « à une situation dans laquelle les Etats ne se contentent pas seulement de coopérer et coordonner leurs actions, mais choisissent de mettre en commun certaines de leurs compétences, et laissent à des institutions autonomes le soin de gérer les intérêts mis en commun »1. En ce sens, les traités CEMAC impulsent la création d'un corps de règles applicables aux Etats mais aussi à leurs ressortissants, affirmant ainsi la volonté des Etats membres de « passer d'une situation de coopération existante déjà entre eux, à l'étape d'union susceptible de finaliser le processus d'intégration économique et monétaire »2.

Si une organisation régionale africaine de première génération comme l'UDEAC3 avait alors mis l'accent sur une stratégie d'intégration par le marché fondée sur la mise en place d'un système tarifaire unique, le désarmement douanier, l'unification douanière et fiscale, l'union économique et les fonds de solidarité, la CEMAC4 remplaçante de l'UDEAC se caractérise par la supranationalité et la prédominance du droit dans le processus de réalisation du marché commun. Il ressort alors du Préambule du traité CEMAC révisé, que les gouvernements des Etats membres de la CEMAC sont « résolus à donner une impulsion nouvelle et décisive au processus d'intégration en Afrique Centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations de leurs Etats ». Cette ambition d'harmonisation des législations en zone CEMAC passe notamment par la consécration d'un système institutionnel et juridique propre, mais aussi par la consolidation d'un véritable droit communautaire en Afrique Centrale.

En ce qui concerne le système institutionnel et juridique, ce dernier est consacré par le traité CEMAC révisé, notamment en ses articles 10 à 48, et de façon plus précise, l'article 40 consacre une nomenclature officielle d'actes juridiques, qui peuvent être pris par les cinq institutions5 de la CEMAC et qui n'existaient pas au sein de l'UDEAC. On y retrouve les actes additionnels, les règlements et règlements cadres, les directives, les décisions, les

1 KAMTOH (P.), « le droit comme instrument d'intégration régionale : le cas du droit communautaire CEMAC », disponible sur http://www.parcesmotifs.net/spip.php?

2 KAMTOH (P.), Op.Cit.

3 L'Union Douanière Economique de l'Afrique Centrale est créée par le traité de Brazzaville du 8 décembre 1964, elle est remplacée en 1994 par la CEMAC, elle fait partie de ces premières organisations internationales africaines créées au lendemain des indépendances.

4 La Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale est créée par le traité de Ndjamena du 16 mars 1994, qui a été révisé en 2008.

5 Voir article 10 du Traité CEMAC révisé : l'Union Economique, l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale, le Parlement Communautaire, la Cour de Justice, la Cour des Comptes.

2

recommandations et les avis. En outre, l'attachement des Etats membres de la CEMAC à une réalisation de l'Union par le droit ressort plus clairement à la lecture de l'article 47 de la Convention UEAC6 du 25 juin 2008 signée à Yaoundé. La production constante de ces différents actes juridiques par les institutions et organes de la CEMAC depuis le démarrage de

ses activités en 1999, permet aujourd'hui d'entrevoir les sources d'un réel droit
communautaire en Afrique Centrale.

Le droit communautaire CEMAC peut alors être défini comme « l'ensemble de règles de droit applicable dans l'ordre juridique communautaire, même non écrites à l'instar des principes généraux de droit ou de la jurisprudence de la Cour, (articles 20 et 18 de la Convention créant la Cour). Concrètement, il s'agit des Traités institutifs, des additifs aux dits traités, des actes additionnels, conventions, des directives des règlements et règlements cadres, des décisions et autres règles contenues dans les actes pris en application des Traités et Conventions subséquents »7. L'expression désigne donc l'ensemble des règles juridiques posées par les traités de la CEMAC, les actes pris par les institutions, organes et organismes de la communauté dans l'exercice de leur compétence normative, ainsi que les accords que la communauté conclut avec des Etats tiers ou d'autres organisations internationales8.

Cette expansion normative communautaire au sein de la CEMAC a eu en outre comme conséquence l'instauration d'une Cour de Justice Communautaire9 (CJC), chargée entre autres de veiller à la mise en oeuvre des principes issus des textes communautaires de base, dans leur interprétation et leur application, du contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC et du respect par les Etats membres de leurs obligations communautaires.

La CEMAC peut alors être créditée de plusieurs avancées considérables dans le domaine de l'harmonisation des législations nationales, dans la mesure où plus d'une centaine de règlements et de directives ont déjà été adoptés, dans des secteurs divers du marché unique que sont la concurrence, la fiscalité, la libre circulation, les finances publiques, les télécommunications...etc.

6 L'Union Economique de l'Afrique Centrale est l'une des 5 institutions de la CEMAC, c'est une institution d'action dont l'une des missions principales est par exemple de promouvoir la démocratie, la dignité humaine, le pluralisme, le respect universel et la protection des droits de l'homme et les libertés fondamentales.

7 Pierre KAMTOH, « la mise en oeuvre du droit communautaire dans les Etats membres de la CEMAC », IDEF, 2002. p.2.

8 Pierre KAMTOH, exposé sur la Cour de Justice de la CEMAC : compétence et procédure de la chambre judiciaire, Libreville, octobre 2009. p.4.

9Article 10 du Traité CEMAC révisé.

3

Comme on le constate, les règlements et les directives sont les instruments privilégiés de l'harmonisation des législations en zone CEMAC.

Les règlements CEMAC ont notamment une portée générale ; ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout Etat membre10, leur intégration dans les droits nationaux ne pose alors aucun problème. Ils sont un instrument efficace pour la réalisation de l'intégration juridique et de par leur nombre réellement élevé, ils sont le premier outil pour l'harmonisation des législations nationales (plus d'une centaine).

Les directives quant à elles justifient leur usage du fait de la souplesse et la flexibilité de leur régime juridique, en effet elles ne lient les Etats membres que quant au résultat à atteindre11. Toutefois, instrument de législation médiate, les directives contrairement au règlement ne sont pas en principe d'application directe, leur exécution nécessite l'intervention des autorités nationales. Le choix des directives se justifie aussi de par les domaines assez sensibles qui sont couverts par l'adoption de ces actes, comme la fiscalité, les finances publiques, la libre circulation, la liste n'est pas exhaustive. L'intervention des organes internes des Etats membres se manifeste alors à travers l'adoption de mesures nationales qui visent à transposer les objectifs de la directive dans la législation nationale. L'applicabilité de la directive se trouve ainsi subordonnée à ce que l'on a appelé la procédure de transposition. C'est notamment dans le sillage de cette méthode juridique d'intégration du droit communautaire CEMAC dans les ordres juridiques nationaux, que s'inscrit notre sujet de recherche « la transposition dans l'ordre juridique national des directives CEMAC : une analyse sous le prisme de la pratique européenne » .

II- CLARIFICATION DES CONCEPTS

1- la transposition

La transposition de prime abord peut être définie comme « le passage d'un ordre juridique règlementaire à un autre moyennant parfois certaines conditions de délais, d'adaptation ou de réserves. Spécialement en Union Européenne(UE) c'est l'action d'insérer en droit interne les normes communautaires, moyennant les vérifications et remaniements nécessaires ; elle désigne principalement les tâches incombant aux départements ministériels,

10 Voir article 41 du Traité CEMAC révisé.

11 Voir article 41 du Traité CEMAC révisé.

4

en vue de l'intégration des directives communautaires »12. [a transposition désigne alors toute mesure contraignante de nature législative, réglementaire prise par toute autorité nationale compétente d'un Etat afin d'incorporer dans l'ordre juridique national les obligations, les droits et les devoirs prévus dans la directive communautaire.

Si le concept ne souffre plus d'aucune ambigüité pratique et procédurale en Union Européenne et dans ses Etats membres (en effet, même si les Etats membres disposent d'une grande liberté concernant les moyens de transposition, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européenne a très rapidement encadré, par une série d'arrêts, l'évolution de la pratique de la transposition en UE13), le cas n'est pas similaire en zone CEMAC, dans la mesure où la transposition y est une pratique assez récente, conséquence de l'avènement au sein de la CEMAC d'un véritable système d'intégration juridique, à travers une variété d'actes juridiques qui faisait jusque-là défaut à l'UDEAC.

Néanmoins, la transposition peut être appréhendée en zone CEMAC comme une « mesure nationale de mise en oeuvre de la directive »14, dans la mesure où cette dernière ne rentre pas dans la législation nationale avec la même force qu'un règlement. L'intervention des organes internes aux Etats membres est nécessaire, car ils sont les principaux acteurs du processus de transposition dont la violation peut être sanctionnée au sein de la CEMAC par la voie d'un « recours en manquement d'Etat »15. C'est un mécanisme juridictionnel permettant la saisine de la CJC afin que celle-ci prononce des sanctions contre tout manquement d'un Etat membre à ses obligations découlant du droit communautaire, des sanctions dont le régime sera défini par des textes particuliers16.

[a transposition vise alors à éviter tout contentieux sur la non-conformité du droit interne avec le droit communautaire, elle implique pour se faire des précisions complémentaires pour la directive dans le droit interne, mais aussi l'adoption de toute disposition jugée complémentaire, tel qu'un amendement ou une abrogation des dispositions nationales incompatibles.

12 CORNU (G.), vocabulaire juridique, 7ème édition, 2006. p.916.

13 CJCE, Royer, 8 avril 1976, aff. 48/75, Rec. p. 497 ; CJCE, Enka, 23 novembre 1977, aff. 38/77, Rec. p. 2203 ; CJCE, Commission contre Italie, 15 mars 1983, aff. 145/82, Rec. p. 711.

14 KENFACK (J.), les actes juridiques des communautés et organisations d'intégration en Afrique Centrale Occidentale, thèse de doctorat nouveau régime, Université de Yaoundé II Soa, janvier 2003. p.110.

15 TATY (G.), « le recours en manquement d'Etat de l'article 4 du traité révisé de la CEMAC : analyse critique», troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, Dakar, mai 2010.

16 Voir article 4 du traité CEMAC révisé.

5

2- La directive

Aux termes de l'article 41 du Traité CEMAC révisé, « les directives lient tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les moyens ».

La directive CEMAC en liant tout Etat membre, se distingue alors de la directive communautaire CEEAC17 qui ne vise que les institutions communautaires ; de plus, elle se démarque aussi de la directive en droit interne, qui est une mesure d'ordre intérieur qui vise à régir l'organisation, le fonctionnement, bref la vie intérieure des services dans un ministère, et qui joue un rôle d'impulsion ferme sur les fins et plus souple quant au moyens pour y parvenir.

En outre, si l'attachement des directives au but fixé laisse en zone CEMAC une grande marge de manoeuvre aux destinataires dans le choix des textes nationaux de transposition (lois, règlements, décrets, arrêtés, circulaires...) et dans celui des structures administratives de mise en oeuvre des directives, les choses ont évolué différemment en Union Européenne (UE) où les directives sont devenues de plus en plus détaillées, n'offrant désormais aux destinataires qu'une marge très limitée quant aux modalités normatives de leur mise en exécution.

La directive CEMAC est surtout utilisée pour l'harmonisation des législations nationales, d'où la souplesse et la flexibilité de son régime juridique. La directive n'a pas une portée générale, toutefois il arrive qu'elle lie tous les Etats membres impliquant de ce fait une mise en oeuvre simultanée, atténuant ainsi l'affirmation de sa portée limitée18 ; c'est le cas par exemple au sein de l'UE, où les directives font le plus souvent l'objet d'une mise en oeuvre simultanée dans l'ensemble de la Communauté, réglant alors indirectement la situation juridique de tous les citoyens de l'Union19.

La mise en oeuvre de la directive est toutefois subordonnée à la procédure de transposition, ce qui lui ôte ainsi en principe toute possibilité d'applicabilité directe, empêchant alors le moyen de l'invoquer en cas de non transposition ou de mauvaise transposition. C'est une carence qui peut notamment perdurer dans la mesure où les directives

17 La Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale est créée par le Traité de Libreville du 18 octobre 1983.

18 KENFACK (J.), Op. Cit. p.109.

19 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire, Paris, PUF, 2000. p.34

6

CEMAC ne prévoient généralement pas de délais de transposition. Cependant, les directives CEMAC ont tout de même vocation à l'applicabilité immédiate et s'intègrent dans les ordres juridiques nationaux du simple fait de leur publication au Journal Officiel de la Communauté. En outre, si le juge européen a admis la possibilité de l'applicabilité directe de la directive, entrainant une tendance à l'effacement de la distinction entre directive et règlement, ce n'est tout de même pas encore envisageable dans la CEMAC20. Le manquement de l'Etat en matière de transposition n'obture toutefois en aucun cas, l'existence de la directive, car « un tel acte en état de latence, peut à tout moment être réactivé »21.

La directive enfin, s'est vu admettre l'effet direct par le juge européen, notamment en présence de dispositions claires, précises et inconditionnelles, permettant au justiciable de s'en prévaloir, « à défaut de mesures d'application prises dans les délais à l' encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat »22. L'effet direct ne reste toutefois qu'une qualité accessoire de la directive, qui n'agit que par défaut, à l`encontre de la non transposition ou de la mauvaise transposition du texte de la directive.

3- L'ordre juridique national

L'ordre juridique selon le professeur Narcisse Mouelle Kombi, est un concept qui renvoie à « un ensemble ordonné et coordonné de règles, formulées et établies par des autorités compétentes, destinées à des sujets déterminés et dont la violation est sanctionnée, au besoin par la contrainte »23.

Le docteur Jean Kenfack insiste sur trois principaux éléments qui sous-tendent la définition de l'ordre juridique, à savoir, « un ensemble articulé de normes, l'existence d'organes chargés de les produire et d'en garantir l'exécution, l'autonomie de ces normes et des organes comme gage de leur existence »24 ; c'est alors avec justesse selon lui, que le professeur Isaac soutient que l'ordre juridique est un « ensemble organisé et structuré de

20 KENFACK (J.), Op.Cit. p.111. 21Op.Cit. p.246.

22 CJCE, Ursula Becker, 19 janvier 1982, aff. 8/81, Rec. p. 53.

23 N. MOUELLE KOMBI, « l'intégration régionale en Afrique Centrale, entre interétatisme et supranationalisme » in : l'intégration régionale en Afrique Centrale : bilan et perspective, HAKIM BEN HAMMOUDA, BRUNO BEKOLO EBE, TOUNA MAMA, Paris, Karthala, 2003. p. 223.

24 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 26.

7

normes juridiques possédant ses propres sources, doté d'organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et sanctionner le cas échéant, les violations »25.

L'ordre juridique national peut alors être appréhendé comme cet ensemble structuré et organisé de règles juridiques, doté d'organes et de procédures pour leur émission, leur interprétation et leur sanction en cas de violation, et qui est propre à un Etat, qui appartient à cet Etat, et dont la sphère d'application se limite aux frontières de cet Etat. Il peut s'agir par exemple de l'ordre juridique camerounais, ou encore de l'ordre juridique gabonais ou congolais.

Mais cette clarification de l'ordre juridique national ne serait vraiment pertinente dans un contexte d'intégration régionale, et spécifiquement d'intégration du droit communautaire en droit national, si l'on ne s'attèle pas à distinguer l'ordre juridique national de l'ordre juridique communautaire, qui est de plus en plus réel en zone CEMAC.

En effet, dans son célèbre arrêt Van Gend Loos du 05 février 196326, la CJCE présente l'ordre juridique communautaire en ces termes : « la communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les Etats membres, mais également leurs ressortissants ».

L'ordre juridique communautaire est alors avant tout un ordre juridique international27, c'est-à-dire un ensemble de normes obligatoires produites par des Etats souverains sujets de droit international. En effet, les organisations d'intégration économique comme la CEMAC, l'UEMOA, ou encore l'UE, s'appuient sur des normes qui prennent sources dans leurs traités institutifs, définis par l'article 2 paragraphe 1er al(a) de la Convention de Vienne du 23 mai 1963 sur le droit des traités, comme «... un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quel que soit sa dénomination particulière » . Les objectifs généraux de ces organisations sont notamment consignés à l'intérieur de ces traités, qui ont vocation à discipliner les rapports mutuels entre Etats membres, dans le but final de

25 ISAAC (G), Droit communautaire général, Paris, Armand Colin, 1998, p.117, cité par KENFACK (J.), Op. Cit.

26 CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5 février 1963, aff. 26/62, Rec.1.

27 Francine BATAILLER, « le juge interne et le droit communautaire », Annuaire français de droit international, volume 9, 1963. p.736.

8

construire une union économique au sein de l'espace géographique limitant leur champ de compétences. L'ordre juridique communautaire se distingue toutefois nettement de l'ordre juridique international, du fait justement des constantes majeures qui ressortent lorsque l'on observe les organisations d'intégration économique : hiérarchie des normes communautaires, plurilatéralisme28, proximité géographique des Etats signataires, ambitions économiques communes, élaboration de politiques communes...etc. L'ordre juridique communautaire est en outre un bloc juridique à deux degrés29, le premier concernant les règles primaires ou originaires, le second concernant les règles secondaires ou dérivées. L'intégration de ces normes hiérarchisées dans les ordres juridiques nationaux s'effectue dans le respect de principes qui consolident l'autonomie du droit communautaire, en occurrence la primauté 30, l'applicabilité immédiate31 et l'effet direct32.

Dans le cadre précis de la CEMAC, les réformes engagées au courant de l'année 2008 qui ont poussé la Communauté à réviser ses textes originaires (le 25 juin 2008 à Yaoundé), permettent aujourd'hui de déceler les trois éléments de l'ordre juridique précisés par le docteur Jean Kenfack (les normes juridiques, les organes de production et d'exécution, et leur autonomie ) et de conclure à l'existence d'un véritable ordre juridique communautaire, en rapport avec les divers ordres juridiques nationaux des Etats membres.

III- INTERET DU SUJET

L'étude que nous entendons poursuivre, présente un intérêt sur trois plans :

Sur un plan scientifique, si bon nombre d'études permettent d'être édifié sur la transposition en zone CEMAC, c'est très faiblement qu'elles s'appesantissent sur la procédure de

28 Les organisations d'intégration économique n'admettent qu'un nombre restreint d'Etats, le principe n'est toutefois pas absolu, car les traités institutifs prévoient la possibilité d'un élargissement, voir par exemple l'article 55 du traité CEMAC révisé.

29Francine BATAILLER, Op. Cit. p.736

30 Le droit produit par la CEMAC rentre dans les ordres juridiques nationaux avec rang de supériorité. Un principe qui se fonde notamment sur la doctrine (CPJI, 04 février 1932, aff. du traitement des nationaux polonais et autres personnes de langue ou d'origine polonaise dans les territoires de Dantzich), mais aussi sur l'article 27 de la Convention de Vienne du 23 mai 1963 sur le droit des traités, ainsi que sur l'arrêt de la CJCE Costa/Enel de 1964. Concernant son domaine, il se limite à la supériorité de la norme communautaire face à une norme nationale incompatible.

31La norme communautaire n'a pas besoin d'un acte spécifique de réception pour produire ses effets dans le droit interne, c'est la mise en oeuvre complète et uniforme du droit communautaire dans tous les Etats membres et les juges nationaux ont l'obligation de l'appliquer : CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5 février 1963, aff. 26/62, Rec.1.

32 C'est le droit pour toute personne de demander à son juge de lui appliquer le traité, règlements, directives ou décisions communautaires et l'obligation pour le juge de faire usage de ces textes, quelle que s oit la juridiction du pays dont il relève ; CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5 février 1963, aff. 26/62, Rec.1.

9

transposition dans les Etats membres, et dans notre cas présent au Cameroun. Il est donc important de se tourner à l'heure actuelle vers cette pratique, afin d'expliquer, et d'éclaircir sa réalité au Cameroun.

Sur un plan social et communautaire, la transposition des directives communautaires assure aux entreprises et aux particuliers l'accès à l'ensemble des avantages économiques offerts par le marché intérieur, car ce dernier est le premier domaine concerné par les directives CEMAC. La création d'un marché unique vise avant tout la convergence des législations nationales en matière économique, mais plus les directives sont inégalement appliquées, moins cette convergence est rendue possible dans la communauté. Le respect du délai de transposition est alors fondamental pour la construction communautaire qui repose avant tout sur la confiance mutuelle entre les Etats membres, et tout retard est susceptible de fausser la concurrence et de restreindre les avantages attendus de l'harmonisation communautaire. Il semble donc nécessaire de s'appesantir sur un mécanisme crucial pour l'application effective et efficace des directives CEMAC dans les Etats membres, et dans le cas présent au Cameroun.

Sur un plan personnel, le but visé est de traiter d'un sujet prompt à nous faire maitriser les rudiments, concepts et mécanismes juridiques du droit communautaire, mais aussi d'apporter une modeste contribution à « l'édification et à la dynamisation » d'une véritable communauté en Afrique Centrale. La satisfaction réelle d'une telle ambition n'aura donc pour conséquence, que de nous offrir d'authentiques opportunités professionnelles, dans un domaine de plus en plus porteur pour le développement de l'Afrique.

IV- REVUE DE LA LITTERATURE

Le premier ouvrage s'intitule les normes de droit communautaire de Pierre-Yves Monjal33. Cet ouvrage fait une description et une analyse des normes de droit communautaire en Union Européenne, tout en insistant sur leurs relations réciproques et leurs mécanismes de production. Concernant la directive, il la présente comme un acte directif, dont la mise en oeuvre est soumise à une procédure de transposition, qu'il définit comme la transcription des objectifs de la directive dans la législation nationale. Cette obligation qui incombe aux Etats membres de la communauté peut notamment être sanctionnée en cas de violation, par la voie d'un arrêt en manquement prononcé par la CJCE. S'il peut être reconnu à cet ouvrage le

33 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire, Paris, PUF, 2000, 127pages.

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mérite d'apporter une analyse assez précise de la directive, en revanche la procédure de transposition n'y est décrite que de façon très superficielle et est cantonnée à l'UE.

Le deuxième ouvrage est de Sauron Jean-Luc34, l'application du droit de l'Union Européenne en France. L'auteur comme le titre l'indique, traite de l'application du droit de l'Union Européenne en France, il met l'accent sur des points essentiels comme le droit de l'Union applicable en France (droit originaire, droit communautaire complémentaire et droit communautaire dérivé), le principe de subsidiarité, les principes juridiques d'articulation entre le droit communautaire et le droit national... et enfin la transposition des normes communautaires en droit national. Concernant cette dernière, Jean-Luc Sauron la présente avant tout comme un mécanisme administratif et juridictionnel, la transposition est une liberté surveillée, dans la mesure où la Cour de justice a réduit au fil du temps la marge de manoeuvre des Etats par une série de précisions35 apportées dans plusieurs arrêts ; l'auteur démontre alors la place prépondérante de la jurisprudence communautaire et nationale36 dans l'évolution de la transposition en Union Européenne et en France, ainsi que celle non négligeable des différentes structures administratives impliquées dans le processus. Si ce deuxième ouvrage a le mérite d'être plus avancé et plus précis sur le concept de transposition, il ne fait aucun doute toutefois, que le contexte géographique d'intégration étant différent, alors la pratique de la transposition s'effectue en zone CEMAC selon des modalités qui peuvent présenter quelques spécificités.

34 SAURON (J-L.), l'application du droit de l'Union Européenne en France, 2ème édition, 2000, 133pages.

Plus proche de notre domaine de recherche enfin, l'article de maître Yvon Detchenou37 intitulé brèves réflexions au sujet de la transposition de la norme communautaire dans les Etats membres de l'UEMOA, s'attaque de façon directe à la question centrale de la transposition. Il présente les objectifs de l'organisation d'intégration ainsi que les principes fondamentaux de son droit communautaire, ainsi que les exigences du processus de transposition. La première exigence c'est « l'obligation de transposer »38, elle implique plusieurs sous-obligations, notamment l'obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires pour atteindre les résultats fixés par la norme à transposer (obligation de

35 Ces précisions concernent la piste de l'effet direct des directives, la piste de l'interprétation conforme, et celle de la responsabilité de l'Etat membre défaillant.

36 En effet le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, en France, se sont tous prononcés sur la transposition des règles communautaires.

37 DETCHENOU (Y.), « Brèves réflexions au sujet de la transposition de la norme communautaire dans les Etats membres de l'UEMOA », Droit et Lois N°20- Point de vue, Ouagadougou, 30 Octobre

2008. http://droitsetlois.com/spip.php?article125. 38DETCHENOU (Y.), Op.Cit.

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production normative, obligation de toilettage et d'abrogation des normes antérieures contraires, obligation de rendre compte des dispositions de transposition prises au plan national), ensuite l'obligation de ne pas prendre de normes contraires au contenu de la directive dès son entrée en vigueur, et enfin l'obligation d'interprétation conforme. La transposition en UEMOA souffre toutefois d'un grand déficit, une situation de retard et de non-respect des délais tributaire de plusieurs difficultés : un volontarisme politique de courte haleine, l'existence de difficultés objectives, l'existence de causes permanentes et structurelles, l'insuffisante formation des fonctionnaires en matière de droit communautaire, insuffisance des moyens matériels et humains, les contraintes des processus d'élaboration du droit interne, l'existence de causes liées au mauvais déroulement de la procédure de transposition elle-même, les blocages politiques internes aux Etats membres, l'insuffisance de la diffusion de la norme communautaire... Tous ces blocages hypothèquent notamment la réalisation d'une transposition satisfaisante ainsi que le respect des délais, point crucial pour la mise en oeuvre des directives. L'auteur termine enfin avec plusieurs propositions qui visent bien entendu à améliorer la réalisation de la transposition dans les Etats membres.

C'est dans le sillage du travail effectué par les deux derniers auteurs que nous pouvons situer notre travail de recherche. En effet, il est question pour nous d'explorer, de présenter et d'analyser le processus de transposition au sein de la CEMAC et particulièrement au Cameroun, car la directive ne pourra valablement produire tous ses effets que si elle a été préalablement transposée de manière satisfaisante.

V- PROBLEMATIQUE

Si toutes les normes communautaires bénéficient de la supériorité du droit communautaire, elles ne rentrent pas toutefois toutes, dans l'ordre juridique interne avec la même intensité, avec la même force juridique. Certaines de ces règles nécessitent pour leur exécution l'intervention des autorités nationales, c'est le cas de la directive CEMAC, qui n'a d'effet en droit interne que matériellement et non formellement39. La directive est alors conçue comme un mécanisme législatif médiat, c'est un moyen d'orientation législative à deux degrés : à l'étage communautaire sont déterminés les objectifs normatifs à atteindre, à l'échelon national il incombe aux Etats membres de transposer les objectifs communautaires dans leur législation, c'est le processus de transposition. La question principale que nous nous

39 Francine BATAILLER, Op.Cit. p.767.

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posons est alors la suivante : le mécanisme de transposition des directives CEMAC au Cameroun est-il effectif ? De façon plus spécifique, quels sont les instruments utilisés pour la transposition au Cameroun ? Existe-il un suivi ou une surveillance communautaire ou nationale, et juridictionnel (le) ou extrajuridictionnel (le) des modalités du processus de mise en oeuvre des directives au sein de la CEMAC et au Cameroun? C'est donc là, quelques questions que soulève la problématique de la transposition des directives CEMAC au Cameroun, et qui nous permettront sans nul doute, d'examiner de façon précise le problème l'intégration des directives communautaires dans le droit national camerounais.

VI- HYPOTHESE

Notre hypothèse est que le mécanisme de transposition des directives CEMAC est bien réel au Cameroun. Il consiste notamment en une simple mesure nationale prise par l'autorité compétente pour mettre en oeuvre la directive communautaire ; toutefois, ce procédé présente plusieurs insuffisances, qui entravent le déploiement efficace du texte communautaire, et de ce fait limitent une exécution complète et harmonieuse des directives communautaires au sein de la CEMAC.

Notre hypothèse s'appuie notamment sur un constat fait, celui de l'expression au travers du modèle de construction de la CEMAC, d'une attraction certaine des hautes instances de l'Afrique Centrale à l'endroit du modèle européen d'intégration régionale, fortement inspiré par les théories fonctionnaliste et néo-fonctionnaliste40. L'analyse de la transposition des directives communautaires au Cameroun, notamment sous le prisme de l'approche européenne41, permettra d'appréhender la transposition telle qu'elle devrait se présenter, même si au final, l'intensité du modèle varie d'une communauté à une autre42.

VII- DELIMITATION DU SUJET

1- Délimitation matérielle

Notre travail porte logiquement sur le droit communautaire CEMAC, précisément sur le droit communautaire dérivé, ensemble des actes pris par les institutions, organes et

40 Voir BATTISTELLA (D.), théories des relations internationales, 3ème édition, Sciences po. Les presses, 2009, p. 397- 426.

41 L'approche européenne en matière de transposition sera ici celle de la France principalement, dans la mesure où c'est l'Etat membre de l'UE dont l'ordre juridique présente le plus de similitudes avec l'ordre juridique camerounais.

42 KENFACK (J.), Op.Cit. p.14.

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organismes de la CEMAC dans l'exercice de leur pouvoir normatif, en vue de la réalisation des objectifs communautaires. Il est donc question de l'intégration des directives de la CEMAC, telles que définies à l'article 41 du traité CEMAC révisé, dans l'ordre juridique du Cameroun, nous travaillons sur les mesures et les actes pris pour transposer les objectifs des directives, les structures administratives impliquées, les délais prescrits, les mécaniques jurisprudentielles du processus de transposition et le niveau d'implication de la Cour de justice communautaire de la CEMAC.

2- Délimitation spatiale

Seule la transposition des directives CEMAC constitue l'objet de notre recherche. Notre travail est donc limité de façon générale, sur un plan géographique, aux limites terrestres de la CEMAC (les territoires des six Etats membres), mais en tant que mécanisme juridique à caractère essentiellement national, notre étude sera limitée en majeure partie au territoire camerounais.

3- Délimitation temporelle

Les bornes temporelles de notre étude correspondent à un espace de temps bien précis, notamment celui qui va de l'année d'adoption de la première directive CEMAC, en occurrence 1999, à l'année d'adoption des dernières directives CEMAC que nous avons pu recenser : l'année 2009.

VIII- METHODE DE TRAVAIL

1- Méthode de collecte des données

Notre collecte des données porte deux articulations que sont l'entretien avec des professionnels et la recherche documentaire.

L'entretien43 est une source d'information irremplaçable pour explorer un sujet et plus souvent pour appréhender les réalités du terrain, découvrir la diversité des représentations et ainsi enrichir, nuancer ou infirmer ses hypothèses de travail. Nos entretiens sont passés avec les autorités nationales qui se sont chargées de la transposition des directives ; ils nous permettent notamment de constater le cheminement du mécanisme de

43 HERAN (F.), Op.Cit. P. 48.

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transposition, ainsi que les difficultés qui peuvent le plus souvent se dresser, afin de saisir la transposition des directives communautaires au Cameroun dans toutes ses composantes.

La recherche documentaire44 consiste pour sa part, à trouver des documents, mais aussi à pouvoir les consulter physiquement ou tout au moins sur un écran, pour ensuite choisir ceux qui rendent des informations pertinentes. Elle nous permet notamment de confronter les mesures nationales de transposition aux textes communautaires, mais aussi de confirmer certaines informations reçues des entretiens.

2- la méthode d'analyse théorique

Pour ce qui est de l'analyse théorique, elle s'appuie notamment sur la méthode juridique traditionnelle, la dogmatique juridique, définie comme ce type de recherche juridique qui ne prend en compte que le droit donné positum ou la juridicité produite par le droit positif et vise à établir la conformité d'une situation juridique à un ordre supérieur. A travers l'analyse exégétique qui vise à recueillir et agencer les données juridiques, à interpréter le droit positif ; elle nous permet alors de déterminer la consécration du mécanisme de transposition en zone CEMAC, à travers une interprétation claire des dispositions du traité CEMAC, mais aussi dans une recherche qui se veut opératoire, d'analyser le point de la conformité du droit national camerounais à l'obligation de transposition, ainsi qu'aux objectifs définis dans les directives communautaires, objectif principal de la procédure de transposition.

Nous avons recours aussi à la sociologie du droit, dans sa conception moderne qui s'interroge sur le niveau d'efficacité d'un système juridique et sur sa dimension programmatique, et qui étudie :

1) Le droit positif en tant que produit des mécanismes sociaux.

2) Les effets que le droit positif produit dans la société.

Elle nous permet d'évaluer le degré d'implication des composantes des corps sociaux concernées, dans l'élaboration des directives, l'efficacité du mécanisme de transposition dans l'évolution de la situation juridique des particuliers, et enfin de façon globale, la capacité d'adaptation du droit national aux exigences de la communauté.

44 HERAN (F.), Op.Cit. p. 17.

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Enfin, étant entendu que « le chercheur africain est mu par une tension intellectuelle permanente résultant du fait que la science appliquée à l'Afrique porte en elle le germe de la comparaison, de sorte que toute réflexion y afférente se résout finalement en un incessant pèlerinage de l'esprit entre la réalité nominale observable localement et le répertoire substantiel d'où a été puisé tel concept ou telle notion »45, l'approche du droit comparé qui consiste notamment en le rapprochement entre deux systèmes juridiques a priori distincts mais possédant un rapport de ressemblance, permet de faire constamment recours à la pratique dans d'autres régions comme l'UEMOA et l'UE, au sein desquelles le mécanisme de transposition semble mieux élaboré, afin de porter un regard critique sur le degré d'objectivité du mécanisme de transposition au Cameroun et en zone CEMAC.

IX- ESQUISSE DE PLAN

L'approche de l'étude sera tout au long de son cheminement, une présentation et une description théorique du processus de transposition, mais il s'agira aussi d'un examen juridique et comparatif de la pratique camerounaise et CEMAC en matière de transposition. Ainsi la première partie se penchera sur la transposition des directives au Cameroun, tandis que dans une seconde partie nous examinerons les insuffisances que présente le mécanisme au Cameroun, notamment au regard de la pratique comparée.

45 Pr BIPOUN WOUM, cité par Marcel William TSOPBEING, les mécanismes de financement et de gestion budgétaire de la CEMAC, Université de Dschang, DEA, 2004, disponible sur http://www.memoireonline.com/05/08/1100/m_mecanismes-financement-gestion-budgétaire-cemac.html

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JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

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[a mise en oeuvre des directives communautaires dans les ordres juridiques nationaux est une pratique récente en Afrique Centrale, conséquente à l'avènement de la CEMAC, qui a permis l'édification au sein de la sous-région d'un système juridique communautaire véritable. Toutefois, même si le bloc de droit communautaire est supérieur au bloc de droit interne46, les règles communautaires ne rentrent pas toutes en droit interne avec la même force juridique. Certaines règles communautaires sont alors directement applicables, tandis que d'autres nécessitent l'intervention d'organes internes. [a directive CEMAC fait notamment partie de ces dernières règles, son faible pouvoir de pénétration des ordres juridiques nationaux impose aux Etats membres une obligation de transposition (chapitre I), dont le respect passe par le déploiement d'un mécanisme concret (chapitre II).

46 Francine BATAILLER, Op.Cit. p.767.

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CHAPITRE I : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE OBLIGATION POUR LES ETATS MEMBRES

Depuis le démarrage de ses activités en 1999, l'intervention juridique de la CEMAC dans le droit interne des Etats membres s'appuie sur des instruments juridiques majeurs : l'acte additionnel, le règlement et la directive communautaires. Ces actes juridiques visent l'harmonisation ou le rapprochement des législations nationales autours de principes directeurs communs, et leur pénétration en droit interne est alors fonction du régime juridique qui leur est consacré par les dispositions du traité constitutif47.

Le traité CEMAC révisé du 25 juin 2008 tout comme l'additif au traité CEMAC du 16 mars 1994 (en son article 21) consacre un droit communautaire dérivé d'une grande variété48, dont se dégage de façon évidente un caractère d'hétérogénéité.

C'est dans ce sens que, si l'applicabilité du règlement communautaire au regard de son régime juridique ne pose pas de difficulté particulière, il en va autrement de la directive dont l'applicabilité reste dépendante de l'intervention des Etats membres, à travers leur obligation de transposition.

Cette intervention des autorités nationales dans la mise en oeuvre des directives communautaires fait alors l'objet d'une consécration juridique (section I), mais surtout, revêt une signification toute particulière pour les Etats membres (section II).

SECTION I : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'OBLIGATION DE

TRANSPOSITION

L'obligation de transposition des directives communautaires qui incombe aux Etats membres peut être déduite des nombreuses dispositions des textes communautaires originaires (paragraphe I) qui instituent la participation des Etats membres dans la mise en oeuvre du droit communautaire ; une participation d'autant plus nécessaire lorsque l'on observe la nature juridique de la directive communautaire (paragraphe II).

47 Voir l'article 41 du Traité révisé CEMAC ; voir également l'article 249 du Traité CE.

48 Ibid.

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PARAGRAPHE I- LES TEXTES COMMUNAUTAIRES ORIGINAIRES

Plusieurs dispositions pertinentes ressortent à la lecture des textes communautaires originaires (A) qui consacrent une obligation pour le moins atypique (B).

A- La consécration par le Traité CEMAC révisé et la Convention UEAC

Nous insisterons ici sur les dispositions du Traité CEMAC révisé du 25 juin 2008 (1) ainsi que sur celles contenues dans la Convention UEAC du 05 juillet 1996, également révisée le 25 juin 2008 (2).

1- Dans le Traité CEMAC révisé

Le Traité CEMAC révisé en son article 4 dispose que : « Les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de la Communauté en

adoptant toutes mesures générales ou particuliers propres à assurer l'exécution des
obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils s'abstiennent de prendre toute mesure susceptible de faire obstacle à l'application du présent Traité et des Actes pris pour son application.

En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des textes spécifiques ».

Le Traité dispose également en son article 41que : « Les directives lient tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les moyens ». Cette définition de la directive CEMAC est notamment très proche de celle de la directive européenne telle qu'énoncée à l'article 249 du traité instituant la communauté européenne (TCE) : « la directive lie tout Etat membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et au moyen ».

Le Traité CEMAC révisé a le mérite, contrairement à son prédécesseur, de consacrer dès ses premières dispositions, le caractère obligatoire et répréhensible, du concours des Etats membres de la CEMAC dans l'atteinte des objectifs communautaires, notamment par l'institution du « recours en manquement d'Etat ». S'inspirant notamment de l'article 226 du

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TCE49, le législateur CEMAC érige un garde-fou contre toute violation des obligations communautaires des Etats membres dans la mise en oeuvre du droit communautaire, qui peut notamment s'entendre par exemple d'une mauvaise transposition d'une directive.

A ces dispositions du traité CEMAC révisé, on peut ajouter des dispositions plus expressives sur le devoir de transposition des Etats membres, contenues dans la Convention UEAC.

2- Dans la convention UEAC

En ce qui concerne la Convention UEAC, les principes de l'Union Economique de l'Afrique Centrale sont consignés dans trois articles qui consacrent de manière assez précise des prescriptions pour la mise en oeuvre du droit de la CEMAC.

Elle dispose en son article 8 al 2 que : « les organes de l'Union Economique et les institutions spécialisées de celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente convention leur attribue, des prescriptions minimales et des réglementations cadres, qu'il appartient aux Etats membres de compléter entend que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».

Elle dispose en outre en son article 49 al 2 que : « ... Ces réglementations peuvent prendre la forme de règlements, de règlements cadres ou de directives. Dans ces deux derniers cas, les Etats membres complètent leurs dispositions et prennent les actes d'application nécessaires, conformément à leur règles constitutionnelles respectives ».

S'il appartient aux Etats membres dans le cadre de l'article 8 al 2 de compléter si le besoin se présente les règles communautaires, en ce qui concerne les règlements cadres et les directives, conformément à l'article 49 al 2, ces derniers ont aussi le devoir de prendre les mesures d'application ou d'exécution indispensables, dans le respect de leurs règles constitutionnelles. Ils devront donc s'appuyer sur les méthodes et les règles de leur droit interne respectif, pour assurer la mise en oeuvre des directives communautaires.

Si les articles du Traité CEMAC révisé et de la Convention UEAC fixent alors de façon claire le cadre de mise en oeuvre de la directive communautaire dans les Etats membres, on

49 Voir TATY (G.), Op. Cit.

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constate qu'ils instituent surtout une obligation atypique, dont le respect soumet à des devoirs bien précis les Etats engagés dans le processus d'intégration.

B- La consécration d'une obligation atypique

Les textes communautaires de la CEMAC consacrent une obligation atypique, tant sur le plan matériel (1) que sur le plan formel (2).

1- Sur le plan matériel

Les autorités nationales procèdent à la transposition en choisissant parmi les options de droit interne tel que prévu par la directive, ce qui implique :

En premier lieu une obligation de production normative. En effet, les Etats membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires qu'implique la mise en oeuvre au plan national de la directive communautaire. Ils ont le devoir de « choisir les formes et les moyens les plus appropriés en vue d'assurer l'effet utile des directives »50 et par conséquent, « de simples pratiques administratives, par nature modifiable au gré de l'administration et dépourvues d'une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable de l'obligation qui incombe aux Etats membres ...»51. Les mesures de transposition doivent donc être contraignantes, ce qui exclut par exemple pour la France une transposition par simple circulaire ; et enfin, même si la transposition n'exige pas une reprise formelle dans les textes nationaux de manière expresse et spécifique, le contexte juridique général doit assurer la pleine application de la directive de façon suffisamment claire et précise52.

En deuxième lieu, une obligation d'abrogation/modification des normes antérieures contraires et une interdiction d'adopter de nouvelles dispositions contraires. En effet, le Traité CEMAC révisé dispose en son article 44 : « sous réserve des dispositions de l'article 43 du présent traité, les actes adoptés par les institutions, organes et institutions spécialisées de la communauté pour la réalisation des objectifs du présent traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ».Il est donc question de ne point laisser subsister toute confusion dans la législation nationale, qui viendrait notamment mettre en péril la sécurité juridique des justiciables.

50 CJCE Royer du 8 avril 1976, aff 48/75, Rec. p. 497.

51 CJCE commission contre Italie du 15 mars 1983, aff 145/82, Rec. p. 711.

52 CJCE commission contre Allemagne du 9 septembre 1999, aff C 217/97.

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L'obligation d'abrogation/modification implique que les Etats membres procèdent à une mise à jour de la législation et de la réglementation en vigueur, pour ne pas laisser subsister des textes contraires, ou alors qu'ils fassent cesser l'application de toute norme contraire aux objectifs de la directive communautaire. Cette abrogation/actualisation des textes internes requiert notamment pour sa réalisation et c'est le cas par exemple en France53 mais pas au Cameroun, une « étude d'impact juridique ».

L'interdiction d'adopter de nouvelles normes contraires quant à elle, implique dès l'entrée en vigueur du texte communautaire, que les Etats membres s'abstiennent de prendre quelques mesures ou actes pouvant nuire aux objectifs de la norme communautaire, c'est un devoir nécessaire pour une mise en oeuvre efficace de la directive communautaire et la sécurité juridique des citoyens communautaires54.

Il est important de préciser que cette double obligation n'est point absolue et automatique, mais relève des exigences du texte communautaire à mettre en oeuvre et de l'état de la législation nationale à ce moment précis. Alors il y aura abrogation/modification si le champ matériel couvert par le texte communautaire a déjà fait l'objet d'une réglementation préalable dans l'Etat, et interdiction d'adopter de nouvelles normes si le contenu de l'acte communautaire ne se recoupe pas avec le droit national.

Enfin, les Etats membres doivent communiquer à la commission les mesures nationales adoptées ou préexistantes et constituant selon l'Etat membre une « transposition anticipée »55, une exigence qui n'est notamment pas prescrite aux Etats membres de la CEMAC, mais qui dans le cadre de l'UE est obligatoire et se déroule sous la forme d'un tableau de concordance56 ; dans le cadre de l'UEMOA, cette notification peut donner lieu à un « certificat de conformité »57 délivré par la commission ou par un organe de certification juridique indépendant.

53 Voir circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décision-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes, Journal Officiel de la République Française (JORF) n° 230 du 2 octobre 2004, p. 16920.

54 CJCE, 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie ASBL, affaire C-129/96, Rec. page I-7411.

55 SAURON (J-L.), l'application du droit de l'Union Européenne en France, 2ème édition, 2000, p. 44.

56 Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décision-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes, Op. Cit. ; cette obligation de communication constitue notamment le dernier stade de l'opération de transposition au sein de l'UE.

57 DETCHENOU (Y.), « Brèves réflexions au sujet de la transposition de la norme communautaire dans les Etats membres de l'UEMOA », Op. Cit.

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2- Sur le plan formel

La CJCE a souvent rappelé que la « transposition en droit interne d'une directive n'exige pas nécessairement la reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale et expresse spécifique »58, toutefois, si la norme communautaire fait appel à des notions partiellement ou totalement inconnues du droit interne, ou employées dans un sens différent de celui que connait le droit national, il peut se révéler nécessaire d'introduire dans le texte de transposition la définition des notions utilisées, en reprenant celle qui figure dans la directive, de façon à garantir que les termes ont le sens et la porté visés par le «législateur communautaire ».

Il est nécessaire et utile aussi que le texte de transposition fasse mention de la norme communautaire qu'il a pour objet de transposer, si les directives CEMAC n'en font pas une exigence expresse, les directives UEMOA quant à elles l'imposent généralement in fine59.

La transposition doit être complète et fidèle au texte de la directive, elle doit tenir compte le cas échéant de la position de la Cour de justice communautaire à l'occasion du contentieux lié à l'application de la directive en cause (hypothèse d'une transposition en retard)60, elle ne doit en aucun cas conduire à une sur-réglementation et superposition des nouvelles dispositions au droit existant lorsqu'une simple adaptation de ce dernier aurait suffi. Pour sa fidélité, la transposition devra par exemple faire l'objet d'un tableau de correspondance, mettant en regard les dispositions de la directive et celles du projet de texte de transposition, avec mention le cas échéant des dispositions de droit interne qui rendent inutile la transposition ou telle partie de la directive.

La transposition doit être réalisée en outre dans le respect de la hiérarchie des normes et la répartition des matières entre la loi et le règlement, il est alors nécessaire d'adopter pour la transposition des directives, des normes de la même valeur, dans la hiérarchie des normes nationales, que celles qui règlent habituellement ou règleraient la matière en droit national ; c'est « le principe du parallélisme des normes » 61.

58 CJCE commission contre Italie du 9 avril 1987, aff 363/85, Rec. p. 1733.

59 MIPAMB NAHM-TCHOUGLI (G.), « Le juge constitutionnelle face aux normes communautaires », disponible sur http://www.courconstitutionnelle.tg/cour/?page id=1235 .

60 MIPAMB NAHM-TCHOUGLI (G.), Op. Cit.

61 CJCE commission contre Royaume de Belgique du 6 mai 1980, aff. 102/79 Rec. p. 1473.

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La transposition doit enfin être réalisée dans les délais prévus par la directive communautaire. Les directives CEMAC ne prévoient généralement pas de délais, mais exceptionnellement les directives CEMAC en matière de télécommunications ont prévu des délais pour leur transposition62 ; mais à défaut de délais prescris, la directive doit alors être transposée dans des délais raisonnables comme ce fut le cas de la directive n°01/00/UEAC-O64-CM-04 du 21 juillet 2000 relative à la surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques au sein de la CEMAC63.

PARAGRAPHE II- LA DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE, UN ACTE JURIDIQUE SINGULIER

Si la directive communautaire présente certaines particularités (A) son originalité est encore plus prononcée lorsqu'on s'intéresse à sa mise en oeuvre (B).

A- Un acte singulier dans son usage et dans sa nature

La directive porte avant tout les caractéristiques de tout acte juridique de droit communautaire (2) même si son usage au sein des communautés comme la CEMAC peut être particulier (1).

1- Les particularités relatives à l'usage de la directive

La directive, vise l'harmonisation des législations nationales. Toutefois, elle procède par rapprochement des législations nationales, lorsque les différences entre ces dernières nuisent au bon fonctionnement du marché commun. L'objectif est alors l'articulation des normes et pratiques nationales, autour de définitions et de principes directeurs communs, c'est donc rechercher l'unité du droit communautaire tout en préservant la diversité des particularités nationales64 ; un exemple peut notamment être pris avec la directive CEMAC sur la TVA qui se fonde sur les législations nationales en matière de TVA, pour édicter des principes directeurs contenus dans le texte communautaire. La directive contrairement au règlement est alors un instrument d'harmonisation par rapprochement et non par unification (qui elle vise à imposer dans les Etats membres une nouvelle législation unique dans le

62 Entre un an et deux ans, prescris dans les directives adoptées en 2008.

63 KENFACK (J.), Op.Cit. p.110.

64 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit communautaire, Offices des publications officielles des Communautés Européennes, Luxembourg, 2000, p. 69.

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domaine visé), elle permet ainsi dans certains cas contrairement au règlement, la sub sistance dans les Etats membres de la législation antérieure sous réserve de son adaptation65.

« Mais la directive intrigue, dérange, divise, selon une formule consacrée »66, par la singularisation de son emploi, notamment rehaussée par la confusion dont elle peut faire preuve. En effet, il arrive que le résultat visé par la directive soit défini de façon si précise, qu'aucune marge de manoeuvre n'est laissée aux Etats67, entrainant une sorte d'amalgame entre directive et règlement ; la directive peut opérer ainsi un glissement et réaliser une unification et non un rapprochement, un état de fait certes absent au sein de la CEMAC, mais qu'entretient le juge communautaire dans le cadre des communautés européennes68.

En outre, il existe au sein de l'UE ce que l'on appelle « les directives d'harmonisation totale »69, une méthode d'harmonisation consistant en l'impossibilité pour les Etats membres d'adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par la directive, des dispositions différentes de celles de cette dernière, entrainant une certaine occultation de la nature première de la directive, à savoir sa composante finaliste.

On peut considérer enfin, que la directive par sa manière de lier les Etats membres, est notamment le reflet de la volonté d'atténuer l'intrusion de la communauté dans les systèmes juridiques nationaux70. Elle vise à régir des secteurs assez sensibles du marché commun comme la fiscalité, l'immigration dans les Etats membres, le code du travail, la protection sociale, le droit d'établissement, d'où la souplesse de son régime juridique.

Elle opère alors pour se faire, dans cette mission d'harmonisation, un partage des compétences entre la communauté et les Etats membres, au niveau de la communauté résident les compétences d'édiction des objectifs consacrés par la directive communautaire, et au niveau national il revient à chaque Etat d'adapter l'ordre juridique interne aux exigences

65 C'est notamment le cas avec les directives CEMAC sur la tva et les droits d'accises, sur l'impôt sur les sociétés et sur l'impôt sur les revenus des personnes physiques, qui n'ont demandé dans les Etats membres qu'une mise à jour dans les secteurs visé et non l'adoption d'un nouveau code général des impôts.

66 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire, Paris, PUF, 2000, p. 33.

67 Une possibilité qui vise surtout les normes techniques et la protection de l'environnement. Voir BORCHARDT (K-D.), Op.Cit. Loc.Cit.

68 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 110-111.

69 ROCHFELD (J.), « les ambiguïtés des directives d'harmonisation totale. La nouvelle répartition des compétences communautaire et interne à propos de l'arrêt de la CJCE du 4 juin 2009 », Chronique, Recueil Dalloz N°30/ 739 1e, 2009, p. 2047.

70 BORCHARDT (K-D.), Op.Cit. Loc.Cit.

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communautaires. Cela n'occulte en rien le fait que directive revêt les caractéristiques principales de tout acte juridique de droit communautaire.

2- Les particularités inhérentes à la nature originale de la directive

La directive communautaire est un acte juridique de droit communautaire dérivé71, classé dans la nomenclature officielle72. A ce titre, la directive revêt avant tout les caractéristiques qui lui viennent de sa nature d'acte juridique de droit communautaire : la primauté et l'applicabilité directe.

La primauté du droit communautaire est explicitement consacrée par le Traité CEMAC révisé en son article 44, qui dispose que : « ..., les actes adoptés par les Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la Communauté pour la réalisation des objectifs du présent Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure », une formule assez proche de celle adoptée par le législateur UEMOA, notamment à l'article 6 du Traité révisé qui dispose que : « Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Les législateurs communautaires CEMAC et UEMOA en consacrant ce caractère, ont bien entendu s'inspirer de la jurisprudence de la CJCE, qui sacralise la primauté du droit communautaire pour la première fois dans l'arrêt Costa /c ENEL du 15 juillet 196473, car en effet, « la construction communautaire serait menacée si les normes communautaires ne se voyaient pas reconnaitre une supériorité sur les règles nationales des Etats membres »74.

Cette primauté vaut notamment pour toutes les sources du droit communautaire, et vis-à-vis de toutes les normes de droit interne, les Etats ne pourront donc pas invoquer une norme

71 Droit communautaire dérivé unilatéral par opposition au droit communautaire dérivé conventionnel. Le premier est notamment l'oeuvre de la communauté, de ses organes et institutions, tandis que le second est l'oeuvre de la communauté avec des entités tiers ; c'est l'exemple des accords commerciaux comme les Accords de Partenariat Economique entre la CEMAC et l'UE. Voir également YEHOUESSI (Y-D.), « l'application du droit international dans l'ordre juridique des Etats francophones ouest africains : le cas du droit communautaire de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine », Cour de justice de l'UEMOA, LES ACTES DU COLLOQUES DE OUAGADOUGOU, 24 -26 juin 2003, p. 349.

72 Voir article 41 du traité CEMAC révisé ou 21 de l'additif au traité CEMAC du 16 mars 1994.

73 Aff. 6/64.

74 PELLET (A.), « les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », in : Collected Courses of the Academy of European Law, Academy of European Law (ed.), volume V, Book 2, 1997, p.261.

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de droit interne, même constitutionnelle, pour empêcher l'application d'une directive communautaire. La directive communautaire acquiert alors automatiquement le statut de droit positif dans les Etats membres, elle est susceptible de créer par elle même des droits obligations pour les particuliers, et même de prendre place en droit national avec rang de priorité sur toutes les autres normes internes.

L'applicabilité directe quant à elle, pour certains auteurs, se présente sous deux aspects, l'applicabilité immédiate et l'effet direct.

L'applicabilité immédiate est présente dans les textes communautaires originaires, notamment à la lecture des articles 44 du traité CEMAC révisé et 6 du traité UEMOA révisé ; elle n'est donc pas un souci pour le Cameroun, Etat moniste75, tout comme la France par exemple, dont le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'Etat ont admis que les règlements avaient force obligatoire dès leur publication sans aucune intervention des autorités nationales, conformément à l'article 249 du TCE76.

L'applicabilité immédiate signifie que l'application du droit communautaire par les Etats membres exclue toute mesure de réception, les dispositions et les actes juridiques du droit communautaire pénètrent les ordres juridiques nationaux sans le secours d'aucune mesure nationale d'introduction. A titre d'illustration, l'article 43 al 2 du traité CEMAC révisé dispose que : « Les directives et les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet le lendemain de cette notification », la directive CEMAC entre donc en vigueur dès le lendemain de sa notification aux Etats membres, et la transposition fait ici office d'exécution et non de réception.

L'effet direct pour sa part, signifie que les règles de droit communautaire déploient la plénitude de leurs effets de manière unanime dans tous les Etats membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité77. Les normes communautaires créent alors des droits et obligations dans le chef des particuliers (personnes physiques et morales), qu'ils peuvent invoquer devant les juridictions communautaires ou nationales.

75 Voir l'article 45 de la loi du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972.

76 CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil constitutionnel.

77 YEHOUESSI (Y-D.), Op.Cit. p.352.

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La CJCE78 précise dans l'arrêt SIMMENTAL, que l'applicabilité directe du droit communautaire ouvre la voie des juridictions communautaire et nationale aux particuliers. Toutefois, dans certains cas, et c'est la conjoncture précise de la directive, l'invocabilité est conditionnée. Celle de la directive est soumise à la transposition (dans les délais prescrits), qui seule permet la mise en oeuvre de cet acte juridique, et donc, lui permet de produire tous ses effets.

B- Un acte singulier dans sa mise en oeuvre

Le «législateur communautaire» a notamment consacré en la directive communautaire, un acte juridique au faible pouvoir de pénétration des ordres juridiques nationaux, c'est-à-dire dépourvu d'effet direct (1), toutefois, cette position doit tout de même être relativisée, au regard de l'évolution de la jurisprudence communautaire, qui consacre sous certaines conditions l'effet direct des directives communautaires (2).

1- La transposition, condition de l'applicabilité directe de la directive communautaire

Il suffit de lire la définition que donne le législateur CEMAC de la directive, pour comprendre que ce dernier consacre un acte juridique qui ne peut produire tous ses effets que grâce à l'intervention des autorités nationales, un acte juridique au régime juridique réellement souple.

L'article 41 du traité CEMAC révisé dispose que : « Les directives lient tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les moyens ». Les directives CEMAC tout comme les directives UEMOA et européennes ne possèdent donc pas d'effet direct, et doivent passer par des mesures nationales de transposition pour être invoquées par un ressortissant communautaire devant une juridiction nationale.

Les directives lient les Etats destinataires par les résultats qu'elles fixent, le législateur communautaire en imposant ainsi aux Etats membres un impératif de résultat, respecte l'autonomie de ces derniers pour ce qui est des moyens à employer pour se conformer aux exigences communautaires.

78 CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p. 629.

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Le législateur CEMAC a notamment choisi cette formule et ce régime juridique pour la directive, dans le but de servir un objectif bien précis, l'harmonisation des législations nationales. Si le règlement semble plus efficace et plus utilisé notamment en zone CEMAC, il n'en reste pas moins que contrairement à la directive communautaire, il ne ménage aucunement les réalités ou les spécificités nationales. La directive a donc l'avantage de procéder à un simple encadrement par des principes communs, elle permet aux législations nationales de subsister sous réserve de leur mise à jour.

La directive ainsi agencée, cela semble judicieux, au regard notamment des domaines dans lesquels elle intervient, des domaines où la législation existante est complexe, volumineuse79 et nécessite d'être adaptée aux objectifs du traité.

Mais vouée à l'office des Etats membres, la transposition souffre assez souvent de manquements qui hypothèquent l'effet direct des directives, il peut s'agir du non respect des délais, d'une norme de transposition ou de pratiques nationales non conformes aux objectifs de la directive80, ou même d'une non transposition de la directive communautaire. Le juge communautaire a alors développé une solution particulière qui permet à la directive communautaire sous certaines conditions de bénéficier de l'effet direct.

2- L'effet direct de la directive communautaire

Les juges CEMAC et UEMOA n'ont pas encore eu à se prononcer sur l'effet direct des directives communautaires, c'est pourquoi la solution retenue ici est celle développée par la CJCE, notamment à partir de l'arrêt Van Duyn du 4 décembre 197481.

La CJCE établit des conditions à remplir par les dispositions de la directive concernée pour bénéficier de l'effet direct. Seules les dispositions suffisamment « précises et inconditionnelles » des directives produisent un effet direct et peuvent être invoquées par le justiciable « à défaut de mesures d'application prises dans les délais à l'encontre de toute

79 AUGROS (L.), « l'application des directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP de Lyon, juin 2004, p.35.

80 Voir TATY (G.), Op. Cit.

Malgré l'harmonisation en zone CEMAC des législations des Etats membres en matière de TVA, on note : -l'augmentation unilatérale du taux de TVA (25%) part rapport à la fourchette de taux fixée par la direct ive communautaire (12 à 18%) ; -le non respect des privilèges ou avantages accordés aux institutions et organes internationaux par certaines conventions internationales ou sous régionales et accords de siège ; -la limitation unilatérale de la liste communautaire des produits exonérés ; -le non remboursement ou la non déductibilité des crédits de TVA. Voir TATY, Op. Cit.

81 SAURON (J-L.), L'application du droit de l'Union Européenne en France, édition La documentation française, Edition La documentation Française, collection « Réflexe Europe », 2ère édition, 2000, p.44.

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disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat »82.

Est notamment précis ce qui « énonce une obligation dans les termes non équivoques »83, et inconditionnelle « l'obligation qui n'est assortie d'aucune condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte soit des institutions de la communauté, soit des Etats membres »84. Ces définitions laissent une marge d'interprétation large au juge communautaire ; en effet, le critère déterminant du caractère d'effet direct des dispositions de la directive concernée est l'étendue de la marge d'application que la directive laisse aux Etats membres.

La jurisprudence de la CJCE se fondant sur l'effet utile des directives, reconnait alors à certaines dispositions de celles-ci l'effet direct vertical ascendant, mais ne reconnait ni l'effet direct vertical descendant, ni l'effet direct horizontal.

L'effet direct vertical ascendant signifie que les justiciables peuvent se prévaloir envers les autorités publiques nationales des dispositions d'une directive non transposée. En effet, dans son arrêt du 26 février 1986, M.H Marshall c. Southampton et South-West Hampshire Area Health Authority (Teaching), Demande de décision préjudicielle, Court of Appeal, Royaume-Uni, la CJCE consacre la solution de « l'effet direct vertical ascendant » des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, et n'admet aucunement l'effet direct horizontal (en faveur d'un particulier à l'encontre d'un particulier), dans la mesure où la directive ne crée en aucun cas directement de droits et obligations dans le chef des particuliers85, le caractère contraignant de la directive ne vaut qu'à l'égard des Etats membres ; une justification qui vaut également pour le refus de la CJCE d'admettre l'effet direct vertical descendant (en faveur de l'Etat à l'encontre des particuliers).

Cette solution de la CJCE relativise ainsi la nécessité de la transposition, pour que la directive produise des effets directement dans le champ des particuliers, toutefois elle reste subordonnée à l'écoulement du délai de transposition. Il est également important de préciser que cette solution ne remplace aucunement l'obligation de transposition qui seule intègre matériellement les objectifs de la directive communautaire en droit national.

82 CJCE 19 janvier 1982, Ursula Becker, aff 8/81, Rec. p. 53.

83 CJCE 23 février 1994, Comitato di coordinamento per la difesa della cava, aff. 236/92, Rec. p. 497.

84 CJCE 3 avril 1968, Molkerei-Zentrale, aff. 28/67, Rec. p. 211.

85 Conseil d'Etat français 22 décembre 1978, aff Conhn-Bendit, Rec. p. 80.

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On ne peut qu'espérer tout de même, que le juge CEMAC au regard des réformes engagées depuis 2008, s'alignera sur la position de la CJCE afin de baliser de manière efficace l'usage au sein de la sous-région de cet acte, qui peut être appelé à se multiplier davantage, eu égard à la signification que revêt l'obligation de transposition pour les Etats membres.

Section II : LA SIGNIFICATION DE L'OBLIGATION DE TRANSPOSITION DES

ETATS MEMBRES

La formule appliquée à la directive par le législateur communautaire consacre de manière évidente un rôle des Etats membres dans l'exécution de cet acte juridique communautaire, une responsabilité marquée d'une grande liberté synonyme du respect par la communauté de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres. Toutefois, même si la CEMAC consacre le principe (paragraphe I), il reste tout de même que celui-ci est limité par les impératifs communautaires (paragraphe II).

Paragraphe I- LE RESPECT DE L'AUTONOMIE INSTITUTIONNELLE ET PROCEDURALE DES ETATS MEMBRES

Nous insisterons ici, sur la signification pratique (B), d'une autonomie consacrée par les textes primaires et les principes du droit communautaire (A).

A- Les sources du principe

Si l'autonomie des Etats membres ressort assez clairement à la lecture de certaines dispositions des textes communautaires originaires (1), c'est également le cas lorsqu'on s'intéresse aux principes qui partagent les compétences dans les communautés économiques régionales comme la CEMAC (2).

1- Les textes communautaires originaires

« Les faiblesses intrinsèques à tout ordre juridique d'émanation internationale conduisent les institutions créées dans un cadre interétatique à recourir, pour l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles adoptent, à l'utilisation des systèmes juridiques nationaux. Cet emprunt est conditionné par le respect du principe de l'autonomie

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institutionnelle des Etats membres »86, d'où l'affirmation claire de ce dernier par les textes originaires de la CEMAC.

Si le principe n'est pas inscrit dans les lignes du traité CEMAC, l'article 8 de la Convention de Libreville régissant l'UEAC dispose quant à lui, que « Les organes de l'Union Economique et les institutions spécialisées de celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente Convention leur attribue, des prescriptions minimales et des réglementations cadres qu'il appartient aux Etats membres de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives », il est également de même de l'article 5 de la Convention régissant l'UMAC.

Cette consécration textuelle de l'autonomie des Etats membres, dans le cadre particulier de la mise en oeuvre des directives communautaires, puise ses sources la définition que donne l'article 41 du traité CEMAC révisé de la directive. En effet, celle-ci lie les Etats membres quant au résultat visé, tout en leur laisser le choix de la forme et des moyens ; les Etats membres en matière d'application des directives communautaires, disposent donc d'une liberté précise, notamment dans la forme et les outils employés pour se conformer aux objectifs communautaires. L'obligation de transposition des directives des Etats membres, prévue dans le régime juridique de la directive communautaire consacre alors sans équivoque l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres.

La CEMAC n'est d'ailleurs pas la seule à consacrer l'autonomie des Etats membres, c'est aussi le cas par exemple de l'UEMOA, notamment à l'article 5 qui énonce que « Dans l'exercice des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et dans la mesure des objectifs de celui-ci, les organes de l'Union favorisent l'édiction des prescriptions minimales et des réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».

2- Les principes relatifs à la répartition des compétences

Il s'agit notamment du principe de subsidiarité et du principe d' « édiction minimale ».

Le principe de subsidiarité est consacré par l'article 11 du traité CEMAC révisé87, il repose sur l'idée selon laquelle les compétences doivent être exercées au niveau le plus proche

86 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 270-271.

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possible des citoyens (par les Etats). Par conséquent, si la question ne peut être traitée de façon satisfaisante au niveau national, il faudra la porter à un niveau plus élevé (au niveau communautaire). Il y a donc un côté négatif ou défensif du principe88, qui voudrait que la Communauté n'agisse pas lorsque l'action des Etats membres suffit à réaliser les objectifs fixés (comme c'est le cas de la directive), toutes les institutions et organes de la communauté doivent donc prouver que l'intervention communautaire est nécessaire.

Le principe d' « édiction minimale »89 quant à lui est consacré à l'article 8 al 2 de la Convention UEAC et dispose que : « les organes de l'Union et les institutions spécialisées de celles-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente convention leur attribue, des prescriptions minimales et des règlementations cadres, qu'il appartient aux Etats de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». C'est un principe dont l'intérêt réside avant tout dans la limitation des compétences de la communauté et qui a une portée générale. Il peut notamment être assimilé au principe de proportionnalité introduit dans la communauté européenne par la jurisprudence de la CJCE90, et consacré par l'article 5 al 3 du TCE, et qui repose sur l'idée de l'adéquation de l'action communautaire aux objectifs poursuivis. L'action entreprise ne doit pas alors dépasser ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché. Le principe joue surtout lorsqu'il faut déterminer de la portée et du type d'acte juridique communautaire à adopter, ce qui signifie alors « que la préférence doit aller aux lois-cadres, aux réglementations minimales et aux règles visant à la reconnaissance mutuelle des dispositions nationales et que les dispositions législatives excessivement détaillées sont à éviter »91.

La directive au regard de ce qui précède se veut donc l'instrument juridique de la subsidiarité et du minimalisme ciblé de l'action communautaire en zone CEMAC, puisqu'elle

87 « Les Institutions, les Organes et les Institutions Spécialisées de la Communauté agissent dans la limite des

attributions et selon les modalités prévues par le présent Traité, les Conventions de l'UEAC et de l'UMAC et par les statuts et autres textes respectifs de ceux-ci ». Voir aussi l'article 8 al1 de la Convention UEAC du 25 juin 2008, l'article 5 du Traité CE et l'article 16 du Traité UEMOA révisé.

88 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit communautaire, Offices des publications officielles des Communautés Européennes, Luxembourg, 2000, p.29.

89 BANGO (A.), « l'élaboration et la mise en oeuvre de la fiscalité dans les pays de la Communauté Economique

et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) », Université Jean Moulin Lyon 3/Ecole doctorale, 3 juillet 2009, p.157.

90 Ibid.

91 Ibid.

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laisse une marge d'appréciation aux autorités nationales pour la mise en oeuvre du texte communautaire dans le système juridique national92.

Le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres est donc bien le corollaire de la transposition lorsqu'on observe les textes de la CEMAC, un réalisme positif du législateur communautaire, dans la mesure où selon le Professeur Joël Rideau, le principe en question « domine l'utilisation des systèmes juridiques nationaux »93, et donc « Les organes compétents, les procédures à utiliser pour la mise en oeuvre du droit communautaire sont déterminées par les prescriptions constitutionnelles étatiques»94 ; le sens que revêt le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres semble donc assez clair sur le plan pratique.

B- La signification pratique du principe

Le principe signifie tout simplement que chaque Etat détermine de quelle manière les autorités nationales assurent l'exécution des règles communautaires, tant sur le plan des institutions (1), que sur le plan des procédures (2).

1- Sur le plan institutionnel

Sur le plan institutionnel, le principe implique selon le Professeur Joël Rideau, que les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des règles communautaires soient prises dans le cadre des systèmes étatiques par les institutions nationales et selon les procédures et pouvoirs que comportent ces systèmes95. Il est donc question de l'adaptation de l'appareil institutionnel étatique aux besoins de l'exécution du droit communautaire. Il peut alors s'agir par exemple de la mise sur pied d'un véritable dispositif national permanent de transposition des directives communautaires quel que soit leur domaine, qui mobilise en coordination et en coopération les autorités nationales96, ou alors la mise en place d'un comité national de transposition pour

92 AUGROS (L.), « l'application des directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP de Lyon, juin 2004, p.36.

93 RIDEAU(J), «Le rôle des Etats membres dans l'application du droit communautaire», A.F.D.I , 1972, p.885, cité par KENFACK (J.), Op.Cit. p.271.

94 Ibid.

95 RIDEAU(J.), Droit institutionnel de l'Union et des Communautés européennes, Paris, LGDJ, 3e édition, 1999, p. 799, cité par NEFRAMI (E.), « le principe de solidarité des Etats membres vis-à-vis du droit communautaire : le devoir de loyauté », Centre d'Excellence Jean Monnet, Rennes, disponible sur http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc.

96 C'est le cas de la France où le dispositif de transposition des directives européennes est régi par « la Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes ».

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des directives bien précises comme ce fut le cas au Sénégal, avec les directives relatives au cadre harmonisé des finances publiques de 200997. Il peut aussi s'agir d'une adaptation individuelle au cas par cas, qui laisse la compétence unique et exclusive à chaque ministère concerné, comme ce fut le cas par exemple au Cameroun, avec les directives CEMAC98.

2- Sur le plan procédural

Sur le plan procédural, l'autonomie des Etats membres en matière d'application du droit communautaire, c'est selon Robert Kovar, la façon autonome dont les Etats mettent en oeuvre divers moyens pour appliquer le droit communautaire99. L'autonomie des Etats membres recouvre alors ici deux aspects.

Le premier aspect, relatif à la transposition en droit national de la directive communautaire, signifie tout simplement que les mesures nationales de transposition seront élaborées et adoptées conformément à la procédure qui sied en droit interne, ce peut être le cas par exemple, d'une transposition au Cameroun par une loi nationale d'une directive relative aux finances, qui sera élaborée au départ dans les services juridiques du ministère des finances, puis en clôture de la procédure, soumise à l'adoption du parlement, cette procédure pourra donc être modifiée si besoin est par le Cameroun conformément à son autonomie procédurale.

Le second aspect est relatif à la sanction des violations des objectifs de la directive communautaire, la procédure est ici la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter100. Il revient alors à chaque Etat membre de déterminer les organes compétents et les procédures pour la sanction du droit communautaire, et aux juridictions nationales, juge commun de droit communautaire, d'assurer l'applicabilité directe des directives.

97 Voir l'arrêté du Ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances, portant création, organisation et fonctionnement du comité national de transposition des directives de l'UEMOA relatives au cadre harmonisé des finances publiques de 2009, République du Sénégal/ Ministère de l'économie et des finances, le 11 octobre 2010.

98 Ces directives ont été transposées de manière individuelle et exclusivement par les ministères concernés.

99 R. KOVAR, "L'efficacité interne du droit communautaire", in La Communauté et ses États membres, colloque de l'IEJE, La Haye, M. Nijhoff, 1973, p. 201-203, cité par NEFRAMI (E.), « le principe de solidarité des Etats membres vis-à-vis du droit communautaire : le devoir de loyauté », Centre d'Excellence Jean Monnet, Rennes, disponible sur http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc.

100 Cette définition peut être retrouvée dans le Vocabulaire Juridique du Doyen Gérard Cornu, il y définit la procédure comme étant « la branche de la science du droit ayant pour objet de déterminer les règles d'organisation judiciaire, de compétence, d'instruction des procès et d'exécution des décisions de justice (...). Voir CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 7ème édition, PUF, Paris, 2006, p. 711.

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Si le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres n'entraine aucune confusion dans sa consécration et sa signification pratique, celui-ci n'est pour autant pas absolu, dans la mesure où cette liberté des Etats membres est encadrée par les impératifs nécessaires à la réalisation du marché commun, car en effet « le principe de l'autonomie institutionnelle poussé à son paroxysme est de nature à compromettre l'uniformité d'application des actes issus de ce droit »101,le droit du marché commun en occurrence.

Paragraphe II- LA SOUMISSION DU PRINCIPE AUX IMPERATIFS DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Les propriétés primordiales des actes juridiques communautaires seraient dépourvues de tout effet réel si le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale avait une portée absolue102 ; c'est dans ce sens que si la liberté est laissée aux Etats membres dans l'exécution des actes juridiques communautaires, elle est avant tout soumise aux principes fondamentaux du droit communautaire (A), dont le respect est aussi garanti par un encadrement manifeste du juge communautaire (B).

A- La soumission aux principes fondamentaux du droit communautaire

Au rang des impératifs majeurs du droit communautaire se trouvent sa primauté et son applicabilité directe. Ces principes font notamment valoir la prééminence des actes juridiques communautaires sur toutes les règles nationales, exception faite de leur place dans la hiérarchie des normes. Le droit communautaire prime alors sur le droit national et s'applique de manière effective pour atteindre au mieux les objectifs de la communauté.

Si l'autonomie des Etats membres est pour le moins inexistante face aux actes directement applicables, il en va autrement des actes juridiques communautaires à applicabilité directe problématique. En effet, dans le cas présent de la directive communautaire, l'obligation de transposition est l'illustration parfaite de l'autonomie des Etats membres en matière de mise en oeuvre du droit communautaire, toutefois, il serait inacceptable que cette indépendance soit une entorse aux objectifs inscrits dans la directive, qui bénéficient de la supériorité normative du droit communautaire.

101 KENFACK (J.), Op.Cit. p.272.

102 Ibid.

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La transposition représente certes, la marge de manoeuvre laissée au Etats membres dans la mise en oeuvre de la directive, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit à y regarder de plus près, d'une somme d'obligations positives et négatives, des obligations de faire et de ne pas faire, le but primordial étant de garantir l'effet utile des directives et de ce fait du traité constitutif. Au rang de ces obligations, on peut notamment citer l'obligation d'adopter toutes les mesures nationales nécessaires à la réalisation du résultat fixé par la directive, ou encore l'obligation d'abroger toutes les normes contraires antérieures à la directive, ou même l'interdiction d'adopter après l'entrée en vigueur de la directive toute règle contraire. Ces obligations ont notamment la conséquence, tout en circonscrivant la liberté des Etats membres, d'assurer de manière efficace la primauté de la directive et donc du droit communautaire sur le droit national.

Ces obligations qui conditionnent l'action des Etats membres, convergent de manière conjuguée vers le respect d'un principe nécessaire à toute oeuvre de construction communautaire, « le principe de fidélité ». La fidélité des Etats membres aux engagements souscrits dans le traité constitutif conditionne et uniformise les actions de ces derniers, et est bien entendu consacrée au sein de la CEMAC, notamment à l'article 10 de la Convention UEAC qui dispose que : « les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de l'Union Economique. Ils s'abstiennent de toute mesure susceptible de faire obstacle à l'application de la présente convention et des actes juridiques pris pour sa mise en oeuvre ».

En ce qui concerne l'applicabilité directe de la directive, le défaut d'effet direct ne vaut que pour un temps précis, car l'autonomie des Etats membres dans le temps, concernant la transposition, est soumise à un délai précis103. Les Etats membres sont donc astreints au respect des délais, qui une fois passés ouvrent pour tout justiciable la solution de l'effet direct vertical ascendant des directives, pour toutes dispositions précises et inconditionnelles de celle-ci. La transposition en retard de l'Etat membre devra alors dans ce cas se faire dans le respect de la décision de justice rendu auparavant.

103 En effet les directives communautaires prévoient généralement des délais pour leur transposition, toutefois, même en l'absence de délai comme c'est le cas le plus souvent des directives CEMAC, celles-ci doivent être transposée dans un délai raisonnable, comme le montre l'exemple de la directive n°01/00/UEAC-O64-CM-04 du 21 juillet 2000 relative à la surveillance multilatérale des politiques macro-économiques au sein de la CEMAC, transposée après 5 mois, à travers l'Arrêté n°11/PM du 11 décembre 2000 et portant création, organisation et fonctionnement d'une Cellule Nationale de Surveillance Multilatérale.

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Si la soumission des Etats membres aux principes fondamentaux du droit communautaire semble acquise, les résistances persistantes de ces derniers demandent en sus la manifestation d'un véritable encadrement de leur autonomie.

B- L'encadrement du principe en matière de mise en oeuvre du droit communautaire

Le juge communautaire CEMAC tout comme son homologue de l'UEMOA, n'a pas encore eu à encadrer véritablement la mise en oeuvre du droit communautaire, et plus particulièrement des directives, par les Etats membres ; ce qui n'est pas le cas de la CJCE dont l'oeuvre d'encadrement de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres est aujourd'hui manifeste.

La CJCE a développée depuis sa création une construction jurisprudentielle assez précise, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des directives communautaires, elle a alors contribué à clarifier l'envergure de « l'amputation ou l'orientation du pouvoir normatif des Etats membres »104.

Elle a par exemple décidé que « la transposition en droit interne d'une directive n'exige pas nécessairement la reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale expresse et spécifique »105, mais les Etats membres doivent « choisir les formes et les moyens les plus appropriés en vue d'assurer l'effet utile des directives »106, et alors les mesures de transposition doivent être contraignantes107. La CJCE impose en outre le principe de l'équivalence des normes, la directive doit alors être traduite dans des dispositions internes ayant la même valeur que celles qui s'appliquaient auparavant, les mesures d'application doivent consister en l'occurrence « en des dispositions équivalant à celles qui sont appliquées dans l'ordre juridique interne en vue d'imposer le respect des prescriptions qualifiées d'impératives par (...) les directives »108. Elle a aussi admis que la transposition n'était pas obligatoire lorsque les principes généraux ou des normes constitutionnelles ou administratives existaient avant la directive et rendaient la législation communautaire superflue109.

104 RIDEAU (J.), « la participation des Etats membres à l'application des actes des communautés », in : Annuaire français de droit international, volume 18, 1972. pp. 864-903.

105 CJCE Commission c/ Italie du 9 avril 1987, aff 363/85, Rec. p. 1733.

106 CJCE Royer du 8 avril 1976, aff 48/75, Rec. p. 497.

107 CJCE Commission c/ Italie du 15 mars 1983, aff 145/82, Rec. p. 711.

108 CJCE Commission c/ Belgique du 6 mai 1980.

109 CJCE Commission c/ Allemagne 1986, aff. 29/84.

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Plus récemment encore, la CJCE se reconnait la compétence pour évaluer l'aptitude du système normatif existant à assurer la pleine application des directives et pour assigner à l'Etat une obligation positive de transposition formelle110. Elle encourage même l'encadrement par l'institution communautaire auteur de l'acte, à travers l'établissement d'une liste de sanctions appropriées, « elle a ainsi considéré que l'article 175 du traité CE constitue une base juridique suffisante pour la définition d'une série d'infractions au droit de l'environnement que les États membres devraient sanctionner pénalement »111.

La CJCE va notamment pousser plus loin l'instrumentalisation de l'Etat membre en matière d'application du droit communautaire, car elle confirme la responsabilité de l'Etat membre pour mauvaise application du droit communautaire par le juge national, et exige la consécration au niveau national de la responsabilité étatique112.

Sur un plan procédural, concernant la mise en oeuvre juridictionnelle, la CJCE à travers ses arrêts Traghetti et Köbler113, consacre un droit à réparation lorsque la mauvaise application du droit de l'Union est imputable à l'autorité judiciaire. Elle a même étendu le champ d'application du principe de coopération loyale afin de consacrer l'invocabilité d'interprétation d'une décision cadre114.

La CJCE encadre même les actions en répétition de l'indu, qu'elle soumet aux principes d'équivalence et d'efficacité minimale, et elle va même au-delà, en affirmant le pouvoir du juge national d'ordonner des mesures provisoires en vue de sauvegarder des droits des particuliers issus du droit communautaire, alors même que la législation nationale l'interdit115 ; en outre, selon l'arrêt UPA du 25 juillet 2002, le juge national, en vertu de l'article 10 TCE, doit donner aux particuliers la possibilité de contester un acte communautaire sur le plan interne, vu les conditions restrictives de recevabilité du recours en annulation intenté par les requérants ordinaires116.

110 NEFRAMI (E.), « le principe de solidarité des Etats membres vis-à-vis du droit communautaire : le devoir de loyauté », Centre d'Excellence Jean Monnet, Rennes, disponible sur http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc.

111 CJCE 13 septembre 2005, Commission c/ Conseil, aff. C-176/03, Rec. p. I-7879. Voir NEFRAMI (E.), Op.cit.

112 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo, C-173/03. La CJCE par cet arrêt confirme une responsabilité qu'elle a notamment consacrée dans son arrêt Francovich et Bonifaci du 19 novembre 1991, affaires jointes 6/90 et 9/90, Rec. I p. 5357.

113 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, aff. C-224/01, Rec. p. I-10239.

114 CJCE, 16 juin 2005, Maria Pupino, aff. C-105/03, Rec. p. I-5285.

115 CJCE, 19 juin 1990, Factortame, aff. C-213/8, Rec. p. I-243.

116 NEFRAMI (E.), Op.Cit.

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On le constate donc, même si la directive communautaire est l'acte par excellence du déploiement de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres, sa transposition reste encadrée et soumise à l'impératif d'efficacité du droit communautaire, une nécessité pour l'uniformité et l'unicité du marché commun, dans la mesure où l'intégration du droit communautaire au sein du droit interne se déroule avant tout, au travers de mécanismes administratifs117 nationaux.

117 SAURON (J-L.), Op. Cit. p.46.

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Chapitre II : LA MECANIQUE DE TRANSPOSITION DES DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

La transposition de la législation communautaire (précisément des directives) est une obligation pour les Etats membres, elle s'appuie sur des instruments précis (section I) comme l'illustre la pratique camerounaise (section II).

Section I : LES PRINCIPES DIRECTEURS

La mise en oeuvre des directives communautaires laisse aux Etats membres le choix des instruments (paragraphe 1), mais cette liberté reste tout de même relative (paragraphe 2).

Paragraphe I : LA LIBERTE DE CHOIX DES ETATS MEMBRES

La transposition des directives communautaires repose sur l'usage des règles du droit interne (A), par les structures administratives nationales (B).

A- Le libre choix des mesures nationales de transposition

Si le Traité CEMAC du 16 mars 1994 et le Traité CEMAC révisé du 25 juin 2008 ne donnent aucune précision concernant les moyens d'application du droit communautaire par les Etats membres, la Convention UEAC semble plus précise, notamment au regard de son article 8 al 2 qui dispose que : « les organes de l'Union Economique et les institutions spécialisées de celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente convention leur attribue, des prescriptions et des règlementations cadres, qu'ils appartient aux Etats membres de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».

Le «législateur communautaire» renvoie donc les Etats membres à leurs règles constitutionnelles respectives, pour mettre en oeuvre les actes juridiques communautaires qui le nécessitent. Le choix n'est notamment pas exclusif à la CEMAC dans la mesure où le Traité UEMOA révisé en son article 5 dispose que : « les organes de l'Union favorisent l'édiction de prescriptions minimales et de réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». Et la formule peut également être retrouvée dans le Traité CE, à l'article 22 qui dispose que : « le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la

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Commission et après consultation du Parlement européen, peut arrêter des dispositions tendant à compléter les droits prévus à la présente partie, dispositions dont il recommandera l'adoption par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».

[a formule « règles constitutionnelles respectives » sous entend que les Etats membres devront se référer aux règles consacrées par leur constitution pour transposer par exemple les directives communautaires. Si l'on se réfère à la constitution camerounaise, en l'occurrence la loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 consacre la loi comme catégorie de norme de droit interne située immédiatement après la constitution (voir article 26) ; les autres matières qui ne sont pas du domaine législatif sont du ressort du pouvoir règlementaire (article 27).

[a pratique est quand même plus déterminante pour l'identification des mesures nationales de transposition, on peut évoquer la loi adoptée au Parlement ou la réglementation gouvernementale en cas de délégation des mesures de transposition au gouvernement. Dans ce dernier cas, la transposition peut alors être assurée par voie de décret gouvernemental118, d'ordonnance119, d'arrêtés et de décisions ministérielles, de décisions administratives, de mesures d'une autorité publique, en fonction du niveau des normes juridiques requises pour la transposition, des dispositions constitutionnelles et de la nature des dispositions législatives nationales existantes à adapter120. [a transposition peut aussi être réalisée par des conventions collectives, c'est le cas en Belgique et en Suède121.

118 C'est le cas du Burkina Faso, de la Cote d'Ivoire, du Mali et même du Niger, qui ont transposé par décret les directives UEMOA sur les marchés publics. Voir « troisième Réunion de l'observatoire régional des marchés publics », Rapport final, Niamey, 06-09 octobre 2009.

119 C'est le cas du Niger qui a transposé par décret les directives UEMOA sur les marchés publics. Voir « troisième Réunion de l'observatoire régional des marchés publics », Rapport final, Niamey, 06-09 octobre 2009.

120 BATTA (D.), « Etude comparative sur la transposition du droit communautaire dans les Etats membres », Direction générale politique interne de l'Union/Département thématique C/Droits des citoyens et affaires constitutionnelles, commission des affaires juridiques du Parlement Européen, 2007, p.10.

121 Cela s'est notamment fait dans le cadre des directives relatives au domaine social. Voir BATTA (D.), Op.Cit. p. 8.

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B- Le libre choix des structures administratives nationales de transposition

La transposition est un exercice exclusivement national, elle impose ainsi l'implication des structures administratives nationales, dont la participation est notamment fonction des instruments normatifs utilisés.

En effet, au regard des mesures nationales de transposition, les autorités nationales diffèrent, et agissent soit au sein d'un même processus, soit individuellement.

La transposition peut être réalisée par le parlement national122 qui détient le pouvoir législatif, et donc d'initiative et de vote des lois123, notamment pour les dispositions législatives de la directive communautaire124. Toutefois, lorsque la transposition est faite par une loi, le mécanisme s'appuie alors sur la procédure législative ordinaire, qui fait intervenir à la fois le gouvernement, pour l'élaboration de la loi et le parlement pour son adoption. Ceci est notamment valable au Cameroun pour la transposition des directives en matière fiscales et en matière de communications électronique.

Mais la transposition peut être l'oeuvre exclusive du gouvernement125, notamment en cas de transposition par arrêté ministériel126 par exemple, ou par tout autre acte juridique relevant du pouvoir règlementaire, c'est le cas par exemple des directives CEMAC relatives au système LMD, transposée par une circulaire du ministre de l'enseignement supérieur127.

Les structures administratives peuvent en outre être différentes mais impliquées dans la transposition des même directives, comme le montre l'exemple du Sénégal lors de la transposition des directives relatives aux finances publiques de 2009, qui a réuni au sein d'un

122 C'est le cas au Danemark pour la transposition des directives européennes. Voir BATTA (D.), Op.Cit. p. 8.

123 Voir respectivement les articles 14, 25 et 26 de la loi constitutionnelle n°96-06 du 18 janvier 1996.

124 La directive communautaire peut comporter à la fois des dispositions d'ordre législatif et d'autres d'ordre règlementaire, et donc en vertu de la séparation des pouvoirs et de la séparation du domaine de la loi et du règlement, consacré par la constitution camerounaise, le parlement ne sera compétent que pour les dispositions de nature législatives.

125 Nous entendons par gouvernement l'ensemble des organes du pouvoir exécutif (sens stricte). Voir CORNU Op. Cit. p.436.

126 C'est le cas de la directive n°01/00/UEAC-O64-CM-04 du 21 juillet 2000 relative à la surveillance multilatérale des politiques macro-économiques au sein de la CEMAC, transposée après 5 mois, à travers l'Arrêté n°11/PM du 11 décembre 2000 et portant création, organisation et fonctionnement d'une Cellule Nationale de Surveillance Multilatérale.

127 Voir Supinfos, n°6, décembre 2007, p.51.

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comité national de transposition128 des représentants du Sénat, de l'Assemblée nationale, des Services du Premier Ministère, du Secrétariat général de la Présidence de la République, du ministère chargé de l'éducation , du ministère chargé de la justice, des représentants de certaines directions générales de l'administration, des inspections de divers autres ministères, la liste n'est pas exhaustive.

Des structures administratives assez spéciales peuvent aussi être impliquées dans le processus de transposition, c'est par exemple le cas en France avec le Secrétariat général du gouvernement (SGG) et le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)129 chargés sous l'autorité du Premier ministre de la coordination interministérielle, dans le cadre de la mise en oeuvre générale du droit de l'Union en France130.

La transposition enfin, notamment au sein de l'UE, peut aussi être assurée dans les Etats membres au niveau fédéral et au niveau fédéré ou Länder comme c'est le cas en Allemagne ou encore en Autriche, et dans le cadre de certains Etats décentralisés par les régions ou toute autre collectivité territoriale décentralisée, comme c'est le cas en Italie ou en France131 ; elle peut aussi être le fait de partenaires sociaux, ce fut le cas en Belgique pour la transposition de la directive sur le comité d'entreprise européen132.

On le constate donc les Etats membres disposent d'une réelle liberté quant au choix des moyens ; toutefois, cette indépendance doit être relativisée, au regard des raisons qui modulent en pratique le choix des Etats membres.

Paragraphe II : UNE LIBERTE RELATIVE

Le libre choix du recours à une règle précise de droit interne est conditionné avant tout par la méthode de transposition (A) mais aussi par le respect de certaines exigences (B).

128 Voir l'arrêté du Ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances, portant création, organisation et fonctionnement du comité national de transposition des directives de l'UEMOA relatives au cadre harmonisé des finances publiques de 2009, République du Sénégal/ Ministère de l'économie et des finances, le 11 octobre 2010.

129 Le SGAE a remplacé le Secrétariat Général du Comité Interministériel autrefois chargé de la mise en oeuvre générale du droit de l'Union en France, par le Décret n°2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes, du Premier ministre.

130 SAURON (J-L.),Op.Cit. p.47.

131 Voir BATTA (D.), « Etude comparative sur la transposition du droit communautaire dans les Etats membres », Direction générale politique interne de l'Union/Département thématique C/Droits des citoyens et affaires constitutionnelles, commission des affaires juridiques du Parlement Européen, 2007, p.10-11.

132 Directive 94/45/CE du Conseil concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire JO L 254, 30.9.1994, pp. 64 -72. Ibid. p.16.

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A- La méthode de transposition

Il existe plusieurs méthodes de transposition, dont l'usage dépend largement de la directive, de son niveau de précision, et même des caractéristiques du système juridique national133. Ces méthodes peuvent notamment conditionner le choix de la norme interne de transposition comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.

En premier lieu, la transposition peut être « individuelle ou globale », la méthode individuelle voudrait que le contenu de la directive soit transposé par un seul texte interne, c'est la méthode la plus fréquente134. La seconde voudrait que plusieurs directives soient transposées dans un même texte juridique135.

Stricto sensu, le terme «transposition globale» désigne la transposition de plusieurs directives dans un seul instrument juridique, sans aucun lien nécessaire entre les thèmes des directives transposées, à l'exception d'un délai de transposition commun. Cette technique vise à éviter tout vide juridique dans le processus de transposition en veillant à ce que toutes les directives à transposer dans un délai donné soient formellement intégrées dans le droit national. Il va de soi qu'une transposition globale requiert pour être vraiment efficace, une règle à caractère général et impersonnel, comme la loi. Cette méthode est utilisée en Grèce et en Italie136.

En outre, la transposition peut se faire par « référence », ou par une reproduction de la directive en annexe de l'acte initial137. C'est une méthode qui ne peut être utilisée que si la directive est assez précise, et la norme nationale de transposition de niveau hiérarchique inférieure.

133 AUGROS (L.), « l'application des directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP de Lyon, juin 2004, p.37.

134 Cette méthode a été employée dans la transposition au Cameroun de la directive CEMAC relative à la TVA.

135 Cette méthode a été employée au Cameroun pour la transposition des directives CEMAC relatives aux télécommunications. Mais l'exemple type de la méthode globale est ici celui de l'Italie, avec sa loi communautaire baptisée « loi La Pergola » du 9 mars 1989, relative à la participation de l'Italie au processus d'élaboration des normes communautaires et sur la procédure d'exécution de ses obligations communautaires. La Loi La Pergola prévoit que chaque année avant le 31 janvier, le ministre en charge des questions européennes vérifie avec les administrations concernées, la conformité de l'ordre juridique interne aux normes communautaires, et soumet à l'approbation du Conseil des ministres un projet de loi portant adaptation de l'ordre juridique interne à l'ordre juridique communautaire : le projet de « loi communautaire ». Ce projet doit être déposé au Parlement avant le 31 mars de l'année en cours. Voir CARMELI (S.), « La réception du droit communautaire dans l'ordre juridique italien », in : Revue internationale de droit comparé, vol. 53 n°2, Avril-juin 2001, pp. 366-368.

136 BATTA (D.), Op.Cit. p.12.

137 AUGROS (L.), « l'application des directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP de Lyon, juin 2004, p. 36-37.

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Une autre méthode consiste en « la transposition détaillée » des directives communautaires, qui consiste à clarifier les ambiguïtés des directives communautaires, c'est une méthode utilisée par les pays qui possèdent déjà des normes sur le sujet concerné par la directive et qui n'ont alors qu'à compléter leur législation138.

Comme on le constate, le choix d'une méthode précise peut conditionner le choix d'une règle nationale, mais d'autres raisons assez déterminantes peuvent aussi être invoquées pour justifier du choix de telle ou telle mesure nationale d'exécution.

B- Le respect d'exigences essentielles

Plusieurs autres raisons conditionnent le choix d'une règle précise par les autorités nationales pour transposer une directive communautaire.

En premier lieu, les mesures nationales de transposition doivent avoir un caractère contraignant car « de simples pratiques administratives par nature modifiables au gré de l'administration et dépourvues d'une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable de l'obligation qui incombe aux Etats membres destinataires »139 ; ce qui impose donc de prime abord le choix d'un instrument normatif plutôt que de simples pratiques administratives modifiables au gré des autorités administratives. La règle nationale de transposition doit être à même de permettre à la directive de produire tous ses effets de telle sorte que les justiciables puissent s'en prévaloir en justice.

Les mesures nationales de transposition doivent aussi respecter la hiérarchie des normes. Il est alors nécessaire d'adopter pour la transposition des directives, des normes de la même valeur, dans la hiérarchie des normes nationales, que celles qui règlent habituellement ou règleraient la matière en droit national ; c'est « le principe du parallélisme des normes ». Si le secteur était régi par une loi, alors la directive devra être transposée par une loi.

138 Ibid.

139 CJCE Commission c/ Italie du 15 mars 1983, aff 145/82, Rec. p. 711.

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Le respect de la hiérarchie des normes conduit aussi inévitablement au respect du domaine de la loi et du règlement tel que prescrit par la règle constitutionnelle, c'est notamment le cas du Cameroun140.

En effet, la loi constitutionnelle n°96-06 du 18 janvier 1996, détermine en son article 26 le domaine de la loi et en son article 27 le domaine du règlement. Si le respect de la hiérarchie des normes peut laisser penser que le partage des domaines entre la loi et le règlement est sans pertinence dans le choix de la règle de transposition, ce n'est en aucun cas ce qui est, car cette séparation se révèle utile lorsque le secteur visé par la directive communautaire ne fait encore l'objet d'aucune règlementation dans le droit national. Ainsi, une directive communautaire portant règlementation d'un domaine non encore encadré par le droit interne camerounais, devra être transposée par une loi, conformément aux matières qu'elle couvre en vertu de la loi constitutionnelle, ou alors par un règlement si le secteur ne relève pas du domaine la loi.

Mais il peut arriver enfin, que les directives soient tellement précises et c'est le cas de plus en plus des directives européennes, qu'elles ne laissent aux Etats membres qu'une liberté d'application. C'est l'hypothèse d'une directive qui ne nécessite pour son exécution en droit camerounais qu'un décret d'application, comme c'est souvent le cas des lois ordinaires, limitant l'implication nationale à l'adoption de ce texte règlementaire, sans toute autre mesure d'adaptation du droit national.

Section II : ILLUSTRATION DE LA PRATIQUE CAMEROUNAISE DE

TRANSPOSITION

La transposition des directives communautaires est une liberté concédée aux Etats membres par la communauté. Elle est alors réalisée selon un processus exclusivement national, qui vise à rendre la législation nationale conforme à la règlementation communautaire, par le biais d'un texte national de transposition. C'est la raison pour laquelle il sera question dans cette section, de la transposition au Cameroun de quelques directives CEMAC (paragraphe I), dont on pourra déduire la substance même de la mécanique camerounaise de transposition (paragraphe II).

140 Ceci est surtout valable pour des Etats comme le Cameroun, ou la France, qui opère une séparation constitutionnelle du domaine de la loi et du règlement, or c'est une exigence inconnue par les Etats qui n'opèrent pas cette distinction.

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Paragraphe I : LA TRANSPOSITION DE QUELQUES DIRECTIVES CEMAC

La transposition consiste en l'adoption d'un texte national de transposition (A) qui doit être conforme à la directive communautaire (B), notamment pour que l'obligation de l'Etat membre soit satisfaite de manière complète.

A- L'adoption du texte national de transposition

Il sera question ici de la transposition de la directive n° 1/99-CEMAC-028-CM-03 portant harmonisation des Législations des Etats membres en matière de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et du Droit d'accises (A), et la transposition des directives CEMAC relatives aux télécommunications (B), toutes adoptées dans la période 1999-2009.

1- Le cas de la directive CEMAC de 1999, portant harmonisation des Législations des Etats membres en matière de TVA et du Droit d'accises

La directive CEMAC relative à la TVA et aux DA a fait l'objet au Cameroun d'une transposition anticipée comme dans deux autres pays de la CEMAC141. En effet la TVA a été instituée au Cameroun par la loi de finances 98/99 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1999, alors que la Directive CEMAC relative au même impôt existe seulement à partir 17 décembre 1999142. Il faut notamment entendre par transposition anticipée « l'existence de principes généraux de droit constitutionnel ou administratif » qui « peut rendre superflue la transposition [...] à condition toutefois que ces principes garantissent effectivement la pleine application de la directive par l'administration nationale [...] et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaitre la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s'en prévaloir devant les juridictions nationales »143. Seules certaines dispositions de la directive peuvent faire l'objet d'une transposition anticipée, il reste alors à l'Etat dans ce cas de se conformer aux autres dispositions du texte communautaire.

141 Le Congo a adopté sa loi sur la tva le 12 mai 1997, et le Gabon le 1er avril 1995. Quant aux trois autres pays, la Centrafrique adopte sa loi sur la tva le 1er janvier 2001, la Guinée Equatoriale transpose par la loi n°4/2004 du 28 octobre 2004 portant organisation du système fiscal, et le Tchad par sa loi des finances de 2000. Voir aussi BANGO (A.), « l'élaboration et la mise en oeuvre de la fiscalité dans les pays de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) », Université Jean Moulin Lyon 3/Ecole doctorale, 3 juillet 2009, p.150.

142 Voir TONGA (D.), « Recherche sur la conformité du droit national au droit communautaire de la CEMAC : le cas de la TVA », Université de Yaoundé II Soa, DEA, 2008 ; disponible sur http://www.memoireonline.com/08/08/1504/recherches-conformité-droitnational-droitcommunautaire1.html

143 CJCE, 23 mai 1985, Commission c/ Allemagne. Voir également SAURON (J-L.),Op.Cit. p.43-44.

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On constate alors, notamment au regard de la pratique des Etats membres de la CEMAC, que la transposition des directives relatives au domaine fiscal144 s'appuie sur la procédure législative ordinaire145.

La procédure législative ordinaire146 au Cameroun voudrait tout simplement, qu'une fois la directive adoptée par le Conseil des Ministres (CM), les délégués du Cameroun à la session du CM tiennent informées les autorités nationales et proposent à la hiérarchie l'adoption d'un texte au niveau national pour respecter les obligations qui découlent du traité CEMAC.

Le projet de loi des finances est alors préparé à la Direction Générale des Impôts (DGI), validé au cabinet du Ministre des finances, approuvé dans les services du Premier ministre et par la Présidence de la République. Il est ensuite déposé à l'Assemblée nationale, où il est défendu au nom du financement par le Ministre des finances jusqu'à son adoption en session plénière par les députés, suivi de la promulgation par le Président de la République.

Le choix d'une loi se justifie amplement, parce que conditionné par la séparation constitutionnelle du domaine de la loi et du règlement ; en effet, aux termes de l'article 26 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, ressortent entre autres du domaine de la loi, « la création des impôts et taxes et la détermination de l'assiette... ». Il peut aussi se justifier en outre par le principe d'équivalence, car le domaine était avant l'adoption de la directive, régi par une loi.

2- Le cas des directives relatives aux « communications électroniques »

Cinq directives CEMAC ont été adoptées le 19 décembre 2008 à Bangui par le CM dans le cadre des communications électroniques, mais trois ont été transposées en 2010 :

- La directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Régime du service universel dans le secteur des communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC,

144 Il s'agit de la directive n°02/01-UEAC-050-CM-06 portant révision de l'Acte 3/72-153-UDEAC du 22 décembre 1972 instituant l'impôt sur les sociétés et de la directive n°01/04-UEAC-177 U-CM-12 portant révision de l'Acte N° 3/77-UDEAC-177 instituant l'impôt unique sur le revenu des personnes physiques. Voir

l'entretien du 28 novembre 2011 avec M. TCHOUATA Ervice, chargé d'étude assistant à la Cellule des Relations Fiscales Internationales de la Direction Générale des Impôts/Yaoundé/Cameroun.

145 Ibid.

146 Ibid.

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- la directive n°07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Cadre juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de services de communications électroniques au sein de la CEMAC ;

- la directive n°08/08-UEAC-133-CM-18 relative à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services de communications électroniques dans les pays membres de la CEMAC.

Ces directives ont été transposées par la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun147. [a méthode de transposition a donc été ici globale. [a directive fixant le Régime du service universel dans le secteur des communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC est transposée par les articles 27 à 31, la directive fixant le Cadre juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de services de communications électroniques par les articles 51 à 54, et la directive relative à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services de communications électroniques par les articles 42 à 44.

[a transposition a été réalisée tout comme dans le cadre de la directive TVA par une loi ordinaire. Concernant la procédure, elle est passée alors par l'élaboration dans les services juridiques du Ministère des télécommunications en collaboration avec les services de l'Agence de Régulation des Télécommunications (ART)148, ensuite le projet de loi une fois validé et approuvé, a été soumis au parlement pour adoption, suivi de la promulgation par le Président de la République de la loi adoptée.

Le domaine était avant l'adoption des directives CEMAC régi par la loi du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun, le principe de l'équivalence ou du parallélisme des normes peut donc être invoqué ici pour justifier le choix des autorités camerounaises.

147 Entretien du 15 mars 2012 avec M. MOHAMADOU, Chef service de la législation et de la règlementation interne à la Direction des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale/Agence de Régulation des Télécommunications (ART)/Yaoundé/Cameroun.

148 Ibid.

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B- La conformité des textes nationaux de transposition aux directives communautaires

Serons examinées ici la conformité des dispositions de la loi des finances 98/99 aux objectifs de la directive TVA de la CEMAC (1), ainsi que la conformité des dispositions de la loi régissant les communications électroniques au Cameroun aux directives CEMAC sur les communications électroniques (2).

1- La conformité de la loi des finances 98/99 au droit CEMAC de la TVA

Sur la conformité de la loi des finances à la directive communautaire en matière de TVA, la nuance est de mise149. En effet, malgré une reprise fidèle des grands principes du droit communautaire de la TVA150, tendant presqu'à une transcription, que Geneviève Koubi définit comme « une introduction des normes communautaires en droit interne sans travail spécifique de reformulation »151, la législation camerounaise en matière de TVA est restée en marge du droit communautaire sur plusieurs points, qualifiés par certains d' « éléments d'originalité non conformes »152.

C'est la raison pour laquelle le Cameroun a par exemple par sa loi de finances de 2005 supprimé les exonérations de TVA sur le poisson congelé et le matériel informatique non prévues par la directive CEMAC en matière de TVA da 1999153. Le Cameroun n'est pas le seul à se conformer de manière progressive à la législation communautaire, en effet le Congo en 2003 a par exemple procédé par le biais de sa loi de finances, à la suppression de son taux réduit de 8% sur les produits de large consommation importés alors que ceux produits localement étaient exonérés de TVA, une discrimination qui violait le droit de la TVA communautaire154 ; il a aussi procédé à la modification de l'ancien article 7 de la loi sur la TVA de 1997, via la loi de finances de 2005, pour s'aligner sur la position de la directive TVA qui exonère de TVA les opérations liées au trafic international155.

149 TONGA (D.), Op.Cit.

150 Notamment en matière d'imposition. Voir TONGA (D.), Op.Cit.

151 G. KOUBI, « Transposition et/ou transcription des directives communautaires en droit national », Revue de la Recherche Juridique, 1995, n°2, p. 617, citée par TONGA (D.), Op.Cit.

152 Ibid.

153 BANGO (A.),Op.Cit. p.147.

154 Ibid. p.149.

155 Ibid. p.147.

52

En janvier 2004, le Gabon a par exemple en matière de TVA introduit un taux majoré de 25% au lieu de 18% pour les produits de luxe, avant d'adopter une posture conforme à travers une loi rectificative de celle de 2004156.

On le constate alors, la transposition de la directive communautaire en matière de TVA qu'elle soit anticipée ou ordinaire, s'est faite de manière assez progressive, à un rythme assez hétérogène au sein de la Communauté, ce qui ne sert pas l'effectivité uniforme de la norme communautaire ; mais on ne peut toutefois pas en être surpris lorsque l'on sait que la directive communautaire TVA et droit d'accises de 1999 ne prévoit pas de délai de transposition.

2- La conformité de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 aux directives CEMAC des communications électroniques

Trois directives CEMAC157 ont été transposées par la loi n°2010/013 du 21 décembre

2010 :

- La directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Régime du service universel dans le secteur des communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC ;

- la directive n°07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Cadre juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de services de communications électroniques au sein de la CEMAC ;

- la directive n°08/08-UEAC-133-CM-18 relative à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services de communications électroniques dans les pays membres de la CEMAC.

La conformité la loi camerounaise aux textes communautaires qu'elle transpose semble transparaitre au regard de ses dispositions, car celle-ci en effet, tout comme les lois congolaises158, a été fortement inspirée par les directives CEMAC159.

La loi camerounaise rejoint alors comme celles du Congo, les textes CEMAC, sur deux grands principes, la séparation des fonctions de réglementation et de régulation, et l'indépendance (autonomie financière et personnalité juridique) de l'autorité de régulation160.

156 Ibid. p. 149.

157 Ces directives sont adoptées le 19 décembre 2008 à Bangui, par le Conseil des Ministres de l'UEAC.

158 Le Congo a transposé les directives CEMAC en matière de communications électroniques par deux textes nationaux, la loi n°9 du 25 novembre 2009 portant réglementation du secteur des communications électroniques, et la loi n°11 du 25 novembre 2009, portant création de l'Agence de Régulation des Postes et des Communications Electroniques (ARPCE). Voir ENDOKE (J-C.), « harmonisation des réglementations des TICS en zone CEMAC (état des lieux) », ARPCE/Congo, 2011, p.7.

159 Voir ENDOKE (J-C.), Op.Cit. p.7.

53

Plus spécifiquement, en ce qui concerne la directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Régime du service universel, la conformité de la loi camerounaise se relève par exemple au niveau de l'article 27 qui reprend de manière plus précise et plus détaillée l'article 3 de la directive communautaire relative au contenu du service universel. Au niveau de la directive fixant le cadre juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de services de communications électroniques, on peut relever par exemple la conformité sur le point du contrat des consommateurs, notamment au regard des articles 51 et 52 de la loi camerounaise par rapport à l'article 9 de la directive CEMAC. Concernant enfin la directive relative à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services de communications électroniques, l'article 41 al1 de la loi camerounaise s'aligne clairement sur la position de l'article 3 al 3 de la directive communautaire en ce qui concerne par exemple le refus d'une demande d'interconnexion qui doit être justifiée ou motivée.

La loi camerounaise sur les communications électroniques a donc transposé assez justement les dispositions des directives CEMAC161, toutefois, on peut relever que le loi camerounaise se démarque de la directive relative au service universel162, sur l'aspect du fonds de financement du service universel qui dispose à son article 13 que « le fonds de financement du service universel sera géré, dans chaque Etat membre, par l'Autorité Nationale de Régulation sur la base des programmes prioritaires arrêtés par les pouvoirs publics qui assureront la supervision ». Contrairement à cette directive, la loi nationale de 2010 dispose en son article 34 (4), que les ressources du fonds spécial de télécommunication sont recouvrés par l'ART, cependant, c'est le ministre chargé de télécommunications qui est l'ordonnateur des dépenses engagées sur le fonds. Une posture qui n'est notamment pas exclusive au Cameroun, car le Congo aussi a légiféré dans ce sens163.

Il est à noter enfin que le Cameroun n'a pas respecté les délais imposés par les directives sur les communications électroniques, qui prévoyaient un an pour leur transposition.

160 Ibid.

161 MOHAMADOU (D.), « Etude comparative des textes final », Agence de Régulation des Télécommunication (ART)/Yaoundé, Cameroun 2010.

162 Ibid.

163 Voir ENDOKE (J-C.), Op.Cit. p.8.

54

Paragraphe II : LA PRATIQUE CAMEROUNAISE DE TRANSPOSITION, UNE MECANIQUE SIMPLIFIEE

On peut le constater au vu de ce qui précède, le Cameroun a fait le choix d'une pratique de transposition élémentaire, car la mécanique camerounaise s'appuie sur des bases juridiques et une procédure (A) qui consacrent une structuration organique peu complexe (B).

A- Bases juridiques de la mécanique camerounaise

Les bases juridiques renvoient ici aux différents textes nationaux qui de manière générale ou spécifique instituent les organes compétents et la procédure de transposition. Dans le cas précis du Cameroun, les textes répertoriés semblent relever, plus d'une approche générale de mise en oeuvre des normes internationales, que d'une approche spécifique à l'exercice de transposition des directives CEMAC.

Dans le cas des directives CEMAC en matière fiscale, la compétence des services de la DGI se fondait sur le Décret présidentiel n° 98/217 du 09 septembre 1998 portant organisation du Ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI). Ce texte institue une Direction Générale des Impôts chargée « de l'élaboration des textes législatifs et réglementaires en matière d'impôts directs et indirects », elle comprend en son sein une Division de la législation et des relations fiscales internationales (qui élabore, en liaison avec les départements ministériels compétents, les textes législatifs et réglementaires en matière d'impôts directs et indirects), qui dispose à son tour de deux cellules : la Cellule de la législation, et la Cellule des relations fiscale internationales.

En ce qui concerne les directives relatives aux communications électroniques, les compétences du MINPOSTEL, de ses services ainsi que de l'ART, reposent sur :

- la Loi n° 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun modifiée et complétée par la Loi n° 2005-013 du 29 décembre 2005 ;

- le Décret présidentiel n° 98/197 du 8 septembre 1998 portant organisation et fonctionnement de l'Agence de Régulation des Télécommunications ;

- le Décret présidentiel n° 2005/124 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère des Postes et Télécommunications ;

55

Selon l'article 8 al a de la loi n° 98/014, la législation et la réglementation en matière de télécommunications sont du domaine exclusif de l'Etat, et l'administration chargée des télécommunications164 veille à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une politique sectorielle des télécommunications165. L'ART veille à l'application des textes législatifs et réglementaires sur les télécommunications166. Par ailleurs, la Direction de la réglementation du secteur des télécommunications du MINPOSTEL est chargée « de la mise en oeuvre et de l'évaluation de la réglementation, en liaison avec l'Agence de Régulation des Télécommunications, de la mise en oeuvre de la réglementation internationale des télécommunications... »167

Comme on le constate, ces textes consacrent une compétence des administrations concernées en matière d'élaboration et d'application des règles, tant nationales qu'internationales, dans leur domaine respectif, mais ne portent aucune disposition spécifique en matière de transposition des directives CEMAC. Aucun autre texte camerounais ne définit par ailleurs une procédure nationale de transposition des directives CEMAC. Le Cameroun n'a donc pas fait le choix d'une réglementation spéciale pour la mise en oeuvre des directives, comme c'est par exemple le cas en France.

En effet, en ce qui concerne une réglementation spécifique à la procédure nationale de transposition des directives communautaires, le cas de la France est assez exemplaire.

La méthode de transposition des directives communautaires est déterminée en France par la Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes. Ce texte définit une procédure de transposition qui repose sur trois piliers :

- En premier lieu, l'impact de l'acte en préparation sur le droit interne doit être apprécié le plus en amont possible. C'est l'étude d'impact juridique168.

164 La loi n° 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun, définit l'administration chargée des télécommunications comme le Ministère ou le Ministre selon le cas, investi, pour le compte du gouvernement, d'une compétence générale sur le secteur des télécommunications (article 3 al 1).

165 Article 21 al 1de la loi n° 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun.

166 Article 22 al 2 de la loi n° 98/014 et article 3 al 1 du décret présidentiel n° 98/197 du 8 septembre 1998 portant organisation et fonctionnement de l'Agence de Régulation des Télécommunications.

167 Article 37 al 1 du Décret présidentiel n° 2005/124 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère des Postes et Télécommunications.

168 Voir l'annexe I de la circulaire du 27 novembre 2004, Op. Cit.

56

- Dans un deuxième temps, un effort de programmation doit prolonger le travail ainsi accompli en amont de l'adoption de l'acte par les institutions européennes.

- Enfin, c'est la constitution d'un réseau interministériel de correspondants de la transposition. Les ministères concernés indiquent dans les meilleurs délais au secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) les coordonnées de deux correspondants en charge de la transposition169. Le contrôle du respect de ces trois axes est notamment assuré par le SGCI, depuis 1986170.

La transposition des directives communautaires en France s'appuie également sur le Décret n° 2005-1283 du Premier ministre, 17 octobre 2005, relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes, J O R F du 18 octobre 2005. Ce texte remplace notamment le SGCI 2005 par SGAE171 qui assure en liaison avec le secrétariat général du Gouvernement, le suivi interministériel de la transposition des directives et des décisions-cadres172. Le SGAE établit à cet effet une base de données régulièrement actualisée, sur l'ensemble des directives à transposer, pour suivre le respect par les départements ministériels du calendrier de transposition173. Il participe aussi aux réunions régulièrement organisées par le secrétariat général du gouvernement (SGG), en présence des directeurs de cabinets des ministères, pour dresser un programme de travail, afin de focaliser leur attention sur les échéances et les difficultés en matière de transposition174.

La transposition des directives en France se fonde enfin sur la Circulaire du 21 juin 2010 relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen, J O R F du 22 juin 2010, qui consacre le contrôle du Parlement français sur le processus de transposition175.

169 Voir l'annexe II de la circulaire du 27 novembre 2004, Op. Cit.

170 Ce mécanisme centralisé de suivi de la transposition des directives communautaires est créé dans le souci de mettre fin en un dépassement de plus en plus fréquent des délais qui avait conduit à un développement non négligeable, des procédures précontentieuses et contentieuses de la Commission contre la France. Voir SAURON Op. Cit. p.47.

171 Décret n° 2005-1283 du Premier ministre, 17 octobre 2005, relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes, J O R F du 18 octobre 2005.

172 Voir article 2 al 2 du Décret du 17 octobre 2005, Op. Cit.

173 SAURON Op. Cit. p.50.

174 Ibid.

175 Voir annexe III de la Circulaire du 21 juin 2010 relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen, J O R F du 22 juin 2010.

57

B- La structuration organique de la mécanique camerounaise

La pratique camerounaise telle que illustrée plus haut et les textes susmentionnés, montrent clairement la simplicité de la structuration organique de la mécanique camerounaise de transposition.

En effet, très peu d'organes administratifs nationaux s'impliquent dans le processus national de transposition. Les textes le stipulent, seuls les ministères concernés se chargent indépendamment et exclusivement de la mise en oeuvre de la législation internationale relative à leur secteur d'activités, et par conséquent des directives CEMAC.

En l'occurrence, les directives CEMAC en matière fiscale ont été transposées par le Ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI)176, précisément par la Direction Générale des Impôts/Division de la législation et des relations fiscales internationales/Cellule des relations fiscales internationales, tandis que les directives relatives aux communications électroniques ont été mises en oeuvre par le Ministère des Postes et Télécommunications/Direction de la règlementation du secteurs des télécommunication/Sous-direction de la réglementation des télécommunications177 et l'Agence de Régulation des Télécommunications/Direction des affaires juridiques et de la coopération internationale/Service de la législation et de la règlementation interne.

Ces différents départements ministériels ne reçoivent la supervision, ni le contrôle d'aucune autre autorité administrative nationale, ni même du Ministère de l'Economie de la Planification et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT) qui est en charge au Cameroun des questions d'intégration, ou même du Ministère en charge des Relations Extérieures (MINREX). Les administrations concernées par l'application d'une ou plusieurs directives, sont alors les seuls acteurs de la procédure déployée pour transposer. L'intervention du Parlement national et même des services de la Présidence de la République, relève alors ici, plus de la procédure ordinaire d'élaboration et d'adoption des lois nationales, que d'une procédure nationale spécifique de transposition des directives CEMAC.

176 Le Ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI), devient le Ministère des Finances (MINFI), par le Décret n°2007/268 du 7 septembre 2007 portant organisation du gouvernement.

177 Entretien du 27 décembre 2011 avec M. ETITANE, Inspecteur Principal des télécommunications Hors Echelle, en service à la sous-direction de la réglementation des télécommunications du MINPOSTEL.

58

C'est une réalité assez différente du cas de la France, qui s'appuie par exemple sur une organisation administrative spéciale et très centralisée en matière d'application des normes européennes178. Le Secrétariat Général des Affaires Européennes (SGAE) supervise, coordonne et contrôle, en liaison avec le Secrétariat Général du Gouvernement (SGG), la mise en oeuvre de la règlementation européenne par les départements administratifs concernés. On note par ailleurs, l'implication du Parlement français179 qui exerce un contrôle, car il est fait obligation à l'administration de transmettre aux assemblées les fiches d'impact simplifiées ; ainsi que la participation du Conseil d'Etat (notamment ses sections administratives) qui reçoit les textes les plus importants, lois et ordonnances (avant leur inscription au Conseil des ministres) et environ la moitié des décrets réglementaires avant leur publication180.

En Belgique par exemple181, Les départements ministériels concernés procèdent aux transpositions. Au niveau du ministère fédéral des affaires étrangères, un département en charge de l'Europe coordonne l'ensemble du processus de transposition. Ce département gère un réseau d'«euro-coordinateurs» (aux niveaux fédéral et régional). Pour chaque directive, un «gestionnaire de processus» est responsable du processus aux niveaux fédéral et régional. Par ailleurs, en Belgique, un secrétaire d'État (membre du gouvernement fédéral) chargé des affaires européennes a pour principale mission de superviser le processus de transposition et, au besoin, d'insuffler l'élan requis à tous les acteurs concernés.

La mécanique camerounaise de transposition contrairement à celle française ou belge, présente alors une structuration organique plutôt simple, seuls les départements ministériels concernés interviennent, sans un contrôle, sans une supervision d'une autre autorité nationale supérieure.

Le Cameroun, on le constate, a donc opté pour une mécanique simplifiée en matière de transposition des directives, un choix qui semble se justifier au regard du faible degré d'utilisation des directives par le législateur CEMAC.

178 SAURON Op. Cit. p. 47.

179 Voir l'annexe III de la Circulaire du 21 juin 2010 relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen, J O R F du 22 juin 2010. En Allemagne aussi par exemple, le Parlement détient un pouvoir de contrôle en matière de transposition, conformément à l'article 23, paragraphes 2 et 3, de la Loi fondamentale et détaillée par la «Loi relative à la coopération entre le gouvernement fédéral et le Bundestag allemand dans les matières concernant l'Union européenne» du 12 mars 1993 et un protocole additionnel du 28 septembre 2006 sur le même sujet. Voir BATTA (D.), Op.Cit. p. 33.

180 Ibid. p. 54.

181 BATTA (D.), Op.Cit. p. 26.

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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Le Cameroun du fait de son adhésion au Traité CEMAC, s'est engagé à satisfaire une pluralité d'exigences nécessaires à la réalisation et à la satisfaction des intérêts communs des Etats membres de la Communauté. Parmi ces obligations inhérentes à la qualité d'Etat membre, on retrouve notamment le devoir de mettre en oeuvre efficacement le droit produit par la Communauté. Mais si l'exécution des textes communautaires primaires, constituant le droit communautaire originaire ne souffre d'aucune difficulté, il n'en va pas de même du droit communautaire dérivé, qui du fait de son hétérogénéité, draine à la fois des règles à exécution automatique comme le règlement et des règles à application problématique comme la directive.

La directive communautaire est alors un « acte de droit dérivé qui ne peut déployer pleinement ses effets dans l'ordre juridique d'un Etat qu'au moyen de normes de droit interne182 », c'est donc dire que du fait de sa nature originale, la force juridique et de pénétration de l'ordre juridique national de la directive communautaire est indissociable de l'intervention des règles et des autorités de droit national. Cette intervention c'est l'obligation de transposition dont les Etats membres sont débiteurs envers la communauté. Elle est satisfaite à travers un mécanisme précis dont l'effectivité ne fait plus aucun doute au Cameroun, à en juger par la mise en oeuvre de la directive CEMAC TVA de 1999 et des directives CEMAC relatives aux communications électroniques de 2008.

L'on doit toutefois remarquer, que la mécanique camerounaise de transposition ne repose pas sur une configuration spéciale, mais sur une structuration juridique et organique trop simple au regard de la spécificité de l'exercice de transposition, ce qui peut entrainer à long terme des risques majeurs pour la qualité de l'harmonisation des législations nationales en zone CEMAC. L'intervention des Etats membres doit alors être contrôlée, car l'expérience de ces dernières années révèle que si les gouvernements adhèrent à l'idée d'intégration régionale, ce sont les mêmes entre autre, qui sèment les obstacles au moment d'appliquer les textes communautaires183, rendant ainsi l'exercice assez complexe.

182 B. Genevois, « Le Conseil constitutionnel et la primauté du droit communautaire », RFDA, 2005, (2), p. 240, cité par Catherine Bergeal, éditorial, in Courrier juridique des finances et de l'industrie, La documentation Française, juillet-août 2008, n°52.

183 TATY (G.), Op. Cit.

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DEUXIEME PARTIE : LA TRANSPOSITION

DES DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES, UN

EXERCICE COMPLEXE

61

De la qualité de la transposition en droit interne des directives, dépend la sécurité des situations juridiques désormais régies par la compétence de la communauté. Le respect de leur obligation de transposition par les Etats membres, c'est alors la garantie de l'effectivité en droit interne des droits que tirent les justiciables des directives communautaires. Mais le travail de transposition peut se révéler être en pratique un exercice assez complexe (chapitre III). En effet, les Etats membres sont soumis à une pluralité d'exigences, et il est important de s'assurer que ces derniers respectent effectivement les obligations que leur impose la transposition. Les contraintes ne sont toutefois pas insurmontables, car des réformes récentes au sein de la CEMAC, et l'exemple de la pratique au sein de l'UE par exemple, montre que des solutions existent et permettront sans aucun doute, d'améliorer la procédure de transposition (chapitre IV) au sein des Etats membres, et de ce fait l'application du droit communautaire en zone CEMAC.

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Chapitre III : LES CONTRAINTES DE L'EXERCICE

Les contraintes majeures du mécanisme de transposition en zone CEMAC sont à la fois d'ordre extra-juridictionnel (section I) et d'ordre juridictionnel (section II).

Section I : LES CONTRAINTES D'ORDRE EXTRA-JURIDICTIONNEL

Les contraintes extra-juridictionnelles qui entourent la mécanique de transposition tiennent ici avant tout au fait de l'Etat membre (paragraphe I) mais d'autres non négligeables, restent externes à la mécanique nationale de transposition (paragraphe II).

Paragraphe I : LES CONTRAINTES INTERNES AUX ETATS MEMBRES

Les difficultés rencontrées au niveau national sont politiques et administratives (A) mais aussi techniques (B).

A- Les contraintes politiques et administratives

Sur le plan politique, la grande difficulté reste avant tout la faible volonté184 des Etats membres. Ce fait récurent et désormais incontesté du processus d'intégration en Afrique Centrale, influence grandement la capacité d'action des autorités nationales. La mobilisation ou la célérité sur certaines transpositions est en liaison directe avec l'intérêt que lui portent les autorités politiques de l'Etat membre. Dès lors les Etats membres apparaissent moins conséquents ou moins prompts dans la mise en oeuvre des principes ou des engagements souscrits au plan de l'Union.

Il peut aussi arriver que les contraintes surviennent de la situation politique de l'Etat membre. En effet, une opposition majoritaire au Parlement national peut obliger l'exécutif à se tourner vers une transposition par voie d'acte règlementaire plutôt que par voie législative185.

Sur le plan administratif, les difficultés tiennent à la participation ou non des administrations concernées à la négociation et à l'exécution de la norme communautaire. Il est frappant de constater que les difficultés surgissent au stade de la transposition soit parce que

184 C'est aussi le cas au sein de l'UEMOA, voir DETCHENOU (Y.), Op.Cit.

185 Ibid.

63

certaines administrations, directement ou indirectement concernées, n'ont pas suffisamment participé à la négociation de la directive, soit parce que les administrations qui ont suivi la négociation n'ont pas elles-mêmes assez étudié les implications en droit interne des textes adoptés au plan communautaire186. A cela peuvent s'ajouter les lenteurs administratives liées la plupart du temps aux principes régissant le fonctionnement de l'administration.

On peut aussi relever au plan des difficultés administratives, l'insuffisante formation des fonctionnaires sur les questions de droit communautaire. Les fonctionnaires des Etats membres ne sont, le plus souvent, pas suffisamment sensibilisés aux nécessités qui découlent des obligations communautaires, faute d'une formation suffisante en la matière ou d'une volonté politique constante.

B- Les contraintes techniques

Les difficultés d'ordre technique sont assez variées, elles peuvent survenir de la procédure nationale de transposition. En effet, si celle-ci repose sur la procédure nationale classique d'élaboration et d'adoption des lois et règlements, comme c'est le cas au Cameroun, on peut s'attendre à ce que les faiblesses de la méthode nationale entachent la procédure nationale de transposition.

Il peut aussi s'agir de la technique de rédaction juridique187. Des difficultés peuvent découler du recours à certaines techniques de rédaction juridique, dans la mesure où il n'est pas toujours évident pour les autorités nationales d'évaluer la marge de manoeuvre dont ils disposent au regard de la précision des termes de la norme communautaire.

Les difficultés peuvent être le fait également de l'insuffisante formation des fonctionnaires sur les questions de droit communautaire.

La mauvaise planification aussi est une source de contraintes. C'est l'une des premières causes des retards dans la transposition des Directives. Elle procède de la mauvaise organisation des administrations188, de la mauvaise gestion du temps, de la mauvaise pratique

186 Ibid.

187 BATTA (D.), Op.Cit. p.21.

188 La transposition de la règlementation communautaire est une de ces exigences de l'ordre juridique communautaire qui demande une adaptation de l'Etat membre jusque dans ses pratiques administratives, et il peut arriver que ce dernier y éprouve des difficultés.

64

de certains outils et instruments de travail ; mais surtout de l'absence d'une méthode précise et rigoureuse en matière de mise en oeuvre du droit communautaire.

La procédure de transposition peut aussi impliquer un certain coup financier, humain et matériel, notamment en fonction du nombre de directives à mettre en oeuvre, une réalité qui peut n'avoir pas été prise justement en compte dans le budget de l'Etat ou des départements administratifs compétents.

Il peut s'agir de difficultés de linguistique juridique, de traduction des textes communautaires, dans la mesure où le français domine les débats, dans une communauté multilingue189.

Dans le cas spécifique des directives enfin, il n'est pas exclu aussi que la primauté et l'effet direct qui caractérisent le droit communautaire en général, soient un leurre qui rend inutile, aux yeux de fonctionnaires nationaux peu avisés, un exercice dont ils ne maitrisent pas les principes.

Paragraphe II : LES CONTRAINTES EXTERNES AUX ETATS MEMBRES

Ces contraintes peuvent être le fait de « la concurrence des droits communautaires dans l'espace CEMAC »190 (A) mais elles tiennent surtout à l'absence d'un réel concours de la Commission de la CEMAC (B).

A- La pluralité des droits communautaires dans l'espace CEMAC

Le phénomène de « chevauchement institutionnel » peut être présenté comme l'un des traits marquants de l'intégration régionale en Afrique, et la sous-région Afrique Centrale ne fait pas exception.

En effet, deux entités institutionnelles, aux objectifs presque identiques, jalonnent le paysage de l'intégration régionale en Afrique Centrale ; il s'agit de la Communauté

189 La difficulté de transposition peut être assez relevée pour un Etat comme la Guinée Equatoriale de langue espagnole, ou pour le Tchad où une grande partie de la population parle la langue arabe. Le Traité CEMAC révisé reconnait notamment 4 langues officielles, le français l'espagnole l'arabe et l'anglais (article 64).

190 MOUANGUE KOBILA (J.), « les nouvelles dynamiques de l'intégration en Afrique », Colloque organisé sur L'Afrique indépendante dans le système international à l'Institut de France à Paris les 15 et 16 octobre 2010 par l'Association des internationalistes et le Secrétariat général (français) à la Commémoration du Cinquantenaire des indépendances africaines, p. 1.

65

Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC)191 et de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).

Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du Traité constitutif de la CEEAC, « le but de la Communauté est de promouvoir et de renforcer une coopération harmonieuse et un développement équilibré et auto-entretenu dans tous les domaines de l'activité économique et sociale, en particulier dans les domaines de l'industrie, des transports et communications, de l'énergie, de l'agriculture, des ressources naturelles...en vue de réaliser l'autonomie collective, d'élever le niveau de vie des populations...de renforcer les étroites relations pacifiques entre les Etats membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain ».

L'article 2 du Traité révisé de la CEMAC assigne quant à lui à cette Communauté la mission « de promouvoir la paix et le développement harmonieux des Etats membres dans le cadre de l'institution de deux unions : une Union économique et une Union monétaire. Dans chacun de ces deux domaines, les Etats membres entendent passer d'une situation de coopération, qui existe déjà entre eux, à une situation d'Union, susceptible de parachever le processus d'intégration économique et monétaire ». En outre, la Convention régissant l'UEAC révisée le 25 juin 2008 place au rang de ses politiques communes192, les politiques économiques des Etats membres, la fiscalité et le marché commun ; et au rang de ses politiques sectorielles193, l'enseignement, la recherche, la formation professionnelle, la santé, le transport, les télécommunications, l'agriculture et la pêche, la liste n'est pas exhaustive.

Il découle alors de ce dédoublement du processus d'intégration, une duplication, une prolifération de deux sortes de normes communautaires194 qui visent toutes à régir les mêmes domaines ; une hypertrophie qui complexifie de manière non négligeable l'application des règles communautaires par les administrations nationales.

191 Le Traité instituant la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (C.E.E.A.C.) a été signé à Libreville le 20 octobre 1983. Il est entré en vigueur le 18 décembre 1984.

192 Article 11et suivants.

193 Article 29 et suivants.

194 Les normes CEEAC et les normes CEMAC.

66

B- Le concours inexistant de la Commission de la CEMAC

Le concours de la Commission de la CEMAC comporte deux aspects, celui de son soutien à la mise en oeuvre du droit de la Communauté (1), et celui de son contrôle sur l'application des normes communautaires par les Etats membres(2).

1- En matière de soutien à l'application des normes communautaires195

Sur le point du soutien à la mise en oeuvre du droit communautaire, on peut remarquer l'insuffisante diffusion des normes communautaires, car même si les gouvernements des Etats membres sont les destinataires légitimes de ces normes, il est nécessaire au stade de leur application, d'associer les acteurs non-étatiques (société civile, secteur privé, les Barreaux, etc.).

En outre, la Commission de la CEMAC n'a pas mis en place de dispositif d'accompagnement des Etats membres pour l'application des normes communautaires. Il semble pourtant utile, pour la transposition des directives par exemple, que la Commission puisse soutenir même matériellement ou financièrement les Etats membres. Une plus grande implication de la Commission à ce stade permettrait d'anticiper d'éventuels manquements, et faciliterait le contrôle de la transposition des directives.

La Commission doit établir un véritable dispositif de dialogue entre elle et les Etats membres, afin de palier au mieux les faiblesses des administrations nationales en matière d'application du droit communautaire.

Dans le cadre par exemple de la transposition des directives UEMOA relatives aux marchés publics, adoptées le 09 décembre 2005 par le CM, la Commission de l'UEMOA s'est faite accompagner d'un Observatoire Régional des Marchés Publics (ORMP) dont les missions étaient la surveillance multilatérale et le pilotage du Projet de Réforme des Marchés Publics dans l'espace UEMOA. Plusieurs réunions ont été mises en oeuvre, et ont permis à la Commission de suivre efficacement l'exécution des directives par les Etats membres.

La Commission européenne dispose par exemple de la directive notification 83/189/CEE du 28 mars 1983 et codifiée par la directive 98/34/CE du 22 juin 1998. C'est une directive qui oblige les Etats membres à notifier à la Commission les réglementations

195 C'est également le cas au sein de l'UEMOA, voir DETCHENOU (Y.), Op.Cit

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nationales contenant des règles techniques à l'état de projet, c'est un véritable instrument de dialogue entre la Commission européenne et les Etats membres.

2- En matière de contrôle de l'application des normes communautaires

Sur l'aspect du contrôle, aucune disposition du Traité CEMAC du 16 mars 1994 ne prédisposait le Secrétariat exécutif (S.E) à une mission de contrôle sur la mise en oeuvre du droit CEMAC dans les Etats membres. Selon les dispositions de l'article 17, il était chargé de l'animation de l'UEAC. Difficile alors de voir dans cette formule du « législateur communautaire » un quelconque pouvoir de contrôle sur la mise en oeuvre conforme du droit CEMAC par les Etats membres. C'est sans doute pour palier en partie cette insuffisance, que le Comité Inter-Etats réuni à Malabo en juin 2005, avait recommandé l'institution d'un régime juridique de sanctions au sein de la Communauté196.

Le S.E est remplacé en 2007 par la Commission, mais il faut attendre les réformes institutionnelles de 2008, avec comme point majeur la révision du traité CEMAC et des conventions subséquentes, pour entrevoir des changements positifs.

Le Traité CEMAC révisé du 25 juin 2008 institue un régime de sanction en son article 4 al 2197 et définit des missions précises et claires pour la Commission de la CEMAC, elle « assure la mission de gardienne des Traités de la CEMAC »198, elle « veille au respect et à l'application, par les Etats membres ou leurs ressortissants, des dispositions du présent Traité et des Actes pris par les organes de la Communauté »199, ainsi qu'« à la mise en oeuvre du présent Traité, des conventions et des décisions de la Communauté. Elle veille également à la réalisation des objectifs en matière d'intégration »200. Ces missions rapprochent plus que jamais la commission de la CEMAC de la Commission européenne201, notamment en matière de contrôle de l'application du droit communautaire. C'est la raison pour laquelle en l'absence de faits empiriques témoignant de l'exercice de son contrôle par la Commission de

196 Rapport du comité inter Etat du 25 juin 2005 à Malabo en Guinée Equatoriale.

197 « En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des textes spécifiques. »

198 Article 34 al 2 du traité CEMAC révisé.

199 Article 35 al 6 Op. Cit.

200 Article 35 al 11 Op. Cit.

201 Les missions de la commission européenne sont définies à l'article 211 du TCE.

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la CEMAC202, nous nous inspirerons des faits de la commission européenne pour présenter la substance de ce contrôle.

Concrètement, la Commission européenne publie chaque année un rapport sur l'application du droit communautaire établissant la liste des manquements à leurs obligations imputables aux Etats membres, tenus de lui notifier par voie électronique les textes pris pour la transposition en droit interne des directives. Ce rapport est présenté au Parlement européen.

L'action de contrôle de la commission européenne en matière de mise en oeuvre des directives communautaires par les Etats membres est axée sur trois secteurs : la communication des mesures nationales d'exécution (MNE), la mauvaise application des directives, et la conformité des MNE203, avec près de 80% de son effort de contrôle sur la communication des MNE204.

Le contrôle se manifeste à travers des opérations périodiques de mise en demeure au caractère systématique et exhaustif (tous les secteurs du marché commun sont concernés), avec entre autre une périodicité très serrée (elles se tiennent tous les deux mois)205. La Commission peut alors après une mise en demeure206, et après un avis motivé contre une possible infraction207 qu'elle aura elle même constatée ou qui lui aura été signalée par un Etat membre, et en cas de persistance de l'infraction, conduire une action en justice contre l'Etat fautif devant la CJCE208. La Commission a en outre la possibilité de saisir directement la CJCE lorsqu'elle

202 La Commission de la CEMAC est pour l'instant dans l'impossibilité d'agir, dans la mesure où le Traité CEMAC révisé et les conventions subséquentes ne sont pas encore entrés en vigueur. Il faut notamment que tous les instruments de ratification des Etats membres soient au préalable déposés au près du Tchad (article 66 du Traité révisé). Le Cameroun a déjà ratifié le Traité CEMAC révisé et les conventions subséquentes, en vertu de la Loi N° 2011/016 du 15 juillet 2011 autorisant le Président de la République à ratifier le traité révisé de la CEMAC et les conventions s'y rapportant, et par décret n° 2011-239 en date du 9 août 2011.

203 Voir le Livre blanc sur la gouvernance européenne, « rapport sur l'application du droit communautaire par les Etats membres et sur le contrôle de celle-ci par la commission, contenant des recommandations en vue de les améliorer du point de vue de la gouvernance démocratique européenne », Commission européenne/Secrétariat général, Bruxelles, 25 juin 2001, p. 93.

204 Ibid. p.95.

205 Ibid.

206 A titre indicatif en 2001, 1050 lettres de mise en demeure ont été envoyées, contre 569 motivés et la Cour a été saisie « seulement » 162 fois. Il faut souligner que ces chiffres sont en constante augmentation d'une année à l'autre. Ils sont passés de 2 356 en 2002 à 2 709 en 2003. Voir MUNOZ (R.), «Le contrôle de l'application du droit communautaire nécessité d'améliorer les outils actuels et obligation d'en proposer de nouveaux », Université de Liège/Institut d'Etudes Juridiques Européennes, 2007, p.10.

207 Concernant les infractions, Le nombre de dossiers d'infractions en cours en 2001(tous secteurs confondus) s'élevait à 3360 et en 2002 à 3541. Evidemment l'ensemble de ces cas ne donne pas lieu à la saisine de la Cour de Justice. Ibid.

208 Voir les articles 226 et 227 du TCE.

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l'estime nécessaire, par dérogation aux articles 226 et 227209, qui instaurent la procédure normale de saisine de la CJCE contre tout manquement d'un Etat. Ce contrôle de la Commission est mené notamment dans le cadre de la procédure du recours en manquement, c'est le contrôle « ex-post »210.

La commission européenne dispose aussi d'un contrôle « ex-ante »211, instauré par la directive notification 83/189/CEE du 28 mars 1983 et codifié par la directive 98/34/CE du 22 juin 1998. C'est une directive qui oblige les Etats membres à notifier à la Commission les réglementations nationales contenant des règles techniques à l'état de projet. Cet instrument vise donc à instaurer un dialogue entre la Commission et les Etats membres mais également entre les Etats membres entre eux afin d'éviter de futures violations du droit communautaire.

Au regard de ce qui précède, il semble alors assez logique de penser que les actions à venir de la commission de la CEMAC iront dans le même sens que celles de la commission européenne, notamment en matière de contrôle de l'exécution des directives.

Le contrôle de la commission de la CEMAC doit donc être mis en oeuvre de manière effective et efficace, dans la mesure où lui seul peut induire une implication déterminante de la CJC, et par ricochet réduire les contraintes juridictionnelles de l'application du droit communautaire en zone CEMAC.

Section II : LA FAIBLE JURIDICTIONNALISATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Le contrôle juridictionnel de la transposition des directives communautaires est hautement tributaire de la judiciarisation du droit CEMAC, qui est « le mode principal ou privilégié d'appropriation du droit communautaire »212. En effet, « Les règles étant formées, on peut dire qu'il ne reste plus qu'à les traduire en forme juridictionnelle lorsque les conflits s'élèvent »213. Mais cette opération rencontre quelques difficultés en zone CEMAC, tant au niveau du juge communautaire (paragraphe I) qu'au niveau du juge national (paragraphe II),

209 Voir les articles 88 (2), 95 (9), et 298 al 2.

210 MUNOZ (R.), Op. Cit, p.10.

211 Ibid. p.7.

212 DJEDJRO MELEDJE (F.), « l'appropriation des normes communautaires par les milieux universitaires et le monde judiciaire », Cour de justice de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, Dakar, Troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, mai 2010, p.4.

213 Ibid.

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faisant ainsi obstacle à un développement efficace de la mécanique de transposition en zone

CEMAC.

Paragraphe I : LES CONTRAINTES AU NIVEAU DE LA CJC

Si l'exemple de la CJCE au sein de l'UE démontre à souhait le rôle déterminant de la juridiction communautaire, dans l'évolution de l'exercice de transposition des directives, la CJC quant à elle n'a pas encore eu l'occasion de définir de manière déterminante, les principes directeurs de la transposition en zone CEMAC. C'est un fait qui tient notamment à diverses contraintes, les premières relatives aux textes communautaires (A) et les secondes relatives à la contingence du contrôle du juge communautaire (B).

A- Les textes communautaires

Aucune disposition du Traité de N'djamena du 16 mars 1994 ne fixait les conditions nécessaires à un contrôle efficace de la CJC sur la transposition des directives CEMAC. Il en va de même de son additif relatif au système institutionnel et juridique de la CEMAC, de la Convention de Libreville du 5 juillet 1996 portant création de la Cour de justice de la CEMAC, et de l'Acte additionnel n°4/00-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 portant règles de procédure devant la chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC.

En effet, selon les termes de la Convention de Libreville du 5 juillet 1996 et de l'Acte additionnel n°4/00-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000, la CJC (Chambre judiciaire) pouvait connaitre214 du recours préjudiciel en interprétation215, du recours en « non-conformité », du recours en responsabilité extracontractuelle. Monsieur Pierre Kamtoh classait quant à lui, au rang des attributions contentieuses de la CJC (Chambre judiciaire)216, le contentieux de la légalité et de l'interprétation, le contentieux de la fonction publique de la CEMAC, le règlement des litiges relatifs à la réparation des dommages, le contentieux de la COBAC, et le contentieux issu du contrôle des pratiques commerciales anticoncurrentielles. On peut notamment constater l'absence du recours en manquement.

214 Voir EBONGUE MAKOLLE (F.), droit supranational et ordre juridique interne, regards sur l'expérience camerounaise en matière d'intégration juridique (CEMAC, OHADA, COBAC, CIMA), Mémoire en vue de l'obtention du D.E.S.S en relations internationales (option diplomatie), IRIC, 2002, pp. 97-98.

215 Article 17 de la Convention de Libreville du 5 juillet 1996 portant création de la Cour de justice de la CEMAC.

216 KAMTOH (P.), « Cour de Justice de la CEMAC : compétence et procédure de la chambre judiciaire », séminaire de sensibilisation, Libreville, octobre 2009, pp. 8-14.

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La CJC (Chambre judiciaire) ne disposait donc sur la période considérée217, que du recours préjudiciel en interprétation pour espérer se prononcer sur l'application du droit communautaire par les Etats membres. Mais la CJC n'a jamais été saisie d'un renvoi préjudiciel218, par conséquent son contrôle sur la transposition des directives CEMAC est resté inexistant.

La CJC dans sa configuration actuelle est l'oeuvre du Traité CEMAC révisé de 2008, qui à son article 10 à la place de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC bicamérale (avec une chambre judiciaire et une chambre des comptes), énumère deux nouvelles institutions, la Cour de justice et la Cour des comptes. La CJC hérite alors pour l'essentiel, des attributions de l'ancienne Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC219. Mais le Traité CEMAC révisé institue tout de même une réelle innovation, avec la consécration en son article 4 al 2 d'un mécanisme de sanction, notamment « le recours en manquement ».

La CJC conformément à sa fonction régulatrice, assure alors le respect du droit dans l'interprétation et dans l'application du présent Traité et des conventions subséquentes220, par les Etats membres, les institutions et les organes de la CEMAC. Concrètement, il lui incombe par exemple de se prononcer lorsqu'elle est saisie, sur la conformité des activités des Etats membres aux directives communautaires, soit par renvoi préjudiciel221, soit par la voie du recours en manquement222.

Il subsiste tout de même un écueil à cette évolution, et celui-ci est relatif au Traité CEMAC révisé et aux Conventions subséquentes qui ne sont pas encore entrés en vigueur. Les anciens textes restent donc encore en vigueur, ce qui n'est pas pour amoindrir par ailleurs, la contingence du contrôle de la CJC.

217 Entre 1999 et 2009.

218 Voir G. TATY, « le règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours préjudiciel dans l'espace CEMAC », séminaire de sensibilisation et de vulgarisation du droit communautaire de la CEMAC, Douala, 10 et 11 mars 2008.

219 KOAGNE ZOUAPET (A.), la recevabilité des requêtes devant la Cour de justice de la CEMAC, Mémoire de Master en Relations internationales, option contentieux international, Yaoundé, IRIC, 2010, p.89.

220 Article 48 du Traité CEMAC révisé. Voir l'article 220 TCE pour la CJCE.

221 La CJCE a développé la solution de l'effet direct des directives communautaires, dans son arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974, saisie d'une demande de décision préjudicielle formée par la Chancery Division de la Hight Court of Justice de l'Angleterre.

222 Saisie par un recours en manquement de la commission, la CJCE a consacré la responsabilité de l'Etat membre défaillant, dans son arrêt FRANCOVICH du 28 mai 1991, pour les directives non transposées et qui n'ont pas de dispositions à effet direct. Voir SAURON (J-L), Op. Cit. p.45.

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B- La contingence du contrôle de la CJC

Deux voies précises permettent au juge communautaire de contrôler effectivement la transposition des directives communautaires, le renvoi préjudiciel et le recours en manquement. Mais comme on l'a mentionné plus haut, le juge CEMAC ne disposait que du recours préjudiciel pour contrôler l'application des directives CEMAC, et c'est encore le cas aujourd'hui.

Pour ce qui est du renvoi préjudiciel la Convention de Libreville de 1996 régissant la CJC, dispose en son article 17 : « La Chambre Judiciaire223 statue à titre préjudiciel sur l'interprétation du Traité de la C.E.M.A.C. et des Textes subséquents, sur la légalité et l'interprétation des Statuts et des Actes des Organes de la C.E.M.A.C., quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle est appelé à en connaître à l'occasion d'un litige.

En outre, chaque fois qu'une juridiction nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle saisi de questions de droit ci-dessus doit statuer en dernier ressort, il est tenu de saisir préalablement la Chambre Judiciaire. Cette saisine devient facultative lorsque la juridiction nationale ou l'organisme à fonction juridictionnelle doit statuer à charge d'appel ».

Mais la CJC n'a reçu aucune question préjudicielle sur la période considérée224. On constate une certaine apathie des juges nationaux, dans l'utilisation des normes produites au niveau communautaire pour le solutionnement des problèmes posés225, une inappropriation des mécanismes juridictionnels communautaires226, qui se traduit par une marginalisation du droit visé dans le règlement des questions litigieuses. Le défaut de diffusion du droit communautaire auprès des juridictions nationales y est sans doute pour quelque chose227, on note par ailleurs l'absence de renvoi préjudiciel à l'initiative des justiciables lorsqu'on procède à la lecture de l'article 26 de la Convention susmentionnée228. Il ne peut qu'en

223 La Chambre Judiciaire a été érigée en l'actuelle CJC par le traité CEMAC révisé de 2008.

224 C'est par exemple saisie d'une demande de décision préjudicielle formée par la Chancery Division de la Hight Court of Justice de l'Angleterre, que la CJCE va développer la solution de l'effet direct des directives communautaires, dans son arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974,

225 Ibid. p.74.

226 CHAMEGUEU (G-M.), Le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC , mémoire en droit international public, Université de Douala, Faculté des sciences juridiques et politiques, disponible sur http://www.memoireonline.com/08/09/2487/Le -controle-juridictionnel-des-activites-de-la-CEMAC.htm.

227 Voir G. TATY, Op. Cit.

228 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.61.

73

découler un concours inexistant de la CJC dans la mise en oeuvre du droit communautaire en

zone CEMAC.

L'implication de la CJC dans la mise en oeuvre du droit communautaire est donc en grande partie dépendante des sollicitations du juge national, de la Commission ou des Etats membres229, mais la carence que connait cette dernière s'explique sans doute en grande partie, par l'apathie des juridictions nationales.

Paragraphe II : LES CONTRAINTES RELATIVES AUX JURIDICTIONS NATIONALES

Ces difficultés proviennent de l'inertie du juge national vis-à-vis du droit communautaire (A) mais également de la contingence de l'action du juge national (B).

A- L'apathie du juge national à l'égard du droit communautaire

La CJC ne peut exercer son activité sur la totalité des situations dans lesquelles se pose la question de l'application du droit communautaire. Le déficit de moyens infrastructurels, structurels et logistiques adéquats accroît cette infirmité institutionnelle et fonctionnelle, par conséquent, recentre le juge national, en l'occurrence, le juge camerounais dans le dispositif mis en place en vue de l'application du droit communautaire230. C'est donc le juge national, en l'occurrence le juge camerounais qui en raison des liens institutionnels et psychologiques qu'il a avec les autorités du pays, apparait comme ayant la position la plus déterminante pour oeuvrer à l'appropriation du droit communautaire231, et de façon particulière, vérifier la conformité des actes administratifs et des actes de droit privé aux normes juridiques communautaires ; c'est-à-dire par exemple, contrôler la transposition des directives communautaires.

En effet, la reconnaissance du droit communautaire est « d' autant plus important que les personnes privées sont dépourvues de possibilités de recours contre les Etats devant le juge communautaire et ne peuvent donc agir que devant les juges nationaux devenus juges communautaire de droit commun »232.

229 Dans le cadre du recours en manquement.

230 J. KENFACK, « le juge camerounais à l'épreuve du droit communautaire et de l'intégration économique », Juridis périodique, n°63, Juillet-août-septembre 2005, p.67.

231 DJEDJRO MELEDJE (F.), Op. Cit. p.9.

232 J. Rideau, « Le rôle de l'Union Européenne en matière de protection des droits de l'homme ». RCADI, t.265

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Mais on note une véritable résistance, qui s'explique en partie par « le manque d'appropriation du droit communautaire par les juges nationaux. En effet, la diffusion du droit communautaire auprès des juridictions nationales qui sont pourtant en première ligne dans son application fait défaut.

Cela se traduit par l'absence de Bulletin officiel de la Communauté, ou de revues faisant une place plus ou moins importante au droit communautaire. Plus grave l'accès informatique aux textes de la Communauté et à la jurisprudence de la Cour est insuffisant.

En réalité, les juges nationaux sont rarement confrontés à des questions d'interprétation ou d'appréciation du droit communautaire matériel comme le sont leurs homologues européens »233.

En outre, L'absence de questions préjudicielles démontre à souhait le manque de dialogue entre le juge communautaire et les juges nationaux.

B- La contingence du contrôle du juge national

« Devant le juge interne, le droit international n'est pas en principe un élément d'ordre public, il n'est appliqué que s'il est invoqué »234. L'activité du juge national consubstantielle à l'expression et à l'épanouissement du droit communautaire, ne peut donc se produire que si les justiciables invoquent les normes communautaires lors de leur défense devant les juridictions nationales.

Mais les juges nationaux sont rarement confrontés à des questions d'interprétation ou d'appréciation du droit communautaire matériel, notamment du fait de l'absence de combativité judiciaire des particuliers235, prompts à soustraire les litiges visés à la sphère du juge, avec des voies plus proches de la diplomatie économique236. Des solutions qui si elles servent de manière succincte l'intérêt du justiciable, ne concourent en aucun cas à l'effectivité juste des normes communautaires en droit interne, mais plutôt à la persistance des irrégularités.

(1997), p.143. Cité par MANSOUR (L.), « l'accès des particuliers au juge communautaire : analyses et incidences des évolutions jurisprudentielles », Master 1 Droit et Science politique/Option régulations internationales et Européennes, Université Nice Sophia-Antipolis, année 2006-2007.

233 Voir G. TATY, Op. Cit.

234 OLINGA (A-D), « Réflexions sur le droit international, la hiérarchie des normes et l'office du juge camerounais » Juridis périodique, n°63, Juillet-août-septembre 2005, p.11.

235 CHAMEGUEU, Op. Cit.

236 J. KENFACK, Op. Cit. p.75.

75

Plusieurs raisons semblent justifier le comportement peu enthousiaste des particuliers à l'égard du juge :

- Dans un premier temps, l'absence de Bulletin officiel de la Communauté, ou de revues relatives au droit communautaire entretient la désinformation des justiciables sur le droit de la CEMAC.

- En outre, pour le docteur Jean Kenfack, les lenteurs des procédures judiciaires, le comportement peu orthodoxe des administrations concourent également à cet état de fait237.

- Sans doute les justiciables ignorent les avantages qu'ils peuvent tirer de l'effet direct du droit communautaire, dont la dynamique repose avant tout sur le rôle du justiciable238, à tel point que le Président Lecourt écrivait :

« Lorsque le particulier s'adresse à son juge pour faire reconnaître le droit qu'il tient des traités, il n'agit pas seulement dans son intérêt propre, il devient par là même une sorte d'agent auxiliaire de la Communauté »239.

Il est donc primordial que le justiciable CEMAC, et camerounais en l'occurrence, bouscule l'immobilisme du juge national, afin de conférer la force et la prévisibilité à la règle communautaire240. C'est dans ce sens que la CJCE précise par ailleurs que, « la vigilance des particuliers intéressés à la sauvegarde de leurs droits entraine un contrôle efficace qui s'ajoute à celui...de la commission et des Etats membres »241.

Les justiciables, les Etats membres, la Commission, et tout aussi bien les juges communautaire et nationaux, concourent donc à la mise en oeuvre du droit communautaire, ou à la transposition des directives en particulier. Alors même si des lacunes persistent, et freinent alors l'écoulement progressif dans les ordres juridiques nationaux de la réglementation induite par les directives CEMAC, les réformes récentes au sein de la Communauté démontrent le caractère corrigible de l'exercice de transposition, avec l'instauration du recours en manquement, qui peut avoir des répercussions importantes et positives.

237 J. KENFACK, Op. Cit. p.75.

238 G. TATY, Op. Cit.

239 L'Europe des juges, Bruxelles, Bruyant, 1976, p.260, cité par B. Genevois dans ses conclusions sur l'arrêt Cohn-Bendit, p.161, cité par G. TATY, Op. Cit.

240 J. KENFACK, Op. Cit. p.75.

241 CJCE, 5 février 1963, aff. 6/62.

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Chapitre IV : LA TRANSPOSITION, UN EXERCICE EN VOIE D'AMELIORATION AU REGARD DU TRAITE CEMAC REVISE

La transposition des directives communautaires est un exercice complexe certes, mais dont les difficultés ne sont pas insurmontables. Améliorer l'application des directives et du droit communautaire en général, contribue alors à l'instauration d'une meilleure gouvernance communautaire, dans son fonctionnement, pour atteindre de manière plus efficace les objectifs communs fixés. C'est dans cet ordre d'idées qu'interviennent les réformes institutionnelles de la CEMAC au courant de l'année 2008, par lesquelles le Traité CEMAC révisé apporte une innovation primordiale pour l'application du droit communautaire (section I), une nouveauté qui laisse présager une mutation positive dans la mise en oeuvre du droit de la CEMAC et par ricochet des directives communautaires, tant par les acteurs extra-juridictionnels que juridictionnels (section II).

Section I : L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE : LE RECOURS EN MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4

L'article 4 al 2 du Traité CEMAC révisé dispose que : « En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des textes spécifiques ». Le mécanisme du recours en manquement du Traité CEMAC révisé, a été globalement influencé par l'article 226 du traité de la Communauté européenne, il vise à réprimer, à l'instigation de la Commission ou d'un autre Etat membre, la violation des règles communautaires par les Etats eux-mêmes, dans leurs activités matérielles comme dans leurs activités normatives242. Il sera donc question du mécanisme (paragraphe I) avant de voir quel en est la procédure spécifique (paragraphe II).

242 Voir TATY (G.), « le recours en manquement d'Etat de l'article 4 du Traité révisé de la CEMAC : analyse critique», troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, Dakar, mai 2010.

77

Paragraphe I : PRESENTATION DU RECOURS EN MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4

La nouveauté de ce mécanisme au sein de la CEMAC demande que soit précisé ce que revêt la notion de manquement d'Etat (A) ainsi que les enjeux (B) qui justifient l'adoption d'un tel dispositif au sein de la CEMAC.

A- La notion de manquement d'Etat

Le manquement visé à l'article 4 du Traité peut consister soit dans un acte positif (l'introduction d'une loi ou d'une réglementation nationale incompatible avec les obligations communautaires), soit dans une omission (l'omission d'abroger une loi ou une règlementation incompatible avec le traité ou le droit communautaire dérivé). Le manquement de l'Etat peut donc être le fait d'une absence de transposition, d'une mauvaise transposition ou alors d'une incompatibilité des textes nationaux de transposition aux objectifs des directives communautaires. La CJCE a jugé par exemple que « l'absence de toute mesure de transposition d'une directive pour atteindre le résultat prescrit par celle-ci dans le délai imparti à cet effet constitue en elle-même une violation caractérisée du droit communautaire »243.

Le comportement répréhensible doit être imputable à l'Etat. Le droit communautaire tend à considérer l'Etat comme un tout quel que soit l'organe dont l'action ou l'inaction est à l'origine du manquement244, qu'il s'agisse des Etats fédérés dans un Etat fédéral ou encore des autorités décentralisées dans un Etat unitaire ; ce peut donc être le gouvernement, mais aussi le parlement, ou tout aussi bien les institutions judiciaires245, qui agiraient en méconnaissant les dispositions claires, précises et inconditionnelles d'une directive déjà en vigueur.

Le recours en manquement revêt aux yeux des professeurs Jean Denis Mouton et Christophe Soulard, des traits le distinguant des règles jusqu'à présent admises en droit international classique, par le rôle déterminant qu'il réserve à la Commission, organe

243 CJCE 8 octobre 1996, Dillenkofer, affaires jointes 178/94, 179/94, 188/94, 109/94, Rec. I p. 4845.

244 Ibid.

245 Dans ce cas, il peut s'agir d'un arrêt passé en force de chose jugée et qui méconnait le droit communautaire ou d'une juridiction tenue au renvoi et qui a omis de renvoyer. Voir TATY (G.), Op. Cit.

78

indépendant des Etats246. Bien qu'elle n'ait pas d'équivalent en droit international, l'action en manquement est souvent considérée comme d'inspiration « internationaliste » parce qu'elle ne peut être mise en oeuvre que par une institution, la Commission, ou par un Etat membre247.

B- Les enjeux du recours en manquement d'Etat

L'adoption du mécanisme de recours en manquement au sein de la CEMAC se justifie à plus d'un titre. Le droit communautaire de la CEMAC en effet, s'il énonçait des principes, créait des obligations, et formulait des interdictions, il ne donnait aucune précision sur la sanction de la violation du droit communautaire par les Etats membres.

Si un corps d'institutions et d'organes et un corps de règles étaient alors jusque là présents en zone CEMAC comme l'exige la construction d'un marché commun, on y cherchait encore une quelconque trace de sanction juridique248 de la violation du droit communautaire par les Etats membres. L'adoption du mécanisme vient donc répondre à une nécessité criarde en zone CEMAC, celle d'instaurer une réelle garantie du respect du droit communautaire par les Etats membres, mais elle répond aussi à l'appel lancé en 2005 par le comité inter Etats réuni à Malabo, qui réclamait l'adoption d'un véritable régime de sanction.

Plusieurs manquements d'Etat ont été constatés entre 1999 et 2009, et parmi eux bien entendu des manquements à l'obligation de transposition, mais aucun Etat de la sous région n'a jamais été sanctionné. On peut citer par exemple, sur le plan de la fiscalité intérieure, l'augmentation unilatérale du taux de TVA (25%) part rapport à la fourchette de taux fixée par la directive communautaire (12 à 18%), la limitation unilatérale de la liste communautaire des produits exonérés de TVA, le non remboursement ou la non déductibilité des crédits de TVA249, le dépassement des délais par l'Etat camerounais dans la transposition des directives

246 Mouton (J.L.) et Soulard (C.), La Cour de justice des communautés européennes, Paris,

PUF, Que sais-je ?, 1998, p242, cité par KOAGNE ZOUAPET (A.), la recevabilité des requêtes devant la Cour de justice de la CEMAC, Mémoire de Master en Relations internationales, option contentieux international, Yaoundé, IRIC, 2010, p. 35.

247 Manin (P.), Les communautés européennes L'Union européenne, Paris, Pedone, Etudes internationales, N° 6, 5ème édition, 1999, p.362, cité par KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit.

248 En effet L'article 32 de l'Additif au traité de 1994 énonce que « si un Etat ne s'est pas acquitté de sa cotisation un an après l'expiration du délai fixé par le règlement financier, sauf cas de force majeure, le gouvernement de cet Etat est privé du droit de prendre part au vote des assises des institutions et organes de la Communauté ». Il s'agit ici d'une sanction politique. L'opposition entre la sanction politique et la sanction juridictionnelle se fonde davantage sur la procédure d'édiction de la sanction, et tout spécialement sur la qualité de l'institution qui la prononce, que sur la nature de la sanction elle même.

249 TATY (G.), Op. Cit.

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relatives aux communications électroniques. Autant de violations qui fragilisent la sécurité juridique des particuliers et la construction du marché commun.

« Le législateur CEMAC » accomplit ainsi une véritable révolution, en introduisant dans l'ordre juridique communautaire un mécanisme habilitant la Cour à constater les manquements d'un Etat membre, et éventuellement lui infliger des sanctions financières.

Désormais, tout Etat membre de la CEMAC peut voir ses actes soumis par la voie de la procédure en manquement d'Etat, au contrôle du juge communautaire dont la mission est de délimiter les obligations incombant aux Etats membres, mais aussi de fixer les interprétations authentiques des règles communautaires250.

Paragraphe II : LA PROCEDURE DU RECOURS EN MANQUEMENT

La procédure du recours en manquement en zone CEMAC n'a pas encore été mise en oeuvre depuis son adoption251, par conséquent les faits que nous évoquerons dans les lignes qui suivent ressortent en grande partie de la pratique européenne. La procédure du recours en manquement se déploie à travers une action de constatation de manquement (A) qui permet à la Cour de justice communautaire de se prononcer par un arrêt en manquement (B).

A- L'action de constatation de manquement

Elle comporte deux phases, la phase précontentieuse (1) et la phase contentieuse (2). 1- La phase précontentieuse

L'action en manquement peut être déclenchée soit par la commission en cas de découverte d'une infraction ou en cas d'alerte par une plainte émanant d'autres Etats ou de particuliers252, soit par un Etat membre saisissant la commission pour mettre en cause un autre Etat253. Il sera donc possible pour la commission de la CEMAC de se déployer, soit de sa propre initiative, soit du fait de la plainte d'un Etat ou de particuliers, pour déclencher la procédure.

250 Ibid.

251 La raison tient ici au fait que le Traité CEMAC révisé et les Conventions subséquentes ne sont pas encore entrés en vigueur.

252 Voir l'article 226 TCE.

253 Voir l'article 227 TCE.

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Lorsque l'action est déclenchée par la commission elle-même, ou sur plainte d'autres Etats ou de particuliers, elle peut décider discrétionnairement de déclencher la procédure en mettant l'Etat en demeure de présenter ses observations. A ce stade, la procédure peut être interrompue, soit parce que la Commission considère, au vu des explications de l'Etat, que son incrimination n'était pas fondée, soit parce que l'Etat a pris les mesures nécessaires. Dans le cas contraire, elle émet un avis motivé. L'Etat a alors le choix entre se plier à ses obligations ou persister dans son manquement et risquer la saisine de la Cour de justice.

Lorsqu'il s'agit de la mise en cause d'un Etat par un autre Etat, la Commission doit mener une instruction contradictoire (plaignant et défendeur présentent chacun leurs observations) à l'issue de laquelle elle émet un avis motivé faisant état de ses conclusions. La décision de déclencher la phase contentieuse appartient dès lors à l'Etat plaignant.

2- La phase contentieuse

Si à l'issue de la phase précontentieuse, le manquement persiste, la Cour de justice peut être saisie soit par la Commission soit par l'Etat plaignant. Le recours devant la Cour n'a pas d'effet suspensif. Toutefois, la Commission peut demander au juge, par voie de référé, de suspendre l'application des mesures contestées dans l'attente de l'arrêt au fond.

[a procédure contentieuse est contradictoire. [a Commission peut se désister à tout moment. Elle le fait notamment si l'Etat défendeur a mis fin au manquement après la saisine de la Cour de justice. Elle peut néanmoins décider de poursuivre l'affaire si elle juge qu'il existe un intérêt à le faire tel que l'importance des problèmes de droit soulevés (utilité de consacrer une interprétation de la règle en cause) ou l'intérêt matériel de l'arrêt (preuve de l'existence d'une violation du droit communautaire dans le cadre d'un recours en responsabilité contre l'Etat fautif).

C'est à la Commission ou à l'Etat requérant qu'il appartient d'apporter la preuve du manquement. Il n'existe pas, en dehors de la force majeure, de faits justificatifs du manquement. L'Etat incriminé ne peut pas invoquer pour se défendre, les difficultés rencontrées pour se conformer aux obligations du droit communautaire ; ni l'illégalité de l'acte méconnu, un acte communautaire étant définitif s'il n'a pas fait l'objet d'un recours en annulation dans le délai fixé ; ni le manquement d'un autre Etat membre (le principe de réciprocité n'existe pas) ou la carence d'une institution communautaire.

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Par contre, l'imprécision ou le caractère équivoque des normes communautaires (c'est le cas souvent pour les directives) violées, peut être de nature à excuser le manquement si c'est un aspect essentiel de l'obligation en cause qui est concerné ; si l'Etat a utilisé tous les recours ou moyens mis à sa disposition pour mettre fin à l'incertitude dans laquelle il prétend avoir été.

B- L'arrêt de manquement

L'arrêt de manquement a seulement un caractère déclaratoire254 : il ne fait que constater l'existence ou l'absence de manquement.

Il est revêtu de l'autorité de la chose jugée et de l'autorité de la chose interprétée :

- L'Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt afin d'éliminer le manquement et ses conséquences passées et futures. Les autorités et juridictions nationales ne doivent plus de plein droit appliquer la prescription nationale reconnue incompatible avec le droit communautaire.

- Les interprétations du droit communautaire retenues dans les arrêts en manquement s'imposent à toutes les autorités et juridictions nationales : en cas de doute sur le contenu d'une règle, un recours préjudiciel devant la Cour de justice communautaire n'est plus recevable si la question a déjà été tranchée dans un arrêt en constatation de manquement.

La non-exécution d'un arrêt en manquement constitue un nouveau manquement qui peut donner lieu à une nouvelle action et à un nouvel arrêt confirmant le premier. Toutefois, depuis le Traité sur l'UE, une nouvelle procédure permet à la Commission qui estime qu'un Etat n'a pas pris les mesures impliquées par l'arrêt en manquement, de saisir la Cour de justice d'une demande de condamnation de l'Etat récalcitrant au paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte, c'est la procédure dite de « manquement sur manquement »255.

On le constate donc, le législateur CEMAC a instauré à travers le recours en manquement d'Etat un instrument réellement dissuasif pour tout contrevenant potentiel aux obligations communautaires qui incombent aux Etats membres ; une évolution majeure qui a forcement des implications considérables.

254 TATY (G.), Op. Cit.

255 Ibid. Voir également l'article 228 TCE.

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Section II : LES IMPLICATIONS DU NOUVEAU MECANISME DE CONTROLE

Le recours en manquement d'Etat est un instrument spécifique du droit communautaire qui n'a pas d'équivalent dans les organisations internationales classiques256. Si son adoption en zone CEMAC signifie l'exclusion consacrée du libre choix par les Etats membres du mécanisme de règlement des différends257, c'est parce qu'il augure aussi d'un impact positif certain sur la mise en oeuvre du droit communautaire, tant par les autorités extra juridictionnelles (paragraphe I) que par les autorités juridictionnelles (paragraphe II).

Paragraphe I : LES IMPLICATIONS POUR LES ETATS MEMBRES ET LA

COMMISION DE LA CEMAC

Le recours en manquement en zone CEMAC, fait désormais peser sur les Etats membres telle une épée de Damoclès, la possibilité d'une sanction réelle contre toute violation à leurs obligations communautaires. Il semble donc judicieux pour eux, en principe, d'améliorer la qualité de leur participation dans la mise en oeuvre du droit communautaire et spécifiquement des directives258 (A), auquel cas ils s'exposent aux actions de la commission de la CEMAC, qui voit désormais ses pouvoirs et son indépendance renforcés (B), notamment dans le contrôle des activités des Etats membres qui touchent de près ou de loin les intérêts communautaires.

A- L'amélioration du mécanisme de transposition par les Etats membres

Il est important avant tout de préciser le contexte de la mise en oeuvre des directives en zone CEMAC. En effet, il nous a été donné de constater que, si depuis le début de la Communauté Economique Européenne en 1957 jusqu'aux années 2000, 1700 directives ont été publiées (avec à peu près un millier de directives modificatives), soit une moyenne de 39 directives publiées par an, la CEMAC sur la période considérée259par notre recherche, a adoptée 24 directives, soit une moyenne de 2 directives par an. La mobilisation des

256 Ibid.

257 C'est un principe essentiel du droit international. Voir TATY (G.), Op. Cit.

258 La directive CEMAC est l'acte par excellence de l'intervention des Etats membres dans la mise en oeuvre du droit communautaire, pour éviter alors de futures procédures précontentieuses et même contentieuses à leur encontre, il est important qu'ils améliorent leur dispositif en matière de transposition des directives communautaires.

259 Entre 1999 et 2009, soit 11ans.

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ressources nécessaires à la mise en oeuvre des directives en zone CEMAC, ne peut donc être de même envergure qu'au sein de l'UE.

Il n'empêche tout même, qu'il est opportun pour les Etats membres, au regard des réformes entamées en 2008, de définir une méthode sereine et permanente pour la mise en oeuvre du droit communautaire260. Les améliorations qui seront apportées au mécanisme de transposition en zone CEMAC devront par conséquent être adaptées au contexte susmentionné.

Les Etats membres de la CEMAC et le Cameroun en particulier, doivent définir une méthode précise de travail. L'exemple de la circulaire française du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes, peut être transposé au Cameroun, notamment dans son esprit général, moyennant quelques modifications substantielles adéquates.

S'inspirant du modèle français, le Cameroun peut définir une procédure de transposition qui émane d'une haute autorité administrative comme le Premier ministre, pour lui conférer un caractère contraignant à l'endroit de toutes les administrations subordonnées, et déterminer une structure administrative chargée de la coordination et du suivi de la transposition des directives, de la centralisation de toutes les informations relatives à l'application du droit de la CEMAC au Cameroun, dont l'autorité ne souffre d'aucun doute sur toutes les autres administrations nationales261, et en relation quasi quotidienne avec la commission de la CEMAC et même le Parlement national. La méthode dans son contenu, sera notamment portée par des piliers majeurs.

Le premier pilier vise une « étude d'impact ».Tout projet d'acte des institutions communautaires devra donner lieu à une analyse préalable de ses impacts juridiques, budgétaires, techniques ou administratifs, ainsi que de ses conséquences sur le secteur d'activité concerné. C'est un travail qui se fera en amont, avant la phase des négociations sur le projet de texte communautaire, par le ministère concerné (qui sera chargé de transposer la directive), et qui en soumettra un rapport à la structure nationale chargée de la coordination et

260 L'opportunité est certaine dans la mesure où l'une des actualités CEMAC c'est par exemple la révision de certaines directives, on peut citer les directives relatives aux finances publiques de 2008 qui pour des raisons que l'on ignore n'avaient pas été transposées, et devraient donc l'être après adoption des textes définitifs de révision. Voir Vision CEMAC, n°003, 2ème trimestre 2011, p.8.

261 Elle peut par exemple être rattachée ou sous la présidence de la Primature.

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du suivi de la transposition, ainsi qu'au Parlement national lorsque le domaine de la loi est visé.

Le deuxième pilier vise la constitution d'un « réseau interministériel de correspondance sur la transposition ». Il est question ici, de mettre en correspondance permanente toutes les cellules administratives chargées de la transposition dans chaque ministère et la structure administrative nationale chargée de la coordination et du suivi de la transposition. C'est par exemple grâce à cette correspondance que seront transmis les rapports d'étude d'impact, ou encore harmonisées les positions nationales lors des négociations262.

Le troisième et dernier pilier est porté sur le « suivi de la transposition à compter de l'adoption de la directive communautaire ». Il implique la détermination d'un calendrier de transposition, des réunions régulières pour s'enquérir du respect des délais et des difficultés rencontrées afin d'y apporter rapidement des solutions263, et anticiper et éviter toute possibilité de contentieux communautaire. Des séances de travail pourront aussi être programmées avec la Commission qui a notamment le devoir d'apporter son concours aux Etats membres dans le respect de leurs obligations communautaires264.

Le Cameroun peut aussi s'inspirer du modèle Sénégalais, lorsque des directives adoptées dans un domaine précis impliquent d'autres secteurs d'activités265, il reviendra alors à la structure administrative nationale chargée de la coordination et du suivi de la transposition, de mettre en place une synergie administrative, tel un « comité national » comme au Sénégal, qui réunira toutes les départements ministériels concernés et qui travaillera avec le ministère chef de file.

Le Cameroun pourra enfin, face à toute difficulté dans la mise en oeuvre d'une directive communautaire, demander l'avis de la CJC, conformément à l'article 34 de la Convention régissant la CJC du 30 janvier 2009, qui dispose que : « dans son rôle consultatif et à la

262 L'une des difficultés de la transposition que nous avons mentionnée dans les lignes précédentes est la réticence du Parlement national face à un texte dont il ne se sent être de près ou de loin un des instigateurs. Cette méthode a le mérite d'unifier les positions et anticiper de possibles résistances ou incompréhensions du parlement.

263 Il peut s'agir d'une disposition de la directive communautaire qui demanderait de plus en amples éclairages que seule la CJC ou la commission peut apporter. Il sera donc important de pouvoir requérir leur avis avec la plus grande célérité.

264 Voir l'article 35 du traité CEMAC révisé.

265 C'est par exemple le cas des directives relatives aux finances publiques, qui peuvent influencer les pratiques administratives dans tous les autres secteurs, commerce, santé, transports... c'est aussi le cas par exemple des directives relatives aux communications électroniques, qui peuvent concerner à la fois le secteur des télécommunications, le secteur du commerce, le secteur de la sécurité intérieure, le secteur de la justice...

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demande d'un Etat membre... la Cour peut émettre des avis sur toute question juridique concernant le traité. Dans ce cas, elle émet des avis sur la conformité aux normes juridiques de la CEMAC, des actes juridiques ou des projets d'actes initiés par un Etat membre dans les matières relevant du traité ». Cela permettra aux Etats membres de dissiper toute confusion sur les dispositions du texte communautaire, et d'éviter toute survenance d'un possible manquement.

Il reste néanmoins impératif de souligner que, les méthodes proposées ne pourront efficacement être mises en oeuvre sans un réel renforcement des capacités des fonctionnaires nationaux en matière de droit communautaire, une tâche à mettre surtout au crédit des instances communautaires, parmi lesquelles la Commission de la CEMAC.

B- Le renforcement des pouvoirs de contrôle de la Commission

Les dispositions du Traité CEMAC révisé ne peuvent prêter à confusion quant aux nouveaux pouvoirs de la Commission de la CEMAC, qui en toute logique visent à assurer l'efficacité du mécanisme de recours en manquement d'Etat. En effet, il ressort de l'article 35 que la Commission dans ses missions :

- « renforce la coopération entre les Etats membres et la coordination de leurs activités dans les domaines d'intérêt commun. Elle est le moteur de la politique communautaire;

- veille au respect et à l'application, par les Etats membres ou leurs ressortissants, des dispositions du présent Traité et des Actes pris par les organes de la Communauté ;

- attire l'attention des Etats sur les conséquences du non respect des politiques communautaires. Elle établit dans ce sens un rapport au Conseil des Ministres. En cas de silence du Conseil, le Président de la Commission saisit la Cour de Justice aux fins de faire constater le manquement et de prononcer les sanctions ;

- veille à la mise en oeuvre du présent Traité, des conventions et des décisions de la Communauté. Elle veille également à la réalisation des objectifs en matière d'intégration. »

La Commission dispose en outre, du droit d'initiative en matière normative, ainsi que des pouvoirs d'exécution et de mise en oeuvre des politiques et programmes communautaires

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relevant de l'UEAC (et donc des directives)266. A cet effet et sauf dispositions contraires, le Conseil ne peut amender les propositions de la Commission qu'à l'unanimité de ses membres. C'est en substance ce qui ressort à la lecture de l'article 34 du Traité CEMAC révisé.

Le législateur CEMAC est notamment allé plus loin que son homologue de l'UEMOA267, pour se rapprocher le plus près du législateur européen, voir même reproduire dans les textes originaires révisés, la substance juridique de la Commission de l'UE268, une réalité qui contraste sans aucun doute avec la place qui était assignée autrefois au Secrétariat Exécutif de la CEMAC269.

La Commission de la CEMAC assure la mission de gardienne des Traités de la CEMAC, de ce fait, elle se doit de tout mettre en oeuvre pour la réalisation des objectifs définis par ceux-ci. La Commission de la CEMAC devra par exemple veiller au renforcement des capacités nationales en matière de droit de la CEMAC, par des séminaires ou par la création d'une institution comme l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) au sein de l'OHADA270ou du Centre européen de la magistrature et des professions juridiques271 au sein de l'UE.

La Commission de la CEMAC devra mener un contrôle spécifique sur la transposition des directives compte tenu de l'applicabilité délicate de cet acte juridique, elle devra mettre en place un système de communication ou de dialogue avec les Etats membres, pour anticiper toute difficulté ou d'éventuels manquements, elle pourra par exemple au regard du domaine régi par la directive et de la technicité de sa réglementation, être soutenue dans sa tâche par un observatoire régional, comme ce fut le cas au sein de l'UEMOA avec les directives relatives aux marchés publics272.

266 En effet le Conseil des ministres au terme de l'article 16 du Traité CEMAC révisé assure la direction de l'UEAC et adoptent les directives conformément aux dispositions de l'article 40.

267 Voir l'article 26 du Traité UEMOA révisé.

268 Voir les articles 211, 226, 227 et 228 du TCE.

269 Voir l'article 17 de l'additif au Traité CEMAC du 16 mars 1994.

270 L'ERSUMA concourt à la formation et au perfectionnement des magistrats et auxiliaires de justice des Etats parties. Voir l'article 41 du Traité signé à Port Louis le 17 octobre 1993 et créant l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).

271 Le Centre a été créé en 1992 en réponse aux objectifs poursuivis par le Livre blanc sur l'achèvement du Marché intérieur. Voir CHAPPELART (V.) et GOLDSCHMIDT (P.), « Améliorer l'application du droit communautaire : dimensions juridiques et enjeux », EIPASCOPE, numéro spécial 25ème anniversaire, 2006, p. 35.

272 L'Observatoire Régional des Marchés Publics de l'UEMOA (ORMP) comprend des membres issus des administrations nationales et du secteur privé, sa mission principale est d'appuyer la commission dans la mise en oeuvre des règles de surveillance multilatérale en matière de marchés publics. À l'initiative de la commission de l'UEMOA, il a tenu à partir de 2008 plusieurs réunions de suivi avec les Etats membres, sur la mise en oeuvre

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[a commission de la CEMAC devra désormais veiller à l'application conforme du droit de la CEMAC, par des enquêtes régulières, et émettre le cas échéant des avis motivés ou mettre en demeure les Etats qui auront manqué à leur devoir, et en dernier recours porter plainte contre ceux-ci devant la CJC comme c'est le cas au sein de l'UE, et même pour y réclamer leur condamnation à une astreinte ou une amende aussi longtemps que durera l'infraction273. Il est par ailleurs important que la Commission de la CEMAC procède désormais comme son homologue européen, à la publication chaque année d'un rapport sur l'application du droit communautaire établissant la liste des manquements à leurs obligations imputables aux Etats membres ; elle pourra aussi publier des guides, pour la mise en oeuvre du droit communautaire en général, ou même des directives en particulier274.

[a Commission devra renforcer l'information relative à la transposition des directives à l'attention des citoyens et des entreprises de la CEMAC, afin de contraindre les Etats à une meilleure application, et surtout veiller à l'adoption par la communauté d'un véritable régime de sanctions tel que prévu par le Traité CEMAC révisé en son article 4.

Un écueil subsiste toutefois dans la démarche du législateur CEMAC, d'après l'article 141 de l'avant projet d'Acte additionnel portant règles de procédure en discussion, « ... le recours n'est recevable que si la Commission a préalablement adressé un rapport au Conseil des ministres...»275, un choix déjà inscrit dans le Traité CEMAC révisé, notamment à l'article 35 qui dispose que la commission, lorsqu'elle attire l'attention des Etats membres sur leurs manquements, «... établit dans ce sens un rapport au Conseil des Ministres. En cas de silence du Conseil, le Président de la Commission saisit la Cour de Justice aux fins de faire constater le manquement et de prononcer les sanctions ; ». On ne peut que rester dubitatif face à ce maintien du pouvoir politique dans une posture qui fera sans aucun doute obstacle à l'indépendance et à l'efficacité de la Commission276.

des directives UEMOA de 2005 relatives au cadre harmonisé des législations nationales sur les marchés publics. Voir les rapports des réunions de l'ORMP en date du 28 au 30 juillet 2008, du 17 au 15 septembre 2008, du 06 au 09 octobre 2009, du 29 au 30 novembre 2010, du 04 au 08 avril 2011.

273 TATY (G.), Op. Cit.

274 Voir le « guide pour la mise en oeuvre du droit communautaire », Projet réalisé grâce au soutien de la Commission européenne dans le cadre de l'action Robert Schuman de sensibilisation des professions juridiques au droit communautaire, 2000. Voir également le « guide d'application de la directive européenne sur la CEM

:

(comptabilité électromagnétique) 2004/108/CE », 2004, disponible à l'adresse

http://ec.europa.eu/enterprise/electr_equipment/emc/guides/emcguide_may2007.pdf

275 Voir TATY (G.), Op. Cit.

276 « Cette intervention du Conseil des ministres parait discutable, non seulement parce que les textes ne lui donnent aucun rôle dans la surveillance de l'exécution des obligations communautaires, tâche qui relève de la Commission, mais surtout parce qu'il ne fait pas de doute que le politique prendra le pas sur le droit, ce que l'on peut regretter ». TATY (G.), Op. Cit.

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La Commission de la CEMAC au regard des dispositions du Traité CEMAC révisé, est donc appelée en principe, à exercer un rôle de pilier dans la mise en oeuvre du droit communautaire et des directives en particulier, une position déterminante dans la mesure où son action conditionnera l'envergure, la dimension, du contrôle juridictionnel de l'obligation des Etats membres de mise en oeuvre du droit communautaire et plus spécifiquement des directives. L'efficacité de la commission conditionnera par-dessus tout, l'efficacité du recours en manquement d'Etat.

Paragraphe II : LES IMPLICATIONS POUR LES INSTANCES

JURIDICTIONNELLES

Le recours en manquement d'Etat offre une nouvelle alternative à la CJC, face à l'usage inexistant par les juridictions nationales du renvoi préjudiciel, pour développer à l'instar de la CJCE les grands principes et articulations de l'exécution par les Etats membres du droit communautaire CEMAC (A) mais aussi pour sanctionner le cas échéant (B) toute violation par ces derniers de leurs obligations communautaires.

A- le développement d'une jurisprudence spécifique et fondatrice pour la transposition des directives CEMAC

« La fonction juridictionnelle est la clef de toute organisation sociale »277. La Cour de justice communautaire de la CEMAC en raison de sa nature spécifique a donc un rôle déterminant à jouer dans cette Communauté de droit qui à la différence des Etats souffre d'une réelle légitimité démocratique278. C'est cette oeuvre de construction et d'imposition de la légitimité démocratique communautaire, que la CJCE a réalisé avec efficacité depuis sa création par les Traités de Rome du 25 mars 1957279.

La CJC contrairement à son homologue européen a très peu eu, pour ne pas dire presque jamais, l'occasion de se prononcer sur la mise en oeuvre des directives communautaires; il s'en est alors suivi au sein des communautés comme la CEMAC ou l'UEMOA, du fait de leur évolution en des modèles assez proches de l'archétype européen

277 George SCELLE, cité par MANSOUR (L.), Op. Cit.

278 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.89.

279 Les Traités de Rome instituent la Communauté Economique Européenne (CEE) et la Communauté Européenne de l'Energie Atomique (CEEA) et créent une nouvelle instance juridictionnelle, la Cour de justice des communautés européenne (CJCE).

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d'intégration régionale, une transposition surtout textuelle280 du modèle d'actes juridiques communautaires281 et de leur exécution.

Mais il subsiste néanmoins des domaines caractéristiques qui nécessitent l'implication particulière d'une instance comme la CJC, chargée du respect du droit communautaire dans l'interprétation et dans l'application de ses normes. C'est le cas des directives communautaires.

L'applicabilité des directives communautaires est problématique dans la mesure où elle repose sur un partage des compétences entre autorités nationales et communautaires, mais les modalités particulières de ce partage ne résident pas dans les textes communautaires originaires et doivent être déterminées par le juge communautaire comme le montre l'exemple de la CJCE.

Lorsqu'on observe la jurisprudence de la CJCE, les arrêts de principe relatifs à la transposition des directives communautaires sont le fait en amont du renvoi préjudiciel des juridictions nationales, c'est le cas de l'arrêt VAN GEND EN LOOS de 1963 qui consacre

l'effet direct du droit communautaire en général, de l'arrêt
COSTA contre ENEL le 15 juillet 1964 qui consacre la primauté du droit communautaire, et de l'arrêt VAN DUYN du 04 décembre 1974 qui pose le principe de l'effet direct des directives282. Mais l'emploi du renvoi préjudiciel est inexistant en zone CEMAC283, alors qu'il a permis à la CJCE de jouer un rôle central dans la construction européenne284. Le recours en manquement apparait dès lors comme une alternative judicieuse, pour permettre à la CJC de se prononcer sur la mise en oeuvre du droit CEMAC et des directives en particulier par les Etats membres, entendus ici au sens tant des autorités nationales extra juridictionnelles que des juridictions nationales.

C'est notamment par le biais du recours en manquement d'Etat que la CJCE développe dans l'arrêt FRANCOVICH du 28 mai 1991 la solution de la responsabilité de l'Etat membre

280 La transposition du modèle européen peut aussi transparaitre au niveau de la jurisprudence CEMAC, notamment sur la mise en oeuvre des actes juridiques communautaires, mais comme on le constate la CJC n'a pas encore eu l'occasion de donner sa position.

281 Voir les articles 41 du Traité CEMAC révisé et 43 du Traité UEMOA révisé.

282 Voir SAURON, Op. Cit, p. 44.

283 Lors de la cérémonie de rentrée solennelle de la Cour de Justice de la CEMAC le 20 novembre 2007, son Président déplorait dans son discours inédit le fait que sept années après son installation, la Cour n'avait enregistré aucune question préjudicielle. Voir CHAMEGUEU (G-M.), Op. Cit.

284 Voir R. KOVAR, « La contribution de la Cour de Justice à l'édification de l'ordre juridique communautaire », Rec. Des cours de l'Académie de droit européen », 1993, Vol. livre I, livre I, p.15 ; cité par Chamegueu Op. Cit.

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en cas de non transposition d'une directive communautaire en droit interne. C'est aussi par cet instrument qu'elle développe et impose les modalités du mécanisme de transposition, elle décide par exemple que la transposition d'une directive n'exige pas la reprise formelle de ses dispositions dans une disposition légale expresse et spécifique285, et dans ce cas, il est important que le contexte juridique général puisse assurer la pleine application de la directive de façon suffisamment claire et précise286.

Le recours en manquement est peut-être alors l'occasion pour la CJC de se prononcer sur l'effet direct des directives CEMAC, ou encore sur la responsabilité de l'Etat membre en cas de non transposition, car en effet même s'il transparait au regard du droit communautaire CEMAC et UEMOA un quasi mimétisme du modèle juridique européen287, cela ne signifie pas pour autant que la mise en oeuvre juridictionnelle sera similaire288.

La CJC pourra à travers le recours en manquement définir une politique jurisprudentielle au service des objectifs communautaires, qui sera relayée de manière contraignante par les juridictions nationales, dont l'attitude jusqu'ici pourrait amener à croire au caractère facultatif du renvoi préjudiciel. Les juridictions nationales n'auront d'autre choix que de se conformer aux décisions de la CJC, ou même de s'approprier alors le mécanisme du renvoi préjudiciel, dans la mesure où le manquement de l'Etat peut tout aussi bien être le fait des instances judiciaires nationales. A travers le recours en manquement d'Etat, il est offert à la CJC l'occasion d'exprimer toute sa dimension au sein de la construction communautaire, et donc « non seulement de préciser le droit, mais aussi de couvrir les lacunes par une jurisprudence créative, prétorienne, en préfigurant ainsi... l'évolution de la législative »289.

Il semble donc important qu'une réelle synergie s'installe entre la commission de la CEMAC et la CJC, car c'est cette association qui semble au regard du cas européen290,

285 CJCE Commission contre Italie du 9 avril 1987, aff 363/85, Rec. p.1733.

286 CJCE Commission contre Allemagne, 9 septembre 1999, affaire C 217/97.

287 Il suffit pour cela de regarder le système juridique des communautés CEMAC et UEMOA, tels que définis par les textes communautaires originaires.

288 En effet il n'est pas acquis, sur un plan purement hypothétique, que la solution de la CJC confrontée au problème de l'effet direct des directives CEMAC ou même de la responsabilité des Etats membres pour non transposition, sera identique à celle de la CJCE.

289 Gheorghiu, Luminiþa, Evoluþia sistemelor juridice contemporane. Privire specialã asupra tipologiei dreptului comunitar, Bucuresti, Editura Universul Juridic, 2004, p. 189. Cité par NEGRUT (V.), « le rôle de la jurisprudence (CEJ) dans le développement du droit communautaire », ACTA UNIVERSITATIS DANUBIUS. JURIDICA, n°1, 2008.

290 En 2003 par exemple, 3 927 affaires relatives à des infractions étaient en cours: soit 1855 affaires dans lesquelles une procédure a été engagée, 999 cas d'envoi d'un avis motivé, 411 affaires dans lesquelles la Cour de justice a été saisie. XXI Rapport de la Commission sur le contrôle de l'application du droit communautaire

91

permettre une protection effective et efficace des effets du droit communautaire. Elle permettra aux autorités communautaires de mettre en oeuvre de véritables sanctions contre les Etats membres.

B- La sanction des Etats membres

L'on entend par sanction le « mal qui doit être infligé en conséquence d'une certaine conduite »291. En effet, « Si la loi peut être impunément violée, elle est inutile et permet seulement le mauvais exemple d'une désobéissance impunie »292.

La sanction des infractions au droit communautaire est longtemps restée en zone CEMAC, cantonnée à des domaines biens précis et à l'encontre d'acteurs spécifiques. C'est le cas dans le domaine bancaire où des sanctions peuvent être infligées aux acteurs du secteur par la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC)293, c'est aussi le cas dans le domaine de la concurrence où le Conseil Régional de la Concurrence (CRC) peut prononcer des peines d'emprisonnement à l'encontre des dirigeants d'entreprises fautives, même s'il reste au juge national de déterminer le quantum de la peine. Force est donc de constater qu'aucune base juridique ne permettait la sanction juridictionnelle de la CJC à l'encontre des Etats membres coupables de violation de la règlementation communautaire, or ceux-ci sont des acteurs principaux de l'application du droit communautaire, notamment des directives.

Mais le recours en manquement d'Etat permet désormais à la CJC de condamner un Etat fautif, lorsqu'elle est saisie par la Commission par la procédure dite de « manquement sur manquement », au paiement d'une amende ou d'une astreinte294.

Il s'agit notamment de sanctions pécuniaires dont l'usage n'est pas nouveau en droit CEMAC, le CRC peut en effet à la lecture de l'article 37 du Règlement CEMAC n°1/99/UEAC-CM-639 du 31 mars 1999 réglementant les pratiques commerciales

Bruxelles du 30 décembre 2004, COM(2004) 839 final, voir sp. p. 4 ;

http://europa.eu.int/eurlex/lex/LexUriServ/site/fr/com/2004/com2004_0839fr01.pdf

291 H. KELSEN, Théorie pure du droit op. cit., p. 33, cité par TONGA (D.), Op. Cit.

292 RIPERT (G.), Les forces créatrices du droit, 2ème édition, LGDJ, 1955, p. 319, cité par TONGA (D.), Op. Cit.

293 La COBAC est fondée à prendre des sanctions disciplinaires si un établissement de crédit n'a pas déféré à une injonction ou n'a pas tenu compte d'une mise en demeure, ou s'il a enfreint à une réglementation. Dans ces

circonstances, les sanctions susceptibles d'être prises vont de l'avertissement jusqu'au retrait d'agrément pour les atteintes graves en passant par le blâme, l'interdiction d'exercer certaines opérations ou toute autre limitation dans l'exercice de ses activités. La révocation du ou des commissaires aux comptes, la suspension ou démission d'office du ou des dirigeants responsables peuvent être prononcées. Voir l'article13 de la Convention de 1990 portant création de la COBAC.

294 Voir TATY (G.), Op. Cit.

92

anticoncurrentielles, « par voie de décision, infliger aux entreprises ayant participé à une opération de concentration, une amende dont le montant ne peut excéder 5% du chiffre d'affaire hors taxes réalisé dans le marché commun au cours du dernier exercice clos, ou 75% du bénéfice réalisé au cours de l'opération prohibée ». En ce qui concerne les astreintes, Conformément à l'article 40 du Règlement n°1/99, le CRC peut, par voie de décision infliger aux entreprises et aux associations d'entreprises impliquées dans l'opération de concentration, des astreintes d'un montant de 500.000 à 10.000.000 de FCFA par jour de retard à compter de la date qu'il fixe dans sa décision.

Même si ce système de sanction a mis du temps à se mettre en place, et que son application s'est montrée pendant des années plutôt timide au sein de l'UE, son efficacité et sa capacité à influencer la qualité de la participation des Etats membres à la mise en oeuvre du droit communautaire est quant à elle bien réelle295.

Le recours en manquement d'Etat fait alors peser le risque d'une sanction pécuniaire contre tout Etat contrevenant, un instrument qui ne sera réellement efficace, que si la Commission de la CEMAC a la possibilité d'assumer pleinement son rôle central, et un état de fait qui ne pourra être évité par les Etats membres, que par une méthode de transposition des directives communautaires mieux élaborée et plus efficace.

295 Voir le Livre blanc sur la gouvernance européenne, Op. Cit. p.107.

93

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

On peut le constater, un pan essentiel du dispositif de mise en oeuvre du droit communautaire fait défaut au sein de la CEMAC. En effet, « le droit communautaire ne peut être réalisé que s'il est perçu et assimilé par l'ordre juridique national de chaque Etat »296. La capacité d'assimilation du droit communautaire des Etats membres est alors ici, la capacité d'assimilation des autorités administratives, la capacité d'assimilation des autorités judiciaires nationales, mais aussi et surtout la capacité d'assimilation des particuliers, tous acteurs primordiaux de la construction communautaire. Les juges nationaux, encore plus, sont des instruments stratégiques de la mise en oeuvre du droit communautaire, et c'est à eux qu'il revient par le mécanisme du renvoi préjudiciel, d'enclencher le contrôle de la CJC, car « le juge communautaire ne peut véritablement jouer son rôle de jurisdictio que s'il est saisi des litiges qui lui fournissent l'occasion de préciser le sens et la portée des objectifs des textes communautaires »297. Mais si l'oeuvre du juge national fait alors cruellement défaut jusqu'ici dans l'application des directives CEMAC, notamment du fait du désintérêt du justiciable national à l'encontre du droit communautaire, l'on est tenté de penser que l'instauration récente au sein de la CEMAC du mécanisme de recours en manquement d'Etat, répond d'une nouvelle dynamique dont les effets positifs sont appelés à s'étendre sur la mise en oeuvre des directives communautaires. L'action des Etats membres, et surtout celle de la Commission, sera donc déterminante pour l'efficacité du recours en manquement d'Etat, qui vise tout au moins en partie, à améliorer la mise en oeuvre du droit communautaire en zone CEMAC.

296 NEGRUT (V.), « le rôle de la jurisprudence (CEJ) dans le développement du droit communautaire », ACTA UNIVERSITATIS DANUBIUS. JURIDICA, n°1, 2008.

297 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.92.

94

CONCLUSION GENERALE

95

La transposition des directives fait partie des engagements communautaires des Etats membres, une obligation à laquelle ils ont souscrits par leur adhésion au Traité CEMAC. La transposition est une obligation juridiquement consacrée, notamment par de nombreuses dispositions des textes communautaires originaires, qui instituent et conduisent la participation des Etats membres dans le processus de construction communautaire et plus particulièrement dans la mise en oeuvre du droit communautaire. Dans le cadre de la CEMAC, la directive communautaire est l'acte juridique communautaire qui consacre l'obligation de transposition des Etats membres. Le législateur communautaire, par la directive, consacre un acte juridique au régime souple, eu égard aux domaines sensibles et essentiels pour le marché commun, qu'elle est appelée à régir ; un acte juridique dont la mise en oeuvre est indissociable de l'intervention des autorités nationales. Cette implication des Etats membres revêt alors une signification toute particulière, celle d'un aveu de réalisme, face aux « faiblesses intrinsèques à tout ordre juridique d'émanation internationale »298 qui « conduisent les institutions créées dans un cadre interétatique à recourir, pour l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles adoptent, à l'utilisation des systèmes juridiques nationaux »299. Les Etats membres restent pour ce faire autonomes, tant sur le plan institutionnel que procédural, mais cette indépendance ne peut être absolue, au risque de mettre en péril les objectifs de la construction communautaire. C'est la raison pour laquelle cette autonomie des Etats membres est soumise à la primauté et à l'applicabilité directe du droit communautaire, mais est aussi encadrée par la surveillance du juge communautaire.

De manière plus pratique, la transposition se réalise par des instruments que sont les actes juridiques de droit interne et les structures administratives nationales. Mais le choix des outils de transposition peut être conditionné tant par la méthode, que par des exigences essentielles de la transposition issues de la jurisprudence communautaire. La mise en oeuvre des directives communautaires c'est alors l'adoption d'un texte national de transposition, dont les dispositions doivent être conformes aux objectifs fixés par l'acte communautaire, notamment dans le respect des délais fixés par ce dernier. La violation des délais de transposition est notamment constitutive d'un manquement au droit communautaire. Si plusieurs difficultés peuvent alors être invoquées par les Etats coupables d'infractions ou qui ont dépassé les délais, c'est en partie dû au fait que la transposition des directives est un exercice assez contraignant.

298 KENFACK (J.), Op. Cit. p.270.

299 Ibid.

96

La principale contrainte que rencontre le processus de transposition en zone CEMAC réside dans le contrôle de l'exercice, tant sur le plan extra juridictionnel que sur le plan juridictionnel. Car en effet, si la transposition entraine une sorte d'« individualisation normative interne »300, « opération consistant en la digestion de la norme internationale par l'Etat et en sa restitution sous une forme qui la rend invocable par un individu ou une personne morale de droit privé »301, la particularité de l'entreprise communautaire veut que le résultat de cette individualisation soit le même dans tous les Etats membres, complexifiant par là même une surveillance qui demande la participation coordonnée et presque simultanée de tous les acteurs communautaires. Le contrôle des Etats membres et de la Commission de la CEMAC est alors inexistant, tandis que le contrôle de la CJC et du juge national est un contrôle contingent, qui n'agit que si la CJC et le juge national sont saisis pour solutionner des questions relatives au droit communautaire. La transposition reste néanmoins un exercice perfectible, une amélioration qui passe pour l'essentiel par un contrôle plus important de la Commission de la CEMAC, qui est désormais le bras séculier de la Communauté dans son contrôle des activités des Etats membres, mais surtout l'acteur central du recours en manquement d'Etat. Les Etats peuvent eux mêmes à leur niveau améliorer l'exécution des directives, en s'inspirant des modèles qui marchent, car l'exemple de l'UE montre notamment que, plus les Etats membres seront sanctionnés, plus ils seront prompts à améliorer la mise en oeuvre du droit communautaire dans l'ordre juridique national.

300 P. GUGGENHEIM, Traité de droit international public, cité N. MOUELLE KOMBI, Op. Cit., p. 225.

Notre hypothèse semble alors confirmée, en effet, le mécanisme de transposition effectif au Cameroun, souffre de quelques insuffisances tant nationales que communautaires qui grèvent son déploiement et influent alors négativement sur l'application harmonisée des directives au sein de la CEMAC. Mais le résultat obtenu de notre recherche demande une certaine réserve, car en l'absence d'une jurisprudence CEMAC sur l'exécution des directives, on a grandement eu recours à la jurisprudence européenne, alors que rien n'empêche la CJC d'avoir des positions futures différentes en matière de transposition des directives communautaires.

301 P. REUTER, « quelques remarques sur la situation juridique des particuliers en droit international public », la technique et les principes de droit public. Etudes en l'honneur de G. SCELLE, cité N. MOUELLE KOMBI, Op. Cit., p. 225.

97

A-

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100

D- Textes

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- TRAITE du 16 mars 1994 révisé, Yaoundé, 25 juin 2008 ;

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- REGLEMENT CEMAC n°1/99/UEAC-CM-639 du 31 mars 1999 réglementant les pratiques commerciales anticoncurrentielles

- DIRECTIVE CEMAC N° 1/ 99/ CEMAC - 028- CM- 03 du 17 décembre 1999 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de TVA ;

- DIRECTIVE CEMAC N° 06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Régime du service universel dans le secteur des communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC, 2008 ;

- DIRECTIVE CEMAC N° 07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Cadre juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de services de communications électroniques au sein de la CEMAC, 2008 ;

- DIRECTIVE CEMAC N° 08/08-UEAC-133-CM-18 relative à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services de communications électroniques dans les pays membres de la CEMAC, 2008 ;

? Textes nationaux

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de l'Agence de Régulation des Télécommunications ;

- DECRET présidentiel n° 2005/124 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère des

Postes et Télécommunications ;

- DECRET présidentiel n° 2008/365 du 08 novembre 2008 portant organisation du Ministère

des Finances ;

- LOI n°96-06 du 18 janvier 1996, portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 ;

- LOI n° 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun ;

- LOI des finances 98/99 ;

- LOI n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au

Cameroun.

101

E- Jurisprudence

? Cour de Justice des Communautés Européennes

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- CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p. 629 ;

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- CJCE, Ursula Becker, 19 janvier 1982, aff. 8/81, Rec. p. 53 ;

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- CJCE Commission c/ Allemagne 1986, aff. 29/84 ;

- CJCE commission contre Italie du 9 avril 1987, aff 363/85, Rec. p. 1733 ;

- CJCE, 19 juin 1990, Factortame, aff. C-213/8, Rec. p. I-243;

- CJCE 23 février 1994, Comitato di coordinamento per la difesa della cava, aff. 236/92, Rec. p.

497 ;

- CJCE 8 octobre 1996, Dillenkofer, affaires jointes 178/94, 179/94, 188/94, 109/94, Rec. I p.

4845 ;

- CJCE commission contre Allemagne du 9 septembre 1999, aff C 217/97 ;

- CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, aff. C-224/01, Rec. p. I-10239 ;

- CJCE, 16 juin 2005, Maria Pupino, aff. C-105/03, Rec. p. I-5285;

- CJCE 13 septembre 2005, Commission c/ Conseil, aff. C-176/03, Rec. p. I-7879 ;

- CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo, C-173/03 ;

? Conseil d'Etat français

- CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil constitutionnel ;

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102

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- NEFRAMI (E.), « le principe de solidarité des Etats membres vis-à-vis du droit communautaire : le devoir de loyauté », Centre d'Excellence Jean Monnet, Rennes, disponible sur http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc;

- Réunion de l'observatoire régional des marchés publics, Rapport final, Niamey, 06-09 octobre 2009 ;

- SUPINFOS, n°6, décembre 2007 ;

- TATY (G.), « le recours en manquement d'Etat de l'article 4 du traité révisé de la CEMAC : analyse critique », Cour de justice de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, Dakar, Troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, mai 2010 ;

- TATY (G.), « le règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours préjudiciel dans l'espace CEMAC », séminaire de sensibilisation et de vulgarisation du droit communautaire de la CEMAC, Douala, 10 et 11 mars 2008 ;

- WAVELET (F.) et LELEU (T.), « la place des normes communautaires dans le bloc de légalité », Paris, Association Master 2 Droit Public Approfondi Université Panthéon-Assas Paris II, mars 2008.

104

TABLE DES MATIERES

DEDICACE............................................................................................................................................ i REMERCIEMENTS............................................................................................................................ ii LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS ......................................................................... iii

LISTEDES ANNEXE.................................................................................................................. v

SOMMAIRE..........................................................................................................................................vi

RESUME..............................................................................................................................................vii

INTRODUCTION .1

PREMIERE PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE EXIGENCE DE

L'ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE 17

CHAPITRE I : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE OBLIGATION POUR LES

ETATS MEMBRES 19

SECTION I : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'OBLIGATION DE

 

TRANSPOSITION

.19

Paragraphe I- Les textes communautaires originaires

20

A- La consécration par le Traité CEMAC révisé et la Convention UEAC

20

1) Dans le Traité CEMAC révisé

.......................20

2) Dans la convention UEAC

.21

 

B- La consécration d'une obligation atypique

22

1) Sur le plan matériel

.22

2) Sur le plan formel

24

Paragraphe II- La directive communautaire, un acte juridique singulier

...25

A- Un acte singulier dans son usage et dans sa nature

...25

1) Les particularités relatives à l'usage de la directive

.25

2) Les particularités inhérentes à la nature originale de la directive

.27

 

B- Un acte singulier dans sa mise en oeuvre

29

105

1) La transposition, condition de l'applicabilité directe de la directive

communautaire 29

2) L'effet direct de la directive communautaire 30

SECTION II : LA SIGNIFICATION DE L'OBLIGATION DE TRANSPOSITION DES ETATS

MEMBRES ....32

Paragraphe I - Le respect de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats

membres .32

A- Les sources du principe ........................32

1) Les textes communautaires originaires 32

2) Les principes relatifs à la répartition des compétences 33

B- La signification pratique du principe 35

Paragraphe II- La soumission du principe aux impératifs du droit communautaire ...37

A- La soumission aux principes fondamentaux du droit communautaire .37

B- L'encadrement du principe en matière de mise en oeuvre du droit communautaire 39

CHAPITRE II : LA MECANIQUE DE TRANSPOSITION DES DIRECTIVES

COMMUNAUTAIRES 42

SECTION I : LES PRINCIPES DIRECTEURS ..42

Paragraphe I - La liberté de choix des Etats membres 42

A- Le libre choix des mesures nationales de transposition .42

B- Le libre choix des structures administratives nationales de transposition 44

Paragraphe II- Une liberté relative ..45

A- La méthode de transposition .....................46

B- Le respect d'exigences essentielles 47

SECTION II : ILLUSTRATION DE LA PRATIQUE CAMEROUNAISE DE

TRANSPOSITION .48

Paragraphe I- La transposition de quelques directives CEMAC 49

A- L'adoption du texte national de transposition ...49

1) Le cas de la directive CEMAC de 1999, portant harmonisation des Législations des Etats

membres en matière de TVA et du Droit d'accises ......................................49

2) Le cas des directives relatives aux « communications électroniques » ..................50

106

B- La conformité des textes nationaux de transposition aux directives

communautaires 51

1) La conformité de la loi des finances 98/99 au droit CEMAC de la TVA ...52

2) La conformité de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 aux directives CEMAC des

communications électroniques 53

Paragraphe II- La pratique camerounaise de transposition, une mécanique simpliste ..............55

A- Bases juridiques de la mécanique camerounaise .....................................55

B- La structuration organique de la mécanique camerounaise 57

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ............60

DEUXIEME PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES, UN

EXERCICE COMPLEXE

CHAPITRE III : LES CONTRAINTES DE L'EXERCICE

SECTION I : LES CONTRAINTES D'ORDRE EXTRA-JURIDICTIONNEL

...61

.63

....63

Paragraphe I- Les contraintes internes aux Etats membres

.63

A- Les contraintes politiques et administratives

63

B- Les contraintes techniques

............64

 

Paragraphe II- Les contraintes externes aux Etats membres

.65

A- La pluralité des droits communautaires dans l'espace CEMAC

...65

B- Le concours inexistant de la Commission de la CEMAC

.66

 

1) En matière de soutient à l'application des normes communautaires

..67

2) En matière de contrôle de l'application des normes communautaires

.....................68

 

SECTION II : LA FAIBLE JURIDICTIONNALISATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

.........................................................................................................................................................70

Paragraphe I- Les contraintes au niveau de la CJC

71

A- Les textes communautaires

71

B- La contingence du contrôle de la CJC

.......................72

 

Paragraphe II- Les contraintes relatives aux juridictions nationales

.74

A- L'apathie du juge national à l'égard du droit communautaire

...74

B- La contingence du contrôle du juge national

75

 

107

CHAPITRE IV : LA TRANSPOSITION, UN EXERCICE EN VOIE D'AMELIORATION AU

REGARD DU TRAITE CEMAC REVISE ........................77

SECTION I : L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE : LE RECOURS EN

MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4 ....77

Paragraphe I- Présentation du recours en manquement d'Etat de l'article 4 78

A- La notion de manquement d'Etat 78

B- Les enjeux du recours en manquement d'Etat ...79

Paragraphe II- La procédure du recours en manquement . .80

A- L'action de constatation de manquement 80

1) La phase précontentieuse ..80

2) La phase contentieuse 81

B- L'arrêt de manquement ...82

SECTION II : LES IMPLICATIONS DU NOUVEAU MECANISME DE

CONTROLE .83

Paragraphe I- Les implications pour les Etats membres et la Commission de la

CEMAC 83

A- L'amélioration du mécanisme de transposition par les Etats membres ...........................83

B- Le renforcement des pouvoirs de contrôle de la Commission ...86

Paragraphe II- Les implications pour les instances juridictionnelles 89

A- le développement d'une jurisprudence spécifique et fondatrice pour la transposition des

directives CEMAC 89

B- La sanction des Etats membres .........................92

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE .94

CONCLUSION GENERALE ..95

BIBLIOGRAPHIE ..........98

TABLE DES MATIERES ..............105

108






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery