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Le rôle de l'Armée dans la pacification des nations. Cas de la RDC et du Rwanda

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par Dieu Merci BYANGOY
Université de Lubumbashi - Licence en relations internationales 2011
  

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CHAPITRE IV : DE L'ARMEE OUTIL DE GUERRE A L'ARMEE FACTEUR DE PAIX REGIONALE

Ce chapitre analyse différents points dont : Armée outil de guerre ; FRD et occupation de la RDC ; Armée facteur de paix régionale armée instrument de légitime défense (charte e l'ONU) ; armée instrument de maintien de la paix (dans le cadre de l'ONU, de l'UA, du Pacte sur la sécurité, la stabilité et développement de la région des grands lacs.

Rappelons ici que, la géopolitique, selon une définition du général français Pierre Maurice Gallois, enseigne les voies de la puissance ; elle étudie les relations qui existent entre la conduite d'une politique de puissance portée sur le plan international et le cadre géographique dans lequel elle s'exerce. Et la politique de puissance par excellence c'est la guerre, activité définie par le général Prussien Von Carl Clausewitz comme un conflit de grands intérêts réglé par le sang et comme l'opération militaire, l'exercice de la contrainte destinée à continuer la politique (de paix) par d'autres moyens. Et pour souligner l'importance de la relation de la guerre avec la politique, le Maréchal Montgomery écrit dans son histoire de la guerre que les conflits armés ont toujours affecté foncièrement, en bien ou en mal, les progrès de l'humanité dans tous les domaines ; le verdict des armes a constitué à tout moment le facteur décisif dans l'évolution historique sans être le seul bien entendu. Les guerres sont inhérentes à la nature humaine ; elle a toujours constitué un moyen d'arbitrage quand toutes les autres manières d'aboutir à un accord échouaient et que son jugement dépendait plus de la force que du droit. C'est pour cette raison que Nicolas Machiavel faisait aux princes le devoir de faire de l'art de la guerre, leur unique étude et leur seule occupation parce que l'existence et la grandeur d'un Etat n'étaient possibles que si le pouvoir militaire avait sa place propre dans le système politique, puisque une bonne organisation militaire demeure le fondement de tout Etat.

La géopolitique d'une guerre concerne donc l'analyse des intentions des acteurs ou la perception et la définition des menaces à contrer ou les ambitions à réaliser ; la mise en perspective dans la durée des intentions et de comportements (continuité, permanence, constantes, ruptures et changements) et surtout saisir comment ces intentions et comportements structurant la guerre s'inscrivent territorialement soit, l'impact sur la géographie des intentions ou opérations de guerre. Appliquée aux institutions de paix post-conflit, la géopolitique nous renseigne sur la qualité et la solidité des diplomaties et des politiques de défense en présence et surtout sur la certitude et l'efficacité institutionnelle du système de `gouvernance post-conflit.

Il convient ici de mentionner que deux conditions sont essentielles pour le succès d'une stratégie :

· connaître l'adversaire, ses forces, ses intentions, ses mouvements,

· bénéficier de la surprise.

C'est pour ces raisons que le renseignement est une fonction indispensable, un maillon incontournable de la stratégie, et que l'espionnage est « un des plus vieux métiers du monde ».

Tout stratège se préoccupe du moral de ses troupes et s'emploie aussi à agir sur l'esprit de l'adversaire, au niveau de ses dirigeants et de son opinion publique. Les manipulations de l'information, les ruses, les mensonges sont de « bonne guerre » s'ils permettent de tromper, d'intoxiquer, de dérouter l'ennemi.

La Stratégie militaire quant à elle, est un nom collectif pour projeter la conduite de guerre. Dérivé du Grec strategos, la stratégie a été vue comme « art de généralités". La stratégie militaire traite la planification et la conduite des campagnes, le mouvement et la disposition des forces, et la déception de l' ennemi. Le père de l'étude stratégique moderne, Karl Von Clausewitz, définit la stratégie militaire comme « emploi des batailles pour gagner la fin de la guerre. ». La stratégie militaire était une d'un trivium des « arts » ou des « sciences » qui régissent la conduite de la guerre ; les autres étant la tactique, l'exécution des plans et manoeuvre des forces dans la bataille, et logistique, l'entretien d'une armée. La ligne de frontière entre la stratégie et la tactique est brouillée et parfois la catégorisation d'une décision est une question d'opinion presque personnelle.

Stratégie et la tactique sont étroitement liées. Tous les deux traitent la distance, le temps et la force mais la stratégie est grande échelle tandis que la tactique est petite échelle. À l'origine on a compris que la stratégie régit le prélude à une bataille tandis que la tactique commandait son exécution. Cependant, dans guerres mondiales du 20ème siècle, la distinction entre la manoeuvre et la bataille, stratégie et tactique, sont devenues brouillées. L'art des stratégies définit les buts pour réaliser dans une campagne militaire, alors que la tactique définit les méthodes pour réaliser ces buts. Les buts stratégiques pourraient être « nous voulons conquérir le secteur X », ou « nous voulons arrêter l'expansion du y de pays dans le commerce mondial dans le produit Z » ; tandis que les décisions tactiques s'étendent de « nous allons faire ceci par une invasion navale du nord du pays X », « nous allons bloquer les ports du pays Y », toute manière vers le bas « peloton de C attaquerons tandis que le peloton de D fournit la couverture du feu ».

L'existence de l'espace territoriale rwandais a toujours constitué une préoccupation pour les dirigeants de cet Etat-cité. En conduisant la « guerre de libération » au Congo, le Rwanda ne cache pas ses visées expansionnistes. Il veut, par cette guerre, arriver à « l'organisation d'une conférence internationale pour redistribuer des terres des Grands Lacs, quitte à réviser les frontières, puisque avec une densité démographique de 265 habitants au km2, ce pays ne peut abriter tous les Hutus et les Tutsis devenus par Hasard des Rwandais »49(*) Le manque de terre justifie ainsi la participation du Rwanda à la guerre de libération du Congo. Le discours du chef de l'Etat rwandais prononcé à Cyangugu en octobre 1996 est explicite à ce sujet : « je voudrais dire, commence-t-il, à tous les rwandais éparpillés ici et là à l'étranger qu'à l'arrivé des Blancs au Rwanda (...) il s'étendait des Lacs Rweru et Cyohoha franchissant la chaîne   des volcans jusqu'au Lac Rusumo. Il s'étendait aussi de Rusumo jusqu'aux frontières du Buhunde et (...) Même la région appelée Bishugi et les autres situés actuellement au Zaïre, faisaient partie du Rwanda »50(*). Plus loin, le Chef de l'Etat rwandais considère les Banyamulenge comme leurs « congénères » et les territoires qu'ils habitent comme des espaces géographiques rwandais. Il invite les Banyamulenge à y demeurer, à rester donc « chez eux pour corriger et donner la leçon de savoir vivre à ceux là qui veulent les chasser »51(*)

Ce discours autorise-t-il à penser que le Rwanda cherche un redécoupage des frontières territoriales ?

Tout porte à répondre par affirmative dans la mesure où le 30 octobre 1996, la présidence de la République rwandaise diffusait un communiqué par lequel elle proposait la tenue d'une conférence de Berlin II qui rediscuterait des frontières africaines.52(*)

SECTION I. ARMÉE OUTIL DE GUERRE : ARMEE PATRIOTIQUE RWANDAISE ET OCCUPATION DE LA R.D.CONGO

Le Rwanda s'est principalement impliqué dans la guerre de libération au Congo pour des raisons liées à la sécurité nationale, à l'économie (en contre partie de l'appui que leur accorde le Rwanda dans la guerre de libération du Congo, les responsables de l'AFDL auraient pris l'engagement d'aider les autorités rwandaises à accéder aux richesses naturelles de la République Démocratique du Congo) ainsi qu'à une visée expansionniste.

Dans une interview accordée au Washington Post, le Général Kagame avait dit avoir planifié la marche de l'AFDL sur Kinshasa53(*). Pour lui, « les rebelles congolais ne jouent qu'un rôle d'appoint à un processus mené de bout en bout par le Rwanda »54(*) qui cherche à tout prix à « extirper du zaïre le reliquat des ex-forces armées rwandaises et des milices extrémistes hutus »55(*) tant que ceux-ci se servaient « de centaines de milliers de boucliers humains ». Le général rwandais confirme que son « plan de bataille était simple. Le premier était de démanteler les camps. Le second était de détruire la structure de l'armée hutu et des milices (Interahamwe) basés dans et autour des camps, soit en les contraignant à rentrer au Rwanda, soit à les combattre ou à les disperser. Le troisième but était plus large : abattre Mobutu »56(*). Paul Kagame avait pris cette grave décision à l'issue d'un voyage qu'il avait effectué aux États-Unis d'Amérique au mois d'août 1996. Au département d'Etat américain, il avait déclaré que « les camps des refugiés devraient être démantelés et que si les Etats- Unis ne s'en chargeaient pas, quelqu'un d'outre pourrait le faire » 57(*)

La sécurité nationale commandait une telle mesure quand on sait que des milliers des Hutus fuyant le Rwanda, à la suite de la victoire de l'APR sur les Hutus, s'étaient entassés dans des camps des réfugiés en RDC. Dans certains camps comme ceux de Panzi, Kashusha, Mugunga « qui abritaient surtout les réfugiés Hutus, les entrainements avaient continué, tous les jeunes en âge de porter les armes avaient été recrutés et formés en milices lesquels effectuaient des expéditions-commandos au Rwanda, dans le but d'éliminer les témoins gênants, des survivants Tutsis, ou à s'attaquer aux autorités communales qui avaient eu l'imprudence de collaborer avec le régime de Kigali »58(*). Les autorités de Kigali avaient une autre raison particulière d'en vouloir au régime de Mobutu. Celui-ci allié au Président Juvénal Habyarimana lui avait prêté main forte en octobre 1990, en lui envoyant un contingent de 500 hommes pour aider les F.A.R à repousser l'A.P.R

Le Rwanda mène une politique d'une rigidité et d'une fermeté impressionnante qu'il amène à garantir ses intérêts régionaux immédiats par les forces des armes en cela, elle mène une politique de puissance agressive. Par cette agressivité, le Rwanda entend instaurer un équilibre de forces à sa manière, pour ne pas avoir à subir la loi des autres.La priorité est faite à la sécurité. Celle-ci, en même temps qu'elle favorise une gestion durable du génocide de 1994, permet de faire face à la menace que constituent les bandes armée appelées « forces négative » d'idéologie génocidaire opérant au Burundi et en RDC Joseph MUTABOBA déclare à cet effet « qu'après tous les conflits que nous avons eus (...) la sécurité reste la priorité des priorités ». Sans doute ceci explique-t-il l'écart déjà comblé par le Rwanda en matière d'armement pour pouvoir compter sur la scène régionale et rendre vaine toute tentative d'agression ou de déstabilisation. En effet, l'armée rwandaise paraît être la plus redoutable de la région. Elle est dotée d'une impressionnante capacité de projection. Cette notion signifie qu'elle peut intervenir et employer une force adaptée à l'extérieur des frontières, incluant des hommes, système d'armes et logistiques à plusieurs milliers de Kilomètre dans un bref délai, avec la possibilité de la soutenir dans la durée, voire préparer le retour de la paix. Elle est également dotée de moyens de prévention (renseignements, alliances) extérieures et présentent un atout dissuasif qui protège le territoire national.

C'est de cet avantage offensif que provient l'orgueil dont le Rwanda se vante dans la région des Grands Lacs. Cela avait déjà été démontré lors de l'agression de la RDC de 1996 à 2003. Elle a constitué par la suite un puissant instrument de pression sur le gouvernement congolais, chaque fois que le Rwanda menaçait d'intervenir militairement en RDC depuis la transition, alors que le gouvernement congolais était accusé d'armer et de coopérer avec les FDLR, forces négatives menaçant en permanence l'intégrité territoriale du Rwanda. Face à la menace des forces négatives, le Rwanda conçoit le Kivu, en RDC, comme une zone tampon, sur laquelle importent ses problèmes d'insécurité, en créant une force de barrage qui permet d'assurer une sécurité relative à ses frontières. Il s'agit là d'un mécanisme subversif visant à créer une menace chez autrui pour assurer sa sécurité. C'est dans ce cadre que nous comprenons le soutien longtemps décrié du Rwanda, aux rébellions en RDC depuis 2004. De la guerre de 14 jours à Bukavu en 2004 à la dernière guerre du CNDP de NKUNDA que nous appelons « guerre du Kivu de 2004 à 2009, la main invisible du Rwanda a agi à travers ses intermédiaires congolais.

L'existence de cette alliance à toujours été à la base de sérieuses inquiétudes du côté rwandais, ce qui a expliqué cette fermeté du Rwanda à l'égard du Congo. Le poids de l'ingérence aurait été d'autant plus lourd en cas d'une éventuelle réconciliation du gouvernement rwandais avec les rebelles Hutus. Dans ces conditions, le Rwanda serait alors un gouvernement contrôlé. La meilleure solution donc serait d'inverser les rôles en concevant un mécanisme de pénétration du côté congolais. Cette dernière option concourt notamment à la volonté du Rwanda d'avoir des hommes de confiance dans le régime en place en RDC. L'intégration du CNDP au sein de l'armée et des institutions du pays verra cette dernière se réaliser.

§ 1. Armée facteur de paix régionale

Chaque Etat sérieux doit se doter d'une politique régionale, nous sous entendons ici son comportement, ses orientations, et ses options politiques, diplomatiques et stratégiques adoptées et appliquées une région spécifique.

La région des Grands Lacs africains, pour le rappeler, est une zone de guerre s'étendant de Luanda à Asmara, espace géopolitique compris entre l'océan Atlantique et l'océan Indien. Cet espace a connu cinq grandes crises, mieux six mais dont trois ont fait l'objet d'un processus régional de paix : la crise de l'Angola, du Burundi et de la RDC ; tandis que celles de l'Ouganda, du Rwanda et de l'Éthiopie-Érythrée ont connu une fortune différente.

Cinq de ses six crises avaient une origine interne, excepté celle de l'Éthiopie-Érythrée qui était une guerre internationale de dispute des frontières. Ces crises dues à l'instabilité politique interne ont eu un rebondissement régional. Trois de ces cinq crises ont fait l'objet d'un processus de paix avec implication de missions onusiennes de maintien de la paix ; seule la crise congolaise et celle du Burundi ont connu des processus de paix à dimension régionale : le processus d'Arusha pour le Burundi et celui de Lusaka pour la RDC. Ces deux processus auraient eu les mêmes faiblesses que celui de la crise angolaise ; soit, la difficulté vraiment de dominer la conjoncture et d'accoucher d'un changement de contexte et de solutions de paix durable et consensuelle. Dans tous ces cas l'objectif stratégique aura été de sauver la médiation ou la facilitation plutôt que d'aplanir les différends. La paix obtenue aura été souvent fragile et précaire ; elle n'est devenue durable en Angola par exemple que par la victoire militaire du MPLA sur l'Unita à la suite de la mort de Jonas Savimbi.

La quête régionale de paix et de stabilité dans la crise de la région des Grands Lacs en RDC aura eu ceci de particulier, l'incapacité des pays de la région de parvenir par la guerre à mettre en place un semblant d'ordre sécuritaire régionale ou de parvenir à un règlement général et global de la première guerre mondiale africaine au moyen d'une architecture régionale de sécurité et de stabilité engageant tous les intervenants externes. La guerre d'agression contre la RDC traitée comme une guerre civile internationalisée aboutit à un creux ou un vide stratégique là où avait existé l'ex-Zaïre comme pivot géopolitique de l'équilibre régional parce que la stabilité recherchée dans le cadre de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs manquait et manque aujourd'hui encore cruellement de supports nationaux et régionaux.

* 49 Jean- Claude WILLAME, « Laurent Désiré Kabila : les origines d'une anabase », in Politique Africaine, n° 72, 1998, p. 72.

* 50 Discours du Pasteur Bizimungu, ex- président de la République du Rwanda, prononcé à Cyangugu, le 10 octobre 1996 cité par Jean Claude Willame, les Banyarwanda...op.cit, p. 41

* 51 Idem

* 52 MULAMBA NGELEKA : « Alliances stratégiques et conflits armés dans la Région des Grands Lacs : op.cit

* 53 DIALOGUE, n° 201 Cité par Mulamba Ngeleka, Op.cit P. 321

* 54 Jean Claude Willame Op.cit p. 75

* 55 Frederic FRISTER, in Le Monde, 18 mars 1997, p.2

* 56 John POMFERT, « Rwanda led revolt in Congo» in Washington Post, 9 juillet 1997. P.127

* 57 Jean Claude Willame, Laurent Désiré. Op.cit

* 58 Colette BRAEKMAN et al. Kabila prend le pouvoir, Bruxelles, GRIP, 1998. P.98

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry