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Les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè

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par SIDI BARRY
Ecole nationale d'administration et de magistrature (ENAM) - Conseiller en gestion des ressources humaines (GRH) 2010
  

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INTRODUCTION

Considérée par les uns comme la plaie des sociétés modernes, par d'autres comme le monstre de l'hydre de Lerne dont les têtes se multiplient au fur et à mesure qu'on les coupe, la corruption est un phénomène mondial qui frappe particulièrement les pays en voie de développement. Elle a fait l'objet de plusieurs définitions.

En effet, dans sa première acception, le terme corruption provient du latin Corruptio qui se définit comme une altération du jugement, du goût, du langage. Elle est perçue comme une sorte de dépravation, un avilissement, une déformation.

La convention des Nations Unies1(*) définit la corruption comme : «le fait de commettre ou d'inciter à commettre des actes qui constituent un exercice abusif d'une fonction (ou un abus d'autorité), y compris par omission, dans l'attente d'un avantage, directement ou indirectement promis, offert ou sollicité, ou à la suite de l'acceptation d'un avantage directement accordé, à titre personnel ou pour un tiers.»

Et selon l'article 156 du code pénal burkinabè, «la corruption est le fait d'agréer des offres ou promesses, de recevoir des dons ou présents, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, même juste mais non sujet à salaire».

La corruption est aussi considérée comme l'utilisation d'une charge publique ou privée pour un profit personnel dans l'inobservation des règles d'éthique ou de la morale.

Ainsi, l'on pourrait dire que l'acte de corruption dans un sens plus large concerne tout moyen de pression financier, moral, matériel, physique consistant à obtenir d'une autorité chargée de la gestion de la chose publique, l'accomplissement d'un acte de son emploi, ou une abstention.

Selon un rapport de la Banque Mondiale (1998), «la corruption a des effets délétères et souvent ravageurs sur le fonctionnement de l'administration ainsi que sur le développement économique et politique». Cette conclusion des experts de la Banque Mondiale lève un coin de voile sur la crise de la gouvernance et du développement qui sévit en Afrique.

En effet, au lendemain des indépendances, les pays Africains n'ont pas réussi à promouvoir une administration publique dépersonnalisée, capable de conduire efficacement le développement. Cette crise du développement ayant conduit à la désarticulation de l'action publique a entraîné une faiblesse structurelle des institutions nationales et une incapacité des pouvoirs publics à exercer un contrôle rigoureux sur les actes des agents de la fonction publique et des acteurs de la société. Ces dysfonctionnements favorisés par des facteurs internes et externes vont entraîner l'apparition de nids de corruption dans tous les secteurs de nos administrations publiques, alimentés par des dirigeants qui s'adonnent à coeur joie à la prédation des ressources publiques.

Pour Marc Ela2(*)« Les interférences entre les relations et les structures de lignages, les modes d'organisation sociale correspondant aux sociétés ancestrales et le nouvel espace social creé par l'avènement de l'Etat, caractérisent la complexité de l'univers bureaucratique où il n'est pas évident que le concept de la chose publique et du service public ait été intériorisé par la plupart des agents de l'Etat dont l'imaginaire reste sous le contrôle des manières de penser, d'agir et de sentir imposés par les processus de socialisation qui enracinent les fonctionnaires dans l'espace du village ou de l'ethnique ».

Selon Ela, pour comprendre la faillite de l'administration et l'ancrage de la corruption, il est nécessaire de restituer la gestion des services publics dans son environnement socio-culturel. En effet, nos administrations en Afrique, calquées sur le modèle colonial, est le produit d'une histoire et entretient d'étroits liens avec notre environnement politique, social et économique. Il faudra donc identifier au sein de ces administrations les blocages, les incohérences et les désajustements qui servent de terreau aux pratiques de corruption.

Ainsi, au Burkina Faso, depuis plusieurs années, de nombreuses études ont relevé la progression et l'ancrage du phénomène de la corruption dans la société et particulièrement dans l'administration publique. Selon l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso3(*), «De nombreux Burkinabè estiment qu'aujourd'hui tout se monnaie, tout se négocie. De manière générale, les pratiques les plus courantes sont les pots de vin, les rackets, les détournements de biens ou de fonds publics ainsi que d'autres types d'abus qui sont notamment les fraudes et les malversations à des fins d'enrichissement personnel. Ce qui est inquiétant, c'est la banalisation du phénomène de la corruption qui tend à devenir une pratique normale. C'est du moins le sentiment qui se dégage, du fait que la corruption persiste et se développe, malgré les multiples dénonciations dont la presse nationale et la société civile notamment ne cessent de se faire l'écho».

En effet, citoyens, parlementaires, gouvernants, opérateurs économiques, société civile et presse ne ratent aucune tribune pour dénoncer le danger que la corruption fait planer sur nos institutions et l'avenir de notre pays.

Notons qu'au Burkina, la volonté politique de lutter contre la corruption reste sans doute étroitement associée à la période révolutionnaire (1983-1987). Le changement d'appellation du nom du pays en Burkina Faso qui signifie «pays des hommes intègres» en disait long sur la volonté des dirigeants de lutter contre ce fléau. Elle s'exprimera à travers la mise en place des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) et la création d'une Commission du Peuple chargée de la prévention de la corruption avec comme particularité la déclaration des biens des hauts responsables du pays dont le chef de l'Etat. Il faut reconnaître que plus que l'application du droit, l'efficacité de ces TPR reposait parfois sur la crainte inspirée et sur la délation.

Après la période d'exception et le passage progressif à l'Etat de droit, on assiste à l'émergence de plusieurs structures de lutte contre la corruption à l'image du Réseau National de Lutte contre la Corruption (RENLAC) et la mise en place de plusieurs institutions de lutte contre la corruption par l'Etat ( l'Autorité Supérieure de Contrôle de l'Etat (ASCE), la Cour des Comptes etc. ) sont autant d'éléments qui révèlent l'ampleur et la persistance de ce phénomène.

Cependant, nous aborderons dans la présente étude les faits de corruption dans notre administration sous le rapport d'un complexe de corruption. En effet, selon Olivier de SARDAN, le complexe de corruption se définit comme : «un ensemble de pratiques illicites, techniquement distinctes de la corruption mais qui ont toutes en commun d'être associées à des fonctions étatiques, paraétatiques ou bureaucratiques, d'être en contradiction avec l'éthique du « bien public » ou « du service public », de permettre des formes illégales d'enrichissement, et d'user et d'abuser à cet effet de pouvoir». (De SARDAN, 1998)

Et toujours selon l'auteur4(*), «la corruption (c'est-à-dire le `'complexe de corruption'') est devenue, dans la quasi-totalité des pays africains, un élément routinier du fonctionnement des appareils administratifs ou para-administratifs, du sommet à la base. A ce titre, la corruption n'est ni marginale, ni sectorisalisée, ni réprimée, elle est généralisée et banalisée».

L'avantage de cette définition permet l'identification de toutes les pratiques illégitimes qui permettent à un agent ou un usager de bénéficier d'avantages indus au détriment de la collectivité. En outre, elle permet d'appréhender la corruption sous les différentes formes qu'elle revêt, qu'il s'agisse du rançonnement des usagers, de pots de vin, de détournements de deniers publics etc.

Aussi, cette approche stratégique nous permettra de combiner l'approche durkheimienne des faits sociaux afin de relever les facteurs sociaux, c'est-à-dire les stratégies de contournement et les logiques des acteurs.

Par ailleurs, cette approche nous permet de décrire et d'analyser les atouts et les ressources des acteurs qui leur permet de rompre avec l'éthique administrative et de `'détourner'' le fonctionnement de l'administration de sa mission (mobiliser les ressources à des fins de développement) à des fins privatives.

Ainsi, pour Olivier De SARDAN : «Dans tous les cas, les acteurs sociaux concernés ont, face aux ressources, opportunités et contraintes que constituent un dispositif et ses interactions avec son environnement, des comportements variés contrastés, parfois contradictoires qui renvoient non seulement à des options individuelles mais aussi à des intérêts différents, à des normes d'évaluation différentes à des positions « objectives » différentes ». (De SARDAN 1995).

Enfin, cette perspective mérite d'être mise en rapport avec celle de CROZIER5(*) qui estime que les acteurs ne sont pas totalement démunis face à un système, une règle ou une norme. Selon lui, ces derniers disposent toujours d'atouts, d'une marge de manoeuvre aussi petite soit-elle leur permettant de développer des stratégies de contournement des règles de fonctionnement de l'organisation.

Pour CROZIER, les acteurs disposent de ressources de pouvoirs inégales et déséquilibrés mais jamais ou presque jamais totalement démunis et même les moins favorisés ont au moins «la capacité, non pas théorique mais réelle, de ne pas faire ce qu'on attend d'eux ou de le faire différemment». (CROZIER, 1977)

Donc, le concept de stratégie occupe une place de choix dans cette étude en ce sens qu'il permet d'analyser la capacité stratégique des acteurs de la corruption et leur rapport avec les règles et normes officielles en matière de fonctionnement de l'administration.

La corruption est un fléau qui sape les fondements de la société et porte atteinte à la morale, à la démocratie, à la bonne conduite des affaires publiques et à l'Etat de droit. Alors, comment peut-on combattre efficacement ce serpent de mer qu'est la corruption sans en comprendre les manifestations dans notre société et dans notre administration publique ?

Pour éclairer le phénomène de la corruption dans l'administration publique au Burkina, il apparaît difficile d'ignorer les enjeux connexes, c'est-à-dire ceux sociaux, politiques, économiques, religieux et culturels qui déterminent les motivations et les pratiques des acteurs de la corruption.

Notons que la corruption n'est ni un fait social, ni un fait culturel, mais qu'elle est simplement un fait de société qui s'est inséré dans des codes sociaux. Autrement dit, il existe des logiques sociales et politiques qui servent de terreau à la corruption. C'est pourquoi, l'étude de la corruption dans l'administration publique au Burkina Faso est indissociable des mécanismes sociaux et politiques qui sous-tendent, influencent les actions des acteurs et favorisent ce phénomène.

Ainsi, à travers le thème intitulé : «Les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè», nous proposons d'analyser les mécanismes, les logiques sociales et politiques qui sont au coeur du phénomène de la corruption dans l'administration publique burkinabè.

Pour y parvenir, notre réflexion s'articulera autour des questions suivantes : Quels sont les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè ? Mieux, quels sont les logiques sociales et politiques qui favorisent la corruption dans l'administration publique burkinabè ?

L'objectif de cette étude est de comprendre et de maîtriser les logiques sociales et politiques qui déterminent la corruption dans l'administration publique burkinabè.

Par ailleurs, une analyse sur ce thème aura pour intérêt d'apporter un éclairage sur les jeux des acteurs et les enjeux des pratiques corruptrices dans l'administration. Les résultats de nos investigations pourraient servir d'outil de référence aux décideurs, aux responsables de l'administration pour mieux cerner la corruption et mieux la combattre.

Aussi, le choix de ce thème a été motivé par le fait que la corruption est un phénomène qui est d'actualité et qui prend de l'ampleur. Ce fléau qualifié de «Sida» des sociétés modernes, gangrène tous les secteurs de la société burkinabè notamment celui de l'administration publique. Et ce phénomène dont tout le monde s'accorde à dire qu'il s'installe durablement dans notre administration comme une hydre qui développe ses tentacules, si on n'y prend garde menace le développement et la paix sociale du pays.

Du reste, même si la corruption est connue de tous, elle a été peu étudiée dans ses contours socio-anthropologiques dans l'administration publique burkinabè. Il s'agira pour nous de porter un regard sociologique sur les manifestations et la dynamique de la corruption dans l'administration publique.

Donc, la lutte contre la corruption devrait porter sur les aspects ignorés ou non encore élucidés, en l'occurrence les comportements et les logiques des «agents de la corruption» qui s'appuient sur le contexte socio-politique et développent des stratégies pour que cette pratique perdure. Tous ces faits ont suscité notre intérêt pour ce phénomène social assez complexe et controversé.

Quelques hypothèses permettront de mener et d'exploiter la perspective ainsi envisagée.

Hypothèse principale : Le contexte socio-politique est un facteur déterminant de la corruption dans l'administration publique burkinabè.

- Hypothèse secondaire 1 : Le délitement des valeurs morales, les faibles revenus des agents, et l'enchâssement des pratiques socio-culturelles dans le fonctionnement de l'administration favorisent l'émergence de la corruption dans l'administration.

- Hypothèse secondaire 2 : L'impunité, la politisation de l'administration, les dysfonctionnements de l'administration, et l'inefficacité du dispositif de lutte contre la corruption sont autant de raisons qui sous-tendent et favorisent la corruption dans l'administration publique burkinabè.

Après quelques précisions sur le cadre théorique et conceptuel, il nous appartient de définir une approche méthodologique susceptible d'aider à aborder objectivement ce thème.

Ainsi, notre démarche méthodologique dans le cadre de cette étude qui se veut qualitative repose essentiellement sur une recherche documentaire (ouvrages généraux et spécifiques sur la corruption, mémoires de fin d'étude, rapports, articles de presse et textes régissant les institutions de lutte contre la corruption.

Ensuite, des guides d'entretien constitués de questions ouvertes portant sur la corruption et ses manifestations dans l'administration ont été adressés aux agents des services publics, aux usagers et à plusieurs personnes ressources.

La collecte des données s'est déroulée dans la ville de Ouagadougou qui regroupe le gros des services publics et tous les Ministères de l'administration publique.

Les difficultés rencontrées dans le cadre de la présente étude résident dans l'absence d'écrits sociologiques sur la corruption, de l'indisponibilité des enquêtés, des cas de refus et des réticences de quelques personnes à aborder un sujet jugé ''sensible''. A toutes ces difficultés s'ajoutent celle relative au caractère trop vaste de notre champ d'étude (l'administration publique) qui pose le problème de sa circonscription dans le temps et dans l'espace.

Enfin, les données qualitatives collectées sur le terrain ont été dépouillées manuellement. Et l'analyse de ces données a consisté à décrire, à catégoriser les données et à les analyser en rapport avec les objectifs et les hypothèses de l'étude.

* 1 Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain- Burkina Faso-2003 PNUD, p2.

* 2 Jean Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l'Afrique Noire, Les défis du « monde d'en-bas », Paris, l'harmattan, 1998, p 290

* 3 Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'Appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p19

* 4 Jean Pierre Olivier De SARDAN : L'économie morale de la corruption en Afrique, Politique Africaine, n° 63, Octobre 1996

* 5 Michel CROZIER, Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, 498 p.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon