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L'exigence démocratique en droit international

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par Zied AYARI
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Droit international public 2012
  

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B- L'illégalité des changements inconstitutionnels des régimes démocratiques : une règle bien établie

Malgré les controverse de l'affaire haïtienne, dont certains ont soutenu que le fondement de l'intervention était le fait que la situation représentait une menace contre la paix et non pas les coups d'Etat (infra). Sauf que le Conseil de sécurité lui-même et surtout la plupart des Etats qui ont pris la parole en son sein ont insisté également sur l'objectif de la Communauté internationale, qui restait le rétablissement du gouvernement démocratiquement élu lors d'élections certifiées libres et honnêtes par l'Organisation elle-même389(*).

L'affaire de la Sierra Leone (supra) corrobore cette manière de voir. On relève tout d'abord que, le changement inconstitutionnel d'un gouvernement démocratiquement élu est déclaré illégal. A l'issue des débats du Conseil de sécurité tous les représentants ont employé un langage fort pour condamner le coup d'Etat. Ainsi, mis à part la déclaration du représentant chinois, qui s'est borné à affirmer que : « La situation en Sierra Leone n'est pas de celles qu'approuve la communauté internationale », le coup d'Etat a été qualifié « d'illégal », « d'inacceptable » ou d' « inadmissible »390(*). On rejoint le Professeur Sicilianos dans son affirmation : « Sans vouloir extrapoler, force est de constater que si l'on traduit en termes juridiques les déclarations prononcées devant le Conseil de sécurité, on peut en tirer la conclusion que la violation du principe de légitimité démocratique par voie de coup d'Etat constitue un fait internationalement illicite de la plus haute importance pour la communauté internationale, susceptible de déclencher l'« état du chapitre VII » de la Charte »391(*)

Lors de la même affaire les Etats africains ont condamné le changement inconstitutionnel du gouvernement de M. Kabbah avant même l'adoption de l'Acte constitutif de l'UA en 2000. En effet, sous l'égide de l'OUA il n'y avait aucune disposition condamnant les changements inconstitutionnels des régimes, ce qui confirme la thèse selon laquelle l'atteinte à la démocratie constitue désormais un fait internationalement illicite.

Malgré les critiques adressées à la réaction de l'ONU lors du coup d'Etat au Burundi en 1993 et en 1996. Pour le second, ça il y a eu de nouveau un coup d'Etat, mais comme l'a déclaré le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi : « il serait faux de croire que le coup d'Etat portait atteinte à un système démocratique digne de ce nom. »392(*).C'est ce qui explique la réaction plus au moins molle de l'ONU malgré qu'elle a condamné l'Etat en question.

On constate néanmoins, même dans cette affaire, que la violation du principe de légitimité démocratique et la rupture de l'ordre constitutionnel constituent des « actes illégaux ». Cette illégalité permet aux organes compétents de l'ONU d'exiger le rétablissement de la démocratie, d'adopter des recommandations, d'envoyer des missions d'enquête ou des rapporteurs spéciaux et de « prendre d'autres mesures du même ordre qui auraient probablement été qualifiées naguère d'ingérences incompatibles avec l'article 2 paragraphe 7 de la Charte »393(*).

La déclaration de l'ancien Secrétaire général de l'ONU M. Kofi Annan confirme la thèse de l'illicéité des coups d'Etats : « l'opinion selon laquelle les coups d'Etats dirigés par des juntes militaires contre des gouvernements démocratiquement élus sont inacceptables est devenu la norme »394(*).

Cela semble appuyer l'existence d'une règle coutumière395(*).En premier lieu cela témoigne d'un sentiment des Etats qu'il en va d'une obligation du droit des gens mais aussi parce que cela rend la pratique plus constante. C'est aussi ce qui confirme d'ailleurs la tendance à ne pas réclamer le rétablissement d'un gouvernement renversé par un coup d'Etat s'il n'était pas démocratique.

A ce titre le Professeur Jean d'Aspremont conclu que les coups d'Etat ne constituent pas en eux-mêmes un fait internationalement illicite et qu'ils sont en tant que tel interdits en droit international.

D'abord parce que l'on doute que l'on puisse un jour imputé un tel acte illicite à qui que ce soit, les auteurs du coup d'Etat n'agissent en effet pas en qualité d'organe de l'Etat. Plus fondamentalement, l'on voit mal comment réguler ce phénomène purement factuel qui échappe totalement au droit international et à ses sujets.

Il demeure que cette situation de fait, qui n'est pas elle même illicite, peut néanmoins générer un fait internationalement illicite : lorsqu'un coup d'Etat remet en cause le régime démocratique d'un Etat celui-ci engage sa responsabilité internationale « non pas parce que qu'un changement illicite de gouvernement lui serait imputable, mais parce que qu'il cesse de cette façon, de respecter l'obligation coutumière d'être démocratique »396(*).

Toutefois, certains mettent en garde contre une nouvelle forme de changements inconstitutionnels. A ce titre Juan Gabriel Tokatlian souligne que la destitution du président du Paraguay M. Fernando Lugo le 22 juin 2012, illustre l'avancée d'une nouvelle forme de coups d'Etat en Amérique Latine qu'on pourrait appeler de « néo putschisme ». Le coup d'Etat traditionnel passait par une intervention violente de l'armée. Ce « nouveau putschisme » est, dans les formes, moins virulent que l'ancien. Mené par des civils (avec un soutien implicite ou la connivence explicite des militaires), il maintient un semblant de respect des institutions, n'implique pas nécessairement une puissance étrangère et prétend, au moins dans un premier temps, faire sortir le pays d'une impasse sociale ou politique. La succession récente de ces nouveaux coups d'Etat est révélatrice : destitution «légale« de Jamil Mahuad en Equateur (2000) ; renversement «institutionnel« d'Hugo Chavez au Venezuela (2002) ; «sortie« forcée de Jean-Bertrand Aristide à Haiti (2004) ; remplacement «constitutionnel« de Manuel Zelaya au Honduras (2009) ; enfin tentative de coup d'Etat policier contre Rafael Correa (2010). La destitution de Fernando Lugo pour incompétence dans l'exercice de ses fonctions s'inscrit dans s'inscrit dans cette dynamique. Ces coups d'Etat d'un nouveau genre correspondent à des situations nationales spécifiques, mais ils ont en commun les arguments invoqués par les putschistes : vide du pouvoir préoccupant, tendance autoritaire du président, crise politique auto-infligée, ambition présidentielle démesurée (...). Dans la plupart des cas, le rôle du Parlement est décisif et l'on invoque la Constitution, prise à la lettre, pour conférer une légitimité. Ainsi, au Paraguay, le pouvoir législatif a agi conformément à l'article 225 : la Chambre des députés accuse et le Sénat juge, respectivement à la majorité des deux tiers. En revanche, il n'est pas possible que ce genre de « procès politique », soit prononcé, sans droits de la défense, sans preuves et sans débat public397(*).

Le problème est plus accrue quant il s'agit d'établir la responsabilité de l'Etat pour absence de démocratie.

* 389SICILIANOS (L-A), « L'ONU et la démocratisation de l'Etat : systèmes régionaux et ordre universel », op cit., p. 215

* 390Ibid., p. 205

* 391Ibid., p. 206

* 392 Doc. A/51/459, par. 28.

* 393SICILIANOS (L-A), « L'ONU et la démocratisation de l'Etat : systèmes régionaux et ordre universel », op cit., p. 187.

* 394 Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'Organisation, doc. A/52/1, 3 septembre 1997, par. 37.

* 395SICILIANOS (L-A), « L'ONU et la démocratisation de l'Etat : systèmes régionaux et ordre universel », op cit., p. 213.

* 396 D'ASPREMONT (J), « La licéité des coups d'Etats en droit international », in l'Etat de droit en droit international, SFDI, Paris, Pedone, 2009, pp. 131-141

* 397TOKATLIAN (J-G), La Nación, Buenos Aires, in Courrier international, n°1133, du 19-25 juillet 2012, p. 25.

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