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Aspects juridiques de la contractualisation agile

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par Camille Planat
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies 2012
  

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2.2. Le contrat de société

Si l'on considère cette volonté de collaboration comme essentielle cela la rapproche de la notion d'affectio societatis. Une fois les principes agiles bien assimilés il est plutôt aisé de concevoir ce glissement de collaboration à association (ou société). Mais dès que l'on prend connaissance de quelques clauses qui se retrouvent régulièrement dans les contrats agiles, on voit clairement que certaines impliquent d'une part le partage du risque (acceptation d'une variabilité de la complexité des livrables), et d'autre part le partage des gains et des pertes (écart entre valeur évaluée et valeur produite, ou encore écart entre délai estimé et délai effectif, toujours à propos des livrables). Nous examinerons davantage ces clauses dans la seconde partie, lors de la rédaction du contrat agile.

Dans ce cas pourquoi ne pas considérer que nous sommes en présence d'un contrat de société ? Le contrat de société est défini dans le code civil à l'article 1832 :

« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.

Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »

On a donc plusieurs critères :

La composition : « un ou des associés, », ce critère est satisfait par la présence des parties ;

Les apports : « qui affectent leurs biens ou leur industrie, », le prestataire apporte ses compétences et son travail tandis que le client apporte des fonds ;

La volonté de collaboration active, volontaire et intéressée (ou affectio societatis) : « à une entreprise commune, », ce critère peut être satisfait comme nous l'avons expliqué plus haut, il n'est cependant pas indispensable selon les adeptes du courant objectiviste. M. Viandier estime que l'affectio societatis est un critère psychologique qui se satisfait lui-même : il y a une société parce que les associés se comportent comme tel, il y a une société parce qu'il y a une société. Il a affirmé qu'il faudrait distinguer les associés et les simples investisseurs, ces derniers plaçant de l'argent dans la société mais n'entendant pas collaborer à sa vie14.

L'objet social : « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. », cet objet pourrait être « concevoir un logiciel », « collaborer à la conception d'un logiciel », ou encore « profiter de l'économie réalisée à l'occasion du développement d'un logiciel de façon collaborative ». Pour éviter une requalification au motif d'une inégalité entre les parties, il serait bon d'organiser un transfert équitable de la propriété du logiciel. Par exemple le prestataire pourrait conserver le droit d'exploiter les codes sources selon certaines modalités, cela semble

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14 Alain VIANDIER, La notion d'associé, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1978, 314 pages

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être un minimum. Dans la même optique, le pouvoir de décision devra être partagé entre les associés.

La participation aux résultats : « Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. », celle-ci peut résulter de clauses conduisant à un partage du risque (clause de partage des gains et pertes, clause gagnant-gagnant,...), néanmoins la Cour de cassation a pu rappeler le principe selon lequel « la participation aux pertes manifestant l'existence d'une société peut résulter des conséquences de l'exécution du contrat et non uniquement des stipulations de celui-ci »15. Dans la même décision elle affirme « que l'affectio societatis peut découler de la volonté de participer aux bénéfices et aux pertes dans une entreprise commune ». Encore faudrait-il que l'on puisse considérer les conséquences envisageables d'un contrat comme relevant d'une réelle volonté. Pour cela, un référentiel fiable semble requis, pour rappel les méthodes agiles valorisent « Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils »16.

En outre on peut déduire de ces critères un principe d'égalité, lequel est régulièrement rappelé en jurisprudence, y compris par le Conseil constitutionnel17. Ce principe signifie que doit exister une égalité des parts ou des actions et que doivent être évitées ou sanctionnées toutes les inégalités qui ne prendraient pas directement leur source dans l'intérêt commun ou dans un usage légitime du pouvoir résultant des parts détenues.

La douzième chambre, deuxième section de la Cour d'appel de Versailles a fait application de ces critères le 4 mars 1999 à l'occasion d'un litige portant sur la création d'un logiciel spécifique. Le prestataire n'avait pas été à même d'élaborer le logiciel commandé dans un délai convenable et avait livré des éléments disparates dénués de toute

15 Cass. Com. 19 nov. 2002, n° 99-14.919

16 Manifeste agile, op. cit., p5

17 Cons. const., 16 janv. 1982, no 81-132 DC, Rev. sociétés 1982, p. 132, note J. G. ; Cons. const., 7 janv. 1988, no 87-232, Rev. sociétés 1988, p. 229, note Guyon ; T. com. Lyon, 5e ch., 7 déc. 1993 : Juris-Data n° 042218

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performance. Le client, mécontent, demandait la résolution judiciaire de la convention pour manquements par le prestataire à son obligation de délivrance.

Pour se défendre, le fournisseur arguait que s'il était tenu de certaines obligations pour sa part, le client était tenu d'une obligation de collaboration, de sorte que le contrat devait être qualifié de contrat de société, société en participation, et, dès lors, inclure une certaine forme d'aléa. Le tribunal saisi ne suivit pas le prestataire dans cette tentative et décida que la simple collaboration résultant d'une convention de prestation de services ne permettait nullement de dire qu'il y avait eu création d'une société en participation.

Le prestataire ne rapportant pas la preuve de l'affectio societatis, des apports et de la volonté de partager les bénéfices et les pertes, il n'y avait pas eu de volonté de se comporter de part et d'autre sur un pied d'égalité. La résolution fut alors prononcée aux torts du fournisseur.

Si l'on s'oriente vers une qualification en contrat de société il faudra alors prendre soin de bien respecter les critères nécessaires. S'agissant de la forme juridique, c'est la société en participation qui semble la meilleure alternative au contrat d'entreprise pour notre projet agile. L'intérêt de la société en participation est qu'elle n'a pas à être immatriculée, qu'elle n'a pas la personnalité morale ni de patrimoine propre. Elle n'est pas non plus soumise à publicité. Les sociétés en participation peuvent être civiles ou commerciales, selon leur objet.

En outre c'est cette qualification qui semble être la plus intéressante d'un point de vue fiscal, aspect qui mériterait à lui seul de faire l'objet d'une étude. Utiliser la procédure de rescrit pour s'assurer ou non de la licéité du montage pourrait en constituer le préalable. Notons que lorsque le contribuable pénètre la sphère de l'abus de droit, le délai de réponse de l'administration passe de trois à six mois en vertu de l'article L64 B du livre des procédures fiscales (ci-après « LPF »). Pour se rassurer on peut se rappeler que le principe

d'autonomie du droit fiscal par rapport au droit privé n'a qu'une portée limitée18. La société devra néanmoins être déclarée à l'administration fiscale. En effet, celle-ci peut, sans invoquer même implicitement la procédure de répression des abus de droit, écarter comme ne lui étant pas opposable une convention de société en participation à laquelle les parties ont entendu conserver un caractère occulte19. C'est-à-dire qu'à défaut de déclaration le contribuable ne pourra pas solliciter l'avis du comité de l'abus de droit fiscal pour contester la position de l'administration, comme cela est normalement prévu à l'article L64 du LPF.

Puisqu'il s'agit de fiscalité, on peut évoquer le fait que le développement logiciel peut dans certains cas être une activité éligible au crédit d'impôt recherche.20

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18 M. Cozian, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, op. cit., doc. n° 1, p. 6, n° 6 : "Propos désobligeants sur une tarte à la crème : l'autonomie et le réalisme du droit fiscal"

19 CE 29 janvier 2003 n° 233373, 8e et 3e s.-s., SNC Cidal, concl. G. Bachelier, BDCF 4/03 n° 53

20 4 A-1-00 BOI n°27 du 8 FEVRIER 2000 ; 274 A-3-12 BOI n° 19 du 23 février 2012

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